Restaurant
Un restaurant est un établissement de commerce où l'on sert des plats préparés et des boissons à consommer sur place, en échange d'un paiement.
La nourriture y est généralement préparée par un chef cuisinier. Le terme couvre une multiplicité de lieux et une grande diversité des types de cuisines, tant locales qu'étrangères. Les restaurants sont parfois le dispositif réservé au service des repas au sein d'une plus grande entité (hôtel, université, aéroport…), on parle alors de restaurant collectif par opposition au site de cuisine. Ils peuvent aussi être associés à une activité de traiteur ou d'épicerie. Le restaurant offre des conditions de confort plus ou moins importantes, et la restauration est dite « rapide » quand le client peut commander et manger en quelques minutes ou dizaines de minutes, éventuellement debout.
Étymologie
Le mot restaurant provient du verbe « restaurer » qui signifie au XIIe siècle « remettre en état », « remettre debout ».
Dès le début du XVIe siècle, le terme de « restaurant » revêt une acception alimentaire pour désigner un « aliment reconstituant ». Au milieu du XVIIe siècle, le terme désigne plus spécifiquement un « bouillon restaurant fait de jus de viande concentré » puis, à partir du milieu du XVIIIe siècle, le lieu qui en assure la vente.
« Restaurant » désigne aussi un pain de 400 g dans certaines boulangeries du sud de la France.
Histoire
Auberge, maison et café
L'activité de restauration a existé bien avant l'utilisation du terme « restaurant » en des lieux où l'on servait à manger à boire aux voyageurs, leur offrant parfois aussi le repos et un service pour leurs attelages.
Hormis le statut de voyageur et sur le plan urbain, le concept de manger devant des inconnus, seul ou en famille, hors de son logis et en dehors des moments de fêtes, est pratiquement impensable avant les Temps modernes : ce point est fondamental sur le plan anthropologique, et pas seulement en Occident1.
Hōshi Ryokan, ouverte en 717 au Japon, est la plus ancienne auberge du monde encore en activité. Le Stiftskeller St. Peter à Salzbourg aurait été cité pour la première fois d'après un document d'Alcuin datant de 8032. Si cette citation est avérée, il est probablement le plus ancien restaurant du monde encore en activité ; initialement monastère puis auberge, elle n'a néanmoins plus d'activité hôtelière. En France, La Couronne, auberge normande située à Rouen ouvre en 1345 ; l'hostellerie de la Croix d'Or (Provins), encore en activité, ouvre en tant qu'auberge en 15753.
Selon l'historienne Carolin C. Young, intervenante à l'Université d'Oxford de 2007 à 2010, quelques cafés sont ouverts vers les années 1450 en Turquie et en Égypte. Ce type d'établissement se répand lentement dans les villes d'Europe, d'abord Venise, puis Vienne, jusque dans les années 1650 où leur développement s'accélère (Marseille, Lyon, Paris, Oxford…). Le Café Procope, créé en 1686 à Paris, est le premier « restaurant », dans l'acception moderne, initialement importateur de produits exotiques à consommer sur place, tant sucrés (glace italienne, gâteaux) que salés, et bien entendu du café4. À la Petite Chaise situé 36 rue de Grenelle à Paris remonte à l'année 1700 et était à l'origine une cave à vins et une épicerie (jambons, saucissons), devenue cabaretier sous la Régence5.
La Casa Botin, auberge créée en 1725 à Madrid, dont les fondations de l'immeuble remontent à la fin du XVIe siècle, prétend que la conversion de son activité d'aubergiste en restaurant[réf. nécessaire] est plus ancienne que celle du Café Procope, les deux étant des évolutions lentes qui ne sont pas datées précisément. Néanmoins le Café Procope n'a jamais eu d'activité hôtelière, mais uniquement alimentaire.
Histoire du restaurant
Depuis Legrand d’Aussy6, la vulgate7 veut que le premier « restaurant », dans l'acception moderne, ait été ouvert à Paris, rue des Poulies ou rue Bailleul, en 1765 par un marchand de bouillon, nommé Boulanger (dit « Champ d'Oiseaux » ou « Chantoiseau »)8. Il sert des « restaurants » ou « bouillons restaurants », c'est-à-dire des consommés à base de viande censés restaurer les forces9. Ces bouillons, qui existent depuis le Moyen Âge, sont composés de viande, mais aussi, selon les recettes, de racines, d'oignons, d'herbes, d'épices, de sucre, de pain, voire de pétales de rose, de raisins ou d'ambre10.
Boulanger, qui fut appelé « restaurateur », avait mis sur sa porte la devise Venite ad me, omnes qui stomacho laboratis, et ego restaurabo vos (« Venez tous à moi, vous dont l’estomac crie misère, et je vous restaurerai »). Il inventa le nom de « restaurant » dans son sens actuel car on trouvait à manger chez lui quand on voulait de la nourriture servie sur table à prix fixé à l'avance et à toute heure proposée sur une carte, mais n’étant pas traiteur, il ne pouvait servir de ragoûts. Il donnait des volailles au gros sel avec des œufs frais, et tout cela était servi proprement, sur de petites tables de marbre. Il préparait aussi des pieds de mouton à la sauce blanche, ce qui portait atteinte au monopole des traiteurs. Ceux-ci lui intentèrent un procès qu'ils perdirent10.
L’Almanach du Dauphin de 1777 évoque non pas Boulanger comme l'inventeur de restaurant moderne en 1765 mais Messieurs Roze (ou Roze de Chantoiseau) et Pontaillé en 1766, locataires d'une partie de l’Hôtel d'Aligre rue Saint-Honoré. Il semble que le premier établissement rue des Poulies n'étant pas situé dans un emplacement avantageux, il ait été transféré rue Saint-Honoré. Le nom complet de Monsieur Roze de Chantoiseau et le surnom de Boulanger, désignant probablement la même personne, sont à l'origine de la confusion de ces sources11. Rebecca Spang, arguant du fait qu'il ne subsiste aucune trace du prétendu procès des traiteurs contre Boulanger et estimant que leur corporation, très diversifiée, était tolérante vis-à-vis de cette nouveauté12, considère Roze comme le véritable « inventeur » du restaurant, dont l'innovation aurait consisté en une prévenance marquée pour le client qui aurait engendré « une nouvelle logique de sociabilité et de respectabilité »13,14.
À son imitation, s’établirent bientôt d’autres restaurateurs, dont les maisons s’appelèrent, du nom du bouillon conseillé par Palissy, des restaurants. Le service imite le changement qui s’opère à cette époque dans l’aristocratie : déclin du service à la française remplacé par le service à la russe dans lequel le convive – assis à une table individuelle – est servi par les ustensiles et le personnel dédiés individuellement.
Le service rendu se différencie des :
- taverniers qui ne délivrent que le « vin à pot » ;
- auberges, où un seul plat est proposé par le cuisinier9 et où les tables sont communes ;
- cabaretiers qui vendent du « vin à assiette » avec une nappe et quelques plats ;
- traiteurs qui sont autorisés à vendre des sauces et ragoûts, ainsi que des pièces entières ; certains d'entre eux vont jusqu'à proposer une formule table d'hôtes (repas à heure fixe, à l'instar des auberges).
Boulanger brise ce monopole et cuisine ce qui plaît à sa clientèle. Il baisse les prix et affiche la carte devant le restaurant afin que les clients sachent quelle sera la composition et le coût de leur repas9.Par suite du procès que Boulanger aurait gagné contre les traiteurs, d'autres restaurateurs se seraient installés.
Un certain engouement se crée pour l'établissement de Boulanger parmi l'aristocratie et les intellectuels15.
En 1782, Antoine Beauvilliers, cuisinier du prince de Condé et officier de bouche du comte de Provence, reprend la formule de Boulanger et ouvre, dans un cadre raffiné, la Grande Taverne de Londres, au 26 rue de Richelieu à Paris16. Il propose aux clients de manger comme à Versailles. Le service des vins est fait en bouteille, comme à Londres, à la mode à cette époque9. C'est là le premier véritable grand restaurant de Paris, qui restera pendant plus de vingt ans sans rival.
Mais c'est à partir de la Révolution française que le phénomène prend de l'ampleur. En effet, d'une part, l'émigration des aristocrates laisse leur personnel de service, dont leurs cuisiniers, sans emploi et, d'autre part, de nombreux provinciaux arrivent à Paris, où ils ne comptent pas de famille qui puisse les nourrir. Dès lors de plus en plus de cuisiniers, formés à la préparation de cuisine de qualité, vont devenir restaurateurs, et l'on compte dès 1789 à Paris une centaine de restaurants fréquentés par la bonne société, regroupés autour du Palais-Royal17, par exemple Le Grand Véfour (à l'époque Café de Chartres)18. Trente ans après la Révolution, on en dénombrera 3 000.
Les restaurants se sont rapidement multipliés à travers le monde, le premier restaurant ouvrant aux États-Unis dès 1794, à Boston. Le type de service restera longtemps fondé sur le principe du « service à la française » où les plats étaient posés à table, les convives se servant eux-mêmes. Cependant, ce service rendait la facturation difficile pour les restaurateurs. La forme actuelle de service, où le convive reçoit un repas dressé sur assiette, appelé « service à la russe », fut introduit en France par le prince russe Kourakine dans les années 1810 d'où il se répandit progressivement.
Au XIXe siècle, à Paris, le Palais-Royal est finalement supplanté par les restaurants qui s'installent sur les boulevards. Au milieu du siècle, les Bouillon Duval sont la première chaîne de restauration bon marché ; sept établissements sont implantés dans la capitale. Les brasseries apparaissent après 1870, où s'attablent autant des bourgeois que des clients plus modestes. L'offre s'élargit17.
Types spécifiques de restaurants
Auberge à la ferme
Une « auberge à la ferme » propose de déguster les produits du terroir et les spécialités régionales issus des productions de la ferme ou des fermes voisines ; en France elles peuvent être appelées « Ferme-Auberge » ou « Auberge d'Accueil Paysan ».
Brasserie et bistro
Établissements où sont servis à toute heure de la journée en principe le plus grand choix de boissons chaudes et fraîches. On peut aussi y trouver un choix plus ou moins restreint de plats cuisinés assez simples ou de vente à emporter, on parle alors de snack-bar. Bien souvent le midi, un buffet d'entrée est proposé au sein d'une « formule du midi ». Ce type d'établissement est généralement implanté dans le centre de chaque agglomération, quelle que soit sa taille.
Ce type d'établissement trouve le plus souvent sa clientèle auprès d'habitants du quartier, voire d'employés des bureaux habitués des lieux surtout lors des repas de mi-journée.
Restaurant gastronomique
Un restaurant dit « gastronomique » est un restaurant qui cherche à mettre la gastronomie à l'honneur : plats de qualité, cave honorable, accueil attentif, service soigné et cadre agréable. Il propose en général des menus variant selon la complexité et ou la valeur des plats proposés. Ce genre de restaurant met en général à son menu viande et poisson. Un restaurant gastronomique ne dispose pas forcément d'étoiles ou de récompenses.
Pizzeria
La pizzeria est un restaurant spécialisé dans la vente ou le service de pizzas et autres spécialités italiennes. La pizza reste toutefois leur produit principal, les restaurants italiens servant plutôt des pâtes étant désignés du nom d’osteria.
Des dérivés tels que des stands à pizzas (généralement montés sur le châssis d'un véhicule à moteur…) ont vu le jour en France dans les années 1980 et rencontrent toujours le succès à l'heure actuelle, leur implantation étant de ce fait mobile. D'autres produits tels que les sandwiches ou des gâteaux peuvent être proposés en sus.
Cette formule permet la fabrication et la vente des pizzas d'un lieu à l'autre suivant des périodes fixes établies à l'avance, afin d'être connues par la population.
Le cuisinier qui confectionne et réalise la cuisson artisanale des pizzas est nommé couramment pizzaïolo.
Relais routier
Restaurant de bord de route implanté en rase campagne ou à l'entrée d'une zone urbanisée, mais plus rarement sur l'autoroute.
En France, ils ont été spécialement créés à l'intention des professionnels de la route (conducteurs routiers et V.R.P.…) à partir de 1934 à la suite de l'édition d'un guide pratique spécialement consacré à ce groupe d'usagers.
Le modèle s'est rapidement exporté à travers les autres pays d'Europe notamment au Royaume-Uni (sous le nom commun de Truck Stop…)[réf. nécessaire] et en Espagne où leur implantation semble de nos jours plus dense qu'en France, ceci proviendrait du fait que la règlementation concernant la circulation des poids-lourds sur route nationale est moins stricte dans ces pays.
Ce type d'établissement est caractérisé par une décoration intérieure assez personnalisée ainsi que par une cuisine entièrement conçue à demeure, dans le but de créer une ambiance plus cordiale et de rompre avec le phénomène de solitude connu de ces professionnels de la route. Un parking suffisamment vaste est aménagé pour y faire stationner de nombreux camions (dont la circulation à l'intérieur peut être régie par la présence d'un membre du personnel…), ainsi que de douches et parfois de chambres pour ceux qui ne désirent pas (ou ne peuvent pas…) dormir à bord de leur véhicule. Ces chambres étaient dans le passé, souvent utilisées par les conducteurs de poids-lourds afin d'y prendre quelques heures de repos après une trop longue période de conduite (les temps d'activité étaient auparavant mal contrôlés…). Il était également possible de se faire réveiller sur simple demande par un des employés de l'établissement, à un moment convenu.
Les relais routiers sont considérés comme le lieu idéal des retrouvailles entre conducteurs même si cette image tend à s'estomper de nos jours, en raison de leurs propres impératifs de délais ou rendez-vous pris auprès de leurs clientèle. De plus en plus de conducteurs préfèrent en effet prendre les repas (composés sur place ou emportés…) à bord de leur véhicule, tant par volonté de solitude que pour des raisons pratiques.
Dès l'introduction d'un arrêté interdisant la circulation dominicale de certains poids-lourds de plus de 7,5 tonnes, les établissements ont dû adapter leurs horaires et jours d'ouverture à la clientèle. La règlementation des transports devenue plus rigide et les contrôles routiers sévères, peu de conducteurs désirent prendre le risque de conduire au-delà des temps autorisés ce qui fit perdre l'intérêt d'une ouverture 24 heures sur 24 de ces restaurants ainsi que le maintien d'un service en fin de semaine. Les conséquences peuvent se mesurer de nos jours par le transfert de cette catégorie de clientèle vers les aires de service autoroutières, généralement ouvertes en permanence. Il est à noter que ces horaires devenus inadaptés aux besoins des conducteurs (en particulier ceux étant contraints d'effectuer leur coupure hebdomadaire hors de leur domicile…) font souvent l'objet de débats au sein de la profession des transports routiers de marchandises.
Un établissement digne de ce nom propose en théorie des menus à des prix accessibles à des conducteurs routiers et un service suffisamment rapide, afin que le temps de coupure ne s'en trouve pas indûment prolongé.
Depuis plusieurs années, les établissements implantés en bordure des routes nationales disparaissent progressivement et ce, suivant divers motifs :
- reprise potentielle de la clientèle par les restoroutes implantés sur les autoroutes et certaines voies rapides tracées à proximité ;
- l'établissement se trouve sur une route nationale dont l'accès aux véhicules lourds se voit nouvellement interdit, bien que parfois subsiste par la suite la clientèle géographiquement proche qui est habituée des lieux (représentants, artisans du bâtiment, livreurs…) ;
- autre motif plus alarmant pour l'avenir de ce type d'établissement — les poids lourds sont de mieux en mieux équipés pour que les chauffeurs confectionnent leur nourriture seuls. Un constructeur de poids lourds européen a mis au point un prototype avec douche, lit, micro onde, réfrigérateur et plaque de cuisson et télévision lcd. Les chauffeurs n'auront plus aucun besoin de stopper dans les restaurants routiers car ils auront tout le confort à bord. Ce véhicule n'a pas encore vu le jour, pour un problème d'homologation dû à la longueur du tracteur avec remorque combinés qui sont, à ce jour, hors normes selon la législation européenne19.
Face à ce constat, un nouveau genre d'établissement a vu le jour en France sous le nom d'Arcotel. Cette enseigne abrite un centre routier à part entière, le plus souvent implanté près d'un échangeur autoroutier ou d'une zone industrielle importante.
Restaurant rapide
Jeune garçon et son burger.
Restaurant à service rapide où l'on peut consommer le plus souvent des frites, des hamburgers, des glaces et des boissons gazeuses. Toute commande s'effectue au comptoir où on retire son plateau-repas avant de se mettre à table. Des cadeaux de bienvenue sont offerts à l'intention des plus jeunes consommateurs. Mc Donald's et Quick sont les enseignes les plus connues en France dans ce secteur.
Restaurant d’application
Les restaurants d’application encore appelés restaurants pédagogique ou encore restaurants d’initiation sont des restaurants qui permettent aux apprentis et étudiants de mettre en pratique leur formation.
Restoroute
Établissement exclusivement implanté en bordure d'autoroute et de voie rapide, ce type de restaurant a vu le jour en France au début des années 1960 sous la houlette de Jacques Borel. Ce dernier a très vite pris une réputation de mauvais restaurant et a fait place à l'Arche dès 1983.
Social dining
Le social dining, dîner social ou dîner partagé est la réunion d'un groupe de personnes, connues ou inconnues, partageant un repas chez l'une des personnes du groupe ou au restaurant. Nommé également restaurants privés, le social dining existe depuis la Grèce antique, puis dans un cadre religieux et le mouvement prend son essor depuis les années 2010.
Table d'hôtes
Service pouvant être proposé dans les Maisons ou Résidences d'hôtes en complément de la nuitée dans une de leurs chambres d'hôtes.
Wagon-restaurant
Service de restauration dans les trains en général et les trains de nuit en particulier.
Types de services
Fonctions
- Le chef cuisinier (ou chef de brigade) assume la responsabilité de l'ensemble de la cuisine d'un restaurant. Il compose les menus et la carte des mets, organise et répartit le travail, annonce les commandes et contrôle les plats prêts à être servis. Parfois, il engage ses collaborateurs ;
- les chefs de parties ont la responsabilité des différentes branches culinaires au sein d'une cuisine (garde-manger, saucier, entremétier, rôtisseur, poissonnier, pâtissier) ;
- l’aboyeur (annonce les plats) ;
- les plongeurs et aide-cuisiniers, chargés du nettoyage de la vaisselle, de la pluche, du lavage des locaux. On peut avoir recours à eux pour la préparation de certains aliments simples.
- le commis assiste le chef de partie dans chaque branche culinaire .
- le communard, chargé de la préparation des plats destinés à l'alimentation du personnel.
Une cuisine dans une école de restaurants, en Estonie. Octobre 2016.
Brigade de salle
- Le 1er maître d'hôtel
- Le maître d'hôtel de carré
- Le 1er chef de rang
- Le chef de rang
- Le demi-chef de rang
- Le commis de rang ou de suite
- Le commis débarrasseur
- Le trancheur
- Le commis trancheur
- Le chef sommelier, qui aidera à accorder les plats avec les vins
- Le sommelier
- Le commis sommelier
Guides de restaurants
Des restaurants sont classés dans des guides gastronomiques.
Les trois principaux guides gastronomiques en France sont (dans l'ordre de leur vente en 201320) :
Restaurants de spécialités
Divers
Littérature
Cinéma
Le restaurant est un lieu éminemment cinématographique, où se conclut notamment l'un des plus grands films de l'histoire du cinéma, Les Temps Modernes de Charles Chaplin. Du saloon de cow-boys aux complots des grands de ce monde dans les salles new-yorkaises hors de prix en passant par les rendez-vous de policiers avec leurs indics dans un boui-boui glauque, de la discussion tendue ou séductrice à la bagarre destructrice le restaurant a toujours inspiré les cinéastes, au point que l'émission Blow-Up y a consacré une anthologie21.
- Restaurant, d'Andy Warhol, 1965
- Le Grand Restaurant, de Jacques Besnard, 1966
- Nude Restaurant, d'Andy Warhol, 1967
- Playtime de Jacques Tati, 1967
- Alice's Restaurant, d'Arthur Penn, 1969
- L'Aile ou la Cuisse, de Claude Zidi, 1976
- Garçon !, de Claude Sautet, 1983
- À table, de Stanley Tucci, 1996
- Cuisine américaine, de Jean-Yves Pitoun, 1998
- Restaurant (en), d'Eric Bross, 1998
- Ratatouille, de Brad Bird, 2007
- Le Goût de la vie, de Scott Hicks, 2007
- Délicieux, de Éric Besnard, 2021
Chanson
Notes et références
- Anthropology of food, Revue et équipe de chercheurs [archive] (1999-).
- (de) « St. Peter Stiftskeller : Das älteste Restaurant Europas - Das Restaurant » [archive], sur stpeter-stiftskeller.at (consulté le ).
- L'Hostellerye de la Croix-d'Or [archive], Bulletin de la Société historique régionale de Villers-Cotterêts chargée de la conservation du Musée Alexandre Dumas, Villers-Cotterêts, 1907, pp. 74-76 — sur Gallica.
- Carolin C. Young, Escapade gourmande diffusée sur Arte le 6 septembre 2013.
- « Vieille enseigne de la Petite Chaise 36 rue de Grenelle » [archive], dessins de Jules-Adolphe Chauvet (1890), sur Gallica.
- Pierre Jean-Baptiste Legrand d’Aussy, Histoire de la vie privée des Français depuis l’origine de la nation jusqu’à nos jours, t. 2, Paris, Ph.-D. Pierres, coll. « 3 vol. in-8° », , 383 p. (lire en ligne [archive]), p. 213-14.
- Philippe Meyzie, L’Alimentation en Europe à l’époque moderne : 1500-1850, Paris, Armand Colin, 2010, 288 p., (ISBN 978-2-20024-407-1).
- La gastronomie, un nouvel art de vivre du XVIIIe siècle en Lorraine [archive].
- Histoire des restaurants dans 2000 ans d'histoire sur France Inter, le 27 juillet 2007.
- Jean-Robert Pitte, « Naissance et expansion des restaurants », dans Jean-Louis Flandrin et Massimo Montanari, Histoire de l'alimentation, Fayard
- Philippe Mellot, Paris au temps des fiacres, des omnibus et des charrettes à bras : histoire des transports urbains des origines à 1945, Éditions de Borée, , p. 30.
- François Ascher, Le Mangeur hypermoderne, Odile Jacob, , p. 258
- (en) Rebecca Spang, The Invention of the Restaurant : Paris and the modern gastronomic culture, Harvard University Press, , p. 66
- Michael Garval, « L'invention du restaurant », Critique,
- Correspondance de Diderot à Sophie Volland, en 1767 : « Si j’ai pris du goût pour le restaurateur ? Vraiment, oui ; un goût infini. On y sert bien, un peu chèrement, mais à l’heure qu’on veut. ».
- Histoire politique de la gastronomie [archive], Politis, décembre 2005.
- Antoine de Baecque, « Antoine de Baecque : "Un élément essentiel de la civilisation à la française" », Le Figaro, 30-31 mai 2020, p. 33 (lire en ligne [archive]).
- Emmanuel Rubin, « Et Napoléon inventa la gastro-diplomatie », Le Figaro, encart « Le Figaro et vous », 24-25 avril 2021, p. 29 (lire en ligne [archive]).
- La revue des relais routiers, décembre 2010.
- « Le guide du Fooding, un agitateur devenu incontournable » [archive], sur Les Inrocks (consulté le )
Voir aussi
Sur les autres projets Wikimedia :
Bibliographie
- Jean-Louis Flandrin, L'Ordre des mets, Paris, Odile Jacob, 2002, 278 p., (ISBN 978-2-73811-052-7).
- Hélène Fleury, « L'Inde en miniature à Paris. Le décor des restaurants », Diasporas indiennes dans la ville. Hommes et migrations, no 1268-1269, 2007, p. 168-173.
- Jacques Gernet, La Vie quotidienne en Chine à la veille de l'invasion mongole, Paris, Hachette, 1959.
- Nicolas de Rabaudy, Histoire des 50 meilleurs restaurants de France, Éditions Alphée, 2009, 459 p., (ISBN 978-2753804999).
- (en) Nicholas M. Kiefer, "Economics and the Origin of the Restaurant", Cornell Hotel and Restaurant Administration Quarterly, August 2002, p. 5-7.
- (en) Donald E. Lundberg, The Hotel and Restaurant Business, Boston, Cahners Books, 1974.
- (en) Rebecca L. Spang, The Invention of the Restaurant, Harvard University Press, 2000.
- (en) Stephen H. West, "Playing With Food : Performance, Food, and The Aesthetics of Artificiality in The Sung and Yuan", Harvard Journal of Asiatic Studies, 57/1, 1997, p. 67-106.
- (en) Jan Whitaker, Tea at the Blue Lantern Inn : A Social History of the Tea Room Craze in America, St. Martin's Press, 2002, 192 p., (ISBN 978-0-31229-064-1).
- Antoine de Baecque, La France gastronome, Payot, 2019.
Vidéographie
Articles connexes
Déchèterie
Une déchèterie, déchetteriea, recyparcb, écocentrec ou écopoint2 est un centre organisant la collecte et la récupération des déchets.
Étymologie
Le mot « déchèterie » et sa variante orthographique « déchetterie » est un néologisme et jeu de mots formé à partir des substantifs « déchet » et « tri ». Le second substantif est modifié de façon à faire apparaître le suffixe -erie afin d'expliciter la notion de lieu. Une déchèterie est donc un lieu dans lequel le tri des déchets est pratiqué.
S'agissant de constructions substantives néologiques, il n'y a pas de préférence d'usage à avoir par rapport à l'une ou l'autre variante orthographique. Certains organismes optent pour l'une ou l'autre variante. C'est par exemple le cas de l'Académie française qui a opté pour l'orthographe déchèterie tout en reconnaissant un usage plus fréquent de la variante déchetterie3 et se laisse la possibilité d'admettre les deux variantes4. A contrario, l'Union européenne utilise la variante orthographique déchetterie dans sa communication officielle et ses textes de loi5.
Description
Les déchèteries assurent la collecte de déchets apportés par les ménages ce qui concède la propriété de cet objet au gestionnaire de l’équipement. Le fait de le « récupérer » constitue un vol sanctionné par la justice. Ce comportement, de plus en plus fréquent, est une des dérives engendrées par la flambée du prix des métaux.
Les déchèteries sont gérées la plupart du temps par des collectivités qui peuvent également accepter l'ouverture aux artisans sous certaines conditions (financières, volume, etc.). Elles assurent ensuite le choix de la meilleure filière pour les déchets : le recyclage, la valorisation matière, l'incinération ou le stockage dans un centre d'enfouissement.
Les écocentres du Québec
Au Québec, il existe un réseau d'installations similaires, appelées « écocentres ». Les écocentres ont sensiblement le même rôle de gestion des déchets. Cependant, la récupération y est généralement tolérée, voire valorisée dans le cadre du réemploi.
La liste de matières récupérables par les usagers est plus ou moins longue selon le site. Le matériel informatique usagé, les pièces électriques, électroniques ou mécaniques, les meubles, les appareils électroménagers, sont autant d'objets pouvant être récupérés, pour autant que cette récupération reste dans des limites raisonnables (collecte délibérée de cuivre, d'aluminium ou de fer/acier). Une petite contribution (de l'ordre de un à deux dollars canadiens) est souvent demandée pour les pièces métalliques ou le matériel présentant encore une certaine valeur, pour financer partiellement les installations. Plusieurs sites font aussi don de certains de ces appareils ou meubles à des familles dans le besoin lorsqu'ils sont encore fonctionnels. Certaines pièces réutilisables peuvent être démontées et remises en service, le reste étant envoyé au recyclage.
La politique des écocentres prône la réutilisation et la valorisation. Autrement dit, un maximum de matière doit être détourné des dépotoirs, et tous les moyens sont bons pour y parvenir, ce qui explique les réglementations plus permissives, entre autres au sujet de la récupération par les usagers.
Types de déchets
Les déchets admis dans une déchèterie :
- les métaux, le verre, les cartons et papiers, les plastiques (recyclage) ;
- les déchets verts et autres matières organiques (compostage) ;
- les produits consommables (éventuellement pour des associations caritatives) ;
- les piles électriques et les batteries ;
- les pneumatiques ;
- les huiles moteurs usagées ;
- certaines ampoules électriques et les néons (notamment basse consommation);
- les encombrants ;
- les appareils électriques et électroniques (DEEE);
- les gravats ;
- le bois (recyclage) ;
- les déchets de soins piquants (DASRI) ;
- le tout venant…
Certains déchets très toxiques ne sont pas acceptés par les déchèteries. En France, 48 % (en poids) des déchets collectés en 2001 ont été valorisés, soit par incinération, recyclage, compostage…
En France : installation classée pour la protection de l'environnement
Selon la législation française, les déchèteries sont des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). En effet, ce type d'installation est concerné par la rubrique no 2710 de la nomenclature des installations classées (« installations de collecte de déchets apportés par le producteur initial de ces déchets, à l'exclusion des installations visées à la rubrique 2719 »), qui est divisée en deux sous-catégories selon la nature des déchets collectés (dangereux ou non dangereux)6 :
- Rubrique no 2710-1 :
- Les installations susceptibles de stocker une quantité supérieure ou égale à 7 tonnes de déchets dangereux sont soumises à autorisation préfectorale. Cette autorisation est délivrée sous la forme d'un arrêté préfectoral qui impose à l'exploitant le respect d'un certain nombre de prescriptions techniques7.
- Les installations susceptibles de stocker une quantité comprise entre 1 et 7 tonnes de déchets dangereux doivent être déclarées. Afin de limiter leur impact environnemental, les exploitants de ces installations doivent notamment respecter les prescriptions techniques d'un arrêté ministériel daté du 27 mars 20128. Les exploitants doivent également faire réaliser un contrôle périodique sur leurs installations.
- Rubrique no 2710-2 :
- Les installations susceptibles de stocker une quantité supérieure ou égale à 300 mètres cubes de déchets non dangereux sont soumises à enregistrement. Afin de limiter leur impact environnemental, les exploitants de ces installations doivent notamment respecter les prescriptions techniques d'un arrêté ministériel daté du 26 mars 20129.
- Les installations susceptibles de stocker une quantité comprise entre 100 et 300 mètres cubes de déchets non dangereux doivent être déclarées. Afin de limiter leur impact environnemental, les exploitants de ces installations doivent notamment respecter les prescriptions techniques d'un arrêté ministériel daté du 27 mars 201210. Les exploitants doivent également faire réaliser un contrôle périodique sur leurs installations.
L'instruction des demandes d'autorisation et d'enregistrement ainsi que le contrôle du respect des prescriptions techniques par les exploitants sont réalisés par l'inspection des installations classées11.
Notes et références
Notes
Références
- « Le Recyparc porte mieux son nom » [archive], sur Le Soir (consulté le )
- « Qu’est-ce qu’un écopoint ? » [archive], sur provalterbi.ch (consulté le )
- Google montre qu'une comparaison de recherche des deux termes était à peu près équivalente jusqu'en 2010, année à partir de laquelle le terme déchetterie est plus recherché que déchèterie selon « Comparaison de recherche entre les termes déchetterie et déchèterie sur les moteurs de recherche de Google » [archive], sur trends.google.com (consulté le )
- « Questions de langue : déchèterie » [archive], sur academie-francaise.fr (consulté le )
- « Communication de la Commission Collecte séparée des déchets ménagers dangereux » [archive], sur EUR-Lex, (consulté le )
- « 2710. Installation de collecte de déchets apportés par le producteur initial de ces déchets, à l'exclusion des installations visées à la rubrique 2719 » [archive], sur ineris.fr (consulté le ).
- « Partie réglementaire du Livre V du Code de l'Environnement » [archive], sur ineris.fr (consulté le ).
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- « Arrêté du 26/03/12 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées relevant du régime de l'enregistrement au titre de la rubrique no 2710-2 (installations de collecte de déchets non dangereux apportés par leur producteur initial) de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement » [archive], sur ineris.fr (consulté le ).
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- « Missions » [archive], sur installationsclassees.developpement-durable.gouv.fr (consulté le ).
Voir aussi
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Articles connexes
Liens externes
Cinéma
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Amorce de pellicule 35mm.
Caméra
Arriflex 35
mm modèle 435 Xtreme (2013).
Sallie Gardner at a Gallop peut être considéré comme l'ancêtre de tous les
films, mais le but de son auteur était de suspendre, d'arrêter le mouvement, et non de le reproduire, une conception scientifique et non de divertissement.
Le cinéma est un art du spectacle. En français, il est désigné comme le « septième art », d'après l'expression du critique Ricciotto Canudo dans les années 19201. L’art cinématographique se caractérise par le spectacle proposé au public sous la forme d’un film, c’est-à-dire d’un récit (fictionnel ou documentaire), véhiculé par un support (pellicule souple, bande magnétique, contenant numérique) qui est enregistré puis lu par un mécanisme continu ou intermittent qui crée l’illusion d’images en mouvement, ou par un enregistrement et une lecture continue de données informatiques. La communication au public du spectacle enregistré, qui se différencie ainsi du spectacle vivant, se fait à l’origine par l’éclairement à travers le support, le passage de la lumière par un jeu de miroirs ou/et des lentilles optiques, et la projection de ce faisceau lumineux sur un écran transparent (Émile Reynaud, Thomas Edison) ou opaque (Louis Lumière), ou la diffusion du signal numérique sur un écran plasma ou à led. Au sens originel et limitatif, le cinéma est la projection en public d’un film sur un écran (en salle ou en plein-air). Dès Émile Reynaud, en 1892, les créateurs de films comprennent que le spectacle projeté gagne à être accompagné par une musique qui construit l’ambiance du récit, ou souligne chaque action représentée. Très rapidement, ils ajoutent des bruits provoqués par un assistant à l’occasion de chaque projection, et font commenter les actions par un bonimenteur présent lui aussi dans la salle. Depuis son invention, le cinéma est devenu à la fois un art populaire, un divertissement, une industrie et un média. Il peut aussi être utilisé à des fins publicitaires, de propagande, de pédagogie ou de recherche scientifique ou relever d'une pratique artistique personnelle et singulière.
