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ncre
Pour l’article ayant un titre homophone, voir Ancre.
Une encre est une substance liquide ou pâteuse fortement teintée qui sert à marquer le papier ou d'autres matériaux imprimables.
Les encres peuvent être constituées de colorants dissous qui imprègnent ou mordent le support comme les teintures, ou de dispersions de pigments dans un liant comme les peintures, dont elles ne se distinguent que par leur usage1.
On distingue les encres à écrire ou à dessiner des encres d'imprimerie, de propriétés et de composition très différentes2.
Depuis les années 2000-2010, des encres conductrices, fluorescentes, phosphorescentes ou thermochromiques, chargées d'ions métalliques, pour certaines « réchauffantes » et/ou « refroidissantes » arrivent sur le marché.
Encres à écrire et dessiner
Trois encriers et une plume en verre.
Dessins avec des encres faites main.
Les encres à écrire ou à dessiner s'appliquent manuellement au moyen d'un instrument, calame, plume, pinceau, tire-ligne, sur un support qui fut autrefois du papyrus, puis du parchemin, et est presque toujours aujourd'hui du papier. Les encres ont beaucoup évolué au cours des temps.
L'encre répond au besoin de laisser sur un support une trace distincte et pérenne, suffisamment précise et contrastée pour qu'on y discerne des signes sans ambiguïté. L'encre contient au moins un colorant, et presque toujours de l'eau, ou plus rarement un autre solvant, véhicule qui permet de déposer le colorant sur le support. Trois moyens peuvent assurer que la trace ne s'efface pas. Soit, comme pour les teintures, un mordant lie le colorant au support, soit un liant, comme pour les peintures, le colle à la surface. Enfin, un support suffisamment poreux comme le papier peut protéger, dans sa propre matière fibreuse, le colorant de l'encre1.
Une encre s'apprécie par sa commodité, sa fluidité et sa fixité. Elle doit sécher rapidement à la surface du support. La solidité de l'encre, permettant la conservation sur une longue durée, a été d'une importance considérable tant pour les beaux-arts que pour les documents légaux et notariaux.
L'encre est généralement conditionnée en cartouches, flacons ou bouteilles pour son transport. Certains de ces flacons peuvent servir d’encrier. Elle était autrefois, et encore aujourd'hui plus rarement, distribuée sous forme sèche, de pastilles à diluer dans l'eau ou de « bâton ».
Encres au noir de carbone
Les encres fabriquées à partir de produits de combustion imparfaite de bois sont les plus anciennes dont on ait conservé la trace. Leur usage se poursuit à l'époque industrielle avec le raffinement de produire industriellement du noir de carbone plus pur dont la taille des particules est mieux contrôlée.
L'encre de Chine se conserve sour la forme d'un bâton d'encre constitué de noir de fumée et d'un liant protéïque, gélatine ou colle de peau, formant un bâton que l'on frotte au moment de l'usage sur une pierre avec de l'eau pour préparer l'encre. Elle est introduite en Europe dès le Moyen Âge, peut-être dès l'époque de Vitruve3, et est parfois utilisée dans les manuscrits antérieurs au XIIIe siècle.
L'encre pour Sefer Torah a une composition similaire à celle de l'encre de Chine ; sa préparation fait l'objet de prescriptions rituelles précises sans lesquelles le document n'aurait plus de valeur spirituelle. L’atramentum scriptorum de la Rome antique est aussi basée sur le noir de carbone.
L’encre de Chine, encre sumi au Japon, offre une qualité optimale sur le plan de la durabilité et de l’éclat de son noir pur et brillant. Elle est très différente de l'encre noire en flacon. Son liant est protéïque, en général une colle de peau, plus rarement une gélatine ou de la gomme-laque. Elle se prépare peu avant l'usage en frottant un bâton d'encre sur une pierre. On peut employer l'encre de Chine pour l'écriture et le dessin. Sèche, elle a l'avantage d'être indélébile ; mais pour cette même raison elle encrasse les plumes.
Le bistre, produit brun de la combustion imparfaite du bois dans les cheminées, est utilisé surtout en dessin, simplement mélangé à de l'eau ou à une solution de gomme arabique4.
