38
Au contraire, l’altération de sa compétence se fait à son insu et engendre le plus souvent des
atteintes à ses propres intérêts et à ceux de ses citoyens.
Le fait que cette technologie soit le monopole de quelques grandes nations, et principalement
celui des Etats Unis semble porter un coût décisif au principe d’égalité souveraine des Etats.
Certes cette égalité subsiste dans la sphère juridique, l’Etat reste seul maître des traités qu’il
signe et ne peut se voire imposer des décision par un autre Etat. Mais, en pratique cette égalité
n’existe pas, puisque l’Etat en tant qu’acteur de la scène international, devient totalement
transparent et donc vulnérable. Ensuite, car il ne peut plus garantir la protection des libertés
constitutionnelles octroyées à ces citoyens.
Echelon semble alors matérialiser les propos de Marcel Merle : " il faut commencer par
détruire un mythe forgé par les juristes (et inscrit aujourd'hui encore dans la Charte des
Nations-Unies) : celui de l'" égalité souveraine " des États entre eux. Ce mythe a pour effet de
masquer les inégalités de toutes sortes, mais aussi les différences de nature et de rôle qui
existent entre les États. Il ne s'agit pas, en effet, de simples contrastes de taille et de puissance,
mais aussi de place dans l'échelle des générations, il y a des États " vieux " et d'autres
"jeunes", de fonction dans la société et de conception du pouvoir. " 62
Le constat qui s’impose est que la réciprocité des droits et des avantages, principal implication
du principe d’égalité souveraine, n’est pas assurée dans le cyberespace. A l’heure de
l’avènement de la société de l’information les conséquences en sont encore plus
dommageable pour les Etats victimes de cette inégalité.
On peut même avancer que cette inégalité est présente au sein de l’accord UKUSA, puisque
les différents Etats membres n’ont pas un égal accès aux informations qui sont collectées, les
Etats Unis assurant le tri et la redistribution de l’information. Cet aspect est notamment mis en
lumière par les questions des parlementaires anglais adressées à leur gouvernement : Le 6
avril 1998, Norman Baker: " Quel mécanisme est en place pour garantir que l’information
glanée des interceptions des télécommunications par les forces américaines à Menwith Hill
n’est pas utilisée de manière préjudiciable aux intérêts du Royaume-Uni ? "
Réponse du Ministre des Forces Armées : " Du personnel anglais est intégré à chaque niveau
de Menwith Hill et nous pouvons donc être confiant dans le fait qu’aucune activité
préjudiciable aux intérêts du Royaume-Uni ne se déroule là-bas. "
On pourra répondre au ministre des force armée qu’il ne s’agit pas d’une garantie suffisante,
au regard de la perte par Airbus industrie d’un contrat d’une valeur de 6 milliards de dollars
au profit de Mac-Donnell Douglas 63 . Le Royaume Uni faisant partie du consortium Air bus,
les informations collectées par Echelon et ayant permis à la firme américaine de gagner le
marché, ont directement servies à porter atteinte à ses intérêts.
La remise en cause de l’acception traditionnelle de souveraineté est évidente s’agissant du
cyberespace, et des flux de données en général, il s’agit maintenant d’apprécier les réponses
qui peuvent être apportées.
- Vers une nouvelle souveraineté à définir
62 Un système international sans territoire ?, Marcel Merle, http://www.conflits.org/Numeros/20merle.html 63 Il s’agissait d’un contrat avec l’Arabie Saoudite portant sur des avions de ligne en 1995, Duncan Campbell,
Surveillance Electronique Planétaire, édition ALLIA, p98 / 99
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Au contraire, l’altération de sa compétence se fait à son insu et engendre le plus souvent des
atteintes à ses propres intérêts et à ceux de ses citoyens.
Le fait que cette technologie soit le monopole de quelques grandes nations, et principalement
celui des Etats Unis semble porter un coût décisif au principe d’égalité souveraine des Etats.