Le terme « cinéma » est l’abréviation de cinématographe2 (du grec κίνημα / kínēma, « mouvement » et γραϕή / graphê, « art d'écrire, écriture »), nom donné par Léon Bouly à l'appareil de prise de vues dont il dépose le brevet en 1892. N'ayant plus payé les droits les années suivantes, et son invention tournant court, il en perd la propriété et les frères Lumière lui reprennent cette appellation. Antoine Lumière (le père) aurait préféré que la machine de ses fils soit nommée « Domitor », mais Louis et Auguste préférèrent Cinématographe, mot à leur avis plus dynamique. Cependant, le mot d'Antoine revint en 1985, l'Association internationale pour le développement de la recherche sur le cinéma des premiers temps ayant, avec un peu d'humour, surnommé leur association Domitor. Le mot cinéma est polysémique, il peut désigner l’art filmique, ou les techniques des prises de vue animées et de leur présentation au public, ou encore, par métonymie, la salle dans laquelle les films sont montrés. C’est dans cette dernière acception que le terme est lui-même souvent abrégé en français dans le langage familier, en « ciné » ou « cinoche », la référence à l’écran de projection ayant par ailleurs donné l’expression des cinéphiles, « se faire une toile ». Dans le même registre, « se faire son cinéma », « c’est du cinéma » (c’est mensonger ou exagéré), sont des expressions nées du 7e art.
À noter que dès 1891, Thomas Edison nomme caméra Kinétographe l'appareil de prise de vues photographiques animées qu'il a imaginé et que son assistant, William Kennedy Laurie Dickson, met au point, et qui est à l'origine des premiers films du cinéma, dès 1891. Ce terme de kinétographe (d’après le grec ancien kinetos et graphein qui signifient respectivement « animé » et « écrire ») sert de base d'appellation du cinéma dans plusieurs langues autres que latines. Kino, aussi bien en allemand qu'en russe, et dans bien d'autres langues3, désigne le cinéma4.
Si les films sont des objets représentatifs de cultures spécifiques dont ils sont le reflet parfois fidèle5, leur diffusion est potentiellement universelle, les récits qu’ils véhiculent sont en effet basés sur les grands sentiments partagés par toute l’humanité. Leur exploitation en salles, favorisée par le sous-titrage ou le doublage des dialogues, est devenue secondaire au niveau commercial, la vente des droits de diffusion aux chaînes de télévision, et leur mise à disposition dans des formats domestiques sont devenues les principales sources de recettes du cinéma.
Histoire
Précinéma et prémices
Étienne-Jules Marey, étude d'un saut en longueur (1886).
Le cinéma naît à la fin du XIXe siècle. Pour désigner les recherches qui mènent à l’invention du cinéma, donc avant les premiers films en 1891, on parle de précinéma6. Il est souvent affirmé que les inventeurs du cinéma furent les frères Lumière. Eux-mêmes n’en revendiquaient pas autant et corrigeaient cette affirmation en rappelant que le cinéma a été le résultat de recherches poursuivies fiévreusement un peu partout dans le monde, et que tout un chacun était arrivé à ses fins « dans un mouchoir ». En fait, les premiers films, ainsi que le précise Laurent Mannoni, historien du cinéma et conservateur des appareils à la Cinémathèque française, sont enregistrés par la caméra Kinétographe (en grec, écriture du mouvement) « caméra de l’Américain Thomas Edison, brevetée le 24 août 1891, employant du film perforé 35 mm et un système d’avance intermittente de la pellicule par « roue à rochet »7. »
« Cent quarante-huit films sont tournés entre 1890 et septembre 1895 par Dickson et William Heise à l'intérieur d'un studio construit à West Orange, le "Black Maria", une structure montée sur rail, orientable selon le soleil8. »
Mais l’illusion d’images en mouvement est donnée auparavant (début du XIXe siècle) par des jouets scientifiques qui utilisent des dessins représentant un sujet dans les différentes phases d’un geste décomposé en une ou deux douzaines de vignettes dont on regarde la succession par des fentes ou par le biais de miroirs en rotation. Ces jouets optiques , ou « jouets de salon », qu’affectionnent un riche public, visent à développer la curiosité scientifique dans l’esprit des enfants de bonne famille. Ce sont notamment le Phénakistiscope du Belge Joseph Plateau, le Zootrope de l’Anglais William George Horner, le Folioscope du Français Pierre-Hubert Desvignes, qui est une adaptation du Flipbook de l'Anglais John Barnes Linnett, et le Praxinoscope du Français Émile Reynaud. Sans oublier le Zoopraxiscope du photographe britannique Eadweard Muybridge, mais il faut remarquer que Muybridge et son célèbre équivalent français Étienne-Jules Marey et son assistant Georges Demenÿ mettent au point diverses machines ou procédés optiques dans un but plus scientifique que commercial, pour tenter de décomposer, et ainsi d'étudier, les mouvements des êtres humains ou des animaux, et en général tout phénomène trop rapide pour être analysé par le regard humain (exemples : chute d'une goutte d'eau, explosions ou réactions chimiques).
Premiers films
Edison et son Phonographe.
En 1891, c'est sous la direction de l’Américain Thomas Edison, l’inventeur de la fabrication industrielle des ampoules électriques et le concepteur et fabricant du phonographe, que son principal collaborateur, l'ingénieur électricien William Kennedy Laurie Dickson, réussit des prises de vues photographiques animées et leur présentation au public.
Premières caméras de prise de vues
Thomas Edison, devenu presque sourd pendant son adolescence, rêve de coupler au phonographe une machine qui permettrait d’enregistrer l’image d’un chanteur ou d’un orchestre interprétant une chanson ou un air d’opéra. « On pourrait ainsi assister à un concert du Metropolitan Opera cinquante ans plus tard, alors que tous les interprètes auraient disparu depuis longtemps »9.
1891 : le kinétographe à défilement horizontal : à gauche, le moteur électrique ; à droite, la régulation ; au centre, l'ensemble bobineaux-entraînement alternatif-objectif-obturateur. Lors de la prise de vues, l’appareil est fermé par un couvercle.
Une invention fondamentale arrive à point nommé. Celle de l’Américain John Carbutt qui, en 1888, met sur le marché, fabriqué par les usines de George Eastman, un support souple en celluloïd, destiné à la photographie, débité en plaques et en rouleaux de 70 mm de large, enduits ou non de substance photosensible. La date de 1888 peut être ainsi considérée comme la fin du précinéma et le début du cinéma. À partir du ruban souple non perforé de Carbutt-Eastman, Edison et Dickson créent d'abord un format spécifique large de 19 mm. C'est un format aux photogrammes circulaires d’environ 13 mm de diamètre (survivance des jouets optiques) qui défilent à l'horizontal, entraînés par une seule rangée de perforations rectangulaires arrondies, disposées en bas des photogrammes, à raison de 6 perforations par image. Dickson et son assistant William Heise enregistrent sur ce support les premiers films du cinéma. « Les bandes tournées par Dickson sont à proprement parler les premiers films10. » Le mécanisme utilisé pour faire avancer la pellicule et l'arrêter derrière l'objectif pour impressionner une image, puis redémarrer pour s'arrêter aussitôt pour impressionner une autre image, est déjà connu du monde de la mécanique : la roue à rochet à avance électrique. C'est Edison qui a l'idée d'utiliser le mot anglais film, qui signifie "voile", "couche", pour désigner les bobineaux de pellicule impressionnés11.
William Kennedy Laurie Dickson dans
Dickson Greeting (
1891). Les photogrammes des tout premiers films du cinéma sont circulaires, d'un diamètre de 13
mm.
Dans l'un de ces films, William Heise filme Dickson qui salue d’un coup de chapeau les futurs spectateurs. C’est en principe le premier film du cinéma, selon certains historiens, mais pour d’autres, c’est encore un essai faisant partie du précinéma. Il s’intitule Le Salut de Dickson (Dickson Greeting), qui dure moins d'une dizaine de secondes, dont il ne subsiste que deux secondes. Il est présenté le 20 mai 1891 devant une assemblée de cent-cinquante militantes de la Federation of Women’s Clubs. Le succès est au rendez-vous, les spectatrices, individuellement ou deux par deux, se pressent autour des kinétoscopes et visionnent plusieurs fois chacune Le Salut de Dickson, manifestant leur étonnement et leur satisfaction, première représentation publique d'un film12. Le cycle recherché de l'enregistrement du mouvement et de sa restitution est enfin acquis13, la date est certifiée par cette présentation publique, les premiers films sont ceux d’Edison-Dickson.
En 1893, Edison et Dickson décident d'augmenter la surface des photogrammes en débitant en deux rouleaux de 35 mm de large le support Eastman de 70 mm, qu'ils dotent de 2 jeux de 4 perforations rectangulaires pour chaque photogramme et qui, cette fois, défile à la verticale. Ils lancent ainsi ce qui va devenir vingt ans plus tard le format standard international des prises de vues et des projections cinématographiques. Ce format, le 35 mm, est encore utilisé aujourd'hui, bien que rendu muséologique par les procédés numériques.
Premier appareil de visionnement d'images animées
L'intérieur d'un
kinétoscope, le film est en boucle continue (dessin de
Louis Poyet).
Parallèlement à l’expérimentation de ces deux formats, Dickson met au point, dans le cadre industriel Edison, un appareil pour voir en mouvement les futurs films, c’est le kinétoscope, un meuble en bois sur lequel le spectateur se penche et peut visionner individuellement un film qui se déroule en continu, entraîné par un moteur électrique, devant une boîte à lumière. L'utilisateur observe le film à travers un œilleton et un jeu de loupes grossissantes. Le mouvement est restitué par le passage d’un obturateur à disque mobile, synchronisé avec l’entraînement du film grâce aux perforations, qui dévoile les photogrammes les uns après les autres, à la cadence de 18 unités par seconde. « The cinema, as we know it today, began with the invention of the Kinetograph and Kinetoscope. These two instruments represent the first practical method of cinematography » (Le cinéma, tel que nous le connaissons aujourd'hui, commença avec l'invention du kinétographe et du kinétoscope. Ces deux machines sont la première méthode réussie de la prise de vues cinématographique)14.
Les kinétoscopes (dont l'appellation commerciale est très exactement kinetoscope peep show machine), attirent de nombreux curieux, mais Edison, dans l’euphorie de la victoire, dépose le brevet de son appareil uniquement pour le territoire américain, une faute stupéfiante de la part d’un homme pourtant tatillon et procédurier. Les contrefaçons vont aussitôt se développer dans le monde entier, Edison n’y pouvant rien. « À ce moment-là, il était bien entendu déjà trop tard pour protéger mes intérêts », écrit-il dans ses mémoires15. Pourtant, il organise à Paris, durant l’été 1894, des démonstrations publiques de kinétoscopes, auxquelles assiste Antoine Lumière, photographe de grand talent et père d'Auguste et Louis. Antoine assiste également, à quelques pas de là, à une séance de projection des premiers dessins animés du cinéma, que présente le dessinateur et inventeur français Émile Reynaud au sous-sol du Musée Grévin, avec son Théâtre optique. Antoine revient à Lyon et oriente ses fils vers la conception de machines équivalentes du kinétographe et du kinétoscope.
C’est ainsi que le 26 décembre 1894, on peut lire dans le quotidien Le Lyon républicain, que les frères Lumière « travaillent actuellement à la construction d’un nouveau kinétographe, non moins remarquable que celui d’Edison, et dont les Lyonnais auront sous peu, croyons-nous, la primeur »16, preuve irréfutable de l'antériorité des machines et des films Edison sur ses concurrents français. L'historien du cinéma Georges Sadoul affirme haut et fort que « les bandes tournées par Dickson sont à proprement parler les premiers films »1, mais dans le même ouvrage, il délivre un impressionnant Essai de chronologie mondiale, cinq mille films de cinquante pays, qu'il commence en 1892, avec les projections d'Émile Reynaud. L'historien tient compte à la fois des essais de Dickson entre 1888 et 1891 (y compris Le Salut de Dickson, qu'il estime n'être qu'un essai) et des Pantomimes lumineuses de Reynaud1. À partir de ces présentations publiques, une course folle est lancée mondialement pour trouver un équivalent aux machines d'Edison, et si possible en améliorer la technique. Comme chacun sait, c'est Louis Lumière qui remporte la course (son invention personnelle — en collaboration avec l'ingénieur parisien Jules Carpentier — est généralement signée du nom des "frères Lumière", car un contrat tacite existe entre les deux fils d'Antoine, stipulant que toute invention fait partie du patrimoine commun Lumière, et de la future succession du père).
À partir de 1893, Edison ouvre un peu partout sur le territoire américain, ou fait ouvrir sous licence, des Kinetoscope Parlors, des salles où sont alignés plusieurs appareils chargés de films différents qu’on peut visionner moyennant un droit d’entrée forfaitaire de 25 cents. Ce sont les premières vraies recettes du cinéma, les ancêtres, pourrait-on dire, des salles de cinéma. Laurie Dickson est chargé de diriger les prises de vues des films nécessaires, il est ainsi le premier réalisateur de l’histoire. Il fait construire le premier studio de cinéma, le Black Maria (surnom populaire des fourgons de police, noirs et inconfortables), recouvert de papier goudronné noir dont l’effet à l’intérieur est celui d’une serre surchauffée. Le petit bâtiment à toit ouvrant est posé sur un rail circulaire et peut s’orienter en fonction de la position du soleil, car la lumière du jour sera longtemps le seul éclairage utilisé pour tourner des films. Chaque film est d'une durée maximale de 60 secondes, composé d'une seule prise de vues, un unique plan dont le contenu, au début, relève plutôt du music-hall et des attractions de foire. L'industriel refuse obstinément, malgré les conseils pressants de Dickson, de développer la mise au point d'un appareil de projection sur grand écran, ce qui n'aurait posé aucune impossibilité technique, mais Edison pense que l'exploitation individuelle des films dans les kinetoscope parlors est commercialement préférable à une exploitation devant un public rassemblé. En 1895, le succès des films de Louis Lumière, tous tournés en extérieurs naturels, oblige Edison à déserter le Black Maria. Il fait alléger le kinétographe en supprimant le moteur électrique et il adopte la manivelle qu'utilisent la caméra Cinématographe Lumière. Il rachète alors un appareil de projection à un inventeur en faillite et lance le vitascope. En 1895-1896, un florilège de machines de cinéma apparaissent presque simultanément à la présentation du cinématographe Lumière, et même parfois avant, mais n'obtiennent pas le même succès. En 1914, un incendie ravage à West Orange la filmothèque aux galettes de films en nitrate de cellulose. Heureusement, Edison, en avance sur ses contemporains, a institué un dépôt légal de ses productions filmées, auprès de la Bibliothèque du Congrès, sous la seule forme autorisée : le support papier. Il a fait tirer une copie des films sur une bande papier perforée de 35 mm de large enduite d'émulsion photosensible développée puis fixée. Les films papier sont de qualité médiocre mais, une fois banc-titrés, ils restituent aujourd'hui les œuvres détruites17.
Premières projections animées
En 1877, Émile Reynaud, professeur de sciences et photographe, crée son jouet optique, le Praxinoscope, dont il dessine lui-même les vignettes, amusantes ou poétiques. Le Praxinoscope rencontre tout de suite la faveur du public et le dernier modèle permet même la projection des dessins sur un tout petit écran, car Reynaud pense que son art ne peut atteindre son apogée qu’en reprenant l’effet magique des lanternes lumineuses. Mais, comme pour tous les « jouets de salon », ses sujets sont en boucle : le geste, la pirouette, la transformation, ne durent qu’une seconde. En 1892, un an après les premiers films d’Edison, dont la durée n’est pas très longue (20 à 30 secondes), Reynaud entreprend de fabriquer un projet ambitieux qui l’obsède depuis quelque quinze années : une machine qui permettrait de projeter sur un grand écran, en donnant l’illusion du mouvement, des dessins qui racontent une vraie histoire d’une durée de deux à cinq minutes. Avec patience, il dessine et peint plusieurs centaines de vignettes qui représentent les différentes attitudes de personnages en mouvement, confrontés les uns aux autres, sur des carrés de gélatine qu'il encadre de papier fort (comme le seront plus tard les diapositives) et qu'il relie l'un à l'autre par des lamelles métalliques protégées par du tissu, le tout d’une largeur de 70 mm. Sa technique est le début de ce que l’on appellera le dessin animé, et le mouvement reconstitué classe bien son spectacle dans la catégorie des films, donc du cinéma.
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Émile Reynaud projetant Pauvre Pierrot dans son Théâtre optique. Gravure de Louis Poyet.
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Pauvre Pierrot, premier dessin animé de l'histoire (1892), première projection animée sur grand écran devant un public payant rassemblé.
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Les Pantomimes lumineuses, affiche de Jules Chéret.
En octobre 1892, Émile Reynaud présente à Paris, dans le Cabinet fantastique du Musée Grévin, ce qu’il baptise le Théâtre optique, où sont projetées ses pantomimes lumineuses, ainsi qu’il appelle ses films. Le Théâtre optique d’Émile Reynaud innove considérablement par rapport à Thomas Edison en inaugurant les premières projections de films animés sur grand écran. Contrairement au visionnage solitaire des kinétoscopes, le public du Théâtre optique est rassemblé pour suivre l’histoire projetée sur l’écran. Ainsi, le Musée Grévin peut s’enorgueillir d’avoir été la première salle de projection de cinéma, trois ans avant les projections des frères Lumière au Salon indien du Grand Café.
Cinématographe Lumière
Durant l’automne 1894, lors d’un voyage à Paris, Antoine Lumière assiste à l’une des projections animées du Théâtre optique d’Émile Reynaud au Musée Grévin, au no 10 du boulevard Montmartre. Puis il se rend à une démonstration du kinétoscope, organisée à quelques centaines de mètres au no 20 du boulevard Poissonnière. Les représentants d’Edison lui offrent un échantillon d’une trentaine de centimètres du film de 35 mm perforé de l’industriel américain. « Émerveillé par le Kinétoscope d'Edison »18, Antoine revient à Lyon, persuadé que le marché des machines d’enregistrement et de représentation des vues photographiques en mouvement (le mot anglais film, adopté pour la première fois par Thomas Edison en 1893 pour désigner les pellicules impressionnées n'est pas encore connu) est à portée de main et que ce marché est riche en promesses commerciales. Les projections du Théâtre optique et les réactions du public l’ont convaincu aussi que l’avenir n’est pas dans le kinétoscope, vu par un seul spectateur à la fois, mais dans une machine du type de celle de Reynaud, projetant sur un écran des vues animées, devant un public assemblé.
Le film souple est fabriqué par Eastman qui perçoit des droits industriels inclus dans le prix de chaque métrage du support qu’il vend. Ce film lisse se doit d’être transformé sur ses bordures pour que les griffes puissent s’engager dans des perforations et assurer le passage précis d’un photogramme déjà impressionné à un autre photogramme à impressionner. Mais les Lumière savent que les perforations rectangulaires de type Edison ont fait l’objet de plusieurs brevets, et qu’elles sont une réalité industrielle incontournable. Leur duplication serait un cas de contrefaçon de la part des Lumière qu'Edison n'aurait pas hésité à poursuivre en justice. Pour éviter de payer des droits à l’Américain, Louis Lumière dote leur film de perforations rondes, disposées latéralement à raison d’une seule perforation de part et d’autre de chaque photogramme19,16. Le film perforé Edison, plus performant, sera choisi mondialement par les fabricants de pellicule comme format standard de prise de vues et de projection dès 1903. À cette date, les Lumière se retireront de la course à la production de films, car ils auront compris qu'un nouveau métier venait de naître, qui nécessite des connaissances en dramaturgie, dont ils sont démunis. « Du reste, l’exploitation du Cinématographe, comme spectacle animé, restait modeste relativement à ce qu’elle sera lorsqu’elle réalisera une nouvelle forme du théâtre. Une fois l’engouement de la nouveauté passé, du fait des représentations de la salle du Grand Café, il ne resta sur les boulevards, à Paris, que trois ou quatre petites exploitations, où leurs propriétaires faisaient de bonnes recettes, mais pas fortune rapidement. En province, les grandes villes seules pouvaient avoir une salle de cinéma, assurée de faire ses frais »20.
Fin 1895, les frères Lumière montent une série de projections payantes à Paris, dans le Salon indien du Grand Café, au no 14 du boulevard des Capucines. Le premier jour, 28 décembre 1895, seulement trente-trois spectateurs (dont deux journalistes) viennent apprécier les diverses « vues »21,1. Le bouche à oreille aidant, en une semaine la file d'attente atteint la rue Caumartin. Les projections se font à guichet fermé et les séances sont doublées, le retentissement de ce succès qui, au fil des mois, ne se dément pas, est mondial. Dix films, que Louis Lumière appelle des « vues photographiques animées », constituent le spectacle, dont La Sortie de l'usine Lumière à Lyon, La Place des Cordeliers à Lyon, Le Débarquement du congrès de photographie à Lyon, Baignade en mer, des enfants plongeant dans les vagues, Les Forgerons, à l’exemple d’Edison, mais avec de vrais forgerons et une vraie forge car Dickson, pour les besoins du tournage, s’était contenté de reconstituer la forge avec de simples figurants peu convaincants. Suivent deux scènes de famille avec un bébé, la fille même d’Auguste Lumière, Le Repas de bébé et La Pêche aux poissons rouges, puis deux « vues comiques », en fait des pitreries militaires, La Voltige et Le Saut à la couverture, dans la tradition des comiques troupiers. La séance se termine par le célèbre L'Arroseur arrosé (Le Jardinier), qui est en vérité la première fiction sur pellicule photographique animée de l’histoire du cinéma, jouée par des comédiens (les premières fictions du cinéma étant les pantomimes lumineuses dessinées d’Émile Reynaud).
Thomas Edison comprend que la technique de projection sur grand écran du cinématographe vient de sonner le glas de son kinétoscope. Son ingénieur Laurie Dickson, dont il a repoussé les conseils, passe à la concurrence. Pressé par le temps, Edison rachète à l’inventeur Francis Jenkins son appareil de projection sorti en octobre 1895 sous le nom de Phantascope, qu’il adapte avec l’aide de l’ingénieur Thomas Armat, et qu’il appelle le Vitascope. Edison peut alors projeter sur grand écran les nombreux films qu’il a déjà fait enregistrer depuis 1893 avec le kinétographe (148 titres)8. De son côté, Émile Reynaud maintient ses projections au Musée Grévin. Il draine un demi-million de spectateurs, entre 1892 et 1900, ce qui représente un beau succès pour une unique salle aux modestes dimensions. Cependant, la concurrence toute proche du Grand Café l’atteint directement et il réagit en essayant d’adapter à sa machine des bandes photographiques. Mais les films Eastman sont en noir et blanc, et leur colorisation avec des vernis va à l’encontre des teintes pastels des dessins délicats de Reynaud. À l’orée du XXe siècle, Émile Reynaud fait faillite. De désespoir, il détruit ses machines, revendues au poids des matériaux. Quant aux bandes dessinées, il les jette dans la Seine. Une perte irréparable… N’en réchappent que deux merveilles, Autour d'une cabine, et Pauvre Pierrot22.
Naissance d'une industrie
Pour varier les programmes, et surtout vendre leurs films et leur Cinématographe (l'appareil même) aux riches particuliers, les frères Lumière alimentent leur fonds par des « vues » que Louis fait tourner par des opérateurs envoyés dans le monde entier. Les plus célèbres d’entre eux, Gabriel Veyre, Alexandre Promio, Francis Doublier, Félix Mesguich enregistrent des bobineaux qui ne comptent qu’une unique prise de vues, un seul plan. Exceptionnellement, ils arrêtent de « mouliner », afin d'économiser la précieuse pellicule Eastman lors d’une scène qu’ils estiment longuette, et ils reprennent un peu plus tard, créant ainsi deux plans dans le même bobineau qui est ensuite coupé et recollé en éliminant les photogrammes surexposés qui correspondent à l'arrêt et au redémarrage de la caméra. Prémices du montage ? On peut affirmer que non, puisqu'il s'agit d'une simple réparation.
Cependant, Georges Méliès, célèbre illusionniste, assiste à l’une des toutes premières projections du Grand Café. Il imagine tout de suite comment la projection de films pourrait enrichir son spectacle au théâtre Robert-Houdin qu'il a racheté en 1888. Il propose à l’issue de la séance de racheter pour une somme astronomique (il est alors fortuné) les brevets qui protègent le cinématographe. Antoine Lumière refuse avec bonhomie et lui aurait dit : « Jeune homme, je ne veux pas vous ruiner, cet appareil n’a de valeur que scientifique, il n’a aucun avenir dans le spectacle ».
Après le refus poli d’Antoine Lumière, Georges Méliès ne s'avoue pas vaincu, ce n'est pas son genre. Il se tourne vers ses amis anglais, Birt Acres et Robert William Paul, inventeurs de la Kinetic camera qu'ils ont mise au point à peu près aux mêmes dates que le cinématographe Lumière. Robert William Paul s'est fait une réputation en fabriquant en Angleterre les contrefaçons du kinétoscope d'Edison. Cette fois, il fournit à Méliès une caméra en modèle unique. Reste au Français à alimenter son appareil avec de la pellicule, car Eastman n'approvisionne que très peu le marché européen, et cela depuis la mise au point de la bande en celluloïd. « La pellicule était rare à cette époque, elle nous était fournie en petites longueurs par la maison Eastmann (sic) qui en chargeait ses kodaks et par Balagny, qui nous donnait des bandes de collodion émulsionnées au gélatino-bromure, mais ne dépassant pas 1,5 m de longueur. Le nombre d’images obtenues était ainsi fort limité »23. Méliès réussit à se procurer en Angleterre un stock de film Eastman 70 mm vierge et se lance dans deux périlleuses opérations techniques qu'il mène lui-même, prestidigitation oblige ! Il bricole une machine pour couper le précieux film en deux rubans de 35 mm. Puis, avec une autre machine de sa fabrication, il crée une rangée de perforations rectangulaires sur chaque bord de la pellicule. Son film est prêt à être impressionné.
Léon Gaumont, un industriel qui vend du matériel et des fournitures pour la photographie, et qui a cru pour un temps au format 58 mm de Georges Demenÿ, offre bientôt un catalogue foisonnant de bobineaux de cinéma 35 mm24. L'une de ses employées, Alice Guy, a l'idée de créer des petits films promotionnels, et devient ainsi la première femme cinéaste du monde25 : elle réalise elle-même des centaines de bobineaux, dont une Passion (de Jésus) qui marque l'arrivée de la religion sur le marché des salles obscures, et qui bénéficie d'un scénario célèbre et éprouvé : le chemin de croix. Un nouveau venu arrive dans la course au succès : Charles Pathé, un forain enrichi par ses présentations de films sur des kinétoscopes de contrebande, qui décide d’envoyer des opérateurs à travers le monde, suivant l’exemple de Louis Lumière, pour filmer des scènes typiques, toujours sous la forme de bobineaux contenant une seule prise de vues24. En peu de temps, avec l'aide de son frère, sa société, Pathé-Cinéma, devient aussi puissante que les plus importantes maisons de production américaines, que ce soit Edison Studios ou Vitagraph Company. Son emblème triomphal est le coq gaulois, et l'est encore aujourd'hui.
Un objectif, non pas marketing, mais macro-économique peut être également poursuivi par les gouvernants d’un pays grâce au cinéma26. Dans la préface de l’ouvrage de Philippe d’Hugues, L’envahisseur américain. Hollywood contre Billancourt (1999), Hervé Lavenir de Buffon, Président du Centre d’études et d’action européenne, considère que les États-Unis ont « la volonté de conquête totale, non seulement du marché européen et mondial, mais - bien au-delà des domaines du film, de la télévision, de la communication par l’image et le son – de tout l’empire of mind que Winston Churchill désignait comme l’un des empires du futur ».Cette volonté n’est pas nouvelle, elle remonte aux années vingt, époque au cours de laquelle le Président Hoover déclarait : « Là où le film américain pénètre, nous vendons davantage d’automobiles américaines, plus de casquettes, plus de phonographes américains ».Que dire, pour finir, des films qui ne semblent pas a priori véhiculer d’idéologie ? Jean-Loup Bourget 27 semble considérer, dans un chapitre entier qu’il consacre à l’idéologie, que tous les films en ont une part : « De manière explicite ou sous-jacente, délibérément ou à leur insu, les films véhiculent une idéologie, ils sont inscrits dans un contexte social et politique, national et international, auquel ils ne sauraient entièrement échapper : faire un film d’évasion est encore une façon de réagir à ce contexte, de même que l’ « apolitisme » est une attitude politique parmi d’autres » (Bourget, 2002, p.149). Le contenu idéologique n’est pas seulement le fait des cinéastes, il peut être également celui des spectateurs, amateurs ou critiques, dès lors que ces derniers jugent qu’un film propage, même de manière diffuse et implicite, certaines valeurs, par exemple de l’American way of life, aux dépens d’autres valeurs, d’autres cultures (Bourget, 2002).
Naissance d’un langage
Le studio de Méliès est entièrement vitré, le contraire de la Black Maria. À gauche : Méliès peignant un élément de décor.
De 1891 à 1900, et même quelques années plus tard, les films se présentent toujours sous le même aspect : un bobineau de pellicule 35 mm de 20 mètres environ (65 pieds), sur lequel est impressionnée une unique prise de vues comprenant un seul cadrage (un plan), qui, en projection, dure moins d’une minute.
Ce sont les cinéastes anglais qui, les premiers, découvrent les vertus du découpage en plans et de son corollaire, le montage. L’historien du cinéma Georges Sadoul les regroupe sous le nom d’« école de Brighton », et réserve aux plus inventifs d'entre eux un coup de chapeau mérité : « En 1900, George Albert Smith était encore avec James Williamson à l'avant-garde de l'art cinématographique »1. D'autres n'hésitent pas à déclarer : « Alors que William Kennedy Laurie Dickson, William Heise, Louis Lumière, Alexandre Promio, Alice Guy, Georges Méliès, bref, les inventeurs du cinéma primitif, ne dérogent pas à l’habitude, tout à la fois photographique et scénique, de tourner une seule prise de vue pour filmer une action unique dans un même lieu, George Albert Smith, lui, décrit une action unique se déroulant en un même lieu, à l’aide de plusieurs prises de vues qui sont reliées entre elles par la seule logique visuelle. Ce qu’on appellera plus tard le découpage technique, le découpage en plans de l’espace et du temps à filmer »28.
Réalisé par George Albert Smith en 1900, le film Les Lunettes de lecture de Mamie, ou La Loupe de grand-maman, est le premier film où est expérimenté une manière spécifique du cinéma de décrire une action. Dans ce film d’une minute vingt au sujet très mince, comme il est de coutume de les concevoir à l’époque : un enfant utilise la loupe de sa grand-mère pour observer autour de lui, George Albert Smith fait alterner deux sortes de prises de vue. Un cadrage principal et large montre le jeune garçon en compagnie de son aïeule, occupée à repriser. Le gamin emprunte la loupe et la dirige d’abord vers une montre, que l’on voit alors en gros plan à travers une découpe ronde en forme de loupe. Le jeune garçon cherche autour de lui, et braque sa loupe vers un oiseau en cage. Gros plan de l’oiseau à travers la découpe. L’enfant dirige ensuite la loupe vers sa mamie. Un très gros plan plutôt drolatique montre l’œil droit de la grand-mère, qui tourne dans tous les sens, toujours vu par le biais d’une découpe ronde. Le petit-fils aperçoit le chaton de sa mamie, caché dans son panier à couture. Gros plan du chaton à travers la loupe. Le chaton bondit hors du panier, la grand-mère arrête là le jeu de son petit-fils. Cette succession de prises de vues, liées par un même récit, inaugure la division en plans d’un film de cinéma, ce qu’on appelle aujourd'hui le découpage technique, ou plus simplement le découpage. Et sa suite logique, qui est le montage de ces éléments filmés séparément, dit montage alterné. La découverte est de taille, fondamentale. En prime, ce film invente le plan subjectif, puisque chaque gros plan vu à travers la loupe, est un plan subjectif qui emprunte le regard du jeune garçon. À notre époque, ce découpage en plans semble facile et évident, presque banal. Mais en 1900, c'est une révolution.
George Méliès, lui, ne comprend pas l’apport essentiel au cinéma de ses bons amis de Brighton, et Le Voyage dans la Lune qu'il réalise en 1902 est là encore, malgré ses nombreuses inventions humoristiques, une suite de tableaux à la manière du music-hall, pour une durée de presque 13 minutes. Cette réserve permet d'affirmer que Georges Méliès n’est pas, contrairement à ce qui est souvent dit, l’inventeur de la fiction, alors que son apport technique, comme illusionniste, est considérable, notamment avec l'arrêt de caméra, un procédé qu'il reprend à William Heise et Alfred Clark, de l'équipe d'Edison qui ont tourné L'Exécution de Mary, reine des Écossais en 1895. Mais alors que William Heise n'utilise qu'une seule fois ce « truc » élémentaire (encore fallait-il le découvrir), Georges Méliès, lui, après un premier essai réussi en 1896 (Escamotage d'une dame au théâtre Robert-Houdin), décline l'arrêt de caméra sur plusieurs dizaines de films avec une invention chaque fois renouvelée et une dextérité extraordinaire, qui étonnent encore aujourd'hui tous les professionnels du cinéma.
