Savoir
Le savoir est un ensemble de connaissances ou d'aptitudes reproductibles, acquises par l'étude ou l'expérience.
Définitions
En français, les termes de connaissances et de savoir sont employés alors que, par exemple, l'anglais utilise knowledge dans tous les cas. Ce décalage a une origine ancienne puisque le mot provient du latin sapere, verbe qui employé intransitivement indiquait une entité qui possédait une saveur. Il n'y avait donc alors pas de référence au moindre processus cognitif. Ce n'est qu'au Moyen Âge qu'émergea le sens actuel après avoir transité par une forme figurée désignant une personne en quelque sorte « informée ». À partir de cette époque, le fait de savoir fut considéré comme une attestation ou garantie de sagesse, association qu'on retrouve de nos jours sous la forme de la confusion traditionnelle entre le savoir et l'intelligence ; des oppositions telles que « tête bien pleine » et « tête bien faite » rappelant que les choses ne sont pas si simples.
Tout comme savoir et connaître ne s'emploient pas dans les mêmes contextes, on distingue savoir et connaissance :
- Le savoir : Pour Littré (1877), ce terme ne s’employait qu’au singulier et était défini comme « Connaissance acquise par l'étude, par l'expérience1 ». Le Trésor de la langue Française informatisé (TLFi) amplifie cette définition : « Ensemble des connaissances d'une personne ou d'une collectivité acquises par l'étude, par l'observation, par l'apprentissage et/ou par l'expérience 2. »
- La connaissance : connaissance d’une langue, d’une discipline. Ce terme s’emploie généralement au pluriel : connaissances usuelles, connaissances pratiques, base de connaissances, etc.
Définition négative (par opposition au domaine de la croyance)
Savoir et connaissance s’opposent au domaine de la croyance. Le savoir se distingue par divers traits d'un ensemble de connaissances en particulier par la dimension qualitative : l'acquisition d'un savoir véritable suppose un processus continu d'assimilation et d'organisation de connaissances par le sujet concerné, qui s'oppose à une simple accumulation et rétention hors de toute volonté d'application. Au niveau individuel le savoir intègre donc une valeur ajoutée en rapport avec l'expérience vécue et de multiples informations contextuelles. Chaque personne organise et élabore son savoir en fonction de ses intérêts et besoins ; la composante consciente et volontaire de cette élaboration s'appelle la métacognition. La plupart des « savoirs » individuels sont naturellement utiles à l'action, à sa performance, sa réussite : « Savoir, c'est pouvoir ! ». C'est aussi sur des mises en situation que reposent les meilleures évaluations du savoir alors que des tests basés sur la seule restitution d'informations ne garantissent pas sa qualité et par conséquent sa valeur. De même, le savoir se rend plus visible et pratique sous le nom de « savoir-faire ». Les savoirs les plus intellectuels reposent sur l'appropriation ou création de concepts, en parallèle avec le développement des « savoirs scientifiques » ou de la philosophie. La notion de "savoir-être", quant à elle, utilisée notamment dans le champ de la formation des adultes renvoie aux attitudes et comportements qu'un sujet met en œuvre pour s'adapter à un milieu.
Si le savoir est à l'origine une composante personnelle et individuelle, le concept s'étend naturellement à toute entité capable d'une capitalisation analogue de son expérience :
- les autres animaux et autres organismes « savants » ;
- les communautés ou groupes humains et donc l'humanité dans son ensemble ; on parle de « savoirs traditionnels », « savoirs spécialisés », « savoir de l'Humanité », etc. ;
- certains systèmes informatiques, sans que cela pose l'équivalence du savoir humain et du savoir de la machine nommée telle qu'il est mis en œuvre dans un système expert ;
Chaque communauté repose sur un savoir partagé ; c'est une composante de son identité. Le poids et la reconnaissance de ce savoir et donc du savoir présentent des formes variables, mais le sort de la communauté est généralement lié à la conservation de ce patrimoine immatériel. Au sein des sociétés et cultures, l'éducation a pour mission d'aider à l'appropriation du savoir collectif élémentaire, on parle ainsi d'acquisition d'un socle commun, l'enseignement complétant l'acquisition de connaissances et savoir-faire disciplinaires, pendant que la formation professionnelle est chargée de la transmission des savoirs professionnels.