Certes cette égalité subsiste dans la sphère juridique, l’Etat reste seul maître des traités qu’il
signe et ne peut se voire imposer des décision par un autre Etat. Mais, en pratique cette égalité
n’existe pas, puisque l’Etat en tant qu’acteur de la scène international, devient totalement
transparent et donc vulnérable. Ensuite, car il ne peut plus garantir la protection des libertés
constitutionnelles octroyées à ces citoyens.
Echelon semble alors matérialiser les propos de Marcel Merle : " il faut commencer par
détruire un mythe forgé par les juristes (et inscrit aujourd'hui encore dans la Charte des
Nations-Unies) : celui de l'" égalité souveraine " des États entre eux. Ce mythe a pour effet de
masquer les inégalités de toutes sortes, mais aussi les différences de nature et de rôle qui
existent entre les États. Il ne s'agit pas, en effet, de simples contrastes de taille et de puissance,
mais aussi de place dans l'échelle des générations, il y a des États " vieux " et d'autres
"jeunes", de fonction dans la société et de conception du pouvoir. " 62
Le constat qui s’impose est que la réciprocité des droits et des avantages, principal implication
du principe d’égalité souveraine, n’est pas assurée dans le cyberespace. A l’heure de
l’avènement de la société de l’information les conséquences en sont encore plus
dommageable pour les Etats victimes de cette inégalité.
On peut même avancer que cette inégalité est présente au sein de l’accord UKUSA, puisque
les différents Etats membres n’ont pas un égal accès aux informations qui sont collectées, les
Etats Unis assurant le tri et la redistribution de l’information. Cet aspect est notamment mis en
lumière par les questions des parlementaires anglais adressées à leur gouvernement : Le 6
avril 1998, Norman Baker: " Quel mécanisme est en place pour garantir que l’information
glanée des interceptions des télécommunications par les forces américaines à Menwith Hill
n’est pas utilisée de manière préjudiciable aux intérêts du Royaume-Uni ? "
Réponse du Ministre des Forces Armées : " Du personnel anglais est intégré à chaque niveau
de Menwith Hill et nous pouvons donc être confiant dans le fait qu’aucune activité
préjudiciable aux intérêts du Royaume-Uni ne se déroule là-bas. "
On pourra répondre au ministre des force armée qu’il ne s’agit pas d’une garantie suffisante,
au regard de la perte par Airbus industrie d’un contrat d’une valeur de 6 milliards de dollars
au profit de Mac-Donnell Douglas 63 . Le Royaume Uni faisant partie du consortium Air bus,
les informations collectées par Echelon et ayant permis à la firme américaine de gagner le
marché, ont directement servies à porter atteinte à ses intérêts.
La remise en cause de l’acception traditionnelle de souveraineté est évidente s’agissant du
cyberespace, et des flux de données en général, il s’agit maintenant d’apprécier les réponses
qui peuvent être apportées.
- Vers une nouvelle souveraineté à définir
62 Un système international sans territoire ?, Marcel Merle, http://www.conflits.org/Numeros/20merle.html 63 Il s’agissait d’un contrat avec l’Arabie Saoudite portant sur des avions de ligne en 1995, Duncan Campbell,
Surveillance Electronique Planétaire, édition ALLIA, p98 / 99
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Nous confronterons la compétence territoriale des Etats ( qui s’exerce dans le cadre de la
souveraineté territoriale, première conception de la notion de souveraineté telle qu’elle est
présentée dans l’arrêt Lotus de la Cour Permanente de Justice de La Haye 64 ) au fait que les
interceptions dans le cadre d’ Echelon sont une activité spatialement incoercible.
Rappelons tout d’abord que COMINT et SIGINT ne nécessite pas de violer l’espace territorial
des pays visés, car une grande partie des interceptions se fait par captation des messages
transitant par satellites 65 et que 40 % du trafic mondial des télécommunications hors Etats-Unis
passent par les Etats-Unis et leurs réseaux 66 . Cette dépendance technologique leur
facilitant le travail.
Ainsi, les interceptions s’effectuent la plupart du temps sans violer le territoire du pays cible,
le recours à la notion de territoire pour garantir la souveraineté de l’Etat et sa compétence
exclusive sur ce qui y transite n’est pas pertinent s’agissant des informations qui circulent
dans un espace virtuel. Illustration parfaite des propos de Marcel Merle 67 , selon lesquelle " le
territoire est de plus en plus dévalorisé comme symbole de la souveraineté, comme
" attribut " de l’Etat-nation … ".