En 1908, David Wark Griffith, un autodidacte américain qui commence sa carrière au cinéma en jouant le rôle principal du film Sauvé du nid d’un aigle (durée : 7 minutes), dirigé par Edwin S. Porter, pour lequel il accepte de s’improviser cascadeur, se voit ensuite confier la réalisation d’un film de 13 minutes, Les Aventures de Dollie. Les découvertes de George Albert Smith, et plus généralement de l’école anglaise de Brighton, ont ouvert aux cinéastes un espace créatif immense, dorénavant la durée des films découpés en plans est comprise entre 10 et 13 minutes, c’est-à-dire une bobine de film 35 mm de 300 mètres. On dit alors d’un film qu’il fait 1 bobine ou 2. Les Aventures de Dollie est un film d’une bobine. Le sujet est simple : la fillette d’un couple aisé est enlevée par un couple de « gens du voyage », qui veut se venger de leur comportement hautain. Le père se lance à la poursuite des kidnappeurs et les rattrape, mais ne trouve dans leur roulotte aucune trace de son enfant. Les ravisseurs ont enfermé Dollie dans un tonneau en bois. En passant un gué, la roulotte laisse échapper le tonneau qui part en flottant sur l’eau. Le courant providentiel ramène le tonneau, et la fillette, devant la maison des parents. D.W.Griffith accepte ce sujet, qui semble difficile à réaliser, à cause des différents lieux et de la simultanéité des actions, parce qu’il comprend – et ceci sans aucune expérience préalable – comment il faut traiter ce genre d’actions parallèles. Ce qui n’est pas évident en 1908.
C’est pourtant ce que tente et réussit D.W.Griffith, dès son premier film, Les Aventures de Dollie. Il mélange les plans qui montrent la famille réunie, jouant au badminton, avec des plans du couple de gitans dans leur campement, l’homme revenant de sa confrontation humiliante avec le mari qui l’a frappé et jurant à sa compagne qu’il va se venger. Puis l’homme retourne à la maison de la famille, profite que la fillette est seule, la saisit en l’empêchant de crier et l’emporte au loin. Il arrive au campement et montre la fillette à sa compagne qui en est bouleversée, et qui, pour cette raison, reçoit en punition des coups de son compagnon. Devant la maison, la famille constate la disparition de la fillette et le mari part à sa recherche avec des voisins. Au campement, l’homme dissimule Dollie dans un tonneau qu’il referme. Le père et les voisins déboulent, furieux, et bousculant le couple, cherchent partout sans penser à ouvrir le tonneau. Ils ne peuvent que se retirer bredouilles, laissant libre le couple de kidnappeurs qui lèvent le camp aussitôt. La roulotte part au galop et traverse une rivière, le tonneau se détache, il est entraîné par le courant. Dans leur jardin, le couple aisé se désespère car leurs recherches n’ont rien donné. Plusieurs plans montrent alors le tonneau se déplaçant sur le cours de la rivière, franchissant une petite chute d'eau. Devant la maison, un grand garçon pêche, qui voit le tonneau s’immobiliser dans les herbes qui bordent la rivière. Il appelle le père qui, soudain, tend l’oreille vers le tonneau, ce qui fait penser qu’il entend des cris. Il ouvre le tonneau et libère la petite Dollie. La famille est enfin réunie dans la joie.
Ce découpage est en fait inspiré de la technique romanesque. Bien que n’ayant jamais fréquenté l’université, Griffith est cultivé. Parmi les métiers qui l’ont fait vivre, il y a celui de libraire ; comme Edison, il a beaucoup lu. Il sait que le romancier utilise constamment son don d’ubiquité pour mettre en parallèle deux ou plusieurs actions qui se déroulent en même temps. Griffith pense que le découpage en plans permet de la même façon de passer d’une action se situant dans un décor, à une autre action simultanée se déroulant dans un décor différent mais faisant partie de la même histoire, avec la possibilité d’aller et de retourner à l’un comme à l’autre décor, passer d'une action à une autre, ce que l'on appellera le montage parallèle, qui n'est pas un effet que l'on trouve au montage puisque cette dichotomie est déjà prévue par écrit dans le découpage technique qui suit la rédaction du scénario, donc avant le tournage. C’est cette possibilité de découper en séquences, et non plus en vues, en tableaux ou en scènes, qui permet dorénavant aux cinéastes de traiter des récits de plus en plus longs et complexes, mettant en mouvement de nombreux personnages dans diverses situations, liés par la même histoire. Griffith a ouvert la voie aux longs-métrages. Le cinéma s’y engouffre et les films longs (4 à 6 bobines, et plus) se multiplient, apportant un nouveau souffle au spectacle cinématographique dont la fréquentation augmente considérablement avant la guerre de 1914-1918, et reprend de plus belle après l'armistice.
Avènement du cinéma sonore
En 1892, Reynaud fait accompagner les projections de son Théâtre optique par un pianiste, Gaston Paulin, qui compose, exprès pour chaque bande, une musique originale. On peut dire que ce sont les premières BO (bandes originales) du cinéma. Reynaud a compris que ses Pantomimes lumineuses voient leur force évocatrice décuplée par leur mariage avec la musique, qui assure également un continuum sonore couvrant le bruit du défilement de la bande images. Aujourd’hui, le compositeur de la bande originale d’un film est considéré, au regard des droits d’auteur relatifs à la projection et à la diffusion par support domestique des films, comme l’un des auteurs du film, avec le réalisateur (qui est le plus souvent crédité comme l’unique auteur), le scénariste, et éventuellement le dialoguiste. Les projections de films 35 mm sur support photographique sont accompagnées par un instrumentiste (un pianiste est l’accompagnement de base) ou plusieurs instrumentistes, voire une petite formation de musique de chambre dans les cinémas des beaux quartiers, qui improvisent au cours des premières projections puis reprennent les effets réussis lors des autres séances. Des partitions sont vendues ou louées avec les films, afin que les forains fassent accompagner efficacement les séances, y compris une liste des accessoires nécessaires au bruitage.
« Il faut attendre 1924 pour que Western Electric Company développe aux États-Unis, en collaboration avec Bell Telephone Laboratories, un système de synchronisation sonore, le Vitaphone, qui reprend le procédé du disque gravé. Les ingénieurs de Western Electric ont équipé l’appareil de projection et le phonographe de moteurs électriques synchrones qui entraînent les deux machines à la même vitesse29. » Cette fois, la synchronisation du son avec l’image est parfaite du début à la fin. Mais les réticences des forains sont grandes, leur expérience des disques couplés aux films leur a laissé de mauvais souvenirs, projections interrompues, rires ou huées du public, le passif est lourd. Western Electric songe à abandonner son système, mais une opportunité inattendue se présente en 1926. Quatre frères, d’anciens forains qui ont durant plusieurs années organisé des projections itinérantes, rachètent un théâtre dans Manhattan et l’équipent avec le procédé Vitaphone, engageant leurs derniers dollars dans un pari qui semble, aux yeux de leurs contemporains, perdu d’avance. Les frères Warner produisent un film de trois heures, Don Juan, avec la star de l’époque, John Barrymore, qu’ils ont encore sous contrat. Le film comprend quelques rares dialogues enregistrés, mais surtout, tout un fatras de musiques classiques connues, arrangées pour leur donner un air de continuité. On peut dire que ce film est la première expérience réussie de cinéma sonore (images et sons enregistrés). Le couple disque gravé-film 35 mm fonctionne sans incident. Le public de nantis qui assiste aux projections réserve au film un excellent accueil, mais Don Juan ne rentre pas dans ses frais, les places étant trop chères pour drainer le public populaire qui d'ailleurs, à l'époque, recherche d'autres musiques.
Affiche du film
Le Chanteur de jazz, l'un des premiers films chantants, considéré à tort comme le premier film parlant.
Ils ont alors l’idée de filmer un chanteur de cabaret des plus populaires, Al Jolson, un Blanc grimé en Noir. Ils tournent Une scène dans la plantation, un film d’une seule bobine. Le public populaire est enthousiaste, non seulement Al Jolson chante le blues30, mais en plus il parle en regardant l’objectif de la caméra, il s’adresse au public ravi, comme dans un spectacle vivant. On fait la queue pour assister aux séances. Les Warner s’empressent de redoubler leur coup, cette fois en produisant en 1927 un long-métrage d’une heure et demie, le fameux film Le Chanteur de jazz qui est un immense succès. C’est une erreur de dire que ce film est le premier film sonore ou parlant. « Le Chanteur de jazz était un film muet où avaient été insérés quelques numéros parlants ou chantants. Le premier film « cent pour cent parlant » (pour employer le langage de l'époque) : Lights of New York, fut produit en 1929 seulement1. » En effet, aucun des nombreux dialogues du film Le Chanteur de jazz n’est enregistré, les répliques entre les comédiens sont toutes écrites sur des cartons d’intertitres, selon la tradition du cinéma muet. Seules les chansons d’Al Jolson et les phrases qu’il prononce entre deux couplets, sont réellement enregistrées. Ce film doit être considéré plutôt comme l’un des premiers films chantants (après Don Juan et Une scène dans la plantation). Une chose est sûre : c’est un triomphe qui, à terme, condamne le cinéma muet (qui ne s'appelle pas encore ainsi), et fait immédiatement de la Warner Bros. l’un des piliers de l’industrie hollywoodienne.
Fort de ces succès, le système Vitaphone, disque et film, se répand dans toutes les salles de cinéma et chez les forains. Mais déjà, la technique fait un bond en avant : la Fox Film Corporation inaugure un procédé photographique, le son Movietone. Ce que l’on appelle désormais la « piste optique » est intercalée entre l’une des rangées de perforations et le bord des photogrammes, rognant la partie utile de l’image. Radio Corporation of America (RCA) lance une technique au meilleur rendement sonore, dite « à densité fixe » (blanc et noir seuls). D'autres techniques sont testées aux États-Unis et de nombreuses sociétés naissent dans les années 1920, profitant de l'engouement de la Bourse pour le cinéma. La demande en films parlants modifie profondément l'industrie du cinéma. Pour réaliser de bonnes prises de son, les studios sont régis maintenant par l'obligation du silence. « Silence, on tourne ! ».
Au fil des décennies de l'existence du cinéma, l'enregistrement et la reproduction du son vont passer par plusieurs étapes d'améliorations techniques :
- Le son stéréophonique
- Le son magnétique
- Les réducteurs de bruit
- Le son numérique
Apport de la couleur
Danse serpentine, teintée à la main (1895).
Émile Reynaud est le premier à utiliser la couleur pour ses Pantomimes lumineuses, projetées au Musée Grévin dès 1892. Image par image, il dessine à la main et applique ses teintes directement sur sa bande de 70 mm de large, faite de carrés de gélatine reliés entre eux, ce qui fait de lui le premier réalisateur de dessins animés (du type animation limitée). En 1894, l’une des bandes produites par Thomas Edison, filmées par Laurie Dickson, est ensuite coloriée à la main (teinture à l'aniline), image par image, par Antonia Dickson, la sœur du premier réalisateur de films. Il s’agit de Butterfly Dance (en français, Danse du papillon), et de Serpentine Dance (en français, Danse serpentine),très courtes bandes de 20 secondes chacune, où la danseuse Annabelle virevolte avec des effets de voilage à la manière de Loïe Fuller. L’effet est actuellement toujours très réussi. C’est la première apparition de la couleur appliquée à la prise de vues photographique animée.
En 1906, l'Américain James Stuart Blackton enregistre sur support argentique 35 mm, à la manière d’un appareil photo, photogramme après photogramme, grâce à ce qu’on nomme le « tour de manivelle », un « procédé (qui) fut appelé en France « mouvement américain ». Il était encore inconnu en Europe »1, un film pour la Vitagraph Company. C'est le premier dessin animé sur support argentique de l'histoire du cinéma, Humorous Phases of Funny Faces (Phases amusantes de figures rigolotes), où l'on voit, tracé en blanc à la craie sur un fond noir, un jeune couple qui se fait les yeux doux, puis vieillit, enlaidit, le mari fume un gros cigare et asphyxie son épouse grimaçante qui disparaît dans un nuage de fumée, la main de l'animateur efface alors le tout. Le générique lui-même est animé. C'est drôle, mais la couleur est encore absente.
L’apport de la couleur passe dans les premières décennies du cinéma par deux solutions :
- La première est bon marché, et son attrait limité mais reconnu. C’est la teinture dans la masse de chaque copie de projection, par immersion dans un bain colorant transparent qui donne à chacune une lumière particulière. Un bobineau montrant une baignade à la mer est teinté en vert. Une scène de forge ou d’incendie est de même teintée en rouge. Le bleu est utilisé pour les régates sur l’eau, le jaune accompagne les vues du désert.
- La seconde est le coloriage à la main de chacun des photogrammes, à l’aide d’un pochoir enduit d’encre. Cette technique, qui exige le renfort de nombreuses « petites mains », est beaucoup plus onéreuse, mais l’effet spectaculaire est garanti. Georges Méliès n’est pas le seul à l’utiliser. Les productions Pathé, Gaumont, et bien sûr Edison, montent des ateliers où s’escriment des dizaines de femmes qui colorisent au pinceau, au pochoir manuel, puis avec un système mécanique de modèle entraînant, par l’intermédiaire d’un parallélogramme ou de cames, un ou plusieurs pochoirs.
Un rêve en couleur (1911), tourné en Kinémacolor.
Après avoir découvert le découpage en plans et bien d’autres innovations fondamentales du cinéma, le britannique George Albert Smith se désintéresse de la réalisation des chase films. Il préfère se lancer dans la recherche pure en mettant au point avec l'Américain Charles Urban un procédé de film donnant l'illusion de la couleur sur film Noir et Blanc, le Kinémacolor dont le premier film, Un rêve en couleur, date de 1911. Les films paraissent bien en couleur, mais les inconvénients du Kinémacolor sont multiples : le bleu et le blanc sont peu ou mal rendus, les couleurs sont un peu pâteuses. Et surtout, le procédé nécessite l’investissement d’un équipement qui fonctionne exclusivement pour le Kinémacolor. Après quand même quelque deux-cent cinquante films, le Kinémacolor est abandonné pour des raisons économiques, juste avant la Première Guerre mondiale.
Un autre procédé, américain, va le remplacer, mis au point pendant la guerre, et lancé dès 1916 : le Technicolor. Ce procédé utilise lui aussi le seul film disponible, le film Noir et Blanc. La prise de vue s’effectue avec une caméra lourde aux dimensions imposantes, qui fait défiler en même temps trois pellicules Noir et Blanc synchronisées. Derrière l’objectif, un double prisme laisse passer en ligne droite l’image filtrée en vert qui impressionne l’une des pellicules. Par un premier filtrage, le même double prisme dévie le faisceau du rouge et du bleu sur un pack de deux pellicules qui défilent l’une contre l’autre. La première est dépourvue de la couche anti-halo qui ferme habituellement le dos des pellicules, l’image peut la traverser mais au passage l’impressionne au bleu, tandis qu’elle impressionne dessous l’autre pellicule filtrée au rouge. La prise de vue fournit ainsi trois négatifs en Noir et Blanc, qui représentent les matrices de chaque couleur fondamentale par leur complémentaire (le jaune donné par le monochrome bleu, le rouge magenta donné par le monochrome vert, le bleu-vert donné par le monochrome rouge). Le tirage des copies fonctionne selon le principe et la technique de la trichromie de l’imprimerie, avec les mêmes possibilités de régler l’intensité de chaque couleur. Très vite, il apparaît la nécessité d’ajouter une quatrième impression, un gris neutre dont la matrice est obtenue par la superposition photographique des trois matrices de la prise de vue, afin de souligner le contour des formes qui prennent ainsi plus de corps.
Dans les années 1930, l’Allemagne, sous la botte du Parti national-socialiste (nazisme), développe un cinéma de propagande doté d’énormes moyens financiers. La recherche d’un procédé de film en couleur, utilisant un support unique léger qui favoriserait la prise de vue documentaire (dans un but politique), est menée hâtivement. Le procédé Agfacolor, inventé à l’origine pour la photographie sur plaques de verre, est alors décliné sur film souple, d’abord en film inversible (le film subit deux traitements successifs - développement, puis voilage - qui le font passer du stade négatif au stade positif), puis en négatif (nécessitant ensuite des copies positives séparées). En 1945, après la défaite de l'Axe Rome-Berlin-Tokyo, les Alliés et les Soviétiques s’emparent de découvertes technologiques allemandes, et ramènent derrière leurs frontières entre autres procédés et techniques, ceux du film en couleur. Aux États-Unis, le procédé soustractif de l’Agfacolor devient l’Eastmancolor, en URSS il donne le Sovcolor, en Belgique le Gévacolor, et au Japon, sous contrôle américain, naît le Fujicolor.
Par rapport au Technicolor, le procédé Eastmancolor propose une alternative économique au stade de la prise de vues. Dans les années 1950, les films Technicolor sont désormais tournés en Eastmancolor. Après le tournage, une fois le montage achevé, on tire du négatif monopack Eastmancolor les quatre matrices qui vont servir à l’impression des copies du film selon le procédé Technicolor trichrome, avec l’avantage sur le négatif Eastmancolor, de pouvoir être étalonnées efficacement au niveau chromatique, pour chacune des couleurs primaires.
Un procédé encore plus économique, découvert en photographie dans les années 1920, est adapté au cinéma en Italie dans les années 1950 : le Ferraniacolor. Il va servir essentiellement les films à costumes, et plus particulièrement les péplums qui relancent la production italienne.
Théories
Les travaux du linguiste
Ferdinand de Saussure établirent les prémices de l’analyse structurale du récit.
Les théoriciens du cinéma ont cherché à développer des concepts et à étudier le cinéma comme un art31. Issu de la technique moderne tout en étant l’un des symptômes et causes de cette modernité, ses principes, comme la technique, le montage, ou la prise de vues, ont bouleversé les modes de représentation dans les arts figuratifs et la littérature32. Pour se former et se comprendre en tant qu’art, le cinéma a eu besoin de théories. Dans Matière et mémoire, en 1896, le philosophe français Henri Bergson anticipe le développement de la théorie à une époque où le cinéma venait juste d’apparaître comme visionnaire32. Il s’exprime aussi sur le besoin de réfléchir sur l’idée de mouvement, et invente donc les termes « image-mouvement » et « image-temps »32. Cependant en 1907, dans son essai L’Illusion cinématographique, tiré de L'Évolution créatrice, il rejette le cinéma en tant qu’exemple de ce qu’il a à l’esprit. Néanmoins, bien plus tard, dans Cinéma I et Cinéma II, le philosophe Gilles Deleuze prend Matière et mémoire comme base de sa propre philosophie du cinéma et réexamine les concepts de Bergson en les joignant à la sémiotique de Charles Peirce.
C’est en 1911 dans The Birth of the Sixth Art que Ricciotto Canudo esquisse les premières théories33,34, se dressant alors dans l’ère du silence et s’attachant principalement à définir des éléments cruciaux35. Les travaux et innovations des réalisateurs drainèrent davantage de réflexions. Louis Delluc, avec l’idée de photogénie, Germaine Dulac et Jean Epstein, qui voient dans le cinéma à la fois un moyen de dépassement et de réunion du corps et de l’esprit, sont les principaux acteurs d’une avant-garde française, suivie de près par les théories allemandes qui, influencées par l’expressionnisme, se tournent davantage vers l’image. On remarque en parallèle la Gestalt, qui naît entre le XIXe siècle et le XXe siècle sous l’égide de Ernst Mach36.
Du côté soviétique, les théoriciens-cinéastes tiennent le montage pour l’essence du cinéma32. Le thème privilégié de Sergueï Eisenstein sera la création sous tous ses aspects, soit tout ce qui permet d’envisager la création d’un « langage » d’image-concept et une théorie générale du montage, révélateurs l’un et l’autre des lois identiques de la réalité et de la pensée. De son côté Dziga Vertov se fera porte-voix de la nouveauté et du futurisme. Sa théorie, correspondant au montage de fragments aux petites unités de sens, souhaite la destruction de toute la tradition pour la remplacer par une « fabrique des faits », conception radicale du cinéma s’il en est. Le montage « honnêtement narratif » américain, mis en théorie par Poudovkine, l’emportera cependant dans le cinéma mondial.
La théorie du cinéma formaliste, conduite par Rudolf Arnheim, Béla Balázs, et Siegfried Kracauer, souligne le fait que le cinéma diffère de la réalité, et qu’en ceci c’est un véritable art37. Lev Koulechov et Paul Rotha, ont aussi mis en lumière la différence entre cinéma et réalité et soutiennent l’idée que le cinéma devrait être considéré comme une forme d’art à part entière35. Après la Seconde Guerre mondiale, le critique de cinéma et théoricien français André Bazin réagit à l’encontre de cette approche du cinéma en expliquant que l’essence du cinéma réside dans son habileté à reproduire mécaniquement la réalité et non pas dans sa différence par rapport à la réalité. Bazin se tourne davantage vers une approche ontologique du cinéma et façonne ainsi une théorie du cinéma réaliste. L'image cinématographique poursuivrait l'objectivité de l'image photographique dont le pouvoir est de capter comme l'essence d'un instant. On retrouvera cette conception à plusieurs reprises et selon différentes déclinaisons comme chez Andreï Tarkovski dans Le Temps scellé38 ou en la combinant à la phénoménologie de Gadamer dans La tentation pornographique de M. Dubost39. Contre Bazin et ses disciples, Jean Mitry élabore la première théorie du signe et de la signification au cinéma, sans vouloir assimiler, même par analogie, l’image visuelle et les structures filmiques avec le langage verbal, comme ce sera la tentation de la sémiologie32 lorsque, dans les années 1960 et 1970, la théorie du cinéma investira le monde universitaire, important des concepts depuis des disciplines établies comme la psychanalyse, l’étude des genres, l’anthropologie, la théorie de la littérature, la sémiotique et la linguistique. La sémiologie du cinéma prendra diverses formes : psychanalyse, formalisme russe, philosophie déconstructive, narratologie, histoire, etc. Son importance réside dans l’« analyse textuelle », la recherche dans le détail des structures de fonctionnement des films32.
À partir des années 1960, se produit un clivage entre la théorie et la pratique du cinéma. Cette autonomie souhaitée restera toute relative : lorsque, avec sa « grande syntagmatique du film narratif », Christian Metz se propose, en 1966, de formaliser les codes implicites au fonctionnement du cinéma, Jean-Luc Godard déconstruit de tels codes à l’intérieur de ses œuvres. Les années 1980 mettront fin à une époque fertile en théories. Naîtront alors d'autres réflexions, notamment celles orientées vers la narratologie de même qu'un certain nombre de théories visant la redécouverte du cinéma des premiers temps. À ce titre, les travaux du théoricien québécois André Gaudreault et du théoricien américain Tom Gunning sont particulièrement exemplaires.
Nanni Moretti, cinéaste fortement influencé par le cinéma mental.
Pendant les années 1990, la révolution du numérique dans les technologies de l’image a eu divers impacts en matière de théorie cinématographique. D’un point de vue psychanalytique, après la notion du réel de Jacques Lacan, Slavoj Žižek offrit de nouveaux aspects du regard extrêmement utilisés dans l’analyse du cinéma contemporain40.
Dans le cinéma moderne, le corps est filmé longuement avant sa mise en action, filmé comme un corps qui résiste. Chez certains cinéastes, c’est le cerveau qui est mis en scène41. À travers ce mouvement, appelé cinéma mental, on retrouve une violence extrême, toujours contrôlée par le cerveau42. Par exemple, les premiers films de Benoît Jacquot sont fortement imprégnés par ce mouvement : les personnages sont repliés sur eux-mêmes, sans éclaircissement sur leur psychologie43. Jacquot déclarera en 1990, à propos de La Désenchantée : « je fais des films pour être proche de ceux qui font les films : les acteurs. Parfois les jeunes metteurs en scène voudraient ériger les acteurs en signe de leur monde. Je ne cherche pas à montrer mon monde propre. Je cherche bien davantage à travailler le monde du film. C’est une connerie de dire que l’acteur rentre dans la peau de son personnage. Ce sont les personnages qui ont la peau de l’acteur »42. Plusieurs autres cinéastes, comme André Téchiné, Alain Resnais, Nanni Moretti, Takeshi Kitano ou encore Tim Burton furent influencés par le cinéma mental43.
Mouvements et écoles
Un mouvement au cinéma peut être entendu comme une manière de ressentir l’œuvre. Heinrich Wölfflin les appela initialement « bouleversements du sentiment décoratif »44. Gilles Deleuze a remarqué, dans son livre L’Image mouvement, que les mouvements cinématographiques marchaient de pair avec les mouvements en peinture45. Le cinéma classique visait à rendre claire la relation entre l’action et la réaction, mais de nouveaux mouvements naquirent.
Au début des années 1920, l’expressionnisme, en peinture, déforme les lignes et les couleurs pour affirmer un sentiment46. Au cinéma, il s’exprimera principalement par un jeu typé des acteurs et par l’opposition de l’ombre et de la lumière47. L’expressionnisme confronte ainsi le bien et le mal, comme dans Le Cabinet du docteur Caligari, de Robert Wiene, l’un des premiers films expressionnistes48. Ce mouvement s’est développé en Allemagne, ce pays qui se remettait peu à peu de la guerre, mais ne réussissait pas à rivaliser avec le cinéma hollywoodien49. C’est alors que les réalisateurs du studio allemand Universum Film AG développent une méthode pour compenser ce manque, via le symbolisme et la mise en scène. Le côté abstrait des décors provenait donc, en premier lieu, du manque de moyens49. Les principaux thèmes de ce mouvement était la folie, la trahison et autres sujets spirituels, se différenciant ainsi du style romanesque-aventure du cinéma américain50. Cependant, l’expressionnisme disparut progressivement50, mais il fut utilisé dans les films policiers des années 1940 et influença le film noir et le cinéma d’horreur47.
Vient alors l’abstraction lyrique, qui, à la différence de l’expressionnisme, mélange lumière et blanc51. Il n’y a plus de conflit, mais la proposition d’une alternative52. Cette alternative se présente différemment chez les cinéastes, elle est esthétique et passionnelle chez Josef von Sternberg et Douglas Sirk, éthique chez Carl Theodor Dreyer et Philippe Garrel, religieuse chez Robert Bresson, ou un mélange de toutes ces formes comme dans l’œuvre d’Ingmar Bergman53. Dans l’abstraction lyrique, le monde se déploie souvent à partir d’un visage53. S’ensuit alors un jeu de lumière mettant en valeur les traits, ou conduisant dans un univers personnel. Dans Shanghai Gesture, Sternberg dit : « tout peut arriver à n’importe quel moment. Tout est possible. L’affect est fait de ces deux éléments : la ferme qualification d’un espace blanc mais aussi l’intense potentialité de ce qui va s’y passer »54.
Dans les années 1950, le cinéma moderne désenchaîne l’image de l’action. Il est né de la désarticulation des choses et des corps, après la guerre55. Il s’oppose aux traditions auparavant établies. Le cinéma moderne préfère la vision cinématographique : l’image n’est plus forcée de trouver son sens et son but, elle est libre. Dans L’Heure du loup, d’Ingmar Bergman, Johan Borg, joué par Max von Sydow, dit : « maintenant le miroir est brisé, il est temps que les morceaux se mettent à réfléchir »56. Le cinéma moderne brise la représentation classique de l’espace, une nouvelle idée de la forme naît.
Dans le même temps, de 1943 à 1955, le néoréalisme prend forme en Italie57. Il se présente comme le quotidien en l’état, il se voit comme un milieu entre scénario et réalité. Les films de ce mouvement sont donc souvent des documentaires58. Ce sont des personnes dans la rue qui sont filmées, plus des acteurs58. Ce mouvement est né aussi de la conclusion de la Seconde Guerre mondiale et du manque de moyen de financement59. Ici, le réalisateur ne porte plus son attention sur la personne, mais sur l’ensemble : l’individu ne peut pas exister sans son environnement58. De plus, plutôt que de montrer quelque chose, on préfère la narrer. Selon André Bazin, le néoréalisme ressemble à une forme de libération, celle du peuple italien après la période fasciste60. D’un autre côté, Gilles Deleuze voit le néoréalisme comme une démarcation de l’image-mouvement et de l’image-temps.
Toujours dans les années 1950, est ensuite apparue la nouvelle vague, terme énoncé la première fois dans L'Express par Françoise Giroud61. Ce mouvement se distingua des précédents par une vitalité qui déclencha un renouveau du cinéma français62. La nouvelle vague cherche à inscrire le lyrisme dans le quotidien et refuse la beauté de l’image63. Avec la nouvelle vague, les nouvelles technologies permettent une nouvelle manière de produire et de tourner un film : l’arrivée de la caméra Éclair 16 utilisant le format 16 mm, légère et silencieuse, permet des tournages en extérieur plus proche du réel64. La rupture entre le cinéma tourné en studio et le cinéma tourné en extérieur est notamment mise en valeur dans La Nuit américaine de François Truffaut, filmé en 1973. Le mouvement de la nouvelle vague déclenche aussi la transgression de certaines conventions comme la continuité, par exemple dans À bout de souffle de Jean-Luc Godard, ou encore le regard caméra, si longtemps interdit. Dans cette optique, les cinéastes visaient à mettre en valeur la réalité : les souvenirs surgissent entrecoupés, jamais de façon nette et ordonnée.
Puis un nouveau mouvement apparaît : la résistance des corps. Ce qui change, en comparaison avec les mouvements précédents, c’est la prise de vues du corps, qui est filmé avant sa mise en action, et comme un corps qui résiste43. Le corps, ici, n’est plus un obstacle qui séparait auparavant la pensée d’elle-même, au contraire, c’est ce dans quoi elle va pour atteindre la vie65. En quelque sorte, le corps ne pense pas, il force à penser, à réagir face à la vie. Gilles Deleuze déclarera :
« Nous ne savons même pas ce que peut un corps : dans son sommeil, dans son ivresse, dans ses efforts et ses résistances. Le corps n’est jamais au présent, il contient l’avant et l’après, la fatigue, l’attente. La fatigue, l’attente, même le désespoir sont des attitudes du corps43. »
La résistance des corps est remarquable dans l’œuvre de John Cassavetes où la caméra est toujours en mouvement, parallèle aux gestes des acteurs. À travers l’image, le spectateur cherche les visages, les corps dans de longues séquences. De même, le rythme n’est plus égal à la capacité visuelle du spectateur. Il répond, comme dans l’art informel, à la constitution d’un espace du toucher, plus que de la vue43. Dans le cinéma de Maurice Pialat, qui filme à vif un homme et cherche à montrer l’essentiel, dépourvu de tout esthétique, pour y exhiber la vérité intime de son personnage, il dira « le cinéma c’est la vérité du moment où l’on tourne »66. Par contre, le dialogue reste omniprésent dans la résistance des corps, toujours moyen d’expression important dans le film43. Cependant, il n’explique pas les sentiments des personnages, il fait avancer l’action, mais pas l’évolution des personnages dans cette action65. Au début des années 1980, avec Maria Koleva est introduit le concept de film-livre.
Dans les années 1990, les Danois Lars von Trier et Thomas Vinterberg lancent le Dogme95, en réaction aux superproductions et à l’utilisation abusive d’effets spéciaux aboutissant, selon eux, à des films formatés et impersonnels67. Via un manifeste, ils définissent des contraintes pour la réalisation de films dans le cadre de ce mouvement radical. Dogme95 interdit par principe l’utilisation de la musique d'accompagnement, n'acceptant que celle qui est effectivement jouée à l'écran par les comédiens.
Le cinéma indien développe une industrie très productive incluant le fameux « Bollywood », des films musicaux et chantants, dans lesquels le récit est secondaire, et la romance amoureuse mise en avant, prétexte à de nombreux solos ou duos chantés68. La musique y est la plupart du temps pré-enregistrée, et mimée par les acteurs, via la méthode du playback69. Ce sont ainsi des chanteurs professionnels qui forment la postsynchronisation des voix. Cependant, plus récemment, les acteurs chantent eux-mêmes dans leurs films, comme Aamir Khan dans Ghulam (1998) ou Hrithik Roshan dans Guzaarish (2010).
Critique cinématographique
Un critique est une personne qui donne son avis sur un film, dans un média tel que la télévision, la radio ou la presse70. Lorsqu’ils ont de l’influence, les critiques peuvent déterminer la fréquentation en salle du film71. Certains ont d’ailleurs donné leur nom à une récompense, comme Louis Delluc. Il existe en outre des associations de critiques permettant la distribution de prix.
Ancien siège du
Figaro, l’un des premiers magazines à consacrer de la place à la critique
Le métier de critique a été quelquefois controversé : pour certains, le critique pouvait voir gratuitement les films avant leur sortie et se faire payer pour écrire un article72. Pourtant, lorsqu’il va voir un film, il doit parler selon son opinion, ou admettre le succès d’un film auprès de son public, même s’il ne lui plaît pas : chaque film a son public72. De plus, le critique doit pouvoir rapprocher un film d’un autre, lequel aurait influencé le premier par la mise en scène ou la prise de vues72.
La critique a débuté dès décembre 1895 alors que le cinématographe naissait, l’invention suscitant de nombreux articles dans la presse73. Cependant, jusqu’au début du XXe siècle, la critique ne représente que des propos techniques, dans des revues sur la photographie car le cinéma n’était pas alors considéré comme un art majeur et aussi influent que le théâtre par exemple73. C’est en 1912, dans Le Figaro, qu’une enquête est réalisée sur la concurrence grandissante exercée par le cinéma sur le théâtre73. Dès lors, dans les critiques, sont intégrées des anecdotes sur les productions mais tout reste encore publicitaire : si l’on écrit sur un film, c’est pour faciliter ses entrées en salle73.
En 1915, Louis Delluc regarde Forfaiture de Cecil B. DeMille et il est frappé par la qualité de l’image73. Il décide alors de tout abandonner pour se consacrer à ce qu’il considère comme un véritable art : il écrira son premier article dans la revue Film, le . Ensuite, il persuadera le rédacteur en chef de Paris-Midi de donner au cinéma la place qu’il mérite en affirmant : « nous assistons à la naissance d’un art extraordinaire »73. Par la suite les grands journaux français développent des rubriques entièrement consacrées au cinéma, comme Le Petit Journal en automne , et où il n’y a plus de publicité : la critique n’est plus vendeuse de film, mais elle analyse73.
Première page du
Petit Journal qui consacre une rubrique au cinéma, dépourvue de publicité.