Le savoir se présente donc généralement comme une valeur collective ; une ressource de nature immatérielle. De ce point de vue, laissant provisoirement de côté l'insaisissable dimension psychologique, cette valeur prend l'allure d'un bien et même d'un « bien économique ». On réifie donc cette réalité en la matérialisant dans le langage. On parle donc de :
- acquisition du savoir, accès au savoir, appropriation des savoirs ;
- transmission du savoir, échanges de savoirs, partage du savoir, circulation du savoir ;
- gestion du savoir (GS), maîtrise des savoirs, valorisation des savoirs.
Selon les époques et les cultures, la conservation du savoir et la transmission des connaissances s'appuient sur la communication orale et l'expression écrite. Des « entrepôts du savoir » sont créés et entretenus comme mémoire collective : bibliothèque, centres de documentation, etc.
Dans une certaine mesure, le savoir se transmet de manière informelle par la communication entre pairs ou interaction entre membres de statuts comparables. L'efficacité de la transmission étant pour une part fonction de la plasticité mentale de l'apprenant, elle-même fonction de son âge en particulier, la pédagogie étudie les conditions de ces transmissions entre novices et apprenants et leurs maîtres ou professeurs plus expérimentés ou plus savants. Selon Cristol (2018)3, les moyens numériques favorisent l'accès à une masse de données, un enrichissement et une circulation accélérée d'informations. Le savoir peut désormais être distingué entre d'une part savoir-stock, il s'agit d'un savoir validé, cumulé dans la durée, dument validé qui creuse un sillon disciplinaire et d'autre part un savoir-flux, il s'agit d'un savoir qui organise des liens qui se modifie rapidement dont la validité est constamment revue grâce à une circulation et des corrections rapides.
Gestion du savoir
La gestion du savoir (GS) a pour objectif la valorisation du savoir au sein d'une entreprise ou d'une organisation pour de meilleures performances. Elle se compose de pratiques diverses soutenant la création de savoirs, l'organisation du savoir collectif et les capacités de son exploitation par les personnels. Ce secteur a commencé à émerger en fin des années 1980 quand la quantité d'informations disponibles s'est avérée excéder les capacités de leur intégration par les organismes.
La gestion doit s'appuyer sur une « culture du savoir » partagée par la communauté et rester en phase avec cette dimension. « Rétention d'informations », « culte du secret », etc., sont des réflexes qui doivent parfois être modérés avant tout autre objectif. D'un certain point de vue, la GS est à la Connaissance, ce que l'Information est au système d'information de l'entreprise. Les facteurs humains, sociaux doivent toujours être pris en considération pour une bonne compréhension de la démarche et la reconnaissance de sa légitimité : c'est l'ensemble de la structure qui doit se penser comme « organisation apprenante ». Le savoir doit être perçu comme la possibilité de prestations ou de produits de qualité supérieure.
La gestion du savoir s'attache d'abord à expliciter le « capital intellectuel » des employés en association avec la « mémoire » organisationnelle. Les investigations et initiatives nécessaires doivent valoriser simultanément la place du savoir de chacun au sein de l'activité. Cela comprend :
- la mise en formes explicites de savoir-faire implicites. On se demandera en particulier quel est le déficit de la « mémoire organisationnelle » en cas d'absence ou de départ de tel ou tel employé. On peut parler de « savoir instable ».
- le recensement de multiples formes de compétence restées méconnues, sans se restreindre au secteur d'activité ou au cadre professionnel. Cela rejoint naturellement les démarches de validation des acquis professionnels et la détermination des parcours de formation. On peut parler de « savoir méconnu » plutôt que de « savoir caché » (qui relèverait plutôt des secrets professionnels et apparentés).
À ce stade, les grandes lignes d'une « cartographie du savoir » peuvent déjà être déployées ; la confrontation de cette carte avec la structure et fonctionnement de l'organisation peut permettre de relever ses faiblesses du point de vue de la valorisation du savoir (gestion des ressources humaines).
Alors, selon l'organisme concerné, une dynamique de création de savoirs doit être progressivement mise en place. Cette démarche pourra à un autre niveau accompagner ou soutenir toutes les modalités de changement de l'organisation (logique de projet, évolutions et mutations). Il s'agit donc de développer et consolider les formes de communication (échanges d'idées) et de créativité en les orientant vers la réalisation de ressources pérennes réutilisables.
La gestion du savoir peut être ainsi conçue comme la zone commune à la veille informationnelle et à l'information et communication internes. La complexité de ces processus requiert des investissements dans les technologies de l'information. L'informatique est employée aux différents stades de la valorisation du savoir, en particulier dans la gestion et la communication de la documentation et autres mises en forme des connaissances.