Emettons l’hypothèse que l’interception soit effectuée sur le territoire national, en France elle
tomberait sous le coup de l’article 411-6 du Code pénal, visant les délits de trahison et
d’espionnage. La personne physique ou morale se rendant coupable de cet acte se verrait
condamnée immédiatement, on pense notamment aux opérateurs et fournisseurs d’accès
servant de relais à la NSA. La compétence de l’Etat sur son territoire en matière
d’interception existe toujours à condition de la présence physique sur le territoire de son
auteur.
Mais comme on l’a vu la grande majorité des interceptions s’effectuent en dehors de l’espace
territoriale, dès lors quelle solution se présente à l’Etat pour préserver ses compétences et
quelles évolutions du droit international public doivent avoir lieu pour l’y aider ?
On se reportera inévitablement aux travaux de Rolando Quadri, dans le cours qu'il dispensa en
1959 à l'Académie de Droit International de la Haye, sur le Droit International Cosmique, et
dont Jean-Jacques Lavenue 68 fait l’analyse suivante : " la notion de souveraineté territoriale,
élément essentiel de l'ordonnancement juridique international, ne pouvait plus être retenue
dans son acception "spatiale", mais devait être appréhendée en termes "fonctionnels".
Observant que certaines activités, par nature, parce qu'incoercibles, ne sont pas susceptibles
de relever de l'activité gouvernementale de tous les Etats - à raison d'une classique
"souveraineté territoriales" de chacun - mais d'un seul Etat à raison de la nature même de
l'activité en cause, il en déduisait la nécessité d'une nouvelle approche du Droit International
"à raison des activités" ".
64 Décision du 7 septembre 1927, journal de droit international privé, 1927, p. 1002 et suivantes 65 L’espace Aérien au-delà de 100 kilomètres appartient au domaine public international et est affecté à l’usage
commun de l’ensemble des Etats.
66 Compte rendu de l’audition de Monsieur Yves Poullet, le 11 octobre 2000 devant le
groupe de travail "Société de l'information" du parlement belge, [PDF]
www.droit.fundp.ac.be/Textes/CCE.pdf
67 Un système international sans territoire ?, Marcel Merle, http://www.conflits.org/Numeros/20merle.html 68 Cyberespace et Droit International : pour un nouveau Jus Communicationis, Jean-Jacques Lavenue,
http://www2.univ-lille2.fr/droit/enseignements/dess_cyber/index.html
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Cette analyse est transposable au cyberespace et aux pratiques COMINT et SIGINT.
L’interception des signaux constituent bien un activité spatialement incoercible sur laquelle la
souveraineté territoriale n’a pas de prise. D’où la nécessiter de faire évoluer le droit
international, afin qu’il délimite le champs des interceptions légalement admissibles.
Cependant tout comme pour la régulation d’Internet cela ne sera possible qu’avec le
renforcement de la collaboration internationale, voire qu’avec la coopération des Etats Unis,
ce qui est loin d’être acquis. Le droit international seul ne peut rien, il reste suspendu à la
volonté des Etats. Il nous faut alors déterminer si l’ensemble de la communauté internationale
aura suffisamment de poids pour faire plier les Etats Unis. Tout en gardant à l’esprit que
chaque Etat souhaite secrètement bénéficier d’un tel outil ou met déjà tout en oeuvre pour
l’acquérir.
Dans ce but, nous étudierons l’impact d’Echelon sur les alliances internationales, ce qui nous
amènera à traiter de l’ambiguïté des rapport USA / UE, de la volonté hégémonique des Etats
Unis.
2 / Quels impacts sur les alliances internationales économiques et militaires ?
Echelon nous fait voir les relations internationales sous un nouvel angle, des alliances sont
révélées et des équilibres que l’ont croyaient acquis sont remis en cause. La disparition du
bloc soviétique et de ses symboles a emporté avec elle un équilibre international qui s’était
construit sur la bipolarité.
