Lieu de culte
Un lieu de culte est un endroit, généralement un édifice, dans lequel se réunissent les pratiquants d'une religion pour prier et célébrer un culte au cours de cérémonies organisées. Les lieux de culte ont souvent - mais pas toujours - un caractère sacré permanent aux yeux des croyants. Leur architecture est particulière en ce sens que la structure même des édifices, et leur agencement intérieur, reflète la dimension transcendante de l'homme et cherche à le conduire vers l'intériorité, la méditation et la réflexion. Les idéologies religieuses de même que les cultures locales influencent l'architecture religieuse.
Il faut noter que des lieux naturels (montagnes, forêts, rivières) peuvent être choisis comme lieux de culte, et même avoir un caractère sacré et permanent - comme dans le chamanisme - s'ils ont les mêmes caractéristiques de transcendance et d'intériorité.
Par ailleurs, certains édifices, tels les stupas et certains monuments funéraires, relèvent de l'architecture religieuse sans être lieux de culte.
Avant l'ère chrétienne
Autres religions
Lieux de culte multiconfessionnels
Dans l'histoire, en fonction des changements de majorité dans la confession des habitants d'un territoire on a pu voir des lieux de culte changer de destination : cathédrales devenant mosquées (Sainte Sophie) ou l'inverse (Mezquita de Cordoue). De nos jours l'actuelle mosquée Jamme Masjid de Brick Lane, à Londres a fait office de temple protestant, au temps des huguenots, avant de se transformer en synagogue, puis en mosquée récemment. À Testour (Tunisie), la grande mosquée construite au XVIIe siècle porte sur son minaret des décorations en forme de croix et d'étoiles de David. En France, au début de l'été 2015, Dalil Boubakeur, recteur de la Grande Mosquée de Paris a suggéré de transformer les églises inutilisées en mosquées avant de revenir sur sa proposition1.
Dans certains lieux particuliers, comme les aéroports ou les hôpitaux on peut trouver des lieux de recueillement multiconfessionnels2.
Une autre catégorie de lieux de culte se développe également intégrant dès la construction de l'édifice le caractère multiconfessionnel comme le Temple de Moncton au Canada ou le projet « Friday, saturday, sunday »3 des architectes britanniques Leon, Lloyd et Saleem4, le projet « Tri Faith [archive] » à Omaha (Nebraska, États-Unis) ou le projet « House of One » à Berlin5.
Galerie d'images
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Salle de prière de la Grande Mosquée de Kairouan ; cette mosquée est le plus ancien et le plus important lieu du culte musulman d'Afrique du Nord
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Synagogue Mickve Israel à Savannah de style gothique
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Notes et références
- « Transformer des églises en mosquées va dans le sens de la laïcité républicaine » [archive], sur lemonde.fr,
- « Ces projets de lieux de culte partagés » [archive], sur LEFIGARO, (consulté le )
- « Juifs, chrétiens et musulmans en co-location » [archive], sur imaginationforpeople.org
- O. Sclavo, « Juifs, chrétiens et musulmans en colocation. Le projet Friday, Saturday, Sunday », Usbek & Rica, no M01736, , p. 62-63
Voir aussi
Bibliographie0
- Francis Messner, Les lieux de culte en France et en Europe : statuts, pratiques, fonctions, éd. Peeters Publishers, Louvain, 2007
- André Vauchez, Lieux sacrés, lieux du culte, sanctuaires, éd. École française de Rome, Rome, 2000
- Georges Mercier, L'Architecture religieuse contemporaine en France. Vers une synthèse des arts, Mame, 1968
Articles connexes
Liens externes
Temple
Un temple est à l'origine un lieu, un espace sacré placé sous la protection d'une ou de plusieurs divinités, et où un rite est pratiqué. Par extension, un temple est un édifice religieux où se célèbre le culte rendu à une divinité1.
Outre ce sens qu'il conserve actuellement, c'est aussi le terme fréquemment utilisé en français pour désigner les lieux de culte protestants.
Enfin, il peut aussi désigner le lieu de réunion d'une loge maçonnique (temple maçonnique).
Affecté d'une majuscule, le terme "Temple" désigne aussi :
- le Temple juif de Jérusalem,
- l'ordre du Temple, les templiers et les lieux qui leur sont associés : le quartier du Temple à Paris, la tour du Temple, etc.1
Lexicographie
Antiquité
Dans le contexte de l'Antiquité (temple égyptien, temple grec, temple romain, Temple juif de Jérusalem…), le temple désigne un édifice sacré où réside une divinité et où un corps sacerdotal (prêtres, vestales...) exercent un culte envers elle. On y trouve en général une statue de la divinité et parfois un trésor. Ces temples ne sont pas nécessairement des lieux de rassemblement pour les fidèles1.
Protestantisme
Au sens le plus courant en francophonie européenne aujourd'hui, un temple est un édifice religieux ou un lieu de culte régulier des protestants des Églises réformées2,3.
Cet usage du mot temple est dû au réformateur Jean Calvin qui entendait réserver le mot d'église au sens de l'assemblée des chrétiens, sens biblique du mot grec ἐκκλησία, ecclésia, couramment traduit par Église, et utiliser un terme spécifique pour l'édifice religieux, pour lequel il n'y avait pas de terme biblique. Ce mot a été une occasion pour des protestant de marquer leur différence par rapport aux catholiques4.
Le glissement du mot « église », de son sens originel d'assemblée à celui pour désigner le bâtiment est, justement à cause de l'absence de terme biblique, très ancien. Il se trouve déjà dans les écrits de Tertullien, entre les années 193 et 220, et de Cyprien de Carthage, entre 240 et 258)5. Ce mot d'église, généralisé en français et dans les langues latines, est resté largement employé en dehors du calvinisme français, notamment chez les luthériens d'Alsace et de Moselle, en Suisse et au Canada.
Autres religions
Le mot temple désigne aussi les sanctuaires dans de nombreuses religions :
Franc-maçonnerie
Les Francs-maçons ont retenu le terme de temple pour désigner le lieu de leurs réunions2.
Temples laïcs
Sous la Révolution française, de nombreuses églises ont été temporairement laïcisées et dédiées à des allégories civiques et laïques auxquelles les autorités entendaient faire rendre un culte afin de combattre l'influence de l’Église catholique : il y eut donc des "temples de la raison", "temples de la Liberté", etc.1 La cathédrale de Strasbourg devenue temple de la Raison est par exemple à cette époque coiffée d'un bonnet phrygien en tôle (symbole révolutionnaire qui détourne les plus excités de l'idée d'abattre la flèche de la cathédrale)6.
Sens figurés
- Surtout utilisé dans une langue soutenue, dans des textes littéraires, le terme de temple désigne :
- soit tout lieu ou édifice dédié à quelque chose de particulier (temple de la débauche, temple de la fortune...)
- soit un lieu privilégié réservé à une élite initiée telle que des amateurs d'art, des gastronomes ou des sportifs de haut niveau (le temple de la gastronomie, le temple du judo...)1
- En référence aux écrits de l'apôtre Paul (1 Cor. 3 et 2 Cor. 16), le corps humain est parfois appelé le temple de l'Esprit Saint1.
Terme dérivé
Un tempietto ("petit temple" en italien7) est un petit temple à l'antique de la Renaissance reprenant le principe de la tholos grecque.
Noms propres
Le Temple, désigne :
- le Temple de Jérusalem, ou premier Temple, qui aurait été édifié par Salomon au Xe siècle av. J.-C., et détruit par les Babyloniens en -586, et dont il ne reste aucun vestige ; le second Temple, rebâti vers -536, rénové par Hérode le Grand puis détruit par Titus en l'an 70, et dont il ne reste qu'une partie de la muraille d'enceinte, notamment le mur de 57 mètres que les Juifs appellent le Mur occidental (connu également sous le nom de Mur des Lamentations) ;
- l'ordre du Temple ou ordre des Templiers, ordre religieux militaire fondé au XIIe siècle à Jérusalem pour la défense du Saint-Sépulcre ;
- à Paris, la Tour du Temple, reste d'un ancien monastère qui servit de prison à Louis XVI et où mourut son jeune fils Louis ; par métonymie, le quartier du Temple, situé dans le 3e arrondissement, où se trouve notamment le Carreau du Temple.
- Les villages ayant Temple dans leur nom font généralement référence à un ancien établissement des Templiers1.
Synonymes
On emploie des termes spécifiques pour les lieux de culte d'autres religions : l'église ou la chapelle (catholiques, protestants, et orthodoxes), la mosquée (musulmans), la synagogue (juifs), la pagode (religions d'Extrême-Orient).
Étymologie
Templum vient de la racine indo-européenne [tm], qui veut dire découper, opérer une césure.
Dans le monde romain, le templum, apport de la culture étrusque, est l'espace séparé du reste du monde. Il s'agit d'un espace découpé dans le ciel à l'aide des auspices, que les prêtres ont retranscrit sur le sol ; il s'agit alors d'un terrain sacré, inviolable, qui englobe également le bâtiment du culte construit dessus.
Différents types de temple
- Le temple de Göbekli Tepe, plus ancien exemple répertorié d'architecture monumentale.
- Le temple d'Ain Dara en Syrie.
- Certaines pyramides précolombiennes ou d'Égypte.
- les temples romains.
- Le temple d'Amon à Karnak.
- Les temples d'Angkor, au Cambodge.
- Le temple de Borobudur dans l'île de Java en Indonésie.
- Le temple de la Mahabodhi, à Bodhgayâ en Inde, est situé sur le lieu où Siddhartha Gautama, le Bouddha historique, atteignit l’éveil.
- Le Bouddhaun, édifice situé là où sont célébrés les rites du bouddhisme.
- Le Parthénon, à Athènes (voir Temple grec).
- Le temple d'Artémis à Éphèse, l'une des Sept Merveilles du monde antique.
- Le Panthéon de Rome, le temple de tous les dieux ; le Panthéon de Paris, l'ancienne église Sainte-Geneviève transformée sous la Révolution en Temple de la Raison.
- Le temple du Soleil à Machu Picchu, qui a donné son nom à un album de Tintin.
- Les temples grecs de Sicile sont parmi les mieux conservés :
- le temple de Salomon.
- Les temples taoïstes sont des édifices religieux consacré au taoïsme, parfois également au bouddhisme, principalement en Chine ;
- Samye : 1er temple du Tibet (VIIIe siècle).
Temples en France
Au sens premier de l'espace sacré où se déroule un rituel, le site de la « pierre aux neuf gradins » à Soubrebost (Creuse) est intéressant à considérer. Probablement consacré à un culte celte, gaulois, de nature solaire, on ne sait pas si des sacrifices humains y ont été réellement effectués comme certaines analyses le laissent supposer.
Un projet de construction d'un Temple pour la Paix par la congrégation Vajradhara-Ling en Normandie. Ce Temple sera une réplique de celui de Samye, premier temple construit au Tibet, fondé par Padmasambhava au VIIIe siècle.
Il existe de nombreux lieux de méditation liés à un saint hindou et de nombreux temples hindous en France, dans les départements d'outre-mer, à Paris et sa région. Le temple du Seigneur Ganesha [archive] à Paris 18e, est bien connu pour sa procession annuelle très colorée.
Notes et références
- « Temple » [archive], sur le site du CNRTL (Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales) (consulté le )
- « Temple » [archive], sur le site du dictionnaire Larousse (consulté le )
- « Visite d'un temple protestant | Musée protestant » [archive] (consulté le )
- Caroline Lehmann, « Les protestants ont-ils des églises ou des temples ? » [archive], sur https://www.uepal.fr/ [archive] (consulté le )
- Christine Mohrmann, « Les dénominations de l'église en tant qu'édifice en grec et en latin au cours des premiers siècles chrétiens », Revue des Sciences Religieuses, t. 36, nos 3-4, , p. 155-174 (DOI 10.3406/rscir.1962.2331, www.persee.fr/doc/rscir_0035-2217_1962_num_36_3_2331)
- Roland Marx, Georges Livet (dir.) et Francis Rapp (dir.), Histoire de Strasbourg, Privat (ISBN 2708947265), « La Révolution et l'Empire », p. 262
Voir aussi
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Liens externes
Bibliographie
- René Laurent, Promenade à travers les temples de France, Les Presses du Languedoc, Millau, 1996, 520 p.
Palais
Pour les articles ayant des titres homophones, voir Palet et Paley.
Gravure coloriée à la main, probablement réalisée au
XIXe siècle après les premières fouilles dans les capitales assyriennes, représente les légendaires
jardins suspendus, avec la
Tour de Babel en arrière-plan.
Un palais peut être :
- le lieu de résidence urbaine d'un personnage important, vivant un train de vie princier ou fastueux ;
- le siège d'une institution publique, dans lequel se déroule l’exercice du pouvoirNote 1 ;
- au figuré, une exagération flatteuse pour un manoir ou une grande propriété.
Il faut noter la différence entre le palais et le château. À l'origine, le château était le domicile du protecteur de la région, il avait donc une utilité protectrice, le palais représentait le pouvoir d'un homme politique, économique ou autres. Par la suite, l'appellation de palais fut réservée à une résidence urbaine, alors que le château était généralement rural : ainsi on parle du palais du Louvre ou du Palais-Royal, mais des châteaux de Versailles ou de Fontainebleau.
Ces palais servaient tant au prestige du prince, roi ou empereur, que pour la vie de courtisans qui gravitaient autour de lui. Fréquemment ils ont des jardins d'apparat dont la taille peut être impressionnante et procède également du prestige du maître de céans.
Étymologie
Le terme de palais, que l'on retrouve dans la plupart des langues européenne (Palast en allemand, palace en anglais, palacio en espagnol, palazzo en italien) dérive du nom en latin de la colline palatine à Rome (Palatium), où à l'époque impériale se développèrent les structures de la résidence officielle des empereurs (Domus Augustana). Le nom de la colline devint par antonomase celui de toutes les résidences royales et princières.
Histoire
Le palais de
Minos, à
Cnossos, île de Crète, est une des architectures palatines les plus anciennes disponibles en Europe.
Les premiers palais, résidences royales et en même temps centre des activités économiques, politiques et religieuses, remontent aux sociétés palatiales (it) de l'âge du bronze, de l'ancienne Mésopotamie, de Égypte antique et de la civilisation minoenne puis mycénienne. Outre la résidence des souverains, le palais accueillait aussi les entrepôts, les archives et les lieux de culte.
Dans les temps anciens, les résidences des souverains hellènes avaient des caractéristiques similaires, tandis que les grandes villas suburbaines de l'aristocratie sénatoriale romaine et de la famille impériale, au centre de vastes propriétés agricoles, furent essentiellement des centres résidentiels et économiques tandis que les autres fonctions administratives se déroulaient dans des bâtiments publics appropriés.
Moyen Âge
Le plan type en termes de palais durant le Moyen Âge peut être considéré comme le palais de Charlemagne d'Aix. Celui-ci est constitué de la trilogie architecturale carolingienne typique1 : la grande salle seigneuriale (aula (la), hall (en)), appelée aussi salle de réception ou salle de banquet (lieu de réception, de justice, d'apparat et de vie), la chapelle (capella (la), construite par Eudes de Metz, il s'agit d'un lieu de prière mais aussi de clergie, c'est-à-dire de savoir latin grâce à sa bibliothèque liturgique) et la partie domestique résidentielle (camerae (la), appartements privés destinés à la mesnie)2, notamment la chambre aux dames (correspondant au gynécée antique).
Compte tenu de l'époque peu sûre et ravagée par les guerres et les calamités, la construction la plus en vogue est le château fort, dont la fonction principale est la protection et non l'agrément. Les princes dirigent leurs campagnes de guerre, et ne vivent à la cour que l'hiver. Les châteaux fortifiés devinrent les résidences des seigneurs féodaux, centre de défense d'un territoire, pendant que les plus importantes familles citadines habitaient dans les maisons-tours des centres urbains, symbole de puissance et de richesse, et les institutions communales érigeaient les palais communaux. La nécessité défensive apaisée, les châteaux et les palais urbains s'enrichirent d'œuvres d'art, qui avec la splendeur des façades, donnant souvent sur les places, offrirent une image de la puissance de la famille.
Cependant, au début du XIVe siècle, dans une société plus pacifiée, le palais refait son apparition, donnant naissance à quelques chefs-d'œuvre du gothique, dont le plus bel exemple était le palais de la Cité à Paris, construit par Philippe le Bel et dont les restes donnent un aperçu de sa splendeur à son apogée. Avec la guerre de Cent-Ans, néanmoins, les fortifications redeviennent nécessaires, et on assiste à la construction de véritables « palais-forteresses » pour les grands princes. Ainsi, Bertrand de Goth, devenu le pape Clément V, construisit pour lui et sa famille une suite de "palais-forteresses" : le Villandraut, le Roquetaillade, le Fargues ; autres exemples sont le château de Nantes, le palais du pape à Avignon.
Renaissance
En Italie
Le château est le symbole du pouvoir pour le prince et pour ses sujets. Machiavel et certains humanistes de la Renaissance l'associent à la tyrannie. Selon le philosophe florentin, seul un prince qui craint son peuple se réfugie derrière des murs. Leon Battista Alberti considère que les forteresses construites en marge de la ville sont les demeures des tyrans, haïes du peuple. Le bon prince ne craint pas ses sujets et installe son palais au centre de la ville. Le palais, ouvert à tous, comme celui d'Urbino et de Ferrare, brille par sa splendeur et sa complexité. Il aménage des parcours publics et privés, des jardins secrets et des appartements luxueux pour le plaisir et l'honneur du prince condottiere3.
Les palais conçus par Bramante, tel le palais Caprini édifié au début du XVIe siècle, et l'arcade superposée du type Colisée, employée soit séparément soit en combinant façade et cour, sont les éléments fondamentaux du palais italien des quatre siècles suivants4.
Ancien Régime
Palais du Nouveau Monde
Autres palais
Galerie
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Résidence palatiale portugaise de
la Regaleira, à
Sintra (d'architecte : Luigi Mannini, 1904–1910).
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Anatomie
Un palais forme la paroi supérieure de la cavité buccale.
Notes et références
Notes
- Cette association du mot avec le pouvoir se retrouve dans le titre de maire du palais sous les Mérovingiens.
Références
- Jean Mesqui, Châteaux forts et fortifications en France, Flammarion, , p. 277.
- Jean-François Bradu, « Le palais d'Aix-la-Chapelle » [archive], sur jfbradu.free.fr, (consulté le ).
- Sophie Cassagnes-Brouquet et Bernard Doumerc, Les Condottières, Capitaines, princes et mécènes en Italie, XIIIe – XVIe siècle, Paris, Éditions Ellipses, , 551 p. (ISBN 978-2-7298-6345-6), De la cité idéale au studiolo (page 399).
- Linda Murray, La Haute Renaissance et le maniérisme, Paris, Éditions Thames & Hudson, , 287 p. (ISBN 2-87811-098-6), p. 68.
Voir aussi
Articles connexes
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Monastère
Un monastère est un ensemble de bâtiments où vit une communauté religieuse de moines ou de moniales. Il en existe dans les religions chrétiennes et bouddhistes.
De par son organisation, on peut parler d'abbaye si l'établissement religieux monastique est dirigé par un abbé, ou de prieuré s'il est de moindre importance. Le prieuré est souvent dépendant d'une abbaye ou d'un autre monastère.
Les monastères des ordres militaires du Moyen Âge sont appelés commanderies. Les Bénédictins ou Prémontrés habitent des abbayes ou des prieurés, tandis que les résidences des ordres mendiants tels que les Franciscains ou les Dominicains sont dénommées couvents.
Étymologie
Monastère a pour étymologie le nom latin monasterium, du grec monos, « seul ». Au Moyen Âge, monastère est parfois employé pour désigner une église desservie par un moine (et non par un curé). Les équivalents dans les dialectes germaniques sont Munster (par exemple en alsacien) ou Münster, et l'équivalent en vieil anglais est minster (cf. Westminster).
Toponymie
Dans la toponymie française, l'équivalent de monastère en ancien français est moutier ou moustier (pour les zones méridionales), qui correspond à la présence (éventuellement passée) d'un monastère : Les Trois-Moutiers, l'île de Noirmoutier ou Moustiers-Sainte-Marie en sont des exemples.
Histoire du monachisme
Saint Antoine rencontre saint
Paul de Thèbes (Sassetta, National Gallery (Washington), 1445
Le monachisme chrétien commença en Égypte et en Terre Sainte et continua plus tard en Abyssinie (Éthiopie). Selon la tradition, au IIIe siècle Antoine le Grand s'est cru le premier chrétien à adopter un style de vie mêlant anachorétisme et cénobitisme — avant de rencontrer Paul de Thèbes qui était le premier — le monachisme étant plutôt auparavant de type anachorétique. D'autres suivirent peu de temps après.
À l'origine, tous les moines chrétiens étaient des ermites qui rencontraient rarement d'autres personnes. Mais à cause de l'extrême difficulté de la vie solitaire, beaucoup de moines échouèrent dans leur vocation, et soit retournèrent à leurs vies antérieures dans la cité, soient perdirent leurs illusions spirituelles.
Une forme transitoire de monachisme fut créée plus tard par Amoun des Kellia dans laquelle des moines « solitaires » vivaient assez proches les uns des autres pour s'offrir un soutien mutuel et pour se rassembler les dimanches pour des services religieux en commun.
Ce fut Pacôme le Grand qui préconisa que des moines vivent sous le même toit (monachisme cénobitique) et participent ensemble au culte. Bientôt, le désert égyptien se peupla de monastères, surtout autour de Nitrie, qui était appelée la « cité sainte ». On estime qu'il y avait au moins 50 000 moines qui vivaient dans cette région à certaines époques.
Dès le commencement, la vie monastique recommandait la lecture assidue de la Parole de Dieu (l’Opus Dei). Les principes de la Lectio divina telle qu'elle était définie par Origène (sur la prière), furent le plus souvent adoptés dans les règles des monastères. Pacôme, Augustin d'Hippone, Jérôme de Stridon, Benoît de Nursie prescrivaient la lecture assidue de la Parole de Dieu1. Jean Cassien la recommandait également, et formula à la suite d'Origène les règles d'interprétation des textes selon quatre sens.
Le premier théoricien du monachisme en Occident fut l'abbé Jean Cassien de Marseille.
En Occident, saint Benoît fonda l'abbaye du Mont-Cassin en 529 et rédigea la règle de saint Benoît.
Architecture
Le monastère de Vivarium pourrait être un des premiers lieux spécialement conçus.
L'ensemble des bâtiments qui composent le monastère est organisé de façon que la prière et la vie commune soient au centre. Le premier bâtiment du monastère à être construit est la chapelle à laquelle sont attachés cloître et déambulatoire, salles communes (salle de chapitre, salle à manger, etc.) et les cellules ou le dortoir des moines.
Les monastères bénédictins et clunisiens furent conçus comme la cité idéale. L'exemple le plus connu en est les « trois sœurs provençales » (abbayes de Sénanque, de Silvacane et du Thoronet, situées en Provence).
Les habitants d'un monastère
Cloître de Saint-Benoît de Talavera (Espagne)
Quelques définitions
La population des monastères comprend plusieurs catégories de personnes :
- des moines ou moniales qui ont prononcé leurs vœux (stabilité, obéissance, conversion de vie chez les moines/moniales qui suivent la règle de saint Benoît ; pauvreté, chasteté, obéissance chez les autres ordres religieux) et se trouvent attachés définitivement au monastère. Leur nombre varie d’un monastère à l’autre. Exemple: trois cents moines à Cluny à la fin du XIe siècle, quatre moines dans un prieuré dépendant de Cluny à la même période ;
- des novices qui sont en formation pour devenir moines ou moniales ;
- des familiers qui ne sont pas des religieux. Ce sont souvent des laïcs bénévoles qui logent au monastère (ou, plus rarement, en dehors du monastère avec leur famille) ;
- suivant les familles monastiques, on peut trouver aussi des convers (moines qui ne sont pas prêtres) chez les cisterciens et les chartreux ;
- des oblats réguliers qui portent parfois l'habit de la communauté, vivent avec elle, sans avoir prononcé les vœux monastiques ;
- enfin des hôtes qui résident habituellement à l'hôtellerie du monastère, plus ou moins longtemps, invités à partager la vie de la communauté sans y être engagés.
L’organisation de la communauté monastique doit refléter la stricte hiérarchie de la « Cour céleste »
2 qui est son modèle.
Les charges monacales
Les officiers principaux du monastère qui en assurent l’organisation et le bon fonctionnement de la communauté sont : l'abbé, le prieur, le chantre, le cellérier, le sacristain, l'hôtelier, le camérier, le réfectorier, l'infirmier. Ils jouissent en raison de leurs charges de certains privilèges ou dispenses qui les distinguent des autres moines qualifiés de claustraux qui doivent suivre intégralement la vie commune.
L’abbé est à la tête de la famille monastique, il en est le père (abba en araméen). Il est élu par les frères et il est responsable du monastère au temporel (il est seigneur féodal) comme au spirituel. Il nomme tous les officiers principaux de la communauté et donne son accord pour créer ou modifier les « coutumes » qui règlent dans le détail toute la vie des moines et du monastère. Il doit aussi assurer l'hospitalité publique et secourir les pauvres, les paysans et les seigneurs.
Les moines dits lettrés
Les moines lettrés savent non seulement lire et écrire, mais ils ont reçu la formation classique (grammaire, rhétorique, dialectique = trivium) et sont capables de lire et de parler le latin. Ce sont eux qui assurent le bon fonctionnement de la communauté, remplissent les diverses charges de la maison et assurent la célébration de l’office divin.
La plupart d’entre eux ont été élevés et instruits dans le cloître où ils sont entrés enfants. Beaucoup de fils de nobles, surtout des cadets, ont reçu une formation littéraire au sein de leur famille, avant de devenir moines.
Ces enfants, que l'on désignera sous le nom d'oblats, ont été offerts par leurs parents au monastère au cours d’un rite solennel appelé l’« oblation ». Ils ne prononceront leurs vœux définitifs que vers l'âge de 15 ans.
Différents monastères selon la géographie
Les monastères en France
Le nombre de monastères habités par des communautés religieuses a fortement évolué au cours de l'histoire. En effet, les révolutions ont vidé les monastères de leurs religieux, avant que ceux-ci ne connaissent un second essor au XIXe siècle (par exemple la refondation des bénédictins avec dom Prosper Guéranger), stoppé par les différentes lois de la IIIe république contre les congrégations (1880, 1901, etc.) et la séparation des Églises et de l'État en 1905 qui ont expulsé de France la plupart des religieux. Ils n'ont pu revenir qu'à partir des années 1920. Aujourd'hui, la baisse des vocations de vie religieuse, et la démographie vieillissante des moines et moniales ont vu nombre de monastères se vider de leur communauté.
Toutefois, 25 % des monastères construits depuis mille ans ou davantage possèdent encore une communauté vivante, communauté bénédictine, cistercienne, trappiste, de chartreux, carmélite, visitandine, clarisse, etc.[réf. nécessaire]. Beaucoup ont su se relever, attirer des vocations et développer une activité économique pour vivre.
Les monastères orientaux
Les monastères des rites orientaux et des Églises orthodoxes sont dirigés par un higoumène. Les Grecs considèrent saint Hilarion (disciple de saint Antoine) et saint Chariton, avec leurs grottes de Terre Sainte et leurs premiers monastères, comme les pères du monachisme, refondé par la suite par saint Sabas dans un sens plus cénobitique avec des laures, dont la fameuse laure de Saint-Sabas en Terre sainte. Saint Théodose ira ensuite vers une véritable vie communautaire, ce qui lui vaut son nom de cénobiarque. Les monastères du désert de Juda sont à l'origine d'un monachisme mieux organisé en Palestine et qui fut ensuite protégé par les empereurs romains d'Orient. Cette nouvelle forme de communauté avec des laures essaima dans tout l'Empire byzantin et plus tard en Serbie et en Russie.
Monastères bouddhistes
Notes et références
Annexes
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Bibliographie
Articles connexes
Liens externes
Abbaye
Une abbaye (/a.be.i/, du latin : abbatia) est un monastère de moines ou moniales catholiques placé sous la direction d'un abbé — « père » en araméen — ou d'une abbesse, l'abbé étant le supérieur tout en étant « père spirituel » de la communauté religieuse, suivant les indications données au chapitre 2 de la règle de saint Benoît (du moins dans le monachisme occidental).
Terminologie
Le mot « abbaye » n'apparaît qu'au XIe siècle au sein du cénobitisme : on ne le rencontre pas dans la règle de saint Benoît, où figure le mot « monastère ». C'est l'ordre de Cluny qui est à l'origine de l'évolution des dénominations et qui définit l'organisation d'une abbaye, notion principalement rattachée au catholicisme.
Les conditions pour élever un monastère au rang d'abbaye varient suivant la règle de chaque ordre religieux. Par exemple, chez les moines trappistes, une maison nouvellement fondée est d'abord :
- une « fondation », partie de la maison-mère ;
- un « prieuré » (simple ou majeur) quand elle atteint un nombre de moines (ou moniales) et une autonomie financière suffisants ;
- puis une « abbaye », quand elle est pleinement autonome, que ce soit en nombre de moines (ou moniales), en bâtiments et en ressources.
Les ordres monastiques, les chapitres canoniaux (de chanoinesses surtout), les communautés de chanoines réguliers ont vocation à fonder des abbayes.
Le prieuré et le couvent connaissent le même genre d'organisation que les abbayes, mais n'ont généralement pas d'abbé ou d'abbesse à leur tête ; ils dépendent d'une abbaye « mère » ou directement du supérieur de l'ordre monastique.
Dans le Canton de Vaud, une abbaye est une société de tir, confrérie de tireurs ; concours de tir organisé par une telle société1,2,3,4.
Histoire du monachisme chrétien
Le monachisme latin se distingue du monachisme oriental dès l'apparition des règles de l'Irlandais saint Colomban et de saint Benoît. Chaque abbaye, selon sa règle, est porteuse d'une architecture, d'un coutumier et d'une filiation qui la relie à l'abbaye dont sont issus les moines qui l'ont fondée, et aux abbayes fondées par les moines qu'elle a formés.
Sur ce schéma, cependant, peu de variétés viennent se greffer jusqu'au IVe concile du Latran. Désormais, les ordres religieux se distinguent en deux : les ordres monastiques, avec à leur tête un abbé, qui vivent dans un monastère, devenu synonyme d'abbaye ; les autres ordres religieux qui résident en des couvents. Pour toute l'histoire du monachisme et des abbayes en Europe occidentale, la date de 1215 est capitale : elle fige les modèles juridiques, architecturaux, théologiques et sociologiques.
Lorsqu'il s'agit de chanoines, (prémontrés, victorins), un couvent peut porter le nom de monastère. Dans les ordres mendiants (dominicains, franciscains, minimes) ou apostoliques (Jésuites), les lieux de résidence se nomment couvent, car ces ordres n'ont pas d'abbé. Le symbole de la mitre et de la crosse qui est parfois porté par des membres de ces ordres est dans ce cas le représentation de leur élévation à l'épiscopat (cf. supra). Le nom de monastère donné à leurs lieux de résidence indique une occupation monastique précédente, reprise par ces ordres mendiants et apostoliques, en conservant le nom d'usage.
Site et éléments
Choix du site
La première question qui se pose est celle du site de la nouvelle fondation : pourquoi les moines allaient-ils se perdre si loin, dans des lieux inhospitaliers, souvent dans des conditions climatiques posant de redoutables problèmes ?
La réponse est simple : ils recherchent avant tout la solitude. Mais encore faut-il trouver le moyen de survivre ; il leur faut des terres, des pâturages, de l'eau et une forêt :
- des terres rendues cultivables par assèchement, irrigation, essartage, défrichage et écobuage ;
- des pâtures pour les bêtes ;
- de l'eau pour la cuisine, le nettoyage des locaux et l'assainissement des lieux d'aisance, les soins du corps, l'arrosage des jardins, les viviers, la fabrication de la bière, la force motrice des moulins ;
- une forêt de petits chênes, de bouleaux et de charmes — c'est le cas de l'immense forêt d'Ardenne — fournit le bois de charpente, un grand nombre d'ustensiles et d'outils, des aliments pour hommes et animaux (miel, baies, glands, etc.), le combustible pour la cuisine et pour la métallurgie (les 30 ouvriers des forges d'Orval sont ravitaillés par plus de 460 bûcherons)5.
Éléments de base
Le cœur de l'abbaye est l'église. Tout autour se dressent les bâtiments nécessaires à la vie conventuelle : cloître, salle capitulaire, bibliothèque, parloir, chauffoir, dortoir, latrines, salle d'ablutions, réfectoire, cuisine, porterie, infirmerie, potager, brasserie, fromagerie, pressoir à vin, caves, magasins à provisions, boulangerie, buanderie, étables, écuries, soues, granges, locaux d'hébergement, viviers, ruchers, vergers, carrés d'herbes médicinales. Les particularités architecturales propres à quelques ordres religieux figurent à la section « Architecture »6.
Architecture
Ancêtre : le monastère oriental
La nécessité de se défendre contre les attaques, l'économie d'espace et les besoins de circulation au sein de la communauté ont dicté peu à peu une disposition spécifique des pièces dans un monastère. De larges piliers de construction étaient érigés, avec de puissants murs extérieurs capables de résister à l'assaut de l'ennemi. À l'intérieur, tous les édifices nécessaires étaient disposés autour d'une ou plusieurs cours ouvertes, généralement entourées de cloîtres. L'exemple typique d'un agencement oriental peut être trouvé dans le monastère de la Grande laure (Sainte Laure, « Lavra » en copte) du mont Athos en Grèce, plus précisément en Macédoine de l'Est, et qui a été édifié en 961-963 (Laure de saint Athanase).
Monastère de la Grande Laure (Lenoir)
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- A. Entrée
- B. Chapelles
- C. Hôtellerie
- D. Église
- E. Cloître
- F. Fontaine
- G. Réfectoire
- H. Cuisine
- I. Cellules
- K. Entrepôts
- L. Poterne
- M. Tour
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Le Nord est situé à gauche du plan. |
Le monastère, comme la grande majorité des monastères orientaux, est entouré d'un solide mur blanc entourant une zone de 10 000 à 16 000 m2. Le côté le plus long fait près de 150 mètres. Il y a seulement une entrée principale sur la face nord (A), défendue par trois portes d'acier séparées. Près de l'entrée se trouve une grande tour (M), ce qui est une constante des monastères du Levant. Une petite poterne se trouve en (L). L'enceinte comprend deux grandes cours ouvertes, entourées de bâtiments qui communiquent avec les galeries du cloître en bois ou en pierre. La cour extérieure, plus grande, contient les entrepôts, les granges (K) et la cuisine (H), ainsi que d'autres pièces communiquant avec le réfectoire (G). Près de la porte d'entrée, on trouve une hôtellerie s'ouvrant sur un cloître. La cour intérieure est entourée d'un cloître (E) sur lequel s'ouvrent les cellules monacales (I). Au centre de cette cour se trouve l'église, un bâtiment carré avec une abside en croix de type byzantin et un narthex surmonté d'une coupole. Devant l'église se trouve une fontaine de marbre (F) couverte d'un dôme reposant sur des colonnes. S'ouvrant sur la partie ouest du cloître, mais se trouvant en fait dans la cour extérieure, se trouve le réfectoire (G), un vaste bâtiment en croix large de 30 mètres et long d'autant, décoré de fresques de saints. À son extrémité, on note un petit recoin circulaire qui rappelle le triclinium du palais du Latran à Rome, et dans lequel est placé le siège de l'abbé. Cette pièce est également utilisée comme lieu de réunion, les moines orientaux prenant habituellement leur repas dans des cellules séparées.
Plan d'un monastère copte
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- A. Narthex
- B. Église
- C. Couloir bordé de cellules
- D. Escalier
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Ce plan d'un monastère copte, de Lenoir, montre une église avec trois allées, des absides disposées en cellules et deux rangées de cellules de chaque côté d'une longue galerie.
Architecture des abbayes bénédictines
La règle bénédictine, à partir de la fondation du mont Cassin, se diffuse très rapidement dans toute l'Europe occidentale. Partout, on assiste à l'érection de monastères qui excèdent, par leur taille et leur splendeur, tout ce qui avait pu être vu jusque-là. Rares sont les grandes villes d'Italie à ne pas posséder leur couvent bénédictin, tout comme les grands centres d'Angleterre, de France ou d'Espagne. Le nombre de monastères fondés entre 520 et 700 est étonnant. L'empereur Louis le Pieux ordonne à toutes les abbayes de son empire de se soumettre à la règle bénédictine. Les abbayes bénédictines n'ont jamais formé un ordre : elles n'avaient pas de liens entre elles. Avant le concile de Constance en 1415, ce ne sont pas moins de 15 070 abbayes respectant cette Règle qui ont été fondées. Le plan de construction d'une abbaye bénédictine est éventuellement modifié pour s'adapter aux particularités locales (à Durham ou à Worcester par exemple, où les monastères sont situés sur les rives d'une rivière).
Le plan de Saint-Gall
Nous ne disposons d'aucun exemple subsistant des premiers monastères bénédictins.Nous possédons cependant un plan élaboré du grand monastère suisse de Saint-Gall, construit en 820, qui nous permet de connaître un peu mieux la disposition d'un monastère de premier plan au IXe siècle. Il semble cependant que ce plan soit plus un dessin relativement abstrait, représentant l'abbaye bénédictine idéale telle que définie aux conciles d'Aix-la-Chapelle en 816 et 817, qu'un plan topographique précis de l'abbaye de Saint-Gall, dont les fouilles archéologiques ont d'ailleurs démontré que la disposition médiévale ne correspond pas.
L'abbaye de Westminster
Cette abbaye, qui depuis la réforme protestante au XVIe siècle a été en fait seulement une église de l'Église d'Angleterre, est un autre exemple de grande abbaye bénédictine, identique dans ses grandes lignes à l'abbaye décrite ci-dessus. Le cloître et les bâtiments monastiques se trouvent au sud de l'église. En parallèle à la nef, contre la face sud du cloître se trouvent le réfectoire et ses salles de bains, près de la porte. Du côté est, on peut trouver les restes d'un dortoir bâti avec une structure voûtée et communiquant avec le transept sud. La maison du chapitre s'ouvre sur la même allée du cloître. Le petit cloître se trouve au sud-est d'un cloître plus grand, et plus à l'est on trouve les restes de l'infirmerie avec son couloir, et le réfectoire pour ceux qui ne pouvaient quitter leurs chambres. La maison de l'abbé forme une petite cour à l'entrée ouest, près de la porte intérieure. Il reste des vestiges assez importants de cette abbaye, comme le parloir de l'abbaye, la Chambre de Jérusalem, désormais utilisée pour les Disciples du Roi de Westminster, mais aussi les cuisines et les crèmeries.
L'abbaye d'York
L'abbaye d'York, dont ne subsistent que des ruines, montre la disposition bénédictine habituelle. Il reste assez de traces des bâtiments pour nous permettre d'identifier la grande église en croix, la cour du cloître avec la maison du chapitre, le réfectoire, la cour des cuisines, les bureaux attenants et les principaux appartements. L'infirmerie a complètement disparu. L'enceinte est entourée par un solide mur fortifié sur trois de ses côtés, la rivière Ouse donnant une protection suffisante sur le quatrième.