Après la Première Guerre mondiale, le cinéma prend une place considérable, supérieure au théâtre. Tous les quotidiens ont désormais une section destinée à la critique et des revues spécialisées sont créées, telles que Cinémagazine ou Cinémonde74, ainsi, dans un monde plus universitaire que la Revue d'études cinématographiques (611 contributions en ligne en 2012 avec Persée75), spécialisée dans les études cinématographiques et la théorie et ou l'analyse de différentes approches, méthodes et disciplines (esthétique, sémiotique, histoire, communications, etc.) du domaine du cinéma.
C’est à André Bazin que l’on doit la hiérarchisation du métier de critique74. En , il s’attaque au caractère limité des chroniques et à l’absence de culture des auteurs. En 1951, sont fondés les Cahiers du cinéma par Joseph-Marie Lo Duca et Jacques Doniol-Valcroze, très vite rejoints par André Bazin76. À travers leurs critiques, ils dénonceront le manque d’exigence des autres magazines, qui tolèrent tous les films, qu’ils soient de qualité ou médiocres. L’influence du magazine est dès lors majeure en France74. Au vu du succès grandissant et de l’influence des Cahiers, d’autres revues spécialisées naissent, comme Positif à Lyon en 1952 sous la plume de Bernard Chardère77. Positif, pour se différencier des autres critiques, ne s’attaque pas seulement à la critique de films mais aussi à l’histoire du cinéma78. Les deux magazines se livreront une lutte acharnée, les cinéastes appréciés par l’un étant dépréciés par l’autre. Et s’ils viennent à aimer le même réalisateur, ils se battront pour déterminer lequel l’a admiré en premier78. C’est durant cette période que sera créée la politique des auteurs. Parallèlement, en Amérique du Nord, la revue Séquences voit le jour à Montréal en 1955. Elle sera longtemps dirigée par le professeur et auteur Léo Bonneville. Aujourd'hui encore en activité, elle se distingue par son côté pluraliste et par le fait qu'elle demeure à ce jour la plus ancienne revue francophone de cinéma en Amérique.
En 1962, avec la naissance de la Semaine internationale de la critique, à Cannes, la presse cinématographique devient de plus en plus appréciée et donne un renouveau à la cinéphilie78. Elle intervient ainsi dans les quotidiens pour lutter contre la censure française78,79.
En 1980, avec l’émergence de la télévision et l’effondrement des ciné-clubs, la critique cinématographique recule et plusieurs magazines n’ont plus les moyens de se maintenir78. De nos jours, des critiques, qu’ils soient professionnels ou amateurs, peuvent publier leur revue ou critique sur le Web, payantes ou gratuites. Quoique leur métier ait beaucoup perdu d’importance dans la presse, les critiques conservent une certaine influence et peuvent encore contribuer à faire ou défaire la réputation d’un film78.
Parallèlement, des associations de critiques se sont organisées pour récompenser chaque année les films qu’ils considèrent comme majeurs, ou donner des prix de la critique dans les festivals. On retrouve notamment parmi eux la NYFCC Award, le Prix du Cercle des critiques de film de Londres ou encore le prix FIPRESCI et la National Society of Film Critics.
Cinéphilie
Foule de cinéphiles lors de la
Berlinale, en 2007.
La cinéphilie est un terme dont la signification courante est l’« amour du cinéma ». De nos jours, l’expression de cette passion du cinéma peut être multiple ; cependant, le terme fut à l’origine utilisé pour caractériser un mouvement culturel et intellectuel français qui s’est développé entre les années 1940 et la fin des années 196080. On dit communément qu’une personne est cinéphile lorsqu’elle consacre une part importante de ses loisirs à la vision de films et/ou à l’étude du cinéma81. De plus, un cinéphile peut également collectionner les affiches de films ou divers produits dérivés. En raison de son caractère potentiellement addictif, la cinéphilie est comparée par André Habib à une véritable « maladie, férocement contagieuse, dont on ne se débarrasse que très rarement »82.
L’évolution de la cinéphilie est très influencée par celle du cinéma. Il fut un temps où, une fois sa distribution en salle terminée, un film disparaissait83. Le rater lors de sa sortie revenait à ne plus pouvoir le voir, à moins de mener une recherche assidue dans une cinémathèque84. Pour être cinéphile, il fallait donc voyager, et suivre de près l’évolution des styles. Aujourd’hui, rater un film lors de sa sortie en salle n’est plus un problème, la plupart des films étant par la suite diffusés à la télévision ou en DVD. Cependant, une part significative des cinématographies dites « rares » reste difficile d’accès, et les cinéphiles peuvent alors attendre plusieurs années une édition (ou réédition) en DVD ou une diffusion lors d’un festival. Voici ce que déclare Jean Tulard, universitaire et historien français :
« Dans l’ancienne cinéphilie, le film était une denrée rare, dans la mesure où un film, une fois qu’il était sorti dans le secteur commercial, disparaissait. Il n’y avait pas, comme aujourd’hui, 40 chaînes de télévision qui passent des films. Il n’y avait pas de vidéocassettes ni de DVD. Un film manqué lors de sa sortie ou non distribué était un film difficile à voir. Ce qui supposait, pour le cinéphile, l’effort de voyager pour le revoir dans une cinémathèque étrangère, et c’est ce qui explique que les cinéphiles de l’ancienne génération aient été les enfants de la Cinémathèque, c’est-à-dire les enfants d’Henri Langlois, qui passait, précisément, beaucoup de ces films manqués83. »
D’autre part, jusqu’à une certaine époque, il était possible pour un cinéphile d’avoir vu une grande part du patrimoine cinématographique mondial. C’était le cas de nombreux cinéphiles français entre les années 1940 et 1960. Aujourd’hui, compte tenu de la croissance quasi exponentielle85 de production des films depuis la naissance du cinéma, et bien qu’y consacrant leur vie, les cinéphiles ne peuvent plus en voir qu’une part infime. Pour les cinéphiles contemporains, le choix s’opère alors entre une approche qualitative (ne voir que les films reconnus ou primés, ou selon des critères plus personnels) ou une approche quantitative – on parle alors de cinéphagie.
La cinéphilie possède aussi d’autres influences : dès la naissance du cinéma, des ciné-clubs se sont développés pour réunir les amateurs de cinéma. On y étudie généralement l’histoire et les différentes techniques du cinéma, à la suite d’une projection d’un film86. Les différents membres d’un ciné-club ont les mêmes intérêts et programment eux-mêmes leurs diffusions et discussions, ou débats87. Au fil du temps, le concept a évolué et est de plus en plus affilié à une activité socio-culturelle variée. Il est ainsi adapté dans des programmes éducatifs, comme les « ciné-goûters »88, dans le cadre d’un objectif culturel comme un « ciné-philo » qui lie cinéma et philosophie89, ou encore dans le cadre d’organisation à but lucratif, par l’organisation de soirées thématiques comme les « ciné-party »90,91.
L’arrivée de nouveaux médias dans la seconde moitié du XXe siècle a bouleversé les habitudes des cinéphiles. La télévision, le magnétoscope, le DVD et Internet ont popularisé une cinéphilie vue comme élitiste au plus fort de la fréquentation des ciné-clubs (des années 1940 aux années 1960). Mais cette popularité croissante n’a pas été répercutée sur la fréquentation cinématographique, car la cinéphilie se manifeste de moins en moins en salle. La fréquentation n’a en effet cessé de baisser depuis l’après-guerre92, comme l’illustre le tableau détaillé sur la fréquentation des salles de cinéma dans les principaux pays où le cinéma occupe une place majeure, depuis 1950 :
Nombre moyen de films vus en salle par habitant et par an
Pays | 1950 | 1955 | 1965 | 1975 | 1985 | 1995 | 2000 | 2005 |
Allemagne93 |
10,2 |
15,1 |
5,1 |
2,3 |
1,8 |
1,5 |
1,9 |
1,54 |
États-Unis93 |
20,5 |
14,2 |
6,6 |
4,6 |
5,1 |
4,8 |
5,2 |
4,7 |
France92 |
8,9 |
9,1 |
5,3 |
3,5 |
3,2 |
2,3 |
2,9 |
2,98 |
Italie93 |
14,2 |
16,7 |
12,5 |
8,9 |
2,2 |
1,6 |
1,6 |
1,86 |
Japon93 |
13,9 |
13,6 |
3,9 |
1,7 |
1,2 |
1,0 |
1,1 |
0,9 |
Royaume-Uni93 |
29 |
26 |
6,7 |
2,1 |
1,3 |
2,0 |
2,4 |
2,73 |
Économie
L’économie et le cinéma ont toujours été très proches : l’aspect économique explique parfois même l’histoire ou l’esthétisme de l’image94,95.
L’industrie cinématographique nécessite un financement. Or, avec le temps, les manières de produire et distribuer un film ont évolué. À titre d’exemple, durant les années 2000, les frais d’édition d’un film français sont en moyenne de 652 000 €96,97. Près de 44,7 % de cette valeur sont utilisés dans l’achat d’espaces publicitaires, c’est-à-dire 207 500 € en moyenne. Viennent ensuite les frais de laboratoire qui mobilisent à 31,8 % du budget, et la conception du matériel publicitaire qui coûte en moyenne 51 000 €. Néanmoins, ces valeurs varient selon le nombre de copies du film96.
Financement
Les enjeux financiers autour d’une œuvre cinématographique sont généralement considérables. Cela est dû à la présence d’un grand nombre d’intervenants dans le processus de création d’un film, ainsi qu’aux moyens techniques utilisés, souvent importants. Une activité économique s’est donc organisée dès les débuts du cinéma pour assurer d’une part la collecte des fonds nécessaires à la production et d’autre part la rentabilisation des investissements98. Les résultats au box-office sont donc déterminants d’autant que les recettes des autres médias (télévision, vidéo…) sont corrélées au succès en salles (le prix de vente aux chaînes de télévision est fonction du nombre de spectateurs)99.
Ainsi les chaînes de télévision se sont impliquées de manière croissante dans le financement du cinéma et les industriels ont également apporté leur concours en utilisant le grand écran comme vecteur de valorisation pour leurs produits (on parle alors de product placement)100. L’apparition de supports utilisables dans les foyers (dans un premier temps la cassette vidéo puis le DVD, et plus récemment le disque Blu-ray) représente à partir des années 1980 une nouvelle source de revenus de plus en plus importante101. Parallèlement, la commercialisation de produits dérivés (jouets pour enfants, jeux vidéo ou encore le disque de la bande originale du film) et les campagnes conjointes (une marque s’associe au film afin de bénéficier de son image) complètent le panorama des recettes102.
Pour aider au financement d’un long métrage, en France, et dans le but de favoriser les producteurs débutants, le Centre national du cinéma et de l'image animée leur délivre automatiquement un soutien financier103. Dans la même optique, les SOFICA, sociétés de capital-investissement, financent près de 5,5 % des œuvres cinématographiques104 en échange d’un pourcentage sur les recettes mais sans aucun droit sur les négatifs105. Depuis leur création en 1985, elles ont investi près de 380 000 000 € dans plus de sept cents films105. Si pour le moment les producteurs sont les premiers ordonnanceurs d’un film, la télévision tend à les rattraper. Par exemple TF1 a investi près de 234 600 000 francs dans dix-neuf films en 2000106.
Cependant, il demeure d’autres pays, où cinéma et télévision n’ont pas ce même type de relation, et de financement a posteriori. Aux États-Unis, la télévision ne finance pas, ou peu, les productions, à la différence de grandes majors. De la même manière, le cinéma allemand est, lui, financé par subventions (en 1977, elles représentaient près de 80 % du financement des films)107. En Corée du Sud, les films sont financés par quotas dans les années 1960, pour essayer de refaire surface devant le cinéma américain, et en 1990, c’est grâce à l’intervention de trusts industriels (« chaebols ») que plus de 300 films seront produits par an108,109.
De plus, lors du développement, le vendeur, ou distributeur, du film joue désormais un rôle crucial dans l’élaboration du scénario et du script111. En effet, pour décider de distribuer un film, le vendeur cherche une histoire souvent grand public, qui donnera un box-office bénéfique. En ce sens, le cinéma d'auteur n’est plus privilégié lors de la distribution.
Cependant, le développement du partage de fichiers informatiques pair à pair, qui permet l’échange entre particuliers de films sur Internet, fait craindre aux professionnels du cinéma une crise telle que celle que traverse l’industrie du disque112.
Pourtant, d'après la MPAA, association de défense des intérêts de l'industrie cinématographique américaine, non seulement une telle crise n'existe pas, mais les bénéfices mondiaux ont augmenté de 54 % depuis 10 ans113. On peut ainsi noter, en France, une fréquentation record des salles, avec 20 700 000 spectateurs, durant le mois de juillet 2009 : cela faisait trente ans qu'autant de personnes ne s'étaient pas déplacées pour aller voir un film114,115. Cette affluence peut s'expliquer par la sortie de films à gros budgets tels que L'Âge de glace 3, Harry Potter 6, Là-haut ou encore Public Enemies. Par ailleurs, la lutte contre le piratage n'a cessé d'augmenter : une copie des Bronzés 3 avait été publiée sur internet par des employés de TF1 qui ont été condamnés par le tribunal de Nanterre116,117 ; de son côté la Warner Bros. a décidé d'interdire les avant-premières au Canada118. Par ailleurs, des projets de loi sont en discussion pour tenter de protéger l’industrie cinématographique.
Néanmoins, certains artistes ont déjà fait le choix de distribuer volontairement leurs films sur Internet. On remarque notamment Elephants Dream ou Le Bal des Innocents de Joseph Paris, tous deux disponibles sous la licence Creative Commons119,120. De la même manière, la Warner Bros. a réformé sa distribution vidéos depuis début 2009. C'est lors de la sortie en vidéo de The Dark Knight : Le Chevalier noir que la société de production a décidé d'inclure un téléchargement gratuit et légal sur internet, à l'acquéreur d'un DVD121. En parallèle, Warner a décidé que la sortie en vidéo à la demande s'effectuerait en même temps que la sortie habituelle du format DVD/Disque Blu-ray. C'est dans cette initiative que la Warner voit une lutte contre le piratage122.
Cinéma et télévision
Siège d’un studio de télévision
japonais.
Les liens entre cinéma et télévision ont été mis en valeur par Laurent Creton dans Le cinéma et l’argent123. Le cinéma entretient des rapports compliqués avec la télévision124, cette dernière est en effet le premier concurrent du cinéma125,106. L’adoption de la couleur à la télévision a ainsi eu un impact direct sur la fréquentation des salles en France, dans les années 1960126.
Cependant c’est aussi le premier client du cinéma127. Les chaînes de télévision consacrent une part importante de leurs grilles horaires aux films ou aux documentaires car ces programmes leur garantissent des taux d’audience excellents128. En contrepartie des accords imposent aux chaînes des montants d’investissement dans la filière cinématographique. Elles deviennent de ce fait coproductrices et prennent une part importante du financement des films par l’acquisition des droits de diffusion des films129. Aujourd’hui il est devenu incontournable à une production cinématographique d’obtenir une diffusion télévision pour monter un projet130.
Pour les producteurs, l’importance de ces investissements est à la fois un élément rassurant, car c’est une diminution ou un partage du risque financier, et une perte de liberté130. Bien souvent, le producteur est en effet amené à choisir les projets qui sont susceptibles d’être diffusables sur une chaîne de télévision. Bien que partiel, ce contrôle des producteurs par les chaînes de télévision induit une menace sur la diversité et l’originalité des films produits131.
Les télévisions souhaitant diffuser des films reflétant une certaine diversité de cultures ne peuvent limiter leurs relations avec le cinéma aux producteurs nationaux. Deux cas de figure coexistent alors. Soit tous les droits pour le territoire national du film pressenti ont été achetés par un distributeur national, la chaîne télévisée négocie alors avec le distributeur. Soit les droits télévisés du film pressenti sont détenus par un vendeur international, à charge pour la chaîne télévisée de négocier avec ce vendeur international et de procéder elle-même au doublage ou au sous-titrage du film.
La réduction du temps de travail ainsi que l’augmentation du nombre de programmations, dont un nombre important de films, a permis à la télévision de se faire une place dans les familles124. Pour la France, l’apparition de Canal+ en 1984 ainsi que d’autres chaînes a fait augmenter de manière significative le nombre de films programmés132. Entre 1975 et 1984, sur les trois chaînes publiques, on pouvait voir cinq cents films programmés par an contre mille cinq cents en moyenne à partir de 1995 (dont 1⁄3 sur Canal +) et ce sans compter les rediffusions133.
En France, le total annuel des visionnements de films a été multiplié par plus de dix en trente ans133. Par visionnement, on entendra une entrée dans une salle de cinéma, ou un spectateur assis devant un écran (télévision, ordinateur) à domicile. Durant le même laps de temps, les proportions composant ce total ont été sensiblement modifiées en faveur des visionnements à domicile. Ainsi, aujourd’hui, seuls 2 % des visionnements prennent place dans une salle de cinéma133. On notera par ailleurs qu’entre 1980 et 2002 les dépenses des ménages consacrées aux dépenses audiovisuelles sont parmi celles qui connaissent la hausse la plus importante. Mais, là aussi, la part de ce budget audiovisuel des ménages dévolue au cinéma a baissé au profit de dépenses audiovisuelles alternatives. Cette part est ainsi passée de 50 % en 1980 à 14 % en 2002133.
Selon une étude de l'ABN AMRO (2000), à peu près 26 % des revenus des studios américains proviennent de la vente de tickets en salles, 28 % proviennent des diffusions à la télévision, et 46 % proviennent de la vente des formats domestiques (cassettes, DVD, Blu-Ray, Internet, etc.)134.
Évolution du marché
En tête des plus gros importateurs de longs métrages, on trouve les États-Unis et la France136. En effet, le volume des échanges entre l’Europe et l’Amérique du Nord est important : en 1997, par exemple, 53 millions de Nord-Américains ont vu des films européens en salle tandis que 388 millions d’Européens ont vu des films américains. Néanmoins, la balance commerciale est favorable aux États-Unis, totalisant un revenu annuel de 5 600 000 000 $136. Vient ensuite le Canada dont les salles ont projeté près de 220 films étrangers137. Dès lors, il est possible d’opérer un rapprochement entre les pays producteurs et les pays exportateurs, en effet, les pays qui exportent le plus sont souvent ceux qui produisent le plus136. L’Inde apparaît en première position avec une production à l’exportation de près de 60 % à destination des marchés d’Afrique136.
Malgré l’importante diversité de la production cinématographique mondiale, les productions américaines trustent la plus grosse part du marché, présentant même des situations de quasi-monopole dans des pays tels que le Chili et le Costa Rica où 95 % des films importés proviennent des États-Unis, ou encore à Chypre où ce chiffre atteint 97 %. À l’inverse, le cinéma américain ne représente que 7 % du marché en Iran qui produit lui-même quelque 62 longs métrages par an, et dont les salles ont une programmation de films aux provenances très variées136. De même, le continent africain apparaît comme le plus gros importateur de productions américaines où sa part de marché atteint 70 % contre 15 % pour les films européens136. Cependant, les pays africains francophones consacrent une part égale aux productions américaines et européennes située autour de 40 %, le Maroc faisant exception avec 46 % de films américains, 20 % de films indiens et seulement 8,5 % de films français136. D’autres cinémas, comme ceux de Hong Kong ou de Taïwan, dont les productions sont pourtant jugées moyennes, enregistrent un volume des ventes à l’export important, notamment à destination de l’Afrique et de l’Amérique du Sud où la pénétration du cinéma japonais est également notable136. Cependant, ces chiffres sous-tendent un certain nombre de phénomènes invisibles tels que la diversité des cultures provoquant une diversité de la demande, le pouvoir des sociétés de distribution, ou encore des faits plus anecdotiques tels que la censure mise en place par quelques gouvernements qui constitue un frein à la production dans certains pays136.
Parallèlement, d’autres cinémas ont pris parti de l’évolution du marché, et ont réussi à faire leur place, avec une importation de plus en plus importante, c’est par exemple le cas du Bollywood, et plus généralement du cinéma indien. En Inde, les productions sont généralement peu coûteuses, la plus chère a atteint 10 000 000 $138,139. Jusqu’à la fin des années 1980, les films n’étaient pas diffusés en dehors de l’Inde elle-même, à quelques exceptions près comme le Maroc140, à cause des distributions américaines et européennes dont l’influence était mondiale141, ou de par la différence de culture142. Cependant, avec l’amélioration des techniques liées aux effets spéciaux, les films bollywoodiens ont réussi à s’implanter, et à développer un marché plus large, comme Krrish tourné en 2006 ou Love Story 2050 (2007) dont le tournage a généré la participation de plus de cinq studios internationaux d’effets spéciaux143. Ainsi, le cinéma indien s’est développé, et internationalisé. Cependant, avec l’évolution du marché, dans certains pays, on parle de déclin de l’industrie nationale cinématographique. C’est le cas par exemple en Italie. En parallèle à la chute de la fréquentation, en Italie, les salles de cinéma ne projettent que 19 % de films italiens, avec une production avoisinant les 138 films par an144. L’Union européenne a pris l’initiative des coproductions entre ses pays, ainsi 41 films italiens, en 2004, sont des coproductions. Cependant, cela n’a pas suffi pour accroître la valeur du cinéma italien144. Selon Marin Karmitz, c’est par l’influence de la télévision privée que ce déclin s’explique, destructrice de la créativité : il parlera alors d’un cheval de Troie en Europe pour le cinéma américain144. En effet, face au déclin du cinéma national, les télévisions diffusent une grande majorité de films américains.
Le tableau suivant répertorie les pays produisant le plus de films en s’appuyant sur la moyenne annuelle de films produits entre 1988 et 1999145. Il est à noter que plusieurs de ces pays n’exportent qu’une part infime de leurs productions, devançant parfois les plus gros exportateurs.
Filière
Depuis une idée originale, du tournage à la distribution, un film implique nombre de techniciens, d’artistes et de diffuseurs. Il peut s’étendre de plusieurs semaines à plusieurs mois. Typiquement, c’est le producteur qui détient les droits sur le film146.
La réalisation d’un film peut être découpée en cinq étapes147.
- En premier lieu, il y a le développement d’un script conçu par un scénariste généralement148.
- Ensuite, la préproduction se met en place pour préparer le tournage avec la conception d’un dossier de production149.
- Puis vient la production proprement dite, durant laquelle le réalisateur tourne son film aux côtés de techniciens et d’artistes variés et nombreux, tels que les acteurs, le chef opérateur ou ses assistants.
- Enfin, la postproduction permet le montage du film et l’ajout de la bande sonore ainsi que des effets spéciaux et les travaux de laboratoire photochimique et/ou numérique. La fin de la postproduction se concrétise par la livraison du film sous ses divers formats d'exploitations (film photochimique, fichiers numériques pour le cinéma numérique et PAD (prêt à diffuser) pour la télévision et autres modes de diffusions. C'est à la fin de cette étape que s'arrête le rôle du producteur.
- Le processus se termine avec la distribution lorsque le film bénéficie de la publicité et de copies favorisant sa diffusion ; on parle alors de l’exploitation.
Production
La phase de production d’un film englobe l’intégralité de la fabrication du métrage, de la création d’un projet à sa distribution150. Néanmoins, le rôle du producteur n’a pas toujours été le même au fil du temps150 et il n’est pas toujours à l’origine d’un film151.
La société de production paye les frais engendrés par le tournage152. Elle choisit aussi la société de distribution qui s'occupera de la publicité du film lors de sa sortie153. Il arrive quelquefois que le producteur crée lui-même sa société de distribution154. Il aide aussi à la réalisation du film, à l’écriture du scénario, au choix des acteurs et des lieux de tournage et il est l’interlocuteur principal de l’équipe en cas de conflits152. Le producteur n’a donc pas seulement un rôle artistique mais aussi de mécénat. Le producteur est le seul responsable devant les divers ordonnanceurs du projet153. D’ailleurs, sa fonction se définit ainsi : « Le producteur de l’œuvre audiovisuelle est la personne physique ou morale qui prend l’initiative et la responsabilité de la réalisation de l’œuvre […] il prend personnellement ou partage solidairement l’initiative et la responsabilité financière, technique et artistique de la réalisation de l’œuvre et en garantit la bonne fin »155. Néanmoins, il persiste, la plupart du temps, une différence entre la production d’un film aux États-Unis et en France. En effet, aux États-Unis, le producteur travaille bien souvent pour un major de cinéma, une grande entreprise qui s’appuie sur des banques ou des firmes pour le financement du film156, alors qu’en Europe, le producteur travaille en général pour une petite société et compte sur l’aide de divers organismes publics comme le CNC en France, pour ses subventions157.
La production commence donc par le développement, c’est-à-dire par l’écriture d’un scénario158. Par la suite, est conçu un séquencier qui permet de décomposer l’histoire en scènes. Dès lors, un distributeur est choisi par le producteur : il évaluera le succès potentiel du film, en considérant le genre du film, le public visé ou l’historique du succès de films similaires. Un réalisateur est ensuite choisi159. Vient alors la préproduction, où le film est imaginé et le tournage également préparé160. Quelquefois un illustrateur dessine un storyboard pour décrire l’ensemble des plans qu’il faudra tourner et ainsi aider l’équipe lors de la préparation du plateau161. Le budget est également fixé par la société de production. Le producteur exécutif embauche l’équipe de tournage requise : elle comprend généralement le réalisateur, son assistant, un directeur de casting, un régisseur général, le directeur de production et le directeur de la photographie, le directeur artistique, le chef-opérateur du son, le perchman, le monteur et le compositeur. Le tournage étant ainsi prêt on entre dans la phase de production proprement dite, celle où le réalisateur met en scène les acteurs : les prises de vues peuvent enfin commencer162.
Les éclairages sont mis en place et les acteurs maquillés et costumés. Ils répètent alors leur texte sous la direction du réalisateur, qui leur indique les mouvements à effectuer, ou ce qui ne va pas dans leur intonation. Enfin, le tournage peut commencer163. Chaque scène est tournée en plusieurs plans et chaque prise est identifiée grâce au clap, ce qui permettra au monteur de repérer les bons plans parmi ceux qui ne serviront pas164. C’est au réalisateur de décider si la prise est bonne, ou, au contraire, s’il faut la refaire. Par sécurité, les prises bonnes sont doublées.
Pour les productions utilisant de la pellicule photographique traditionnelle, les négatifs du jour sont envoyés au laboratoire pour un développement nocturne. Ils constituent les « rushes » (les premiers positifs) et sont visionnés par le réalisateur, l’équipe technique, et parfois les acteurs165. Pour les techniques digitales, les prises sont téléchargées et orchestrées dans un ordinateur sous le nom de « prises du jour ». C’est ainsi, à la fin du tournage, que le film entre en phase de postproduction, où il est monté avec d’éventuels effets spéciaux et la bande originale166. Avec l’arrivée de la vidéo, le processus de montage a évolué. Le principe du montage est d’assembler les plans et séquences. L’étape suivante consiste à créer une certaine fluidité dans l’enchaînement des images. Alors, le réalisateur et le producteur donnent leur avis. Le montage est ainsi « fermé ». Au mixage audio, le son et l’image sont synchronisés. Ensuite, le résultat final du montage devient la « copie de travail », et il est tiré une copie éclairée, ou étalonnée, du négatif conformé à cette copie. C’est à partir de ce tirage que les copies destinées aux salles de cinéma sont tirées. Alors, le film passe en phase de distribution, c’est-à-dire qu’une société embauchée, ou créée, par la société de production va concevoir une affiche du film, organiser des séances réservées à la presse et créer un univers publicitaire autour du film.
Distribution
Une société de distribution est une compagnie indépendante, une filiale, ou rarement une structure individuelle, qui agit en tant qu’agent final auprès d’une société de production pour garantir la projection du film en salle167. Dans le monde du cinéma, le terme « distributeur » se réfère à la mercatique et à la diffusion de films dans le monde, aussi bien au niveau de la salle de cinéma que dans un rayonnement privé168.
Dans un premier temps, c’est au distributeur d’assurer la projection en salle. C’est à lui de programmer les diffusions : pour ce faire, il organise des projections à des exploitants ou crée une publicité attrayante pour le film167. Son but est de donner à l’exploitant l’idée du bénéfice qu’il pourra engendrer en projetant le film. Ensuite le distributeur doit signer un contrat stipulant le pourcentage que l’exploitant devra reverser à sa société et collecte le montant prévu une fois le film projeté169. Il transmet une part des revenus à la société de production. Néanmoins, généralement, il existe des contrats globaux entre les distributeurs et les exploitants qui fixent le pourcentage du billet qu’ils se partagent. Dans les années 1920, les films se louaient « à prix fixe par mètre »170 et cette location pouvait durer un jour ou deux. C’est aussi au distributeur de s’assurer que le nombre de copies du film suffira à fournir toutes les salles de cinéma et il surveille leur livraison. Il contrôle en même temps si le film est projeté dans le cinéma stipulé sur le contrat et si le nombre de sièges minimum est exact169. Lorsque le film n’est plus projeté, le distributeur doit alors faire en sorte que les bobines lui soient retournées. En pratique, le distributeur assure aussi la vente d’affiches, de bandes originales et de produits dérivés et il organise des interviews pour la presse169. En outre, ce matériel publicitaire aidera l’exploitant à vendre des billets. Il peut aussi mettre en place des avant-premières pour inciter le public à venir, avec la présence des principaux artistes présents sur le tournage.
Si la société de distribution s’occupe d’un film en langue étrangère, ce sera également son rôle que de sous-titrer le film, ou de mettre en place le doublage. C’est aussi son rôle que de couper les scènes, s’il y en a, censurées par son gouvernement.
Voici un graphique représentant l’évolution de la distribution cinématographique en France (films distribués par année)171 :
Festivals de films
Un festival de cinéma est un festival de films. Cet événement consiste en la projection d’un ensemble de courts ou longs métrages dans un lieu donné et pour une durée limitée dans le temps. Ces projections sont généralement ouvertes au public mais il arrive qu’elles soient réservées aux critiques, journalistes ou professionnels172. Le festival de cinéma est la première rencontre entre une œuvre, ses créateurs et son public, si celui-ci se déroule avant la sortie nationale du film173. Parfois, ce sera la seule, si la rencontre échoue. C’est donc un moment clef de la vie d’un film. Ce moment d’exposition peut être violent. Pour le réalisateur et le producteur, la réaction du public — même averti — à la présentation du film peut être source d’une profonde remise en question ou d’une consécration nationale, et quelquefois internationale, comme le Lion d'or à la Mostra de Venise, l’Ours d'or à la Berlinale ou la Palme d'or au Festival de Cannes174.
Le rôle des festivals de cinéma est double. Ils permettent à la fois de dénicher des « pépites » et sont aussi des machines à faire connaître, à promouvoir les films sélectionnés175. L’exemple du Festival de Cannes est frappant : les films en compétition et hors compétition seront distribués en France et seront vus par des producteurs, distributeurs et critiques venus du monde entier176. De même, lors des quinze jours du festival se déroule le Marché du film, qui permet aux artistes manquant de moyens de trouver un distributeur. Un festival de cinéma permet donc de présenter une œuvre au monde entier177.
Ainsi, le long de la filière cinématographique, les festivals de cinéma se situent en aval de la production de films (moment de la création) et en amont de l’exploitation (moment de la projection en salle). Plus précisément, les festivals internationaux les plus importants se situent immédiatement en aval de la production. Les festivals d’influence nationale ou régionale prennent place un peu avant la distribution en salle. La plupart des festivals suivent une régularité annuelle ou biennale176. Outre des questions d’organisation pratique, ce rythme permet de conserver un caractère exceptionnel à l’événement.
Voici un graphique présentant le nombre de festivals en Europe en 1996176 :
Exploitation
- Exemples d’exploitation
-
-
Entrée du cinéma avec affiches
-
Autre vue de la façade du cinéma
-
Programme du cinéma, affiché et distribué à tous les particuliers
Après les étapes de production et de distribution, vient l’exploitation qui se résume à la projection de films. L’activité d’un exploitant peut être qualifiée d’« artisanale » ou d’« industrielle » en fonction du nombre de salles de son complexe : on parle de miniplexe ou de multiplexe. Il peut être également indépendant ou salarié : il dépendra alors d’un groupe national ou international, tel que Gaumont, Pathé, UGC, Regal Entertainment Group ou encore MK2. L’exploitant peut lui-même, ou à l’aide de divers distributeurs comme la Warner Bros., EuropaCorp ou Buena Vista, fixer sa programmation, et la changer en cas d’échec d’un film.
En France, la représentation publique d'un film est illicite si un visa d'exploitation n’a pas été accordé par le ministère de la Culture et de la Communication. Ce dernier se fonde sur l’avis d’une commission qui regroupe les pouvoirs publics, des professionnels et des associations de consommateurs ou de protection de la jeunesse. Le visa d’exploitation est une autorisation donnée pour qu’une œuvre soit diffusée publiquement, et permettant de placer ces œuvres dans des catégories établies par âge. Les exploitants savent ainsi à quelle catégorie de public le film est réservé. C’est lors de l’exploitation que sont encaissées les différentes recettes d’un film, dues soit à la vente d’un billet, soit à la vente d’un produit dérivé comme une affiche ou le CD d’une bande originale. Ces différentes recettes sont ensuite partagées avec les distributeurs, qui en reversent eux-mêmes une partie à la production.
En France, la salle de cinéma ne relève d’aucun statut juridique particulier, ce qui donne une certaine liberté à l’exploitant178. Qui plus est, la « loi Sueur » autorise les collectivités à contribuer au fonctionnement et aux investissements des salles de cinéma179. Ce fonctionnement permet d’aider les salles en difficultés, que les entrées ne suffiraient pas à faire fonctionner durablement. Les collectivités peuvent également apporter une aide indirecte aux salles de cinéma de moins de 5 000 entrées, classées Art et Essai, en les exonérant du paiement de la taxe professionnelle grâce à l’article 1464-A180.