Les américains ont alors procédé à une reconversion de leur personnel et de leurs outils vers
de nouvelles cibles. On aurait pu croire que les activités COMINT et SIGINT seraient
uniquement orienté vers la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et la surveillance de
quelques pays identifiés comme des ennemis tel que la Libye ou la Corée du Nord.
Mais le rapport de Duncan Campbell révèle une autre réalité, Echelon a été reconverti en
grande partie comme un outil d’intelligence économique pour ne pas dire de guerre
économique dont la cible première est l’Europe.
C’est pourquoi il nous semble important d’étudier l’impact de la découverte d’Echelon sur les
relations internationales, afin de déterminer si les alliances issues de la seconde guerre
mondiale supporteront les tentions, et enfin pour entrevoir les objectifs de la logique mise en
place par les Etats Unis.
a ) Les alliés d’hier sont-ils les ennemis d’aujourd’hui ?
Dans un premier temps nous étudierons les rapports entre les différents membres de l’accord
UKUSA, afin de démontrer l’existence d’un véritable pôle Anglo-saxon sous domination
américaine. Dans un second temps nous verrons que les alliances militaires ne semblent pas
être remise en cause mais qu’elles cohabitent difficilement avec les enjeux économiques.
- L’affirmation d’un pôle Anglo-saxon sous domination américaine
41
Comme nous l’avons vu précédemment Echelon met en présence cinq nations Anglo-saxonnes
, deux nations fondatrices qui sont les Etats Unis et le Royaume Uni, et trois autres
qui ont intégré le système en cours de route, le Canada, la Nouvelle-Zélande et l’Australie.
Ces cinq pays constituent le noyau dur du système. On doit ensuite ajouter l’Allemagne, la
Turquie, la Norvège et le Danemark qui après signatures d’accords secrets SIGINT devinrent
des participants tiers.
On peut ainsi établir un semblant de hiérarchie au sein de l’accord, les USA se situant en haut
de la pyramide, immédiatement suivi par le Royaume Uni, ensuite on peut supposer que le
Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande sont à un niveau quasiment identique. Arrive en
queue de peloton les participants tiers qui servent avant tout de relais stratégiques accueillant
des installations dans les bases américaines mise en place à la fin de la seconde guerre
mondiale.
Cette hiérarchie correspond d’ailleurs aux investissements financiers et humains mis au
service du système, ainsi les Etats Unis allouent 4 milliards de dollars et mobilisent 40 000
personnes et la grande Bretagne 500 millions de livres et 15 000 personnes.
L’absence de réciprocité entre les participants peut être illustrée par le système d’échange de
" dictionnaires " de mots clés servant à la configuration des ordinateurs, comme l’explique
Philippe Rivière dans une série d’articles 69 consacrés à Echelon, parus dans le Monde
Diplomatique : " le fait même qu'Echelon permette des échanges de " dictionnaires " aboutit
à faire de chaque service de renseignement un agent de collecte, sur son territoire,
d'informations destinées à des partenaires étrangers. Mais la transmission se fait de manière
automatisée et, en raison du mode de programmation du système, il ne permet pas à la partie
néo-zélandaise de connaître les mots-clés utilisés par ses partenaires. La réciproque, on s'en
doute, n'est pas vraie... Cela aurait, par exemple, pu permettre aux Etats-Unis d'utiliser les
infrastructures néo-zélandaises pour espionner les communications de l'association
Greenpeace, lors de sa campagne de protestation contre les essais nucléaires français autour
de l'atoll de Mururoa en 1995, sans en informer Wellington ! "
Les Etats Unis ont la main mise sur le système, l’architecture du réseau à été entièrement
conçue par la NSA, elle seule possède l’ensemble des codes ou combinaisons d’accès à
l’ensemble du réseau. Ainsi, mis à part le Royaume Uni, le Canada, la Nouvelle-Zélande et
l’Australie ont des rôles assignés en terme de technologies et de secteurs d’intervention.
Toutes les informations sont communiquées à la NSA de manière automatique mais ne sont
redistribuées que si elle l’estime nécessaire.
