Prix Renaudot
En 1925, durant l'attente de l'attribution du prix Goncourt, Georges Charensol et Gaston Picard, par boutade, proposèrent de créer un équivalent au Goncourt, par un juré de journaliste, mais à titre humoristique. Le prix est créé l'année suivante, nommé d'après Théophraste Renaudot, fondateur de La Gazette. Mais le premier lauréat est décerné en forme d'encouragement pour sa qualité, ce qui fait que la distinction doit viser le qualitatif pour le jury1.
Le premier jury se composait de Raymond de Nys, Marcel Espiau, Georges Le Fèvre, Noël Sabord, Georges Martin, Odette Pannetier, Henri Guilac, Gaston Picard, Pierre Demartre, et Georges Charensol. Ceux-ci ont écrit une biographie de Renaudot en dix chapitres, dans laquelle chaque chapitre a été confié à un auteur différent. Elle a été publiée en 1929 chez Gallimard : La Vie de Théophraste Renaudot, par ********** (collection Vie des hommes illustres, 42). Sans être organiquement lié à l'Académie Goncourt, qui n'est composée que d'écrivains, le jury du Renaudot joue le rôle de son complément naturel, accentué par l'annonce du résultat, simultanément et dans le même cadre (premier mardi de novembre au restaurant Drouant à Paris).
Outre le prix principal, le jury décerne chaque année depuis 2003 un prix Renaudot de l'essai et depuis 2009 un prix Renaudot du livre de poche. Il existe également depuis 1992 un prix Renaudot des lycéens.
L'institution a un règlement intérieur souple pour l'attribution2. Les modalités varient selon les statuts mais il est reconnu qu'un écrivain lauréat d'un autre grand prix littéraire (Prix Goncourt, Prix Femina, Prix Interallié, Prix Médicis) ne peut recevoir le Renaudot3. C'est d'ailleurs en raison de ce manque de cumul que le jury créa spécifiquement un prix spécial pour Le Lambeau en 2018, déjà récompensé par le Femina4. En 2018, la sélection d'un livre auto-édité de Marco Koskas déclenche la polémique5.
Polémiques sur certaines attributions de prix
Récompense d'importance au sein de la rentrée littéraire de l'automne, la sincérité du scrutin, accusé de favoritisme, a parfois néanmoins été mise en doute6.
Accusations de copinage et de conflits d'intérêt
Le prix littéraire a fait l'objet d'accusations sévères de la part de plusieurs journaux français et internationaux. Le Monde décrit la récompense comme un « prix d’amis », une « figure de dinosaure dans une industrie très attachée à ses traditions », un « système fermé d’affinités sélectives » régi par un « processus opaque et arbitraire »7. L'Obs comme un entreprise de copinage, gâté par la « corruption sentimentale » et les « renvois d’ascenseur »8.
En 2006, la presse s'interroge sur l'apport de Jacques Brenner (91 ans) au sein du jury, alors qu'il est « désormais incapable de lire », et qu'il vote par correspondance « suivant les consignes de [Yves] Berger » (directeur de Grasset)9. Dans son journal, Brenner notait les petits arrangements de ce même Berger, ce dernier lui déclarant, en 1983, « au premier tour, tu votes selon ton cœur. Au deuxième tour, tu votes pour ton éditeur »10, puis, quelques années plus tard, l'intimant de « convaincre les jurés du Renaudot (...) de « bien » voter »11.
L'attribution du prix Renaudot 2007 a fait l'objet d'une vive contestation. Christophe Donner a, en effet, accusé le Franz-Olivier Giesbert d'avoir « manipulé » les délibérations du jury12. Selon l'Agence France-Presse, c'est en effet « à la surprise générale » que les jurés du Renaudot ont attribué le prix 2007 à Daniel Pennac, alors que le livre de ce dernier ne figurait pas sur la liste des ouvrages sélectionnés13. Le cas s'est reproduit en 2018, puis en 2019, après que les livres de Valérie Manteau, Le Sillon et de Sylvain Tesson, La Panthère des neiges, qui ne figuraient pas dans les sélections successives, ont été désignés lauréats au mois de novembre14. Cette accusation est à nouveau portée après l'attribution du prix essai à Éric Neuhoff en 2019 (le jury comprenait Jérôme Garcin et Frédéric Beigbeder, respectivement animateur et intervenant au Masque et la Plume, auquel collabore Éric Neuhoff)15.
En mai 2020, Christophe Claro demande au jury de retirer son roman La Maison indigène de sa liste de sélection, indiquant sur son blog et sur Twitter : « Je n'ai aucune envie de participer à quelque mascarade que ce soit, même patronnée par des écrivains aussi talentueux et prestigieux que le sont, pour ne citer qu’eux, messieurs Beigbeder, Giudicelli et Besson »16.
Polémiques sur Gabriel Matzneff
L'attribution du prix de l'essai à Séraphin c'est la fin ! de Gabriel Matzneff en 2013 choque a posteriori de nombreuses personnes et incite Vanessa Springora à écrire son livre Le Consentement, paru en 202017,18. À la suite des révélations sur Gabriel Matzneff, Jérôme Garcin, membre du jury du prix, démissionne le . Il lie son départ, notamment, à « l’affaire Vanessa Springora » et critique en outre « l'aberrante constitution d’un jury à 90 % masculin »19,16. Il est provisoirement suivi le par Jean-Marie Gustave Le Clézio20 qui revient ensuite sur sa décision16.