Néanmoins, c’est une relation stricte et réglementée qui est établie entre la distribution et l’exploitation181. Dans le contrat des Conditions générales de location des films, il est accordé aux exploitants le droit de représentation publique des œuvres en échange d’un paiement qui est proportionnel aux recettes181. En plus de ce paiement, ils doivent verser une somme à la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) et une rémunération pour les propriétaires de la bande originale181. De plus, la vente d’un billet entraîne le paiement de la taxe spéciale additionnelle (TSA) qui permet le financement de la distribution, de la production ou de l’exploitation du cinéma181.
Voici un graphique représentant l’exploitation cinématographique dans le monde, plus précisément, par pays, le nombre de salles de cinéma par million d’habitants182 :
L’exploitation se diversifie avec la projection de hors-films : opéras, événements. Le 183,184, la démonstration à Paris de la première transmission de cinéma numérique par satellite en Europe d'un long métrage cinématographique par Bernard Pauchon, Alain Lorentz, Raymond Melwig et Philippe Binant185,186,187 ouvre la voie à l'application des télécommunications à l'exploitation cinématographique et aux retransmissions par satellites d'opéras et d'événements dans les salles de cinéma188.
Filière audiovisuelle
Divers
DVD, produit majeur depuis les
années 2000 dans l’édition de vidéos.
En 2001, l’édition vidéo s’élevait de 25 % dans le monde, grâce au développement du DVD, qui remplace peu à peu les cassettes vidéo, qui tenait alors la tête des ventes avec 36 500 000 unités vendues et 59 % des ventes liées à la vidéo (en 2000, la cassette réalisait près de 77 % des ventes)189. Le premier film sorti sous la forme de la vidéo serait Cheongchun gyosa sorti en salle en 1972 et en VHS en 1976 ; le dernier film sorti en VHS en Amérique serait A History of Violence en 2006190. Désormais, un successeur au DVD se met en place : le disque Blu-ray qui permet deux heures de vidéo en haute définition ou treize heures en Standard Definition. Le , près de 530 disques blu-ray ont été commercialisés aux États-Unis, contre 250 au Japon191. Cet essor de la vidéo est en partie dû à la nouvelle réglementation qui permet depuis 2001 la sortie d’un film en vidéo six mois après sa sortie en salles192. Le délai a ensuite été ramené à quatre mois par la loi Création et Internet, et peut être abaissé à trois mois sur avis favorable du Centre national du cinéma et de l'image animée193.
Les Français se distinguent des autres Européens de l’Ouest par une consommation de supports vidéos privilégiant plus nettement l’achat au détriment de la location en vidéo-club194. En 2002, 85 % du budget vidéo français était ainsi consacré à l’achat de supports (VHS ou DVD)194. La même année, 70 % du budget vidéo européen était en moyenne réservé à l’achat. En parallèle, 60 % des achats se font en grandes surfaces de distribution (Carrefour, Auchan, E.Leclerc, Géant194). Néanmoins, ce succès profite surtout à la vente liée au cinéma américain. En effet, contrairement à l’édition de VHS où l’augmentation du tirage n’a pour effet que de limiter les coûts de fabrication unitaires, l’édition DVD, où le principal investissement concerne la fabrication du « master », bénéficie rapidement de l’économie d’échelle, lorsque le tirage augmente. Ainsi, l’édition de DVD favorise surtout la diffusion des films commerciaux, dont les éditeurs disposent d’une infrastructure mondiale, comme les grands majors américains189. On remarque ainsi que six sociétés se partagent près de 85 % de l’édition vidéo. En 2001, Universal Pictures était en tête du classement, grâce au succès de Gladiator, devant 20th Century Fox Pathé Europa, qui sortaient alors Star Wars, épisode I : La Menace fantôme189.
Cependant, avec l’évolution d’Internet, la diffusion illégale de films via des logiciels de partage pair à pair est devenu croissante. La Commission européenne a conclu dans son rapport que de 5 % à 7 % du commerce mondial reposait sur la piraterie, soit près de 300 milliards d’euros195. Ce phénomène influence donc crescendo la vente liée à l’édition vidéo, tout comme le streaming. Pourtant, en 2007, le cabinet d’étude marketing déclare que les Français téléchargent de moins en moins : ils étaient 5 000 000 en 2006 contre 2 300 000 en 2007196.
Évolution du chiffre d’affaires des éditeurs vidéo en million d’€189
|
1992 | 1993 | 1994 | 1995 | 1996 | 1997 | 1998 | 1999 | 2000 | 2001 |
Location |
52 |
46 |
49 |
50 |
57 |
67 |
71 |
78 |
78 |
96 |
Vente |
305 |
329 |
384 |
483 |
499 |
495 |
502 |
498 |
578 |
723 |
Total |
357 |
375 |
433 |
533 |
557 |
562 |
572 |
576 |
656 |
819 |
Dont vente en DVD |
|
|
|
|
|
|
13 |
83 |
216 |
415 |
Autour de la filière cinématographique
Opérateurs publics
Depuis plusieurs années, l’économie dans le cinéma a beaucoup évolué. Des accords se sont signés entre les chaînes de cinéma et les majors américaines qui ont eu des conséquences importantes sur cette dernière. Les opérateurs de bouquets satellites signent de plus en plus souvent des contrats avec les grosses sociétés de production pour avoir accès à leur catalogue de films et donc sécuriser leur diffusion197. Canal+ a ainsi conclu des accords avec cinq studios que sont la Walt Disney Company, Universal Pictures, Columbia Pictures/TriStar, la 20th Century Fox et la Warner Bros. Ceux-ci confèrent à Canal+ des droits de diffusion importants197.
Cependant, les accords conclus le plus souvent avec les majors font augmenter le nombre de films américains diffusés, en réduisant l’espace d’intervention des distributeurs nationaux auprès des chaînes de télévision, ce qui rompt par ailleurs l’équilibre entre l’activité des distributeurs indépendants, la sortie des films et la vente aux chaînes de télévision197.
En France, il existe des sociétés pour le financement de l’industrie cinématographique et audiovisuelle (ou « Sofica ») et le centre national du cinéma et de l'image animée qui sont spécialisés dans le milieu de l’audiovisuel. Ils ont pour but d’aider au financement de la production de films, et à leur diffusion. Par ailleurs, la Bibliothèque du film a pour mission d’enrichir le patrimoine du film, pour en assurer par la suite la diffusion.
Cérémonies de récompenses
Une cérémonie de récompenses cinématographiques est une cérémonie organisée par un organisme public ou national dévolu au cinéma, tels que les académies ou fondations. Au cours de cette cérémonie un ou plusieurs prix peuvent être remis. En général c’est le côté artistique d’un film qui est remarqué lors de ces cérémonies198. C’est en 1920 que remonte la première récompense, dans le Photoplay, un magazine sur le cinéma américain199. Cependant, il existe quelques prix qui félicitent le succès commercial, comme le Goldene Leinwand (la toile d’or) en Allemagne qui récompensait chaque film de plus de 3 000 000 de spectateurs200. Néanmoins, il n’y a pas que les films qui sont récompensés : les artistes et techniciens le sont aussi pour leur contribution au film. On trouve par exemple l’Oscar du meilleur réalisateur aux États-Unis. Ces cérémonies ont en général un caractère de monopole sur leur territoire et récompensent en priorité les artistes et techniciens nationaux.
La cérémonie de récompense la plus connue à travers le monde est celle des Oscars qui récompense à travers d’innombrables prix les films américains et étrangers une fois par an à Los Angeles201. Quelques semaines avant a lieu la cérémonie des Golden Globes, qui est gérée par l’association hollywoodienne de la presse étrangère depuis 1944. Par opposition la cérémonie des Razzie Awards récompense au contraire les pires films ou artistes202. Seuls les films ayant connu une exploitation cinématographique dans le pays peuvent généralement concourir. Ainsi, contrairement aux festivals, qui prennent place avant la distribution, les cérémonies de récompenses sont organisées après la distribution de tous les films pressentis.
Parmi les cérémonies de récompenses cinématographiques les plus connues, on remarque par exemple les Oscars (États-Unis), les Césars (France), les Goyas (Espagne) ou les BAFTA (Royaume-Uni). Parallèlement aux académies et fondations, d’autres organisations, telles que les associations de critiques de films, distinguent aussi certains films.
D'autres récompenses cinématographiques sont remises dans le cadre de festivals. Parmi les plus prestigieuses, figurent la Palme d'or lors du Festival de Cannes, l'Ours d'or durant la Berlinale et le Lion d'or dans le cadre de la Mostra de Venise.
Techniques
Prise de vues
La technique employée pour créer l’image sur la pellicule cinématographique est empruntée à la prise de vue photographique203. L’impression se fait par exposition à la lumière à l’aide d’une caméra à travers un objectif à la cadence typique de 24 images par seconde, régulée par un quartz intégré à la caméra. Initialement de 16 images par seconde (soit un pied par seconde), la cadence fut augmentée avec l’arrivée du cinéma sonore204. En effet, la qualité du son (bande passante, pleurage, bruit…) dépend de la vitesse de défilement du film205.
Le principe de cette impression est basé sur une réaction d'oxydo-réduction qui voit les halogénures d’argent couchés dans l’émulsion se transformer en argent métallique lors de l’exposition à la lumière206. Après développement, les zones insolées ont donc un aspect noir et très opaque. Les zones non exposées sont rendues translucides après que le fixateur en avait débarrassé le support. Les différentes nuances de gris sont dues à la densité plus ou moins importante des sels d’argent révélés207. On obtient donc bien une impression en « négatif » d’où le nom de l’élément.
La reproduction des couleurs sur pellicule se fait en deux phases : la pellicule couleur est faite de trois couches d’halogénures d’argent superposées et couplées à des colorants. Ces colorants absorbant leur couleur complémentaire, ils sont jaune, magenta et cyan, de sorte que ces trois couches sont ainsi sensibles aux trois couleurs primaires : respectivement rouge, vert et bleu. On réalise ainsi une analyse trichrome208.
Dans le processus de développement, on se débarrasse des sels d’argent pour ne conserver que les colorants de l’émulsion. Le négatif, une fois développé, est tiré sur une émulsion positive. Au stade du tirage, réalisé avec une lanterne additive, munie de trois sources Rouge, Vert et Bleu, réglables en intensité, les couches colorées du négatif réalisent la synthèse des couleurs à reproduire à partir des seules 3 composantes primaires présentes dans le négatif. Le positif de projection est lui-même constitué de trois couches monochromes et se comporte donc comme un filtre coloré devant la lanterne de projection. Il réalise ainsi une synthèse soustractive de cette lumière « blanche », à la température de couleur de la lumière du jour à laquelle l’œil humain est habitué209. La colorimétrie est la science de la mesure des couleurs210. Il existe différentes façons de mesurer les couleurs mais le plus courant est d’utiliser un thermocolorimètre, ce qui permet de définir de manière non arbitraire la température de couleur d’une source de lumière211.
La première problématique de la prise de vues est de réaliser une image correctement exposée, en densité et en couleur. Pour contrôler la quantité de lumière, le directeur de la photographie utilise une cellule photo-sensible — le plus généralement à mesure incidente — et règle l’ouverture du diaphragme en fonction de cette mesure206. Le réglage des contrastes se fait à la cellule à mesure réfléchie, sur les objets, le plus généralement au spotmètre212. Le choix des sources et le réglage des lumières se fait en concordance avec la sensibilité de l’émulsion utilisée et l’utilisation éventuelle de filtres devant la caméra.
Une fois cet aspect technique maîtrisé, il faut composer une lumière qui, esthétiquement, servira le propos du film, son scénario et l’ambiance des différentes scènes, comme le jeu des comédiens tout en intégrant de nombreuses contraintes techniques et économiques. On distingue facilement la lumière contrastée et dense d’un film policier, de la lumière douce et homogène d’une comédie, par exemple213. Si l’esthétique générale d’un film doit beaucoup à la lumière, sa cohérence ne peut être obtenue qu’à la condition d’un travail de collaboration étroite entre les différents responsables artistiques : réalisateur, en premier lieu, mais aussi décorateur, costumier, ou maquilleur.
La deuxième problématique concerne le cadre : composition des plans, mouvements d’appareils, découpage des scènes en plans. Ce travail, exécuté par le cadreur214 est lui aussi le fruit d’une collaboration étroite avec la mise en scène. Enfin, la propreté des plans et leur netteté est de la responsabilité du premier assistant opérateur215.
Travail de laboratoire
Pellicule accompagnée d’un
keykode permettant son identification.
Un laboratoire cinématographique propose un ensemble de prestations techniques aux industries du cinéma216. En particulier, les producteurs de films recourent à leurs services pour développer le négatif original, le transférer sur support magnétique ou numérique, tirer les copies de travail, conformer le négatif au point de montage, tirer les copies de série et les étalonner, dupliquer les éléments, réaliser certains trucages, transférer un document vidéo sur film217... Ce travail est effectué par des techniciens maîtrisant ces techniques variées216. Le film, lorsqu’il est tourné sur support argentique, est confié quotidiennement à un laboratoire photographique qui se charge de le développer (opération chimique en plusieurs étapes qui consiste à stopper, révéler, blanchir, fixer, nettoyer et sécher le négatif)218. Cette étape donne lieu à un négatif qui n’est plus photosensible, c’est-à-dire que l’on peut l’exposer à la lumière sans risquer de perdre les images tournées218.
Le développement est une phase critique et dépend d’un nombre important de paramètres et de leur précision : température constante et imposée, temps de développement stricts, concentrations précises en composants chimiques. Le travail d’interaction entre les produits chimiques du bain photographique avec la pellicule s’effectue à un niveau proche de la taille des atomes219. On tire alors le positif dans une tireuse additive (alors que la photographie est tirée en soustractif) et ce positif est lui-même développé dans une chimie similaire à la chimie négative.
L’étalonnage consiste à régler précisément les flux des trois voies (rouge, vert, bleue) de la tireuse afin d’obtenir les rendus de couleurs et de densité souhaités par le directeur de la photographie. Le « premier positif », tiré par le laboratoire au fur et à mesure de la production, et qui constitue les « rushes », est présenté à la production et à l’équipe technique au laboratoire, en salle de projection220. Ces présentations ont lieu au moment même du tournage, si possible quotidiennement.
Actuellement, il est de plus en plus fréquent de simplement transférer le négatif sur support vidéo, au télécinéma. Ceci est particulièrement pertinent pour le tournage d’un téléfilm mais aussi en vue d’une future postproduction numérique (montage virtuel, effets spéciaux numériques, étalonnage tape to tape...).
Pour le tirage des copies d’exploitation, deux solutions sont possibles à partir du négatif monté. La première consiste à tirer directement les copies, mais cela suppose de faire tourner sur des machines très rapides ce négatif, qui comporte des collages et qui est donc fragile. Ainsi, cette méthode n’est utilisée que pour les films tirés à peu d’exemplaires221. Dès qu’un film est tiré à plus d’une dizaine de copies, on utilise une seconde solution, incluant deux étapes supplémentaires dans les opérations de laboratoire : le tirage d’un interpositif, à partir du négatif monté, qui fournira un internégatif, sorte de copie carbone sans collage du négatif monté, à partir duquel on tirera les copies positives. Après cette étape, le film est prêt à la projection221.
Lorsque le master du film est numérique, on peut le transférer sur master de type négatif ou intermédiaire (internégatif, interpositif). Chaque opération effectuée dans un laboratoire cinématographique coûte cher. La question du paiement par les distributeurs est plutôt complexe à cause du temps de travail que prend une bobine de 60 m (soit 2 minutes de film en 35 mm), temps qui se révèle identique à une bobine de 305 m (soit environ 11 minutes). En effet, les employés doivent, pour ces deux films, préparer le même nombre de pièces et de machines, de sorte que la durée du film influe peu sur le travail qu’exige le traitement de la pellicule222.
Montage
L’une des premières machines de montage.
Le cinéma est d’abord, et avant tout, un art du montage223. Marcel Martin, dans Le Langage Cinématographique, disait qu’il était « clair que le montage (véhicule du rythme) est la notion la plus subtile et en même temps la plus essentielle de l’esthétique cinématographique, en un mot son élément le plus spécifique224,225 ». Le montage a acquis, au fil du temps, une autonomie esthétique226. Il repose sur l’enchaînement d’espaces et de temps, pour rendre l’œuvre fluide. Le montage se résume donc en audiovisuel à l’assemblage de plusieurs plans pour former des séquences qui à la fin forment le film.
Au début du cinéma les films faisaient peu appel au montage. La plupart des films des frères Lumière ou de Méliès étaient des plans-séquences227. Les quelques rares raccords étaient maladroits227. C’est avec David Wark Griffith que le montage apparaît réellement dans Naissance d'une nation en 1915228. Durant les années 1920 c’est le cinéma russe qui apportera la plus grande contribution à la théorie du montage, notamment avec Lev Koulechov et son effet Koulechov229. Le montage permettra alors la naissance des trucages230.
Le montage s’effectue à partir du premier positif, nommé rushes, qui sert de copie de travail231. Les coupes de la pellicule se font à la « colleuse » : au ciseau et au ruban adhésif232. Une fois le montage terminé, le négatif est coupé et collé au laboratoire.
Actuellement, grâce à l’informatique, s’est développé le montage virtuel (ou non linéaire). Le travail se fait à partir d’une copie numérique du négatif233 scanné ou transféré au télécinéma231. L’ensemble de la postproduction peut, grâce à cette méthode, être entièrement réalisé sur ordinateur. Par l’intermédiaire d’une sortie sur bande magnétique, ou directement depuis la machine de montage, le résultat est transféré sur film.
La première étape du montage est la préparation : c’est lors du tournage que tous les plans sont rassemblés. Ainsi, on parle de « dérusher » ces plans : il faut sélectionner ceux qui sont bons, selon le réalisateur234. Ensuite, il faut dédoubler les rushes et les mettre les uns à la suite des autres, selon le scénario. Cette étape permet une première visualisation du film, et facilite par la suite le montage. Cependant, avec le développement du montage virtuel, ce dérushage tend à disparaître, pour laisser place à un premier montage, aussi appelé « first cut »235. À ce stade, le film est projeté à un public restreint, contraint de garder le secret sur le film, pour obtenir son avis sur le déroulement des images235. Le montage final, ou « final cut », a un impact majeur sur le film et sa compréhension236. Il conditionne également son succès commercial236. Cette étape peut être l’occasion de conflits entre les différents producteurs et le réalisateur, comme lors du montage de Brazil de Terry Gilliam237. Aux États-Unis, le syndicat des réalisateurs, la Directors Guild of America, permet aux artistes de signer leurs film du pseudonyme « Alan Smithee » lorsque la production impose son point de vue sur le montage238. Sinon quelquefois deux versions du montage sont effectuées, l’une pour la production et l’autre venant du réalisateur (on parle alors du director's cut). Mais cette possibilité est réservé aux films majeurs. L’un des exemples les plus célèbres est celui de Blade Runner de Ridley Scott sorti en 1982, où le réalisateur n’a pas pu imposer son avis lors du montage, et la version de 1991 réalisée selon les vœux du réalisateur239,240.
Son
Préproduction
Pendant la préproduction, au stade des repérages, le chef opérateur du son peut être consulté sur les contraintes sonores inhérentes aux décors choisis (si le décor est bruyant, la conséquence au niveau sonore sera la nécessité d'envisager de postsynchroniser les dialogues.
Tournage
En plus des précautions prises en amont ou de la postsynchronisation, d'autres mesures sont envisageables pour le chef opérateur du son pour assurer une qualité sonore optimale durant le tournage. En entente avec différents départements, il peut installer différents dispositifs d'atténuations sonores (couvertures de sons, matériaux non-réverbérants). Il peut aussi, dans des cas particuliers, demander à obtenir un meilleur contrôle de l'environnement sonore du lieu de tournage : fermer les ventilations, désactiver le matériel industriel et électroménager, éteindre les sources d'ondes parasites, etc.
Postproduction
Console de mixage analogique Neve VR60.
Vers la fin du montage des images, le montage son commence. C’est une étape distincte du montage, elle est d’ailleurs, depuis l'apparition de la stéréo au cinéma241 souvent effectuée par une équipe différente242. Elle consiste à conformer et affiner le montage des dialogues, ajouter des sons enregistrés pendant le tournage aux images, d’enrichir le climat émotionnel du film en ajoutant des effets sonores, éventuellement du sound design des sons d’ambiance242. C’est une étape artistique importante du montage : elle joue un rôle majeur, mais le monteur ne doit pas mettre en retrait la composition242.
Historiquement, le cinéma traditionnel français a entretenu des rapports ambigus avec la musique. La Nouvelle Vague a inventé, tout comme les impressionnistes en peinture, le tournage en décors naturels (le cinéma sort des plateaux). La bande sonore se résumait (dans le principe et par contrainte) au seul son enregistré sur le tournage. Les éléments sonores rajoutés en postproduction n'avaient qu'un rôle fonctionnel (boucher les trous). La narration cinématographique excluait toute narration sonore autre que celle du réalisme dont les Cahiers du cinéma se sont faits les apôtres. La médiocrité de reproduction en mono réduisait la bande sonore aux seuls dialogues et à la musique. Si on compare, statistiquement, la durée de la musique des films français aux films américains de l'époque, on arrive à une moyenne de 15 minutes de musique pour les films français contre 50 minutes pour les films américains. Au milieu des années 1980, la première crise du cinéma a généré l'apparition d'un nouveau genre : les Blockbuster, un cinéma spectaculaire à effets (visuels et sonores) dont on ne peut apprécier toutes les qualités que dans une salle de cinéma (et non pas à la maison en VHS ou DVD).
On retrouve également les bruitages, la postsynchronisation, le mixage audio effectué par un mixeur dans un auditorium. La finalisation est une étape s'apparente au mastering. Après le mixage proprement dit, l'étape suivante sera sa, ou ses, mise(s) en forme en fonction des différents modes d'exploitation (diffusion) comme le cinéma stéréo optique analogique, et multicanal sur support photochimique, cinéma numérique, télévision stéréo, DVD et télévision HD, et Cinéma et télévision en relief. La production du film étant terminée, l'étape suivante pour l'image et pour le son, sera celle du (ou des) laboratoire(s) : la mise en forme pour la(les) diffusion(s) et, éventuellement243, les duplications.
Projection
Le film se présente jusqu'au début des années 2000 sous la forme d’une pellicule (nommée « copie ») sur laquelle se succèdent des photogrammes fixes, visibles à l'œil nu, dont le défilement image par image à cadence rapide donne l’impression de mouvements réels244. Différent, le film vidéo se présente sous la forme d’une bande magnétique ou d’un support numérique qui comporte des images codées, donc non visibles à l'œil nu245. Dans les deux cas les images sont projetées sur un écran. Deux phénomènes sont à l’origine de l’illusion du mouvement : la persistance rétinienne qui masque les noirs entre les photogramme et l’effet phi qui donne l’impression d'une seule et même image en mouvement244. Le phénomène de la persistance rétinienne et la vitesse relativement faible de traitement des informations par le système visuel humain permettent de conserver la perception de chaque image malgré l'interruption provoquée par le passage d'un photogramme à l'autre244. L’illusion d’une image en mouvement résulte d’une tendance du cerveau à considérer que ces images semblables sont une vue unique d'un même objet qui a changé ou s’est déplacé : c’est le phénomène de l’effet phi244.
On peut néanmoins baser une explication alternative sur la théorie de l'échantillonnage (aussi bien pour l'argentique que pour le numérique). Dans cette approche, le cinéma ne crée pas l'illusion du mouvement, mais capture et restitue le mouvement réel. L'information lumineuse relative au mouvement issue de l'objet d'origine est reproduite à l'écran avec une fidélité suffisante pour que le cerveau et l'œil du spectateur y réagissent de manière identique, sans qu'il soit nécessaire de postuler un effet spécifique.
La théorie démontre rigoureusement que, sous certaines conditions, un signal continu (ici le mouvement), peut être représenté par une suite d'échantillons pris sur le signal (ici la suite d'images fixes se succédant le long de la pellicule), et ce sans aucune perte d'information : ce n'est pas une approximation. On peut de ce fait retrouver le mouvement d'origine en inversant la procédure d'échantillonnage, ce qui par exemple est obtenu en affichant chaque échantillon de façon fixe pendant une période d'échantillonnage complète avant de passer au suivant (bloqueur d'ordre zéro). On voit que c'est précisément ce que fait un projecteur, (avec l'assistance de la persistance rétinienne s'il est mécanique, mais elle n'est pas nécessaire pour un modèle LCD).
Cependant, la théorie n'est pas respectée à la lettre, ce qui introduit certaines distorsions, dont l'expérience a montré qu'elles étaient acceptables, d'autant plus qu'au cours du temps les réalisateurs ont appris à les minimiser et les spectateurs à les ignorer. On peut citer certains de ces points de divergence :
- 24 i/s permettent de capturer des fréquences de mouvement jusqu'à 12 Hz. La théorie demande à ce qu'un filtre passe bas soit présent à l'entrée pour bloquer toute fréquence supérieure. On ne sait pas actuellement réaliser un tel filtre pour le cinéma. On peut alors avoir des artefacts sur les mouvements trop rapides, telles les roues d'un véhicule tournant en sens inverse. Un exemple de cas limite serait un disque de centre fixe tournant à 12 tours/s et orné d’un motif tel qu’un point de l’image situé dans le disque ait une variation de luminosité représentée par un cycle sinusoïdal complet pour chaque tour. Un motif plus complexe (ex : roue avec des rayons) implique des harmoniques supérieurs à 12 Hz qui dégradent l’image, mais la qualité s’améliore si la vitesse de rotation est plus faible. Les fréquences produites dépendent à la fois de la vitesse et de la finesse de détail des objets.
- un filtre passe bas doit aussi être présent en sortie, pour des raisons différentes. Il est partiellement réalisé par la courbe de réponse du bloqueur, et la vitesse de réaction limitée du système visuel humain.
- l'échantillonnage n'est pas instantané (chaque image est exposée un certain temps par la caméra). L'effet de cet écart est connu, et peut être exactement compensé en audio numérique par exemple, mais cette compensation n'existe pas pour le cinéma.
- le bloqueur d'ordre zéro est un outil simple, mais limité, pour repasser du domaine échantillonné au domaine continu : il introduit également des distorsions calculables mais non compensées.
- Une analyse plus complète doit également tenir compte de la capacité de l’œil à suivre le déplacement des objets, annulant ainsi certaines des composantes du mouvement.
Au cinéma la grande majorité des salles utilisent le support pelliculaire246,247, où le projecteur a le défaut de se dégrader au fil du temps, mais il est universel248. Pour George Lucas, l’avenir réside dans le cinéma numérique : l’exploitant recevrait ou téléchargerait le support ce qui réduirait considérablement les coûts de production et de distribution246. Il s'agit donc d'une pellicule positive qui passe devant une source de lumière blanche (appelée « lanterne »), à la cadence de 24 images par seconde, dans le cas de projections sonores. L’objectif du projecteur permet ensuite de rendre une image nette, en général sur un écran blanc249.
Dans le cas de projecteurs à chargement vertical, les modèles les plus anciens, deux appareils étaient nécessaires pour la projection des différentes bobines. Pour le spectateur, il est possible de repérer le changement de bobine, par l’apparition d’un cercle, en haut à droite de l’image. Désormais, avec les appareils à platine horizontale, il est possible de monter l’intégralité des bobines sur le même appareil250. En cinéma numérique, le film est enregistré sur disques durs. Le premier film sonorisé remonte au gramophone, qui était actionné à la main, et qui posait donc un problème majeur, celui de la synchronisation avec l’image251,252. Le son fut donc très vite intégré, de manière optique, sur le bord de la pellicule253. C’est une lampe qui éclaire cette piste optique : l’intensité de la lumière traversant le film est mesurée par une cellule photoréceptrice qui la transforme à son tour en un signal électrique envoyé vers une chaîne d’amplification classique. Sur les films au format 70 mm, le son est encodé sur la pellicule à côté de l’image.
Animation
On distingue le film d'animation du dessin animé. En effet, le film d'animation utilise diverses techniques pour animer des éléments réels en trois dimensions comme des maquettes, des personnages en pâte à modeler, etc. Cependant, à l'instar du dessin animé, certains films d'animation utilisent la technique de prise de vues « image par image ». La prise de vues image par image utilise les mêmes techniques que la prise de vues classique, et les images successives représentent chacune une phase instantanée du mouvement. Lors de la projection ces images donnent également au sujet l’illusion du mouvement209.
Gertie, l’une des premières
stars de l’histoire de l’animation
254.
Émile Reynaud, dessinateur français, est le précurseur de l’art de l’animation car c’est en 1892, avant l’apparition du cinématographe, qu’il commença à projeter sur écran, à l’aide d’un praxinoscope, ses propres dessins réalisés et coloriés à la main255. Il ne reste aujourd’hui de lui que très peu d’œuvres car il les à lui-même détruites de désespoir à cause du tort que lui causa l’apparition du cinématographe256.
Le plus connu des « animés » est le personnage de Walt Disney, Mickey Mouse, qui, dès son apparition, le , obtint un succès énorme257. Dans le cas du dessin animé, la caméra est généralement fixée de manière verticale au-dessus du cartoon qui lui est posé horizontalement sur une table258.
Ce dispositif, appelé banc-titre permet aussi la reproduction d'image fixe en général. C’est alors que la caméra photographie les dessins un par un de manière à faire coïncider les parties qui doivent rester fixes. Bien sûr les images ne sont pas prises au même rythme que pour un film ordinaire. Par contre, lors de la projection les images défilent bien au rythme de 24 images par seconde259. Pour un film de 250 mètres, soit 9 minutes de projection, il faut une centaine d’heures pour la prise de vues uniquement209. La partie animée est photographiée en position superposée sur la partie immobile, car elle se trouve sur un autre support appelé « celluloïd ».
Pour la réalisation des dessins deux sortes de cartoons sont utilisés. Les fonds, c’est-à-dire les paysages, les décors, sont réalisés sur feuilles opaques tandis que le reste, les personnages par exemple, le sont sur feuilles transparentes appelées « celluloïds » en raison de leur composant majeur, l’acétate de cellulose260. Le dessin sur ces cellulos est fait à l’encre de chine pour les contours et à la gouache pour les couleurs209. Pour le travelling, on peut faire appel à deux procédés différents. En général, on n'utilise pas de zoom (objectif à focale variable) ou travelling optique. La caméra banc-titre est monté sur colonne et peut monter ou descendre à volonté. La mise au point est asservie au mouvement vertical pour assurer la netteté constante de l'image. Le second est de réaliser les dessins à des échelles différentes209.
D’autres techniques sont utilisées comme les ombres chinoises, le papier découpé, comme dans Les Aventures du prince Ahmed de Lotte Reiniger, réalisé en 1926, la technique de « l’écran d'épingles » d’Alexandre Alexeïeff dans Une nuit sur le mont chauve (1934), l’animation de marionnettes, de poupées comme l’ont fait Jiří Trnka et Ladislas Starewitch. On peut aussi assister à des techniques de prise de vues de personnes vivantes photographiées en pixilation comme des automates257.
Aujourd’hui, ces techniques traditionnelles ont pratiquement disparu et laissent place aux techniques de l’informatique et des images de synthèse.
Audiodescription
L'« audiodescription » (également appelée « audiovision ») est un procédé qui permet de rendre des films accessibles aux personnes aveugles ou très malvoyantes grâce à un texte en voix off qui décrit les éléments visuels de l'œuvre. La voix de la description est placée entre les dialogues ou les éléments sonores importants afin de ne pas nuire à l'œuvre originale. Elle peut être diffusée dans des casques sans fil pour ne pas gêner les autres spectateurs.
L’audiodescription a été inventée aux États-Unis par Gregory Frazier, professeur à l’Université d’État de San Francisco (School of Creative Arts) et le doyen de l’université, qui n’était autre qu’August Coppola, frère du réalisateur Francis Ford Coppola. En 1988, le premier film en audiodescription présenté aux aveugles est Tucker de Francis Ford Coppola. Dès 1989, grâce au soutien de l’Association Valentin Haüy au service des aveugles et des malvoyants, le procédé est introduit en France.
Le processus d'une audiodescription cinématographique se détaille en quatre parties :
- La traduction :
- analyse de l'image (extraire le sens),
- déverbalisation (oubli des mots et conservation du sens),
- priorisation, c'est-à-dire sélection des éléments audiodécrits en fonction du temps imparti,
- reformulation (travail de concision et de précision quant au choix des mots) ;
- L'enregistrement en cabine insonorisée ;
- Le mixage (ajuster la bande son, placer les audiodescriptions au bon moment, etc.) ;
- Le pressage (avant mise en commerce ou avant mise à disposition dans les vidéothèques spécialisées).
Les films audiodécrits peuvent être distribués de différentes manières :
- dans les salles de cinéma qui disposent d'un équipement adéquat (casques audios) pouvant être permanent ou installé de manière temporaire par une unité mobile ;
- par certaines chaînes de télévision pouvant proposer un flux audio supplémentaire (mixant son du film et audiodescription, ou ne proposant que l'audiodescription seule) ;
- par le circuit de distribution sur support vidéo (DVD).
Fin de la pellicule, débuts du cinéma numérique
Projecteur cinéma numérique DLP Cinema, prototype de Texas Instruments, Paris, 2000.
« L'industrie du cinéma est aujourd'hui au seuil du plus grand changement de son histoire : le passage de la pellicule au numérique » écrit Eric Le Roy en 2013261. Ce qui semblait peu probable, voire impossible, dans les années 1980, est en 2003 une réalité262.
Au moment où le cinéma, à la suite de l’audiovisuel en général, s’apprête à franchir le cap du numérique, ce sont encore des industriels de stature internationale qui prennent le risque d’investir des sommes colossales, sans nul équivalent jusqu’à présent dans les recherches des différents formats argentiques. En 1999, Texas Instruments, rompu à la fabrication des circuits intégrés lance sa technologie, le DLP Cinema263. Les premières séances publiques de cinéma numérique sont réalisées264 : le 18 juin 1999 aux États-Unis (Los Angeles et New York)265 et le 2 février 2000 en Europe (Paris)266 par Philippe Binant267. La résolution était de 1280 pixels par ligne et de 1024 pixels par colonne (le 1,3K)268.