L'entrée se fait par une solide porte au nord. Une chapelle s'élevait près de la porte d'entrée — à l'endroit occupé maintenant par l'église Saint-Olaf — dans laquelle les nouveaux venus payaient leurs dévotions avant d'entrer. Près de la porte au sud se trouvait l'hospice.
Architecture d'une abbaye augustinienne
Les communautés de chanoines augustiniens (dits chanoines noirs à cause de la couleur de leur habit) possèdent quelques particularités qui les distinguent. L'ordre a son siège à Colchester, comté d'Essex, Grande-Bretagne, où une maison des augustiniens a été fondée autour de 1105 avant que l'ordre ne se diffuse très rapidement. Ordre régulier du clergé occupant une position intermédiaire entre les moines et le clergé séculier, et communauté ressemblant à une communauté de prêtres de paroisse vivant sous une règle commune, les Augustiniens ont adopté des nefs de grande taille afin de pouvoir héberger de grandes congrégations. Le chœur est généralement long, et parfois, comme à Llanthony et Christchurch (Twynham), il est entrecoupé d'allées, ce qui n'est pas le cas à Bolton, Kirkham ou ailleurs. Chez les communautés les plus septentrionales, la nef n'a souvent qu'une aile nord, comme à Bolton, Brinkburn ou au prieuré de Lanercost. La disposition des bâtiments réservés à la vie monastique suit le plan classique. La maison du prieur est invariablement rattachée à l'angle sud-ouest de la nef.

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Abbaye Saint-Augustin, Bristol A. Église abbatiale et sacristie B. Grand cloître C. Petit cloître D. Salle capitulaire ou du chapitre E. Chauffoir et scriptorium F. Réfectoire G. Parloir H. Cuisine I. Cour de la cuisine K. Cellules des moines L. Salle de l'abbé P. Porte d'entrée de l'abbé R. Infirmerie S. Bâtiment des convers T. Salle du roi V. Hôtellerie W. Porte d'entrée de l'abbaye X. Écuries et autres dépendances Y. Bains
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Ci-dessus, le plan de l'abbaye Saint-Augustin à Bristol (aujourd'hui cathédrale de la ville) montre la disposition des bâtiments, qui se démarque par quelques aspects du modèle bénédictin classique. La maison des chanoines augustiniens à Thornton, dans le Lincolnshire, est remarquable par la taille et la magnificence de son entrée, les étages supérieurs formant l'hôtellerie de l'établissement, ainsi que par sa maison du chapitre octogonale.
Fonctions et habitants d'une abbaye bénédictine
Fonctions
- L'abbé : les abbayes « en règle » sont dirigées par des abbés « réguliers » qui participent pleinement à la communauté de l'abbaye et qui sont garants de sa fonction religieuse. La règle de saint Benoît regorge de mots tels que arbitrium (pouvoir), judicium (décision, jugement), praeceptum (règle), voluntas (bon vouloir), permissio (permission), qui soulignent fortement combien le gouvernement du monastère est personnel et tout entier dans les mains (in arbitrio) de l'abbé à qui il est recommandé au §27,17 de ne pas exercer un pouvoir tyrannique.
Dérive de la fonction : fréquemment, l'autorité royale a modifié le statut des monastères en abbayes en commende. Ainsi elle nommait à leur tête un clerc non moine appelé « abbé commendataire », qui pouvait vivre en dehors de l'abbaye — voire ne jamais s'y rendre — et bénéficiait de revenus liés à l'entretien de sa charge. La commende, abus fréquent, a entraîné le déclin de nombreuses abbayes, avec la paupérisation de la communauté et l'abandon progressif de sa vocation initiale religieuse, conséquence des frustrations et colères qu'elle a engendrées chez les moines.
Certaines villes furent dirigées par les supérieurs d'une de leurs abbayes, on parle alors de « prince-abbé » : ce fut le cas de Saint-Riquier, Quedlinbourg, Gandersheim ou Fritzlar7.
- Le prieur : l'abbé se choisit un prieur pour le seconder durant son abbatiat. Il est au premier rang des « officiers » (obaedentiarii) qui sont chargés d'aider l'abbé à gouverner les hommes et à administrer les choses. Dire que ce fonctionnaire a les faveurs de Benoît de Nursie serait excessif, le partage des pouvoirs n'a pas ses faveurs. Il précise aussitôt : ce prieur exécutera « avec respect tout ce qui lui sera ordonné par l'abbé, il ne fera rien contre la volonté ou les ordres de l'abbé, il observera d'autant plus soigneusement les préceptes de la Règle qu'il a été placé au-dessus des autres ». Le chapitre 65, qui décrit l'institution des prieurs, débute par les mots scandala (mauvais exemple, scandale), superbia (orgueil), tyrannides (tyrannie), dissensiones (discorde), invidiae (envie, jalousie), rixae (querelle), detractationes (contestation), etc.8.
- Les doyens : dès le chapitre 21 de sa Règle, Benoît parle des doyens ou dizeniers, c'est-à-dire des « frères de bonne réputation et de sainte vie, choisis non d'après le rang, mais selon leur mérite de vie et la sagesse de leur doctrine, afin qu'en toute sûreté, l'abbé puisse, en partie, se décharger sur eux ». Mais même dans le cas de ces hommes d'élite, la Règle prévoit (§ 21, 11-12) que l'un ou l'autre pourrait se gonfler d'orgueil et se montrer répréhensible. Saint Benoît ne nourrit guère d'illusions sur ses ouailles9.
- Le cellérier : le cellararius est l'économe, l'intendant, l'administrateur général. Il veille au ravitaillement de la communauté, achète et vend les terrains et les bois, surveille les granges et les ateliers. Il est demandé à ce personnage important d'avoir au moins les qualités suivantes : l'obligeance, la mesure, la courtoisie, la bonne humeur, la politesse. Il a sous ses ordres :
- le chevecier (de capicerius, étymologiquement « celui qui a la garde du chevet de l'église »), aussi appelé « luminier » (il est chargé du luminaire de l'église), sorte de trésorier qui règle les émoluments des chanteurs, du maréchal-ferrant et du vétérinaire, et s'occupe des ornements d'autel et des vêtements des religieux ;
- le réfectoriste ;
- le grainetier, spécialement chargé de veiller au bon ensemencement des terres, et qui avait le boulanger (pistor) sous ses ordres ;
- le jardinier (hortulanus) ;
- le gardien des viviers, des vignes et des grains ;
- le pitancier (pistancerius) ;
- le connétable ou gardien des écuries ;
- un organisateur de la cuisine et des repas, aux côtés duquel œuvrent le cellerarius coquinae (de la cuisine) et le cellerarius vini (des vins)9.
- Le camérier, dit aussi chambrier, chambellan (chamberlain en anglais), reçoit les revenus du monastère, gère et ordonne les fonds, tient sous clé l'argent, les reliques, les archives, les titres de propriété, les contrats d'affaires. Il doit veiller au confort des frères et leur fournir notamment les essuie-mains, l'eau chaude pour le rasage, le savon, le cirage, aidé en cela par un vestiarius. Le sous-chambrier allume les lampes au crépuscule et les éteint à l'aurore9.
- Le préchantre (praecantor), donne le ton à l'église, règle les rythmes des offices, enseigne le chant aux moines et aux enfants, a la charge de la bibliothèque, a la responsabilité du scriptorium. Son adjoint, le succentor, a pour mission, durant les offices de nuit, de rappeler à l'ordre les frères quelque peu somnolents9.
- L'hôtelier (hostiliarius, hospitalerius), est chargé d'accueillir les hôtes de passage, spécialement les « frères dans la foi » et pèlerins. Il doit être au moins affable, souriant, diligent, d'allure respectable, de conversation agréable, disert, de contact facile, en un mot « extraverti ». Il veille à la parfaite propreté des locaux, du linge, de la vaisselle, des couvertures, des nappes et des couverts et, en hiver, fait préparer du feu et des chandelles. Il veille à ce que le cérémonial qui est prévu pour accueillir les hôtes soit en tous points respecté. Il s'entretient avec les hôtes et leur propose, si besoin il y a, de se laver les mains, manger, boire, se reposer. Le jour du départ, il procède à une tournée d'inspection pour vérifier que les hôtes n'oublient rien ou n'emportent rien10.
- Le maître des novices : dans la Règle, il n'est cité qu'en passant, sous le nom de senior (§58, 11-12) « apte à scruter les âmes et à surveiller les novices attentivement ». « Où que ce soit, on les gardera en surveillance jusqu'à ce qu'ils aient atteint l'âge de raison » (quinze ans à l'époque de la Règle)11.
- Le chancelier : les abbayes ont, très tôt, une chancellerie, dont les officiers portent le nom de scriptor, notarius, cancelarius. On appelle « marguillier » (matricularius), le religieux qui tient les registres, la matricule12.
- Le sacristain : le sacrorum custos a la responsabilité des vases sacrés et du trésor de l'église. Il veille à la propreté et au bon ordre de l'église, assure l'éclairage de l'église, du réfectoire, des appartements de l'abbé, du cellier, des locaux occupés par les hôtes. Il fournit les charbons ardents qui permettent à l'officiant de se réchauffer les mains, procure, en été, le foin et les plantes aromatiques nécessaires pour couvrir la terre des salles où il n'y a ni plancher, ni pavement13.
- L'infirmier a la charge des malades. Il doit être au moins « craignant Dieu, dévoué et soigneux ». Il doit s'occuper du jardin aux plantes médicinales, donner les soins nécessaires, assurer l'entretien du feu dans l'infirmerie et son éclairage, la nuit, et célébrer la messe chaque jour. L'infirmerie n'accueille pas que les malades : les vieillards, les infirmes, les déprimés y ont aussi leur place. On peut y parler, on y joue de la musique à l'intention des frères mélancoliques. On est dispensé de l'office et du travail, toutes bonnes raisons de se porter malade plus souvent qu'il n'est nécessaire14.
- L'aumônier : l'l'elemosynarius est chargé de distribuer les aumônes aux pauvres, aux mendiants, aux pèlerins, aux veuves, aux orphelins, aux clercs démunis, aux voyageurs, aux lépreux, etc. Il doit au moins se montrer bon, modéré, rempli de compassion et de charité, supporter sans impatience les plaintes et les récriminations de ceux qui l'assaillent sans cesse15…
- Les visiteurs : de tous les « officiers », les plus importants sont les visitatores, ces missi dominici du pouvoir central, chargés de vérifier, sur place, si la vie quotidienne des couvents se déroule comme il convient, conformément aux préceptes de la Règle et aux décisions du chapitre général. Leurs pouvoirs sont grands : ce sont ceux que leur ont délégué le pouvoir central lui-même. Ils vont jusqu'à leur permettre de déposer un abbé ou de déplacer un religieux d'une abbaye dans une autre16.
Habitants du monastère
- Au Moyen Âge, l'abbaye grouille de personnes qui ne sont pas des religieux : frères lais ; artisans ; serfs qui, en échange de leur travail, participent aux prières et aux bonnes œuvres du monastère et ont, de ce fait, quelques garanties pour leur salut personnel ; serfs volontaires, hommes libres engagés vis-à-vis de l'abbaye par un lien de servage personnel et la prestation d'un cens annuel ; affranchis et colons, tenanciers d'un lopin de terre monastique ; prébendiers — vieux ménages, accidentés du travail, serviteurs vieillis, vétérans plus ou moins valides — qui, en échange de la donation de leurs biens, des menus services qu'ils peuvent encore rendre ou parce qu'ils jouissent d'un bénéfice appelé « pain de l'oblat », reçoivent une pension alimentaire ; travailleurs salariés ; apprentis ; écoliers ; enfants « offerts » par leurs parents à l'abbaye ; oblats aussi appelés « offerts », « donnés », « voués », « rendus », laïques qui ont offert leur personne, leur travail et leurs biens au monastère, qui promettent obéissance à l'abbé, mais gardent leur liberté juridique, etc. L'économie intérieure de l'abbaye suppose la présence active de moines profès, c'est-à-dire de moines ayant prononcé leurs vœux religieux au cours d'une cérémonie solennelle. Les profès sont assimilés aux clercs : à l'origine, les prêtres étaient assez rares parmi eux. Mais assez vite, et en tous cas dès le Xe siècle, une grosse partie des moines a accédé aux ordres sacrés. On trouve aussi des novices, des convers, ou familiers, moines entrés adultes au monastère et le plus souvent illettrés. Au début, ils ne sont pas des religieux à part entière, on leur confie surtout des travaux manuels et leurs prières sont plus courtes ; mais à la fin du XIe siècle, ils sont admis à prononcer des vœux, sans devenir des moines au sens plein du terme17.
- Logement du candidat aux vœux (§ 58 de la Règle) : le candidat aux vœux est mal reçu, on le fait attendre à « la porte » pendant « quatre ou cinq jours » ; s'il persiste dans sa demande, on le loge pendant quelques jours dans « le logis des hôtes ». De là, il passe dans « le logement des moines » où il est pris en charge par un doyen (cf. supra). S'il persiste après deux mois, on lui lit la Règle intégralement, s'il tient bon, on le conduit à « la maison des novices » où, durant six mois, il étudie, médite, mange et dort. On lui relit la Règle ; s'il tient bon, son stage est prolongé de quatre mois et on lui relit la Règle une fois de plus. S'il promet de garder toutes choses et d'observer tout ce qui lui sera commandé, alors il est reçu et logé dans la communauté18.
- Prêtres et moines « étrangers » :
- pour être admis dans le monastère, le prêtre doit insister, lui aussi, s'engager à respecter la discipline de la Règle et garder le rang où il est entré dans la communauté ;
- le moine « étranger, survenant de contrées lointaines » est admis à la condition qu'il ne vienne pas « troubler le monastère par ses vaines exigences », qu'il ne soit « ni prétentieux ni vicieux ». S'il ne répond pas à ces critères, il est « poliment » invité à s'en aller19.
Évolution de l'abbaye bénédictine
Renouveau clunisien au Xe siècle
Avant son démantèlement, l'abbaye de Cluny est l'un des établissements les plus grands et magnifiques de France. On peut se faire une bonne idée de ses dimensions au milieu du XIIIe siècle grâce au pape Innocent IV qui l'a visitée, accompagné de douze cardinaux, d'un patriarche, de trois archevêques, des deux généraux des Cartusiens et des Cisterciens, du roi Saint Louis et de trois de ses fils, de la reine-mère, du comte de Flandre, de l'empereur de Constantinople, du duc de Bourgogne et de six lords. Tous logent au sein du monastère avec leurs suites, sans causer le moindre dérangement aux moines.
À Cluny, l'église et le plan général de l'ensemble ressemblent de manière frappante à la cathédrale de Lincoln. L'église Cluny III est très vaste : plus de 141 m de long sur 65 m de large. Le chœur se termine par une abside semi-circulaire entourée de cinq chapelles également semi-circulaires. L'entrée ouest est constituée du narthex flanqué de deux tours. Au sud de l'église se trouve la cour du cloître immense, placée beaucoup plus à l'ouest qu'à l'accoutumée. Au sud du cloître se trouve le réfectoire, un bâtiment imposant d'environ 20 × 30 mètres, rempli de six rangées de tables en longueur et de trois en travers. Il est orné des portraits des bienfaiteurs de l'abbaye et d'objets scripturaux. Sur le mur du fond est peinte une scène du Jugement dernier.
La première maison clunisienne en Angleterre est fondée à Lewes par le comte Guillaume Ier de Warenne en 1077. Il ne reste que quelques fragments des bâtiments de service.
Les abbayes clunisiennes les mieux conservées d'Angleterre sont Castle Acre, dans le Norfolk, et Wenlock dans le Shropshire. Les plans sont présentés dans les Antiquités architecturales de John Britton. Ils nous montrent des différences notables avec la disposition bénédictine. Dans chacune d'elles, la maison du prieur est d'une remarquable perfection.
Renouveau cistercien aux XIe et XIIe siècles
Le renouveau monastique suivant a été celui des cisterciens. L'ordre va bénéficier d'une diffusion plus étendue et d'une existence plus durable, dues en grande partie à la piété enthousiaste de saint Bernard, abbé de la première communauté cistercienne établie à l'abbaye de Clairvaux en 1115.
Les deux caractéristiques centrales des abbayes cisterciennes sont donc leur simplicité poussée à l'extrême et leur sobriété très étudiée. Une tour centrale unique est permise et doit être aussi basse que possible. Les artifices superflus, les tourelles, le triforium sont également interdits. Les fenêtres doivent être claires et non divisées, les vitraux sont interdits. Les croix doivent être en bois, les chandeliers en fer. Tout ornement inutile se voit ainsi proscrit, la renonciation au monde devient une évidence visible.
Le même souci s'observe dans l'implantation géographique des monastères, même de nos jours : plus un lieu est sauvage, isolé et éloigné de toute civilisation, meilleures sont ses chances d'accueillir une communauté cistercienne.
Néanmoins, il ne faut pas considérer les cisterciens comme des ascètes, mais comme les précurseurs de certains progrès. Les monastères cisterciens sont en effet construits dans des vallées profondes et bien irriguées, généralement au bord d'un cours d'eau, parfois plus en hauteur. Ces vallées, à présent si riches et si florissantes, présentaient un aspect bien différent quand les frères les avaient choisies comme lieu de retraite. La « claire vallée » de Clairvaux était réputée comme une vallée recouverte de forêts infestées de brigands. « C'était une solitude si morne et si sauvage, une terre si stérile qu'au début, Bernard et ses compagnons en furent réduits à vivre sur des feuilles de hêtres20. »
Un ordre très proche des cisterciens fut l'ordre des Chalaisiens. On lui doit une dizaine d'abbayes de style roman « bernardin » encore plus dépouillé que, par exemple, l'abbaye de Silvacane. De cet ordre, disparu assez rapidement en raison de l'absorption par les Chartreux de l'abbaye-mère, il reste quelques abbayes dont les principales sont Valbonne, près de Nice, et surtout Boscodon, dans les Hautes-Alpes (près d'Embrun).
Les abbayes des Prémontrés
En Europe continentale
En Angleterre
Les membres de l’ordre de Prémontré ont essaimé en Angleterre à partir de 1140 et se sont installés à Newhouse, dans le Lincolnshire, près de Humber. Le plan de l’abbaye d’Easby est irrégulier à cause de sa situation et du tracé irrégulier de la rivière sur les bords de laquelle elle est installée. Le cloître est placé au sud de l’église, elle-même entourée des bâtiments principaux. L’église est érigée conformément au plan adopté par les chanoines augustiniens dans leurs abbayes du nord et ne possède qu’une seule allée dans la nef, le chœur étant long, étroit et dépourvu d’allée. Les chanoines réguliers de Prémontré (aussi appelés « chanoines blancs ») disposaient de près de trente-cinq établissements en Angleterre, dont les représentants les plus emblématiques se trouvent à Easby (en) dans le Yorkshire et à Bayham dans le Kent. La maison principale de l’ordre en Angleterre se situe à Welbeck. L’ordre s’est largement répandu, alors que son fondateur était encore en vie, l’ordre possédait déjà des maisons en Syrie et en Terre sainte. Répondant bien aux besoins pastoraux et spirituels de l’époque, la discipline de l’Ordre se relâche par la suite — comme tous les ordres monastiques en Europe — après le concile de Trente, il connaît un nouvel âge d’or au XVIIIe siècle.
L’église de Bayham est dépourvue d’allée dans la nef comme dans le chœur, ce dernier se terminant dans une abside à trois côtés. Cette église est remarquable en raison de son excessive étroitesse en comparaison de sa longueur : pour une longueur de 78 mètres, sa largeur ne dépasse pas 8 mètres. Les sévères membres de l’Ordre ne voulaient pas de grands rassemblements et ne caressaient aucun rêve de prospérité : ils ont donc construit leur église comme une longue pièce.
Architecture des monastères des Chartreux
L'ordre des Chartreux n'investit aucun abbé puisque chaque monastère est gouverné par un prieur, aussi aucune de leurs maisons ne porte le titre d'abbaye.
L'ordre des Chartreux a développé une forme originale du monachisme occidental, associant vie communautaire ou cénobitisme et vie en solitaire ou érémitisme. Ce postulat implique une organisation nouvelle des bâtiments et donne naissance à une architecture propre.
La réforme de Saint-Maur en France
C'est une nouvelle conception de la vie monastique et de son architecture aux XVIIe et XVIIIe siècles. Elle a été supprimée en 1790 par l'Assemblée constituante.
Les abbayes et la Révolution française
Le décret de l'Assemblée constituante du déclare que les biens du clergé sont mis à la disposition de la Nation, entre autres ceux des ordres monastiques et des communautés religieuses.
Certaines abbaye sont supprimées, comme la Basilique Saint-Denis qui devient église paroissiale le 21.
Destructions, réutilisations et survivances.
La vie et l'architecture monastiques depuis 1905
Loi française de séparation des Églises et de l'État
L'abbaye aujourd'hui
- Le rôle et la vie des moines et moniales face à la société contemporaine
- Nouvelles traductions et tendances architecturales : depuis Le Corbusier et son couvent de La Tourette
Liste d'abbayes françaises
(* indique qu'une communauté monastique réside à l'abbaye)
Liste d'abbayes belges
Liste d'abbayes suisses
Liste d'abbayes canadiennes
Notes et références
- « Fédération des Abbayes Vaudoises » [archive], sur tir-vd.ch (consulté le )
- « Patrimoine immatériel » [archive], sur patrimoine.vd.ch (consulté le )
- Sylvain Muller, « Abbayes prises entre ouverture et tradition » [archive], sur 24heures.ch, (consulté le )
- Sarah Rempe, « L’Abbaye face à un tournant pour ses 125 ans » [archive], sur 24heures.ch, (consulté le )
- Moulin 1980, p. 381-382.
- Moulin 1980, p. 382-384.
- Moulin 1980, p. 412.
- Moulin 1980, p. 414-415.
- Moulin 1980, p. 416.
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- Milman, Hist. of Latin Christianity, vol. III, p. 335.
- Louis Grodecki, Les vitraux de Saint-Denis, Paris (France), CNRS, Arts et Métiers, (ISBN 2-7004-0018-6), p. 39
Voir aussi
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Bibliographie
- Gustave Boulmont, Les Fastes de l'abbaye d'Aulne-la-riche de l'ordre de Cîteaux, Gand/Namur, Vanderpoorten/Delvaux, , 259 p.
- Victor Dammertz, Saint Benoît père de l'Occident : Benoît, patron de toute l'Europe, t. Titres de Benoît, Anvers, Fonds Mercator, , 477 p.
- Jean Décarreaux, Saint Benoît père de l'Occident : Esquisse historique du monachisme bénédictin, Anvers, Fonds Mercator, , 477 p., chap. 3.
- Léo Moulin, Saint Benoît père de l'Occident : La vie bénédictine quotidienne hier et aujourd'hui, Anvers, Fonds Mercator, , 477 p., chap. 4.
- Maur Standaert, Saint Benoît père de l'Occident : La vie et la règle de saint Benoît, Anvers, Fonds Mercator, , 477 p., chap. 1.
- Jan Karel Steppe, Saint Benoît père de l'Occident : Saint Benoît dans les arts plastiques, Anvers, Fonds Mercator, , 477 p., chap. 2.
- Jacques Toussaint et al., Curvata resurgo : Histoire et patrimoine de l'abbaye Notre-Dame de Saint-Rémy de Rochefort, Namur, Jacques Toussaint, , 344 p. (ISBN 978-2-87502-049-9).
Articles connexes
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Chapelle
Une chapelle est un édifice religieux et lieu de culte chrétien qui peut, selon le cas, constituer un édifice distinct ou être intégré dans un autre bâtiment.
On désigne comme chapelle soit un édifice religieux secondaire dans une paroisse, soit un lieu de culte au sein d'un bâtiment ou d'un ensemble de bâtiments ayant une fonction précise (château, hôpital, école, cimetière, etc.).
Étymologie et sens
Le mot latin médiéval capella a laissé l'ancien français capelle vers 1090. Ce dernier mot désignant un édifice ou espace religieux chrétien a ensuite évolué vers « chapelle » en moyen français. La tradition étymologique française évoque une origine latine, par le mot bas latin cappa, signifiant « le capuchon, le manteau à capuchon », ou son diminutif cappella. La cappa désigne au VIIe siècle un grand manteau à capuchon. Ce mot latin fait référence au verbe transitif capello, capellare signifiant « enlever, ôter » en latin classique1. Il a laissé en ancien français le mot féminin chape et surtout son dérivé toujours de genre féminin chapete, le petit manteau, attesté au XIIe siècle.
D'un point de vue hagiographique, la chape saint Martin ou capa sancto Martino désigne initialement la relique du manteau d'officier de saint Martin2. Il a donné son nom au trésor des reliques rassemblées par le puissant abbé de Tours, sous l'autorité régalienne.
La chapelle palatine d'Aix-la-Chapelle construite dans un lieu-dit de repos équipé de sources thermales, appelé pour cette raison Aquae ou Aix, a été surnommée à partir du diminutif latin capella, en référence à la petite fraction de reliques importée de la chape de saint Martin de Tours qui se trouvait sous l'oratoire de cet édifice. Il peut être supposé, que, grâce au rayonnement international d'Aix-la-Chapelle, le mot capella (puis « chapelle » en français) ait été utilisé, dès le IXe siècle, pour désigner d'autres édifices religieux et lieux de culte chrétien n'ayant pas les pleins droits paroissiaux, c'est-à-dire sans statut d'église officielle selon l'autorité épiscopale3.
Par extension, on appelle « chapelle » l'ensemble des objets utilisés par le culte : calice, patène, chandeliers, etc. Ces objets étaient souvent des pièces d'orfèvrerie d'apparat, parfois créées pour une occasion particulière, comme l'ordination d'un évêque (« chapelle d'ordination »). Dans la marine, la « chapelle » était le coffre renfermant ces objets utilisés par l'aumônier du bord4.
Au sens du droit canonique
Le code de droit canonique de 1983 comporte des dispositions similaires pour les chapelles et les oratoires. Il désigne sous l'expression de « chapelle privée » « un lieu destiné au culte divin, […] pour la commodité d'une ou plusieurs personnes physiques »5. La messe ne peut y être célébrée sans autorisation de l'ordinaire du lieu6. Toutefois les évêques ont le droit d'avoir une chapelle privée sans autre formalité.
Des édifices qualifiés couramment de « chapelle » peuvent être regardées comme des églises par le droit canonique.
Architecture et usages
D'un point de vue architectural, la basilique est l'édifice emblématique des premiers chrétiens. Avec le développement d'activité au cours des assemblées ou ecclesiae des fidèles, régulières ou exceptionnelles, et surtout de la psalmodie et du chant sous l'épiscopat milanais de Saint Ambroise, une partition de l'espace public a été entreprise, des autels semi-publics possédant parfois des reliques sont apparus, en partie cachés par des tentures ou des aménagements du lieu central toujours ouvert et libre d'accès, mis à part le chœur consacré, réservés aux prêtres en exercice. Ils permettaient dans ce lieu sacré des concélébrations familiales ou semi-privées, des petites messes anniversaires des morts, messes basses ou évocations en l'honneur de saints martyrs, des exercices vocaux, des répétitions aux chants liturgiques, des entraînements au cérémonial, des cours de catéchisme…
Ces lieux fonctionnels à la fois semi-publics et semi-privés devaient disparaître, être enlevés avant les grandes messes dominicales ou festives. Ils auraient joué le rôle de cappellae ou de chapelles. Par la suite, les architectes d'église ont construit soit des renfoncements latéraux à la nef et au chœur, soit des bâtiments fonctionnels, indépendants ou annexes, pour abriter ces petits oratoires annexes à l'autel principal, nommés chapelles, plus tard confiés à des chapelains, responsables du mobilier et des objets liturgiques entreposés, produits de l'orfèvrerie du type vases sacrés, croix, burettes, luminaires…
De manière similaire, les églises annexes excentrées de l'église-mère ou éloignées, églises non paroissiales encore au XIVe siècle, se sont nommées définitivement chapelles et ont été attribuées à un chapelain, gardien responsable des objets consacrés, par exemple des statues des saints en dévotion. La chapellenie, ou cappellania en latin médiéval, est le bénéfice, sous forme de rentes diverses ou de part de mense, lié à l'entretien d'un prêtre ou chapelain, desservant la chapelle ou assurant un service régulier pour l'âme du donateur.
L'équivalent anglais est chantry et fait allusion à la pratique du chant. Le chant a cappella est le rituel du plain chant ou chant liturgique7. Ainsi, la chapelle Sixtine abrite la chorale de Sixte IV.
D'un point de vue rituel, les missionnaires chrétiens pouvaient posséder des petits autels ou chapelles portatives, pour célébrer la messe et accomplir les cérémonies rituelles. En ancien français, le chapel désigne en particulier une couronne de fleurs. La Fête-Dieu garde parfois cette vieille tradition de construction d'autel végétal éphémère, en plein air, de statut semi-public. Cette troisième hypothèse rejoint la deuxième.
Types de chapelles
Dans un édifice religieux
Dans un édifice tel qu’une cathédrale, une basilique, voire une simple église paroissiale, une chapelle est une subdivision privée de l’édifice où étaient célébrées des cérémonies distinctes. La chapelle comprend donc un autel secondaire qui voit se multiplier les messes privées sans cesse plus nombreuses et des dévotions qui se diversifient. La chapelle peut être dédiée à un saint différent de celui auquel est dédiée l'église. En particulier, dans les églises catholiques non dédiées à la Vierge Marie, la chapelle axiale lui est généralement consacrée. La nef ou les collatéraux peuvent être flanqués de chapelles latérales communicantes ou non. La chapelle absidiale s'ouvre sur l'abside8.
Chapelle castrale/palatine
Lorsqu’une chapelle est rattachée à un château ou à un château-fort, elle est qualifiée de « castrale » et en est un des éléments constitutifs. Elle possède autant un rôle religieux qu'un rôle de représentation9.
Elle est dite « palatine », si elle est rattachée à un palais.
Philippe Durand considère qu'elle est « l'un des éléments de la célèbre “trilogie” du palais », renvoyant à l'exemple de la chapelle palatine d'Aix-la-Chapelle9.
Chapelle double
Une chapelle double est une chapelle à deux étages. Elles étaient courantes dans les châteaux et les palais en Europe, principalement en Allemagne, jusqu'au XIIIe siècle. Il en existe également en Arménie. L'étage inférieur servait aux serviteurs, aux messes communes et au service funéraire, et l'étage supérieur aux seigneurs et aux célébrations privées. La pièce supérieure de l'église avait généralement une ouverture donnant accès à l'étage inférieur. Elles étaient avec le même plan d'étage, mais il existe des exceptions telle la chapelle du palais impérial de Goslar.
Sainte-chapelle
Une « sainte-chapelle » est une chapelle ayant reçu un fragment de la couronne d’épines du Christ[réf. nécessaire]. La Sainte-Chapelle de Paris qui abritait cette relique est la plus connue. La Sainte-Chapelle du château de Vincennes en est un autre exemple.
Spécificités régionales
Bretagne
En Bretagne, la plupart des hameaux possède une chapelle frairienne dite aussi chapelle de quartier10, dont beaucoup sont désormais entretenues par des associations. Chaque année, lors de la fête patronale, un pardon y est célébré. Il s'agit d'une messe votive, avec procession de la bannière et de la statue du saint vénéré. Une fête populaire se déroule ensuite, dont les bénéfices aident à l'entretien du lieu et aux œuvres charitables. Près de Quimperlé, par exemple, la chapelle de Lothéa a ainsi été totalement reconstruite en quinze ans.
Dans le centre de la Bretagne, dans le secteur de Pontivy, une manifestation artistique, « L'art dans les chapelles », est organisée chaque été depuis 1991. Elle permet à des œuvres d'art moderne et contemporain (peinture, sculpture) d'être présentées au public dans une vingtaine de lieux qui, sans cela, resteraient fermés et méconnus11.
Chapelles de procession au Québec
Chapelle de procession à
Lévis au Québec.
Au Québec12, une « chapelle de procession » est un édifice de confession catholique érigé en l'honneur d'un saint ou destiné à la procession du saint sacrement (Fête-Dieu). De façon générale, elle n'est pas affectée à la célébration de la messe.
Les chapelles de procession sont généralement conçues par paire et situées aux extrémités d'un village, de part et d'autre de l'église paroissiale.
Édifices rectangulaires ou terminés par une abside, ces chapelles de bois, de pierre et de brique sont de dimensions réduites et toujours surmontées d'un petit clocher. Leur intérieur est aménagé modestement et peut comprendre quelques meubles.
La tradition de la procession vient d'Europe et les premiers colons ont perpétué cet usage en Nouvelle-France. La mode des chapelles de procession prend son essor au début du XVIIIe siècle et se termine peu avant 1850. Ces chapelles ont suivi de près l'évolution de l'architecture québécoise.
Galerie
Notes et références
- L'influence du mot latin caput, capitis signifiant « tête » est aussi probable. Dans l'art de la distillation, la chapelle correspond au dôme au-dessus d'un alambic.
- Il s'agit de la moitié de son manteau, car le don au pauvre mendiant ne concerne pas la part de l'État romain.
- A. Rey (dir.), Dictionnaire historique de la langue française, 1998, p. 701, vo « Chapelle ».
- Littré, Dictionnaire de la Langue française, article « Chapelle ».
- « Code de droit canonique, 1226 » [archive], sur vatican.va (consulté le 30 mai 2019).
- « Code de droit canonique, 1228 » [archive], sur vatican.va (consulté le 30 mai 2019).
- L'expression italienne a cappella signifie « à la chapelle ».
- Claude Wenzler, Églises et cathédrales de la France médiévale, Édition de Lodi, , p. 71.
- Philippe Durand, Le Château-Fort, Éditions Jean-Paul Gisserot, coll. « Pour l'histoire », , 127 p. (ISBN 978-2-87747-435-1, lire en ligne [archive]), p. 37-39.
- Une forme spécifique de territorialisation paroissiale : les chapelles de quartier bretonnes [archive], Georges Provost, Presses universitaires de Rennes.
- « L'art dans les chapelles » [archive], sur artchapelles.com (consulté le 30 mai 2019).
Voir aussi
Articles connexes
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Église (édifice)
Pour les articles homonymes, voir Église.
Une église est un édifice religieux dont le rôle principal est de faciliter le rassemblement d'une communauté chrétienne. Son érection est commanditée par le clergé, financée par les dons des laïcs, réalisée par les artistes et artisans. Sa construction obéit à un ordonnancement architectural évoluant au fil des siècles selon son importance et sa fonction. Son entretien est dévolu au pouvoir religieux ou aux pouvoirs publics selon les pays et la conservation des plus remarquables est prise en charge au titre des différentes politiques de protection du patrimoine culturel.
Historique
L'histoire de l'édification des églises suit l'évolution de l'implantation du christianisme dans le monde romain, en Orient et en Occident, puis celle de l'évangélisation des nations sur tous les continents, depuis l'Antiquité tardive jusqu'à l'époque contemporaine avec une période phare située entre les XIe (art roman) et XVIe siècles (Renaissance).
Antiquité tardive
Établies dans les domus ecclesiae, les maisons des premiers chrétiens, et parfois édifiées à l'emplacement d'anciens lieux de culte païen, les premières églises connues sont celles de l'Antiquité tardive, comme la domus ecclesiae de Doura Europos en Syrie orientale (241), l'église du Saint-Sépulcre à Jérusalem (330) ou les Tituli de Rome comme le titulus Clementis (IVe siècle) érigé au-dessus d'un mithraeum.
Moyen Âge
« De sa naissance jusqu'à son dernier jour, l'église est associée à chacun des grands moments de la vie de l'homme médiéval. Au-delà de la pratique religieuse, l'église paroissiale, comme la cathédrale d'ailleurs à l'échelle de l'évêché, est un lieu de sociabilité, qui permet le rassemblement des petites gens et cimente la communauté humaine. Les corporations et les confréries y tiennent leurs réunions, ainsi que les instances civiles, tant que des « maisons communes » n'auront pas été construites. On y joue, on y bavarde, on y donne des rendez-vous, parfois galants. Sur son parvis, on paie la dîme et sur sa place, on organise marchés et foires1. Parfois, en période de trouble, on la fortifie pour pouvoir s'y retrancher. Enfin, en rythmant la journée des hommes, ses cloches sont les seules à lui fournir une donnée essentielle : l'heure2 ».
Dans le monde catholique romain, cohabitent les vivants et les morts à l'intérieur des églises paroissiales qui abritent les tombes individuelles ou des caveaux communs, périodiquement vidés, les restes étant transférés dans les ossuaires des cimetières attenants. Cette pratique des exhumations est à l'origine des odeurs pestilentielles que dégagent les corps ensevelis, ce qui forçait parfois les fidèles à sortir durant la messe dominicale3.
Renaissance
Dix-septième et dix-huitième siècles
Dix-neuvième et vingtième siècles
La patrimonialisation des sites religieux coïncide avec l'émergence du tourisme de masse (concernant notamment les visiteurs qui hésitent souvent entre le pèlerinage stricto sensu et le tourisme religieux) et la baisse de la pratique religieuse à partir des années 1960. De cultuel, l'enclos devient très lentement, mais progressivement, un lieu culturel. Conscientes de la paternité effective des lieux sacrés, les communautés locales pouvant bénéficier de ce tourisme sont inégalement portées par ce mouvement de réappropriation collective que constitue la patrimonialisation, certains fidèles acceptant mal l'hétérogénéité prononcée des visiteurs, croyants ou non4.
Fonctions des lieux de culte
Catholicisme
La
cathédrale de Laval, une église catholique qui a successivement servi de chapelle, d'église paroissiale puis tardivement de cathédrale.
Principal édifice de ce type de la paroisse dans le christianisme, l'église consiste en un bâtiment consacré à la prière et aux pratiques cultuelles des chrétiens comme la messe dite dans une église par le prêtre, dans le catholicisme et l'orthodoxie. Les édifices qualifiés de chapelles sont généralement privés, comme la chapelle d'un château, ou réservés à une communauté religieuse, par exemple un monastère.
Suivant ses statuts ou le clergé qui y est attaché, selon son importance (titres divers correspondant à une dignité) et sa fonction (église funéraire, commémorative, sanctuaire de pèlerinage, célébration du culte), une église catholique peut être appelée :
- cathédrale (primitivement « église cathédrale », le mot étant un adjectif) si elle est est l'église principale du diocèse, dans laquelle se trouve la cathèdre, à savoir le trône de l'évêque diocésain; une cocathédrale garde le statut de cathédrale bien qu'elle ne soit pas ou plus l'église principale du diocèse.
- primatiale (adjectif et nom) si elle est siège d'un primat, évêque ayant une primauté sur les autres.
- abbatiale (nom et adjectif) si elle est l'église principale d'une abbaye.
- collégiale (adjectif et nom) si elle est ou était desservie par un collège (le chapitre) de chanoines séculiers ou réguliers comme les augustins.
- priorale si elle est l'église d'un prieuré simple ou conventuel.
- paroissiale (adjectif seulement) si elle est le siège d'une communauté de chrétiens constituant une paroisse ; en France les communes instituées après la révolution ont le plus souvent repris les limites territoriales des paroisses.
- décanale (adjectif seulement) si elle est le siège d'un doyenné, regroupant plusieurs paroisses autour d'un doyen.
- basilique (adjectif et nom)
- si elle est une église à plan basilical.
- ou si elle a été fondée par un empereur.