Une fois les savoirs inventoriés et préservés dans un processus d'accroissement continu, il faut garantir l'accès de tous à ces ressources, pour finalement vérifier et soutenir leur usage dans les pratiques effectives. Pour les grandes organisations au moins, le modèle global peut être une espèce de « marché du savoir » où l'offre et la demande devraient coïncider et satisfaire à tout moment les besoins des producteurs et des consommateurs. Cette adéquation ne doit pas être uniformisante et façonner un employé moyen, mais au contraire se préoccuper notamment de l'accessibilité d'un même savoir à des « clients » très divers.
Comme il a été dit, les facteurs psychologiques, les composantes relationnelles, ne doivent jamais être sous-estimées à tous les stades de la valorisation du savoir, au risque de voir surgir des réactions et des désordres imprévus bien contraires à l'intention première. Il ne faut pas oublier que l'élaboration ou acquisition d'un savoir véritable demande du temps, de la disponibilité et donc avant toute chose une réelle motivation ; motivation qui peut se nourrir du gain d'autonomie qu'apporte à toute personne une meilleure gestion de son savoir propre. On n'oubliera pas non plus que l'organisation peut n'avoir aucun intérêt à maintenir certains savoirs. Comme tout acteur social, elle peut « ne rien vouloir savoir » de certains de ses propres défauts, ou de son propre passé. Elle peut vouloir ignorer qu'elle n'est pas seulement une machine à profit, mais aussi partie prenante d'une société d'êtres humains qui ne sont ni des clients ni des employés, mais des concitoyens. Mais il est sans doute inhérent à toute institution humaine de ne bâtir ses propres savoirs qu'en en refusant d'autres.
Les transmissions des savoirs
Les savoirs sont distingués de multiples manières par l’anthropologie sociale et culturelle. On peut distinguer notamment les savoirs implicites et explicites, les savoirs techniques (savoir-faire) et les savoirs idéels (mythes et cosmogonies), les savoirs partagés et les savoirs réservés4.
Cependant la transmission des savoirs n'équivaut pas à la réplication de ceux-ci car elle est toujours œuvre d'interprétation, contribuant ainsi (délibérément ou non) au changement individuel, social et politique.
La transmission des savoirs implicites
Les savoirs implicites sont des connaissances qui sont acquises par l'expérience ou le vécu et qui ne sont pas explicitement formulés. On pourrait dire par exemple que le savoir-faire d'un ouvrier qualifié est un savoir implicite. Les chercheurs en sciences cognitives, et notamment la psychologue américaine Kathryn Schulz, proposent de définir les savoirs implicites comme des connaissances qui sont acquises par l'expérience ou le vécu et qui ne sont pas explicitement formulés. Ces connaissances peuvent être liées à une expérience personnelle ou professionnelle (savoir-faire) mais aussi être liée à une culture partagée. Ce savoir implicite est souvent transmis par l'exemple, la participation ou encore le tutorat.
La transmission des savoirs explicites
Contrairement aux savoirs implicites, les savoirs explicites sont des connaissances qui sont formulées et codifiées. On pourrait par exemple dire que le savoir d'un ouvrier qualifié peut être codifié sous forme de manuel technique. Les savoirs explicites sont donc souvent transmis par l'écrit et la parole.
Les formes du savoir
Notes et références
Bibliographie
Articles connexes
Liens externes
Sur les autres projets Wikimedia :
Connaissance
La connaissance est une notion aux sens multiples, à la fois utilisée dans le langage courant et objet d'étude poussée de la part des sciences cognitives et des philosophes contemporains.
Les connaissances, leur nature et leur variété, la façon dont elles sont acquises, leur processus d'acquisition, leur valeur et leur rôle dans les sociétés humaines, sont étudiés par une diversité de disciplines, notamment la philosophie, l'épistémologie, la psychologie, les sciences cognitives, l'anthropologie et la sociologie.
Définition de la connaissance
Christian Godin1 propose :
- Faculté mentale produisant une assimilation par l'esprit d'un contenu objectif préalablement traduit en signes et en idées.
- Résultat de cette opération. La connaissance est une possession symbolique des choses. Elle comprend une infinité de degrés. La connaissance rationnelle, méthodique universelle a parfois été opposée au savoir empirique, chaotique, objectif.
La connaissance se distingue des termes qui lui sont proches comme : savoir, information, donnée, croyance, science, expérience, etc.
La connaissance en philosophie a des définitions particulières qui lui sont propres.
Variété de connaissances
La science en général est un ensemble de méthodes systématiques pour acquérir des connaissances : les connaissances scientifiques.