Les encres noires prêtes à l'emploi, vendues en flacon dès le début du XIXe siècle, sont le plus souvent composées d'un pigment noir de carbone et d'un véhicule aqueux, avec quelquefois une petite proportion d'alcool éthylique. La taille des particules de carbone varie. Elle doit être faible, afin de s'infiltrer entre les fibres du papier, sans atteindre la taille nanoparticulaire, afin de conserver une bonne opacité. À ces composants essentiels peut s'ajouter un liant qui peut être une gomme, une colle protéïque ou une résine. Le liant favorise la solidité mécanique, mais rend le nettoyage des instruments plus difficile, et change l'aspect. Enfin, les encres liquides contiennent des émulsifiants pour que les particules de pigment ne se déposent pas, des conservateurs et autres additifs (PRV2). Les fabricants ont ajusté leur composition pour la plus grande fixité, l'aspect mat ou brillant, très noir en vue de la reproduction photographique au trait, c'est-à-dire sans nuances entre le blanc et le noir, la meilleure adhérence au support, afin de pouvoir gommer les esquisses au crayon5.
Encre métallo-gallique
L’encre de noix de galle apparaît en Europe au XIIe siècle. Fluide, elle convient mieux que les encres au noir de carbone pour l'écriture à la plume. Son principe repose sur l'action de l'acide gallique extrait de la noix de galle sur un acétate ou un sulfate de fer. Un liant, généralement glucidique, homogénéise le mélange. Le gallate ferreux incolore, en s'oxydant à l'air, devenait noir. Elle pâlit et rougit avec le temps6. Pour permettre la visibilité immédiate de l'encre, on lui mélangeait une matière colorante bleue, guède ou indigo. Quand on avait employé un sulfate de fer, l'encre contenait de l'acide sulfurique, pouvant causer des dommages au papier avec le temps7.
On employait pour l'écriture des plumes d'oiseau taillées, pour lesquelles l'acidité de l'encre n'avait pas d'inconvénient.
Encres mixtes
Des formules d'encres historiques peuvent réunir tout ou partie des éléments des encres de noir de carbone et des encres métallo-galliques8.
Sépia
On appelle « encre » une substance produite par les céphalopodes, la seiche, le calamar, le poulpe, etc., qu'ils projettent dans l'eau sous forme d'un nuage qui surprend l'agresseur et masque sa fuite en cas d'agression.
Sous son nom italien de sépia, cette substance a été utilisée comme encre, principalement dans les ports où elle était récoltée, puis plus largement au XIXe siècle9. Employée en lavis, elle donne une teinte brune plus terne et froide que le bistre10. Sa mauvaise tenue à la lumière et la rareté de la ressource ont fait régresser son usage devenu rare, tandis que des fabricants proposent des encres de couleur proche, sans ces inconvénients.
Encres à l'aniline
Au milieu du XIXe siècle, on a commencé à utiliser des plumes d'acier, que l'acidité de l'encre classique corrodait. L'encre violette préparée avec l'aniline introduite dans le dernier quart du siècle n'avait pas cet inconvénient et est devenue la plus courante, notamment dans l'enseignement11.
Actuellement, les encres pour l'écriture sont presque toutes basées sur des colorants chimiques, principalement nigrosine ou noir d'aniline12. Seules certaines encres destinées à des usages particuliers comme la calligraphie utilisent des pigments.
Encres modernes
L'encre de stylo à bille est à l'origine une encre d'imprimerie typographique, insoluble dans l'eau.
Le stylo-feutre utilise un colorant dissous dans un solvant non aqueux, comme les encres d'imprimerie héliogravure.
Les encres de couleur sont utilisées pour l'écriture, dans l’illustration de livres ou dans le dessin décoratif. La plupart des encres de couleur sont constituées d'une teinture dissoute dans l'eau. Les encres de couleur sont rarement indélébiles. Dans ce cas, elles sont basées sur un liant à base de gomme laque solubilisée, avec un aspect brillant caractéristique13.
L'encre invisible, ou encre sympathique, est une substance incolore qui ne devient visible que par une action ultérieure sur le support d'écriture (chauffage ou vaporisation d'un produit chimique).
Précautions et santé
Label de non-toxicité de l'ACMI
L'encre de Chine était réputée avoir des vertus médicinales. Elle contenait, outre le noir de fumée et la colle de peau qui sont ses constituant principaux, un certain nombre de parfums éventuellement antiseptiques, participant à son vieillissement. La médecine chinoise la considérait comme un produit pharmaceutique, à n'utiliser qu'à bon escient.