- ou si elle a reçu ce titre spécial du pape du fait de sa fonction de lieu de pèlerinage lui donnant une fonction dépassant l'aire de la paroisse.
- Une chapelle est un lieu de culte secondaire :
- si elle dépend d'une paroisse, elle est alors destinée au culte d'un saint, d'une confrérie ou d'un quartier parfois appelé frairie en Bretagne.
- elle peut être privée, la célébration d'une messe est alors soumise a des autorisations exceptionnelles.
- elle est castrale ou nosocomiale si elle appartient à un château ou à un hôpital (chapelle d'autre bâtiment civil).
- elle est commémorative si elle marque un lieu particulier (source miraculeuse, emplacement d'un miracle, tombeau d'un saint isolé ou ex-voto).
- elle est cimetériale si elle est bâtie dans un cimetière.
- Un oratoire est un lieu destiné à la prière; construction d'importance variable allant d'un édifice monolithe doté d'une niche abritant une statue protégée par une grille à un édifice plus important analogue à une chapelle; parfois privé il est le plus souvent en bordure de route, d'un chemin de pèlerinage ou de procession.
Christianisme orthodoxe
- Une métropole est une cathédrale (siège d'archevêché).
- Un catholicon (ou katholikon) est l'église principale d'un monastère cénobitique oriental.
- Un kyriakon (mot qui a donné Kirche et church) est l'église principale d'une skite ou d'une laure.
- La plus grande église d'une ville, si elle n'est pas cathédrale, est appelée en Grèce katholiki sans rapport avec le catholicisme.
Le terme générique désignant le ou les saint(s) au(x)quel(s) l'église est dédiée est le vocable ou la dédicace.
Protestantisme
Dans le protestantisme, l'édifice ayant la même utilité est historiquement appelé le temple et non pas l'église, le terme « Église », avec majuscule, étant essentiellement retenu pour désigner l'institution, ou bien la communauté des chrétiens. Dans quelques cas exceptionnels, notamment dans le contexte luthérien institutionnel, le mot église est utilisé pour désigner un édifice.
Christianisme évangélique
Les lieux de cultes évangéliques sont généralement appelés « temple » ou « bâtiment (d'église) »5, 6 ,7. Dans certaines megachurches, l’appellation « campus » est parfois utilisée 8,9. L’architecture des lieux de cultes est majoritairement caractérisée par sa sobriété10,11. La croix christique est l’un des seuls symboles spirituels qui peut généralement être vu sur le bâtiment d’une église évangélique et qui permet d’identifier l’appartenance du lieu 12,13.
Certains cultes ont lieu dans des théâtres, des écoles ou des salles polyvalentes, en location pour le dimanche uniquement 14,15 , 16. En raison de leur compréhension du deuxième des dix commandements, les évangéliques n’ont pas de représentation matérielle religieuse comme des statues, des icônes ou des tableaux dans leurs lieux de culte17,18. Dans certains bâtiments se trouve un baptistère, sur la scène de l’auditorium (aussi appelée « sanctuaire ») ou dans une salle distincte, dans lequel on procède au baptême par immersion19,20.
Architecture
Plan type d'une église classique en forme de croix latine, avec
nef et
transept
Dans la religion chrétienne, aucun texte n'édicte de règle architecturale pour la construction d'une église. De même, la liturgie n'impose aucune formule, aucun style mais les maîtres d'ouvrage appliquent les prescriptions du droit canon selon lesquelles les ordinaires doivent « surveiller que, dans la construction et la réparation des églises, soient respectées les formes acceptées par la tradition chrétienne ainsi que les règles de l'art »21.
« Orientation »
L'église originelle du Saint-Sépulcre de Jérusalem était composée de deux bâtiments : à l'est du rocher du calvaire s'élevait une basilique (le Martyrium), et à l'ouest du rocher se trouvait la rotonde (l'Anastasis) abritant le tombeau de Jésus. Cette basilique fut orientée Est-ouest, comme le Temple de Jérusalem alors en ruines, faisant de cet édifice chrétien le « nouveau Temple » du Christ22.
Trois des quatre basiliques majeures de Rome ont gardé cette orientation avec l'entrée à l'est et l'autel à l'ouest : la Basilique Saint-Pierre, la Basilique Saint-Jean-de-Latran, et la Basilique Sainte-Marie-Majeure. Cependant, la plupart des églises adoptent l'orientation réciproque, avec la façade à l'ouest et l'autel vers l'orient. Près d'un tiers des églises sont occidentées à l'origine (avant la période byzantine) mais il apparaît d'abord que l'orientation des églises n'est pas la règle23.
Depuis les origines et jusqu'au XVe siècle, dans tous les pays chrétiens, l'édifice de l'église était adapté à une prière communautaire dirigée vers l'orient - c'est là l'origine du mot « orientation ». Car l'attente du soleil levant (symbole du Christ ressuscité, et qui dit par ailleurs qu'il est « la lumière du monde » - Jean 8,12) est un trait essentiel de la prière et de la spiritualité chrétiennes. Aujourd'hui cette tradition est maintenue dans l'Église de l'Orient. De même, « le soleil signifie d’abord lumière et lumière suprême (…) et selon saint Eusèbe d'Alexandrie, les chrétiens jusqu'au Ve siècle adoraient Dieu le visage tourné vers le soleil levant. Le soleil montant est d’ailleurs très souvent comparé à un oiseau. Le mazdéisme assimile le soleil à un coq qui annonce le lever du jour, et nos clochers chrétiens portent encore cet oiseau qui symbolise la vigilance de l’âme en attendant la seconde venue du Christ, la naissance de la Grande Aurore »24. Le coq est d'ailleurs souvent représenté avec les instruments de la Passion.
À l'intérieur des églises d'Occident, les fidèles étaient traditionnellement répartis des deux côtés de la nef : les hommes au sud (à droite en regardant vers l'autel) et les femmes au nord. Dans le rite copte d'Égypte c'est l'inverse, avec les femmes à droite et les hommes à gauche.
L'orientation traditionnelle du chœur vers l'orient est déclarée facultative selon les préceptes des Instructions fabricae de Charles Borromée, artisan de la Réforme catholique et selon le pape Pie V qui considère en 1572 qu'il importe plus que la façade de l'église soit bien orientée par rapport à la ville, son axe principal et sa grande place25.
Lieu de construction
Les premières églises, au temps de la clandestinité ou de la plus ou moins grande tolérance selon les régions et les autorités, c'est-à-dire avant l'édit de Milan en 313, étaient des maisons-églises (Domus ecclesiae), c'est-à-dire une pièce réservée dans la demeure d'un membre de la communauté chrétienne. Cependant, les textes qui en font état (Actes des Apôtres, procès-verbaux dressés lors des persécutions des chrétiens) mentionnent la communauté, appelée l'Ecclesia ou l'église domestique, et non l'emplacement matériel26. Une vision romantique veut que les catacombes furent parfois utilisées comme telles lorsqu'elles commencèrent à être édifiées, notamment à Rome mais elles servaient de cimetières où les chrétiens enterraient chaque jour les leurs près des martyrs (inhumation ad sanctos) sur les tombes desquels ils pratiquaient un culte funéraire à la romaine, le refrigerium.
Dans les villes romaines, après la chute des religions polythéistes les évêques s'efforcèrent d'établir dès le IVe siècle les lieux de culte au Christ (l’ecclesia parfois qualifiée d’ecclesia mater ou senior) à l'emplacement de temples (exemple : le Parthénon à Athènes ou le Panthéon à Rome) ou de fana convertis pour l'occasion ou le plus souvent de lieux particuliers intra-muros au sein du groupe épiscopal. Les chapelles des grands domaines fonciers deviendront souvent des églises paroissiales[réf. nécessaire]. Les lieux de culte suburbains étaient par contre construits sur des zones cémétériales, lieux de sépulture d'un martyr ou de son supplice de type martyrium, oratoire ou basilique27.
Traditionnellement, lorsque l'on décidait de construire une église :
- on choisissait un saint protecteur de cet édifice (le saint patron) ; ce choix était souvent le fait du responsable temporel de l'église sur le domaine duquel allait être construite l'église : l'évêque, un propriétaire, ou des abbayes.
- pour les plus grandes églises, à partir du milieu du Moyen Âge, à l'endroit choisi pour ce qui serait la croisée des transepts, on plantait ponctuellement un grand mât le jour de la fête du saint patron ; cette opération avait lieu au lever du soleil si cette fête se célébrait avant le solstice d'été, ou au coucher du soleil si cette fête se célébrait après le solstice d'été. On notait alors l'ombre portée par le mât, la direction de cette ombre définissant l'axe est-ouest (appelé decumanus chez les Romains). D'autres opérations s'ensuivaient : tracé du cercle dans lequel s'inscriraient les quatre piliers du transept, tracé du cercle définissant le sanctuaire, définition de la nef...
En Europe occidentale, le style architectural des églises s'illustre en plusieurs périodes successives dont voici les principales :
Art roman
L'art roman se reconnaît principalement par l'emploi de l'arc en plein cintre, qui forme un demi-cercle parfait. Il utilise les techniques et souvent les décors, hérités de l'Antiquité, d'où son nom.
Son aspect est souvent massif, pas très élancé, avec d'assez petites ouvertures et des murs épais parce que l'église romane est conçue pour être couverte de fresques, pour être utilisée la nuit (nombreuses vigiles non seulement monastiques, mais aussi paroissiales) et pour être éclairée de lampes. À cette époque on ne connaît pas encore le progrès technique des arcs-boutants et des clefs de voûte (vers le XIIe siècle) ; on utilise alors de larges murs pour éviter un effondrement du toit.
L'art byzantin, en Orient, est une variante de l'art roman qui privilégie les plans centrés inspirés de la Grande Église (Sainte-Sophie de Constantinople). Il ignore le déambulatoire.
Art gothique
Les voûtes gothiques de l'église abbatiale de Fécamp.
L'art gothique se reconnaît par l'emploi de l'arc brisé, dont la clef de voûte forme un angle entre les deux arcs qui la composent. Il a surtout été utilisé pour la reconstruction des cathédrales.
Son aspect est plus svelte et élancé grâce à l'emploi d'arcs-boutants, qui permettent de reporter la poussée loin des murs et servent de gouttières pour rejeter les eaux de pluie. Les murs sont alors évidés pour faire place à de larges baies ; les façades s'ornent de splendides vitraux comme à la Sainte Chapelle, ou dans la Cathédrale de Beauvais, plus haute clef de voûte gothique avec ses 48 mètres, caractérisée par sa forme en croix grecque (le transept et la nef possèdent la même longueur). On utilise aussi des gargouilles, monstres difformes censés éloigner le Diable. Celles-ci sont souvent en haut des tours ou à l'embouchure des gouttières, comme ornements.
Architecture contemporaine
On qualifie de contemporaines les églises bâties en France à partir des années 1920, à la suite des destructions de la première Guerre mondiale notamment. Les architectes renouvellent le sujet, proposent des innovations tout en veillant au respect des normes liturgiques. Certaines églises sont issues du mouvement d'urbanisation des villes, l'Église catholique souhaitant que des édifices de culte soient au plus près des populations : l'église Notre-Dame du Raincy par Auguste Perret est l'une d'entre elles.
À partir des années 1950, à la suite des destructions de la seconde Guerre mondiale, plus importantes, la reconstruction d'édifices accompagne le mouvement liturgique qui précède le concile Vatican II, et introduit bon nombre d'innovations notamment en France et en Allemagne, nations durement touchées. La Revue de l'art sacré s'en fait un écho minutieux.
Dans les années 1960 les églises contemporaines correspondent d'une part à la reconquête catholique des quartiers et des banlieues, d'autre part à la fin de la période des reconstructions.
Elles possèdent des signatures architecturales : Le Corbusier, Claude Parent, Paul Tournon. Elles abandonnent le plus souvent la forme de croix romaine (nef et transept). Siège du diocèse d'Évry-Corbeil, la cathédrale de la Résurrection d'Évry est la seule cathédrale à avoir été consacrée en France au XXe siècle.
Entretien des églises et conservation du patrimoine
France
Faute d'un entretien suffisant de la part des municipalités qui en ont la charge, plusieurs milliers d'églises sur les 45 000 que compte la France encourent un risque important d'être rasées dans les prochaines années28. Il faut remarquer que les villages n'ont pas toujours les moyens financiers d'entretenir leur église, même si elle n'est pas très imposante. De même, certaines grandes villes qui comptent les dizaines de superbes édifices ne peuvent souvent assurer seules l'entretien et les travaux. La France est l'un des pays qui comptent le plus d'édifices religieux29, et c'est de façon globale que le coût de restauration est très élevé. Ce problème s'applique de la même façon aux très nombreux châteaux et manoirs.
Il n'y a pas de véritable recensement des bâtiments culturels en France. L'Observatoire du patrimoine religieux en estime le nombre à 100 000 sur la base d'une moyenne de 2,5 édifices dans chacune des 36 000 communes30.
Néanmoins, un grand nombre de communes restaurent de façon remarquable leurs églises. La commune d'Écouen, par exemple, achève en 2010 les importants travaux de rénovation intérieure de l'église Saint-Acceul, édifice connu pour son architecture (Jean Bullant), mais surtout pour ses vitraux. Le coût de ce chantier est estimé à près de 1,5 million d'euros, financé en partie par l'État.
Certaines communes organisent dans leur église, en plus des offices religieux, des événements laïques, comme des concerts d'orgue ou d'autres instruments d'époque.
Ces petites festivités permettent souvent d'attirer un nouveau public dans les églises, voire de financer une partie de l'entretien. Ces utilisations détournées sont fréquentes en France, certaines villes faisant même le choix de reconvertir les édifices religieux en centre culturel.[réf. nécessaire]
Les églises reconnues pour leur architecture ou leur décoration intérieure peuvent générer une activité touristique et donc un dynamisme économique, à même de faciliter leur entretien. Mais tous les édifices religieux ne présentent pas d'intérêt touristique, ce qui complique leur restauration.
Église et énergies renouvelables
Avec l'évolution technologique et la baisse des coûts de production des panneaux solaire photovoltaïque31,32, de plus en plus de communes font le choix d'installer sur le toit de leurs églises des panneaux photovoltaïque33.
Le Label Église verte en France
Dans la foulée de l'encyclique Laudato si' du pape François « sur la sauvegarde de la maison commune » (sauvegarde de la Création) parue en juin 2015, le label Église verte [archive] a été créé en 2017 pour favoriser la conversion écologique des communautés chrétiennes (églises, monastères et établissements chrétiens)34.
Conversion des églises
Église de campagne (Pays-Bas).
Dès les premiers siècles du christianisme, l'institution ecclésiale devient propriétaire de ses lieux de culte. La législation pontificale invalide par la suite toute aliénation des propriétés ecclésiastiques opérée sans avis de Rome et cherche un appui auprès des pouvoirs civils, non seulement pour défendre son bien mais aussi pour l’insérer dans un cadre qui puisse défier le temps. Depuis le XXe siècle, s'est posée la question de certaines reconversions pour fonctions différentes35.
Par pays
Australie
À Melbourne quelques églises ont été désacralisées et transformées en crèches, écoles voire appartements.[réf. nécessaire]
Suisse
En Suisse, les réaffectations ne sont pas rares. Certaines sécularisations sont d'ailleurs anciennes, ainsi, celle de l'ancien couvent cistercien de Bonmont, dont l'église, désaffectée à la Réforme en 1536, devient grenier et bâtiment rural (aujourd'hui lieu de concerts), ou encore l'église baroque du couvent bénédictin de Bellinzone, sécularisée à la Révolution et transformée en « Passage » à la fin du XIXe siècle36. De nombreux lieux de culte sont aujourd'hui réaffectés à des activités culturelles : l'ancienne église Saint-Matthieu, à Bâle, qui reçoit des personnes immigrées (repas, célébrations, films, etc.) ; l'ancienne église Saint-Joseph, à Lucerne, dont l'immense volume abrite désormais des congrès, concerts, pièces de théâtre, banquets et autres réunions; la chapelle Regina Mundi, à Fribourg, devenue salle de lecture de l'Université, ou encore l'ancien temple réformé Saint-Luc, à Lausanne, devenu maison de quartier37, alors qu'une église de Winterthour a été transformée en logements pour des réfugiés38.
Par type d'affectation
Appartements
- Condominiums, 6655, boulevard Saint-Laurent, Montréal, Canada (ancienne église Saint-Jean-de-la-Croix)39.
Centre de recherche
- Centre de recherche L'Hôtel-Dieu de Québec, édifice Saint-Patrick (ancienne église irlandaise Saint-Patrick)40.
Bibliothèque
- Bibliothèque Claire-Martin (ancienne bibliothèque Saint-Jean-Baptiste), Québec, Canada (ancienne église anglicane Saint Matthew)41
- Bibliothèque Vieux-Québec, Québec, Canada (ancien temple Wesley)42
- Bibliothèque du Mile-End, Montréal, Canada (ancienne église de l'Ascension)
- Bibliothèque autour de 1925, Tbilissi (ancienne église Norashen, elle sera reconvertie en église plus tard)
Salle de spectacle ou salle de réunion
- L'Anglicane, ancienne église anglicane Holy Trinity, Lévis, Québec, Canada
- Vieux Clocher de l'UdeS, Sherbrooke, Québec, Canada
- Vieux Clocher de Magog, Magog, Québec, Canada
- Temple Saint-Georges de Montbéliard, Montbéliard, Doubs, France
- Abbatiale Saint-Ouen de Rouen, Rouen, Seine-Maritime, France
- Église Saint-Jean de Dijon, Dijon, Côte-d'Or, France
- Église Saint-Clément de Craon, Craon, Mayenne, France
- Église Saint-Siméon, Bordeaux, Gironde, France
- St John's Smith Square Westminster, Londres, Royaume-Uni
- Église Erskine and United American, Montréal, Québec, Canada
Changement de culte
Lieux de culte multiconfessionnels
Dans l'histoire, en fonction des changements de majorité dans la confession des habitants d'un territoire on a pu voir des lieux de culte changer de destination : cathédrales devenant mosquées (Sainte Sophie) ou l'inverse (Mezquita de Cordoue). De nos jours l'actuelle mosquée Jamme Masjid de Brick Lane, à Londres a fait office de temple protestant, au temps des huguenots, avant de se transformer en synagogue, puis en mosquée récemment. En France, au début de l'été 2015, Dalil Boubakeur, recteur de la Grande Mosquée de Paris a suggéré de transformer43 les églises inutilisées en mosquées avant de revenir sur sa proposition.
Dans certains lieux particuliers, comme les aéroports, les hôpitaux ou bien les prisons on peut trouver des lieux de recueillement multiconfessionnels.
Une autre catégorie de lieux de culte se développe également intégrant dès la construction de l'édifice le caractère multiconfessionnel comme la Chapelle de la Croisée des Chemins en France, le Temple de Moncton au Canada ou le projet "friday, saturday, sunday"[1] [archive] des architectes britanniques Leon, Lloyd et Saleem44, le projet "Tri Faith [archive]" à Omaha (Nebraska, USA) ou le projet "House of One [archive]" à Berlin.
Églises bétournées
Les églises qui ne sont pas orientées selon l'usage chrétien universel et ancien mais qui se trouvent soient tournées vers l'Occident, soit construites sur un axe nord-sud et tournées vers le nord ou vers le sud sont qualifiées de « bétourné ». Ce terme signale ainsi une anomalie qui procède soit de la construction initiale et d'une configuration particulière du terrain, soit d'une modification ultérieure de l'édifice. C'est pourquoi ce qualificatif ne s'applique pas aux grandes basiliques constantiniennes de Rome dont l'entrée principale a été située délibérément à l'est et l'autel à l'ouest car ces sanctuaires ont été bâtis pour que le clergé y prie tourné vers l'est et face à son peuple tels des pasteurs qui suivent le troupeau.
Il ne s'applique pas non plus aux églises construites en Occident après la fin du Moyen-Âge puisque l'usage s'instaura à partir de cette époque de ne plus respecter la règle ancienne et de ne plus respecter l'orientation de la prière chrétienne. Il en existe plusieurs en France comme :
Notes et références
- L'aître et le cimetière attenant à l'église semblent bien peu distingués de la place publique et du parvis, au point que des foires et marchés pouvaient s'y tenir. Cf Laurence Baudoux-Rousseau, Youri Carbonnier, Philippe Bragard, La place publique urbaine. Du Moyen Age à nos jours, Artois Presses Université, , p. 32
- Claude Wenzler, Églises et cathédrales de la France médiévale, Édition de Lod, , p. 28
- Alain Cabantous, Le Dimanche, une histoire, Le Seuil, , p. 128
- Sylvette Denèfle, Identités et économies régionales : actes du Colloque Identités culturelles et développement économique, L'Harmattan, , p. 58.
- D. A. Carson, Worship: Adoration and Action: Adoration and Action, Wipf and Stock Publishers, USA, 2002, p. 161
- Jeanne Halgren Kilde, Sacred Power, Sacred Space: An Introduction to Christian Architecture and Worship, Oxford University Press, USA, 2008, p. 193
- Harold W. Turner, From Temple to Meeting House: The Phenomenology and Theology of Places of Worship, Walter de Gruyter, Allemagne, 1979, p. 258
- Justin G. Wilford, Sacred Subdivisions: The Postsuburban Transformation of American Evangelicalism, NYU Press, USA, 2012, p. 78
- Loveland et Wheeler 2003, p. 2.
- Peter W. Williams, Houses of God: Region, Religion, and Architecture in the United States, University of Illinois Press, USA, 2000, p. 125
- Murray Dempster, Byron D. Klaus, Douglas Petersen, The Globalization of Pentecostalism: A Religion Made to Travel, Wipf and Stock Publishers, USA, 2011, p. 210
- Mark A. Lamport, Encyclopedia of Christianity in the Global South, Volume 2, Rowman & Littlefield, USA, 2018, p. 32
- (en) Anne C. Loveland et Otis B. Wheeler, From Meetinghouse to Megachurch : A Material and Cultural History, USA, University of Missouri Press, , p. 149.
- Annabelle Caillou, Vivre grâce aux dons et au bénévolat [archive], ledevoir.com, Canada, 10 novembre 2018
- Helmuth Berking, Silke Steets, Jochen Schwenk, Religious Pluralism and the City: Inquiries into Postsecular Urbanism, Bloomsbury Publishing, UK, 2018, p. 78
- George Thomas Kurian, Mark A. Lamport, Encyclopedia of Christianity in the United States, Volume 5, Rowman & Littlefield, USA, 2016, p. 1359
- Cameron J. Anderson, The Faithful Artist: A Vision for Evangelicalism and the Arts, InterVarsity Press, USA, 2016, p. 124
- Doug Jones, Sound of Worship, Taylor & Francis, USA, 2013, p. 90
- William H. Brackney, Historical Dictionary of the Baptists, Scarecrow Press, USA, 2009, p. 61
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- « Des maires sont contraints de démolir leurs églises » [archive], Le Figaro (consulté le )
- Combien d’églises détruites dans 20 ans ? [archive]
- Magazine Maires de France de juin 2008
- « L'Irena annonce une baisse de 50% du coût du solaire PV d'ici 2020 » [archive], sur L'Echo du Solaire, (consulté le )
- « Pour le photovoltaïque, l'avenir est radieux » [archive], sur Révolution Énergétique, (consulté le )
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- (de) Johannes Stückelberger, « Typologie der Kirchenumnutzungen », K+A Art + Architecture en Suisse, no 1, , p. 32-39 (ISSN 1421-086X)
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- Municipalité de Montréal [archive]
- Centre de recherche du CHU de Québec [archive]
- Bibliothèques de Québec [archive]
- Bibliothèques de Québec [archive]
- Transformer des églises en mosquées va dans le sens de la laïcité républicaine [archive]
- SCLAVO, O. (2013) "Juifs, chrétiens et musulmans en colocation. Le projet Friday, Saturday, Sunday" Usbek & Rica n° M01736 automne 2013, p. 62-63.
Voir aussi
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Articles connexes
Bibliographie
- Monzo, Luigi: croci e fasci – Der italienische Kirchenbau in der Zeit des Faschismus, 1919-1945. 2 vol. Karlsruhe 2017 (thèse, Karlsruhe Institute of Technology, 2017). [archive]
- A. Munier, Un projet d'église au XXe siècle, Desclée, De Brouwer, 1933
- « Réaffectations d’églises », K+A Art + Architecture en Suisse, no 1, , p. 1-80 (ISSN 1421-086X)
- Erlande-Brandenburg, Alain, Qu'est-ce qu'une église ?, Gallimard, Paris, 333 p., 2010 ;
- Gendry Mickael, L’Église, un héritage de Rome, Essai sur les principes et méthodes de l’architecture chrétienne, Religions et Spiritualité, collection Beaux-Arts architecture religion, édition Harmattan 2009, 267 p.
Paurd, Christiane, Nos petites églises, des clefs pour visiter et comprendre, éditions Yellow Concept, Saint-Suliac, 443 p., 2013
Liens externes
Cathédrale
Une cathédrale est, à l'origine, une église dans laquelle se trouve le siège de l'évêque (la cathèdre) ayant la charge d'un diocèse. Le mot renvoie donc à une fonction et non à une forme spécifique d'église. La cathédrale est en usage dans l'Église catholique, l'Église orthodoxe, la Communion anglicane et l'Église luthérienne.
Étymologie et termes associés
Le terme cathédrale est d'abord un adjectif dans la locution église cathédrale (yglises cathedraux, « églises épiscopales » dès 11801) avant de devenir un substantif au XVIIe siècle.
En français, le verbe cathédrer et le participe cathédrant ont signifié « présider »2 et « présidant3 ».
Le mot latin d'origine grecque cathedra, « siège à dossier », par extension « charge épiscopale ou autre » a régulièrement abouti au français chaire, « siège à dossier », « chaire de professeur ». La forme chaise est issue de chaire par assibilation dialectale du r intervocalique.
En Italie et dans une partie de l'Allemagne, notamment dans la province ecclésiastique de Cologne, une cathédrale est souvent appelée dôme (en italien : duomo ; en allemand : Dom), du latin domus, abréviation de domus Dei, c'est-à-dire « maison de Dieu ». Ainsi la cathédrale de Milan est-elle couramment appelée, en italien, le duomo di Milano.
Dans d'autres parties de l'Allemagne et en Alsace, une cathédrale est souvent appelée Münster, du latin monasterium. Ce terme est aussi l'origine du terme anglais minster, utilisé pour désigner notamment les cathédrales d'York (York Minster) et de Southwell (Southwell Minster).
Dans la péninsule Ibérique, une cathédrale est souvent appelée siège (en espagnol : seo ; en aragonais : seo ; en catalan : seu ; en portugais : sé ; en galicien : sé), du latin sedes. Ainsi la cathédrale Saint-Sauveur de Saragosse est-elle couramment appelée, en aragonais, la seu d'o Salvador de Zaragoza. La cathédrale d'Urgell, couramment appelée, en catalan, seu d'Urgell, a donné son nom à la ville de La Seu d'Urgell, antérieurement appelée Urgell.
Une procathédrale est une cathédrale provisoire : soit une église qui assume provisoirement la fonction de cathédrale sans en avoir le titre canonique, en raison de l'indisponibilité de la cathédrale « titulaire » (en travaux, en construction, démolie, etc.).
Une cocathédrale est un édifice religieux élevé au rang de cathédrale alors qu'il en existe une autre dans le diocèse. La cocathédrale latine de Jérusalem en est un exemple.
Le prêtre qui supervise les offices et la gestion d'une cathédrale est appelé archiprêtre (ou recteur-archiprêtre si celle-ci a le rang de basilique).
Histoire et organisation
Origine et évolution des cathédrales
Dans les églises primitives qui se développent après l'édit de Milan en 313, le trône de l'évêque, la cathèdre (cathedra en latin) est placée au fond de l'abside, dans l'axe, comme le siège du juge de la basilique antique, tandis que l'autel s'élève en avant de la tribune, ordinairement sur le tombeau d'un martyr. L'évêque, entouré de son clergé, se trouve ainsi derrière l'autel, isolé et dépourvu de retable, et voit donc l'officiant en face. Cette disposition primitive — puisqu'elle n'est plus usitée dans le novus ordo — explique pourquoi, jusque vers le milieu du dernier siècle du Moyen Âge, dans certaines cathédrales, le maître-autel n'est qu'une simple table sans gradin, tabernacles ni retables.
Dans les églises cathédrales, les évêques procèdent aux ordinations. Lorsqu'un évêque est invité par l'abbé d'un monastère, une cathèdre est disposée au fond du sanctuaire, l'église abbatiale devenant temporairement une cathédrale.
Le siège épiscopal est considéré comme le signe et le symbole de la juridiction des évêques. La cathédrale n'est pas seulement une église dédiée au service du culte, elle conserve, surtout durant les premiers siècles du christianisme, le caractère d'un tribunal sacré, analogue à celui de la basilique antique. Ainsi, les cathédrales demeurent jusqu'au XIVe siècle, des édifices à la fois religieux et civils. Le bâtiment principal est celui qu'on remarque en premier (il est d'ailleurs le plus valorisé par les réfections patrimonialisantes) mais il s'intègre dans un vaste complexe monumental, le groupe épiscopal. Si la cathédrale est, comme toute église, d'abord la maison de Dieu, on ne s'y réunit pas seulement pour assister aux offices religieux, on y tient aussi des assemblées de nature politique ou commerciale, les considérations religieuses n'étant cependant pas dépourvues d'influence sur ces réunions civiles ou militaires. Marchés ou fêtes se tiennent aux portes de la cathédrale mais aussi dans sa nef ou ses bas-côtés qui accueillent la vie grouillante du peuple, des quêteurs, mendiants, auxquels se mêlent mauvais garçons et prostituées, où traînent chiens et cochons les jours de foire4.
Contrairement aux idées reçues, la cathédrale de Rome n'est pas la basilique Saint-Pierre du Vatican mais la basilique Saint-Jean de Latran, « tête et mère des églises de la Ville et du monde ». Autre idée reçue, la construction des cathédrales romanes fait bien partie du « blanc manteau d'églises » qui, selon la formule de Raoul Glaber, est l'œuvre des évêchés ou des monastères. Mais les cathédrales gothiques du Moyen Âge classique issues de l'essor urbain lié aux progrès de l'agriculture ne sont généralement pas construites par les princes, les rois ou les évêques (selon la légende romantique, ils y verraient un moyen d'affirmer la puissance de la foi au cœur de leurs diocèses), mais par les villes (avec leurs riches nobles et bourgeois) et par les chanoines (en général membres de familles aristocratiques et fortunées), le clergé bourgeois5. Ainsi de nombreux historiens qualifient les grandes cathédrales de « filles des moissons » ou de « filles des villes »6.
Les maîtres d'œuvre qui supervisent le chantier de la cathédrale ne sont pas des architectes ou des techniciens. Ils sont responsables vis-à-vis de la fabrique et se bornent à surveiller les travaux exécutés par des ouvriers spécialisés (maçons, sculpteurs, tailleurs de pierre), appelés compagnons, réunis en confréries ou fraternités. Ces derniers, payés à la tâche, laissent parfois sur les pierres des signes gravés, les marques de tâcheron qui sont leurs signatures. La construction est également réalisée par des manœuvres moins bien payés. On ne peut que conjecturer la participation des masses populaires à cette construction, vu le silence des textes à ce sujet, cette participation se faisant soit bénévolement soit par réquisition et corvée7.
D'après la base de données Gcatholic, au , l'Église catholique compte 320 cocathédrales pour 3 043 cathédrales et 43 procathédrales. 473 anciennes cathédrales ne sont pas des cocathédrales8.
Cas particulier de la France
Gestion des cathédrales en France
Les cathédrales peuvent appartenir à l’État, au département, à la commune ou à une personne de droit privé.
La très grande majorité des cathédrales appartient à l'État. La loi du et le décret du confient la charge des 87 cathédrales au sous-secrétariat d’État aux Beaux-Arts au sein du ministère de l'Instruction publique. Depuis le , c'est le ministère des Affaires culturelles devenu ministère de la Culture et de la Communication qui est chargé de la protection et la restauration des cathédrales françaises.
Ces cathédrales sont remises en dotation aux directions régionales des affaires culturelles. L'architecte des bâtiments de France en est le conservateur et le responsable de sa sécurité.
La propriété concernant les cathédrales s'étend à « l'ensemble des dépendances immobilières et à la totalité des immeubles par destination (orgues, cloches…) et des meubles les garnissant ». Le cadre juridique de l’aménagement intérieur des cathédrales a été analysé par Pierre-Laurent Frier, professeur de droit public à l’université de Paris I (Panthéon-Sorbonne), ancien directeur des études de l’École nationale du patrimoine9 ; et la compétence du conseil municipal quant aux églises et aux biens qui y ont été installés a été traitée par Marie-Christine Rouault, doyen de la faculté des Sciences juridiques, politiques et sociales de l'université Lille-II10 à partir de l’arrêt du du Conseil d’État.
Depuis 2011, le Réseau des villes cathédrales rassemble des maires et des présidents d'intercommunalités ; porté actuellement par la Fédération des villes de France, il rassemble en 2014 les 188 villes françaises dotées d'une cathédrale et permet de leur offrir un cadre de réflexion et de travail (entretien, restauration, recherche de financements, tourisme, patrimoine mobilier, relations entre le maire et l'affectataire, etc.)12.
Architecture
Styles d’Europe
- paléochrétien, du IIIe au Ve siècle
- préroman, du VIe au IXe siècle
- roman, du Xe au XIIe siècle
- gothique, gothique angevin, gothique flamboyant, du XIIe au XVIe siècle,
- Renaissance XVe siècle - XVIe,
- classique XVIIe siècle,
- baroque (chargé, notamment l'intérieur), du XVIe au XVIIIe siècle,
- néoclassique , du XVe au XIXe siècle,
- néogothique, à partir du XVIIIe siècle,
- néo-roman, fin du XIXe siècle,
- néo-byzantin XIXe siècle - début XXe siècle,
- moderne, contemporain, depuis le milieu du XXe siècle
Voir » Architecture occidentale du Moyen Âge au XIXe siècle ». De nombreuses cathédrales ont plusieurs styles (roman et gothique, gothique et classicisme, classicisme et baroque…). Les architectes ont de nombreuses fois eu recours aux anciens styles (réparation d'anciennes cathédrales, fin de chantiers). Ces styles ne se résument évidemment pas seulement aux cathédrales et aux autres édifices religieux13.
Cathédrales orthodoxes
Cathédrales romanes
Cathédrales gothiques
Bien que différentes, les cathédrales gothiques construites en Europe aux XIIe et XIIIe siècles ont très généralement un plan similaire en forme de croix latine, composé d'une nef, d'un transept d'un chœur et d'espaces collatéraux (bas-côtés, tribunes et déambulatoire…).
Cathédrales classiques ou néo-classiques
Cathédrales baroques
Cathédrales néo-gothiques
Cathédrales contemporaines
Styles d'Amérique
Cathédrales baroques
Cathédrales néoclassiques
Cathédrales néo-gothiques
Cathédrales contemporaines
-
-
-
Cathédrale de l'Immaculée-Conception de Managua.
-
-
-
Cathédrales d'Afrique
Cathédrales d'Asie
Cathédrales d'Océanie
Notes et références
- Définitions lexicographiques [archive] et étymologiques [archive] de « cathédrale » dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales.
- On peut lire dans le Recueil des édits, déclarations… du Parlement de Normandie (1646-1771) [archive] : « […] a ordonné que lesdits substituts ausdits siéges, sont maintenus & gardez dans le droit & possession de cathédrer & présider en l'absence des juges en chef & de leurs Lieutenans, par préférence ausdits Assesseurs, etc. ».
- On peut lire dans Montaigne, Essais, t. II, chapitre III : « Coutume de l'île de Céa » : « […] car c'est aux apprentifs à enquerir et à debatre, et au cathedrant de resoudre. Mon cathedrant, c'est l'authorité de la volonté divine qui nous reigle sans contredit, et qui a son rang au-dessus de ces humaines et vaines contestations. »
- Marcel Aubert, La Cathédrale Notre-Dame, Firmin-Didot, , p. 66.
- Catherine Arminjon et Denis Lavalle, 20 siècles en cathédrales, Éditions du Patrimoine, , p. 21.
- Catherine Arminjon, Denis Lavalle, Jacques Le Goff, Vingt siècles en cathédrales, éditions du patrimoine, , p. 21
- Pierre du Colombier, Les Chantiers des cathédrales. Ouvriers, architectes, sculpteurs, Picard, , p. 21.
- « Cathedrals in the World » [archive], sur www.gcatholic.org (consulté le )
- Les Petites Affiches, no 111, 16 septembre 1994.
- Les Petites Affiches, no 11, 25 janvier 1995.
- Anne Perrin, L'Église catholique et les églises dans le régime français de laïcité, (lire en ligne [archive]), p. 60-61.
- « Le réseau des villes-cathédrales » [archive], www.villes-cathedrales.fr (consulté le 28 mai 2019).
- Châteaux d'aisance, palais, bâtiments politiques et universitaires, théâtres, opéras, bibliothèques, musées, monuments… et même un gratte-ciel : la Tribune Tower.
Voir aussi
Sur les autres projets Wikimedia :
Articles connexes
Articles divers :
Autres types d'édifices catholiques :
Bibliographie
- Alain Billard, La Belle histoire des cathédrales, De Boeck Supérieur, 2021.
- Patrick Demouy, Les Cathédrales, PUF, coll. « Que sais-je ? », 2007, 127 p. (ISBN 978-2130529835).
- Gérard Denizeau, Larousse des cathédrales, Paris, Larousse, , 311 p. (ISBN 978-2-03-583961-9).
- Georges Duby, Le Temps des cathédrales, .
- Chantal Dupuy-Dunier, Cathédrale, Éditions Pétra, 2019, 314 p. (ISBN 978-2-84743-249-7).
- Alain Erlande-Brandenburg, Quand les cathédrales étaient peintes, Paris, Gallimard, coll. « Découvertes Gallimard / Arts » (no 180), , 176 p. (ISBN 2-07-053234-8).
- Ken Follett, Les Piliers de la terre (lire en ligne [archive]).
- Jean-Michel Leniaud, Les Cathédrales du XIXe siècle, 1993
Prix Chaix d'Est-Ange de l'Académie des sciences morales et politiques et de l'Académie d'architecture.
- Jean-Michel Leniaud, Jean-Baptiste Lassus ou le temps retrouvé des cathédrales, 1980.
- Mathieu Lours, Dictionnaire des cathédrales, Éditions Gisserot, 2008, 448 p. (ISBN 978-2877479370).
- Pascal Tonazzi, Florilège de Notre-Dame de Paris, Paris, Éditions Arléa, (ISBN 978-2-86959-795-2 et 2-86959-795-9)
- André Vauchez, « La cathédrale, », Pierre Nora (dir.), Les Lieux de mémoire, Paris, Gallimard, 1997, III[Quoi ?], p. 3122-3134.
- Collectif, sous la direction du ministère de la Culture et du Centre national de pastorale liturgique, La Cathédrale aujourd’hui, Paris / Bruges (Belgique), Desclée liturgie, , 134 p. (ISBN 2-7189-0511-5)
Collection « Culte et culture » : I. La cathédrale dans l’histoire ; II. La signification ; III. La création artistique dans la cathédrale ; IV. Textes de référence et aspects juridiques ; V. Les diverses responsabilités ; VI. Échos du colloque « La cathédrale, demeure de Dieu, demeure des hommes ».