C’est semble-t-il ce déséquilibre dans les relations internes de l’UKUSA qui ont poussé le
gouvernement australien à briser le rang en 1999 et à affirmer publiquement que le Defence,
Signals Directorate " coopère effectivement avec des organisations équivalentes d’espionnage
des signaux outre mer sous l’égide de l’alliance UKUSA " 70 . De même, la Nouvelle-Zélande
semble avoir été mis de coté, pour un temps limité, suite à son refus d’accepter des navires
nucléaires américains dans ses ports.
69 Le système Echelon, Philipe Rivière, Le Monde Diplomatique, http://www.monde-diplomatique.
fr/mav/46/RIVIERE/m1.html
- 70 Surveillance Electronique Planétaire, Duncan Campbell, édition ALLIA, p 19
42
Comme nous l’avons déjà souligné même les Etats membres de l’accord voient leur
souveraineté atteinte, participant à un accord multilatérale qui peut leur porter atteinte jusque
dans leurs frontières. On peut alors s’interroger sur leurs motivations à rester dans un tel
système. La réponse est simple, ils profitent d’une technologie qu’ils ne pourraient acquérir
seuls et qui à l’heure de la société de l’information leur procure des avantages décisifs. Les
perspectives offertes par des systèmes tel qu’Echelon sont si vastes que chaque Etat souhaite
en profiter, quelque soit le prix à payer.
Après avoir vu les relations au sein du pôle constitué autour des Etats Unis, il s’agit d’étudier
les relations qu’il entretient avec le reste de la communauté internationale et notamment les
pays de l’Union Européenne.
- L’Europe : allié militaire traditionnel à ménager ou ennemi
économique à surveiller ?
Les conflits d’intérêts entre les Etats Unis et l’Europe, se cristallisent autour des questions
économique, la liste est longue, on ne citera que pour exemple la Politique Agricole
Commune, ou encore la récente crise de la banane, sans parler de la question des droits
d’auteurs ou enfin l’aéronautique. L’Europe constitue le principal rival économique des Etats
Unis, mais paradoxalement il s’agit aussi de son premier allié militaire.
Ainsi il serait naïf de croire que les différents gouvernements qui se sont succédés à la tête des
plus grandes nations européennes n’aient pas été au courrant d’Echelon ou n’en ait pas
profité, d’autant plus que plusieurs Etats sont directement impliqués. Mêmes si certains
intérêts diverges chaque Etat semblait préserver le secret afin de pouvoir profiter du système
ou développer son propre système plus ou moins autonome des Etats Unis, comme la France
par exemple.
D’une part, car la dépendance technologique vis à vis des Etats Unis est immense, et d’autre
part car aucune des grandes nations occidentales n’a réellement intérêt à provoquer un débat
national et international autour de la question des pratiques COMINT et SIGINT.
Tout d’abord, s’agissant de la perspective d’un débat national, Echelon révèle une fracture
entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatifs. Les services de renseignements relevant de
la compétence du gouvernement le contrôle par " les représentants du peuple " ne peut
s’exercer. La possibilité d’un débat national met mal à l’aise les Etats confrontés aux
interrogations et reproches des citoyens et parlementaires, alors qu’il s’agit d’activités
secrètes qu’ils entendent garder secrètes.