Les encres colorées modernes (et plus encore certaines recettes anciennes) font appel à des colorants et d'additifs stabilisants. Les principaux toxiques, comme le cinabre, sont interdits. Les utilisateurs se préoccupent de leur éventuelle puissance allergène. L’Art & Creative Materials Institute (en), réunissant des fabricants du monde entier intéressés à la réputation de leurs produits, fait examiner les produits par des experts. Une encre pour laquelle aucune toxicité n'a été détectée peut porter le label « AP » ; les produits pour lesquels des précautions sont nécessaires portent le label « CL ». Les lois de certains pays industriels obligent aussi à communiquer la liste des composants qui feraient partie d'une liste officielle14.
Les utilisateurs peuvent ingérer des substances destinées au dessin ou à l'écriture en portant leur instrument ou les doigts tachés à la bouche, en respirer les vapeurs ou les aérosols (ce qui est fréquent lors de l'utilisation d'un aérographe ou d'une peinture en bombe en spray sans masque de protection). Le contact de la peau peut être suffisant en cas d'allergie. Certains solvants des encres sont toxiques quand ils sont respirés, avalés ou par contact avec la peau.
Les encres autres que celles composées d'eau et de pigments naturels non toxiques ne devraient pas être vidées dans les éviers. Il est recommandé de ne pas les laisser à portée des enfants, d'autant plus que la nature des pigments, liants et additifs n'est que rarement mentionnée sur les étiquettes. En France, les centres anti-poison disposent de données et peuvent en rechercher en cas de problème[réf. souhaitée].
Encre pour l'imprimerie
Présentation
La composition de l’encre d’imprimerie dépend de la technique d’impression et de la nature physique de la forme imprimante. En typographie, l’encre doit adhérer aux caractères en plomb.
En Asie, l'imprimerie xylographique utilise traditionnellement, depuis au moins le VIIe siècle15, une encre à base d'eau. L'encre est frottée sur la matrice, la feuille est posée dessus et l'encre transférée par un frotton. Cette technique est toujours utilisé, dans l'imprimerie artistique, comme dans les estampes japonaises.
Johannes Gutenberg mit au point au XVe siècle l’encre typographique grasse dont le principe de base a peu évolué.
Les encres pour l'imprimerie, bien qu'homogènes, sont un mélange de constituants. Certaines formules d'encre peuvent contenir jusqu'à vingt constituants différents. Cependant, quel que soit le procédé d'impression, on peut diviser ces composants comme suit :
- la matière colorante (de 5 à 25 % du poids selon le type d'encre) : on utilise généralement des pigments très finement divisés et maintenus en suspension dans le véhicule ;
- le véhicule (environ 70 %) : il est la phase fluide de l'encre. Il est constitué d'un mélange de polymères, de diluants et/ou de solvants. Son rôle est double : transporter le pigment ou colorant sur le support et le fixer à celui-ci. Le choix du véhicule détermine non seulement le mode de séchage mais aussi les principales caractéristiques du film d'encre (résistance, adhésion…) ;
- les additifs (environ 10 %) : ils permettent d'optimiser les caractéristiques de l'encre pendant et après l'impression. Ils sont aussi utilisés pour faciliter la mise en œuvre de l'encre (agents dispersants, antimousse, etc.).
Selon le procédé d'impression, l'encre peut avoir un aspect très différent. Par exemple la taille-douce ou l'offset requièrent une encre visqueuse (ou pâteuse) alors que l'héliogravure, la flexographie, la sérigraphie et le jet d'encre exigent une encre très liquide.
Types de séchage
Le principe de l'impression est de déposer une fine couche d'encre sur le support (qu'il soit papier, film plastique ou autre). Cette couche d'encre doit avoir une bonne cohésion et une bonne adhésion au support.
On peut considérer deux types de séchages : le séchage physique et le séchage chimique. Ils peuvent survenir simultanément, le but étant de réduire le temps de séchage et la consommation d'énergie.
Séchage physique
Le véhicule de l'encre ou au moins une partie de ce véhicule, généralement les espèces de bas poids moléculaire comme les solvants, l'eau dans le cas des encres aqueuses, va pénétrer par capillarité dans le support. Les pigments et certains autres constituants de la formule restent en surface. L'encre ne sèche pas à proprement parler, mais sa viscosité augmente à un tel point qu'elle peut apparaître sèche au toucher.