- Richard Utz, « The Cathedral as Time Machine: Art, Architecture, and Religion », in Stephanie Glaser (dir.), The Idea of the Gothic Cathedral: Interdisciplinary Perspectives on the Meanings of the Medieval Edifice in the Modern Period, Turnhout, Brepols, 2018, p. 239-259.
Synagogue
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Une synagogue (du grec Συναγωγή / Sunagôgê, « assemblée » adapté de l'hébreu בית כנסת (Beit Knesset), « maison de l'assemblée ») est un lieu de culte juif1.
L'origine de la synagogue, c'est-à-dire d'un lieu de rassemblement des fidèles dissociés de l'ancien rituel de l'autel du Temple, remonte peut-être aux prophètes et à leurs disciples2 ; originellement elle ne possède pas un caractère sacré, mais l'acquiert au fil du temps3. La synagogue en tant qu'institution caractéristique du judaïsme naquit avec l'œuvre d'Esdras. Elle y a depuis pris une telle importance que « la Synagogue » en vient à désigner figurativement le système du judaïsme, par opposition à « l'Église »4.
Les synagogues possèdent habituellement un sanctuaire, c'est-à-dire un grand hall de prière, dans lequel sont contenus les Livres de la Torah. Elles peuvent aussi comporter une salle pour les événements communautaires. Cependant, elles contiennent surtout des petites pièces réservées à l'étude, voire un Beit midrash (« maison d'étude ») : c'est que, bien qu'initialement destinée au culte, la synagogue devient au cours de l'histoire juive le lieu du Talmud Torah, c'est-à-dire l'enseignement de la tradition et de la langue hébraïque, que ce soit pour les enfants ou les adultes. La prépondérance de ce rôle est telle que Philon d'Alexandrie5, puis les Juifs de Venise et ceux des pays ashkénazes parlant le yiddish désignaient les synagogues du nom de « didaskaleia », « scuola » ou « שול » (shoul, cf. all. Schule), c'est-à-dire « école ». Ce nom est toujours utilisé pour désigner les synagogues de manière informelle, surtout dans les milieux ashkénazes.
Philon d'Alexandrie et le Nouveau Testament utilisent aussi le terme proseuque du grec ancien προσευχή prière puis lieu de prière.
La synagogue dans les textes
Ni le terme, ni le concept d'une synagogue ne se retrouvent dans le Pentateuque (bien que la tradition rabbinique6 ainsi que Philon d'Alexandrie7 et Flavius Josèphe8 affirment que l'institution remonte à Moïse). L'idée d'une prière collective n'y est pas davantage mentionnée, et le seul lieu du culte décrit est le Tabernacle, un sanctuaire transportable abritant en son Saint des Saints l'Arche d'alliance. Celle-ci se retrouve dans le Temple de Salomon, construit pour l'abriter de façon permanenteNote 1.
La première évocation d'un rassemblement hors du Temple est trouvée dans Isaïe 8:169 : il s'agit d'un cercle de disciples réunis autour d'Isaïe, afin d'entendre de lui la parole de Dieu et la Torah. C'est également le cas dans Ézéchiel 8:110, où les anciens de Juda se réunissent dans la maison d'Ezéchiel. Le psaume 74:811 probablement daté du premier exil, mentionne « les centres consacrés à Dieu dans le pays ».
Il semblerait que les synagogues se soient multipliées après la destruction du premier et du Second Temples : selon une tradition rabbinique consignée dans la Mishnah (laquelle fut compilée vers 200 EC, plus d'un siècle après la destruction du Second Temple), une grande ville compte obligatoirement dix batlanim, sinon c'est un village12 ; un batlan étant défini comme un individu renonçant à son travail pour aller prier, la Mishna enseigne qu'il existe une synagogue en tout endroit où un minyan de dix hommes est capable, à n'importe quel moment, de se réunir pour prier. Les Actes des Apôtres indiquent également que les synagogues que l'on trouvait dans chaque ville existaient depuis de nombreuses années (Actes 15:21), et en citent plusieurs, dont celle des Affranchis, celle des Cyrénéens et celle des Alexandrins.
Le Talmud mentionne de nombreuses synagogues en Mésopotamie, dont celle de Néhardéa, et plus de 400 synagogues à Jérusalem avant la destruction du Second Temple (Keritot 105a), tandis que les Évangiles évoquent celles de Nazareth13 et de Capharnaüm14. Paul prêche dans les synagogues de Damas15, de Salamine en Chypre16, d'Antioche17, etc.
La chute du second Temple amplifie l'importance de la synagogue, car c'est là que seront perpétués les rites du Temple à l'exception capitale du sacrifice et c'est dans les synagogues que pourra se réunir le minyan composé de 10 hommes12. Les synagogues vont donc se multiplier dans la diaspora. Celle d'Alexandrie décrite dans le Talmud était énorme puisque le chantre y indiquait aux fidèles à l'aide de drapeaux quand dire Amen18.
Un Temple miniature
Les synagogues, orthodoxes comme réformées, se réfèrent, au moins symboliquement, au sanctuaire. Leur plan suit, à l'instar des Temples de Jérusalem et des shtiblekh (Le Shtibl est un mot yiddish pour un petit local servant à la prière et l'étude, mais moins formel qu'une synagogue19), celui du Tabernacle, tel qu'il est décrit dans la parashat Terouma.
Une synagogue contient donc un parvis où se réunit l'assemblée, un candélabre, un endroit surélevé où se tient le culte, et un endroit très saint où est gardé, dans une armoire protégée de l'extérieur par un rideau, le Témoignage donné à Moïse par Dieu :
- l'endroit surélevé, équivalent de l'autel à l'époque du Tabernacle et des Temples, s'appelle la Tevah chez les séfarades et Bimah chez les ashkénazes ; c'est là que se tient l'officiant et qu'on lit la Torah. Traditionnellement située au milieu de la prière, elle a été déplacée dans les temples réformés à l'avant de la salle, faisant face aux fidèles, par analogie à la chaire dans les temples protestants.
- Dans l'équivalent du Saint des Saints, se trouve une armoire, équivalent de l'Arche d'alliance. Les ashkénazes l'appellent arche sainte (Aron Haqodesh), tandis que les sépharades l'appellent Heikhal (Temple). Elle contient les rouleaux de la Torah. Ceux-ci sont indispensables pour qu'un lieu de rassemblement soit considéré comme une synagogue, sinon c'est une havourah.
C'est depuis l'arche que les cohanim (fidèles descendant d'Aaron, et remplissant symboliquement quelques tâches dévolues à leurs ancêtres de l'époque des Temples) bénissent l'assemblée.
L'arche est située sur le mur orienté vers Jérusalem20, donc à l'orient (Mizra'h) dans les pays situés à l'ouest de Jérusalem et à l'occident dans les pays situés à l'est. Beaucoup de synagogues sont orientées vers Jérusalem, bien que certaines dérogent à la règle pour des raisons structurelles.
- Un candélabre, analogue de la menorah21, est spécialement allumé durant les offices. Comme l'une des branches de la menorah brûlait continuellement à l'époque du Temple, une lampe ou une lanterne, souvent électrique, tient actuellement le rôle de ner tamid (héb. נר תמיד « lampe perpétuelle »).
- Réminiscence du Temple de Jérusalem, où un balcon avait été installé pour séparer hommes et femmes lors de la Sim'hat Bet HaShoëva22, hommes et femmes sont séparés par une mekhitsa lors de la prière dans les synagogues orthodoxes. Souvent les femmes disposent d'une galerie, quelque peu dissimulée aux hommes d'où elles peuvent assister à l'office. Dans l'Altneu Schule de Prague, les femmes disposent d'une salle séparée de la pièce principale par un mur épais percé d'étroites ouvertures. À Pfaffenhoffen, en Alsace, les femmes sont derrière les hommes, séparées d'eux par une sorte de treillis en bois. Cette séparation a disparu dans les synagogues libérales ou réformées, et dans la plupart des synagogues « conservatrices » aux États-Unis où hommes et femmes prient côte à côte.
On ne trouve pas non plus de mekhitsa dans les kenessot karaïtes, l'origine de cet usage ne figurant pas explicitement dans la Bible. Toutefois, hommes et femmes sont séparés par pudeur pour la prière, car elle contient de nombreuses prosternations.
- La synagogue contient souvent un local, appelé gueniza (héb. גניזה « dépôt ») où sont enterrés des textes périmés ou effacés portant l'un des sept Noms de Dieu qu'il est interdit d'effacer23. La tradition juive interdit en effet de les détruire et demande qu'ils soient enterrés, quand bien même il s'agirait de textes non-canoniques, voire hérétiques24. Les guenizot peuvent receler des trésors d'archéologie ; celle du Caire, qui contenait 250 000 fragments, dont la correspondance de Moïse Maïmonide25 a été qualifiée de « fenêtre sur la vie juive médiévale »26 ; celle de la synagogue Vieille-Nouvelle abrite, selon la légende, le Golem du Maharal de Prague27.
Les écrits de Philon et de Flavius Josèphe donnent à penser qu'à son époque, on déposait également dans les synagogues des donations pour le Temple de Jérusalem28.
- Il est de coutume d'installer la houppa (héb. חוּפָּה dais sous lequel sont célébrés les mariages), mais cette coutume n'a pas force de loi, et la houpah est souvent installée en extérieur, particulièrement en Israël.
Fauteuil du prophète
Élie
- On trouve souvent dans les synagogues un "fauteuil du prophète Élie" qui est utilisé lors des circoncisions.
Les synagogues antiques
Les synagogues les plus anciennes dont on connaisse l'existence sont les synagogues de l'Égypte hellénique appelées proseuques (ou [maison de] prière) dont la trace nous est parvenue par leurs dédicaces inscrites sur des papyrus29.
Les plus anciennes synagogues connues aujourd'hui sont situées en terre d'Israël et contemporaines de la destruction du Second Temple. Les synagogues antérieures, s'il s'agit de centres de Dieu décrits dans les Psaumes, ont été détruites. Il en existait à Jérusalem même à l'époque du Temple, comme en témoigne une inscription découverte en 191330. On a aussi retrouvé de nombreux mikvé à Jérusalem31. Les synagogues des siècles suivants ont souvent été détruites par les chrétiens ou transformées en églises32 comme à Stobi.
La synagogue la plus ancienne dont on ait des traces serait l'une de celles de Jéricho, située près des ruines d'un palais hasmonéen, découverte accompagnée d'un mikveh à proximité du wâdi Kelt par le professeur Ehud Netzer et datant du Ier siècle avant l'ère commune33,34.
La synagogue la mieux connue actuellement35 est celle de Massada, la forteresse qui domine la mer Morte, cependant d'autres sont plus anciennes, comme la synagogue d'Herodion, une autre forteresse du roi Hérode située à 12 kilomètres de Jérusalem où ce roi s'est fait enterrer, et la synagogue de Gamla, antique capitale du Golan36. À Jérusalem, on connaît une synagogue du Ier siècle, celle de Théodotos, dans la cité de David. Selon sa dédicace découverte en 1913, elle servait à la lecture de la loi, à son enseignement et à l'hébergement des voyageurs37.
Après la destruction du Temple, les Romains interdisent la construction de synagogues en Palestine. Les destructions se poursuivent avec la révolte de Bar-Kokhba de 132 à 135, mais de nombreuses communautés juives se maintiennent jusqu'à la conquête arabe, ainsi qu'en atteste la présence plus d'une centaine de ruines de synagogues37, les plus vieilles datant du IIIe siècle. Elles sont pour la plupart situées en Galilée, mais aussi sur le Golan et dans le sud du pays. On en trouve aussi à Beth Shean ou à Gaza.
L'une des synagogues les plus célèbres de cette époque est celle de Capharnaüm, située sur le lac de Tibériade, probablement sur les lieux évoqués dans les Évangiles. Ces synagogues adoptent souvent le plan basilical des bâtiments grecs, et si elles sont décorées de symboles juifs comme la menora, la synagogue de Beït-Alfa exhibe également des mosaïques représentant le zodiaque, et celle de Hammath38 des personnages de la mythologie grecque. À Hammat Gader39, sur le Yarmouk, les pavements de mosaïque étaient agrémentés de motifs géométriques. Celui devant la bimah, le plus élaboré, représente deux cyprès et deux lions tournés vers le centre et une guirlande entourant une dédicace qui s'achève sur ces mots en araméen : «... dont les actes de charité sont en toute place constants et qui ont fait don ici de cinq pièces d'or. Puisse le Roi de l'univers bénir leur œuvre. Amen. Amen. Selah. »
Synagogues de la diaspora aux deux premiers siècles.
En diaspora, les synagogues se répandent dans le monde hellénistique ou romain. Les plus anciennes, connues par des dédicaces, sont celles de Schedia40 à une vingtaine de kilomètres d'Alexandrie, de Xénéphyris, de Nitriai et de Naucratis37 et datent du IIIe siècle av. J.-C., mais celles dont il reste des ruines sont beaucoup plus récentes.
La synagogue de Sardes en Lydie, située dans d'anciens thermes romains, est l'une des plus grandes synagogues connues, avec ses 122 mètres de longueur. Celle de Naro, aujourd'hui Hammam-Lif en Tunisie, présente de remarquables mosaïques.
La synagogue de Doura-Europos en Syrie sur l'Euphrate est, elle, décorée de fresques. Découverte en 1920, elle avait été enfouie sous des remblais accumulés pour soutenir un siège en 256 alors qu'elle n'était vieille que de 12 ans. Les fresques qui l'ornent, aujourd'hui conservées au musée de Damas sont dans un excellent état de conservation. Elles représentent des scènes bibliques avec une multitude de personnages, y compris Moïse et Ezéchiel, ce qui est rare dans une synagogue du fait de l'interdit des images promulgué de longue date par les rabbins, même s'il paraît exister d'autres exemples de synagogues peintes, comme à Huseifa ou à Ma'oz Hayyim. La synagogue de Doura-Europos est la première synagogue connue où il semble y avoir une niche pour abriter l'arche sainte dans le mur ouest de la synagogue, permettant ainsi aux fidèles de se tourner vers l'ouest et vers Jérusalem lors de la prière.
On distingue parfois deux types de synagogues antiques : les grands édifices orientés vers Jérusalem sans arche sainte, car les rouleaux de la Torah étaient conservés dans une pièce attenante pour être portés dans la salle de prière lors de la lecture de la Torah, comme à Capharnaüm et les « basiliques » sur le plan des bâtiments publics romains, semblables aux églises d'Orient avec une nef centrale séparée de deux bas-côtés par des colonnes et dont l'abside orientée vers Jérusalem abrite les rouleaux de la Torah41.
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La mosaïque du zodiaque à Beït-Alfa (VIe siècle).
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Mosaïque de Hammat Gader (Ve-VIe siècle) (exposée à Jérusalem, à la Cour suprême).
L'ornementation des synagogues antiques du Moyen-Orient est donc fortement influencée par la culture environnante. Par exemple, les fresques de Doura-Europos et celles des églises chrétiennes byzantines postérieures ont une parenté qui peut laisser supposer des modèles communs.
En Occident, la plus vieille synagogue connue est celle d'Ostie42, le port antique de Rome. Elle date originellement de la seconde partie du Ier siècle, mais a été agrandie et embellie par la suite. Construite le long du rivage, elle témoigne par ses vastes proportions et son décor de la richesse de la communauté locale. Les inscriptions funéraires témoignent de l'existence d'une douzaine de synagogues à Rome43.
Synagogues du Moyen Âge
Au Moyen Âge, la plus importante partie de la communauté juive est installée en Babylonie, puis en Afrique du Nord et en Égypte. La communauté juive demeurée en terre d'Israël est fortement réduite, et soumise à de multiples vicissitudes, la Palestine étant occupée tour à tour par Byzance, les Arabes puis les Croisés, puis de nouveau les Arabes. Les communautés rabbanites et karaïtes essuient des pertes irremplaçables (et fatales pour la prédominance karaïte dans le pays) et perdent un grand nombre de fidèles à la suite des massacres de la Première croisade, pendant laquelle les Juifs sont regroupés dans la grande synagogue de Jérusalem et brûlés vifs. La kenessa enterrée à Jérusalem date du XIe siècle et demeure un lieu de pèlerinage annuel des karaïtes à Souccot. Les synagogues ont en effet souvent été enterrées à Jérusalem : il faut y descendre pour y entrer. Cela permet de construire avec une grande hauteur de plafond sans offenser les musulmans par la construction de bâtiments qui domineraient le voisinage. En 1267, Ramban restaure une maison en ruines, et en fait un lieu de culte, qui porte depuis son nom, la synagogue Ramban où on peut encore voir des inscriptions paléo-hébraïques et des voûtes romanes. Autour d'elle se reconstitua le peuplement juif de Jérusalem, qui avait été anéanti lors de la prise de Jérusalem par les Croisés.
En Égypte, la synagogue Ben Ezra du Caire, qui abrite la Gueniza du Caire, aurait été érigée en 1115 par Abraham Ben Ezra de Jérusalem, un homonyme du poète andalou.
Synagogue Vieille-Nouvelle de Prague.
Synagogue de Carpentras, la plus vieille de France en activité (1367).
Linteau inférieur du portail Sainte-Anne de Notre-Dame de Paris.
En Europe, les synagogues deviennent de plus en plus le centre de la vie juive : outre les salles de prière et d'étude, on y trouve souvent un mikvé, un four pour les pains azymes et des salles pour les voyageurs.
En France, la première mention historique d'une synagogue est faite par Grégoire de Tours lors de sa destruction à Clermont-Ferrand en 576. À Rouen, certains reconnaissent une synagogue dans un bâtiment retrouvé sous le palais de justice44,45, et il subsiste une maison qui servit de synagogue au XIIIe siècle à Rouffach, en Alsace, qui ne faisait pas encore partie du royaume de France46. Quelques grandes synagogues reflètent l'essor de certaines communautés. Il ne reste rien des synagogues des brillantes communautés médiévales de Troyes ou de Paris. Worms en Allemagne a longtemps abrité la plus vieille synagogue d'Europe. Sa construction en style roman date du XIe siècle. Rachi y a étudié, et elle survécut aux massacres et destructions de la Première Croisade, pour être complètement détruite par les nazis en 1938. Aussi la plus vieille synagogue encore en service en Europe est-elle la synagogue Vieille-Nouvelle de Prague, de style gothique, qui date de 1270.
L'actuelle synagogue de Cavaillon est construite sur les lieux où se situait la synagogue au XVe siècle. C'est en effet de cette époque-là que date l'essor des communautés juives du Comtat Venaissin qui servit de refuge aux Juifs expulsés définitivement du royaume de France en 1394.
Aussi le portail Sainte-Anne de la cathédrale Notre-Dame de Paris présente-t-il un intérêt exceptionnel en montrant une synagogue de la fin du XIIe siècle. Le linteau inférieur de ce portail qui représente les mariages de Sainte Anne et de sa fille Marie montre les Juifs et la synagogue tels que les voyait le sculpteur : les Juifs portent un chapeau pointu, le rabbin un châle de prière et la synagogue est représentée avec sa lampe éternelle, le rouleau de la Loi et d'autres livres47.
Les synagogues espagnoles datant généralement de la Reconquête sont construites par des communautés riches. Elles ont été transformées en églises quand le pouvoir chrétien s'est affermi ou au plus tard après l'expulsion des Juifs d'Espagne. L'une d'elles, à Tolède, devint la maison du Greco. Les autres synagogues de Tolède (Synagogue Santa María la Blanca et Synagogue El Tránsito) sont de nos jours des musées. L'église Santa Maria la Blanca de Séville (es) est également une ancienne synagogue. Barcelone passe pour abriter dans le quartier de Call la plus vieille synagogue d'Europe, mais ceci n'est pas du tout formellement établi48.
La plus ancienne synagogue sépharade encore en activité, construite au XIVe siècle, est située en Croatie, à Dubrovnik49.
De l'expulsion des Juifs d'Espagne aux révolutions américaine et française
Les synagogues du monde séfarade
Étoile de David sur le mur ouest de la « synagogue Schneider »,
Istanbul (Turquie)
L´expulsion des Juifs d'Espagne en 1492 jette sur les routes et les voies maritimes européennes des dizaines de milliers de Juifs dits séfarades, qui essaiment dans le bassin méditerranéen et en Asie Mineure. Ceux qui sont restés en Espagne au prix de la conversion au christianisme, sont expulsés ou émigrent dans les deux siècles qui suivent, en Angleterre, dans le Sud de la France, particulièrement à Bordeaux ou Bayonne, dans les Flandres ainsi qu'aux Pays-Bas, et de là vers le Brésil quelque temps hollandais puis La Nouvelle-Amsterdam, qui deviendra New York.
Les synagogues de l'Empire ottoman
C'est l'Empire ottoman, sous le règne du sultan Bayezid II qui se montre le mieux disposé à accueillir les Juifs chassés d'Espagne.
Les Juifs choisissent d'abord des grandes villes telles Salonique, Istanbul ou Smyrne. Lorsqu'en 1516, la Palestine devient ottomane, il se produit un flux migratoire vers Safed, en Galilée. S'y établissent des rabbins réputés, comme Isaac Louria, Isaac Aboab ou Joseph Caro, l'auteur du Choulhan Aroukh, qui inaugurent ou en l'honneur desquels on construit des synagogues, comme la synagogue Caro, la synagogue Aboab, connue pour abriter le plus vieux sefer Torah en usage aujourd'hui, ou la synagogue Ashkenazi Ha’Ari50. Ces synagogues ont été souvent reconstruites à la suite d'incendies ou de tremblements de terre.
À Jérusalem, différentes communautés séfarades établissent quatre synagogues mitoyennes les unes des autres à partir du XVIe siècle : la synagogue Eliyahou Hanavi qui servait plutôt de lieu d'étude, la synagogue Yohanan ben Zakkaï au XVIIe siècle, la synagogue Istanbul au XVIIIe siècle et la synagogue Emtsa'ï au milieu de ces trois synagogues. Elles furent toutes restaurées en 1835 par autorisation du vice-roi d'Égypte Méhémet Ali, alors régent de la Palestine, sous l'autorité formelle du sultan ottoman. De nouveau saccagées pendant l'occupation jordanienne de Jérusalem, elles furent une nouvelle fois restaurées lors du retour des Juifs dans la vieille ville de Jérusalem après 1967.
Les synagogues italiennes
Naples fut la première terre d'accueil de Don Isaac Abravanel, qui avait été le conseiller et financier des rois d'Espagne. L'Italie du XVIe siècle n'était pas unifiée : les Espagnols dominaient la Sicile, Naples et la Sardaigne, dont ils expulsèrent les Juifs en 1492. Dans le reste de l'Italie, l'influence espagnole se fait sentir par la restriction du droit de résidence des Juifs et la création des ghettos, dont le premier fut le ghetto de Venise, établi en 1516. La famille Abravanel y établit la Scuola Levantina en 1538 et la Scuola Spagnola51.
Dans le ghetto de Rome, le manque de place combiné avec la diversité des écoles d'interprétation donna lieu à la Piazza delle Cinque Scuole, un immeuble qui abrita cinq synagogues ou plutôt cinq oratoires de différentes traditions : en effet, l'Italie abrite des Juifs de différentes origines, des Séfarades, des Ashkénazes mais aussi des Juifs de rite « italien » qui seraient les descendants des Juifs de Judée émigrés à Rome lors de l'établissement du protectorat romain sur la Judée au Ier siècle avant l'ère commune. C'est ainsi qu'à Padoue existaient jusqu'à la seconde guerre mondiale une synagogue ashkénaze détruite en 1943, reconstruite mais qui n'est plus utilisée en tant que telle, une synagogue sepharade disparue et une synagogue italienne toujours active.
Les synagogues marocaines
Le Maroc, était une destination aisée pour les Juifs d'Espagne, d'autant que beaucoup y avaient déjà des parents, installés lors d'une persécution ou d'une expulsion précédente. Les Juifs d'Espagne s'établirent donc en plusieurs villes du Maroc, à Tétouan comme à Fès. Y fut érigée au XVIIe siècle la synagogue Aben Danan, restaurée en 1999.
Les synagogues hollandaises
Les Provinces-Unies ayant durement gagné leur indépendance de l'Espagne au début du XVIIe siècle, elles étaient hostiles tant à l'Espagne qu'au catholicisme. Elles apparurent donc comme autant de terres d'asiles pour de nombreux « Portugais »52 qui participèrent à l'essor d'Amsterdam et furent assez vite reconnus quasiment citoyens de plein droit. La communauté prospéra notamment par le commerce et se sentit assez assurée pour faire construire par Elias Bouman53 une synagogue qui peut contenir 2 000 fidèles, bien en vue le long d'un canal. La Synagogue portugaise54 ou Esnoga en ladino fut inaugurée en présence des autorités locales en 1675. Elle servit de modèle à beaucoup d'autres, notamment par sa décoration de lustres hollandais.
Les Juifs de Hollande, et surtout Manasse ben Israël, ayant milité pour le retour des Juifs en Angleterre, le style hollandais s'y retrouve dans les synagogues.
Vitrail,
New West End Synagogue,
Londres
Les synagogues anglaises
La synagogue de Bevis Marks55 à Londres, connue aussi sous le nom de « Synagogue espagnole et portugaise » fut inaugurée en 1701 et est aujourd'hui la plus vieille synagogue anglaise en service. Construite par le quaker Joseph Avis56, elle s'inspire aussi des églises puritaines de l'époque. Elle est située non loin du métro Aldgate dans la rue qui porte son nom.
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La synagogue Bevis Marks de Londres.
Les premières synagogues américaines
L'Amérique étant presque entièrement occupée par l'Espagne, le Portugal, la France et l'Angleterre, toutes puissances qui interdisaient l'accès de leur territoire aux Juifs en cette fin de XVIIe siècle, les Juifs s'établirent dans les petites possessions néerlandaises.
La synagogue Kahal Zur Israel57 (le rocher d'Israël), à Recife, Brésil, a été la première synagogue érigée dans les Amériques, en 1630 quand Recife était possession hollandaise. On a récemment découvert ses fondations. Elle avait été bâtie par des Juifs portugais passés par la Hollande. En 1654, les Portugais prennent le contrôle de Recife et en expulsent les Juifs qui repartent vers l'Amérique du Nord et La Nouvelle-Amsterdam, plus tard appelée New York58. Une nouvelle synagogue a été construite au même endroit dans les années 1990.
La plus vieille synagogue américaine continuellement en service se trouve donc dans la petite île néerlandaise de Curaçao aux Antilles. Il semble bien qu'une première synagogue, Mikve Israel-Emanuel, y existait dès avant 1654. Le bâtiment actuel à Willemstad, la capitale de Curaçao, date de 1732 et a été inspiré de l'Esnoga59.
Dans les possessions britanniques, la situation des Juifs varie selon les colonies. C'est à Newport dans l'île de Rhode Island, que les Juifs s'établissent dès 1658, et la synagogue actuelle dite synagogue Touro, du nom de son fondateur et premier hazzan, un Juif portugais, est construite dans le style néo-palladien, en vogue dans les colonies américaines à cette époque. Inaugurée en 1763, c'est la seule synagogue encore en service aux États-Unis datant de la période coloniale.
Les synagogues du sud de la France
La synagogue de Carpentras, la plus vieille synagogue de France en service aujourd'hui
Les Juifs ont été expulsés de France en 1394, et ceux qui y résident aux XVIIe et XVIIIe siècles, la plupart ayant fui l'Espagne ou le Portugal, sont devenus, au moins nominalement, chrétiens. Ils s'établissent au Pays basque à Bayonne ou dans de petits bourgs tels La Bastide-Clairence (villes où on peut voir les cimetières juifs), Peyrehorade ou Bidache, mais également à Bordeaux60. De façon à ne pas heurter les autorités, les offices juifs ont lieu dans de discrets oratoires.
C'est paradoxalement dans les États du Pape, le Comtat Venaissin, que les Juifs sont officiellement acceptés dans les carrières (ghettos en Provence) d'Avignon, de Carpentras et de Cavaillon. Une relative prospérité leur permet au XVIIIe siècle d'élever des synagogues de taille modeste, mais assez travaillées61, de style italianisant, ainsi qu'on le remarque aux ferronneries. Quatre édifices furent ainsi construits : à Carpentras, Cavaillon, l'Isle sur Sorgue et Avignon. Seules les deux premières subsistent de nos jours, celle de l'Isle ayant été détruite, et celle d'Avignon ayant été rebâtie sur un autre modèle après un incendie survenu dans la première moitié du XIXe siècle.
Pour la salle de prière des quatre synagogues construites au XVIIIe siècle, il faut parler d'un même modèle où la table de lecture pour l'office (tébah) se trouve située en hauteur, accessible par des escaliers depuis l'espace de prière. En face et en bas se trouve l'Haron Ha-qodesh, l'arche sainte, dans laquelle sont entreposés les rouleaux de Torah. Cette disposition particulière pour la liturgie répond à un problème d'espace. Les communautés juives, importantes en nombre de fidèles, disposaient de peu de surface pour bâtir leurs synagogues, et la salle de prière ne constituait pas à elle seule la globalité de la synagogue. Au XVIIIe siècle, pour les Juifs comtadins, le problème d'espace n'est pas nouveau, les précédentes synagogues étaient déjà bâties sur le même principe. Certaines synagogues italiennes comme celle de Livourne (XVIIe siècle) respectent ce modèle comtadin.
La synagogue de Carpentras62 est aujourd'hui la plus vieille synagogue de France en activité.Sa construction a débuté en 1367.
Celle de Cavaillon n'accueille plus le culte.
Les synagogues du monde ashkénaze
Les massacres liés aux Croisades, les expulsions temporaires puis définitives d'Angleterre, de France et de certains territoires allemands entraînèrent une migration des Juifs occidentaux vers l'Europe centrale slave et plus particulièrement polonaise63.
Les ducs tel Boleslas III au XIIe siècle puis les rois de Pologne tel Casimir III le Grand au XIVe siècle favorisèrent généralement l'accueil des Juifs jusqu'au XVIe siècle. Ceux-ci s'établirent aussi bien à la ville que dans les campagnes où ils devinrent majoritaires dans certains villages appelés shtetl. Cela contribua à l'apparition de deux types de synagogues, les synagogues de pierre, en ville et celles de bois, à la campagne.
Inscription hébraïque murale : « Que ce lieu est redoutable, Ce [lieu] n'est autre que la maison de D.ieu, Et c'est la porte du ciel », verset biblique de la
Genèse 28:17, synagogue de Berezhany,
Ukraine.
Les synagogues de Pologne et d'Europe orientale
Il n'est pas possible de résumer en quelques lignes l'histoire de plusieurs milliers de synagogues construites du Moyen Âge à la Shoah dont les témoignages ont presque tous disparu dans les incendies dus aux nazis, dans les destructions de la Seconde Guerre mondiale et dans leur abandon dû à la disparition des Juifs de ces régions. Le projet Wikipédia relatif aux synagogues de Pologne recense 1 400 synagogues64.
- Les synagogues de bois reprennent l'architecture du shtetl où les maisons elles-mêmes sont en bois. Les plus anciennes dataient du XVIIe siècle et se caractérisaient par une décoration intérieure qui pouvait être foisonnante. La synagogue de Gabin en Pologne (1710), était remarquable par ses bas-reliefs, celle de Khodoniv en Ukraine (Chodonów en polonais) près de Lviv (datant de la même époque) était ornée d'un plafond à la décoration florale et animale luxuriante peint par Israel Lisnicki dont la reconstitution est visible au musée de la Diaspora65 à Tel-Aviv. Le musée d'art et d'histoire du judaïsme à Paris présente quelques remarquables maquettes de ces synagogues en bois, dont celle de Wolpa66 en Biélorussie, datant de 1643. Des synagogues en bois ont continué à être construites jusque dans les années 1930 en Lituanie et si treize d'entre elles existent encore en 2013, elles sont en voie de délabrement67.
- Les synagogues de pierre sont un peu plus nombreuses à avoir traversé les guerres et la Shoah. Leur plan reprend souvent celui des églises des mêmes époques, à une, deux ou trois nefs. Une des plus anciennes est la synagogue Stara68 de Kazimierz, l'ancien quartier juif de Cracovie. Construite au XVe siècle, elle fut rénovée au XVIe siècle par Mateo Gucci, architecte italien établi en Pologne. De style Renaissance elle est constituée de deux nefs et la bimah se situe au milieu de la salle entre les deux piliers centraux. Pillée et dévastée durant la Seconde Guerre mondiale, rénovée durant les années 1950, c'est aujourd'hui un musée. La synagogue Remuh qui date de 1558 est la seule encore en service à Cracovie. Elle possède une seule nef et là encore la bimah est centrale.
Parmi les synagogues de pierre, on peut également citer les originales synagogues fortifiées. La synagogue de Lesko en Galicie et celle de Pińsk datent du XVIIe siècle. La plus remarquable est celle de Loutzk dont il est dit qu'elle fut fortifiée par permission du roi de Pologne Sigismond III69 et dont le toit aurait été pourvu de canons70. Ceci est probablement dû à l'insécurité croissante pour les Juifs en Pologne au début du XVIIe siècle qui culmine avec les massacres causés par l'invasion des Cosaques menés par l'hetman Bogdan Khmelnitski.
À Ostrów Wielkopolski en voïvodie de Grande Pologne est visible la dernière grande synagogue d'architecture orientale de style mauresque de toute la Pologne occidentale et qui a été entièrement restaurée en 2010.
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Intérieur de la synagogue Stara à Kazimierz avec la bimah entre les piliers et l'arche sainte au fond.
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Les synagogues ashkénazes d'Italie
Intérieur de la synagogue de Casale Monferrato (
Piémont).
C'est en Italie que la décoration intérieure des synagogues ashkénazes atteindra un niveau inégalé. Là encore, le style de la région se retrouve dans les synagogues qui y empruntent beaucoup au baroque. La synagogue de Casale Monferrato a été construite en 1595, la Scuola Granda Tedesca de Venise (tout proche de la Scuola Grande Spagnola dans le ghetto) date de 1628, la synagogue de Gorizia date de 1756. Les bimot (pluriel hébraïque de bimah) y prennent l'aspect de baldaquins.
Les synagogues ashkénazes de Hollande
Encore une fois, ce sont les Provinces unies (Hollande) qui sera le meilleur refuge des Juifs expulsés ou fuyant les massacres. Ceux quittant la Pologne et les exactions de Bogdan Khmelnitski y seront rapidement plus nombreux que les séfarades. Amsterdam devient pour un temps la capitale juive de l'Occident. Avant même la synagogue portugaise, la synagogue ashkénaze ou Grande Synagogue (Grote Synagoge) est construite en 1670-1671 par l'architecte Daniel Stalpaert, un des concepteurs du palais royal. Elle est mitoyenne de la Synagogue portugaise et aux XVIIe et XVIIIe siècles trois autres synagogues ashkénazes sont construites dans le même quartier71. Toutes ces synagogues forment aujourd'hui le musée juif d'Amsterdam, la communauté juive néerlandaise ayant été exterminée pendant la Shoah.
Les synagogues dans les États allemands
La situation des Juifs en Allemagne varie d'un État à l'autre, mais en règle générale, les communautés juives se développent comme à Berlin ou à Francfort. La première synagogue de Berlin située Heidereutergasse (détruite en 1945) est inaugurée le en présence de la reine Sophie-Dorothée. Le roi Frédéric-Guillaume Ier la visite en 171872. Il ne reste guère de traces des synagogues allemandes des XVIIe et XVIIIe siècles, le nazisme ayant entrepris leur destruction systématique, amplifiée par la guerre. Il subsiste toutefois la synagogue de Celle73 (Basse-Saxe) qui date de 1740 et celle de Michelstadt74 (Hesse) datant de 1791, ainsi que la salle (datant de 1735) de la synagogue rurale de Horb sur le Main75, décorée à la façon de Khodoriv au Musée d'Israël à Jérusalem.
Le quartier juif de Josefov à Prague, sous la domination des Habsbourg depuis le XVIe siècle abrite des synagogues de toutes les époques comme la synagogue Vieille-Nouvelle déjà mentionnée, mais aussi les synagogues Pinkas (XVIe siècle) et Klaus (XVIIe siècle). Ce sont encore de petits bâtiments, aujourd'hui parties du Musée juif de Prague.
L'architecte allemand Albrecht Rosengarten (1809-1893) a construit plusieurs synagogues et a exercé une grande influence dans ce domaine. On lui doit la grande Synagogue de Cassel (1839-1938), la Synagogue de Gudensberg (de), aujourd'hui une maison de la culture (1840-1843), et la Synagogue Kohlhöfen (de) à Hambourg.
Les synagogues ashkénazes de Palestine ottomane
La synagogue
Hourva en reconstruction (septembre 2009)
La plus ancienne synagogue ashkenaze de Jérusalem alors dans l'Empire ottoman est la synagogue Hourba76. Le début de sa construction remonte à 1700, mais elle fut incendiée encore inachevée en 1721 par les créanciers arabes furieux du retard de paiement de ses commanditaires. Reconstruite au XIXe siècle, elle sert de position défensive à la Haganah pendant le siège de Jérusalem en 1948. Après sa prise par la Légion arabe qui marque la victoire des Arabes dans la vieille ville de Jérusalem, elle est dynamitée. La reconstruction commence en 2005 et la synagogue peut être réinaugurée le 14 mars 2010, ce qui est le prétexte de la colère du Hamas77.
La synagogue Abraham Avinou (« notre père Abraham » en français) fut construite en 1540 par le rabbin Malkiel Ashkenazi non loin de Jérusalem, à Hébron, où est enterré Abraham d'après les traditions juive et musulmane. Elle fut le centre du quartier juif de Hébron jusqu'à sa destruction après les émeutes anti-juives de 1929. Elle a été reconstruite au même endroit en 1976.
Les synagogues ashkénazes de France
Synagogue de Pfaffenhoffen.
Les Juifs de France ont été expulsés du royaume en 1394. Quand la France annexe la Provence à la fin du XVe siècle, Louis XII en expulse les Juifs dès 150178. Mais, un siècle et demi plus tard, lorsque la France annexe l'Alsace et formellement les Trois-Évêchés en 1648, ni les Juifs de Metz ni ceux d'Alsace ne sont expulsés et Louis XIV visite la synagogue de Metz en 165779.
La France, contrairement à la Hollande ou à l'Angleterre, n'accorde pas à cette époque la liberté de conscience et les Juifs conservent en Alsace leur statut personnel. Jusqu'à la Révolution française, ils n'ont pas le droit de résider à Strasbourg et pratiquent leur culte discrètement dans de petites synagogues qui deviennent relativement nombreuses au XVIIIe siècle. Cette discrétion est illustrée par l'existence, à Traenheim (Bas-Rhin), d'une synagogue dissimulée dans un grenier, datant de 172380.
En 1766 le duché de Lorraine, qui compte d'importantes communautés juives à Lunéville et Nancy, devient française à la mort de Stanislas Leszczyński. Parallèlement, les idées issues des Lumières progressent et en 1787 Louis XVI publie un édit de tolérance, l'Édit de Versailles en faveur des protestants. De même, les Juifs commencent à être mieux considérés par le gouvernement et cela se traduit par l'autorisation de construction de nouvelles synagogues en Lorraine à Phalsbourg81 en 1772, à Lunéville en 1786 puis à Nancy en 1788 et en Alsace à Mutzig82 en 1787 puis à Pfaffenhoffen en 1791. Ces synagogues sont encore très discrètes. À Lunéville, elle est alors dissimulée derrière une maison et ne porte aucun signe distinctif. À Pfaffenhoffen, seule la date de construction écrite en hébreu sur le linteau de la porte peut évoquer une synagogue.