Aujourd'hui, le DLP Cinema possède la résolution de 2 048 pixels par ligne et de 1 080 pixels par colonne (le 2K) ou la résolution de 4 096 pixels par ligne et de 2 160 pixels par colonne (le 4K).
Les caméras numériques se sont répandues, les systèmes de montage existent déjà depuis un quart de siècle grâce à la télévision, le parc de salles numériques suit massivement. La pellicule argentique serait-elle en train de vivre ses derniers moments ? Pour l’instant, ce serait faux de l’affirmer, car les différents décideurs ne connaissent pas encore les conditions dans lesquelles le support numérique (mémoires statiques) se conserve.
En France, le dépôt légal des films, reçu par le CNC, se fait, soit sous la forme d’une copie 35 mm photochimique traditionnelle, soit sous forme d'une copie numérique sur disque dur ou clé USB269.
Avec l'abandon du 35 mm, le cinéma numérique permet la diffusion des films sur les plateformes numériques270 : Netflix, Amazon Prime Video, Groupe Canal+, OCS Go.
Société
Au cours de la première moitié du XXe siècle, en tant qu’art populaire, le cinéma a pris une importance croissante dans la société271. Certains, lui attribuant une capacité à influencer les spectateurs, ont alors appelé à un contrôle de la création (par le biais de la censure)272. D’autres, lui attribuant cette même capacité à convaincre, y ont vu un remarquable outil de propagande. Plusieurs lobbys et États ont alors tenté d’en tirer profit273.
D’abord influencé par le théâtre et le cirque, le cinéma a, au fil de son histoire, à son tour influencé la littérature, l’art contemporain, mais aussi le langage publicitaire274. Au-delà de l’influence des techniques et du langage cinématographique, le cinéma a aussi, à sa mesure, remodelé les usages et l’imaginaire de nos sociétés.
Impact politique et social
Première industrie culturelle du XXe siècle275, parce qu’il fait plus appel à l’émotion des spectateurs qu’à leur réflexion, le cinéma a intéressé, dès ses débuts, les industriels de la propagande273. C’était, selon eux, un remarquable outil pour toucher rapidement d’importantes populations, y compris illettrées. Le cinéma devient alors rapidement l’objet de tensions contradictoires276. Aux États-Unis, le film Naissance d'une nation (The Birth of A Nation, 1915), réalisé par David Wark Griffith, présentant le Ku Klux Klan sous un jour favorable pousse la NAACP (National Association for the Advancement of Colored People) à tenter d’en interdire la diffusion277. Une réflexion est alors engagée sur la notion de censure publique.
Le pouvoir soviétique, à la suite de Lénine (« Le cinéma est pour nous, de tous les arts, le plus important »278) développe un cinéma d’État, à la fois bien financé et en butte à la censure279. Paradoxalement, ce cinéma d’État donnera naissance aux innovations de l’avant-garde soviétique, et des cinéastes Sergueï Eisenstein, Vsevolod Poudovkine et Alexandre Dovjenko. Les relations entre ces grands créateurs et le pouvoir soviétique gardera cependant toujours un caractère d’ambiguïté280.
En Allemagne, notamment au travers de Le Triomphe de la volonté (Triumph des Willens, 1935), la réalisatrice Leni Riefenstahl met son talent au service du régime nazi281. En ce début de XXIe siècle, censure et propagande ne semblent pas avoir disparu du paysage cinématographique. En Iran, par exemple, les réalisateurs confrontés à la censure ont longtemps privilégié les films mettant en scène des enfants282. Cette « ruse » leur permettait à la fois de prétendre porter un regard naïf sur la société et d’éviter de filmer les visages de femmes adultes.
Une partie de la création cinématographique contemporaine chinoise est, elle, parcourue d’une volonté de relecture hagiographique de l’histoire du pays. Certains ont vu dans le film Hero (chinois : 英雄, Ying xiong, 2002), réalisé par Zhang Yimou, une justification de la politique centralisatrice menée par Pékin aujourd’hui.
Dans les autres pays démocratiques, censure et propagande sont également présentes, mais de manière plus diffuse. Noam Chomsky précise ainsi que « La propagande est à la démocratie, ce que la violence est à l’état totalitaire »283. De fait, selon Sébastien Roffat, notamment auteur de « Animation et propagande », on ne trouve pas moins de propagande (c’est-à-dire de volonté de promouvoir des idées et des valeurs) dans les films d’animation de Walt Disney que dans le film de Leni Riefenstahl Le Triomphe de la volonté, pourtant souvent cité comme un modèle de cinéma de propagande284. Dans les pays démocratiques, plus que les États, ce sont les différents lobbies moraux ou religieux et surtout la dictature de l’audimat qui sont à l’origine de la censure. Au cours du XXe siècle, les autorités religieuses (comme l’Église catholique) se sont régulièrement élevées contre des films heurtant de front leurs valeurs ou leurs discours. C’est notamment le cas de La dolce vita (1960), film de Federico Fellini285, de Viridiana (1961), film de Luis Buñuel286, et de La Dernière Tentation du Christ (The Last Temptation of Christ, 1988), de Martin Scorsese287.
Aux États-Unis, durant la première moitié du XXe siècle, un code a été rédigé par le sénateur William Hays, sous le nom de Code Hays. Ce code fut développé par les studios américains eux-mêmes, pour ne pas être censuré par la suite par un organisme extérieur. Ce code prévoyait de traiter les sujets sensibles avec prudence, comme le viol, la pendaison, la prostitution ou la religion.
En France, officiellement, la censure a frappé relativement peu de films, surtout durant la seconde moitié du XXe siècle : Les Sentiers de la gloire (Paths of Glory, 1957) de Stanley Kubrick, Le Franc-tireur (1972) de Jean-Max Causse, 1974, une partie de campagne (1974) de Raymond Depardon, ou la quasi-totalité de la filmographie de René Vautier… On suppose que Les Sentiers de la gloire et Le Franc-tireur ont été censurés à la demande des anciens combattants288. Mais au-delà de cette censure d’État, relativement rare et frappant les films, une fois ceux-ci achevés, se développe aujourd’hui une censure au niveau des projets de films. En France, le choix de réaliser un film échappe progressivement aux producteurs et décideurs de la filière cinématographique. Ce sont alors les commissions du film et surtout les télévisions qui choisissent quels projets doivent être menés à terme. Indirectement, le cinéma passe ainsi de la censure d’État à la censure fixée par l’audimat289.
Ce constat de dépendance de la filière cinématographique envers la télévision est surtout valable en France et au Royaume-Uni. Le cinéma américain, mieux financé que le cinéma français, est ainsi moins dépendant de l’industrie télévisuelle, ce qui n’empêche pas une influence d’ordre artistique, notamment de la part de séries telles que 24 heures chrono.
Le cinéma constitue ainsi un exemple majeur d'outil du Soft Power290. Par exemple, le dernier long-métrage de l'Américaine Kathryn Bigelow — première réalisatrice à remporter l'Oscar du meilleur film pour Démineurs en 2010 —, raconte la traque, et la mort, du leader d'Al-Qaïda, Oussama ben Laden, entamée par les Américains après les attentats du 11 septembre 2001. Alors que la sortie du film aux États-Unis était prévue le 12 octobre 2012, à temps pour participer aux Oscars, mais également trois semaines avant l'élection présidentielle qui a vu Barack Obama dans la course pour un second mandat présidentiel, les milieux conservateurs américains ont polémiqué sur le timing d'un film qui se termine sur la décision présidentielle d'un raid victorieux des Navy Seals et la mort du terroriste291. Certes, le Pentagone a une longue tradition de collaboration avec les cinéastes d'Hollywood, par exemple pour le film Top Gun. Les militaires ont l'habitude de fournir des conseils ou du matériel de guerre. Pour le tournage de La Chute du faucon noir (Black Hawk Down) de Ridley Scott en 2001, montrant un revers des soldats américains en Somalie, l'armée a même prêté ses hélicoptères et ses pilotes. Cependant parfois, l'armée a refusé d'apporter son aide comme ce fut le cas pour Apocalypse Now de Francis Ford Coppola, qui a dû alors trouver d'autres soutiens financiers et politiques : le tournage s'effectua aux Philippines avec l'assistance matérielle de l'armée philippine.
Relations avec d'autres arts et techniques
À ses débuts, le cinéma a beaucoup emprunté à d’autres arts populaires comme le cirque ou le théâtre274. L’influence de ce dernier est par exemple manifeste dans les films de Joseph L. Mankiewicz, y compris dans son dernier film, Le Limier, réalisé en 1972293. Après la généralisation du son au cinéma, quelques adaptations d’opéras ont aussi été réalisées, la plus fameuse restant probablement le Don Giovanni de Joseph Losey en 1979294. À son tour, le spectacle cinématographique a influencé le théâtre (mise en scène théâtrale mêlant effets spéciaux, musique, danse, voire projections d’images) et surtout la littérature. Tout au long du XXe siècle, un certain nombre de romanciers ont ainsi adopté des images et un « montage » proche du langage cinématographique.
Mais c’est avec la télévision que le cinéma entretient des relations encore plus étroites d’influence réciproque295. Un certain nombre de réalisateurs et d’acteurs passent ainsi du petit au grand écran, ou dans le sens inverse, emportant avec eux les techniques et le langage d’un univers à l’autre. Ponctuellement, en France et au Royaume-Uni, l’influence télévisuelle s’apparente aujourd’hui à une censure invisible, comme avec les relations entre cinéma et autorité. À l’inverse, le cinéma américain, mieux financé et donc plus indépendant de la télévision est mieux à même de digérer cette relation d’influence artistique mutuelle avec la télévision. La série télévisuelle 24 heures chrono a ainsi probablement accéléré le renouvellement du style de la série des James Bond au cinéma (Casino Royale de Martin Campbell en 2006), et incité à l’adaptation cinématographique de la série des Jason Bourne (personnage créé par Robert Ludlum en 1980).
Le langage publicitaire héritier des techniques de propagande industrielle connaît un développement important à partir de la seconde moitié du XXe siècle296. D’abord influencé par le langage cinématographique, il reprend à son compte les innovations (techniques de propagande) de celui-ci, il l’influencera à son tour à partir de la toute fin du XXe siècle.
Un certain nombre de créateurs dans le domaine de l’art contemporain se sont saisis du média qu’est le cinéma pour le détourner ou en explorer les limites. Le cinéma expérimental, ou non narratif, entretient ainsi des relations fructueuses avec la scène de l’art contemporain297.
Les adaptations de bandes dessinées sur le grand écran se multiplient dans les pays où cet art est le plus développé, que ce soit en version animée ou non. Aux États-Unis, Hollywood adapte les comics mettant en scène des super-héros, comme dans Men in Black de Barry Sonnenfeld ou encore l’adaptation de V pour Vendetta par James McTeigue, alors que le cinéma indépendant s’intéresse plus aux romans graphiques ou à la bande dessinée pour adultes, comme From Hell adapté par Albert et Allen Hughes. Plus récemment, la licence Marvel des Avengers fut à l'origine de plusieurs longs métrages. Au Japon et en Corée du Sud, ce sont les adaptations respectives de manga et de manhwa qui ont la faveur des producteurs et réalisateurs, parmi lesquels on peut citer Mamoru Oshii et sa version de Ghost in the Shell en 1995. En France, la bande dessinée franco-belge connaît aussi de nombreuses adaptations, comme Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre qui fut, en 2002, l’un des plus gros succès du box-office français. Plusieurs commentateurs suggèrent aujourd’hui que certaines bandes dessinées, en tant qu’art séquentiel, seraient du cinéma « fait à la maison », avec à la fois moins de moyens mais plus de liberté. L’influence réciproque entre les deux arts est un fait ne serait-ce que par la technique du storyboard (ou scénarimage).
L’irruption de la culture virtuelle (les jeux vidéo puis Internet) à la fin du XXe siècle modifie à nouveau l’environnement du cinéma. Les jeux vidéo et Internet occupent une partie croissante des loisirs du jeune public, faisant de ces mondes virtuels de nouveaux concurrents pour le cinéma. L’influence du jeu vidéo sur le cinéma, relativement récente, est encore modeste mais croissante298. On voit apparaître quelques adaptations de jeu vidéo au cinéma, comme Final Fantasy ou Tomb Raider (tous deux en 2001), ainsi que des films s’inspirant de jeu vidéo dans le fond, dès Tron en 1982 ou plus récemment avec eXistenZ (1999), ou dans la forme, comme dans Matrix (1999), Fulltime Killer (2001) ou encore Cloverfield (2007).
Sociologie
Le cinéma, en tant qu’art populaire, accessible au plus grand nombre, sans barrière culturelle notable, a vu son taux de fréquentation augmenter et son influence grandir. Par exemple, 95 % des Français sont allés au moins une fois au cinéma au cours de leur vie299. Ainsi, pour s’exprimer, ou défendre une idée, l’homme fait désormais référence à un scénario, un acteur ou à un film plus généralement300.
La sociologie du cinéma étudie plusieurs aspects de la culture cinématographique avec des questions telles que : « qui fait les films et pourquoi ? », « qui voit les films, comment et pourquoi ? », « que voit-on, comment et pourquoi ? » et, « comment les films sont-ils évalués et par qui ? »301. C’est ainsi que plusieurs sociologues ont analysé l’histoire du cinéma. Parallèlement, la fréquentation cinématographique fait l’objet d’analyse et d’études.
Par exemple, le CNC a réalisé une étude sur la fréquentation en France, et il est apparu que les femmes vont un peu plus souvent au cinéma : 5,6 fois par an, alors que les hommes n’y vont que 5,2 fois302. À la question « Pourquoi ? », certains sociologues ont mis en valeur les goûts différents de chacun, et leur capacité émotionnelle : le public féminin préfère généralement voir un film dramatique, alors que le public masculin se dirige plus volontiers vers un film d’aventure. De même, la fréquentation en salle des plus de 35 ans augmente depuis plus de 10 ans pour atteindre, en 2006, 51 %302, pourtant, la part des Français comprise entre 20 et 34 ans est celle qui va le plus souvent au cinéma. Sur la question de « qui voit les films ? », il a été démontré que hommes et femmes ne voient pas les mêmes types de film. Le regard de la spectatrice est différent. La majorité des films proposent un héros masculin, en plaçant ainsi la femme dans une position secondaire, lui demandant en quelque sorte d’oublier son identité féminine303.
Notes et références
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- Marie-France Briselance et Jean-Claude Morin, Grammaire du cinéma, Paris, Nouveau Monde, , 588 p. (ISBN 978-2-84736-458-3), p. 16..
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Articles connexes
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Liens externes
Médecine générale
La médecine générale, ou médecine familiale, est une spécialité médicale1 prenant en charge le suivi durable, le bien-être et les soins de santé généraux primaires d'une communauté, sans se limiter à des groupes de maladies relevant d'un organe, d'un âge, ou d'un sexe particulier. Le médecin généraliste, aussi appelé médecin omnipraticien ou médecin de famille, est donc souvent consulté pour diagnostiquer les symptômes avant de traiter la maladie ou de référer le patient à un autre médecin spécialiste.
Dans la plupart des cas, le médecin traitant d'une personne est un médecin généraliste. Un exemple d'une exception serait un jeune qui a un pédiatre (médecin spécialiste) pour médecin traitant. Les médecins omnipraticiens, cependant, ont aussi toutes les compétences nécessaires pour les traiter de façon efficace.
Définition de la spécialité de la médecine générale
Les médecins généralistes sont chargés de dispenser des soins globaux et continus à tous ceux qui le souhaitent indépendamment de leur âge, de leur sexe et de leur maladie. Ils soignent les personnes dans le contexte de leur famille, communauté, culture et toujours dans le respect de leur autonomie. Ils acceptent d’avoir également une responsabilité professionnelle de santé publique envers leur communauté. Dans la négociation des modalités de prise en charge avec leurs patients, ils intègrent les dimensions physique, psychologique, sociale, culturelle et existentielle, mettant à profit la connaissance et la confiance engendrées par des contacts répétés. Leur activité professionnelle comprend la promotion de la santé, la prévention des maladies et la prestation de soins à visée curative et palliative. Ils agissent personnellement ou font appel à d’autres professionnels selon les besoins et les ressources disponibles dans la communauté, en facilitant si nécessaire l’accès des patients à ces services.
Caractéristiques de la discipline de la médecine générale
La médecine générale est une discipline scientifique et universitaire, avec son contenu spécifique de formation professionnelle, de recherche de pratique clinique, et ses propres fondements scientifiques. C’est une spécialité clinique orientée vers les soins primaires2 :
- elle est habituellement le premier contact avec le système de soins, permettant un accès ouvert et non limité aux usagers, prenant en compte tous les problèmes de santé, indépendamment de l’âge, du sexe, ou de toutes autres caractéristiques de la personne concernée comme son niveau social sous peine de signalement (en France3) ;
- elle utilise de façon efficiente les ressources du système de santé par la coordination des soins, le travail avec les autres professionnels de soins primaires et la gestion du recours aux autres spécialités, se plaçant si nécessaire en défenseur du patient ;
- elle développe une approche centrée sur la personne dans ses dimensions individuelles, familiales, et communautaires ;
- elle utilise un mode de consultation spécifique qui construit dans la durée une relation médecin-patient basée sur une communication appropriée ;
- elle a la responsabilité d’assurer des soins continus et longitudinaux, selon les besoins du patient ;
- elle base sa démarche décisionnelle spécifique sur la prévalence et l’incidence des maladies en soins primaires ;
- elle gère simultanément les problèmes de santé aigus et chroniques de chaque patient ;
- elle intervient à un stade précoce et indifférencié du développement des maladies, qui pourraient éventuellement requérir une intervention rapide ;
- elle favorise la promotion et l’éducation pour la santé par une intervention appropriée et efficace ;
- elle a une responsabilité spécifique de santé publique dans la communauté ;
- elle répond aux problèmes de santé dans leurs dimensions physique, psychologique, sociale, culturelle et existentielle.
Compétences fondamentales
La définition de la discipline comme de la spécialité médicale met en évidence les compétences fondamentales du médecin généraliste, donc essentielles à la discipline, indépendamment du système de santé dans lequel ces définitions sont appliquées.
Les onze caractéristiques centrales qui définissent la discipline se rapportent à des capacités ou habiletés que chaque médecin de famille spécialisé doit maîtriser. Elles peuvent être rassemblées en six compétences fondamentales (en référence aux caractéristiques) :
- La gestion des soins de santé primaires (a, b)
- Les soins centrés sur la personne (c, d, e)
- L’aptitude spécifique à la résolution de problèmes (f, g)
- L’approche globale (h, i)
- L’orientation communautaire (j)
- L’adoption d’un modèle holistique (k)
Le médecin généraliste applique ces compétences dans trois champs d’activité :
- démarche, raisonnement clinique,
- communication avec les patients,
- gestion du cabinet médical.
Comme discipline scientifique centrée sur la personne, trois dimensions spécifiques doivent être considérées comme fondamentales :
- contextuelle : utiliser le contexte de la personne, la famille, la communauté et la culture ;
- comportementale : basée sur les capacités professionnelles du médecin, ses valeurs et son éthique ;
- scientifique : adopter une approche critique basée sur la recherche et maintenir cette approche par une formation continue et une amélioration de la qualité4.
Exercice de la médecine générale
Pratique
Le médecin généraliste exerce au sein d'une structure de soin primaire, une unité de soins, c'est-à-dire de premier recours (il est le premier médecin vu par le patient). En France, le mode d'exercice le plus fréquent de la médecine générale est la médecine libérale. Le médecin généraliste y est rémunéré au nombre d'actes effectués. En France, certains médecins généralistes libéraux exercent aussi une ou plusieurs journées par semaine dans une structure autre que leur cabinet : hôpital, maison de retraite, centre de planning familial, centre de protection maternelle et infantile…
- Entretien : la première étape d'une consultation est l'entretien clinique, (l'interrogatoire a été abandonné) qui assure le recueil des motifs de consultation, l'anamnèse, et souvent l'hypothèse du diagnostic ou la crainte du consultant, la demande administrative. C'est l'étape la plus cruciale de la consultation, . Le médecin y écoute son patient, d'abord librement, puis reformule pour ouvrir, ou l'oriente par des questions. Il permet de connaître les antécédents du patient, les symptômes ressentis, l'ancienneté de la maladie et son évolution, les traitements déjà suivis, les attentes du patient…
Le raisonnement médical est largement probabiliste, hypothético-déductif en théorie.
- Examen physique : à l'issue de l'entretien, le médecin a souvent une orientation, une ou plusieurs hypothèses sur la situation ; l'examen sert à confirmer ou infirmer ces hypothèses, rechercher des signes physiques, et ainsi apporter des preuves pour appuyer un diagnostic. Il utilise pour cela l'inspection, la palpation, l'auscultation, la percussion.
- inspection : prise des constantes vitales telles que température, pression artérielle, pouls ; examen des tympans, de la gorge chez les enfants ;
- palpation : examen des ganglions, abdominal, gynécologique, rhumatologique ;
- auscultation : écoute des bruits du cœur, des poumons, de l'abdomen, éventuellement de vaisseaux sanguins à la recherche d'un souffle. (avec un stéthoscope) ;
- percussion : test des réflexes avec un marteau réflexe (évaluation neurologique périphérique), mais également, la percussion abdominale et pulmonaire à la recherche d'un épanchement ou au contraire, d'un volume aérien.
Le généraliste suit souvent des patients porteurs de pathologies chroniques. Des synthèses réalisées lors de consultations approfondies sont réalisées. Le suivi étale et balaie les multiples objectifs de prise en charge, information, éducation, décision, surveillance, adaptation, déprescription au cours de consultations de réévaluation et non de renouvellement.
Il peut également effectuer lui-même des soins (injection, suture, pansement).
Lorsque l'accès à un centre hospitalier est malaisé, le médecin généraliste libéral prend en charge des traumatismes plus importants (par exemple les luxations dans les stations de sports d'hiver). Il peut également collaborer aux secours publics soit spontanément (obligation d'intervention s'il est témoin d'un accident ou d'un malaise, article 9 du Code de déontologie médicale), soit sur requête du Samu ou en tant que médecin sapeur-pompier. Il se doit (déontologie) de participer à la permanence des soins avec un système de garde alternée les soirs et week-ends; on s'oriente vers la création de « maisons médicales » où seront assurés les soins en dehors des heures d'ouverture des cabinets. Un décret de 2005 institue le volontariat en matière de permanence des soins et une revalorisation tarifaire pour les urgences régulées (en France : centres 15 et SOS Médecins).
- Rôle médico-légal : il peut délivrer des certificats permettant des activités sportives (certificat de non contre-indication à la pratique d'un sport), pouvant servir de base à une action en justice (constatation de préjudice physique ouvrant droit indemnisation), pouvant déboucher sur une hospitalisation sans consentement (hospitalisation à la demande d'un tiers, hospitalisation d'office) ; il délivre également les certificats de décès ;
Ces différents axes pratiques s'appuient sur l'utilisation d'un dossier médical. Le dossier informatisé a largement remplacé le dossier papier. Il comporte une partie administrative, une hiérarchisation des principaux antécédents, une partie systématique, dépistages, vaccins avec des alertes, et des notes, résumés des consultations, hypothèses, protocoles de prise en charge.
Décision
Le diagnostic et la prise en charge s'inscrivent souvent dans le paradigme de la médecine fondée sur les faits. En médecine générale, la gestion de plusieurs problèmes en même temps, la complexité des situations, des situations très spécifiques non étudiées par des consensus ou recommandations ou méta-analyses, et la difficulté à maîtriser voire connaître toutes ces très nombreuses données, peuvent amener le praticien à prendre des décisions personnelles s'appuyant sur son expérience, des simples avis ou opinions d'experts, ou bien son « flair clinique ».
Les déterminants de décision médicale sont nombreux. Le rôle d'expert du médecin au service du consultant, lui impose de s'y former, de rester indépendant de l'industrie pharmaceutique, des pouvoirs publics, d’intérêts financiers.
Un conflit d’intérêt devrait être explicité au consultant.
Se dégager de l'influence de Relais d'opinion, de la publicité, ou de pratiques non fondées sur les « données acquises de la science » ou « connaissances médicales avérées », est un objectif exigeant.
La décision partagée (en) est une approche communicante entre praticien et consultant, l'éclairant sur les effets favorables et défavorables, le rapport bénéfices risques d'un dépistage d'une exploration d'une intervention d'une thérapeutique. Elle vise à une décision éclairée.
Le consentement du malade aux soins est une obligation consécutive au caractère contractuel de la relation médecin-malade. le consentement éclairé s'inscrit dans ce modèle de décision partagée.
Secret médical en France
Le médecin ne doit révéler aucun élément concernant la santé d'une personne, que ce soit une personne qu'il aurait eue en consultation ou d'une déduction qu'il aurait faite en dehors de son activité professionnelle (article 226-13 code pénal français, article 4 du code de déontologie médicale) et ce, même si le malade le lui demande. Il est aussi tenu au Serment d'Hippocrate.
Toutefois, il peut, et doit, lever ce secret médical dans certains cas notamment :
- lorsqu'il est témoin de sévices envers une personne sans défense, par exemple enfant ou personne âgée (article 226-14 code pénal, articles 43 et 44 du code de déontologie médicale) ;
- lorsqu'il y a nécessité pour porter assistance à une personne en péril (article 122-7 du code pénal) ;
- lorsque la révélation permettrait d'innocenter une personne accusée à tort (article 434-11 du code pénal) ;
- pour sa propre défense lorsqu'il est accusé (article 11 du code de procédure pénale français).
Dans d'autres situations, la dérogation au secret médical est possible mais non obligatoire, par exemple la déclaration d'un viol sur personne majeure, si la victime le demande.
Certaines situations sont exclues du champ du secret médical :
- les pathologies liées à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, ou les déclarations visant à l'obtention d'une pension d'invalidité ;
- certaines maladies infectieuses sont à déclaration obligatoire auprès des autorités sanitaires (variole, choléra, charbon, fièvres hémorragiques virales, les intoxications alimentaires collectives…) ;
- les certificats de santé, résumant l'état de santé des enfants, obligatoires et transmis à la protection maternelle et infantile. Ces certificats sont établis au 8e jour, aux 9e et 24e mois ;
- le décès (le certificat de décès étant transmis aux autorités) ;
- les mesures de protection juridique des majeurs incapables : déclaration au procureur de la république visant à l'ouverture d'une sauvegarde de justice, certificats pour l'ouverture d'une tutelle ou d'une curatelle ;
- de même les certificats permettant une hospitalisation sans consentement (hospitalisation d'office ou à la demande d'un tiers).
Devoir d'information
Le médecin a un devoir d'information envers ses patients (article 35 du code de déontologie médicale). Il doit rechercher leur consentement avant de prodiguer les soins (art. 36 du même code).
Cette obligation déontologique est reprise dans les principes généraux du Code de la Santé Publique à l'article L.1111-2 en ces termes : « Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (…) ».
En cas d'inobservation de cette obligation, le médecin engage sa responsabilité professionnelle et peut être tenu à réparer le préjudice causé au patient (sur l'étendue du devoir d'information en jurisprudence : défaut d'information et fréquence du risque).
Les rapports ambigus qu'entretient l'industrie pharmaceutique font régulièrement l'objet dans la presse5. Ces enquêtes sont également corroborées par certains rapports officiels. Ainsi, fin , l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a remis un rapport au gouvernement. On y trouve une dénonciation de l'excès des dépenses de l'industrie pharmaceutique : afin d'assurer la promotion de ses médicaments, celle-ci dépense, d'après ce rapport, 3 milliards d'euros par an. Le montant de ces stratégies marketing intègre le coût des visiteurs médicaux qui sont chargés de la promotion des médicaments auprès des généralistes (cela représente 25 000 euros par an et par généraliste). D'après une étude citée dans ce rapport, « ces visites influencent plus fortement les comportements des médecins qu'ils ne le pensent ». S'appuyant sur ces données, l'IGAS préconise de « viser une réduction de plus de la moitié » de ces dépenses6.
État de la profession en France
Selon les chiffres publiés le par le CNOM, le nombre total de médecins généralistes en France a baissé de 8,4% entre 2007 et 2016. Une baisse préoccupante des vocations qui devrait se poursuivre jusqu'en 20257.
Formation
En France
Formation initiale commune
La formation d'un médecin généraliste repose sur 6 années de tronc commun dans une UFR de médecine. À l'issue de ce tronc commun, des épreuves classantes nationales informatisées (ECNi) permettent aux candidats de choisir leur spécialité. Les étudiants effectuent alors trois années d'internat en médecine générale permettant l'obtention du DES de Médecine générale (arrêté du fixant la liste et la réglementation des diplômes d’études spécialisées de médecine, Journal officiel de la République française du )8.
Les six premières années sont communes à tous les futurs médecins français. La première année est aussi commune aux études d'odontologie, de kinésithérapie (dans certaines universités) de pharmacie et de sage-femme Elle est sanctionnée par un concours. Le rang du candidat détermine son orientation en médecine, odontologie, ou études de sage-femme. Les deux années suivantes (appelées propédeutique en Belgique, comme autrefois en France) sont consacrées aux sciences fondamentales : anatomie, physiologie humaine, biochimie, bactériologie, statistiques… Enfin, les trois années suivantes, traditionnellement appelées « externat » sont consacrées à l'apprentissage de la médecine clinique avec des périodes de stage au lit du malade. Cette période est occupée par un programme de 345 « questions » couvrant une vaste étendue de pathologies humaines, choisies en raison de leur fréquence et/ou de leur gravité. L'externat se termine par les épreuves classantes nationales (ECN, qui succèdent au concours de l'internat depuis juin 2004) dont le résultat (rang d'affectation) détermine la spécialisation suivie ; la médecine générale étant devenue une spécialité médicale à part entière, à l'instar du family practice anglo-saxon. Cependant, ce changement de statut a été remis en cause par la Cour de Cassation en 2010, les médecins ayant la qualification de spécialistes en médecine générale ne pouvant coter leurs consultations comme spécialistes9.
Diplôme d’Études spécialisées de Médecine Générale
En 2008 est créée la Filière Universitaire de Médecine Générale avec la loi du 10 et le décret du 11. Au terme de trois années de formation pratique de 3e cycle (l'internat, une expérience professionnelle préliminaire), une thèse d'exercice est requise pour obtenir le droit d'exercer en tant que docteur en médecine en France. Sans doctorat, l'étudiant peut exercer en tant que remplaçant12 après un an et demi (3 semestres) en 3e cycle dont un stage de 6 mois chez un médecin généraliste. La thèse d'exercice en médecine porte sur des travaux de recherche, parfois à partir de séries de patients étudiées statistiquement afin de proposer un avis de prise en charge (d'un point de vue épidémiologique, diagnostique, ou thérapeutique). Elle peut aussi porter sur un sujet médical historique, etc.
Le mémoire de DES permet la qualification de spécialiste en Médecine générale.
Formation continue, autoformation
À l'issue de la formation médicale universitaire, les médecins sont soumis à une obligation de formation et d'évaluation de leur pratique médicale : formation médicale continue (FMC) ou développement professionnel continu (DPC)13 depuis la Loi HPST.
Les groupes de pairs14 sont des structures qui organisent l'autoformation des médecins généralistes installés sur un secteur proche.
la Visite académique est une autre méthode de développement professionnel continu, par l'entretien avec des formateurs sur le terrain ; parfois réalisée en France par certains délégués de l'Assurance maladie, et donc avec un risque d'influence lié à la dépense médicamenteuse.
En Belgique
La formation d'un médecin généraliste repose désormais sur six années (auparavant sept) de tronc commun dans une faculté de médecine, suivies de trois années de spécialisation en médecine générale permettant l'obtention du diplôme de médecin généraliste.
Recherche
La recherche est une partie intégrante de la pratique de la médecine générale.
L'évolution des connaissances en médecine générale passe par une recherche indépendante de groupe pharmaceutique.
En France, les internes en DES s'initient à la recherche médicale dès leur troisième cycle et doivent réaliser un mémoire de DES : projet de recherche en médecine générale suivi par les UFR de médecine.
Différentes structures promeuvent et hébergent cette recherche : CNGE Recherche, SFMG, SFTG, etc.
Toutes les UFR de médecine ont des activités de recherche. Dans la Filière universitaire de médecine générale, elle est portée par chef de clinique de Médecine Générale et Maître de Conférence Universitaire en Médecine générale ainsi que tout professeur des universités praticien ambulatoire en médecine générale, et leurs équipes.
Revues
Certaines sont assez spécifiques à la médecine générale francophone :
- Exercer, revue francophone de médecine générale analyse en particulier la recherche en médecine générale et la pédagogie.
- La revue Prescrire analyse l'actualité médicamenteuse française en critiquant la recherche pharmaceutique, et revendique son indépendance.
Syndicats
Certains syndicats sont plus spécifiques, de la médecine générale comme MG France, des enseignants comme le Syndicat National des Enseignants de Médecine Générale. D'autres s'affichent plus polycatégoriels dans le cadre global du syndicat médical.
Organisation
En France, Le Collège de la médecine générale (CMG), association loi de 1901, regroupe l’ensemble des organisations qui œuvrent pour la discipline "médecine générale", dans les champs professionnel, scientifique et universitaire.
Accès aux soins, continuité et permanence des soins
Les professionnels, les établissements et réseaux de santé, les organismes d'assurance maladie ou tous autres organismes participant à la prévention et aux soins, et les autorités sanitaires contribuent, avec les usagers, à développer la prévention, garantir l'égal accès de chaque personne aux soins nécessités par son état de santé et assurer la continuité des soins et la meilleure sécurité sanitaire possible (article L110-1 du Code de la santé publique)15.
Le Royaume-Uni contractualise au travers du National Health Service (NHS) un délai d'accès à un general practitioner (GP, médecin généraliste). En France, les zones en tensions voient des difficultés à s'inscrire comme patient chez un médecin traitant, ou à obtenir un rendez-vous.