Il existe néanmoins de nombreuses formes de connaissances qui, sans être scientifiques, n'en sont pas moins parfaitement adaptées à leur objet. Notamment :
- le savoir-faire (l'artisanat), le savoir-être (savoir vivre, savoir nager, etc.),
- le savoir technique (savoir à quoi sert un marteau, savoir que l'eau éteint le feu),
- la connaissance des langues,
- la connaissance des traditions, légendes, coutumes ou idées d'une culture particulière,
- la connaissance qu'ont les individus de leur propre histoire (connaître son propre nom, ses parents, son passé),
- ou encore les connaissances communes d'un groupe d'individus (chasser le phoque) ou d'une société donnée (la transhumance, l'écobuage...) ou de l'humanité (Odyssée culturelle de l'humanité...).
Connaissances tacites et explicites
Les connaissances tacites sont souvent relatives au vécu personnel ; elles regroupent les compétences innées ou acquises, le savoir-faire et l'expérience (elles sont dites aussi «connaissances implicites»), sont généralement difficiles à verbaliser ou à « formaliser », par opposition aux connaissances explicites
Les connaissances explicites, par opposition aux connaissances tacites, sont les connaissances clairement articulées sur un document écrit ou dans un système informatique ; ces connaissances sont transférables physiquement, car elles apparaissent sous une forme tangible tel qu'un document dossier papier ou un dossier électronique.
Cette distinction est notamment développée par Michael Polanyi.
Propriété intellectuelle
La notion de propriété littéraire et artistique est ancienne. La Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques en a fixé un certain nombre de règles au niveau international en 1886. Mais la notion de propriété intellectuelle, initialement plutôt liée au domaine artistique, s'est élargie dans les années 1950 pour intégrer tous les outils de protection de la propriété industrielle : brevets, marques, dessins et modèles industriels... L'organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) a été créée en 1967 (voir aussi l'INPI en France).
Cet aspect est un enjeu important des discussions qui ont lieu au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), fortement poussées par les États-Unis dont l'économie en devient de plus en plus dépendante. On parle des ADPIC Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce [archive] ; en anglais TRIPS (Agreement on Trade-Related Aspects of intellectual Property Rights). L'Accord sur les ADPIC a pour but d'intégrer les droits de propriété intellectuelle (droits d'auteur, marques de fabrique ou de commerce, brevets, etc.) dans le système GATT/OMC. Il s'agit d'une partie de plus en plus importante du commerce international.
La connaissance par discipline
En science
La zététique est une mise à l'épreuve d'une connaissance, pour en éprouver sa scientificité.
En anthropologie
Pour l'anthropologue, la première connaissance est celle que les hommes ont d'eux-mêmes et de leur environnement, et qui, dans les sociétés primitives, assure leur survie quotidienne. C'est aussi cette connaissance qui structure le groupe humain. Elle se constitue comme un ensemble de pratiques, de comportements et de règles admises par la communauté. La pratique de la chasse collective suppose à la fois la connaissance de ses congénères, celle du gibier, celle du terrain et un savoir-faire partagé. Gérard Mendel, créateur de la sociopsychanalyse, en fait le point de départ des sociétés humaines dans son ouvrage La chasse structurale2.
Dans le contexte géographique propre à chacun se forment ainsi des cultures spécifiques. C'est ce qu'a étudié l'anthropologie structurale et en particulier Claude Levi-Strauss. Longtemps divisée entre culturalistes et naturalistes, la communauté scientifique tend à avoir aujourd'hui une approche plus complexe du rapport des cultures humaines avec leur environnement naturel (voir Philippe Descola, Par delà nature et culture3).
La société traditionnelle est peu portée vers l'innovation : les règles établies sont difficilement transgressables d'autant qu'elles s'appuient sur une représentation du monde et un univers mental où le sacré est omniprésent4. La connaissance a alors un caractère religieux. Et inversement, la religion peut apparaître, à l'origine, comme l'unique moyen de connaître le monde. Dans les sociétés « modernes », la connaissance devient également un enjeu de pouvoir, et son « évaluation » autorise de départager une réelle « expertise » d'un niveau insuffisant, ou même de l'imposture. Il n'est pas certain que les procédures mises en place dans les disciplines scientifiques permettent de distinguer à coup sûr les uns et les autres. Il n'est pas non plus définitivement avéré que les institutions « cognitives » laissent toujours se déployer librement l'étude innovatrice : on peut même se demander, avec Thomas Kuhn ou Maurice Allais, si l'attitude la plus répandue dans les grandes organisations n'est pas de préférer les démarches qui ne soulèvent aucune remise en cause des dogmes en vigueur.[réf. souhaitée]
Psychologie
Divers processus cognitifs peuvent être distingués :
En philosophie
En philosophie, on étudie avant tout la connaissance au sens de l'état de celui qui connaît ou sait quelque chose. On appelle aussi connaissances les choses connues elles-mêmes, mais cette seconde notion n'est pas celle qui intéresse les philosophes. De même, on appelle aussi connaissances, par extension, les choses qui sont tenues pour des connaissances par un individu ou une société donnée; mais là aussi, les philosophes ne s'intéressent pas à cette notion, sauf dans les débats concernant certaines formes de relativisme5.