Ce séchage à froid est principalement utilisé sur les presses rotatives de presse (papiers journaux) et toujours avec des supports poreux. C'est pour cette raison que l'on peut avoir de l'encre sur les doigts en frottant un papier journal.
Séchage chimique
L'encre, au contact de l'air, subit une oxydo-polymérisation qui conduit à un film d'encre sec.
Les éléments susceptibles de polymériser sont des huiles végétales (lin, colza, tung, etc.) et de nombreux dérivés de ces huiles végétales comme les alkydes (polyesters modifiés avec des huiles végétales). Ces espèces ont en commun la présence de doubles liaisons insaturées carbone-carbone susceptibles de réagir avec l'oxygène de l'air, en présence de catalyseurs métalliques (sels de cobalt ou de manganèse, par exemple). La polymérisation peut être très longue (de 8 à 24 heures, parfois plus) et on peut éventuellement l'accélérer à l'aide de sécheurs à infrarouge (apport de chaleur).
Les produits dégagés par l'oxydo-polymérisation (aldéhydes, cétones et acides carboxyliques, entre autres) occasionnent souvent des odeurs désagréables et empêchent l'utilisation du séchage chimique pour l'emballage alimentaire.
Séchage mixte
Il associe le séchage physique (par pénétration) et le séchage chimique (par oxydo-polymérisation).
Une partie du véhicule, essentiellement les solvants, est d'abord absorbée par le substrat poreux, ce qui laisse un film d'encre frais en surface. Celui-ci va, dans un deuxième temps, sécher par oxydo-polymérisation, en quelques heures généralement.
L'ajout de sécheurs à infrarouge accélère la réaction mais occasionne une assez forte consommation d'énergie.
Un séchage hybride du même type associe l'évaporation du solvant (séchage heat-set) et oxydo-polymérisation.
Séchage thermique
Il combine le séchage par infiltration et par évaporation : le support absorbe 10 à 20 % du véhicule de l'encre et l'autre partie s'évapore dans des fours chauffés à 100 à 200 °C au gaz (butane, propane, GPL, etc.) ou au fioul.
Il faut alors condenser les vapeurs pour ne pas les rejeter dans l'atmosphère et récupérer les produits.
Séchage par rayonnement ultraviolet (UV) ou par faisceau électronique
La polymérisation des encres à séchage UV est provoquée par la lumière UV qui active un photo-amorceur donnant ainsi naissance à des espèces très réactives (électrons ou cations). Ceux-ci induisent immédiatement une réaction de polymérisation des monomères et oligomères réactifs contenus dans l'encre. La polymérisation a généralement lieu par voie radicalaire et plus rarement par voie cationique.
La polymérisation des encres peut être provoquée par un faisceau électronique. De par l'énergie mise en jeu, ces encres peuvent être formulées sans photo-amorceur. En dehors de ce composé, la formule est assez similaire à celle d'une encre à séchage UV radicalaire. Le séchage par faisceau d'électrons se fait sous atmosphère d'azote pour éviter que la réaction de polymérisation ne soit inhibée par l'oxygène de l'air ambiant.
L'avantage de ces systèmes est de sécher l'encre quasi instantanément sans dépenser beaucoup d'énergie. De plus, le film d'encre est très résistant à l'abrasion, au vieillissement, à toutes sortes d'agents chimiques, ainsi qu'à l'humidité.
En contrepartie, ces systèmes ne sont pas compatibles avec tous les pigments, sont moins stables au stockage, et contiennent souvent des ingrédients irritants, ce qui nécessite des précautions supplémentaires lors de la manipulation des encres, et peut poser des problèmes au désencrage (en).
Ces encres permettent l'impression sur des supports peu poreux (PVC, papier couché, etc.) et sont très utilisées dans l'emballage.
Offset
En offset : l'encre est grasse car le procédé repose sur l'antagonisme existant entre l'eau et l'encre. Elle est très visqueuse (ne coule pas). Les différents modes de séchage de l'encre vont influer sur sa composition : séchage UV, hot-melt… Elles ont une viscosité en conséquence : 2 à 40 Pa s.
Composition
Pigments
Le procédé offset permet le dépôt d'un film d'encre très fin. De ce fait, les pigments doivent avoir un très bon pouvoir colorant. De plus, ils doivent être compatibles avec la solution de mouillage qui permet de créer une émulsion entre l'eau et l'encre.