De la période révolutionnaire à la Shoah
La philosophie des Lumières change le regard des Gentils sur les Juifs. Les notions de liberté de conscience et d'égalité des droits sont au moins en partie mises en pratique aux États-Unis et en France. Les armées révolutionnaires puis impériales vont propager ces idées dans une bonne partie de l'Europe, particulièrement en faisant tomber les murs des ghettos comme en Italie. Ainsi en France, les premières synagogues construites dans le royaume de France depuis l'expulsion des Juifs en 1394, sont celles de Phalsbourg et de Lunéville en 178683.
Chez les Juifs, la philosophie des Lumières donne naissance à la Haskala qui va changer le regard que les Juifs ou au moins tous ceux qui n'adhèrent pas à une stricte orthodoxie ont sur eux-mêmes. Ce double changement de la perception des Juifs dans la société ne va pas manquer d'influer sur l'architecture des synagogues.
Si les Juifs sont maintenant égaux en droit aux autres citoyens, ils peuvent construire des temples aussi grands que les églises chrétiennes. La plus grande d'Europe est construite à Budapest de 1854 à 1859. Et si la liberté de conscience devient la règle, il n'y a plus de raison de dissimuler les synagogues, au contraire on peut afficher clairement leur raison d'être par des symboles juifs bien visibles comme les tables de la loi, des citations de la bible en hébreu ou en langue vernaculaire, l'étoile de David ou la menorah.
La Haskala et la réforme du judaïsme nées en Allemagne changent la conception que les Juifs ont de leurs synagogues. Celles-ci deviennent même des temples, mot toujours utilisé en synonyme de synagogues. Cela influence l'architecture des synagogues qui peuvent ressembler à des églises aussi bien extérieurement qu'intérieurement. Elles sont de style roman comme la Victoire (1874)84 à Paris, de style gothique comme à Savannah (Géorgie) (1878), de style byzantin comme à Neuilly-sur-Seine (1878)85 (avant l'extension de la synagogue dans les années 1930), de style mauresque comme à Besançon ou à Turin ou même évoquer un temple grec ou romain comme la synagogue the Temple (1875) à Atlanta. Cette évolution touche aussi la Pologne où la Grande synagogue de Varsovie, de style classique est inaugurée en 1878 ou la Synagogue Nożyk, toujours à Varsovie et en service de nos jours, de style néoroman avec de nombreux éléments byzantins, néo-renaissance et mauresques.
Si le gothique est peu courant probablement parce que trop typique du style des églises, il est curieux de constater que les styles orientaux, que ce soit le style hispano-mauresque ou le style byzantin sont les plus représentés. Plusieurs explications sont possibles : la plus simple est que les Juifs sont vus comme des orientaux par les architectes souvent non-juifs des synagogues. Mais aussi on peut penser que le style hispano-mauresque est rattaché à une Espagne où juifs, chrétiens et musulmans auraient vécu en bonne intelligence. Quant au style byzantin, il est déjà utilisé dans de nombreuses églises et mosquées, il doit donc pouvoir convenir aux synagogues. Dominique Jarrassé (voir bibliographie) parle aussi d'un responsum du rabbin Ezéchiel Landau au XVIIIe siècle recommandant ce style.
L'intérieur des synagogues change aussi considérablement au XIXe siècle. La Bimah est le plus souvent située à l'extrémité de la nef pour que l'officiant puisse faire face aux fidèles, au lieu d'être au centre comme dans les synagogues orthodoxes. Il peut y avoir souvent un orgue et même un chœur, deux dispositions non conformes à la halakha.
Enfin, l'implantation géographique des synagogues va petit à petit changer. Elles vont quitter les anciens ghettos pour suivre les Juifs dans leur migration sociale vers des quartiers plus bourgeois et elles vont aussi se répandre dans les pays accueillants aux Juifs, en Allemagne, en Europe occidentale et aux États-Unis.
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Façade de la synagogue sur la rue Dohány, Budapest.
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Intérieur de la synagogue de la Victoire à Paris au début du XXe siècle.
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Synagogue Mickve Israel à Savannah de style gothique.
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La France
Cette période qui va de la Révolution à la guerre de 1914 donne lieu en France à l'âge d'or des synagogues, comme l'a écrit Dominique Jarrassé (voir bibliographie). Les Juifs vont quitter leurs lieux traditionnels de résidence (le Comtat-Venaissin, les campagnes alsaciennes ou lorraines, Bordeaux et Bayonne) pour de plus grandes villes dont Paris. Leur ascension sociale sera aussi marquée par la construction de plus belles et plus grandes synagogues.
La construction des synagogues est généralement sous la maîtrise d'ouvrage des Consistoires, subventionnée par les pouvoirs publics (l'Église ne sera séparée de l'État qu'en 1905), et aidée par de riches mécènes tels les Rothschild ou les Furtado-Heine ou Daniel Osiris.
L'œuvre est considérable. Dominique Jarrassé indique :
- 70 synagogues ont été édifiées hors l'Alsace-Lorraine de 1791 à 1914, dont 22 sont aujourd'hui disparues ;
- 176 synagogues ont été édifiées en Alsace-Lorraine de 1791 à 1914, dont 91 sont aujourd'hui disparues.
Parmi les réalisations remarquables, on citera la synagogue de Lyon en 1864 par Abraham Hirsch87, toujours cachée derrière un immeuble et celle de Marseille la même année par Nathan Salomon inspirée de la synagogue Nazareth. La plupart des grandes villes voient construire leur synagogue et même des stations balnéaires telles Biarritz ou Arcachon.
Les anciennes communautés séfarades du sud de la France
C'est dès 1793 et malgré l'hostilité du pouvoir révolutionnaire aux cultes que les Juifs du Comtat-Venaissin prennent avantage de leur toute nouvelle condition de citoyens de plein droit, émigrent notamment vers Nîmes et y construisent une synagogue encore très modeste (la façade actuelle date de 1893).
Il faut attendre encore près de 20 ans pour voir s'élever une nouvelle synagogue en France à Bordeaux. Elle est construite en 1812 dans le quartier juif pour ces Portugais52 qui ne pouvaient pas se dire ouvertement juifs sous l'Ancien Régime. Cette synagogue brûle en 1873 et est remplacée par une plus grande synagogue, dans un quartier plus prestigieux en 1882.
La différence est notable quand en 1837 est construite la synagogue de Bayonne toujours dans le quartier juif, mais dans un style néo-classique beaucoup plus noble que celui adopté en 1812 à Bordeaux.
Paris et sa région
Parallèlement, c'est en 1819 qu'est construite la première synagogue parisienne (les Juifs étaient bannis de Paris jusqu'à la Révolution) rue Notre-Dame de Nazareth88. Celle-ci comprend à l'origine une salle de prière ashkénaze et une autre séfarade.
C'est à partir du Second Empire que la communauté juive prend son essor à Paris et que s'y multiplient les synagogues. Certaines seront monumentales telle la Victoire, mais elles sont rarement bien visibles : l'impératrice Eugénie s'oppose à donner une façade sur une rue ou une place importantes aux synagogues de la Victoire et des Tournelles.
Deux des plus intéressantes synagogues d'un point de vue architectural sont construites au début du XXe siècle : il s'agit de la synagogue de la rue Pavée de style Art nouveau dont l'architecte est Hector Guimard et de la synagogue de la rue Chasseloup-Laubat à la charpente de bois dont l'architecte est Lucien Bechmann.
La première synagogue de banlieue est inaugurée en 1878 à Neuilly-sur-Seine. Elle sera suivie de celle de Versailles inaugurée le 22 septembre 1886, sur le fronton de laquelle est ostensiblement déployé un sefer torah de pierre. Il faut aussi signaler la synagogue de Boulogne sur Seine construite sur le terrain d'une propriété de la famille Rothschild par Emmanuel Pontremoli.
L'Alsace et la Moselle
Plus de la moitié de la population juive de France vit en Alsace (de 20 à 25 000 personnes selon le recensement de 1784) et en Lorraine à la fin du XVIIIe siècle. Cette population est principalement rurale puisqu'en Alsace les villes étaient interdites aux Juifs jusqu'à la Révolution. Cette situation est unique en Europe occidentale. Dans quelques villages, les Juifs forment un groupe aussi nombreux que les catholiques ou les protestants et ils vont souhaiter disposer d'une synagogue comparable aux églises.
L'autre facteur déclencheur de la construction des synagogues est une loi votée sous Louis-Philippe en 1831 décidant que les ministres du Culte israélite seront payés par l'État comme les prêtres catholiques ou les pasteurs protestants89. Les communautés juives n'ont plus à entretenir leurs rabbins et peuvent donc investir dans les synagogues.
Par exemple, dès 1836 est construite à Struth, village du Bas-Rhin dont la population juive ne dépassera jamais 168 personnes90, une petite synagogue. Foussemagne, aujourd'hui dans le Territoire de Belfort, où la synagogue date des années 1850, présentait même la particularité d'être le seul village de France avec une synagogue, mais sans église91.
Les bourgs et les villes édifient de plus grands bâtiments, souvent en grès rose des Vosges comme à Sélestat, avec des bulbes très germaniques comme à Saverne ou Wolfisheim92, construite en 1890, et cet effort continuera sous la domination allemande de 1871 à 1918. Le plus bel exemple en est donné par la synagogue consistoriale de Strasbourg de style néoroman construite en 1898 sur le quai Kléber et pillée et incendiée le 1er octobre 1940 par l’occupant allemand.
Ce sont ainsi 176 synagogues qui sont bâties en Alsace et en Lorraine de 1791 à 1914. Seule, la moitié d'entre elles subsiste de nos jours.
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Synagogue de Metz, bâtie en 1850.
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Synagogue rurale de Struth.
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L'Italie
L'Italie a une petite communauté juive. Et pourtant, nulle part ailleurs ne peut-on comprendre mieux ce qu'y a signifié l'émancipation pour les Juifs. Si les synagogues italiennes antérieures au XVIIIe siècle sont parmi les plus remarquables pour leur décoration intérieure, elles sont aussi parmi les plus discrètes extérieurement. Que ce soit à Venise, à Ferrare ou à Urbino, le passant peut marcher le long d'une synagogue sans en soupçonner l'existence à moins d'un examen attentif.
L'égalité des droits pour les Juifs est proclamée dans le royaume de Piémont-Sardaigne en 1848 et à Rome en 1870. Dès lors vont s'élever en Italie quelques-unes des plus notables synagogues d'Europe. La synagogue de Rome visitée en 1986 par le pape Jean-Paul II, date du début du XXe siècle et sa hauteur tout comme son originale coupole à base carrée la font repérer de loin parmi les toits romains.
La synagogue de Florence achevée en 1882 domine également les toits florentins. Les matériaux les plus nobles, comme le marbre, le travertin et cuivre, ont été utilisés pour la construction de ce bâtiment d'inspiration byzantine.
À Turin, qui était la capitale du royaume de Piémont-Sardaigne, la communauté juive décida en 1862 d'élever une synagogue. L'architecte choisi, Alessandro Antonelli, voulut construire le plus haut bâtiment de maçonnerie au monde, alors que le plan original n'indiquait qu'une hauteur de 47 mètres. Il acheva ce qu'on appelle aujourd'hui le Mole Antonelliana, bâtiment emblématique de Turin, haut de 167 mètres et représenté sur la pièce actuelle de 2 centimes d'euro italienne. Entre-temps, la communauté juive, pour des raisons financières ou de par une tardive modestie, s'était retirée du projet. Elle se contenta d'une autre synagogue construite par Enrico Petiti en 188495 dont les bulbes dominent le quartier.
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Mole Antonelliana bâti pour être une synagogue.
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Les synagogues en Belgique
Comme ailleurs en Europe, l'égalité des droits obtenue par les Juifs de Belgique après l'indépendance du pays en 1830 incite les communautés juives belges à élever des synagogues s'affranchissant de la discrétion des époques précédentes et pouvant même être monumentales96 :
- La synagogue d'Arlon, construite de 1863 à 1865 en style néo-roman est la plus ancienne encore existante.
- La Grande synagogue de Bruxelles (Rue de la Régence) inspirée du modèle consistoriale français est construite par l'architecte belge Désiré De Keyser dans un style romano-byzantin97 et inaugurée en 1878.
- La synagogue hollandaise d'Anvers inaugurée en 1893 est bâtie dans un style néo-mauresque qui n'est pas sans rappeler la synagogue de Turin construite moins de dix ans auparavant.
- La synagogue de Liège construite par Joseph Rémont en style romano-byzantin agrémenté de la bichromie orientale98, est inaugurée en 1899.
- La Synagogue Eisenmann (en), inaugurée en 1909, n'est pas reconnaissable comme un lieu de culte, ce qui aurait permis qu'elle survive à l'occupation allemande.
- La synagogue d'Ostende, construite par Joseph De Lange en style Art nouveau99 et inaugurée en 1911 n'est plus ouverte que pendant l'été et aux grandes fêtes100.
- La synagogue portugaise d'Anvers, également bâtie par De Lange en style Art nouveau est inaugurée en 1913101.
- La synagogue orthodoxe Machsiké Hadass, inaugurée en 1914 dans un style romantique national ou Art nouveau102.
- La synagogue Romi Goldmuntz (en) est inaugurée en 1927 mais achevée, après les destructions de Seconde Guerre mondiale, en 1954103. C'est la plus grande synagogue ashkénaze d'Anvers104.
- La synagogue et la yeshiva de Heide (nl), inaugurées en 1928 et en 1929 sont construites dans le style néo-mauresque. La communauté disparaît pendant la Shoah105.
- La synagogue d'Anderlecht est construite par l'architecte Joseph De Lange dans un style Art déco et inaugurée en 1933.
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L'intérieur de la Grande synagogue à Bruxelles
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La synagogue d'Arlon, construite en 1863, avant sa rénovation en 2019.
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La synagogue hollandaise d'Anvers
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L'intérieur de la petite synagogue Eisenman, construite en 1907 à Anvers
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La synagogue Machsike Hadass d'Anvers
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L'Allemagne et l'Empire austro-hongrois
Il ne reste souvent rien des centaines de synagogues allemandes construites au XIXe siècle. On peut toutefois visiter des synagogues virtuelles en se reportant au site de l'Université de Darmstadt106.
L'Allemagne est le pays de la Haskala et c'est dans ce pays que l'architecture des synagogues en a d'abord été marquée. C'est probablement là qu'avaient été construites quelques-unes des plus remarquables synagogues.
Aujourd'hui, on peut encore voir une partie de la Nouvelle synagogue de Berlin où l'on reconnaît les bulbes germaniques déjà cités en Alsace. Elle fut inaugurée en 1866 en présence de Bismarck et pouvait contenir 3 000 personnes. Ayant subi des dommages durant la Nuit de Cristal puis un bombardement lors de la Seconde Guerre mondiale, elle fut en grande partie rasée par les autorités est-allemandes en 1958. Il en reste la façade sur la rue Oranienburg et la coupole recouverte de feuilles d'or. C'est de nos jours un centre communautaire juif.
La plus grande synagogue d'Allemagne, située Rykestrasse à Berlin, a quant à elle rouvert en septembre 2007107. De style roman, elle avait été inaugurée en 1904 et avait échappé à l'incendie durant la Nuit de Cristal parce qu'elle était trop imbriquée dans le tissu urbain environnant.
La synagogue d'Essen108 datant de 1913 a elle été reconstruite à partir de ses ruines et est aujourd'hui un centre de conférences sous le nom d´ancienne synagogue d´Essen.
L'Autriche-Hongrie a connu un essor extraordinaire de sa communauté juive pendant le règne de l'empereur François-Joseph. De nombreuses personnalités, telles Sigmund Freud, Stefan Zweig ou Franz Kafka en sont issues, sans omettre Theodor Herzl dont le cercueil, avant son transfert en Israël en 1949, fut exposé dans la grande synagogue de Vienne109. Celle-ci, seul témoin de la communauté juive de Vienne, fut construite en 1826 à condition de ne pas être vue de la rue.
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Vieille synagogue d'Essen
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Intérieur du Stadttempel de Vienne
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Leopoldstädter Tempel de Vienne en 1860
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Intérieur de la Türkischer Tempel (aquarelle de 1890)
Les synagogues de l'empire reflètent cet essor. À Trieste, alors en Autriche-Hongrie, les architectes Ruggero et Arduino Berlam réalisent l'une des plus grandes synagogues européennes dans un style rappelant les églises syriennes datant de l'Empire romain110. Mais c'est à Prague et Budapest que sont édifiées les synagogues les plus belles.
Tchéquie
S'il ne reste que quelques monuments rappelant les quartiers juifs de Varsovie, Cracovie, Łódź ou Vilnius (que certains avaient surnommée la Jérusalem de la Baltique), Prague présente la plus grande collection de monuments juifs subsistant en Europe. Ils sont pour la plupart dans le quartier central de Josefov. Avec le cimetière juif et l'hôtel de ville juif dont les aiguilles de l'horloge tournent à l'envers, on peut encore y voir la plus grande concentration de synagogues d'Europe. Outre les synagogues Vieille-Nouvelle, Pinkas et Klaus, Prague compte également la synagogue Espagnole et la synagogue Maisel.
La synagogue Espagnole n'a jamais été fréquentée par des Juifs venus d'Espagne. Elle ne doit son nom qu'à l'architecture et à la décoration intérieure hispano-mauresques inspirées des synagogues de Tolède, choisies par les architectes Ullmann, Baum et Munzberg dans les années 1890. Quant à la synagogue Maisel, elle a été édifiée en style gothique à la fin du XIXe siècle à partir des restes de la synagogue fondée par le maire et bienfaiteur du quartier juif pendant la Renaissance, Mordechai Maisel111. Ces deux dernières synagogues font aujourd'hui partie du Musée juif de Prague et ne sont plus utilisées pour des services religieux.
Dans le quartier de Nové Město, dans la rue Jeruzalémská, se trouve la plus grande synagogue de Prague, l'extravagante synagogue du Jubilé aux décors intérieurs et extérieurs polychromes. Elle a été construite en 1906 par les architectes Wilhelm Stiassny112 et Frantisek Fröhlich et son style est un mélange d'Art nouveau et de style mauresque. Cette synagogue libérale où l'on peut toujours assister à des services devrait son nom au jubilé de l'empereur François-Joseph, témoignage de la volonté d'assimilation de la communauté juive praguoise au début du XXe siècle.
Budapest et le royaume de Hongrie
Budapest a longtemps abrité une très grande communauté juive et c'est l'une des rares villes d'Europe centrale où cette communauté se compte encore en quelques dizaines de milliers de personnes. La grande synagogue de Budapest, rue Dohany, est des plus richement décorées et la plus grande d'Europe. Elle peut accueillir 3 000 fidèles. Elle a été construite de 1854 à 1859 dans ce style hispano-mauresque très en vogue pour les synagogues de cette époque. Elle a sa place dans l'histoire juive à deux titres : Theodor Herzl naquit dans une maison mitoyenne de la synagogue en 1860, comme l'atteste une plaque sur le mur de la synagogue ; en 1944, la synagogue était transformée par les nazis en un camp d'internement où Adolf Eichmann eut, dans la galerie des femmes, un de ses bureaux d'administrateur de la solution finale113,114. Le quartier alentour servit alors de ghetto.
Dans ce même quartier, rue Rumbach et rue Kazinczy, on trouve d'autres synagogues dont la restauration est en cours. Celle de la rue Rumbach dessinée par Otto Wagner offre une intéressante structure métallique. Quant à la synagogue du quartier Óbuda, remarquable bâtiment au style classique de 1821, longtemps un studio de télévision115, elle a été réinaugurée le 5 septembre 2010 en présence de Zsolt Semjén, vice-premier ministre hongrois et de Yona Metzger, grand-rabbin ashkénaze d'Israël116.
Quant à la synagogue de Subotica, aujourd'hui en Serbie, mais lors de sa construction en 1901 dans le royaume de Hongrie, c'est une remarquable synagogue de style Art nouveau.
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Intérieur de la grande Synagogue de Budapest.
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Le Royaume-Uni et la Scandinavie
Royaume-Uni
La synagogue West-End à côté du Parc de Kensington (métro Baywater) à Londres, construite en 1879, reste la plus grande synagogue britannique. Des autres synagogues britanniques de cette période, on peut en mentionner deux : la synagogue sur Princes Road à Liverpool, achevée en 1874 dans le style néo-mauresque et la Garnethill Synagogue sur Garnet Street (métro Cowcaddens) à Glasgow, la plus vieille d'Écosse, achevée en 1881 dans le style néo-roman.
Scandinavie
La grande synagogue de Copenhague, construite en 1833, est une des rares synagogues de cette période à utiliser des éléments égyptiens pour ses colonnes, son toit et sa corniche surplombant l'arche. La synagogue de Stockholm, construite en 1870, remplaçait une synagogue plus ancienne, utilisée de 1790 à 1870.
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Intérieur de la Nouvelle synagogue de West-End à Londres.
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La synagogue de Princes Road, Liverpool.
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Intérieur de la Garnethill Synagogue à Glasgow.
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Grande Synagogue de Copenhague.
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Les synagogues d'Afrique du nord
Les Juifs ont toujours habité les différentes régions d'Afrique du Nord bien avant que les Arabes n'en fassent la conquête, comme en témoignent les écrits d'Augustin ou l'histoire de la Kahena. Ils ont bien évidemment prié dans des synagogues. Toutefois, leur statut de dhimmis leur interdisait de construire des bâtiments tant soit peu importants. La situation change quand les puissances européennes commencent à dominer le Maghreb au XIXe siècle. L'œuvre de l'Alliance israélite universelle d'une part et d'autre part le décret Crémieux en Algérie permettent aux Juifs de ces pays d'acquérir un nouveau statut social.
La tradition veut que la plus vieille synagogue du monde datant de l'exil suivant la destruction du premier Temple soit la Ghriba dans l'île de Djerba qui est toujours en service117. En tout état de cause, la Ghriba est attestée depuis au moins le XVIe siècle, mais le bâtiment actuel ne date que du XIXe siècle. D'autres synagogues subsistent en Tunisie ; celle de Zarzis, édifiée au début du XXe siècle, a été détruite par un incendie suspect en 1983118, mais a depuis été reconstruite à l'identique ; celle de Tunis a quant à elle été inaugurée juste avant la Seconde Guerre mondiale.
En Algérie, les Juifs deviennent citoyens français en 1870 de par le décret Crémieux. Le Consistoire algérien créé par le gouvernement français avait déjà pris en charge l'administration du judaïsme algérien tout en se heurtant aux propriétaires des petites synagogues ou oratoires existant depuis bien avant la conquête française. Une vingtaine de synagogues sont construites de 1845 à 1905119. Si la synagogue du marché Randon à Alger construite en 1865 était inspirée du style des mosquées, celle d'Oran inaugurée en 1918 après 38 ans de travaux ou celles de Constantine ou de Mostaganem (1857), sont dans la tradition monumentale des synagogues consistoriales de métropole.
Si les synagogues de Tunisie sont encore ouvertes au culte de nos jours, celles d'Algérie sont pour certaines transformées en mosquées. Celle de Mostaganem était une menuiserie en 2004120. À Batna, la synagogue la plus ancienne est aujourd'hui un local d’alphabétisation, où des inscriptions en hébreu ont été conservées; la plus récente (milieu du XXe siècle) est un dépôt de livres scolaires121.
En Égypte, au Caire et à Alexandrie, les synagogues sont également nombreuses. On pourra citer au Caire la synagogue, toujours ouverte, des Portes du Ciel (Chaar Hachamaïm ou en hébreu שער אשמים). Inaugurée en 1899 son style est, selon Sir Ronald Storrs, « pharaonique »122.
Les synagogues en Palestine ottomane puis mandataire
La Palestine reste administrée par l'Empire ottoman jusqu'en 1917 quand elle passe sous le contrôle des Britanniques qui reçoivent, en 1920, mandat de l'administrer de la part de la Société des Nations. Les Juifs y disposent depuis longtemps comme on l'a vu de synagogues à Jérusalem, Safed, Hébron et Tibériade. En 1872, des Hassidim aidés par l'empereur François-Joseph d'Autriche inaugurent la nouvelle synagogue Tiferet Israel123 qui va s'élever au-dessus des toits de la vieille ville jusqu'à la guerre d'indépendance d'Israël en 1948, où elle sera détruite. Les Juifs ont commencé à émigrer d'Europe vers la Palestine dans les années 1880 dès avant la formalisation du mouvement sioniste par Theodor Herzl. En règle générale, ils n'étaient guère religieux et construire des synagogues n'était pas leur premier souci. C'est donc dans les villages administrés et financés par Edmond de Rothschild, dont les idées étaient très différentes de celles des autres « sionistes » comme Léon Pinsker, que sont élevées en 1885 à Rishon LeZion et en 1886 à Zihron Yaakov les premières synagogues du nouveau yichouv.
Des synagogues urbaines modernes n'apparaissent qu'avec les premières nouvelles villes ou quartiers juifs. À Gedera la première synagogue, orthodoxe, est construite en 1912124, la grande synagogue de Tel-Aviv, de style byzantin en 1926125 et la synagogue Yechouroun de Jérusalem en 1936126 sous l'impulsion du rabbin Abraham Isaac Kook.
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Synagogue Tiferet Israel de Jérusalem (vue prise vers 1940).
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Les synagogues aux États-Unis
Le judaïsme y rencontre une situation exceptionnellement favorable. La liberté de conscience y est proclamée et effective. L'Église ou plutôt les Églises y sont séparées de l'État. Le christianisme est dominant, mais divisé en tant d'obédiences que le judaïsme y représente un groupe religieux qui sera au XXe siècle comparable, en nombre de fidèles, à de nombreux autres.
Or, le développement des transports d'une part, mais surtout l'évolution de la situation en Europe orientale et particulièrement dans l'empire russe où les pogroms sont courants, vont favoriser une forte émigration juive d'Europe vers les États-Unis. Les synagogues vont donc y devenir de plus en plus nombreuses, au fur et à mesure que les Juifs se disperseront dans tout le pays.
Aux États-Unis, les terrains sont peu coûteux et les Juifs n'ont plus peur de heurter la sensibilité de leurs voisins en construisant trop grand. De plus, le judaïsme réformé y rencontre un grand succès. Tout cela va favoriser l'édification de grandes synagogues souvent semblables à des églises. Le style gothique trop associé en Europe à celui des églises y sera plus utilisé comme à Anshe Chesed à New York (datant de 1849) ou à Savannah (Géorgie)127 (1878). On voit des synagogues se transformer en églises comme dans la 6e rue Est de New York lorsque les Juifs émigrent vers d'autres quartiers et inversement la communauté juive racheter des églises comme dans le cas de la synagogue Bialystoker128 qui occupe une ancienne église méthodiste datant de 1826. De nombreuses synagogues seront construites également en style néo-classique comme la synagogue de Charleston qui date de 1840 ou the Temple à Atlanta à l'imitation de la capitale Washington ou, comme en Europe, en style byzantin, comme la synagogue de Wilshire Boulevard à Los Angeles.
Si les synagogues orthodoxes sont le plus souvent petites, quelques synagogues sont plus monumentales, telles la Central Synagogue à New York129 (1872) qui imite la Grande Synagogue de Budapest ou surtout le Temple Emanu-El130 réformé, œuvre de Robert D. Kohn datant de 1929. Ce fut jusqu'à récemment la plus grande synagogue du monde.
À Washington, la synagogue Historique Sixth & I de la communauté Adas Israel est élevée de 1906 à 1908 en style néo-byzantin. Elle aura une vie mouvementée, devenant une église dans les années 1950 pour redevenir une synagogue au début du XXIe siècle et recevoir la visite du président Bush.
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Synagogue réformée Kahal Kadosh Beth Elohim de Charleston.
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Synagogue Bialystoker (Lower East Side - Manhattan).
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Synagogue néo-gothique de Savannah.
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Synagogue néo-classique d'Atlanta.
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Les synagogues durant la Shoah
Le nazisme avait pour but non seulement d'éliminer les Juifs, mais aussi leur culture. Dès 1933 fut organisé le premier autodafé en Allemagne. Le pogrom de la nuit du 9 au 10 novembre 1938 appelé par les nazis Nuit de Cristal en est la suite logique. Heydrich, dirigeant SS, cite le bilan de 267 synagogues détruites dans une lettre à Göring datée du 11 novembre 1938. Parmi ces synagogues détruites, on citera celles de Constance, d'Heilbronn, de Francfort et de Worms qui était alors la plus ancienne synagogue d'Europe en fonctionnement. Plus d'un millier d'autres sont pillées.
Pendant la guerre, des milliers de synagogues disparaissent dans les flammes allumées par les nazis ou les bombardements en Allemagne, en Pologne, en URSS et dans bien d'autres pays. Peu après l'invasion polonaise, la Grande synagogue de Dantzig l'est également, comme la synagogue de Gabin : le 21 septembre 1939, jour de Yom Kippour, peu après le début de l'invasion de la Pologne par les troupes nazies, les Allemands accompagnés des fascistes locaux, mettent le feu à la synagogue et à l'école talmudique. Un trésor artistique, cultuel et culturel qui avait survécu plus de 230 ans brûle en quelques minutes. Toute la population juive de Gabin est alors rassemblée sur la place du « Nouveau Marché » et lorsque les maisons près de la synagogue s'enflamment à leur tour, les Allemands forcent les Juifs à y pénétrer pour sauver les biens qui s'y trouvent, tandis que les troupes nazies hilares prennent des photos. Plusieurs personnes périssent dans les flammes. Le , la Grande synagogue de Varsovie est dynamitée par le SS-Gruppenführer Jürgen Stroop comme dernier acte de destruction du ghetto de Varsovie, et ne sera pas reconstruite après la Seconde Guerre mondiale.
Des villes ou des quartiers juifs entiers disparaissent comme à Salonique ou Odessa. L'entreprise nazie de destruction est souvent parachevée après la guerre par l'abandon des rares synagogues encore existantes, celles-ci n'ayant plus de fidèles.
Celui qui veut connaître les synagogues polonaises peut se reporter au projet Wikipédia les inventoriant64.
Pour l'Allemagne, le site de l'université de Darmstardt liste et renseigne plus de 2 200 synagogues allemandes131 disparues ou abandonnées.
En France, les synagogues détruites ou très endommagées sont surtout situées en Alsace et en Lorraine, dont la synagogue de Strasbourg incendiée dans la nuit du 30 septembre au et celles de Bischwiller, Épinal, Guebwiller, Saint-Dié, Sarreguemines, Saverne, Thionville et Wissembourg, mais aussi celle de Fontainebleau132. D'autres sont pillées comme à Ingwiller ou Mulhouse. Dans la nuit du 2 au 3 octobre 1941, sept synagogues parisiennes, dont celles des Tournelles sont visées par des attentats organisés par Helmut Knochen133,134,135. L'Association des rabbins français adopte une déclaration de protestation, le 15 octobre 1941 : « Comme les victimes humaines, les pierres sanctifiées par la piété, les tabernacles qui renferment les rouleaux sacrés, nous émeuvent et nous angoissent : où s'arrêtera cette fureur sacrilège, et toutes les synagogues de France, après celles d'Allemagne, vont-elles devenir des ruines comme celles de Galilée où Jésus avait prié ? »136.
Mais de nombreuses autres synagogues sont perdues à la suite de la disparition des communautés rurales et certaines, dont les fidèles ont disparu pendant la Shoah, sont par la suite transformées en musées ou en centres culturels, comme cela a souvent été le cas en Allemagne.
Les synagogues de Prague ont été sauvées en partie par la volonté des nazis eux-mêmes qui en 1942 fondèrent le Musée juif central afin d'y rassembler tous les objets d'art et la littérature issus de toutes les communautés juives et synagogues en pays tchèque137.
Le Royaume-Uni ne subit pas l'invasion allemande, mais ses synagogues payent un lourd tribut aux bombardements allemands. La synagogue de New Cross Road est détruite par un bombardement le 27 décembre 1940138 et la Synagogue Centrale de Londres le 11 mai 1941139.
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Synagogue de Berlin en 1945 photographiée en ruines par un soldat soviétique.
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L'époque contemporaine
L'époque contemporaine est encore marquée par quelques événements majeurs qui ne manquent pas d'affecter la répartition ou le style des synagogues. Dès après la guerre, là où il y a encore des Juifs, la reconstruction s'avère nécessaire. Si ceux-ci ont pour la plupart disparu, comme en Europe centrale et orientale, il a fallu du temps pour que s'organise un travail de mémoire et de réalisation de musées.
En parallèle, la renaissance de l'État d'Israël et l'immigration en provenance des pays où les Juifs ne peuvent plus vivre sans discrimination comme l'Europe centrale et orientale, l'ancienne URSS ou les pays arabes, entraînent le retour en masse des synagogues dans le pays où elles étaient les plus nombreuses il y a 2000 ans.
L'exil des Juifs des pays arabes vers Israël, mais aussi vers la France ou l'Amérique fait apparaître ou transformer des synagogues là où parfois il n'y en a jamais eu, alors que d'autres, bi-millénaires, disparaissent.
Le phénomène le plus récent est la réapparition d'un terrorisme antisémite qui ne manque pas d'influencer le style des synagogues pour qui on doit de nouveau prévoir protections et discrétion.
Pendant toute cette période, le judaïsme le plus stable est le judaïsme américain dont les nombreuses synagogues modernes témoignent de la vigueur.
La reconstruction des synagogues
Une tâche immense attend le judaïsme après la guerre. Des communautés entières ont disparu et souvent la reconstruction des synagogues n'est pas la priorité si même elle est envisageable.
En France, un quart de la communauté juive a disparu et sa répartition change. Les communautés rurales d'Alsace et de Lorraine annexées par le Reich, déjà déclinantes avant la guerre, sont particulièrement touchées et vont rarement et très difficilement se maintenir. C'est dans les grandes villes que le judaïsme continue à exister, à Paris ou à Strasbourg particulièrement. Les réparations allemandes vont fournir les fonds indispensables à la reconstruction140.
Si les synagogues sont malgré tout reconstruites un peu partout en Alsace, elles ne reprennent pas nécessairement vie dans les petits bourgs et quelques-unes seront cédées aux municipalités comme à Bergheim, jadis le siège du rabbinat en Alsace. L'une de ces synagogues de campagne à l'abandon sera plus tard transformée en musée : le musée judéo-alsacien de Bouxwiller, inauguré en 1998.
C'est donc dans les grandes villes que la vie juive renaît et c'est pourquoi la célébration du centenaire de la synagogue de Mulhouse en 1949141 et surtout l'inauguration de la nouvelle synagogue de Strasbourg le 23 mars 1958 furent les étapes-clés de cette reconstruction. La nouvelle synagogue de la Paix de Strasbourg, noble bâtiment pouvant accueillir 1 600 fidèles, abritant le premier centre communautaire juif de France, est le symbole de la renaissance du judaïsme. Sa façade est un réseau d'étoiles de David, souvenir de l'étoile jaune, mais aussi évocation d'Israël dont le nouvel État a repris ce symbole sur son drapeau. Ce sentiment est renforcé par la menorah à six branches qui se dresse sur la façade sud.
Arche de la synagogue de Conegliano (Italie puis Jérusalem), datant du début du
XVIIe s.
En Angleterre, c'est la réédification de la Central Synagogue qui symbolise cette renaissance exactement le même jour, le 23 mars 1958142.
En Allemagne, en l'absence de communauté juive importante, la reconstruction consiste surtout à élever des musées ou des centres de conférences. Mais peu à peu, avec la prospérité allemande, une communauté significative se reconstitue de par l'immigration de Juifs des pays de l'est. Ceci amènera à la restauration de synagogues comme la Nouvelle synagogue de Berlin en 1994 ou celle de la Rykkestrasse toujours à Berlin en 2007107. Dans les années 2000, de nouvelles synagogues sont créées et à Bielefeld, la Synagogue Beit Tikwa est même installée dans une ancienne église en 2008.
Transfert en continuité
La synagogue vénitienne de style baroque construite en 1701 dans le ghetto de la ville de Conegliano Veneto en Italie, située à 50 kilomètres de Venise, ferme ses portes en 1918 et attendra 1951 pour être transférée en totalité en Israël par notamment le rabbin (he) Menahem Emanuel Artom, le docteur (he) Umberto Nahon ou Moshe Hacohen Pirani puis restaurée avec soin et décorée à l'aide d'éléments issus d'autres synagogues italiennes. Installée à Jérusalem, la synagogue Conegliano est redevenue un lieu de culte selon le rite italien (« Noussakh Beneï Romi »). On peut aussi la visiter dans le cadre culturel du (it) Centre Nahon du judaïsme italien [archive] ouvert en 1982 rue Hillel, où elle figure l'élément central143.
Les arches saintes antiques de quarante autres synagogues italiennes ont également été intégralement transportées en Israël.
« Nouvelle synagogue » (1899) du quartier
Fabric de
Timisoara (Roumanie), devenue espace théâtral.
Reconversion temporaire
A Timisoara en Roumanie, la (ro) « Nouvelle synagogue » (1899) située dans le quartier Fabric de la ville, de style éclectique et néo-gothico-mauresque, est fermée en 1985 à cause du déclin de la population juive et du coût de ses dégradations, puis encore vandalisée plusieurs fois. Elle est reprise pour 35 ans par le (ro) Théâtre national de Timisoara qui s'engage à la restaurer afin de s'en servir comme salle de spectacle. Dans la même ville, la synagogue « Citadelle » pour les mêmes raisons suit le même sort en 2001 en devenant espace culturel municipal avec un prêt de 50 ans au Philharmonique144.
Le sort des synagogues séfarades
De 1948 à 1975, des centaines de milliers de Juifs séfarades qui depuis des générations et parfois depuis le premier exil il y a 2500 ans avaient toujours vécu dans les pays aujourd'hui arabes doivent les quitter soit par suite de persécutions (comme en Irak), d'expulsions (comme en Égypte), d'insécurité et d'absence d'avenir (comme en Afrique du Nord) ou de guerre civile (comme au Liban). Ils vont s'établir en Israël et contribueront à l'édification des synagogues de ce pays. Ils choisissent aussi la France, principalement quand ils sont citoyens français comme en Algérie ou francophones dans les autres pays d'Afrique du nord. Ils choisissent également les Amériques, notamment le Québec ou le Brésil.
En France, le Consistoire lance dès les années 1950 l'opération des chantiers du Consistoire140 sous l'impulsion d'Alain de Rothschild. Les besoins sont énormes à partir de 1962 avec l'arrivée des rapatriés d'Algérie et les constructions, souvent plus fonctionnelles qu'esthétiques, se multiplient. À Paris, rue de la Roquette, à Villiers-le-Bel, Massy, Sarcelles et Fontainebleau des synagogues sont bâties avant 1965. Peu à peu, le modèle traditionnel dédié au culte cède la place aux centres communautaires où toutes les activités culturelles de la communauté juive peuvent se dérouler et particulièrement les réceptions familiales. En 1982, 36 nouvelles synagogues avaient été construites.