Les philosophes distinguent traditionnellement trois types de connaissances :
- la connaissance propositionnelle est le fait de savoir qu'une certaine proposition est vraie, par exemple, savoir que la Terre est ronde ;
- la connaissance objectuelle, aussi appelée acquaintance, est le fait de connaître une chose particulière, par exemple, connaître Paris6 ;
- le savoir-faire est le fait d'être capable de réussir une action, par exemple, savoir faire des crêpes7.
La définition de la connaissance propositionnelle est celle qui a le plus attiré l'attention des philosophes. Ils s'accordent généralement à dire qu'une connaissance est une croyance qui est vraie, mais aussi qu'elle n'est pas seulement une croyance vraie8. Il faut en outre que la croyance et la vérité (ou le fait) soient en quelque sorte connectés d'une façon appropriée, mais les philosophes sont en désaccord sur la nature de cette connexion. Pour certains, il faut que la croyance soit certaine ou infaillible9, pour d'autres, qu'elle soit justifiée10 ou pourvue d'une justification non défaite11, pour d'autres, qu'elle résulte d'un processus fiable12, ou pour d'autres encore qu'elle ne soit pas vraie par accident13. Ce sont sur ces conditions supplémentaires pour la connaissance que les débats portent.
Dans les techniques
En économie
Le noyau de l'économie de la connaissance est lié à l'appropriation des connaissances et à la production continuelle d'innovation. Tous les secteurs de la vie sociale qui concourent à la production de connaissances seraient les nouveaux centres du capitalisme cognitif.
Certains économistes et sociologues et experts en gestion de connaissance appellent « sociétés de la connaissance » les sociétés à forte diffusion et flux d'informations et de savoir.
On parle de patrimoine immatériel de l'humanité pour désigner l'ensemble des traditions, langues et cultures, savoir-faire artisanaux et expressions artistiques vivantes, en particulier lorsqu'elles appartiennent au domaine de la transmission orale.
L'UNESCO, après n'avoir longtemps tenu compte que du patrimoine matériel, s'y est intéressé tardivement, à la fin des années 1990, et a adopté une convention, le , qui reconnaît pleinement la valeur de ces savoirs14.
Depuis 1950, le gouvernement du Japon attribue le titre de « Trésor national vivant » [archive] à des individus ou groupes reconnus comme porteurs d’un savoir-faire culturel immatériel important. Ce titre est attribué à des maîtres de métiers tels que la peinture sur bois, la fabrication de papier ou de sabres, la vannerie et la poterie, ainsi qu’à des acteurs et musiciens de spectacles traditionnels.
Selon Paul Romer (« prix Nobel » d'économie 2018) l'information et sa connaissance, les savoirs et savoir-faire sont un substitut, dans une certaine mesure aux ressources naturelles pas, peu, difficilement, couteusement ou lentement ou non- renouvelables 15,16 ; ils sont la source de la croissance économique pour le futur car non seulement abondants mais a priori infinis17.
En gestion
En gestion des connaissances, on fait aussi la distinction entre :
- une donnée, en général mesurable (exemple : « Il fait 15° dans cette pièce »),
- une information correspondant à une donnée contextualisée (exemple : « Il fait froid dans cette pièce ») et
- une connaissance correspondant à l'appropriation et l'interprétation des informations par les hommes (exemple : « Pour avoir chaud, il suffit de monter le chauffage »).
Notons ici que sont éliminées d'autres interprétations possibles de la situation, comme : « pour avoir chaud, vous devez bouger davantage », ou : « la température de la pièce monta d'un cran » (en référence à une querelle). Ainsi, ce qu'on nomme « connaissance », « information » ou « interprétation » dépend entièrement d'une décision de limiter le « contexte sémantique », cette décision pouvant dépendre à son tour des acteurs qui ont le pouvoir d'organiser la conversation sur les connaissances « pertinentes ». La difficulté principale rencontrée pour informatiser les connaissances tient à la quasi-impossibilité de maîtriser les interférences entre contextes et leur caractère arborescent. Le choix de ne retenir que le sens des termes utilisé par la hiérarchie de l'organisation contient une part d'arbitraire stratégique. Négliger cet aspect revient à transformer la « connaissance » en une croyance indiscutable.