La continuité des soins se construit dans la durée de la relation médecin consultant16. La démographie médicale déclinante, et des densités médicales variables la perturbent.
Les inégalités sociales de santé reflètent aussi le milieu social la profession, les études17.
Le non recours ou renoncement à des soins peut être lié à des difficultés financières ou des difficultés sociales d'accès à certains praticiens, à certains rendez vous18.
Les cabinets libéraux sont dans un tissu qui comporte aussi les centres de PMI, des centres de santé, la santé scolaire.
La permanence des soins est souvent régulée par le centre 15 lié au Samu en dehors des heures ouvrables.
SOS Médecins y participe en milieu urbain et en périurbain.
Système d'information
Un médecin doit gérer un système d'information qui concerne les dossiers patients19 ; ainsi que les ressources papier et informatiques de sa formation initiale et continue pour l'aide à la décision médicale et l'aide à la prescription de qualité, médicamenteuse ou non médicamenteuse. Il s'inscrit dans le cadre de l'e-santé.
L'informatique médicale gère les multiples éléments du dossier médical, assiste et alerte sur la prescription médicale, sur la prévention et le dépistage, imprime une ordonnance si besoin.
La technologie de l'aide à la décision clinique reste discutée, et présente de nombreux défis dont la confidentialité, la gestion des données, l'éthique.
L'interface avec l'assurance maladie permet des téléservices dont la télétransmission de la feuille de soins électronique à la caisse primaire d'assurance maladie ou équivalent de l'assuré, de la déclaration de choix de médecin traitant, de formulaires d'arrêt de travail, de certificats d'accident de travail, de déclaration de grossesse, de protocoles d'affection de longue durée…
Un logiciel métier20 résidant sur l'ordinateur du cabinet, le serveur ou la tablette, est complété par des outils d'aide à la décision (banque de données médicamenteuses type Vidal ou Base Claude Bernard ainsi que des outils, services en ligne comme le DREFC de la SFMG, antibioclic, le CISMeF, le CRAT pour la grossesse et l'allaitement, GESTACLIC pour le suivi de grossesse… La SFMG recense les principaux accès numériques des médecins dans sa « doc du doc »21, en accès libre pouvant aussi favoriser le dialogue consultant-médecin.
Des résultats d'examen complémentaires biologiques sont intégrées par des messageries sécurisées par Apicrypt par exemple, ou bien des intermédiaires sécurisés comme bioserveur.
Le dossier médical personnel enlisé ne permet pas (en 2016) de relier les intervenants autour d'un patient22.
La messagerie sécurisée MSSAnté lancée par ASIP Santé ou une messagerie sécurisée par Apicrypt permettent des échanges sécurisées entre professionnels de santé.
La maîtrise par les médecins eux-mêmes de ces outils et leur indépendance professionnelle par rapport à l'industrie pharmaceutique, l'assurance maladie ou les mutuelles est un enjeu fort de santé publiquedonnées de santé.
Les données de santé sont convoitées par de multiples acteurs économiques, assurances, d'information (les GAFA)..
La Carte de professionnel de santé sécurise l'accès à des données personnelles, et signe une feuille de soins électronique et des lots de télétransmission; conjointement avec la carte vitale de l' assuré.
L'historique des remboursements permet d'accéder aux dates des dernières consultations, dernières délivrances de médicaments, analyses biologiques, arrêts de travail sur une bonne année.
Cet accès aux informations numériques sur la santé peut avoir lieu au contact du consultant, ou en situation de télémédecine.
La santé mobile permet d'avoir une partie de ces outils sur un téléphone multifonction.
Prise de rendez-vous
Un secrétariat présent sur place, ou téléphonique, peut gérer les questions et demandes de prise en charge, de rendez-vous des consultants.
La prise de rendez-vous par un service en ligne se développe. L'acteur principal23 est Doctolib, ayant racheté MonDocteur soutenu par Lagardère News et partenaire de Doctissimo, avec la concurrence d'autres structures (PagesJaunesDoc, etc.)24.
Rester indépendants, et ne pas se retrouver contraint par un ou des acteurs qui domineraient le marché, est un objectif (voir les controverses sur la réservation en ligne par booking.com, et la relation de dépendance instaurée vis-à-vis des hôteliers).
Des éditeurs de logiciels se rapprochent en 2017 de solutions de prise de rendez-vous en ligne25,26.
Rémunération
En Belgique les revenus professionnels des médecins généralistes doublent en dix ans pour atteindre en moyenne, hors charges de gestion et fonctionnement de leurs cabinets de consultation, 93 243 euros en 200927.
En 2013, les médecins généralistes en France ont gagné en moyenne 81 600 euros (6 800 euros par mois)28. À noter qu'en France, comme dans de nombreux pays de l'OCDE, le mode de rémunération évolue : du traditionnel paiement à l'acte, se rajoute progressivement les rémunérations forfaitaires à compter de 1997, puis une part de capitation à partir de la généralisation de la rémunération sur objectifs de santé publique en 201129.
L'évolution sur vingt ans des revenus professionnels a été étudiée en Suisse : en pratique privée, ils ont baissé de 19 % pour les spécialistes, de 14 % pour les généralistes, atteignant 189 602 francs suisses en moyenne en 2007-200830, soit 156 000 euros environ.
Les revenus professionnels des médecins généralistes ont baissé dans tous les pays européens de 1975 à 1990, marquant ensuite de grandes disparités après une hausse substantielle au Royaume-Uni entre 2000 et 200531.
Influence des laboratoires pharmaceutiques
Un grand nombre de médecins reçoivent des cadeaux de la part des « visiteurs médicaux » mandatés par des grands laboratoires pharmaceutiques. Dons de matériels, invitations, frais de restauration ou prise en charge de voyages d’agrément sont d’usage lors de ces visites commerciales pour vanter les mérites d’un médicament, les laboratoires espérant en tirer profit32.
D’après une étude de chercheurs de l’université de Rennes 1, du CHU de Rennes et de l’Inserm publiée en 2019, « les médecins qui ne reçoivent pas de cadeau des firmes pharmaceutiques signent plus souvent des ordonnances moins coûteuses et prescrivent davantage de génériques – des médicaments moins chers avec une efficacité identique. Ils prescrivent aussi moins de médicaments dont la balance bénéfices/risques est défavorable, notamment les vasodilatateurs et les benzodiazépines pour le sommeil ou l’anxiété. De façon plus générale, plus les médecins reçoivent des cadeaux de la part des labos, plus ils ont de mauvais résultats selon les indicateurs de qualité et de quantité32. »
Notes et références
- Lia Lévesque (photogr. Martin Tremblay), « La médecine de famille devient une spécialité » [archive], sur La Presse, (consulté le )
- Ibid. [archive]
- « Que faire en cas de refus de prise en charge par un médecin pour les bénéficiaires de l’ACS ? », aide-complementaire-sante.info, (lire en ligne [archive])
- « http://www.uemg.ch/European%20definition_F.pdf »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • http://www.uemg.ch/European%20definition_F.pdf" rel="nofollow" class="external text">Google • Que faire ?), sur uemg.ch
- L'hebdomadaire Le Canard enchaîné, le mensuel Ça m'intéresse (par exemple dossier « Les labos inventent-ils dans nos maladies ? » in no 310)
- Source : mensuel Ça m'intéresse, no 322, décembre 2007, p. 9.
- En 2025, la France aura perdu un médecin généraliste sur quatre en vingt ans [archive].
- « CMGE » [archive], sur cmge-upmc.org
- « Journal économique et financier » [archive], sur La Tribune (consulté le ).
- [1] [archive], LOI no 2008-112 du 8 février 2008 relative aux personnels enseignants de médecine générale (1).
- [2] [archive], Décret no 2008-744 du 28 juillet 2008 portant dispositions relatives aux personnels enseignants des universités, titulaires et non titulaires de médecine générale.
- Guedes-Marchand C, Le remplaçant, cet intermittent de la médecine générale : sa place dans le système de soins [archive]
- Décret no 2011-2116 du 30 décembre 2011 relatif au développement professionnel continu des médecins [archive] dans le Journal Officiel du premier janvier 2012, texte 18 sur 44.
- groupes de pairs [archive]
- légifrance [archive]
- Continuité SFMG [archive]
- Santé et Accès aux soins 2012 [archive]
- Inégalités sociales de santé [archive]
- Observatoire de la médecine générale [archive]
- comparatif logiciels par Buzz Médecins [archive]
- doc du doc [archive]
- DMP echec [archive]
- « Doctolib, MonDocteur : qui va rafler le marché de la prise de RDV médicaux ? » [archive], sur journaldunet.com (consulté le )
- « PagesJaunes entre dans la bataille des plateformes de RDV médicaux » [archive], sur Challenges (consulté le )
- « Medasys et Doctolib : Un partenariat fort pour optimiser la prise de rendez-vous médical » [archive], sur www.dsih.fr (consulté le )
- « Gestion des dossiers patients et prise de rendez-vous médicaux en ligne » [archive], sur egora.fr, (consulté le )
- « Les médecins généralistes belges gagneraient le double d'il y a dix ans » [archive], sur www.rtbf.be
- Les médecins généralistes ont gagné en moyenn 6 800 euros par mois en 2013 [archive], Challenges, 10 juillet 2014
- Valérie Paris et Marion Devaux, « Les modes de rémunération des médecins des pays de l'OCDE, How physicians are paid in OECD countries », Les Tribunes de la santé, no 40, , p. 45–52 (ISSN 1765-8888, lire en ligne [archive], consulté le )
- François Verdon, « Revenus médicaux suisses en pratique privée: évolution sur vingt ans », Bull Med Suisses, no 22, (lire en ligne [archive] [PDF])
- (en) Kroneman MW, Van der Zee J, Groot W, « Income development of General Practitioners in eight European countries from 1975 to 2005 », BMC Health Serv Res, no 9, , p. 26. (PMID 19203360, DOI 10.1186/1472-6963-9-26, lire en ligne [archive] [html]) modifier
- Simon Gouin, « Cadeaux des grands labos : des médecins sous influence ? », Bastamag, (lire en ligne [archive])
Voir aussi
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Articles connexes
Bibliographie sommaire
- Géraldine Bloy et François-Xavier Schweyer, Singuliers généralistes : Sociologie de la médecine générale, Presses de l'EHESP, Rennes, 2010, 423 p. (ISBN 978-2810900213)
- Médecine Générale ' Connaissances et pratique ', Collège national des généralistes enseignants, Abrégé Masson, 488 pages, Éditeur : Elsevier Masson; Édition : 2e édition () (ISBN 978-2294067686)
- Gallois P. et al., Des données pour décider en médecine générale, Paris, Masson, 2001. Compilation des articles (Bibliomed) du centre de documentation de l'UNAFORMEC
- Gay B., Pouchain D, Huas D, Budowski M, Doumenc M, Médecine générale - bibliographie commentée Ed. Scientifique 2000, 2001, 2002, 2003, 2004, 2005
- Le Meut P., Médecine Générale - courage, fuyons ! Éditions perce-mémoire, 2012
- Pouchain D, Attali C, De Butler J, Clement J, Gay B, Molina J, Olombel P, Rouy JL., Médecine Générale - Concepts et pratiques Masson 1996
- Perino L., La sagesse du médecin, éditions de L'œil neuf 2004
- Rouy JL (Dir), Attali C, Bécret F, Léonard D, Olombel P, Salfati G., Guide pratique du maître de stage en médecine générale Édition LC 1999
- Samuelson M. (dir), Pour un référentiel métier du médecin généraliste : rénover l’enseignement de la médecine générale, in Documents de recherche de la Société française de médecine générale, no 48, 1998
- Marie Jaisson, « L'honneur perdu du généraliste » [archive] Actes de la recherche en sciences sociales 2002 Vol.143 no 143 p. 31-35.
- Anne Bargès, « Anthropologie et sociologie associées au domaine de la maladie et de la médecine » [archive] in Introduction aux sciences humaines en médecine, Paris, Ellipses, 2001, p. 131-205.
- Histoire de la médecine générale de 1945 à nos jours, mutations d'une profession - naissance d'une discipline. Coll. coordonné par Yves Gervais, Les Belles Lettres, 2022
Liens externes
- :
- (en) Site de la WONCA [archive], World Organization of National Colleges, Academies and Academic Associations of General Practitioners/Family Physicians (Organisation mondiale des collèges, académies et associations académiques nationaux de médecins généralistes et médecins de famille).
Pharmacie
Un symbole qui signale que la pharmacie peut mélanger les remèdes propres.
La pharmacie (du grec ancien : φάρμακον / phármakon signifiant à la fois « remède » et « poison ») est la science s'intéressant à la conception, au mode d'action, à la préparation et à la dispensation de médicaments. Cette dispensation prend en compte les interactions médicamenteuses possibles entre les molécules chimiques ou bien encore, les interactions avec des produits comestibles. Elle permet également la vérification des doses et/ou d'éventuelles contre-indications. C'est à la fois une branche de la biologie, de la chimie et de la médecine.
Le terme pharmacie désigne également une officine, soit un lieu destiné à l'entreposage et à la dispensation de médicament. Ce lieu est sous la responsabilité d'un pharmacien qui peut y fabriquer des préparations magistrales ordonnées par un médecin pour un patient donné et superviser le travail des préparateurs en pharmacie en France ou des assistants techniques en pharmacie au Canada. La dispensation des médicaments dans une officine de pharmacie se fait sous l'entière responsabilité du pharmacien, que ce soient des médicaments délivrés sur prescription médicale ou non.
Au sein de l'officine, le pharmacien peut également faire le suivi de la médication du patient, substituer un princeps (ou médicament original) par un générique, adapter les posologies, renouveler les traitements des pathologies chroniques et proposer des modifications de thérapeutique en accord avec le médecin. Un dialogue entre ces deux professionnels de la santé est essentiel à la santé publique.
Histoire de la pharmacie
Médecin montrant les bocaux contenant les substances qui doivent servir à l'apothicaire,
XVIe siècle.
Symboles classiques sur le devant d'une ancienne pharmacie en Allemagne
L'histoire de la pharmacie débute un peu plus tard que celle de la médecine alors que les médecins de l'époque utilisaient des méthodes peu communes de nos jours pour « rétablir les humeurs » présentes dans le corps.
L'ancêtre du pharmacien, l'apothicaire est repéré dès 2600 av. J.-C. à Sumer où des textes médicaux, mêlés à des incantations religieuses1, sont attestés sur deux tablettes d'argile dont les cunéiformes mentionnent des symptômes, des prescriptions et des conseils pour les combiner. La plus ancienne compilation de substances médicales est le Sushruta Samhita, traité indien ayurvédique écrit par le chirurgien Sushruta au VIIe siècle av. J.-C. Le Papyrus Ebers et le papyrus Edwin Smith de l'Égypte ancienne, écrits autour de 1500 av. J.-C., contiennent une collection de prescriptions et médicaments2. En Grèce antique, Dioscoride écrit son traité De materia medica vers 60 apr. J.-C. qui fournit une base scientifique et critique aux pharmacopoles, droguistes qui fabriquent et vendent leurs produits chimiques aux médecins (les plantes médicinales sont quant à elles préparées par des herboristes)3. Outre ces pharmacopoles existent de nombreux métiers parapharmaceutiques dans le monde gréco-romain : murépsoï (bouilleur de myrrhe), pèméntarioï (préparateur), rizotomoi (coupeur de racines), pigmentarius (droguiste pigmentaire), aromatarii (parfumeurs ou épiciers), etc.4.
En Chine ancienne, les alchimistes ont été des pionniers, ils transformaient à l'aide de dosages minutieux des poisons souvent mortels en médicaments soulageant la douleur ou sources de guérison. Shennong est réputé avoir goûté de nombreuses substances pour tester leurs vertus médicinales, à la suite de quoi il a écrit une des premières pharmacopées incluant 365 remèdes issus de minéraux, plantes, animaux.
Au cours du Moyen Âge, la profession d'apothicaire prend de l'importance, se constituant en corporations5. La déclaration royale du 25 avril 1777 considère la Pharmacie comme « art précieux à l’humanité », lui donnant sa totale indépendance à la corporation des apothicaires sous la forme du « Collège de Pharmacie », futur Académie nationale de pharmacie6. Au début du XXe siècle, il n'y avait qu'une douzaine de molécules chimiques avec une centaine de produits naturels alors qu'au début du XXIe siècle, nous avons plusieurs centaines de molécules chimiques et que très peu de remèdes courants de source exclusivement naturelle3.
Différents types de pratique de la pharmacie
Il existe de nombreuses spécialisations possibles pour le pharmacien, à titre d'exemple :
Liste des disciplines des sciences pharmaceutiques
Économie des officines de pharmacie en France
La France compte 22 094 officines pharmaceutiques7 et selon le dernier recensement de la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), au 1er janvier 2014, la France compterait 73 598 pharmaciens (tous secteurs), dont 1 668 dans les départements d'outre-mer. La Drees comptabilise ainsi 53 822 pharmaciens d’officine. C'est en Île-de-France que l’on trouve le plus grand nombre d’officinaux : 4 467 titulaires ou gérants d’officine et 5 099 adjoints et remplaçants d’officine8.
En 2008, le monopole de la vente de médicament dont bénéficient les officines est de plus en plus attaqué, mais la vente de médicaments en dehors d'une pharmacie reste interdite et passible de poursuites pour exercice illégal de la pharmacie. En France, le rapport Attali recommande en 2008 la vente de médicaments sans ordonnance en dehors des pharmacies, une recommandation qui ne devrait toutefois pas être appliquée8 (cf sur ce site : l'exemple du paracétamol - en pharmacie en France, en libre accès en Grande-Bretagne - 6 morts par an en France par surdosage, 200 à 300 morts par an en Grande-Bretagne).
Les pharmaciens souhaitent étendre le champ de leurs activités. Ils réclament ainsi une reconnaissance de leur fonction de conseil aux patients et une rémunération pour certains actes, à l'instar de ce qui se passe en Allemagne et en Grande-Bretagne8. C'est le cas en France dans le cadre de pilotes limités géographiquement et dans le temps9,10, et dans certains cas de manière généralisée (entretiens pharmaceutiques AVK11, asthme, AOD).
Le chiffre d'affaires moyen d'une officine s'établit à 1,5 million d'euros, en 2008 selon un cabinet d'étude spécialisé12. La marge brute d'une officine se répartit en moyenne comme suit12 :
- vente de médicaments remboursables sous brevet : 67 % des recettes ;
- vente de médicaments remboursables génériques : 13 % des recettes ;
- vente de médicaments sans ordonnance : 6 % ;
- vente de produits de parapharmacie et autres : 14 %.
Législation
En Europe
L'industrie pharmaceutique laisse progressivement place à une industrie à bas prix. Les autorités publiques européennes offrent désormais des avantages financiers aux médecins, pour inciter la prescription de médicaments moins chers et, ce, sans être en opposition avec la directive 2001/83/CE relative aux médicaments à usage humain. La Cour de justice de l'Union européenne juge dans son arrêt du 22 avril [archive] (affaire C-62/09) que « la politique de santé définie par un État membre et les dépenses publiques dans ce domaine ne poursuivent aucun but lucratif ou commercial »13.
Dans un arrêt de principe rendu le , la Cour de Justice de l'Union européenne a validé le droit des États membres de réserver la propriété des pharmacies aux seuls pharmaciens diplômés et à en restreindre l'implantation (quorum de pharmacies en fonction du nombre d'habitants). Elle estime que cette mesure constitue une restriction au principe de libre-entreprise, mais que « cette restriction peut néanmoins être justifiée par l’objectif visant à assurer un approvisionnement en médicaments de la population sûr et de qualité14. »
En France
Depuis 2001 et la loi MURCEF15, le titulaire d'une pharmacie en France peut ne détenir que 51 % des parts de sa pharmacie montée alors sous la forme juridique SEL (société d’exercice libéral), les 49 % autres détenues par un ou plusieurs pharmaciens déjà installés. Le capital de toute pharmacie en France étant toujours détenu par un ou plusieurs pharmaciens diplômés, jamais par des capitaux extérieurs: investisseurs, fonds de pension, etc.
Illustrations
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Enseigne en faïence d'une pharmacie en Espagne
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Bibliographie
- Roland Pagès, De l’apothicaire au pharmacien : notes sur l’histoire de la pharmacie en Haute-Loire du XVIe siècle au milieu du XIXe siècle : in Cahiers de la Haute-Loire 1984, Le Puy-en-Velay, Cahiers de la Haute-Loire,
Notes et références
- Il faut attendre Hippocrate pour que les médicaments soient dissociés du domaine religieux.
- T. Bardinet, Les papyrus médicaux de l’Égypte pharaonique, Fayard, 1995
- Yvan Brohard, Remèdes, onguents, poisons : Une histoire de la pharmacie, éditions de la Martinière, , 220 p. (ISBN 978-2-7324-4993-7 et 2-7324-4993-8)
- Eugène-Humbert Guitard, « Les aspects contrastés du haut Moyen Âge (du IVe – XIe siècles après Jésus-Christ) », Revue d'histoire de la pharmacie, vol. 56, no 195, , p. 13-26
- Mathieu Guerriaud (préf. Pr Eric Fouassier), Droit Pharmaceutique, Issy-les-Moulineaux, Elsevier-Masson, , 264 p. (ISBN 978-2-294-74756-4, présentation en ligne [archive])
- Les origines de l'Académie nationale de pharmacie [archive]
- « Nombre d'officines » [archive], (consulté le )
- Les Echos, 20 février 2008, page 22
- Bernard Virel, « Les pharmaciens veulent dépister vos problèmes de cœur », La voix du nord, , p. 3
- « Risque cardio-vasculaire : 44 pharmacies du Pas-de-Calais offrent un dépistage gratuit » [archive], sur www.jim.fr, (consulté le )
- « Avenant n° 1 à la convention nationale pharmaceutique » [archive], sur www.ameli.fr, (consulté le )
- Selon Smart Pharma Consulting in Les Echos, 20 février 2008, page 22
- Pharmacie : Les incitations financières à prescrire des génériques autorisées par la Cour de justice de l'Union européenne [archive]
- Communiqué de presse de la Cour de Justice [archive]
Voir aussi
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Articles connexes
Liens externes
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Vétérinaire
Vétérinaire auscultant un renard.
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Le vétérinaire est un médecin spécialiste de la médecine vétérinaire et de la chirurgie des animaux.Le vétérinaire actuel est un praticien pluridisciplinaire capable d'assurer la médecine classique, la chirurgie et les urgences.Initialement formés pour soigner les chevaux et les animaux de production (bovins, moutons, chèvres, porcs) en milieu rural dans un but agricole et économique, les vétérinaires furent ensuite appelés à soigner de plus en plus les animaux de compagnie, et notamment les carnivores domestiques (chiens, chats…) et les lapins. Leur domaine d'intervention s'est encore élargi ces dernières années avec la prise en charge des nouveaux animaux de compagnie (NAC).Outre le maintien des animaux en bonne santé et dans les meilleures conditions pour remplir leurs fonctions de production ou de compagnie, le rôle des vétérinaires est important au regard de la santé humaine, tant pour maîtriser les maladies transmissibles des animaux aux humains directement ou indirectement (zoonoses) que pour assurer le contrôle sanitaire des produits animaux qui entrent dans l’alimentation humaine. Ils ont été les précurseurs et demeurent les spécialistes de l’hygiène des denrées animales ou d’origine animale (viande, lait, œufs, miel…), et de la sécurité alimentaire.Son activité comporte soins aux animaux, conseils aux propriétaires, prescription de médicaments, suivi médical, médecine générale ou spécialisée, surveillance alimentaire, suivi des fermes, gestion du troupeau, rural, urbain ou mixte.Étymologie
Le terme « vétérinaire » dérive du latin (la) veterinarius, relatif aux bêtes de somme1.
Le mot « vétérinaire » date de l’époque romaine. Il apparaît pour la première fois dans les œuvres de Columelle, au premier siècle de notre ère Medicina veterinaria ou Bestia veterina, signifiant bête de somme. En effet, le traité de Columelle Res rustica aborde la question des maladies du gros bétail2.
Zooïatre est un synonyme qui n'a jamais été très utilisé et tombé en désuétude3.
Origines du métier
Antiquité (- 3000 à 476)
La domestication du cheval, dont la plus ancienne trace remonte à environ 3000 av. J.-C. en Asie mineure, est un pas en avant vers l'approche animalière. Il servait au déplacement vers des terres plus fertiles.
Des textes anciens évoquent le statut de médecin des animaux. « C'est sous le règne du sixième Roi sémite Hammourabi, qui régna à Babylone vers 2000 av. J.-C., que fut édicté un code réglementant toute la vie civile du pays. Cette loi, gravée sur un bloc de diorite, prévoit en détail tout ce qui concerne les personnes et les biens. Les dispositions relatives à l’exercice de la médecine vétérinaire ne constituent qu’une petite partie du texte, mais elles sont néanmoins prévues »2.
Lors de la période gréco-romaine, des notions de maladies surgissent. L'observation des animaux permet de définir visuellement certaines maladies (gales, rage) ainsi que les manifestations physiologiques (œstrus), voire des problèmes causés par d'autres animaux (vipères)4. Le cheval domestiqué a acquis une valeur supérieure par rapport aux autres animaux domestiques (intérêt économique et agricole). Vers 300 av. J.-C., Aristote rédige une encyclopédie parlant de la médecine des animaux (maladies bien connues mais pathogénie hasardeuse).
Les Romains s'intéressent de près aux microbes et maladies, grâce à leurs agronomes et philosophes (Varron, et son Traité de l'agriculture en 116 av. J.-C., traitant de l'élevage et des maladies). Varron a d'ailleurs écrit : « Si dans un lieu quelconque il y a des marécages, là se développent des animaux tellement petits que les yeux ne les peuvent voir, et qui, pénétrant dans le corps avec l’air, par la bouche ou les narines, produisent de graves maladies ».
La civilisation égyptienne laisse d'autres traces : des représentations graphiques sur les constructions et papyrus. L'empereur Ashoka, bouddhiste, en 250 av. J.-C., érige deux asiles/hôpitaux : celui des hommes et des animaux. Les maladies des éléphants sont décrites, ainsi que la thérapeutique végétale utilisée.
Columelle, en 40 apr. J.-C. traite dans son ouvrage Re Rustica de la médecine des animaux.
L'empire de Byzance reçoit l'héritage gréco-romain. Les Hippiatrica, rédigé durant cette période, sont des textes écrits par les agronomes, hippiatres et vétérinaires byzantins. Apsyrte (300 apr. J.-C.) y apporte une grande contribution. Il est vétérinaire de l'armée de Constantin le Grand. Il évoque les soins aux chevaux pour les militaires. C'est ensuite Hiéroclès (400 apr. J.-C.) qui apporte des informations sur l'élevage, la médecine (examen des symptômes).
L'ère chrétienne grandissant, la spiritualité se développant, la différence entre hommes et animaux se pose : l’existence d'une âme immortelle chez l'homme et d'une âme matérielle chez l'animal. Dès le Ier siècle apr. J.-C., une rupture est observée, la toute-puissance de Dieu mettant un frein à la légitimité des soins aux animaux.
Moyen Âge (476 à 1492)
La période du Moyen Âge n'a pas révélé beaucoup d'évolution2. Seules les populations arabes ont entretenu le culte du cheval, à travers ses soins, et ont développé des méthodes d'élevage4.
Époque moderne (1492 à 1792)
École nationale vétérinaire de Lyon (ENVL).
Des hippiatres rédige des ouvrages, peu accessibles au grand public à propos de notions sur les chevaux. Les maréchaux ferrants s'exercent en parallèle dans les campagnes aux soins de base des chevaux. Ce sont eux les prédécesseurs pratiquants et techniciens des vétérinaires. Des méthodes thérapeutiques plus rationnelles ont vu le jour, ainsi que des ouvrages sérieux, marquant dès lors l'entrée dans l'aire scientifique de la médecine vétérinaire.
Les guerres ont fait prendre conscience de l'intérêt des mesures sanitaires. Le siècle des lumières donne un essor grandissant à la médecine et la philosophie. Les maladies qui déciment le bétail favorisent la pensée d'une éducation à cette médecine2. À cette époque, ce sont les écuyers qui exercent la médecine des animaux, ainsi que la maréchalerie4. Claude Bourgelat, qui était alors écuyer à Lyon et directeur de l'Académie fondée par le roi, décide en 1761 de fonder la première école vétérinaire française, à Lyon. Il est également l'initiateur de la création de l'école d'Alfort en 1765. Le succès de ces écoles attire des étudiants étrangers. Dès lors, d'autres écoles dans le monde ont vu le jour, comme Copenhague en 1773, Vienne en 1777, Budapest en 1786, Londres et Milan en 17915.
Évolution de la relation homme-animal
La relation humain-animal a beaucoup évolué. De la production à la domestication, le statut de l'animal a changé au cours du temps. La religion ne lui octroyait pas d'âme matérielle. Elle était théocentrique. Puis est venu le concept de l'animal-machine de Descartes au XVIIe siècle. L'animal était un objet au service de l'homme pour l'agriculture par exemple. L'humanisme, poussé par les courants des pays du Nord, a veillé a reconsidérer l'animal. Nos sociétés tendent vers le zoocentrisme qui considère l'animal au centre, et le biocentrisme, grâce à l'écologie notamment. La maltraitance animale prend de l'importance dans la juridiction et la pensée. Par exemple, le droit français définit depuis 2015 les animaux comme des « êtres vivants doués de sensibilité ». Désormais on parle de l'animal de production, de compagnie et de laboratoire. La médecine vétérinaire a toute son importance au centre de ces considérations. La notion de bien-être a pris de l'essor dans la pensée commune2,6.
Activités
Opération chirurgicale sur un jeune chien.
Un docteur vétérinaire dispose d’un vaste champ de compétence. Il peut mettre ses compétences au service des propriétaires des animaux de compagnie et joue le véritable rôle de « docteur des animaux ». Il doit pouvoir traiter et prévenir des maladies relevant de plusieurs spécialités : ophtalmologie, dermatologie, médecine interne… C’est un praticien pluridisciplinaire qui doit également maîtriser la chirurgie7,8. Il peut dans certains cas complexes faire appel à un spécialiste. Les spécialistes ont obtenu un diplôme reconnu au niveau européen, après avoir effectué les mêmes études générales que leurs confrères. Un spécialiste peut faire le choix de ne traiter que des maladies relevant de sa spécialité s’il le souhaite7,9.
Le vétérinaire joue un rôle important dans l’élevage. Il doit veiller à la santé des animaux de production dans un but économique et doit s’assurer de la qualité des denrées animales ou d’origine animale dans un but de sécurité sanitaire des aliments. Il fait attention à ce que les médicaments qu’il prescrit ne finissent pas dans l’assiette du consommateur. Un vétérinaire peut s’il le souhaite s’occuper d’animaux de compagnie sur un temps et d’animaux de production sur un autre temps. Il a alors une activité mixte7,10.
Les vétérinaires sont présents dans de nombreuses autres entreprises ou organisations. Il est impossible de toutes les citer. À titre d’exemple, on retrouve en France des vétérinaires dans les armées11, les laboratoires12, ou encore dans les industries pharmaceutiques13. La FAO a besoin des compétences et connaissances des vétérinaires14.
Du fait des spécificités et des contraintes du métier, les vétérinaires sont particulièrement exposés au risque de suicide15.
Formation
Europe
En Europe, l'Association européenne des établissements d'enseignement vétérinaire (AEEEV) délivre des accréditations aux établissements, écoles ou facultés, permettant à leurs ressortissants d'exercer dans les autres pays en garantissant un certain niveau de formation. Au sein de l'Union européenne, les vétérinaires diplômés d'un pays membre peuvent exercer dans n'importe quel autre pays membre16.
Allemagne
En Allemagne, les études vétérinaires s'effectuent sur une durée de onze semestres dans une des cinq universités formant au diplôme d’État. L'entrée est sélective et est soumise à un numerus clausus. La sélection s’effectue à partir des notes obtenus à l’Abitur (équivalent allemand du baccalauréat français) et de certains critères propres à chaque université. La formation comprend de nombreuses matières (physique, chimie, anatomie) enseignées en cours magistraux et travaux pratiques. Les études comprennent également trois stages, dont le principal est d'une durée de six mois.
À la rentrée 2015/2016, plus de 1 000 étudiants ont été admis en formation dans une des cinq universités allemandes :
- Freie Universität Berlin
- Justus-Liebig-Universität Gießen
- Tierärztliche Hochschule Hannover
- Universität Leipzig
- Ludwig-Maximilians-Universität München17,18
Belgique
En Belgique, la formation est assurée en six ans d'université vétérinaire. Elle est décomposée en deux cycles de trois ans : le premier mène au grade de bachelier en médecine vétérinaire, le second ouvre l'accès au grade de Docteur vétérinaire19. Deux universités assurent les six années de formation : la Faculté de médecine vétérinaire de l'université de Liège pour les francophones et l'université de Gand pour les néerlandophones. Le premier cycle de bachelier peut aussi se faire à l'université de Namur, à l'université catholique de Louvain et à l'université libre de Bruxelles. Le second cycle se fait ensuite obligatoirement à Liège pour les francophones et à Gand pour les néerlandophones20.
Le cycle de bachelier regroupe des matières générales en premier lieu, puis petit à petit des matières plus spécifiques (éthologie, écologie, anatomie, physiologie, etc.) appréhendant ainsi l'animal dans son ensemble21. Chaque université dispose de spécificités, par exemple, l'université de Namur possède une ferme ovine expérimentale22. Le cycle de GMV comprend des stages et des cliniques la moitié du temps en 5e année et la totalité du temps en 6e année. S'il le souhaite, l'étudiant peut ensuite compléter ses études avec par exemple une résidence d'un collège européen21.