On citera à titre d’exemple quelques questions réponses des parlementaires anglais : 25 Mars
1994, Mr Cryer : " Quels droits les individus ou les firmes possèdent-ils s’ils croient être
espionnés par Menwith Hill ? Par exemple, le Ministre peut-il nous donner l’assurance
formelle que Menwith Hill n’intercepte pas le trafic commercial ? …Finalement, si le
Ministre est tellement confiant dans la démocratie, m’autorisera-t-il, moi et d’autres membres
du parti travailliste à visiter la base ? "
Réponse : " …Comme la Chambre le sait, j’ai visité la station le 27 janvier. J’ai reçu des
briefings concernant son rôle actuel de la part du personnel senior américain et anglais
travaillant là-bas, celui-ci incluant le chef de la base… Le travail effectué là-bas est très
sensible et classifié secret. Je crois très fermement que si je commentais en détail les activités
que j’ai vu menées là-bas, cela ne serait pas dans l’intérêt national et nuirait en tout cas à
43
l’objectif véritable de ce travail… Il y a actuellement 600 employés britanniques servant à
chaque niveau de la base et 1200 employés américains. L’honorable Membre pour Bradford
Sud a mentionné des visites de Menwith Hill par des membres du Parlement et des Membres
du Parlement Européen. Des demandes antérieures pour de telles visites ou conférences n’ont
pas été approuvées sur base des dérangements [que cela causerait] dans le fonctionnement
opérationnel de la base et pour des raisons de sécurité. J’ai déclaré qu’il en serait de même
tant pour les membres du parti conservateur que pour les membres du parti travailliste. Il
n’entre pas dans la pratique du Ministère de la Défense d’organiser des visites guidées des
installations de travail de Menwith Hill. Dans ma réponse à la Chambre le 8 mars, j’ai dit
que ces restrictions s’appliqueraient à tous [les parlementaires]. "
Le 3 juin 1996, Lord Jenkins of Putney: " Des interceptions de télécommunications sont-elles
effectuées par la NSA américaine à Menwith Hill ? Et, dans l’affirmative, quels messages sont
interceptés et pour quelle finalité ? "
Réponse : " Il n’entre pas dans la politique du gouvernement de commenter les opérations
détaillées menées à Menwith Hill. En tous cas, aucune activité considérée comme hostile aux
intérêts britanniques n’est, -ou ne serait-, permise dans cette station. "
Cette étanchéité qui semble exister dans le domaine des renseignements témoigne de
l’hypocrisie générale dans laquelle s’est déroulée la découverte d’Echelon, seul le grand
public voire quelques parlementaire sont tombés des nues. C’est pourquoi on peut affirmer
que les alliances militaires ne semblent pas devoir être remise en cause, notamment si l’on
s’attarde sur le projet de politique étrangère et de sécurité commune incluant l'ensemble des
questions relatives à la sécurité de l'Union. En effet, l’article 17 du traité de Nice prévoit
explicitement de respecter les engagements pris dans le cadre de l’OTAN 71 et donc confirme
les liens avec les Etats Unis.
71 "Article 17 : 1. La politique étrangère et de sécurité commune inclut l'ensemble des questions relatives à la sécurité de
l'Union, y compris la définition progressive d'une politique de défense commune, qui pourrait conduire à une défense
commune, si le Conseil européen en décide ainsi. Il recommande, dans ce cas, aux États
membres d'adopter une décision dans ce sens conformément à leurs exigences
constitutionnelles respectives. La politique de l'Union au sens du présent article n'affecte pas
le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains États membres, elle
respecte les obligations découlant du traité de l'Atlantique Nord pour certains États membres
qui considèrent que leur défense commune est réalisée dans le cadre de l'Organisation du
traité de l'Atlantique Nord (OTAN) et elle est compatible avec la politique commune de
sécurité et de défense arrêtée dans ce cadre. La définition progressive d'une politique de
défense commune est étayée, dans la mesure où les États membres le jugent approprié, par
une coopération entre eux en matière d'armements.
2. Les questions visées au présent article incluent les missions humanitaires et d'évacuation,
les missions de maintien de la paix et les missions de forces de combat pour la gestion des
crises, y compris les missions de rétablissement de la paix.
3. Les décisions ayant des implications dans le domaine de la défense dont il est question au
présent article sont prises sans préjudice des politiques et des obligations visées au paragraphe
1, deuxième alinéa.
4. Le présent article ne fait pas obstacle au développement d'une coopération plus étroite entre
deux ou plusieurs États membres au niveau bilatéral, dans le cadre de l'Union de l'Europe
occidentale (UEO) et de l'OTAN, dans la mesure où cette coopération ne contrevient pas à
celle qui est prévue au présent titre ni ne l'entrave.
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Nonobstant, la nécessité de clarifier les cibles et les objectifs de COMINT et SIGINT est plus
que jamais primordiale si l’on veut empêcher les Etats Unis de nous reléguer au rang de faire
valoir, et surtout si l’on veut préserver les libertés des citoyens du monde et le développement
de l’Union Européenne.
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