Dans les entreprises, la connaissance (au sens limité de celle qui est pertinente pour l'organisation) correspond à un capital de compétences que détiennent les hommes et les femmes dans différents domaines professionnels (exemples : marketing, R&D, ingénierie, production, logistique, approvisionnements, commercial, juridique...) constituant ce que l'entreprise nomme son « cœur de métier » (exemple : « Constructeur d'automobiles » pour Renault). Ces compétences doivent être gérées et capitalisées pour améliorer l'efficacité globale de l'entreprise. Des modèles méthodologiques de KM - tels que KnoVA18, MKSM19 ou encore MASK - peuvent distinguer jusqu'à six types de connaissances pour décrire une compétence métier, représentative d'un savoir-faire professionnel particulier à une entreprise :
- les connaissances contextuelles, décrivant la culture métier du savoir-faire à l'aide des contextes reconnus ;
- les connaissances opératoires, décrivant le processus métier du savoir-faire à l'aide des activités prises en compte ;
- les connaissances comportementales, décrivant l'expertise métier du savoir-faire à l'aide des règles imposées ;
- les connaissances terminologiques, décrivant le vocabulaire métier du savoir-faire à l'aide de termes décidés ;
- les connaissances singulières, décrivant l'expérience métier du savoir-faire à l'aide de cas sélectionnés ;
- les connaissances évolutives, décrivant l'évolution métier du savoir-faire à l'aide de retours d'expérience choisis.
Par ailleurs, en gestion des connaissances comme en cognitique industrielle, on fait aussi la distinction entre l'information, la donnée brute, la connaissance, qui est la sélection, l'appropriation et l'interprétation des informations par les hommes (Jean-Yves Prax)20, ainsi que « les savoirs », qui mettent en perspective les connaissances ponctuelles sur le long terme.
Dans les entreprises, la connaissance correspond au capital d'expertise que détiennent les hommes dans les différents domaines (marketing, R&D, achats, commercial, juridique...) qui constituent le cœur de métier de l'entreprise. Cette connaissance doit être gérée pour améliorer l'efficacité globale des entreprises, la sécurité et la fiabilité des opérateurs et des traitements de connaissances, ainsi que l'accessibilité des connaissances par les usagers, notamment avec l'aide des technologies (dites technologie de la connaissance ou technologies cognitiques).
Conséquences sociales de la connaissance
Les pouvoirs de la connaissance
Les pouvoirs de la connaissance à mettre en lien avec la connaissance des pouvoirs : Jean-Michel Besnier : « le citoyen attend de la démocratie qu'elle conjugue et pondère l'un par l'autre le savoir et le pouvoir »21.
Son pouvoir politique
La connaissance apporte un pouvoir. Les écarts de connaissance entre parties non coopératives peuvent générer des déséquilibres préjudiciables.
Dimension individuelle
Le pouvoir acquis par celui qui détient la connaissance a des limites légales et/ou règlementées.
L'école de la république a pour mission de donner à chaque citoyen une éducation permettant le vivre ensemble. L'école de la 2e chance tente de redonner confiance à des personnes n'ayant pas pu profiter pleinement des dispositions de base. La formation continue tout au long de la vie s'inscrit dans ce dispositif de transmission et d'actualisation des connaissances.
Dimension collective
L'union faisant la force, les individus se regroupent en réseau multi compétences pour former une entité ayant un rapport de force, une force de pouvoir.
Son pouvoir économique
La recherche et l'innovation sont stimulées car la connaissance acquise est source :
- d'amélioration et de progrès,
- de revenus futurs, de maintien dans/sur le marché.
Ainsi :
- Une nouvelle connaissance peut - ou parfois même doit - être protégée pour en tirer profit (dépôt d'un brevet par exemple). C'est une source de revenus via du chiffre d'affaires, des honoraires ou des commissions (flux) et une source de capital matériel ou immatériel (Stocks au bilan d'une entreprise). De plus, la protection de l'avantage concurrentiel apporté par une nouvelle connaissance fait l'objet de dispositions en matière de secret industriel et/ou commercial à minima.
- D'autres préfèrent considérer la connaissance comme un Bien Commun et donc partager la connaissance ou en faire don : Wikipédia, le logiciel libre, les copyleft, le bénévolat, l'éducation populaire… On parle plus généralement d'économie du don, d'économie du partage, et d'économie sociale et solidaire, de nouvelle économie…
La connaissance est source de déséquilibres économiques
Sur un marché libre, l'écart de connaissance est préjudiciable à l'une au moins des parties.