Beaucoup de Juifs sont connus comme des « Juifs de Kippour », car ils ne fréquentent la synagogue que ce jour de la fête la plus solennelle du calendrier juif. Les communautés juives transforment donc en synagogues d'un jour des salles paroissiales, communales ou de spectacle que leur prêtent ou leur louent les autorités ou les autres cultes. Il suffit pour cela d'y apporter une armoire avec un Sefer Torah et un pupitre pour le poser et la synagogue est prête.
L'émigration des Juifs séfarades d'Afrique du Nord ramène aussi des Juifs en Espagne où, pour la première fois depuis 1492, une synagogue est officiellement inaugurée à Madrid le 16 décembre 1968 (des oratoires avaient existé depuis 1917) alors même que la liberté religieuse n'y avait été autorisée qu'un an auparavant145. 500 ans après l'expulsion des Juifs d'Espagne, le roi et la reine d'Espagne y participèrent à une cérémonie du souvenir le 31 mars 1992146.
Parallèlement, les synagogues des pays arabes sont abandonnées et tombent en ruines telle la Synagogue Maghen Abraham de Beyrouth ou sont transformées en mosquées (comme souvent en Algérie) ou parfois en centres culturels. En Égypte147, quelques synagogues fonctionnent encore, ainsi qu'au Maroc et en Tunisie où se sont maintenues de petites communautés juives.
Les synagogues modernes en Amérique
En Amérique, les communautés juives font appel aux meilleurs architectes pour construire de remarquables bâtiments. Ainsi, Frank Lloyd Wright construit en 1955 ce qu'il appelle un « Sinaï transparent » avec la synagogue d'Elkins Park en verre et aluminium.
À Livingston (New Jersey), Peter Blake construit le temple Emanuel dont la forme évoquerait la tente d'assignation décrite dans la bible. Mais Dominique Jarrassé pense à un temple japonais !
À Montréal au Québec, l'architecte Roseanne Moss aidé du maître verrier David Ascalon construisent en 2003 une synagogue à l’architecture dépouillée dans laquelle les vitraux forment la figure géométrique d'une ménorah.
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Temple Emanuel de Livingston (New Jersey).
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Synagogue reconstructionniste de Montréal.
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L'intérieur de la Synagogue reconstructionniste de Montréal.
Les synagogues en Israël
Le 14 mai 1948, l'État d'Israël redevient indépendant pour la première fois depuis la tentative éphémère de Bar Kochba en 135. Pour la première fois depuis cette époque, les Juifs peuvent élever des synagogues dans un État juif. Même si beaucoup restent des shtiblekh19, cela a des conséquences sur l'allure et le style des synagogues, bien que les premiers sionistes ne soient souvent guère religieux. Ils sont plutôt soucieux de construire des universités et c'est sur le campus de l'université de Jérusalem qu'est bâtie en 1957 une des plus originales synagogues d'Israël : la synagogue de Givat Ram, par Heinz Rau et David Reznik. La salle de prière est placée sous une coupole en béton blanc reposant sur de simples piliers.
En 1960, Marc Chagall orne la synagogue de l'hôpital Hadassah de Jérusalem de douze vitraux représentant les tribus d'Israël148.
Les immigrants vers la Palestine d'avant la Seconde Guerre mondiale étaient souvent mus par une idéologie sioniste non religieuse. Après la guerre, les rescapés de la Shoah puis les centaines de milliers de Juifs réfugiés des pays arabes ne partagent pas nécessairement les idéaux sionistes. Mais ils sont souvent plus religieux et ils vont contribuer à l'édification de nouvelles synagogues en Israël.
Le Grand-Rabbinat d'Israël, établi à Jérusalem, inaugure la Grande Synagogue en 1982. Le bâtiment se veut évoquer le Temple tel qu'il est décrit dans la Bible.
La synagogue Cymbalista149,150 élevée par le Suisse Mario Botta sur le campus de l'université de Tel-Aviv, porte le nom du mécène qui la fit construire. Elle est constituée de deux tours cylindriques, pouvant symboliser les rouleaux de la Torah, qui se dressent progressivement à partir d'un socle rectangulaire. Sa ressemblance avec la cathédrale d'Évry, conçue par le même architecte, est notable.
En 2000, la synagogue de Belz, aujourd'hui la plus grande du monde, est inaugurée à Jérusalem. Son nom évoque les Hassidim de la ville de Belz en Ukraine. La salle de prière peut accueillir jusqu'à 6 000 fidèles. Elle reprend beaucoup des fonctions de la synagogue traditionnelle avec des salles d'étude, des salles pour les kiddouch et autres réceptions et des chambres pour les voyageurs.
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Synagogue de l'université de Jérusalem.
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Discrète synagogue séfarade à Netanya installée entre deux magasins.
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Grande synagogue de Jérusalem.
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Synagogue Cymbalista de l'université de Tel-Aviv.
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Salle d'étude de la synagogue de Belz.
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Intérieur de la Grande Synagogue de Belz.
La violence et le terrorisme contre les synagogues
En 1958, le « Temple » d'Atlanta est visé par une bombe probablement posée par des sympathisants du Ku Klux Klan. En 1980, c'est devant la synagogue de la rue Copernic à Paris qu'une bombe tue quatre passants. La synagogue de Zarzis est détruite la même année par une émeute. En octobre 1981, c'est une synagogue d'Anvers qui est visée (3 morts, 100 blessés)151. En 1994, le centre communautaire de Buenos Aires est visé par un attentat qui fait 85 morts. Le , la synagogue de Djerba est touchée par un attentat d'Al-Qaïda qui tue une vingtaine de visiteurs. Le à İstanbul, deux synagogues dont celle de « Neve Shalom » précédemment frappée par un attentat meurtrier en 1986 par des activistes palestiniens, sont la cible d'un double attentat qui fait une vingtaine de morts et attribué à des islamistes152,153. En septembre 2005, à la suite du désengagement israélien de la bande de Gaza, les synagogues laissées sur place sont brûlées par la foule154. Du 26 au 28 novembre 2008, le centre communautaire Loubavitch est une des cibles des terroristes islamistes qui attaquent plusieurs bâtiments de Bombay et y font plusieurs victimes dont le rabbin et sa femme155.
La guerre de Gaza entraîne en France une recrudescence des actes antisémites. Le 5 janvier 2009, une voiture est lancée contre les grilles d'une synagogue de Toulouse puis incendiée156. Le 11 janvier, 9 cocktails Molotov sont lancés contre une synagogue de Saint-Denis157. Cette violence se retrouve aussi au Venezuela où la synagogue de Caracas est vandalisée le 31 janvier 2009158.
En Israël, une attaque à la hache, aux couteau et pistolet par deux musulmans de Jérusalem Est dans une synagogue orthodoxe de Jérusalem Ouest a causé la mort de plusieurs fidèles juifs en novembre 2014. L'assaut meurtrier s'inscrivait dans le cadre des conflits relatifs au Mont du Temple-Esplanade des Mosquées159.
Le samedi 27 octobre 2018, une fusillade a lieu à la synagogue « Tree of life » (« Arbre de vie ») de Pittsburgh en Pennsylvanie, où la communauté juive est installée depuis 150 ans160, au moment où des fidèles sont rassemblés pour l'office du shabath, tuant et blessant plusieurs personnes161. Le tireur de 46 ans, qui s'est rendu à la police, se nomme Robert Bowers et se revendique antisémite. Il a hurlé dans la synagogue « Tous les juifs doivent mourir ! », et sur son profil au sein d'un réseau social, il est écrit : « Les Juifs sont les enfants de Satan »162,163.
Pour se protéger, les communautés juives ont dû recourir aux méthodes de protection et de discrétion qui marquent les synagogues de nombreuses époques. En Europe, rares sont les synagogues qui affichent leurs heures de services religieux et aucune probablement n'est ouverte au public comme peuvent l'être les églises. Les barrières de sécurité ou les bornes de béton et les caméras de surveillance avec code à l'entrée sont habituelles, tout comme la présence de forces de police ou de volontaires entraînés164, lors des services rassemblant de nombreux fidèles.
Inscription à l'entrée de la synagogue de Rishon le Zion : « Qu'elles sont belles tes tentes, ô Jacob ! Tes demeures, ô Israël ! » (
Nombres 24,5 [archive])
Lieux de culte multiconfessionnels
Dans l'histoire, en fonction des changements de majorité dans la confession des habitants d'un territoire on a pu voir des lieux de culte changer de destination. De nos jours l'actuelle mosquée Jamme Masjid de Brick Lane, à Londres a fait office de temple protestant, au temps des huguenots, avant de se transformer en synagogue, puis en mosquée récemment[réf. nécessaire].
Dans certains lieux particuliers, comme les aéroports, les hôpitaux ou bien les prisons on peut trouver des lieux de recueillement multiconfessionnels.
Une autre catégorie de lieux de culte se développe également intégrant dès la construction de l'édifice le caractère multiconfessionnel comme le Temple de Moncton au Canada ou le projet "friday, saturday, sunday"[1] [archive] des architectes britanniques Leon, Lloyd et Saleem165, le projet "Tri Faith [archive]" à Omaha (Nebraska, USA) ou le projet "House of One [archive]" à Berlin.
Mémorial de la
Platz der Synagoge à
Göttingen (Allemagne), vue d'en dessous
Voir aussi
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Articles connexes
Liens externes
Les principaux musées traitant des synagogues
Bibliographie
- Jean Daltroff, La Route du judaïsme en Alsace, I.D. l'Édition, collection Guides Découvertes, 2010
- Jean Daltroff, La Synagogue du quai Kléber de Strasbourg (1898-1941), I.D. l'Édition, 2012
- Mireille Hadas-Lebel, Rome, la Judée et les Juifs, Paris, A. & J. Picard, (ISBN 978-2-7084-0842-5, LCCN 2009479675). Voir chapitre XII.
- Dominique Jarrassé, L'Âge d'or des synagogues, éd. Herscher
- Dominique Jarrassé, Synagogues, Adam Biro,
- Dominique Jarassé, Une histoire des synagogues françaises, Arles, Actes Sud, coll. « Hébraïca », , 1re éd. (ISBN 978-2-7427-1262-5, LCCN 97209569)
- Michaël Jasmin, Histoire de Jérusalem, Puf, coll. « Que sais-je? », (présentation en ligne [archive])
- Ouvrage collectif sous la direction de Freddy Raphaël, Le Judaïsme alsacien, éd. La Nuée bleue
- Ouvrage collectif sous la direction de Geoffrey Wigoder, Dictionnaire encyclopédique du judaïsme, éditions du Cerf (ISBN 2-204-04541-1)
- Ouvrage collectif sous la direction d'Élie Barnavi, Histoire universelle des Juifs, Hachette (ISBN 2-01-016334-6)
- Le site internet du judaïsme d'Alsace et de Lorraine166
- Texte Paul Louis Rinuy avec la collaboration de Joseph Abram, Antoine Le Bas, Clair Vignes-Dumas ; Photographies Pascal Lemaître, Patrimoine sacré XXe et XXIe siècles. Les lieux de culte en France depuis 1905, Paris, Éditions du patrimoine, Centre des monuments nationaux, , 232 p. (ISBN 978-2-7577-0344-1)
Collection Patrimoines en perspective, sous la responsabilité de Pascal Liévaux (MCC, DGP) : Les synagogues, par Dominique Jarassé, professeur d'histoire de l'art contemporain à l'université Bordeaux-Mortaigne, p. 29 ; * Synagogues : 1940-1980 Reconstruction, expérimentations : Synagogue de la Paix, Strasbourg, p. 126-129
Notes et références
Notes
Cet article contient des extraits de l'article « Synagogue » [archive] par Wilhelm Bacher & Lewis N. Dembitz de la Jewish Encyclopedia de 1901–1906 dont le contenu se trouve dans le domaine public.40
- Le mot grec συναγωγή (sunagôgê) est employé dès la version des Septante pour traduire l'hébreu קָהָל (qahal). Très courant, celui-ci apparaît plus de cent fois dans le Pentateuque. Il intervient par exemple des Genèse 28:3 [archive] traduit par une congrégation [de peuples] et Genèse 35:11 [archive] traduit par un essaim [de peuples].
Références
- Synagogue a de multiples équivalents, correspondant aux différentes langues des Juifs et aussi à leur sensibilité religieuse. Le yiddish utilise le mot שול (shoul), « école » et le ladino אסנוגה (esnoga). Certaines congrégations emploient aussi le terme de Beit Tefila (« maison de prière »). Les Juifs persans et les karaïtes utilisent le terme voisin kenessa, dérivé de l'araméen. Les juifs réformés et certains conservatives les nomment parfois « Temple ».
- Voir en particulier Isaïe 8:16 [archive] et suivants
- Dominique Iogna-Prat et Gilles Veinstein, « Lieux de culte, lieux saints dans le judaïsme, le christianisme et l’islam : Présentation » [archive], Revue de l’histoire des religions, no 4, 2005.
- (en) « Synagogue » [archive], Encyclopædia Britannica (1911) (consulté le )
- Philo, Spec. 2.61–62
- Targoum de Jérusalem sur Exode 18:20 et I Chron. 16:39 ; Rachi et Radak sur Jérémie 39:8, la « maison du peuple » (bet amma en araméen) désignant la synagogue dans T.B Shabbat 32a.
- De Vita Mosis III, 27
- Contre Apion II, 17
- Lire en ligne sur sefarim.fr [archive]
- Lire en ligne sur sefarim.fr [archive]
- Lire en ligne sur sefarim.fr [archive]
- Meguila 1:3 ; pour la signification du chiffre 10, voir T.B Berakhot 6a.
- Matthieu. 13:54 ; Marc 6:2 ; Luc 4:16
- Marc 1:21 ; Luc 7:5 ; Jean 6:59.
- Actes 9:20
- Actes 13:5
- Actes 13:14
- T.B. Soucca 51b
- Le « dictionnaire encyclopédique du judaïsme »(voir bibliographie) définit le shtibl (pluriel shtiblekh) comme les lieux informels de prières des juifs hassidiques qui font à la fois office de synagogues, de lieux d'études et de centres communautaires. Shtibl est un diminutif, il s'agit donc d'une petite pièce.
- Le roi Salomon (I Rois 8:34, 44, 48 ; II Chron. 6:34) et Daniel (Dan. 6:11) prient en direction de Jérusalem
- Toutefois, la Halakha interdit d'y reproduire les accessoires du Temple et par exemple, les chandeliers sont différents du chandelier du Temple représenté sur l'arc de Titus.
- T.B. Soucca 51b-52a.
- Moïse Maïmonide, Mishné Torah, Hilkhot Yessodei ha-Torah 6:1-2.
- T.B. Shabbat 13b, 30b, 115a, Pessa'him 62a-b
- Moïse Maïmonide La guérison par l'esprit ; précédé des Lettres de Fostat ; introduction, traduction et annotations par Laurent Cohen, Éditions Bibliophane-Daniel Radford, 2003, collection L'entre nous, (ISBN 2-86970-081-4)
- (en) « A Window into Jewish Medieval Life » [archive] (consulté le )
- Pražské Synagogy/Prague Synagogues, Arno Pařík, Jewish Museum in Prague, 2000, (ISBN 80-85608-33-2)
- Philon, Legat. 155–157; Josèphe, Antiq. Jud. 14.213–216
- Joseph Modrzejewski, Les Juifs d’Égypte: de Ramsès II à Hadrien, Éditions Errance,
- Jasmin 2018, p. 64
- Jasmin 2018, p. 61
- Hirsch Graetz, « Histoire des Juifs » [archive], François-Dominique Fournier (consulté le )
- (en) Spencer P.M. Harrington, « Israel's Oldest Synagogue » [archive], Archaeological Institute of America, (consulté le )
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Références
Mosquée
Une mosquée est un lieu de culte où se rassemblent les musulmans pour les prières communes. Il s'agit du type de monument cultuel le plus caractéristique de l'islam.
On ne trouve pas de règle définie dans le Coran sur ce que devrait être le lieu pour prier Allah, à l'exception de la qibla, à savoir la direction vers laquelle doit se tourner le fidèle pour accomplir la prière rituelle. L’ensemble architectural qui s'est développé au cours de l'histoire est en général flanqué d’une ou plusieurs tours appelées minarets, dont le nombre n'est pas limité. La salle de prière est souvent surmontée, complètement ou partiellement, par un dôme. C’est du haut d’un des minarets que le muezzin (mouadh-dhin) appelle à la prière au cours de l’adhan.
Une mosquée est plus qu’un lieu de culte ; elle sert d'institution sociale et éducative : elle peut, ainsi, être accompagnée d’une madrasa, d'une bibliothèque, d’un centre de formation, voire d’une université. Elle sert aussi de lieu de rencontres et d’échanges sociaux. Par ailleurs, les mosquées jouent parfois un rôle politique important, lié aux jeux d'influence des gouvernements qui sponsorisent des mosquées, dans leur pays et à l'étranger, et aussi aux liens de certaines mosquées avec diverses formes de radicalisation (islamisme).
Le modèle initial de la mosquée trouve sans doute ses sources dans l'aménagement de la maison du Prophète, à Médine. Par la suite, la forme des mosquées a évolué dans le temps et dans l'espace, et l'on relève trois grands types de plan: arabe (Maghreb, Égypte, Péninsule arabique, Proche Orient), iranien (Iran, Asie centrale, Afghanistan, Inde) et ottoman (Empire ottoman). Les mosquées contemporaines, à part quelques exceptions notables, reprennent souvent des adaptations historicisantes de ces modèles. Dans certaines régions (Chine, Inde, Indonésie), on trouve aussi des formes syncrétiques, qui mêlent ces grands modèles architecturaux à des formules architecturales locales.
Étymologie
En arabe
Mosquée dérive de l'arabe masjid, terme qui vient lui-même du verbe sajada (racine « Sîn-Jîm-Dâl, ») signifiant « s'agenouiller se prosterner »1, en référence aux postures de prosternation exécutés pendant les prières.
Le mot masjid existait avant la naissance de l'islam, et il désignait essentiellement un lieu de prière2 qui n'est donc pas spécifiquement musulman3. Il est emprunté à l'araméen masgədā, « lieu de prière, autel »4. Il dérive d’une racine proto-sémitique signifiant « poser le front au sol » et signale donc qu’il s’agit d’un lieu de prosternation. Le mot msgdʾ apparaît en araméen dès le Ve siècle avant J.-C., et on retrouve le même mot plus tard chez les Nabatéens, signifiant « endroit du culte ». Apparemment, ce mot araméen aurait à l’origine signifié « stèle » ou « pilier sacré »5.
Dans le Coran, on trouve vingt-six fois le mot masjid6, mais presque toujours suivi de l'épithète « sacré », dans l'expression al-masjid al-harâm. Ainsi dans la sourate 2, 14: « Tourne ton visage vers la Mosquée sacrée »2. Parlant de la Kaaba, le Coran utilise aussi les termes de « maison » (bayt), « station [d'Abraham] » (maqâm) et « lieu de prière » (muṣallâ). Ce dernier mot n'apparaît qu'une fois dans le Coran, 2, 125 (verset qui reprend aussi les deux autres): « Nous avons fait de la Maison [bayt] un lieu où l'on revient souvent et un asile pour les hommes. Prenez donc la station d'Abrahâm [maqâm Ibrahîm) comme lieu de prière [musalla] »2.
Une distinction floue
En arabe, on trouve deux mots pour désigner une mosquée : à côté de masjid (مسجد), on a aussi jâmi’ (جَامِع) ou masjîd al-jâmi‘ (مسجد الجَامِع) de la racine Jîm - Mîm - 'ayn qui véhicule l'idée de rassembler, mais avec aussi celle de grande capacité7. Le premier est souvent employé pour désigner de petites structures, comme des mosquées de quartier où l'on accomplit les prières quotidiennes. Le second, fréquemment traduit par « grande mosquée », « mosquée du vendredi » ou « mosquée congrégationnelle »8, s'applique à un bâtiment de dimensions plus importantes destiné à la prière du vendredi9,10,11. C'est en principe le seul dans lequel on trouve un minbar, la tribune de laquelle l'imâm adresse son prêche le vendredi12.
En général donc, la ville musulmane traditionnelle compte un grand nombre de mosquées, mais une seule, en principe, joue le rôle de mosquée du vendredi. Cette mosquée a d'abord été appelée al-masjid al-jâmi', c'est-à-dire, littéralement, la grande mosquée. Par la suite, on a simplifié l'expression, conservant le seul jâmi', et on n'a utilisé le terme masjid pour les seules mosquées secondaires. Toutefois, aujourd'hui, le mot jâmi' a souvent pris le dessus sur masjid, et désigne les mosquées de quartier. Mais en même temps, on rencontre de grandes mosquées qui arborent le titre de masjid, si bien que la distinction est devenue plutôt confuse12.
Dans les langues européennes
En français, mosquée est un mot attesté en 1550 dans la langue française, et il figure dans l'édition de 1694 du Dictionnaire de l'Académie française13. Le mot est un emprunt, par l'intermédiaire de l’italien moschea, altération de moscheta, à l'espagnol mezquita13, venant lui-même de l’arabe مسجد / masjid, lui-même emprunté à l'araméen masgədā, « lieu de prière, autel »4. Il dérive d’une racine proto-sémitique signifiant « poser le front au sol » et signale donc qu’il s’agit d’un lieu de prosternation.
Mais aux XIVe, XVe XVIe et XVIIe siècles apparaissent d'autres termes pour désigner la mosquée en langues européennes : « musquette », « mousquaie », « musquée » (pour le français)13 et « moseak », « muskey », « moschy », et « mos’keh »[réf. nécessaire]. Après quoi, progressivement s'est imposé le terme « mosquée », qu’on trouve en espagnol, portugais, moyen français, italien ou encore en anglais, et qui deviendra la norme. En français, l’épellation moderne est attestée en 169413, et c'est elle qui est devenue l'épellation standard du mot.
Histoire
Tradition islamique
Selon une parole attribuée à Mahomet, « la terre entière est le masjid d'Allah »14. D'après une autre, « la Terre m’a été rendue lieu de prière et pure. Quiconque parmi les hommes de ma communauté atteindra l’heure de la prière aura un lieu de prière et de pureté »15. Selon la croyance islamique, la première mosquée au monde était masjid al-Haram connue également sous le nom de Kaaba à La Mecque, qui aurait été édifiée par Adam, puis reconstruite par Abraham et son premier fils Ismaël sur un ordre de Dieu. La deuxième mosquée la plus ancienne est la mosquée al-Aqsa. Selon la tradition musulmane, elle aurait été construite 40 ans plus tard par Abraham ; lors du voyage nocturne de Mahomet, celui-ci aurait été conduit d’abord de la mosquée sacrée de La Mecque jusqu’à celle d'al-Aqsa de Jérusalem16. Elle était également la première direction de la qibla17.
La première construite pendant le règne de l’islam serait la mosquée de Quba à Médine. Elle aurait été édifiée lors de l’hégire, migration de Mahomet et ses compagnons de la Mecque à Médine. Quelques jours après avoir commencé sa construction, Mahomet aurait entamé la construction d’une deuxième mosquée à Médine, connue aujourd’hui sous le nom de masjid al-Nabawi, ou « mosquée du prophète ». D'après la tradition, son emplacement serait celui de la première prière de vendredi effectuée à Médine18. Selon cette tradition, prié par différents habitants de Médine d’accepter leur terrain et désireux de ne froisser personne, Mahomet lâcha la bride de sa monture, Qoçoua, disant qu'il établirait la mosquée là où elle s'arrêterait. Après une longue divagation, elle s’arrêta enfin sur un large terrain vide et s’agenouilla. C’est sur ce terrain que la mosquée de Médine aurait été bâtie19.
Durant son séjour à La Mecque, Mahomet effectue devant la Kaaba les cinq prières quotidiennes avec les disciples de l’islam alors même que des Arabes non musulmans y effectuent également leurs rituels. La tribu de Quraych, chef de La Mecque, qui est responsable de la Kaaba, essaie d’exclure les disciples de Mahomet du sanctuaire. Quand celui-ci revient à la Mecque en 630, il brise les idoles du temple et convertit la Kaaba en mosquée. Elle est depuis connue en tant que masjid al-Haram, ou « mosquée sacrée ».
La Masjid Al-Haram a été sensiblement agrandie au cours de son histoire afin de ffaciliter le hajj, le pèlerinage que tout musulman se doit d’effectuer s’il en a la capacité. Sa première extension fut réalisée au VIIe siècle, sous le règne du calife Omar, et elle a acquis sa forme actuelle en 1577 pendant le règne du sultan Selim II. D'importantes extensions sont réalisées à partir des années 1970, sous le règne de la famille royale saoudienne Al-Saoud20.
Diffusion
Des mosquées ont été construites en dehors de la péninsule d'Arabie au fur et à mesure de l'avance des conquêtes musulmanes, du commerce et des migrations.
Au Maghreb, la première mosquée est la Mosquée Al-Naqah22 de Tripoli, en Libye, fondée vers 643 par le compagnon et général du Amr Ibn Aa-as lors de la conquête de l'Égypte, Cyrénaïque et Tripolitaine, sous le Califat des Rachidoune d'Omar23.
Fondée vers 670, la Grande Mosquée de Kairouan (en Tunisie) est l'un des plus anciens et le plus prestigieux sanctuaire de l'Occident musulman24. Par son plan et ses caractéristiques architecturales, la Grande Mosquée de Kairouan servit de modèle à de nombreuses mosquées dans divers pays du Maghreb, en Andalousie et jusqu'à l'Égypte de la période Fatimide24.
La première mosquée connue de Chine a été construite sous la dynastie Tang pendant le VIIIe siècle, à Xi'an. La mosquée de Xi'an, à l'instar de celles de l'est du pays, suit l’architecture chinoise traditionnelle en forme de pagodes, et ne contient pas certains des éléments propres à celles du reste du monde, y compris celles de Chine occidentale.
Leur large diffusion en Inde remonte au règne de l’Empire moghol, aux XVIe et XVIIe siècles. Les Moghols ont adapté les créations iraniennes dans leurs réalisations, en particulier les dômes en arc brisé, comme dans la Jama Masjid de New Delhi25. Toutefois, la première mosquée construite en Inde fut la mosquée Quwwat ul-Islâm à Delhi, vers 119726
Les premières mosquées dans l’Empire ottoman, comme la Hagia Sophia d'Istanbul, étaient à l’origine des églises ou des cathédrales de l’Empire byzantin. Les Ottomans ont par la suite introduit une nouvelle architecture des mosquées. De grands dômes centraux sont ajoutés, avec des minarets multiples et des façades ouvertes. Les architectes ottomans ont raffiné la conception des colonnes, les plafonds sont devenus plus hauts, tout en incorporant les éléments traditionnels, tels que le mihrab27. On trouve jusqu’à nos jours en Turquie des mosquées qui témoignent du modèle ottoman.
Des mosquées ont commencé à être construites en Europe avec l’arrivée des Arabes en Espagne (VIIIe siècle), puis avec l’expansion de l’Empire ottoman dans les Balkans, à compter du XIVe siècle. Mais la croissance la plus rapide de leur nombre s’est produite récemment, avec la montée des flux migratoires provenant des pays à majorité musulmane. Les principales villes européennes, telles que Rome, Londres et Munich, accueillent des mosquées dotées de dômes et de minarets traditionnels. Elles sont localisées dans les centres urbains et y servent de centres sociaux, religieux et communautaires pour les musulmans maintenant assez nombreux qui y vivent. Dans les régions suburbaines et rurales d'Europe où il y a moins de musulmans, on en trouve de plus petites28. La plus ancienne située dans un département français est la mosquée Noor-e-Islam, qui se trouve à Saint-Denis de La Réunion : elle fut inaugurée en 190529, suivie par la Grande Mosquée de Paris en 1922. En Belgique, les premières mosquées sont construites en 197530,31.
Aux États-Unis, les mosquées sont apparues au début du XXe siècle en commençant par celle de Cedar Rapids à la fin des années 1920. Seulement 2 % des mosquées aux États-Unis ont été érigées avant 1950, 87 % après 1970 et 50 % après 198032.
Changement d'affectation des lieux de culte
La
Grande Mosquée de Gaza, née de la transformation, entre 1297 et 1329, d'une église construite entre 1150 et 1187.
Plusieurs exemples de lieux de culte étant passés d'une religion à une autre existent, certains concernent l’islam.
La Kaaba était avant l'islam un lieu de culte païen, on y trouvait 360 idoles que Mahomet fit détruire lorsqu'il effectua la circumambulation autour de la Kaaba, futur principal lieu saint de l'islam. Quant à la mosquée Al-Aqsa désignée comme le troisième lieu saint de l'islam, elle fut érigée sur le mont du Temple là où se situait le Second Temple de Jérusalem et qui est aujourd'hui encore perçu par les Juifs comme le lieu le plus saint du judaïsme.
En 1453, lors de la prise de Constantinople, les Ottomans transformèrent presque toutes les églises, monastères, et chapelles de la ville y compris la basilique Sainte-Sophie (Hagia Sophia), badigeonnant les mosaïques contraires à l'interdit de la représentation dans l'islam et lui adjoignirent quatre minarets, Sinan architecte turc fut influencé par l'architecture de Sainte-Sophie dans ses réalisations ultérieures. En 1528, le souverain moghol Babur fit construire une mosquée à Ayodhya en Inde. Les Hindous et des historiens considèrent qu'elle fut construite sur le lieu où se trouvait le temple du dieu hindou Rāma, démoli par le pouvoir islamique, en conséquence de quoi un groupe de 75 000 personnes menés par des hommes politiques indiens ont démoli cette mosquée lors d'émeutes en 199233. Inversement des mosquées ont également été converties, notamment en Espagne après la Reconquista comme en témoigne l'actuelle cathédrale de Séville située à l'emplacement d'une ancienne mosquée almohade dont le minaret a été conservé et transformé en clocher34 ou la Mezquita de Cordoue. On observe également ce phénomène en Europe du Sud-Est et Inde à la fin de leur occupation musulmane.
Fonctions religieuses
Prières
La salat (arabe : صلاة) est l’un des cinq piliers de l’islam, et stipule que les musulmans doivent effectuer cinq prières quotidiennes obligatoires : avant le lever du soleil (arabe : فجر fajr), quand le soleil dépasse le point central du ciel (arabe : ظهر dhuhr), l’après-midi (arabe : عصر asr), après le coucher du soleil (arabe : مغرب maghrib), et en soirée (arabe : عشاء isha’a). Bien que les plus petites salles de prière n'offrent la possibilité d’en effectuer que quelques-unes, la plupart des mosquées accueillent les cinq.
Tandis que les prières quotidiennes peuvent être exécutées à n’importe quel endroit, l'islam demande que tous les hommes assistent à la prière du vendredi à la mosquée : ce jour-là, elle accueille la prière du jumah, ou « prière du vendredi », qui se tient au moment de la deuxième quotidienne, celle de midi (dhuhr).
Dans le calendrier musulman, il y a deux Aïds : Aïd el-Adha (arabe : عيد الأضحى ou Aïd el-Khabir arabe : عيد الكبير Grande Fête), Aïd el-Fitr (arabe : عيد الفطر ou Aïd es-Seghir arabe : عيد الصغير « Petite Fête »). Pendant le premier jour de ces deux événements, une prière spéciale est tenue le matin dans les mosquées : Salat el Aïd (« Prière de la Fête »). Les prières d’Aïd sont habituellement effectuées en grands groupes. De ce fait, seules les plus grandes mosquées accueillent normalement la prière d’Aïd. Parfois, celle-ci a lieu sur de vastes places en plein air, en raison de l'affluence.
Salat al-janazah (arabe : صلاة الجنازة) est également tenue lors de la mort d’un musulman.
Lors de l’éclipse du soleil, les mosquées accueillent une autre prière spéciale appelée salat al-koussouf (arabe : صلاة الكسوف)35.
Événements du ramadan
Le ramadan (arabe : رمضان), le mois le plus saint de l’islam, est célébré par plusieurs événements. Comme les musulmans doivent jeûner (arabe : صوم) les journées du ramadan, les mosquées accueillent les repas du soir (iftar) après le coucher du soleil et la quatrième prière du jour, maghrib. La nourriture est fournie, au moins en partie, par des membres de la communauté. Quelques mosquées tiennent également des repas du sohour, le dernier repas avant la reprise du jeûne à l’aube. En Occident certains politiciens assistent parfois à des tables d’iftar, dans le cadre de leurs campagnes électorales ou pour essayer de se concilier la communauté musulmane36.
Pendant le ramadan, les musulmans effectuent une prière spécifique, méritoire, le tarawih (arabe : تراويح). Elle a lieu après la cinquième et dernière prière, l’isha, sauf chez les chiites qui ne la pratiquent pas. Pendant le tarawih, l’imam récite de mémoire, en entier et au moins une fois l’intégralité du Coran, voire deux fois s’il veut faire comme Mahomet. Certains imams ne récitent pas tout le Coran, notamment dans les petites mosquées où la prière est relativement courte. Il est également possible de le lire s’il n’est pas mémorisé.
Des conférences sont également organisées pendant ce mois.
Enfin, pendant les dix derniers jours du ramadan, certaines mosquées accueillent l'i’tikaf, une pratique à laquelle participe au moins un musulman de la communauté pour réciter le coran, vénérer Dieu et étudier l’islam.
Charité
Le troisième pilier de l’islam stipule que les musulmans doivent effectuer la zakat (arabe : زكاة charité). Elle correspond à 2,5 % (ou 1/40) de l’épargne du musulman, si cette épargne dépasse un certain montant, évalué actuellement en Europe à environ 870 euros, et réévaluée annuellement37. Pour les musulmans, le Coran prescrit : « Entraidez-vous dans l’accomplissement des bonnes œuvres et de la piété et ne vous entraidez pas dans le péché et la transgression. Et craignez Allah, car Allah est, certes, dur en punition ! »38.
Pendant le mois de Ramadan, la zakat se fait davantage par la confection et la distribution de repas individuels. Des tables de charité sont organisées dans les mosquées ou des tentes de charité.
Fonctions sociales
Centre de la communauté musulmane
À son arrivée à Médine, Mahomet fit bâtir un lieu de rencontre pour la Communauté, une sorte de « quartier général » où seraient traités tous les points touchant la Communauté, un centre de vie et de rassemblement. Beaucoup de gouverneurs musulmans après la mort du prophète de l’islam, ont donc établi leurs domaines autour d’une mosquée. De la même manière que La Mecque est construite autour de Masjid al-Haram et Médine autour de Masjid al-Nabawi, Karbala, en Irak actuel, a été construite autour du tombeau de Husayn, petit-fils de Mahomet. En général, les centres-villes des régions musulmanes sont marqués par la présence de mosquées.
La place de la mosquée en Iran est notable à plusieurs titres. La mosquée, en plus d'un sanctuaire religieux, est aussi un lieu public où n'importe qui peut pénétrer. De plus, elle offre un véritable service public en mettant à disposition de l'eau courante et des toilettes39. La mosquée participe à la vie sociale d'un quartier. Elle fournit un lieu de prière et de repos à certaines catégories d'habitants ou de travailleurs du quartier, et est également un maillon essentiel entre les « sources d'imitation » (marja-e taqlid) et les populations religieuses.
Les mosquées construites récemment, particulièrement dans les pays non musulmans, tendent par contre à s’éloigner du centre-ville. Aux États-Unis, la croissance du nombre de mosquées et des membres des congrégations dans les banlieues est beaucoup plus importante que dans les zones très peuplées et proches du centre ville. Néanmoins, même une mosquée dans une zone qui n’est pas très peuplée pousse souvent des musulmans à rapprocher leurs habitations et leurs entreprises de la mosquée. Ainsi, les lieux de culte forment les points focaux des communautés musulmanes, même si elles ne forment pas le centre de la communauté tout entière.
Dans certaines villes de Turquie la pratique d’activités sportives a été rendue possible, comme activité de loisir en complément des enseignements religieux destinés aux jeunes. Après une convention entre le Diyanet (ministère des cultes relevant du Premier ministre) et la direction locale de la jeunesse et des sports, il était possible, dans une mosquée du district de Milas de 2012 à , de jouer au badminton40, une mosquée de la province d'Antalya a hébergé des cours de tennis41 et une mosquée de Seyhan a mis en place des sessions de karaté pour des enfants, dans les salles de prières42,43.
Éducation
Un enfant lit dans la mosquée Dar ul-Ihsan à
Sanandaj, Iran.
L’éducation est une mission considérée comme noble, et l’islam insiste sur l’éducation et sur le savoir, que celui-ci soit religieux, scientifique ou littéraire. Les premiers versets révélés au prophète Mahomet disent : « Lis ! Au nom de ton Seigneur qui a créé, qui a créé l’homme d’une adhérence. Lis ! Ton Seigneur est le Plus Noble, qui a enseigné par la plume (le calame), a enseigné à l’homme ce qu’il ne savait pas. » (Sourate 96). Le prophète indique : « Le meilleur d’entre vous est celui qui a appris le Coran et l’aura fait apprendre ». Dans un hadith, Mahomet affirme : « Mettez-vous à la recherche du savoir, jusqu'en Chine s'il le faut ». La mosquée se veut donc l’école de toutes les sciences, où vont se former les savants. Plus qu’un lieu de culte, la mosquée a donc été dans les temps de rayonnement de la civilisation musulmane un haut lieu d’éducation pour les fidèles de tous âges et de divers horizons. Abou Saïd Al-Khoudry rapporte que les femmes dirent à Mahomet : « Les hommes sont les seuls à profiter de tes exhortations. Consacre-nous donc un jour pour écouter tes enseignements. »44. Il leur désigna ainsi un jour où il les rencontrerait et leur offrait ses exhortations et ses recommandations.
L’apprentissage du Coran, de l'arabe et des pratiques religieuses est effectué dans les pays où la langue n’est pas largement parlée. Des cours y sont donnés sur l’islam et son histoire aux nouveaux musulmans, particulièrement en Europe et aux États-Unis.
Les madrasas sont parfois intégrées à des mosquées comme le cas autrefois d'Al-Azhar en Égypte et la Zitouna en Tunisie. Mais la tendance actuelle est de se diriger vers la séparation entre la mosquée et son ancienne vocation universitaire. En effet, si la simple éducation islamique peut être effectuée dans tout centre où existe un mu’allim (qui peut être l’imam) capable d’assumer ce rôle de première formation, les étapes suivantes nécessitent des structures plus développées d’enseignement, des maîtres plus qualifiés et surtout des moyens qui, dans le cas des enseignements supérieurs, sont de la seule portée des États.
Événements et collecte de fonds
Les mosquées dans certaines régions du monde accueillent des événements et des dîners pour collecter de l’argent, pour financer des activités culturelles ou de charité, ou simplement pour réunir la communauté. Une illustration intéressante de cette participation de la communauté est celle de la Grande Mosquée de Djenné au Mali où, pendant un festival annuel, la communauté participe à la réapplication du plâtre à l’extérieur du bâtiment de brique de boue.
Aux États-Unis, les jeunes sont aussi attirés par les mosquées qui ont des équipements de sports tels que les terrains de basket-ball, de football ou de football américain.
Les mosquées accueillent également des mariages. D'après la Sunna, le prophète avait instauré la proclamation du mariage au sein de la mosquée, lieu où doivent se nouer les liens sacrés dans une ambiance islamique, et où les musulmans en témoigneront dans la foi. D’après Aïcha, femme de Mahomet, ce dernier a dit : « Annoncez le mariage dans les mosquées et faites battre les tambours »45.