La révélation de relations pédophiles entretenues aux Philippines par Gabriel Matzneff ou Christian Giudicelli choque, en particulier aux États-Unis, où l'affaire Matzneff a été évoquée à trois reprises dans les pages du New-York Times, dont le correspondant local ne comprend pas que les écrivains en France soient ainsi sacralisés alors que « jamais un ouvrier pédophile n'aurait été protégé ainsi ». Pour Laure Murat, une historienne et professeur de littérature à UCLA qui a pourtant défendu Matzneff contre la « curée » dont il a fait l'objet, il reste toutefois « honteux » que Christian Giudicelli ne démissionne pas de ses fonctions, et pour elle « l’ensemble du jury aurait dû se remettre en question », tandis que pour d'autres jurés (Patrick Besson, Georges-Olivier Châteaureynaud), c'est un non-sujet16.
Jurés du Renaudot
Les dix membres du jury sont élus à vie par cooptation. La présidence est tournante, elle change chaque année au sein du jury. Le président régule les débats. Un secrétaire est nommé parmi les jurés. En cas de blocage, après dix tours de scrutin, la voix du président compte double pour les votes qui suivent.
Lauréats
Prix Renaudot
Prix Renaudot de l'essai
Les liens renvoient aux titres des essais ou aux sujets qui y sont abordés.
Prix Renaudot du livre de poche
Prix Renaudot des lycéens
Notes et références
- « Naissance du prix Renaudot : quand tout est parti d'une blague » [archive], sur France Culture,
- « Le Renaudot 2019 pour Sylvain Tesson » [archive], sur Livre Hebdo,
- « Statuts » [archive],
- « Le prix Renaudot 2018 pour Valérie Manteau... et un prix spécial pour Philippe Lançon » [archive], sur BibliObs,
- « "Bande de Français" de Marco Koskas, sélectionné par le prix Renaudot, provoque la colère des libraires » [archive], sur France Info,
- Raphaëlle Leyris, « Du Goncourt au Renaudot, enquête sur le fonctionnement des jurys littéraires » [archive], Le Monde, 21 janvier 2020
- Le Renaudot, un « prix d’amis » contre vents et marées [archive] par Clémentine Goldszal sur lemonde.fr du 29 novembre 2020
- Prix Renaudot : entachée par l’affaire Matzneff, une récompense empoisonnée [archive] par Elisabeth Philippe sur lobs.com du 30 novembre 2020
- La cuisine des prix sent le roussi [archive] par Isabelle Rüf sur le temps.ch du 6 novembre 2006
- Un témoignage sans prix [archive] par Olivier Le Naire sur lexpress.fr du 9 novembre 2006
- Une voiture contre un vote [archive] sur lefigaro.fr du 27 octobre 2007
- Littérature: La guerre des prix [archive], Le Journal du dimanche, 12 novembre 2007.
- Daniel Pennac, invité surprise du prix Renaudot [archive] « Copie archivée » (version du 15 mars 2012 sur Internet Archive), Agence France-Presse, 5 novembre 2007.
- Raphaëlle Leyris, « Sylvain Tesson distingué par le Renaudot » [archive], Le Monde, 5 novembre 2019.
- [https://www.acrimed.org/Eric-Neuhoff-entre-soi-misogynie-et-mepris-de [archive] Éric Neuhoff : entre-soi, misogynie et mépris de classe, par Thibault Roques, sur acrimed.org, le 12 février 2020
- Dominique Perrin, « Prescription, déni, complaisance… Matzneff, une affaire toujours en souffrance », Le Monde, (lire en ligne [archive])
- Cathartique, Vanessa Springora [archive], émission L'Heure bleue, France Inter, 8 janvier 2020.
- (en) « A Pedophile Writer Is on Trial. So Is the French Elite » [archive], The New-York Times, 11 février 2020.
- « Affaire Matzneff : Jérôme Garcin démissionne du prix Renaudot », Le Monde, (lire en ligne [archive])
- AFP, « Affaire Matzneff. Comme Garcin, Le Clézio quitte le jury du Renaudot », Ouest France, (lire en ligne [archive]).
- Frédéric Beigbeder et Jérôme Garcin, nouveaux membres du jury Renaudot [archive] dans Le Monde du 11 mars 2011.
- « Stéphanie Janicot et Cécile Guilbert intègrent le jury du Renaudot » [archive], Livres Hebdo, 6 mai 2021.
- Raphaëlle Leyris, « Pour Delphine de Vigan, le Renaudot après le succès » [archive], sur Le Monde, (consulté le ).
- « Le prix Renaudot du roman remis à Yasmina Reza » [archive], sur Le Monde, (consulté le ).
- Florent Georgesco, « Le prix Renaudot pour « La Disparition de Josef Mengele », d’Olivier Guez » [archive], sur Le Monde, (consulté le ).
- Raphaëlle Leyris, « Un prix Renaudot surprise au « Sillon » de Valérie Manteau » [archive], sur Le Monde, (consulté le ).
- Lauren Provost, « Le prix Renaudot 2018 récompense Valérie Manteau et Le Sillon » [archive], Le HuffPost, 7 novembre 2018.
- Nicole Vulser, « Un Renaudot surprise pour Sylvain Tesson, récompensé pour son livre « La Panthère des neiges » » [archive], sur Le Monde, (consulté le ).
- « Le prix Renaudot décerné à Marie-Hélène Lafon pour « Histoire du fils » » [archive], sur Le Monde, (consulté le ).
Voir aussi
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Articles connexes