C'est un des facteurs qui permet de voir apparaître par exemple :
Réponses morale ou éthique, judiciaire
De façon préventive
- dans le cadre individuel : la connaissance des réponses éthiques permet d'éviter des dérives issues de ce pouvoir acquis par la maîtrise d'une nouvelle connaissance (complexe de supériorité, arrogance, harcèlement…).
- dans le cadre des entreprises ou des ordres professionnels, le système promu de valeurs collectives est exprimé via un document d'éthique (qui s'apparente plutôt à une morale interne !) et/ou un document de déontologie (qui s'apparente à un règlement interne !). Documents opposables en interne et aussi document de communication en externe.
De façon amiable ou par le contentieux
L'appel à la justice via le médiateur ou le tribunal ad hoc.
Réponses politiques
Le parlement des choses
Bruno Latour propose un parlement des choses pour donner une représentation à chaque objet de la connaissance exploité par l'humanité.
Accès à la connaissance
L'accès libre à la connaissance est une nécessité en termes de liberté et de démocratie. Cela impose des solutions de stockage, d'archivage et de gestion des entrées / sorties pour consultation ad hoc en liens avec les techniques en vigueur.
Le handicap, quel qu'il soit, ne doit pas être une double peine quant à l'accès à la connaissance.
L'inquiétude générée par la numérisation des contenus existants dans le domaine public (bien commun) par des sociétés privées sans garantie d'accès libre a priori est justifiée.
La protection des données personnelles et le droit à l'oubli (personnes décédées, événements, etc.), notamment sur Internet et les réseaux sociaux, sont des sujets contemporains.
Insuffisance du partage des connaissances
Dans l'encyclique Centesimus annus (1991), Jean-Paul II affirme que22 :
« à notre époque, il existe une autre forme de propriété et elle a une importance qui n'est pas inférieure à celle de la terre : c'est la propriété de la connaissance, de la technique et du savoir. La richesse des pays industrialisés se fonde bien plus sur ce type de propriété que sur celui des ressources naturelles. »
Il regrette néanmoins que23 :
« de nombreux hommes, et sans doute la grande majorité, ne disposent pas aujourd'hui des moyens d'entrer, de manière efficace et digne de l'homme, à l'intérieur d'un système d'entreprise dans lequel le travail occupe une place réellement centrale. Ils n'ont la possibilité ni d'acquérir les connaissances de base qui permettent d'exprimer leur créativité et de développer leurs capacités, ni d'entrer dans le réseau de connaissances et d'intercommunications qui leur permettraient de voir apprécier et utiliser leurs qualités »
Les inégalités dans l'accès aux connaissances apparaissent à l'échelle planétaire, comme le révèle une étude du Secours populaire, qui souligne que 58 millions d'enfants ne sont pas scolarisés dans le monde, et que l'accès à l'éducation cristallise les inégalités24.
Quelques conséquences de la connaissance
Sur la curiosité
« L'éducation doit favoriser l'aptitude naturelle de l'esprit à poser et résoudre les problèmes et corrélativement stimuler le plein emploi de l'intelligence générale. Ce plein emploi nécessite le libre exercice de la faculté la plus répandue et la plus vivante de l'enfance et de l'adolescence, la curiosité, que trop souvent l'instruction éteint »25.
Sur le doute
Le développement de l'intelligence générale requiert de lier son exercice au doute [méthodique], levain de toute activité critique, [… et qui] comporte le doute de son propre doute25.
Sur la sérendipité
Le développement de l'intelligence générale comporte un ensemble d'attitudes mentales… qui combine le flair, la sagacité, la prévision, la souplesse d'esprit, la débrouillardise, l'attention vigilante, le sens de l'opportunité… pour initier à la sérendipité, art de transformer des détails apparemment insignifiants en indices permettant [de constituer une création ou] de reconstituer une histoire25.
Ne pas négliger de traquer les signaux faibles en complément aux analyses des tendances lourdes…
Notes et références
- Godin Christian, Dictionnaire de philosophie, Paris, Fayard, , 1534 p. (ISBN 978-2-213-62116-6)
- Gérard Mendel, La chasse structurale, Paris, Payot, (ISBN 2-228-33280-1)
Sous-titré Une interprétation du devenir humain
- Philippe Descola, Par delà nature et culture, Paris, Gallimard, , 623 p. (ISBN 2-07-077263-2)
L'anthropologie n'a pas encore pris la mesure de ce constat : dans la définition même de son objet - la diversité culturelle sur fond d'universalité naturelle - elle perpétue une opposition dont les peuples qu'elle étudie ont fait l'économie.