La vente et toute activité commerciale sont interdites dans la mosquée. Selon la parole de Mahomet : « Si vous voyez quelqu’un qui achète ou vend dans la mosquée, dites-lui : « Qu’Allah rende ton commerce perdant »15, car cela risque de transformer la mosquée en un lieu de commerce. Cet épisode n'est pas sans rappeler celui de Jésus chassant les marchands du temple.
En Iran, les fidèles sont redevables de deux taxes sur la richesse : non seulement la zakat, mais aussi le khoms correspondant à un cinquième des revenus. La moitié du khoms, appelée « part de l'Imam » (sahm-e emâm), est généralement collectée par le réseau des mosquées et centralisée par les « sources d'imitation » (marja-e taqlid). Le khoms est destiné à l'entretien matériel des membres du clergé39. On assiste aujourd'hui à la constitution d'un espace public confessionnel en Iran, constitution qui se confond avec les processus de privatisation et de marchandisation de la société. Ce processus touche l'ensemble des pratiques religieuses des croyants. On assiste donc à la tarification des services offerts par la mosquée39. Les cérémonies ayant lieu à la mosquée, comme les funérailles, les commémorations et les rituels de retour du hadj, par exemple, donnent lieu à des prestations de service tarifées et très détaillées46.
Rôles politiques contemporains
La fin du XXe siècle a été marquée par une augmentation du nombre de mosquées prenant et véhiculant des positions politiques. Certaines sont peu polémiques. Ainsi, aujourd’hui, la participation civique (en particulier le vote) est généralement encouragée par les mosquées du monde occidental.
D'autres actions politiques sont plus contestées. Le fondamentalisme islamique, et les mouvements terroristes, ou tout du moins violents, s'y rattachant, se diffusent ainsi dans un nombre restreint de mosquées à travers le globe. À l'inverse, dans d'autres mosquées sont régulièrement faits des prêches en faveur de la coexistence paisible avec les autres tendances musulmanes et avec les non-musulmans, surtout en période de tensions.
Influence politique
Au cours de la révolution iranienne, la mosquée en Iran a servi de base pour les réunions et l'organisation des manifestations47. Les « Comités pour l'accueil de l'imam Khomeiny », puis les « Conseils islamiques de quartier » après la révolution ont aussi siégé dans les mosquées47. Ces comités, qui s'occupaient de problèmes quotidiens des habitants du quartier, ou de questions politiques pendant la révolution, ont utilisé les lieux de culte musulmans pour des activités séculières.
C'est pendant la guerre Iran-Irak que l'État iranien, au cours de la mobilisation révolutionnaire et nationale de cette période, mélange discours révolutionnaire et légitimité religieuse afin d'occuper l'espace public. La prière du vendredi, par exemple, possède deux parties : le premier sermon est religieux, et le deuxième est explicitement politique ou social. Il est même devenu courant que ces prêches soient précédés de l'intervention d'un ministre ou d'un technocrate qui explique son action39. C'est également au cours de la période de guerre contre l'Irak que les mosquées ont commencé à avoir un rôle dans le recrutement et le soutien aux volontaires candidats au martyr48. La levée des Bassidji s'est en effet effectuée par groupes de voisins ou d'amis, ou d'actions collectives organisées par les mosquées49.
En Turquie, État officiellement laïque existe une fondation (waqf) religieuse étatique (Türk Diyanet Vakfi) qui s'occupe de la formation et de la rétribution des imams et dicte leurs prêches. Selon Le Soir cet organisme gère 77 000 mosquées et 80 000 fonctionnaires en Turquie, mais aussi à l'étranger, par exemple en Belgique où elle gère 62 lieux de culte50.
En Indonésie, le manque de liberté politique des années Suharto a contribué au renouveau islamique. En 1990, un intellectuel musulman déclarait que « la mosquée demeure un sanctuaire pour l'expression des frustrations et du mécontentement »51.
Dans les pays où les musulmans ne sont pas majoritaires, les mosquées sont utilisées pour favoriser la participation civique. Les mosquées américaines accueillent ainsi l’enregistrement d’électeurs. Les mosquées permettent aux musulmans de rester au courant des questions concernant la communauté musulmane. En Belgique, les élections du corps exécutif Conseil provisoire de sages (installé par un arrêté royal), qui ont eu lieu le , se sont déroulées dans 124 bureaux de vote dont 104 avaient été installés dans des mosquées et 20 dans des lieux publics30. Les fidèles de certaines mosquées participent à des protestations, signent des pétitions et s’impliquent dans la politique. Pendant la crise des caricatures en février 2006, les chefs des mosquées ont déterminé la réaction des fidèles. Tandis que quelques responsables, en Asie du Sud et au Moyen-Orient réclamaient des réactions plus violentes aux dessins, d’autres ont demandé aux fidèles de retenir leur colère et d'agir pacifiquement ; dans les deux situations, les fidèles ont réagi en conséquence du discours adopté52.
Fondamentalisme
À la fin du XXe siècle, un nombre restreint de mosquées sont également devenues les plateformes d'imams extrémistes préconisant la violence politique et les idées islamistes extrémistes. La mosquée de Finsbury Park à Londres est un exemple de mosquée qui a été employée dans ce but. Cette dernière a été liée à plusieurs personnes condamnées ou suspectées dans le cadre de la lutte anti-terroriste, comme Zacarias Moussaoui et Richard Reid53. En Espagne, il existe un certain nombre de mosquées clandestines installées dans des garages ou dans des appartements, considérées par les autorités espagnoles comme des espaces propices au prosélytisme radical. De nombreux islamistes ont été arrêtés et la surveillance des mosquées est de plus en plus accentuée, car les autorités craignent à la fois la radicalisation des jeunes immigrants de la deuxième génération, et la présence de groupes radicaux islamistes chargés de recruter de futurs combattants. Cette surveillance est particulièrement active depuis les attentats du 11 mars à Madrid54. Certains pays comme le Qatar et les Émirats arabes unis procèdent à l’expulsion des imams étrangers qui tiennent des discours extrémistes.
Attaques contre les mosquées
Le mardi , la grande mosquée de la Mecque a été prise d'assaut par un groupe d'extrémistes religieux pendant plusieurs semaines55. Dans la matinée, cependant, le roi Khaled avait réuni les grands oulémas du royaume pour obtenir d'eux une fatwa autorisant l'assaut, mais les soldats ne progressaient cependant que très lentement. Le , le Royaume saoudien ayant demandé l'aide de la France envoie trois gendarmes français du GIGN à La Mecque. Dans la nuit du 4 au , environ 170 personnes se rendirent56.
Mosquée Al-Askari de
Samarra après l'attentat de 2006.
En Irak, dans le cadre de l’affrontement entre chiites et sunnites, des mosquées chiites et sunnites sont régulièrement attaquées par des groupes armés. Un bombardement mené par Al-Qaïda en février 2006 a sérieusement endommagé la mosquée Al-Askari à Samarra57. Cette mosquée étant sainte pour les chiites, l'attentat a aggravé les tensions qui existent entre les musulmans sunnites et chiites. Dans la religion musulmane, il est formellement interdit de s’attaquer à n’importe quelle maison de prière ou temple. Toujours en Irak, des mosquées ont essuyé le feu de l’armée américaine58 qui affirme que des combattants se cachent dans ces mosquées.
En 2007, la tension entre les autorités pakistanaises et certains militants talibans éclate brutalement lors de l'assaut de la Mosquée rouge59. Des islamistes extrémistes armés occupent la mosquée et l'armée mène une attaque pour en reprendre le contrôle. L'événement cause la mort de plus de cent personnes et relance l'insurrection islamiste au Pakistan.
En Occident, ces attaques sont des faits isolés et sont plutôt reliées à un contexte politique. Aux États-Unis par exemple, le nombre d’attaques visant les mosquées a augmenté depuis le 11 septembre. Aux Pays-Bas, le nombre d’attaques s'est également accru après l’assassinat de Theo van Gogh, qui avait tourné un film hostile à l’islam basé sur l’expérience personnelle de Ayaan Hirsi Ali60. Les mosquées du Royaume-Uni, ont connu des attaques similaires après les attentats du 7 juillet 2005. Certaines mosquées ont été incendiées ou parfois vandalisées. On retrouve souvent des inscriptions néo-nazies sur les édifices. D'autres mosquées sont également parfois visées dans le reste de la France comme la mosquée de Paris qui a subi plusieurs actes de vandalisme61. Certaines attaques entraînent des affrontements interreligieux comme lors de la destruction de la mosquée Barbari en Inde en 62 qui a entraîné des violences entre musulmans et hindous en 1992 et 200263.
Financement
Dans les pays musulmans, les mosquées sont gérées par le ministère des Affaires islamiques. Celui-ci finance la construction, la formation des imams (en coopération avec le ministère de culture) et leurs affectations aux mosquées. Parfois, certains pays appellent des imams venant d’autres pays s’il n’y a pas assez d’imams locaux pour les différentes mosquées. Il existe des mosquées construites par des particuliers, mais c’est l’État qui prend en main leur direction.
En Indonésie (premier pays musulman du monde par son nombre de pratiquants), à travers le ministère des religions, l'État prend en charge la construction de mosquées, le pèlerinage à la Mecque et l'enseignement religieux64.
En France, avec la loi de 1905 dite de séparation des Églises et de l’État, qui dispose dans son article 2 : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte », les mosquées sont financées par des fonds étrangers et par les dons des fidèles et les collectes, surtout pendant le mois de Ramadan65. En France, les imams sont souvent bénévoles, mais certains, par exemple ceux qui dépendent de la mosquée de Paris, sont rémunérés par l’État algérien30. Néanmoins, l’État impose une limite de 15 % à la part de financement en provenance de pays étrangers (notamment le Maroc et l’Arabie saoudite). Depuis le , il y a une certaine méfiance à l'égard des financements saoudiens66. À Nice, une demande de mosquée, déposée en 2006 et financée par l’Arabie saoudite, a été refusée. Les autorités françaises veulent limiter la construction des mosquées à financement étranger67.
En Belgique, la région de Bruxelles est chargée du financement des travaux liés aux mosquées (construction et entretien) de la région, de la prise en charge du déficit des mosquées, et doit se charger du logement de l’imam qui a le rang le plus haut.
Après la chute de Saddam Hussein, l'Iran a financé la construction et la rénovation de plusieurs mosquées et sanctuaires chiites notamment à Karbala et Najaf68. À travers le Hezbollah dont son leader Hassan Nasrallah a étudié à Qom, l'Iran finance la construction de mosquées chiites et d'écoles69.
Influence saoudienne
Mosquée du roi Faisal à
Islamabad (Pakistan).
L’implication saoudienne dans la construction des mosquées remonte aux années 1960, lors de la fondation de la Ligue islamique mondiale par la famille royale. Ce n’est qu’au début des années 1980, c’est-à-dire après la Révolution islamique en Iran que l’Arabie saoudite a commencé à devenir influente dans le financement et la construction des mosquées hors du pays.
Le royaume aurait dépensé plus de 45 milliards de dollars pour financer la construction de mosquées et de centres islamiques. Le journal saoudien Ain al-Yaqeen estime que les Saoudiens ont financé la construction de plus de 1 500 mosquées et plus de 2 000 centres islamiques, principalement dans les pays où les musulmans sont une minorité70. La construction du centre islamique de Rome a été financée principalement par le roi Fahd, lequel a payé 50 millions de dollars, soit 70 % du coût total de la construction71.
Des citoyens saoudiens contribuent également d’une manière significative, particulièrement dans les pays où des musulmans sont pauvres ou opprimés. Après la chute de l’Union soviétique, des mosquées d'Afghanistan ont reçu des aides importantes de la part de citoyens saoudiens. À la suite de la guerre du Kosovo pendant laquelle beaucoup d'édifices religieux ont été détruits ou endommagés, les Saoudiens ont financé la restauration de mosquées en opposition avec leur style originel ottoman riche en fresques aux thèmes figuratifs72.
Après les attentats du 11 septembre 2001, certains pays ont prêté plus d’attention aux centres et aux mosquées financés par les Saoudiens. En effet, l’Arabie saoudite adhère au courant wahabbite, qui est une forme rigoureuse de l’islam sunnite. Cette nouvelle méfiance a parfois freiné ces financements.
Au-delà des sommes engagées dans la construction, l'Arabie saoudite forme également des prédicateurs salafistes à travers le monde, dont plus de 30 aux États-Unis73.
Architecture
Très diverses dans leur taille et leur style architectural, les mosquées peuvent être de simples masjid servant au culte quotidien, mais aussi des jami' (grandes mosquées), où les fidèles se rassemblent pour la prière du vendredi. Les éléments caractéristiques de la mosquée sont apparus dès l’aube de l’islam. Au fur et à mesure de l’expansion de l’islam, les mosquées ont intégré de plus en plus d’éléments issus de l’architecture des territoires conquis. Chaque région connaît donc une architecture de mosquée qui lui est propre.
Types de plan
Plan arabe
C’est le premier plan conçu. Il se base sur un modèle plus ou moins mythique : la maison du prophète à Médine, qui serait actuellement située sous la grande mosquée de Médine. Le plan arabe, ou plan hypostyle, est un plan à forme carrée ou rectangulaire qui se compose d’une cour à portique et d’une salle de prière à colonnes, les nefs étant dirigées parallèlement ou perpendiculairement (pour le Maghreb et certaines exceptions) à la qibla. On le trouve dans tout le monde islamique, depuis la Syrie (Grande mosquée des Omeyyades de Damas, par exemple) jusqu’au Maghreb (exemple la Grande Mosquée de Kairouan en Tunisie), à l’Espagne et à l’Irak. Les mosquées de plan arabe ont été construites notamment sous le règne des Abbassides et Omeyyades.
Plan iranien
Comme son nom l’indique, ce plan se retrouve quasiment exclusivement dans le Grand Iran, c’est-à-dire dans une région comprenant l’Iran, une partie de l’Afghanistan et du Pakistan et une partie de l’Irak. C'était également le plan utilisé en Inde avant la dynastie moghole. Il apparaît au Xe siècle avec la dynastie seldjoukide et se caractérise par l’emploi d’iwans, d’un pishtak et d'une salle de prière sous coupole. Généralement, les cours des mosquées en comportent quatre disposés en croix. Un pishtak est un portail formant une avancée, souvent surmonté de deux minarets et délimité par un grand arc. La mosquée du Shah à Ispahan est l’un des plus beaux exemples de plan iranien connus.
Plan moghol
Ce plan se trouve essentiellement dans l'aire indienne à partir du XVIe siècle, et il est influencé par le plan iranien. Il se caractérise par une immense cour à quatre iwans, dont un ouvre sur une salle de prière étroite et rectangulaire, couronnée par trois ou cinq coupoles bulbeuses. Par exemple, dans l'Inde actuelle, les grandes mosquées de Delhi, de Fathepur-Sikri et de Bîdâr utilisent ce type de plan,ou encore celle de Lahore, aujourd'hui au Pakistan.
Plan ottoman
Ce plan se développe dans l'Empire ottoman, et on le trouve donc dans la Turquie (actuelle), mais aussi dans les anciens territoires de l'empire. Ce plan a été mis au point par Sinan XVIe siècle, le plus grand architecte turc, à qui on attribue plus de 300 édifices, dont la mosquée Süleymaniye à Istanbul. Cependant, on en trouve des prémices depuis le XIIIe siècle dans le premier art ottoman. Ce modèle s'inspire très largement de la basilique Sainte-Sophie, dont il présente des variations. On a essentiellement une vaste salle de prière coiffée d'une grande coupole cantonnée de demi-coupoles et de coupoles de plus petite taille, destinées à contrebuter la coupole centrale. Le bâtiment principal est en général précédé d'une cour entourée d'un portique.
On trouve également en plus de la coupole centrale des coupoles souvent plus petites dans tout le reste de la mosquée, même où la prière n’est pas effectuée. Souvent, les mosquées de type ottoman font partie de grands complexes.
Autres mosquées
Mosquée tatare à Kruszyniany en
Pologne.
Les mosquées d’Afrique subsaharienne sont marquées par l’architecture de terre. Elles sont souvent construites en terre crue. Les grandes mosquées de Tombouctou et de Djenné qui témoignent de cet art sont dotées de contreforts et de nombreux pinacles. La grande mosquée d’Agadès (au Niger), érigée au XVIe siècle, possède un minaret sahélien traditionnel construit avec de la terre et des étais de bois.
Lieu de prière improvisé par les bédouins dans le désert de Jordanie, rappelant les contours d'une mosquée.
En Chine orientale, le minaret est séparé du reste de la mosquée et il est situé à son entrée. Les mosquées ressemblent plutôt à des pagodes, tandis qu’en Chine occidentale, les mosquées sont moins marquées par l’architecture chinoise traditionnelle.
En Pologne, la communauté musulmane d'origine tatare s'élève à 5 000 âmes. Une mosquée en bois est visible à Kruszyniany non loin de la frontière biélorusse dans la voïvodie de Podlachie, une autre mosquée en bois est également visible dans la région à Bohoniki. Une mosquée existe également à Gdańsk, à Varsovie et à Białystok.
Minarets
Le minaret (مئذنة) est généralement une tour élevée dépassant tous les autres bâtiments. Son but était autrefois de fournir un point élevé au muezzin (مؤذن) pour l’appel à la prière (أذان adhan). Aujourd’hui des haut-parleurs sont souvent placés en haut du minaret et le muezzin fait alors l’appel de l’intérieur de la mosquée.
Dans les mosquées qui n’ont pas de minarets, l’adhan se fait de l’intérieur de la mosquée, avec ou sans haut-parleurs. Dans certains pays où les musulmans sont minoritaires, l’appel à la prière n'est pas autorisé. L’iqama (إقامة), qui est semblable à l’adhan, est dite juste avant le début de la prière et n’est habituellement pas annoncé du minaret.
Qu’ils soient à fût cylindrique, carrés, en spirale ou octogonaux, petits et massifs ou bien hauts et élancés, les minarets sont une constante de presque toutes les mosquées. Les premières mosquées qui ont été construites n’avaient cependant pas de minaret, et des courants comme le salafisme trouvent encore que la construction de ceux-ci est inutile.
Les premiers minarets furent édifiés au lendemain de l’hégire, et le plus ancien en date semble être celui élevé en 665 à Bassorah par le premier calife omeyyades Muawiya Ier. Ce dernier a encouragé la construction des minarets, car ils permettaient aux mosquées d’avoir le même aspect grandiose que les églises chrétiennes avec leurs clochers. Avant l’apparition des minarets, l’appel à la prière était lancé depuis le toit de la mosquée par le muezzin.
Le minaret de la Grande Mosquée de Kairouan (à Kairouan en Tunisie) est considéré comme le plus ancien minaret encore existant au monde74,75 ; sa construction, probablement commencée au cours de la première moitié du VIIIe siècle, date essentiellement de l'an 83676. Constitué de trois niveaux de largeurs décroissantes, il apparaît comme le prototype des minarets de l’Occident musulman76.
Le plus haut minaret du monde est celui de la mosquée Hassan II à Casablanca, avec une hauteur d’environ 210 mètres77. À Téhéran, en Iran, deux minarets d’une hauteur de 230 mètres sont en cours de construction.
Le minaret est généralement solitaire, mais il existe des exceptions. Ainsi, les Timourides introduisirent un portail monumental, accompagné de minarets jumeaux, un de chaque côté, comme à Samarcande, dans l'actuel Ouzbékistan78.
Dômes (Koubba)
Le dôme provient des voûtes sphériques perses. Il est utilisé dans l'architecture islamique depuis le VIIe siècle. Les dômes sont souvent placés directement au-dessus de la salle principale de prière.
Au cours du temps, la taille des dômes augmente. Après avoir occupé un petit espace près du minaret, ils occupent aujourd’hui presque la totalité de la surface du toit de la salle de prières.
À partir de la fin du XIe siècle, avec le règne des Seldjoukides, de petites coupoles apparaissent au-dessus du mihrab et de l’iwan, en plus du grand dôme principal qui se trouve au centre78. Bien que les dômes aient normalement la forme d’un hémisphère, les Moghols ont popularisé les dômes avec une forme plus étirée, notamment en Inde.
Les formes arrondies en forme de coupole sont symbole de perfection.
Coupoles
Coupole d’une mosquée turque.
Une coupole est un mode de couverture hémisphérique, qui repose sur une zone de transition octogonale (le plus souvent), elle-même posée sur quatre piliers. La zone de transition est le grand problème des architectes islamiques. Ils peuvent se servir de pendentifs, c’est-à-dire de triangles convexes posés sur la pointe, comme dans l’Empire byzantin, ou de trompes, à savoir des petites niches, ce qui proviendrait du monde iranien.
Les nervures et les muqarnas qui remplissent souvent les coupoles dans le monde islamique n’ont en général pas de véritable fonction architectonique.
On appelle dôme l’extérieur d’une coupole. À partir du XVe siècle, les coupoles sont très souvent doubles, c’est-à-dire qu’il existe un espace plus ou moins important entre la coque interne et la coque externe. Cette technique permet de réaliser des monuments plus hauts.
Salle de prière
Les salles de prière ne doivent pas abriter des statues, des figures spirituelles, des images d’animaux ou d’êtres humains. Les fidèles prient dans des rangées parallèles au mur de la qibla. Pour la prière, les hommes se placent devant et les femmes derrière ; néanmoins, dans de nombreux pays, les hommes et les femmes sont séparés. L’intérieur est sobre et ne comporte généralement aucune image figurative : des calligraphies, généralement des versets du Coran ou la chahada, ornent l’édifice et les tapis sont utilisés pour couvrir le sol et les motifs dont ils se parent sont orientés en direction de La Mecque. La salle de prière est précédée d’une vaste cour centrale bordée de portiques et parfois ornée d’une fontaine (قبلة).
Généralement, en face de l’entrée à la salle, se trouve le mihrab (محراب) qui est une niche, souvent décoré avec deux colonnes et une arcature, qui indique la qibla, c’est-à-dire la direction de la Kaaba à La Mecque vers où se tournent les musulmans pendant la prière. Il est souvent au milieu du mur de la qibla. C’est probablement dans la mosquée de Médine qu’on trouve le premier mihrab (705-706).
Le minbar, un siège ou un pupitre duquel on présente des sermons, est situé à la droite du mihrab, en haut d’une série de marches. Il est notamment utilisé lors de la prière du vendredi. Le premier minbar fut construit par le prophète en l'an 7 de l'hégire, sous forme d'une chaire de bois depuis laquelle il pouvait s'adresser aux fidèles79. Le minbar de la Grande Mosquée de Kairouan est le plus ancien minbar du monde musulman toujours conservé in situ ; il date du IXe siècle (vers 862)80,81. Aujourd’hui, le minbar est intégré au mur de la qibla lors de la construction. Le plancher de la mosquée, à l’endroit où la congrégation se réunit pour le culte, est couvert de tapis. Il n’y a ni siège ni banc. D’après une étude réalisée à Marseille, Montpellier, Alsace-Moselle et Île-de-France, les lieux de culte musulmans en France sont globalement des espaces discrets de taille modeste dont on peine au premier abord à imaginer la destination cultuelle. Cette discrétion peut s’expliquer par les coûts financiers importants pour l’achat de grands bâtiments ou du foncier. Il y a également le rôle dissuasif joué par certaines municipalités qui ont pour premier réflexe celui de la résistance de principe82. Dans les pays musulmans, on peut trouver des salles de prière dans les lieux de travail, les grands centres commerciaux voire dans les écoles. Certains aéroports comme celui de Doha, d'Abou Dabi ou encore de Riyad sont également équipés de salles de prière.
Iwan
Les iwans sont nés dans le monde iranien bien avant l’arrivée de l’islam, sans doute sous la dynastie sassanide. Il s’agit d’un hall voûté avec une façade rectangulaire ouverte par un grand arc. L’iwan combiné avec le plan carré des palais achéménides a donné le modèle du plan de mosquée dit « iranien » (quatre iwans disposés en croix et s’ouvrant sur une cour appelée sahn (en persan : صحن). Au centre de la cour, on trouve parfois des fontaines à ablutions.
Ce sont les Abbassides qui introduisent l'iwan dans l'architecture islamique. On retrouve par la suite les iwans dans le plan moghol influencé par le plan iranien78.
Les madrasas, dont le type est né en Iran, utilisent aussi cet élément, et ont permis sa diffusion (faible) en Syrie, en Égypte et au Maghreb. Les iwans servent de pièces de séjour et permettent à l’habitant soit de chercher le soleil, soit de s’en mettre à l’abri selon les besoins des saisons et des heures du jour. L’hiver, on s’installe dans l’iwan du nord pour recevoir les rayons du soleil situés au sud, et l’été dans l’iwan du sud pour ne pas être atteint par eux83
Zaouïa
Zaouïa de l'Imam Mezri au Yémen
Zaouïa (زاوية) est un centre spirituel soufi. Le mot zaouïa a pour sens premier angle, cette définition induit donc l’"isolement" propice au recueillement. En effet, ce terme va désigner dans un premier temps un emplacement ou un local réservé à l’intérieur d’une structure plus vaste où les mystiques pouvaient se retirer comme le laisse entendre le sens de la racine du mot arabe. Par la suite, le mot va désigner un complexe religieux comportant une mosquée, des salles réservées à l’étude et à la méditation et une auberge pour y recevoir les indigents. Zaouïa est un établissement religieux érigé autour d’une relique, un wali, et est voué essentiellement à l’enseignement du Coran et des pratiques spirituelles. On y enterre souvent les saints fondateurs des Confréries soufies qui l’occupent.
On ne trouve les zaouïas que dans certaines mosquées du Maghreb. Selon certaines pensées populaires locales, les zaouïas ont une panoplie de pouvoirs surnaturels ; on les dit capables d’intercéder auprès de Dieu84. Certaines ont un rayonnement éducatif, intellectuel et culturel important, car elles contiennent des manuscrits et des ouvrages de mathématiques, d’astrologie, d’astronomie et de pharmacopée85.
Patrimoine mondial de l’UNESCO
Vue sur la localité de
Ghardaïa (vallée du
Mzab) inscrite au Patrimoine mondial de l'UNESCO, avec le minaret de sa grande mosquée.
Les monuments islamiques figurant sur la liste du Patrimoine mondial de l'UNESCO sont :
- Kairouan et sa célèbre grande mosquée86 : critères i, ii, iii, v et vi87
- Minaret et vestiges archéologiques de Djam : critères ii, iii et iv
- La mosquée de Soltaniyeh : critère iv
- Ville-mosquée historique de Bagerhat : critères iv
- Grande mosquée et hôpital de Divriği : critères i et iv
- Qûtb Minâr : critère iv
- Le Caire islamique : critères i, v et vi
- La mosquée du Shah et la mosquée du Sheikh Lutfallah, intégrées au site de la place Naghsh-e Jahan à Ispahan : critères i, v et vi
- Le Mzab et ses villes construites autour de leurs mosquées88: critères ii, iii, et v
- La casbah d'Alger, la vieille ville et ses mosquées anciennes89 : critères ii et v.
Galerie architecture
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Plan type de mosquée arabe. (Attention: lire « le minbar » et « le mihrab »)
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Mosquée ottomane (mosquée Süleymaniye): élévation de la façade latérale précédée de la cour encadrée par les minarets, et plan.
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Deux des quatre iwans de la mosquée du Vendredi (Ispahan). Encadré des deux minarets, l'iwan de la salle principale orientée vers La Mecque.
Règles et étiquette
Parce que les mosquées sont des endroits de culte, les personnes qui s'y trouvent sont tenues de respecter ceux en train d’y prier. Il est ainsi interdit de parler dans la mosquée à voix haute, ou de discuter de sujets considérés comme irrespectueux. Applaudir est uniquement toléré pour les femmes lorsque l’imam fait une erreur. La raison est que selon une parole de Mahomet : « (…) celui qui veut signaler une chose pendant la prière formule le tasbih (dire : soubhan-Allah « gloire à Allah »). [et] (…) taper les mains, est [une manière de le signaler] pour les femmes »15. Il est blâmable de cracher dans la mosquée et surtout au cours de la prière. Selon Abd Allah ibn Umar : L'« Envoyé d’Allah s’ayant aperçu d’un crachat sur le mur de la Qibla, il le frotta, puis se tourna vers les fidèles en disant : Lorsque l’un de vous fait sa prière, qu’il ne crache pas devant lui, car Allah se trouve en face de celui qui prie. »90. Il est également interdit à celui qui a mangé de l’ail, de l’oignon ou du poireau d’aller à la mosquée à cause des odeurs désagréables qui peuvent gêner les personnes en train de prier91. Il est interdit à l’homme en état de grande impureté de rester dans la mosquée alors qu’il connaît son état jusqu’à ce qu’il se purifie. Il en est de même pour les femmes lors des menstrues et des lochies15.
Séparation des sexes
Les hommes et les femmes ne sont généralement pas mêlés (la salle de prière pour femmes étant souvent séparée de celle des hommes soit par un mur, soit par un rideau). Il existe même parfois des mosquées complètement séparées, surtout en Chine. Selon la sounna, les rangs des femmes doivent être derrière ceux des hommes, pour des raisons liées à la génuflexion92. Dans un des ouvrages de référence93, on trouve un hadith où Anas ibn Mâlik dit : « Le prophète a prié dans la maison d’Oum Souleym. Il m’a souri lorsque je me suis placé derrière lui, j’ai prié derrière lui et Oum Souleym derrière nous ». Il est mentionné dans beaucoup de hadiths authentiques et transmis d’une manière récurrente que les femmes priaient avec Mahomet derrière les rangs des hommes. Il existe toutefois quelques rares mosquées pour femmes94 dans le monde.
Propreté et habits
Les fidèles doivent enlever leurs chaussures à l’entrée de la mosquée afin de respecter la pureté du lieu de prière. En effet, le Coran précise que la prière n'est valable que si le corps, les vêtements et le lieu sont exempts d'impuretés. Une autre raison est aussi pour que le musulman puisse faire ses ablutions rituelles, qui comprennent les pieds. Les habits de fête et le parfum sont recommandés pour la prière du vendredi afin de suivre cette recommandation : « Ô enfants d’Adam, dans chaque lieu de salat portez votre parure (vos habits) »95. L’orant doit purifier son corps par des ablutions et ses habits doivent être propres. Il ne peut pas, par exemple, prier avec des habits souillés par de l’urine. La femme doit être habillée d’un habit large et non transparent qui ne montrera pas ses atours. Elle ne doit pas porter de parfums ni autre chose qui pourrait attirer l’attention sur elle et distraire les hommes de la prière. Les habits moyen-orientaux (thawb ou jouba) sont souvent associés à l’islam, mais leur port n’est pas obligatoire, sauf si l'habit occidental est trop serré. Cependant, certains musulmans préfèrent les porter quand ils vont à la mosquée.
L’entrée d’un non-musulman
Le Coran interdit l’entrée des polythéistes dans le Masjid al-Haram : « Ô vous qui croyez ! Les associateurs ne sont qu’impureté : qu’ils ne s’approchent plus de la Mosquée Sacrée, après cette année-ci. Et si vous redoutez une pénurie, Dieu vous enrichira, s’Il veut, de par Sa grâce. Car Dieu est Omniscient et Sage»96. Il existe toutefois plusieurs façons d'interpréter ce verset. Par exemple, l’imam et théologien Abû Hanîfah, fondateur du madhhab de droit musulman hanafite, pense que les polythéistes peuvent entrer dans le Haram (lieu saint) à la Mecque tant qu’ils n’y restent pas ou n’y séjournent pas, car il interprète l’impureté dans le sens d’une impureté spirituelle (liée au polythéisme)97. Mais il y a une divergence d’opinions entre les spécialistes (fouqaha) en ce qui concerne l’entrée d’un non-musulman dans une mosquée. Le plus prépondérant est la permission d’entrer dans toutes les mosquées — excepté la mosquée al-Haram à La Mecque98 — tant qu’il ne dort pas et ne mange pas dans la mosquée. En effet Mahomet accueillit la délégation thaqifite dans sa mosquée pour l’initier à l’islam et reçut également dans le même endroit la délégation chrétienne de Najran quand elle se rendit auprès de lui pour être initiée à l’islam99.
« Si des non-musulmans demandent à entrer dans une mosquée pour voir comment prient les musulmans et ne portent rien qui puisse salir la mosquée et ne sont pas des femmes indécemment vêtues et, en l’absence de tout autre obstacle à leur entrée, il n’y a aucun inconvénient à les faire entrer dans la mosquée. On les installe derrière les prieurs pour qu’ils voient comment ils prient et on avertit les musulmans qui ne seraient pas au courant afin qu’ils ne cherchent pas à chasser les étrangers. Allah sait le mieux100. »
Cependant, à l'époque de son règne, le calife omeyyade Umar II a interdit l’entrée des non-musulmans dans les mosquées et cette règle est encore appliquée aujourd'hui en Arabie saoudite5. En pratique, la décision de permettre l’entrée des non-musulmans varie d’un endroit à l’autre. Au Maroc par exemple, l’entrée est permise dans deux mosquées seulement, la mosquée Hassan II à Casablanca et la mosquée Moulay Ismael à Meknès. Il y a également beaucoup d’autres endroits, en Occident aussi bien que dans le monde islamique, où les non-musulmans sont autorisés à entrer dans des mosquées. Aux États-Unis par exemple, la plupart des mosquées reçoivent des visites de non-musulmans chaque mois. En Malaisie, l’entrée est généralement permise sauf pendant les heures de prière. Pour entrer, on exige que les femmes (musulmanes ou non) portent également une écharpe pour couvrir la tête dans le modèle du hijab et que les hommes se couvrent les jambes des pieds aux genoux. En Tunisie, dans la Grande Mosquée de Kairouan, le port d'un voile sur la tête n'est pas indispensable et seules les jambes des femmes portant une jupe ou un short court doivent être couvertes. La partie qui reste non accessible au visiteur est le lieu de prière à proprement parler. En Iran les non-musulmans peuvent visiter toutes les mosquées sauf la partie centrale des lieux extrêmement saints comme les mausolées de l'imam Reza à Mashhad et de Fatima Masoumeh à Qom. En Turquie, l'entrée des non-musulmans dans les mosquées ne pose aucun problème, à condition de respecter les règles de bienséance valables pour tout le monde, à savoir se déchausser et (pour les femmes) couvrir la tête par une écharpe.
Principales mosquées saintes de l'islam
Les trois principales mosquées et lieux saints de l'islam sont la Mosquée al-Harâm à La Mecque ; la Mosquée du Prophète à Médine ; la Mosquée al-Aqsa à Jérusalem.
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Masjid al-haram, La Mecque.
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Mosquée du Prophète, Médine.
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Mosquée al-Aqsa, Jérusalem.
Types de mosquées :
Notes et références
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Voir aussi
Sur les autres projets Wikimedia :
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
Ouvrages
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Articles et chapitres d'ouvrages collectifs
- Abdelaziz Benabdallah, « L'architecture islamique dans les mosquées maghrébines », Al-Qods : revue arabo-islamique, Rabat, Dar al-Aqc̜a, no 3, (lire en ligne [archive] [PDF])
- (de) Marek Stachowski, « Slawische Bezeichnungen für Moschee unter besonderer Berücksichtigung des Polnischen, Schlesischen, Tschechischen und Slowakischen », dans Ilona Janyšková, Helena Karlíková, Vít Boček (Eds.), Etymological research into Czech (Proceedings of the Etymological Symposium Brno 2017), Prague, Lidové noviny, coll. « Studia Etymologica Brunensia » (no 22), (ISBN 978-8-074-22619-9, lire en ligne [archive]), p. 361-369
- Paul Louis Rinuy avec la collab. de J. Abram, A. Le Bas, C. Vignes-Dumas (photogr. Pascal Lemaître), Patrimoine sacré XXe et XXIe siècles. Les lieux de culte en France depuis 1905, Paris, Éditions du patrimoine, Centre des monuments nationaux, , 232 p. (ISBN 978-2-757-70344-1)
Voir « Entretien » avec Dalil Boubakeur, recteur de la
Grande Mosquée de Paris, P. 28 ; « Mosquées : Modernité, antimodernité. La.Grande mosquée de Strasbourg » , p. 202-203
Filmographie
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Articles connexes
Liens externes
Château fort
Ne doit pas être confondu avec Château.
Un château fort est une structure fortifiée de la fin du Moyen Âge, remplaçant la motte castrale à partir de la Renaissance du XIIe siècle et habitée par la noblesse. Les châteaux forts, emblématiques de la société féodale tardive, sont construits essentiellement en Europe, au Moyen-Orient et en Asie. Faits de pierre et non plus de terre et de bois, ils se caractérisent en effet par leur double fonction : défensive et administrative. Le mot château procède du latin castellum, par l'intermédiaire de l'ancien français chastel (d'où le terme de castellologie, l'étude des châteaux).
Les chercheurs actuels débattent sur ce que recouvre le terme de château fort, mais le considèrent généralement comme « le lieu de résidence fortifié d'un détenteur du droit de ban, à l'origine d'une circonscription territoriale, mandement, châtellenie ou bourg », c'est-à-dire la résidence fortifiée privée d'un noble ou d'un seigneur. Cette définition le distingue ainsi d'un palais qui n'était pas fortifié, d'une fortification qui n'était pas la résidence d'un noble ou d'une ville fortifiée ou d'une citadelle qui étaient une défense publique. Néanmoins, il y a beaucoup de similitudes entre ces différents types de construction. L'usage du terme a varié au cours du temps et a été appliqué à tort à des structures aussi diverses que des maisons fortes ou des castros.
Le château fort dérive des premières places fortes, partiellement voire intégralement en pierre, apparues en Europe, au IXe siècle, après la chute de l'Empire carolingien dont le territoire a été divisé entre seigneurs et princes. Ces structures prennent réellement l'organisation caractéristique du château fort (double fonction : défensive et administrative) à partir du XIIe siècle lorsqu'elles deviennent également des lieux de résidence de la noblesse (généralisation des donjons). Les nobles construisirent alors ce type de châteaux pour contrôler, par la défense passive — mais aussi active — la zone les entourant, mais s'en servirent aussi comme centres de leur administration et symboles de leur puissance (rôle ostentatoire), leur pouvoir politique (siège de la seigneurie châtelaine) et économique : les châteaux urbains servaient notamment à contrôler les voies de communication et la population locale qui venait se fixer dans sa région.
Les châteaux ruraux ou villageois étaient situés souvent près d'éléments importants pour le village tels que moulins, fours, pressoirs, étangs ou terres fertiles. Le terme de château fort est aujourd'hui quelque peu abandonné (au profit de celui de château), car trop restrictif, n'évoquant que la fonction militaire de l'édifice.
Bien que la poudre à canon ait été introduite en Europe au XIVe siècle, elle n'a affecté significativement la construction du château fort qu'au XVe siècle lorsque l'artillerie est devenue suffisamment puissante pour détruire les murs en pierre. Ils ont continué à être construits jusqu'au XVIe siècle, mais les nouvelles techniques pour faire face aux tirs de canon ont rendu ces places trop inconfortables à vivre. Ainsi, les châteaux forts ont progressivement disparu, remplacés par les forts d'artillerie sans aucun rôle dans l'administration civile et les maisons paysannes qui étaient indéfendables. À partir du XVIIIe siècle, le style néogothique connaît un regain d'intérêt pour la construction de faux châteaux forts, mais ils n'ont plus aucun rôle défensif.