Depuis l'année 2016-2017, l'accès aux études se fait par un concours en fin de première année de bachelier en médecine vétérinaire23 (dans les quatre universités francophones) afin de limiter à 250 les étudiants de premier master. Le nombre d’étudiants non résidents acceptés est égal a 20 % des étudiants résidents inscrits l'année précédente. De 2005 à 2016, l'accès se faisait par un quota pour les non-résidents, par tirage au sort, sous réserve de ne pas échouer sa 1re année plus de deux fois. Avant 2005, l'accès se faisait aussi par un concours d’entrée en médecine vétérinaire. À titre d'exemple, lors de la promotion 2010, sur les 230 diplômés on comptait 164 lauréats de nationalité française soit 71 %21.
Espagne
En Espagne, le diplôme de vétérinaire est délivré après cinq années d’études en université. Les universités sont accessibles après le baccalauréat. La sélection pour les formations publiques est effectuée en prenant en compte les notes obtenues au baccalauréat ainsi que les résultats à des épreuves spécifiques nommées Pruebas de Competencias Especificas (PCE). La sélection pour les formations privées est propre à chaque université24.
L’université Alfonso X el Sabio de Madrid propose des cours d'espagnol aux étudiants étrangers25. La faculté de médecine vétérinaire de l’université CEU Cardinal Herrera de Valence propose une formation partiellement dispensée en Français24.
Les universités publiques sont :
Les universités privées sont :
France
Les quatre Écoles nationales vétérinaires françaises sont, par ordre de création :
Schéma des études vétérinaires en France. Attention, la hauteur des cases n'est pas proportionnelle à la durée des études
27.
En France, le diplôme d'État de docteur vétérinaire est délivré après six ans d'études minimum après le baccalauréat. Généralement, la plupart des étudiants effectuent deux à trois années de préparation aux concours nationaux, via une classe préparatoire en filière BCPST ou TB (concours A), une licence de biologie ou de chimie (concours B) ou bien après un BUT, un BTS, ou plus rarement en BTSA (concours C), suivies de quatre années de tronc communs puis d'une année d'approfondissement. Depuis 2020, il est également possible d'intégrer une première année commune aux écoles vétérinaires (PACEV) directement après le baccalauréat après sélection sur dossier et épreuves, puis de poursuivre ensuite pour les quatre années de tronc commun.
Les quatre années de tronc commun en école vétérinaire donnent le diplôme d'études fondamentales vétérinaires (niveau master) qui autorise l'exercice de la pratique vétérinaire sur le territoire français en tant qu'assistant vétérinaire pour un an. La cinquième et dernière année est une année d'approfondissement, au cours de laquelle l'étudiant peut choisir une filière particulière, clinique (animaux de compagnie, animaux de production, ou équine) ou bien une autre filière (recherche, industrie, ou santé publique vétérinaire). À la suite de la validation de cette année, l'étudiant est alors autorisé à soutenir une thèse d'exercice (qui diffère de la thèse de doctorat car elle n’octroie pas le grade de Docteur d'Université ou PhD) et qui permet l'attribution d'un diplôme d'État de docteur-vétérinaire. S'il le souhaite, l'étudiant pourra poursuivre ses études dans le domaine de la recherche scientifique en obtenant un doctorat d'université (minimum trois ans) ou de la clinique en réalisant un internat (un an) puis un résidanat (trois ans) pour obtenir le titre de vétérinaire spécialiste28,29.
Italie
En Italie, le diplôme de vétérinaire est délivré après cinq années d’études en université. Les universités sont accessibles après le baccalauréat. La sélection est effectuée en prenant en compte les notes obtenues au baccalauréat ainsi que les résultats à une épreuve (QCM).
13 université propose la formation vétérinaire : Bari, Bologne, Camerino, Messine, Milan, Naples, Padoue, Parme, Pérouse, Pise, Sassari, Teramo et Turin30.
Pays-Bas
Aux Pays-Bas, seule l'université d’Utrecht propose un cursus complet d’études vétérinaires en néerlandais, durant cinq ou six années. La formation est similaire à celle des vétérinaires en Belgique : elle est décomposée en deux cycles : le premier mène au grade de bachelier en médecine vétérinaire, le second ouvre l'accès au grade de Docteur vétérinaire. Le nombre d’étudiants est limité à 255. Les candidats sont sélectionnés sur les résultats et certaines places sont attribuées par tirage au sort31.
Roumanie
Royaume-Uni
Au royaume, les études durent généralement cinq ans dans une université vétérinaire (cependant certaines universités proposent un programme accéléré en quatre ans dans certains cas et Cambridge propose un programme en six ans). Seulement huit universités proposent ce diplôme : Bristol, Cambridge, Édimbourg, Glasgow, Liverpool, Nottingham, Londres et Surrey. La sélection s'effectue sur dossier31,32.
Suisse
En Suisse, la formation de vétérinaire est une formation universitaire qui se fait soit à l'université de Berne soit à l'université de Zurich. Les études durent cinq ans. Le nombre d’étudiants vétérinaires est soumis à un numerus clausus. Il y a donc une sélection effectuée à partir d'un test d'aptitude33.
Afrique
Cameroun
L'École des Sciences et de Médecine Vétérinaire, en abrégé ESMV, a été ouverte en 2008 au sein de l’Université publique de Ngaoundéré. Elle a pour missions de dispenser un enseignement universitaire pour la formation des médecins vétérinaires ayant en charge la santé et le bien-être des animaux, l'intensification des productions animales et la santé publique ; ainsi que des cadres d’appui à la santé, à l'expérimentation animale et au laboratoire. Entre 2014 et 2020, elle a livré sept promotions de diplômés totalisant 197 récipiendaires34.
L’Université des Montagnes (UdM), une institution d’enseignement supérieur privée basée dans la ville de Bangangté dans la région de l’Ouest a ouvert une formation en médecine vétérinaire en 2008, mettant sur le marché les premiers vétérinaires formés en 2014. Au total, 88 diplômés sont sortis de cette École privée, l’une des rares écoles vétérinaires privées en Afrique35.
En 2019, l’Université de Buéa au Sud-Ouest, de tradition anglo-saxonne, a également ouvert une faculté de médecine vétérinaire36.
Sénégal
Au Sénégal, les études vétérinaires s'effectuent à l'École inter-États des sciences et médecine vétérinaires de Dakar. La formation se décompose de la manière suivante. La première année est une classe préparatoire. Les deux années suivantes sont théoriques, les deux d'après sont théoriques et pratiques. La sixième et dernière année est consacrée à la thèse et à l'approfondissement. Les étudiants français ayant commencé leurs études peuvent intégrer l’école directement en 2e année37.
Maroc
La médecine vétérinaire est enseignée au Maroc depuis 1969. L'Institut agronomique et vétérinaire Hassan II à Rabat, assure le déroulement de la formation qui s'étale sur six ans, une année préparatoire ou APESA commune à toutes les filières de formation de l'IAV Hassan deux et cinq années d'études purement vétérinaires, les deuxième et troisième années sont consacrées aux sciences vétérinaires de base tandis que la pathologie et la chirurgie sont enseignées durant des trois dernières années. Les étudiants effectuent durant leur formation plusieurs stages cliniques au CHUV de l'IAV Hassan II et dans d'autres écoles vétérinaires d'autres pays notamment en France, en Tunisie ou en Italie dans le cadre des programmes d'échange38.
Tunisie
La médecine vétérinaire est enseignée à l'unique école vétérinaire du pays, l'école nationale de médecine vétérinaire de Sidi Thabet (à 20 km de Tunis). Les études durent six ans : une année préparatoire (qui peut être effectuée dans un autre établissement), quatre années d'études vétérinaires et une année d'internat. L'ENMV de Sidi Thabet dispense aussi une formation de vétérinaires spécialistes, celle-ci dure quatre ans39.
Amérique du Nord
Canada
Au Canada, il existe cinq facultés vétérinaires qui sont situées à Calgary, Saskatchewan, Guelph, Montréal et Île-du-Prince-Édouard . Celle de Montréal est le seul établissement vétérinaire francophone en Amérique du Nord.
Au Québec, le diplôme de doctorat en médecine vétérinaire est obtenu après deux ans d'études dans un cégep et quatre ans minimum d’études universitaires. Pour avoir le droit de pratiquer, les étudiants doivent, en plus de terminer leurs études, réussir l’examen théorique NAVLE qui est un questionnaire à choix multiples de 360 questions et durant six heures et demi40.
États-Unis
Aux États-Unis, il n'est pas possible d'entrer directement en école vétérinaire directement après les études secondaires. Il est nécessaire d’effectuer un minimum de trois ans d’études supérieures préalables même si la plupart des étudiants vétérinaires en ont effectué quatre. Les écoles ont leur propres exigences. Il faut le plus souvent avoir validé des cours dans le domaine scientifique. L’expérience du candidat est également très importante. Elle permet aux écoles de mesurer la motivation du candidat ainsi que le désir de travailler avec les animaux.
Une fois admis dans une école vétérinaire, les études durent quatre ans. Les trois premières années comprennent des cours théoriques et l'apprentissage de gestes cliniques. La quatrième année est consacré à un stage clinique. Les étudiants effectuent souvent une année supplémentaire de stage.
Une fois leurs études terminées, les étudiants doivent encore passer plusieurs épreuves. Premièrement, le North American Veterinary Licensing Examination (NAVLE), commun aux États-Unis et au Canada, est un questionnaire à choix multiples comportant 360 questions et durant six heures et demi. Cet examen doit être validé pour toute personne souhaitant exercer en Amérique du Nord, même un vétérinaire qui aurait déjà été diplômé à l’étranger. En fonction de l'état où le futur vétérinaire souhaite exercer, il peut être nécessaire de passer un examen portant sur la réglementation de la profession.
Enfin, il est possible de poursuivre ses études pendant trois à quatre années pour se spécialiser. Il existe 40 spécialités aux États-Unis parmi lesquelles on retrouve l'ophtalmologie, la médecine interne ou encore les animaux exotiques. Les Diplômes de Diplomate des American Colleges of Veterinary Specialization sont la base sur laquelle les DEVS européens ont été structurés41.
The American Veterinary Medical Association (AVMA) Council on Education (COE) est une association rattachée au gouvernement américain, décernant des accréditations aux établissements d'enseignement vétérinaires a travers le monde. Cette accréditation unique témoigne d'un très haut niveau de qualité en éducation vétérinaire. Lorsqu'un établissement hors-États-Unis est accrédité par l'AVMA celui-ci est respecté au niveau international, ses diplômés n'ont généralement pas à postuler pour l’examen d’équivalence permettant d'exercer sur le territoire des États-Unis car leurs études sont considérées comme similaires aux celles acquises dans une des grandes écoles américaines. Les diplômés des écoles accréditées peuvent alors passer que les examens nationaux et d'État, au même titre que les docteurs vétérinaires diplômés des écoles américaines qui sont elles sont obligées d'obéir aux critères internationaux et être accréditées par l AVMA-COE42.
Notes et références
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Voir aussi
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Bibliographie
- Christian Rondeau, Une profession aux multiples visages, le vétérinaire, Economica, (ISBN 2-7178-4184-9)
Articles connexes
Liens externes
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Odontologie
L’odontologie est la science médico-chirurgicale couvrant l'étude de l'organe dentaire (émail, dentine, pulpe dentaire), des maxillaires (os maxillaire, os mandibulaire) et des tissus attenants1. Les tissus attenants aux sièges anatomiques dentaires et maxillaires intégrés au domaine de l'odontologie occupent l'intégralité de la cavité orale et plusieurs loges anatomiques adjacentes2. On distingue notamment le parodonte (cément, gencive, os alvéolaire, ligament alvéolo-dentaire, espace desmodontale), la muqueuse buccale (muqueuse alvéolaire, jugale, vestibulaire, palatine, linguale), les glandes salivaires (glandes parotides, submandibulaires, sublinguales et accessoires), la langue et les articulations temporo-mandibulaires. La pratique de l'odontologie comporte la prévention, le diagnostic et le traitement des pathologies congénitales ou acquises, réelles ou supposées de l'ensemble de ces structures anatomiques oro-faciales3. Cette spécialité medico-chirurgicale est exercée par des praticiens, nommés chirurgiens-dentistes ou médecins-dentistes, l'appellation variant suivant les pays3,4. Les médecins stomatologistes peuvent également exercer l'odontologie dans le cadre de leur exercice professionnel4.
Les termes odontologie, médecine dentaire, chirurgie dentaire, art dentaire et dentisterie sont synonymes, leur emploi pouvant varier suivant le pays ou le contexte5. En France, l'exercice de la profession de chirurgien-dentiste est désigné dans le Code de la santé publique par les termes « odontologie », « art dentaire » et « chirurgie dentaire »6,7. Sous l'impulsion de l'Association dentaire française (ADF), l'Organisation internationale de normalisation (ISO) a décrété le au cours de l'ISO TC106/SC3 portant sur la norme ISO 1942 « Médecine bucco-dentaire – Vocabulaire » l'obsolescence du terme « art dentaire » pour désigner l'odontologie, le substituant au profit de « médecine bucco-dentaire »8. Les nations employant le terme « art dentaire » membres de l'ISO et du CEN (notamment la France) ont donc l'obligation de changer leur législation pour se conformer à la nouvelle norme en vigueur depuis fin 2010 et introduire l'appellation « médecine bucco-dentaire » pour désigner l'exercice de l'odontologie8.
L’odontologiste est un professionnel de santé médical habilité à pratiquer l'odontologie9. Ce terme savant est couramment employé pour désigner le chirurgien-dentiste, ces deux appellations étant synonymes9.
L'odontophobie (du grec ancien ὀδούς, odoús, « dent » et φόβος, phóbos, « effroi, peur ») désigne la phobie des soins bucco-dentaires et du chirurgien-dentiste.
Étymologie
Le terme « odontologie » est apparu en 1771 au sein de la littérature française. Il est constitué de la réunion du mot « odonte » et du suffixe « -logie »9. Le nom commun « odonte » correspond au terme savant désignant l'organe dentaire. Il est issu du grec ancien ὀδούς, odoús, signifiant « la dent »9. Au terme « odonte » est associé le suffixe « -logie », du grec ancien λόγος, lógos, signifiant « le discours »9. Littéralement, l'odontologie se définit comme le discours relatif à l'organe dentaire et les tissus attenants10.
Le terme « odontologiste » est apparu en 1829 au sein de la littérature française9. Il est composé de la réunion du nom commun « odontologie » et du suffixe substantif « -iste », indiquant une filiation à une pratique, à un métier9. Littéralement, il se définit comme le praticien exerçant l'odontologie. Ce terme est synonyme de chirurgien-dentiste9.
Histoire
Les premiers signes connus de la pratique de l'odontologie remontent au premier Homme, Homo habilis, qui apparaît il y a environ deux millions d’années. De cette époque datent les premières traces laissées sur les dents sous forme de profonds sillons interdentaires11,12, à Mehrgarh dans l'actuelle province pakistanaise du Balouchistan, près de la frontière afghane. La sédentarisation de l'Homme qui marque l'entrée dans le Néolithique voit arriver un profond bouleversement dans son régime alimentaire. Durant le temps où l'Homme met au point les nouvelles techniques agricoles pour s'adapter à son nouveau mode de vie, son état de santé général se détériore et, par voie de conséquence, sa santé dentaire également. Le taux en sucre de son régime alimentaire augmente et entraîne le développement de caries, qui étaient jusqu'alors inexistantes chez l'Homme.
Ce nouvel état sanitaire a fait se développer les prémices de la chirurgie dentaire. Des artisans taillant notamment de petites perles en os, coquillages ou minéraux comme la turquoise, disposent d'outils de grande précision qui permettent de faire des trous de quelques dixièmes de millimètres de diamètre. Ces derniers ont alors servi pour tailler les dents des membres de la communauté malades. C'est ainsi que l'on a retrouvé, dans un cimetière contenant 225 tombes, les dents de onze personnes ayant subi de telles opérations.
Les chercheurs opérant sur le site de Mehrgarh émettent l'hypothèse que certaines plantes anesthésiantes auraient pu être utilisées en raison de l'intense douleur d'une telle opération si la dentine était atteinte.
Antiquité
En Asie mineure vers -3000, l'origine des caries est attribuée à des vers ; cette explication est admise pendant plusieurs siècles par de nombreuses civilisations (Égypte, Inde, Grèce, Afrique, Moyen-Orient, Europe et même Amérique du Nord).
Le papyrus découvert par Edwin Smith (-3000), qui est le plus ancien document médical connu, contient la description de plusieurs traitements dentaires. Le plus important des textes médicaux de l'Égypte antique, le Papyrus Ebers (-1600 ~ -1500), décrit également des interventions dentaires. Les malformations dentaires chez les enfants sont traitées par l'ingestion de souris écorchées et cuites, ce traitement est transmis et perpétué par les civilisations environnantes comme les Grecs, les Romains et les Arabes. La technique de l'obturation dentaire était également connue, avec notamment des éclats de pierre ou de l'or.
Des cas de pratiques de soins dentaires ont été découverts dans un cimetière danois (-2500) et en Amérique du Nord avant les premiers contacts européens. En Babylonie, le Code de Hammurabi fait référence à plusieurs procédures dentaires, ainsi que les frais pouvant être demandés par le praticien.
En Chine, les dents étaient blanchies avec de la poudre à base de musc et du gingembre et les obturations réalisées avec des excréments de chauve-souris.
De nombreux médecins grecs et romains ont écrit sur le traitement des maladies dentaires. On peut citer notamment Hippocrate, Celse, Scribonius Largus, Pline l'Ancien ou encore Claude Galien. Ce dernier va être le premier à décrire avec précision l'anatomie de la bouche avec le nombre de dents, formes et structures. Il découvre notamment les nerfs, les vaisseaux composant les dents, mais malgré tout il considère ces dernières comme des os.
En ce qui concerne la Rome antique, on sait peu de chose sur la pratique des dentistes et aucune législation n'a été retrouvée. On sait par contre que l'hygiène dentaire était présente, on note également l'utilisation de cure-dents en os et de brosses à dents. Les problèmes d'haleine étaient cachés notamment par la mastication de feuilles de myrrhe ou encore par le rinçage de bouche avec du vin. Les bains de bouche avec de l'urine (venue d'Espagne notamment et vendue à prix d'or) étaient considérés comme bénéfiques. En ce qui concerne les traitements dentaires, les obturations étaient effectuées à l'aide d'ardoise pilée, entre autres. Les dents extraites pouvaient être remplacées par des dents sculptées en ivoire ou en os, fixées par des rubans en or attachés aux dents adjacentes.
Dans une tombe gauloise de l'Aube (vers -300), l'INRAP a découvert le squelette d'une femme portant à la mandibule supérieure une prothèse en fer à la place d’une dent manquante. La défunte, d'un statut social élevé, disposait d’un véritable pivot. Il y avait certainement au bout une dent artificielle, peut-être en ivoire ou en os13.
Moyen Âge
Al-Razi, l'un des plus grands médecins perses, conseille une hygiène dentaire stricte avec le nettoyage des dents après chaque repas. L'un des pères de la chirurgie moderne, Abu Al-Qasim, dans son œuvre majeure Al-Tasrif y présente des techniques de détartrage, de cautérisation et est le premier à décrire l'extraction dentaire, mais uniquement à réaliser lorsque tous les autres traitements moins invasifs ont échoué.
En Europe durant le Moyen Âge il n'y aura pas de découverte majeure. La pratique de la médecine devient alors le monopole de l'Église.
Renaissance
La limite entre la médecine et la superstition n’est pas encore nette. Mais peu à peu, au risque de leur vie, les scientifiques acquièrent des connaissances en anatomie et en médecine.
La Renaissance voit le développement de l’imprimerie, une révolution intellectuelle, artistique et scientifique (Michel Ange, Vinci, Raphaël, Rabelais, Montaigne, Ronsard, Du Bellay). Elle connaît des découvertes en pharmacologie, chirurgie, urologie, obstétrique, ophtalmologie.
Les barbiers se retrouvent dans une position difficile. Pour augmenter leurs connaissances, ils doivent nécessairement disséquer. Or ils n’en ont pas le droit. Les médecins les prennent alors comme assistants.
Léonard de Vinci (1452-1519) décrit les rapports des racines des molaires avec les sinus maxillaires. Il donne les premiers dessins exacts que nous ayons des dents. Il essaie de les classer.
André Vésale (1514-1564) décrit la cavité pulpaire. Il croit, comme Celse, que les dents permanentes se développent sur les racines des dents de lait. Il était le médecin personnel de Charles Quint et de Philippe II d’Espagne. Il fut poursuivi par l’inquisition et mourut dans la misère. Il s’opposa aux idées reçues et mit en évidence les erreurs anciennes. Il fut un grand médecin et un grand chirurgien. Grâce au microscope?, il montra la structure de la dent, établit sa différenciation avec l’os et révéla la fonction de la pulpe.
On doit à Bartolomeo Eustachi (vers 1510-1574) le premier livre d’anatomie consacré aux dents. Contrairement à Galien, il ne croit pas que ce soient des os. Il distingue une substance externe corticale dure comme du marbre et une substance intime compacte.
Il y a toutefois une totale absence de structure thérapeutique. Le dentiste opérateur n’existe pas. La seule odontologie opératoire est celle du colporteur et du barbier.
Il faut avouer que les problèmes de santé ne préoccupent pas beaucoup les populations.
Pour en finir avec cette période, il ne faut pas oublier de mentionner Ambroise Paré (1516-1590), né près de Laval. Il fut barbier à Laval puis à Paris. Admis à l’Hôtel-Dieu de Paris en 1533, il devient compagnon chirurgien. Il ouvre une boutique en 1539. La confrérie de St-Côme le demande. Il devient bachelier en 1554, licencié puis maître-chirurgien d’Henri II et de Charles IX. Il va proposer de nouvelles techniques. Il reconnaît l’art dentaire comme une vraie spécialité. Mais il pense, lui aussi, que les dents sont des os. Il préconise la ligature des dents mobiles avec des fils d’or ou d’argent. Il décrit aussi les pulpites mais ne donne pas de traitement.
Odontologie moderne
La pratique de l'odontologie moderne commence avec les travaux de Pierre Fauchard et son œuvre majeure, Le Chirurgien dentiste, ou Traité des dents (1728)14, où il présente notamment la pose de dents artificielles et l'utilisation de la fraise pour tailler les dents. Malgré cela, cet instrument est encore mis de côté au profit du traditionnel marteau et du burin. Il faudra attendre le XXe siècle pour que le développement d'outils spécifiques prenne vraiment son ampleur. Il établit également une relation étroite entre l'état de santé général d'une personne et sa santé dentaire, et voit dans le sucre l'une des causes des caries. Concernant la politique de traitement, il préconise l'utilisation des plombages pour remplir les cavités et ainsi limiter les déchets alimentaires pouvant s'y coincer. Mais à côté de ces avancées, il préconise les bains de bouche avec de l'urine.
Une avancée technique importante eut lieu en 1789, où un apothicaire eut l'idée d'utiliser la porcelaine à la place de l'ivoire d'hippopotame pour fabriquer des dents artificielles. Cela permit ainsi de les rendre bien plus durables, alors que celles en ivoire se décomposaient.
Les travaux de Louis Pasteur en bactériologie permettent de faire prendre conscience de l'importance de la stérilisation. Mais cette pratique met un certain temps pour entrer dans les mœurs des odontologues, pour n'être véritablement appliquée qu'au XXe siècle.
Appareil de radiographie dentaire dans un hôpital au Bénin.
Le développement de l'anesthésie, avec les travaux du dentiste Horace Wells, qui en 1844 expérimente sur lui-même le protoxyde d'azote, permet d'améliorer la qualité et le confort des patients. De nos jours, le protoxyde d'azote est associé à l'oxygène sous le nom de MEOPA et permet une sédation consciente du patient.
Les premiers cours d'odontologie sont donnés vers 1807 par Carl Ringelmann à Nuremberg en Allemagne. La première école spécifiquement dédiée à cette branche de la médecine est ouverte en 1839 à Baltimore (Maryland) aux États-Unis15. Rapidement, d'autres écoles voient le jour partout dans le monde. Longtemps développée en premier lieu dans les universités américaines, puis européennes, qui ont contribué à la recherche et notamment au développement de matériaux plus sophistiqués (particulièrement en implantologie), l'odontologie est aujourd'hui enseignée et pratiquée dans la plupart des pays européens, sud-américains et nord-américains sur les mêmes bases, en tenant cependant compte des besoins spécifiques de chaque région.[Interprétation personnelle ?] Ainsi des pays ayant connu de forts métissages, tels que l'Argentine avec ses vagues d'émigration européenne aux XIXe et XXe siècles, met un accent particulier sur les questions de morphologie dentomaxillofaciale alors que le Brésil, motivé par un marché de la chirurgie esthétique très actif, est devenu un leader mondial en implantologie esthétique et en orthodontie16.
Spécialités
Le sujet est en fait plus vaste que ce que l'on pourrait croire de prime abord : étudier la dent consiste à connaître la façon dont elle naît (embryologie), la façon dont elle vit dans l'environnement buccal (mastication, phonation, déglutition & science de l'occlusion dentaire) et la façon dont elle meurt (carie dentaire non soignée aboutissant à une nécrose de la dent par exemple).
La dent n'est pas autonome dans la cavité buccale, c'est un organe à part entière qui est traversé par un flux sanguin (vascularisation) et des terminaisons nerveuses (sensibilité). Elle évolue en symbiose avec l'os dans lequel elle est implantée et dépend aussi de la gencive qui l'environne. La dent est soumise à de puissantes contraintes masticatoires, dues aux muscles manducateurs insérés sur la mâchoire inférieure. Elle est en outre immergée en permanence dans la salive et les liquides alimentaires, dont l'acidité peut présenter des variations considérables.
Par extension l'odontologie est l'étude de tout ce qui concerne la physiologie, la pathologie, la thérapeutique des dents, de leurs tissus de soutien, tels la gencive, l'os maxillaire et mandibulaire, ainsi que des sécrétions salivaires (1/2 tonne par an).
L'approfondissement des connaissances médicales a conduit les odontologistes à diviser leurs activités en plusieurs disciplines :
- odontologie conservatrice - soins sur la couronne dentaire : traitement des caries, hyperesthésie dentinaire, etc. ;
- endodontie - soins à l'intérieur des racines dentaires : traitement endodontiques (dévitalisation)… ;
- endodontie chirurgicale - chirurgie de l'extrémité des racines dentaires : exérèse de granulomes et kystes, etc. ;
- occlusodontie ou science de l'occlusion dentaire, dont la gnathologie, l'occlusion neuromusculaire et l'occlusodontologie : le rôle de la dent et de tous les tissus qui l'entourent dans la fonction manducatrice du complexe stomatognathique. Les fonctions occlusales réflexes, innées ou acquises, conditionnent la bonne marche de l'appareil manducateur, face à la gravité terrestre, aux disciplines scientifiques et aux spécialités médicales. Traitement des problèmes de contacts dentaires, de douleurs, de craquements de l'articulation temporo-mandibulaire et des tensions au niveau des muscles masticateurs et cervicaux ;
- odontologie chirurgicale - chirurgie en rapport avec les dents : avulsion de dents de sagesse, canines incluses, etc. ;
- prothèse - tout ce qui concerne la reconstitution des pertes de substance des dents ou le remplacement des dents absentes : couronnes, bridges, prothèses amovibles… ;
- parodontologie ou parodontie - traitement des maladies parodontales (pathologies des tissus entourant les dents) ;
- chirurgie : avulsion (extraction) de dents de sagesse ou de canines incluses ou enclavées ou de tout organe dentaire trop délabré pour être restauré ;
- implantologie - remplacement des dents absentes par des « racines » artificielles en titane, fixées dans l'os ;
- orthodontie ou orthopédie dento-faciale : traitement de l'alignement des dents et de l'engrènement des mâchoires ;
- pédodontie (ou odontologie pédiatrique) - soins dentaires chez les enfants ;
- gérodontologie - soins dentaires de la personne très âgée ;
- odontologie médico-légale - odontologie appliquée à la criminalistique ; spécialité à laquelle il est fait appel pour identifier des victimes d'accidents ou d'actes criminels sur base de leur denture dans les cas où des corps très endommagés sont retrouvés17, ou pour effectuer une comparaison entre des morsures constatées sur des victimes et les dentures de suspects.
Pratique
- En France, l'odontologie est pratiquée par les chirurgiens-dentistes, plus quelques médecins stomatologues. Les spécialités reconnues depuis 2012 sont l'orthodontie (plus précisément appelée orthopédie dento-faciale), la chirurgie orale et la médecine bucco-dentaire. Les études se font dans des UFR d'Odontologie.
- En Belgique, elle est pratiquée par les « praticiens de l'Art dentaire » : dentistes, médecins-dentistes et médecins stomatologues. L'ancien diplôme de dentiste, avant la réforme de Bologne, était « licencié en science dentaire », ce qui aboutissait à la dénomination de « dentiste LSD ».
Trois titres professionnels particuliers ont été créés : à côté du dentiste généraliste, deux titres de spécialiste, celui de dentiste spécialiste en parodontologie et celui de dentiste spécialiste en orthodontie.
Contrairement à la France, la Belgique ne connaît aujourd'hui aucun « Ordre des dentistes ». Les rôles de celui-ci sont partiellement exercés par les Commissions médicales provinciales18, créées en 1817 dans chacune des provinces belges, et dont un rôle historique était de viser les diplômes. Le Conseil de l'Art Dentaire constitue un autre organe officiel qui d'initiative au sur demande du Ministre remet des avis sur ce qui intéresse l'Art dentaire.
Quatre associations sont représentatives de toute la profession dentaire belge : Verbond der Vlaamse Tandartsen (VVT) et Vlaamse Beroepsvereniging Tandartsen (VBT) du côté néerlandophone du pays19, Société de médecine dentaire asbl20- Association dentaire Belge Francophone (SMD) et Chambre syndicales dentaires asbl (CSD) du côté francophone21.
- Au Brésil, les soins dentaires sont principalement prodigués dans des cliniques privées surveillées par les autorités. Le nombre de dentistes pratiquant est le plus élevé au monde22 mais l'accès aux soins est empreint de certaines inégalités. La formation des dentistes dure cinq à sept ans et peut être suivie d'une spécialisation.
- Au Chili, l'odontologie est pratiquée, comme en France, par les chirurgiens-dentistes au terme de 6 ans de formation. Ceux-ci peuvent, après un minimum de 3 ans d'expérience post-formation, postuler à un programme de spécialisation de 3 à 4 ans dans un centre universitaire (mêlant enseignement et pratique continue). Les universités habilitées à former sont désignées par l’État après vérification et contrôles de qualité.
- En Turquie, les médecins-dentistes sont formés durant trois ans en sciences de base et techniques dentaires avant de prendre part durant deux ans aux formations cliniques pratiques. Les soins sont prodigués dans des institutions publiques et privées, les cliniques privées proposant généralement les meilleurs standards.
Voir aussi
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Article connexe
Bibliographie
- Augustin Cabanès, Dents et dentistes à travers l'histoire, Paris, Laboratoires Bottu, 1928, deux tomes.
- Albert Bouland, Lucien Lebourg, Le dessin appliqué aux dents, La Semaine dentaire, 1926 (192), 128 pages.
Liens externes
Notes et références
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- Les "dentistes" préhistoriques ont utilisé des "fraises"… en silex ! [archive]
- Il y a 9 000 ans : les plus anciens «dentistes» [archive] [PDF]
- « Les experts du passé : le mystère du squelette à la dent de fer » [archive], sur Futura (consulté le ).
- Deuxième édition de Le Chirurgien dentiste, ou Traité des dents (1746) [archive]
- Baltimore [archive] (Maryland) aux États-Unis
- http://www.ft.com/intl/cms/s/0/039e7200-19b9-11e0-b921-00144feab49a.html#axzz2bkdWp2oo [archive]
- L'un des premiers cas attestés de recours à l'odontologie médico-légale a pour contexte l'incendie du Bazar de la Charité, survenu à Paris le 4 mai 1897 : Sophie-Charlotte, duchesse d'Alençon, ne pourra alors être identifiée que sur base de sa denture. Un peu plus tard, la même année, c'est également à l'odontologie que l'on aura recours dans l'affaire Joseph Vacher, où elle permettra l'identification du jeune Claudius Beaupied, dont le corps, jeté dans un puits, n'avait été retrouvé qu'au bout de cinq mois passés dans l'eau.
- Commissions médicales provinciales [archive]
- (nl) Verbond der Vlaamse Tandartsen [archive]
- Société de médecine dentaire asbl [archive]
- Chambre syndicales dentaires asbl [archive]
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Caserne (militaire)
Caserne d'Aldershot en Angleterre (1866).
Une caserne est un bâtiment affecté plus particulièrement au logement des militaires1. L'étymologie du mot provient de l'ancien provençal « cazerna »ou « quazerna » qui signifie « groupe de quatre personnes »2. Le personnel en caserne y effectue un séjour pour raisons de service ou d'entraînement.
En France
Jusqu'au milieu du XVIIe siècle, les soldats de l'armée française logent la plupart du temps chez les habitants de leur ville de garnison. Progressivement, face aux difficultés qu'entrainent ce système, les municipalités réservent pour les troupes un quartier de la ville avec un certain nombre de maisons pour les loger. On parle alors de « cantonner les troupes » ou « les mettre en quartiers ». Ce système étant toujours inadapté pour héberger un grand nombre de soldat. Les villes se mettent à transformer des granges et des bâtiments vides en casernes puis à construire finalement des bâtiments ayant pour finalités le logement des troupes3.
Les premières casernes ont été construites sous le règne de Louis XIV. Par règlement royal du 3 décembre 1691 on construisit des casernes pour abriter les Gardes-Françaises 4.
C'est au début du XIXe siècle (vers 1820) que le territoire français aura assez de casernes pour loger l'ensemble des troupes.
Une caserne peut également être occupée par la Gendarmerie ou par la Police.
Notes et références
Bibliographie
- Odile Roynette, Bon pour le service : l'expérience de la caserne en France à la fin du XIXe siècle, Paris, Belin, coll. « Histoire et société / modernités » (no 2000:1), (1re éd. 2017), 458 p. (ISBN 978-2-7011-2739-2).
Voir aussi
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