- Mircea Eliade, Le sacré et le profane, Gallimard, (ISBN 2-07-032454-0)
- Certaines formes de relativismes affirment que la connaissance n'est autre chose que ce qui est tenu pour connaissance par un individu ou une société donnée. Par exemple, ils diront que le fait que la Terre était au centre de l'Univers était une connaissance des Grecs, mais que ce n'est plus une connaissance dans la société moderne. Ces penseurs rejettent l'idée d'une notion objective de connaissance, ou que la connaissance implique la vérité. Une telle position a été défendue par les sociologues des sciences Barry Barnes et David Bloor, par exemple dans Barnes, B. and D. Bloor, Relativism, Rationalism and the Sociology of Knowledge, in M. Hollis and S. Lukes (éds.), Rationality and Relativism, Oxford, Blackwell, 1982, p. 21-47.
- Bertrand Russell, Problèmes de philosophie, chap. 5.
- Ryle, Gilbert. Le concept d'esprit
- Voir par exemple Armstrong, David M., Belief, Truth and Knowledge, Cambridge University Press, 1973, p. 137-150. Certains philosophes soutiennent qu'il existe néanmoins une notion faible de connaissance qui est identique à la croyance vraie: voir notamment A. I. Goldman, Pathways to Knowledge, Oxford University Press, Oxford, 2002, p. 183. L'idée que la connaissance est juste la croyance vraie a été défendue par C. Sartwell, Why Knowledge Is Merely True Belief, The Journal of Philosophy 89(4), p. 167–180.
- Descartes, Méditations Métaphysiques.
- Par exemple R. M. Chisholm, Perceiving, 1957.
- K. Lehrer, Theory of Knowledge.
- A.I. Goldman, Epistemology and Cognition, Harvard University Press, Cambridge, MA, 1986.
- P. Unger, Knowledge as non-accidentally true belief, 1968.
- texte de la convention de l'UNESCO pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel [archive]
- Voir : (en) Economic Growth, by Paul M. Romer: The Concise Encyclopedia of Economics: Library of Economics and Liberty [archive]
- Ronald Bailey, « Post Scarcity Prophet », revue Reason, décembre 2001 [archive]
- Mike Masnick, « Knowledge Is A Universal Natural Resource -- And Locking It Up Hurts Everyone » [archive], Techdirt, 27 janvier 2012
- Patrick Serrafero, Vers la mesure de la quantité de connaissance et de compétence industrielle : le modèle KnoVA., 1er Colloque Gestion des Compétences et des Connaissances en Génie Industriel, 2002, Nantes.
- Jean Louis Ermine et als, MKSM : Méthode pour la gestion des connaissances, Ingénierie des systèmes d'information, AFCET, Hermès, 1996, Vol. 4, no 4, p. 541-575.
- Le Manuel du Knowledge Management, mettre en réseau les hommes et les savoirs pour créer de la valeur, Dunod 2007
- Besnier Jean Michel, Les théories de la connaissance, Paris, PUF Que sais-je ?, , 128 p. (ISBN 9782130590217)
- Centesimus annus [archive], § 32
- Centesimus annus [archive], § 33
- Hayet Kechit, « Accès à l'éducation, un miroir des inégalités dans le monde », 27 avril 2017, lire en ligne [archive]
- Morin Edgar, La tête bien faite. Repenser la réforme. Réformer la pensée., Paris, Seuil, , 155 p. (ISBN 9782020375030), p. 24-27
Annexes
Sur les autres projets Wikimedia :
Bibliographie
- Laurent Giovachini, Les nouveaux chemins de la croissance - Comment l’industrie de la connaissance va façonner le Monde, Dunod, 2021, 135 p. (ISBN 978-2-10-082881-4)
- Francis Farrugia, Connaissance et Libération. La socio-anthropologie de Marx, Freud et Marcuse, L'Harmattan, Paris, 2017
- Moritz Schlick, Théorie générale de la connaissance, trad. Christian Bonnet, Éditions Gallimard, coll. « Bibliothèque de philosophie », Paris, 2009, 551 p. (ISBN 978-2-07-077185-1)
- (en) Laurence BonJour, The Structure of Empirical Knowledge, 1985
- (en) Roderick Chisholm, Theory of knowledge, 1989
Articles connexes
Sur les aspects philosophiques
Sur les disciplines scientifiques et techniques
Liens externes