Description
Il se définit plus par un critère social (la résidence, permanente ou temporaire, de la famille châtelaine ou d'un noble) que par une description architecturale. Il est fortifié de manière à pouvoir résister aussi bien à une attaque directe qu'à un siège et se distingue de la maison forte ou ferté en ancien français (firmitas des hobereaux) par ses dimensions et ses ouvrages défensifs plus importants. Le château est l’instrument et le symbole du pouvoir local : il permet d’asseoir l’autorité d’un sire sur une population. Dans cette acception, les premiers châteaux apparaissent à la fin de l'époque carolingienne. Les castellologues ont longtemps privilégié l'étude de la fonction défensive du château fort dont les éléments défensifs sont souvent les mieux conservés, mais depuis la fin du XXe siècle, l'exploitation des archives a permis de mettre l'accent sur une fonction assez peu étudiée, la fonction résidentielle1.
Histoire
Origines
L'historien Charles Coulson considère que c'est l'accumulation des richesses et des ressources (comme la nourriture) qui a conduit à la nécessité de structures défensives. Les premières fortifications apparaissent dans le Croissant fertile, la vallée de l'Indus, en Égypte et en Chine, où les implantations étaient protégées par de grandes murailles. L'Europe du Nord fut plus lente que l'Orient à développer des structures défensives et il faut attendre l'Âge du bronze pour y voir le développement de castros qui se multiplièrent pendant l'Âge du fer. Ces structures différaient de leurs homologues orientaux en privilégiant comme matériau de construction des travaux en terre (en) plutôt que la pierre. Certains terrassements en terre existent toujours, mis en évidence par des palissades et des fossés2.
En Europe, les oppidums se sont développés au IIe siècle av. J.-C. : bien que primitifs, ils ont été efficaces jusqu'à l'utilisation intensive d'engins de siège et d'autres techniques de siège, comme à la bataille d'Alésia. Les fortifications romaines, les castra, variaient depuis la construction temporaire des armées en campagne, aux ouvrages en pierre permanents, comme le mur d'Hadrien.
Développement
La diffusion des châteaux forts vers l’an 1000 signale qu’ils sont liés à un type particulier de société, dite « féodale ». La disparition de l’État carolingien et la régionalisation des pouvoirs, le transfert de l’autorité régalienne vers des pouvoirs locaux (la féodalisation), provoquent l’insécurité liée à la rivalité des grands possédants et des petits chefs. En favorisant l’éclosion de nombreuses autorités régionales et locales, qui ont besoin d’hommes de main, de polices, cette régionalisation militarise la société et favorise l’érection de nombreux lieux fortifiés. Du Xe au début du XVIIe siècle, l’Europe se hérisse ainsi de châteaux qui tous symbolisent un pouvoir sur les hommes et la terre. Plus le pouvoir territorial des principautés régionales est fort, moins il y a de châteaux, au contraire, plus il est faible, plus ils sont précoces et nombreux. Ainsi, dans les régions germaniques (à l’est d’une ligne Saône-Rhône) où l’empereur reste puissant jusqu’au XIIIe siècle, l’apparition des châteaux est plus tardive et la diffusion plus limitée (au moins jusque vers le deuxième quart du XIIe siècle). Dans le Midi et l’ouest de la France où le pouvoir royal est absent et les autorités régionales des ducs et des comtes limitées, les châteaux sont beaucoup plus nombreux et apparaissent de façon nettement plus précoce (parfois dès la fin du IXe siècle, plus couramment dans la seconde moitié du Xe siècle). Le développement de la royauté capétienne les limite dès le XIIIe siècle. Si la disparition de l’État central et la régionalisation forcée de l’Europe, provoquée par les intérêts des chefs de guerre et des grands possédants, a fait naître le château (au Xe siècle dans l’ouest de la France, aux XIIe – XIIIe siècle dans l’Empire : Allemagne, est de la France, Italie), le développement des États modernes les fait disparaître au XVIIe siècle.
Tous les possesseurs de château n’ont pas la même autorité seigneuriale. Les princes, comtes et grands dynastes, qui exercent une autorité territoriale, construisent de vastes châteaux pour loger les nombreux chevaliers et « ministériels » qui sont leur armée et leurs « fonctionnaires ». Les petits seigneurs doivent se contenter d’une maison forte, une tour ou un logis dans une petite enceinte. Ainsi définis, les critères paraissent simples. Mais les princes ont besoin, pour tenir leur pays, de nombreux postes militaires, parfois simples tours, qui sont défendues par peu d’hommes. Par ailleurs, des seigneurs de village, enrichis par la guerre et les fonctions (les services rendus), ont les moyens d’élever de prestigieuses constructions. Certains châteaux ont une enceinte spéciale servant de refuge à la population environnante.
À partir de l’époque de Philippe Auguste et de Richard Cœur de Lion (fin du XIIe, début du XIIIe siècle), la fortification est de plus en plus souvent l’affaire d’« ingénieurs ». Jusque-là, on cherchait des sites favorables et on comptait surtout sur l’épaisseur et la hauteur des murs. Le développement d’une architecture militaire offensive (lié à la diffusion des machines de guerre et aux dispositifs de flanquement) permet de s’établir dans n’importe quel site, n’est plus tributaire du relief, et a pour contrecoup la recherche d’une architecture à caractère davantage palatial. La synthèse entre château et fort devient plus difficile comme le montrent les châteaux de Saumur ou de La Ferté-Milon ou bien produit des édifices sévères comme à Tarascon. La grande majorité des châteaux forts ont été élevés par les seigneurs de village ; ce sont donc des maisons fortes qui ont des formes très variées (plus diverses que celles des grands châteaux), selon les époques et les régions, assez accessoirement tributaires de l’évolution de l’art militaire. La maison forte est aussi ancienne que le château, mais la plupart d’entre elles ont été reconstruites pendant ou après la guerre de Cent Ans.
Les ressources documentaires médiévales utilisent un vocabulaire divers et relativement flou pour désigner les châteaux : le castrum (au pluriel castra) se confond avec le castellum (castella) pour décrire un lieu fortifié.
Origine des châteaux médiévaux en Occident
Au IXe siècle, l'édit de Pîtres encourage la construction de forteresses pour faire face aux invasions scandinaves qui menacent la France occidentale. La multiplication des châteaux répond à un contexte d’insécurité : raids vikings et sarrasins, puis violences de petits seigneurs brigands, menacent les paysans et leurs récoltes. Ces châteaux sont d'abord sous l'autorité des comtes et des ducs, qui sont les délégués du roi dans les « régions » (pagi). Ces représentants se constituent des principautés autonomes et confient leurs forteresses à des délégués (vicomtes, viguiers, centeniers, officiers châtelains). Aux XIe et XIIe siècles, ces derniers usurpent les prérogatives publiques (rendre la justice, lever une armée, collecter les impôts). Les partages successoraux accentuent l'émiettement du pouvoir. Ils font construire, de manière illégale, des châteaux : à la fin du XIIe siècle, on en comptait environ 150 en Provence, 130 en Catalogne, 110 en Picardie3.
Cependant, l’effacement de l’autorité publique, incarnée par le roi ou le comte, s’est faite selon des rythmes et des intensités différents :
- dans certaines régions (centre de la France, Bourgogne, Lorraine, Provence, Languedoc…), l’effacement de l’autorité publique a été précoce et profond. Dès la seconde moitié du Xe siècle4, les viguiers et les alleutiers s’emparent du ban ou le reçoivent. L’apogée de la seigneurie châtelaine se situe entre 1030 et 1080. L'historien médiéviste Georges Duby a particulièrement étudié le Mâconnais ;
- d’autres régions sont mieux tenues par les princes ou les rois (Normandie, Flandre…). Les châteaux restent contrôlés par eux ou leurs familiers, sauf pendant les crises. Ainsi, le comte de Flandre interdit dès la fin du Xe siècle la construction de forteresses sans son autorisation5. Le cas normand est plus complexe : le duc confie les vicomtés à des agents fidèles. Les vicomtes normands s’occupaient de la justice, des impôts et de l’armée ; ils séjournaient souvent à la cour ducale et rendaient des comptes au prince. Mais à la faveur des crises de succession (mort de Guillaume le Conquérant en 1087), les seigneurs et les vicomtes en profitent pour devenir autonomes. Les guerres privées sont alors courantes. En 1107, Henri Ier doit réaffirmer l’interdiction d’édifier des tours fortes sans son accord6.
Évolution des forteresses en Occident (Xe – XVIIe siècles)
La physionomie des châteaux forts a changé au cours du Moyen Âge parallèlement à l'évolution des techniques militaires et de siège (poliorcétique). La structure et l'ampleur des châteaux forts dépendent également des régions et du pouvoir de son propriétaire.
On peut distinguer plusieurs étapes, dans l'ordre chronologique.
Enceinte castrale (Xe – XIIe siècles)
L'enceinte castrale est, avec la motte castrale, le premier château fort de l'histoire. Il semble même, d'après les recherches archéologiques récentes en Normandie, qu'elle serait antérieure à la motte (avant 1066). La fortification occupe souvent un terrain plat sur un éperon ou un promontoire. Une tour-porche en protège sommairement l'entrée. L'enceinte, précédée de douves ou de fossés, est constituée d'une palissade plantée ou non sur un terrassement (la terre est celle retirée du fossé). De forme ovoïde, cette clôture protège quelques bâtiments et abrite une mesnie7 aristocratique, parfois une petite communauté paysanne (le terme de château est dans ce cas utilisé à tort).
Ce château fort primitif couvrit en fait toute l'Europe occidentale.
Le premier château de Caen, édifié pour le duc Guillaume le Conquérant, en constitue le plus bel exemple normand. L'enceinte enferme 5 ha et épouse un éperon. Avant la fondation du donjon au XIIe siècle, une grosse porte fortifiée formait son élément défensif le plus important. L'enceinte castrale se trouvait en fait un peu partout dans les campagnes normandes, mais dans des tailles beaucoup plus modestes qu'à Caen : Le Plessis-Grimoult (Calvados) fouillé par Elisabeth Zadora-Rio ; Mirville (Seine-Maritime) fouillé par Jacques Le Maho ; Pont-Saint-Pierre (Eure)… Ce type de fortification semble aussi avoir cohabité avec le type « motte castrale » et perduré jusqu'au XIIe siècle.
Motte castrale (seconde moitié du Xe et début du XIe siècle)
Présentation
La motte castrale est une butte artificielle sur laquelle est aménagée une tour entourée d’une palissade et d'un large fossé. Les spécialistes les appellent aussi « château à motte et basse-cour »8.
Les premières mottes castrales sont aménagées à la fin de l’époque carolingienne entre Rhin, Escaut et Loire. Les mottes apparaissent plus tardivement dans le nord de l’Europe (XIIe siècle au Danemark) et à l’est de l’Elbe (XIIIe siècle)9. La plupart du temps, leurs sommets étaient occupés par un fortin de bois aménagé avec une tour de guet en charpente analogue à un donjon. Leur succès s'explique en partie à la facilité de leur réalisation : les matériaux de construction qu'elle nécessite, la terre et le bois, abondent et sont donc peu coûteux. Les travaux de terrassement, l'abattage et l'équarrissage du bois, ainsi que la mise en œuvre peuvent être l'affaire d'ouvriers non qualifiés, trouvés parmi les serfs corvéables « à merci »10.
Certains sires érigeaient ces fortifications sans l'autorisation du prince : ce mouvement d'usurpation qui aboutira aux châtellenies du XIe siècle fut plus précoce dans le sud de la France. Dans la seconde moitié du XIe siècle, le château à motte se multiplie et devient plus complexe en France. Il se diffuse en Allemagne et en Angleterre, après la conquête du duc Guillaume de Normandie. Elles se dotent alors d'une enceinte maçonnée au sommet de la motte.
Description d'un château fort
Motte à proprement parler et haute-cour
Les dimensions des mottes varient de 50 à 200 mètres de diamètre et d'une hauteur de 10 à 60 mètres8.
L’habitation du seigneur pouvait être au sommet de la motte (dans une tour) ou bien dans la basse-cour. La tour était encerclée par une palissade ou un muret. Dans les premiers temps, la tour était en bois et comportait un ou deux étages où l'on trouvait des réserves et la chambre du châtelain et de sa famille ; la construction était entourée d'une palissade aménagée sur une levée de terre et d'un fossé en haut. L'entrée pouvait se faire par pont amovible gardé par une porte et une tour en bois.
Basse-cour (fortification)
La motte castrale est incluse dans un ensemble fortifié plus vaste qui comprend une basse-cour, séparée par un fossé. Cet espace était suffisamment vaste pour accueillir la population réfugiée. Au pied de la butte s'étendait une basse-cour avec des habitations, des écuries, des bâtiments agricoles et parfois le logis seigneurial.
Construction
Le seigneur exigeait de ses paysans qu’ils participent aux travaux, car ces derniers savaient construire leur maison : on commençait par tracer le plan au sol, puis on creusait un fossé dont les débris permettaient la formation d’un rempart de terre. Le monticule en lui-même était élevé par couches successives, par accumulation de matériaux apportés par chariots, bêtes de somme ou à dos d’homme, dans des hottes. Il n'était nul besoin d’une main-d’œuvre spécialisée pour élever ce genre de défense. Bâties en terre et en bois selon des plans variés, les mottes sont soumises aux intempéries (les palissades pourrissent) et aux incendies. Beaucoup d'entre elles ont disparu. La tapisserie de Bayeux est une source iconographique de première importance pour la connaissance des mottes castrales. Elle peut être complétée par les données archéologiques et la reconnaissance aérienne. Ces constructions de bois présentaient l'avantage de pouvoir être rapidement reconstruites, après un incendie par exemple. Elles servaient de refuge aux paysans des alentours, au temps des invasions scandinaves.
Premières forteresses en pierre (Xe et XIe siècles)
La fortification en pierre, souvent un donjon entouré de remparts, ne correspond pas à une étape de l'histoire des châteaux forts. Autrement dit, les châteaux en pierre n'ont pas succédé aux châteaux en terre et bois. Le choix du matériau dépendait des moyens du commanditaire, et du terrain : la roca ou « roque » apparaît dès le Xe siècle dans les régions montagneuses de l'Europe méridionale.
La fortification en pierre, encore rare au Xe siècle, correspond parfois à une construction romaine plus ou moins modifiée comme le castrum d'Andone, les remparts du Mans ou la cité de Carcassonne11.
L'utilisation de la pierre pour de nouvelles constructions concerne avant tout les donjons. Les premiers grands donjons à base rectangulaire en pierre apparaissent dans la vallée de la Loire (Langeais, fin du Xe siècle). On attribue traditionnellement un rôle pionnier au comte d'Anjou, Foulque Nerra (987-1040). Cependant, avant le donjon de Foulques Nerra à Langeais (994,) il y a eu la forteresse des ducs d'Aquitaine à Maillezais, à l'emplacement de l'abbaye Saint-Pierre. Elle fut construite entre 970 et 980, partiellement ou entièrement en pierres. Il en reste une tour-porte qui fut conservée pour l'abbaye. Les donjons sont adoptés en Normandie puis en Angleterre et en Allemagne au cours du XIe siècle12.
Celui de Loches, le plus abouti pour l'époque, mesure 37 mètres de haut. Des analyses dendrochronologiques permettent d'en dater l'achèvement entre 1015-1035, ce qui repousse un peu plus haut la chronologie longtemps admise pour ce genre d'édifice. Le donjon de Loches est un bon exemple du type des donjon-palais ou tour-résidences mise au point au XIe siècle. Il s'agit de réunir un seul édifice, par un étagement vertical, les trois unités fondamentales des résidences carolingiennes : aula (salle publique) capella (chapelle, oratoire) et camera (chambre, espace de la vie seigneuriale). De premières expériences peuvent être repérées dès le Xe siècle, comme à Doué-la-Fontaine, Langeais, Montbazon13.
Dans le Saint-Empire romain germanique, en Italie et en France du Sud, de petites tours de trois ou quatre étages se dressaient seules et servaient de refuge ou de poste de guet. Elles n'étaient pas protégées par une muraille, car le site abrupt était la meilleure protection de ces roques : une superstructure en pierres sur une infrastructure rocheuse14. On les construisait avec du mortier.
Les fouilles de Roqueprive en Rouergue ont permis de préciser l'image de la roque : loin de se réduire à une tour sur un piton rocheux, elle comprenait des bâtiments annexes et des remparts, même du côté le plus abrupt, ce qui démontre un savoir-faire architectural pour une fortification isolée n'ayant servi que quelques décennies15.
Âge d'or du château
Le
château de Laval, avec un donjon circulaire à
hourd remplaçant un donjon carré plus bas visible à droite.
L'apogée du château fort proprement dit est le XIIe siècle. On le désigne parfois sous l'expression « château roman ». Cet apogée correspond à la Renaissance du XIIe siècle au cours de laquelle seigneurs et chevaliers lettrés redécouvrent les traités d'art militaire romain (exemple : Epitoma rei militaris de Végèce). À partir de 1150, les techniques castrales s’adaptent aux progrès de la poliorcétique. Philippe Auguste mena autour de 1200 une grande campagne de « mise en défense du royaume » qui contribua beaucoup à développer et diffuser un modèle de fortification, dit le château philipien. Il réunit pour cela une équipe d'architectes-ingénieurs donc l'activité est encore mal connue16.
- Les murailles deviennent plus hautes et plus épaisses — blocage entre 2 parements de 2 à 3 mètres d'épaisseur en moyenne — (Douvres vers 1180 : jusqu’à 7 mètres d’épaisseur pour le donjon8) pour résister aux tirs des armes de siège (trébuchets, puis mangonneaux). Au fur et à mesure de la construction, le plancher des échafaudages est monté dans des trous de boulin. Les fondations sont rendues plus résistantes en étant creusées plus en profondeur (elles peuvent atteindre le sous-sol rocheux). Les pans de mur droits peuvent devenir obliques par un élargissement en fruit à la base (voire en glacis ou en talus), ce qui évite la sape et fait ricocher sur l'assaillant des objets lancés des courtines. Les châteaux adoptent un plan plus « ramassé », plus « tassé » afin de réduire la surface à défendre.
- La courtine se dote de tours de flanquement à partir de 1160 ; elles sont d'abord rectangulaires, semi-circulaires et enfin circulaires. Elles sont de plus en plus nombreuses et rapprochées. Les tours circulaires résistent mieux aux mangonneaux et ne laissent aucun angle de tir mort. Elles nécessitent moins de pierre pour leur construction. Elles étaient souvent surmontées d'échauguettes ou coiffées de toits coniques. Le donjon voit par conséquent sa fonction de défense se réduire. Mais il demeure le symbole du pouvoir seigneurial. Il disparaît dans certains cas (Carcassonne). Les bâtiments de la basse-cour se regroupent contre la muraille.
- Le donjon circulaire, plus avantageux pour la défense que la tour carrée17 (comme au Louvre ou au château de Rouen construits sous Philippe Auguste), devient la règle générale après 1150. Le seigneur et sa famille ont tendance à habiter dans un logis seigneurial plus confortable situé contre l'intérieur de l'enceinte.
- Les meurtrières apparaissent à la fin du XIIe siècle pour faciliter le tir à l'arbalète.
- Grâce à la fortune des princes, les constructeurs utilisent de plus en plus la pierre. Cependant, le bois est toujours utilisé pour les défenses annexes : barbacanes, lices, bretèches, hourds, etc. L'absence aujourd'hui de la plupart de ces ouvrages en bois (malgré quelques exemples de restitutions plausibles, la majorité a disparu en raison de l'écrêtement des murs, du remplacement par des mâchicoulis, de dégradation et de destruction) contribue à donner une image exclusivement minérale des châteaux de pierre18.
Aménagements du XIIIe siècle
Enfin, le château fort se dote d'une double enceinte au XIIIe siècle : les deux remparts dégagent donc un espace intermédiaire appelé « lices ». Des tourelles sont construites pour ne pas laisser d'angles morts. Un chemin de ronde ainsi qu'un fossé plus large et plus profond sont aménagés.
Pour se défendre contre les projectiles incendiaires, les toits sont couverts de plomb, les planchers sont remplacés par des voûtes de pierre. Le plan du château plus resserré et géométrique (carré pour le Louvre). Les princes et les rois font entourer leurs villes d'enceintes : Rouen, Paris, Laon, Aigues-Mortes, Provins, Angers…
Un type architectural, dit le château « philippien », se met en place. Il consiste en un plan régulier, bordé de tours rondes, disposant d'un châtelet d'entrée et de systèmes défensifs au sommet de l'enceinte. Issu de l'Ile-de-France, il se développe et se diffuse à partir de la fin du XIIe siècle de manière rapide à toute l'Europe occidentale, devenant l'archétype du château fort19.
Fin des châteaux forts
Certains spécialistes en castellologie comme Gérard Denizeau avancent que le XVe siècle signifie la fin des châteaux forts. En effet, les progrès de l'artillerie rendent désormais les murailles très vulnérables. À partir de 1418, se généralise l'utilisation de boulets en fer, beaucoup plus destructeurs que les boulets de pierre. Les canons de la fin de la guerre de Cent Ans permettent d'accélérer les sièges en ouvrant des brèches dans la muraille, plus efficacement que la sape ou le bélier. Cependant, la mort du château fort ne fut pas si brusque. Il a continué aux XVe et XVIe siècles à s'adapter à l'évolution de l'armement. À Salses, à la frontière franco-espagnole, l'ingénieur aragonais Ramirez a « enterré » le château pour mieux résister aux tirs rasants : ce système de « fortification rasante » (Pyrénées, Bretagne) marque la transition avec les bastions de l'époque moderne. Le rempart atteint 12 m d'épaisseur. Aux angles, quatre tours circulaires sont percées de canonnières. Car la meilleure façon de résister au canon, c'est d'en avoir soi-même. C'est ce qu'on appelle la défense active.
La tour Raoul du
château de Fougères avec sa terrasse aménagée pour recevoir des pièces d'artillerie.
Plus généralement, les anciens châteaux sont améliorés pour faire face à l'artillerie. Le sommet des tours accueille par exemple des plates-formes sur lesquelles on installe les canons (Fougères). On construit des barbacanes en U ou en proue de navire devant les entrées (Bonaguil, Lassay). On élargit les fossés que l'on défend par un moineau (Loches). Ou encore, on multiplie les tours le long de la courtine. Mieux, on installe de fausses braies (Gisors, Domfront). Le château fort n'est donc pas fini, mais son apogée est bien terminée. Si, en France, il est encore utilisé pendant les guerres de Religion dans la seconde moitié du XVIe siècle, on n'en construit pas de nouveau. Henri IV confirme leur déclin en ordonnant la destruction ou le démantèlement de nombreuses forteresses pour éviter qu'elles servent de repaire aux ennemis de l'autorité royale (château de Rouen).
Il semble qu'au XVIIe siècle, la défense du territoire par un réseau castral soit révolue. Les villes, notamment les villes-citadelles comme Lille, Besançon ou Neuf-Brisach, sont préférées pour arrêter l'adversaire. Surtout, les souverains comptent davantage sur leur « muraille humaine », c'est-à-dire leur armée en bataille. Les châteaux forts deviennent obsolètes. Les propriétaires essaient alors d'améliorer leur fonction résidentielle. Les ponts-levis sont remplacés par des ponts fixes en pierre (ou pont dormant). Les bâtiments à l'intérieur de la cour sont percés de fenêtres à meneaux. Parfois, on construit un nouveau bâtiment au goût du jour comme à La Clayette où de nouveaux bâtiments furent ajoutés au donjon médiéval au XVIIIe siècle et une partie fut remaniée dans un style néo-Renaissance au XIXe siècle.
L'image des châteaux forts actuels peut être faussée. Souvent les bases talutées des tours et des courtines disparaissent très largement sous le remblai. L'histoire de leur restauration qui prend sa naissance au XIXe siècle est marquée par la création d'un état fictif qui « ne répond en fait qu'à une conception d'un passé factice au service d'une fonctionnalité circonstancielle »20.
Châteaux forts au Levant
Durant la période des Croisades, les forteresses construites sur les sommets rocheux prennent le nom de krak. Les citadelles arabes sont régulièrement réaménagées par les états latins d'Orient ou les ordres militaires.
Attaque d'un château fort
Plusieurs techniques sont utilisées pour attaquer un château fort. On peut croire qu'une des attaques les plus utilisées était l'échelade mais, bien trop lourde et peu maniable (l'échelle est composée de lourdes sections emboîtables les unes dans les autres), l'échelle est peu utilisée pour attaquer un château fort (sauf lors d'un coup de main par surprise). La présence de grilles en fer forgé au niveau des fenêtres des tours pour éviter l'échelade atteste cependant de sa mise en œuvre21.
La méthode la plus utilisée est la sape qui consiste à provoquer une brèche dans une enceinte. Pour cela, des sapeurs protégés sous des galeries de bois creusent et enlèvent les pierres de la muraille pour provoquer son effondrement. S'agissant d'une action au contact de la muraille, la sape n'est toutefois pas possible si la muraille du château est entourée de douves mises en eau, ou bien s'il est situé sur un escarpement plus haut que les assaillants ou est en bord de mer.
Une autre manœuvre, appelée mine, consiste à creuser sous la base de la muraille mais n'est envisageable qu'en cas d'absence d'un soubassement rocheux (en plus des restrictions concernant la sape). Avant l'usage de la poudre noire, la mine était bourrée de matériaux inflammables (fagots, laine enduite d'huile…) dont la combustion provoquait l'éclatement des pierres et l'effondrement de la muraille située au-dessus.
Il est également possible de provoquer l'effondrement d'une partie des remparts à l'aide d'engins de siège (mangonneaux, trébuchets, catapultes…) projetant des quartiers de roche ou des boulets de pierre mais la mise en œuvre de ces engins exige (outre la présence de ceux-ci dans les bagages des assaillants) du personnel qualifié et une longue installation.
Quand les occupants du château fort ne sont pas sur leurs gardes, le coup de main rapide par une petite troupe (ce que nous appellerions aujourd'hui une action de commando) peut s'avérer efficace : prise de Monaco par les Grimaldi déguisés en moines (1297), ruses d'Arnaud de Cervole en Dordogne (1351-1353) et d'autres.
Enfin, une dernière méthode est le siège qui consiste à affamer et assoiffer les assiégés en contrôlant tout le tour de l'enceinte (c'est une course de vitesse à celui qui, des deux, manquera le premier de vivres et d'eau). Mais il demande de nombreux hommes et un approvisionnement régulier en nourriture des assiégeants, ce qui peut coûter cher22 et laisse les assaillants à la merci d'une attaque par une troupe de secours.
Des projets d'archéologie expérimentale ont tenté d'étudier concrètement les manières d'attaquer et de défendre un château fort. Dans le cas des archers, ils ont par exemple montré la possibilité pour un assaillant de tirer à l'intérieur des archères défensives malgré leur étroitesse, ce qui change la conception que l'on pouvait avoir de la manière de défendre ces structures. Le caractère plus esthétique ou dissuasif que fonctionnel de certains aménagements a aussi pu être constaté, comme la difficulté d'emploi de certains étriers d'archères23.
Imaginaire du château fort aujourd'hui
Le château fort suscite aujourd'hui encore un fort imaginaire. L'historien Jacques Le Goff le souligne bien assez, avec l'imaginaire des enfants notamment, sous la forme de dessins ou de châteaux de sable24. Cet édifice peuple aussi les dessins animés, l'univers des jouets, les films, l'art25, la télévision et les séries fantastiques. Les visites des châteaux forts en France, ainsi que les spectacles sons et lumière, jusque dans des projets d'archéologie expérimentale monumentale tel le château de Guédelon, en Bourgogne, contribueront chacun à leur façon, à la diffusion de cet imaginaire26.
Bien sûr, il n'en a pas toujours été ainsi : si le terme « château fort » n'apparaît qu'en 1835, à l'occasion de la résurgence romantique de l'imaginaire médiéval, il disparait pratiquement durant le XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles24. Il revient en force à travers notamment la littérature au XIXe siècle : Walter Scott, Victor Hugo, Gérard de Nerval, Verlaine, Rimbaud, Huysmans24.
Le XXe siècle aura aussi ses perles, avec des fortifications castrales imaginées comme dans Le Seigneur des anneaux de J. R. R. Tolkien par exemple, avec des adaptations cinématographiques mondiales au XXIe siècle de cette même œuvre, ou au travers de séries télévisées comme Game of Thrones26. Bien sûr les historiens, historiens de l'architecture et de l'art, castellologue contribueront aussi à la diffusion de cet imaginaire, sous une forme scientifique ou vulgarisée, et susciteront ce goût27 du Moyen Âge dans le grand public28.
Notes et références
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Voir aussi
Sur les autres projets Wikimedia :
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Une vision d’ensemble de l’architecture castrale.
- Daniel Schweitz, Châteaux et forteresses du Moyen Âge en Val de Loire (Touraine, Anjou, Berry, Orléanais, Vendômois, marche bretonne), La résidence, les éléments architecturaux, Tours, CLD, (ISBN 978-2-85443-490-3).
Articles connexes
Liens externes
Place forte
Pour les articles homonymes, voir Forte.
Une place forte, ou communément en langage militaire, une place, est un ensemble cohérent de fortifications visant à protéger non seulement le terrain enclos, mais aussi le terroir environnant et un territoire situé en arrière (vis-à-vis d'un ennemi) de la place.
Points d'établissement
Les places fortes s'établissent sur les voies géographiques les plus aisées, les points de passage les plus fréquentés : soit des franchissements (site-pont, col de montagne), soit des atterrissages ou des points d'accostage (en bord de mer, de lac ou de rivière), soit tout point d'une route fréquentée.
Principes généraux
Une place forte a trois rôles principaux.
Rôle de fermeture
Le rôle de fermeture, complète ou partielle, est rempli quand la place forte bloque une zone par son potentiel et permet de trier, voire d'interdire le passage. Trier : en temps de paix, ne laisser passer que ce qui apporte intérêt (au moyen d'une taxe prélevée sur les commerçants), ou ce qui n'apporte rien à un adversaire ; interdire : en temps de guerre, interdire le passage du point contrôlé, soit parce qu'il s'agit d'un pont enfermé dans la place, soit parce que la voie de passage est sous le feu de la place forte, soit parce que les troupes cantonnées dans la place sont à même d'intercepter le trafic à proximité.
Ce rôle dévolu aux places fortes explique leur site dans certaines villes : la citadelle d'Amiens est ainsi construite au XVIIe siècle au nord de la ville, sur la rive droite de la Somme, afin de protéger les ponts des Espagnols, venant théoriquement du nord.
Elle permet aussi de protéger une route stratégique : ainsi les Romains établirent des colonies dans le sud de la Gaule pour protéger la route entre la péninsule italique et l'Espagne au IIe siècle av. J.-C., et la France construisit des forts le long des fleuves Saint-Laurent et Mississippi en Amérique de Nord, afin de protéger les communications entre Montréal et La Nouvelle-Orléans.
Dans la logique de frontière fortifiée des XVIIe et XVIIIe siècles, certaines places fortes furent construites uniquement pour contrôler des chemins praticables aux lourds attelages d'artillerie : certains gros canons de siège nécessitaient des attelages allant jusqu'à 24 bœufs, donc un chemin offrant une bonne viabilité en toute saison était d’un intérêt stratégique. Les places de Phalsbourg, La Petite-Pierre, Saverne y trouvent leur origine. La résistance des sols est d'ailleurs toujours une donnée à prendre en compte lors du déplacement d'une armée moderne (avec des matériels dépassant les 40 tonnes).
Compensation d'effectifs
La place forte offre à une garnison aux faibles effectifs une compensation d'effectifs face à un assaillant nombreux de plusieurs manières. Traditionnellement, on recherchait une position en surplomb, à la fois pour l'observation et le tir ; ce surplomb (tour, muraille, augmenté par un terrassement comme les mottes féodales) freine également l'élan de l'ennemi.
Le fossé, l'escarpe, la rivière ou le fossé en eau, le lac artificiel ou les marais sont des ruptures dans le terrain, qui permettent de ralentir l'assaillant, voire d'empêcher son passage, donc de rétablir un équilibre en faveur de l'assiégé. L'assaillant ralenti offre une bonne cible, est moins vaillant au combat s'il a consenti d'importants efforts avant de parvenir au contact. Quand le front est réduit en un point étroit, comme un pont, l'avantage du nombre s'annule.
Depuis plusieurs siècles et l'apparition de l'artillerie, le surplomb a progressivement perdu de son importance, et est même devenu un désavantage, offrant une cible facile aux canons. Dans les fortifications vaubaniennes, les casemates dépassent à peine du niveau du sol, le surplomb ne subsistant que pour le contact immédiat avec l'assaillant grâce à un fossé.
Les places fortes construites par Vauban offraient un si bon rapport de forces aux défenseurs que Louis XIV put en établir une à Mont-Royal sur la Moselle, à 100 km de son royaume, marquant ainsi l'intérêt qu'il avait pour les évêchés suffrageants. Il s'offrait ainsi un droit de regard à peu de frais sur la région.
Une position bien choisie permet de bloquer totalement une armée avec des effectifs réduits : ainsi, en 1940, une simple tourelle équipée de deux canons de 75 mm à Roche-Lacroix empêcha le passage de plusieurs divisions italiennes par le col de Larche vers la vallée de l'Ubaye.
Base de départ
Une place forte ne prend sa pleine utilité que lorsqu'elle est aussi une base de départ pour attaquer l'ennemi, et qu'elle ne se cantonne pas à un rôle défensif, passif même, d'attente de l'adversaire.
Elle peut jouer un rôle offensif de plusieurs manières :
- soit en utilisant une partie de sa garnison (souvent quelques pelotons de cavalerie étaient détachés dans les places fortes à cet effet, avec des troupes légères : chasseurs, tirailleurs) pour attaquer les arrières de l'ennemi. Il ne s'agit pas de provoquer des combats décisifs, mais de gêner les communications et la logistique adverses, de ralentir sa progression alors même qu'il ne s'est pas attardé à assiéger la place. Cette possibilité de mouvement qu'a une garnison a souvent contraint les armées assaillantes à laisser un détachement pour empêcher ces sorties. Ainsi, la place forte affaiblit l'armée adverse, même sans combat. Les sorties sont également pratiquées en cas de siège :
-
- pour soulager une partie de l'enceinte pendant un assaut critique, en prenant l'ennemi à revers ;
- pour permettre à un convoi de ravitaillement de pénétrer dans l'enceinte ;
- pour permettre le passage d'un courrier ;
- 2. soit en constituant un relais pour une offensive de plus grande envergure. Elle est alors un point d'appui, un relais où trouver repos, vivres et munitions, où refaire son équipement.
Ainsi la bataille de Taillebourg en 1242, pour contrôler un pont sur la Charente, se joua en partie sur la possession du château qui offrit un lieu de repos protégé, un point d'observation et une base de départ pour la charge de cavalerie de Louis IX.
Défense d'une place forte
Préparation
En temps de paix, la vie quotidienne était réglée, en France, par le règlement sur le service de place. Les armées étrangères avaient des dispositifs analogues.
Tous les théoriciens de la guerre de siège et grands poliorcètes insistent sur le fait que le gouverneur doit avoir une très bonne connaissance du contexte dans lequel se situe sa place, contexte aussi bien stratégique que tactique.
Avant le siège, il doit prévoir tous les cas de figure possibles, toutes les attaques éventuelles et les réponses à y apporter avec les moyens disponibles. Ainsi au XVIIe siècle en France, sur le modèle des Pays-Bas, les intendants « de police, justice et finances » civils sont chargés de mesurer et développer le potentiel économique d'une région, afin d'équiper les armées, et le génie militaire crée des cartes des zones fréquemment inondées, des secteurs que l'on peut submerger de façon défensive, et des gués : on retrouve ici le rôle de verrou sur une voie de passage de la place forte. Les zones de marais forment souvent, en négatif, un lieu de passage privilégié, qu'il convient de fortifier : ainsi de Sedan, au milieu d'une zone de marais entre Champagne et Ardenne. Ce pont incontournable sur la Meuse est également un exemple de la nécessaire connaissance de l'environnement : les défaites de 1870 (siège de Sedan) et 1940 (percée de Sedan) sont en partie dues à la croyance que l'Ardenne était infranchissable au matériel lourd, alors qu'une armée de 40 000 hommes de Louis XIV l'avait franchi pour le siège de Maastricht, suivie de matériels lourds tirés par des attelages de 3 à 8 paires de bœufs.
Point extrême de résistance
Celui-ci est difficile à déterminer. Jusqu'à quel point la garnison doit-elle pousser sa résistance ?
Vauban considérait que la résistance à outrance n'était pas obligatoire, ni pour une place forte, ni pour sa citadelle. Son rôle est de surveiller une route, une partie de la frontière. Elle est là essentiellement pour permettre à l'armée de campagne de se refaire après une défaite, ou de se rassembler afin de la secourir et de la débloquer. Toujours d'après Vauban, le sacrifice final n'est pas la meilleure solution, et de loin : il vaut toujours mieux, après un siège de quelques mois qui aura entamé les forces de l'adversaire, se retirer avec armes et bagages, et rejoindre le gros des troupes du roi.
Réseau de places fortes
La fortification d'une place se fait souvent en fonction d'un environnement large : la place forte n'existe que par rapport à ses voisines, à tout un réseau de points fortifiés s'appuyant les uns sur les autres.
En France, après 1650, on défend essentiellement des avenues qui, sans les places, seraient ouvertes aux invasions. Pour parfaire cette défense, on construit une barrière en profondeur : ainsi les places s'appuient les unes sur les autres.
La multiplicité des places sur le passage des armées d'invasion obligeaient celles-ci à de multiples sièges, ce qui les diminuait (fatigue du siège, pertes lors du siège et troupes indisponibles car retenues dans ces sièges). Le ralentissement de la progression de l'invasion peut parfois conduire à une victoire : exemple de Denain.
Cependant, une place est rarement incontournable : ainsi de Langres, très bien défendue mais évitée en 1870. Manquant de troupes mobiles, elle ne put pas gêner les arrières des Prussiens, et le dispositif n'ayant pas de profondeur, ils ne s'attardèrent pas non plus au siège d'autres places fortes. Si l'on considère la guerre comme un échiquier, il faut toujours conserver des pièces qui empêchent de se faire tourner et ne pas se contenter d'une seule en élément avancé, aussi formidable que soit sa puissance. Cela évite la mésaventure de la ligne Maginot.
Front de mer
On oublie souvent d'évoquer les places de front de mer : dans le système vaubanien, elles étaient pourtant au moins aussi importantes que celles du nord et de l'est de la France. Leur rôle est bien sûr d'empêcher tout débarquement : au XVIIe siècle et au XVIIIe siècle, l'Angleterre en avait une ceinture, mais uniquement sur la côte sud.
Vauban conçoit d'une manière particulière la défense d'une île. Saint-Martin-de-Ré, à l'image de ce qui est réalisé plus tard au Palais à Belle-Île ou au Château-d'Oléron, est un exemple de réduit insulaire conçu par Vauban. Ces enceintes, aux dimensions colossales, devaient accueillir l'ensemble de la population îlienne en cas de débarquement ennemi.
On peut citer comme exemples de débarquements empêchés les batailles de Saint-Cast, en 1758, à côté de Saint-Malo, ou encore les tentatives anglo-hollandaises de 1691 et 1694 sur Camaret.
Les places de sûreté
Notes et références
Voir aussi
Articles connexes