La nature de l'imprimé, de par son utilisation, peut également influencer le choix des pigments (transparence ou opacité, tenue à la lumière, humidité, résistance à des agents chimiques, contraintes toxicologiques).
Véhicule
Il s'agit du cœur de l'encre, c'est ce qui va lier les pigments entre eux et également au support. Généralement, on utilise un mélange composé d'une ou plusieurs résines dures cuites (température inférieure à 230 °C) dans des matériaux plus fluides comme des huiles végétales ou distillats pétroliers (ces derniers tendent à être réduits pour des raisons environnementales évidentes).
- Les huiles végétales sont des liants historiques des encres, peintures ou vernis.
- L'huile de lin est l'huile végétale la plus utilisée. Elle est extraite mécaniquement ou par action d'un solvant. Elle est produite aux États-Unis, en Russie, en Argentine et en Inde. Selon sa provenance, elle a des propriétés différentes. Il est nécessaire de la purifier avant son utilisation car elle contient des impuretés (tanins, etc.) qui peuvent nuire à l'encre.
- L'huile de tung est extraite des amandes des fruits du bois de tung. Elle a la propriété de bien convenir pour des encres à séchage rapide.
- L'huile de soja est, avec l'huile de lin, l'huile la plus utilisée dans le domaine de l'imprimerie. Elle est obtenue à partir des graines. C'est l'huile la plus abondamment produite aux États-Unis. Elle peut être utilisée sans purification et est appréciée pour l'amélioration qu'elle apporte au mouillage des pigments. Elle est majoritairement produite à partir de soja OGM.
- L'huile de tournesol est principalement utilisée pour préparer des résines alkydes.
- L'huile de colza est fabriquée pour ces applications essentiellement à partir de colza dit érucique (impropre à la consommation humaine).
- Le tallöl est un sous-produit de la délignification des résineux. Lors de la fabrication de la pâte à papier kraft ou au bisulfite, les résines et corps gras contenus dans le bois forment des acides gras et des sels résiniques. Après traitement, il peut être utilisé dans la fabrication des encres.
- Les distillats pétroliers ont connu un grand essor à partir de la Seconde Guerre mondiale et sont largement utilisés à cause de leur faible coût. On les retrouve notamment dans l'impression des journaux. Cependant, le choc pétrolier de 1973 et les fortes pressions écologiques font apparaître de nouveaux produits à base d'huiles végétales. Bien que toujours utilisées, ces encres sont soumises à une réglementation sévère.
Additifs
La simple combinaison d'un véhicule et de pigments ne donne que des encres de piètre qualité. Pour améliorer celles-ci, on a recours aux additifs (moins de 5 % de la masse). Ceux-ci ont des rôles divers : accélération du séchage, amélioration du brillant, meilleur résistance du film d'encre, etc.
On trouve parmi ces additifs :
- les cires (animales, végétales ou minérales) qui étaient à l'origine incorporées dans les encres pour en réduire le tack. Actuellement, les cires synthétiques dominent le marché et ont pour but d'améliorer l'état de surface des encres (résistance à l'abrasion, coefficient de glissement du film d'encre, etc.) ;
- les siccatifs sont des catalyseurs de l'oxydo-polymérisation des encres. Ils permettent d'améliorer grandement le temps de séchage des encres de type quick set. Ce sont généralement des sels de métaux tels que le cobalt et le manganèse ;
- les antioxydants permettent de contrôler l'oxydo-polymérisation des encres offset. Ils tendent à réduire la formation de peau à la surface de l'encre sans toutefois gêner le séchage de celle-ci ;
- les composés anti-maculants sont des particules de silice ou d'amidon dont l'épaisseur est légèrement plus élevée que celle du film d'encre. Leur utilisation permet de réduire le maculage (report d'encre humide du verso sur le recto de la page suivante).
Encres à solvants : héliogravure et flexographie
En héliogravure, une encre à faible viscosité (5 à 50 mPa s) et au séchage très rapide est requise. L'évaporation d'un ou plusieurs solvants assez volatils est donc la méthode de séchage la plus rapide et la plus économique actuellement. Cependant, l'utilisation de ces solvants n'est pas sans risque : ils sont généralement très inflammables et parfois toxiques. Leur utilisation requiert de grandes précautions, et ils font l'objet d'une réglementation très sévère. Des recherches pour développer des encres à eau sont en cours, mais les résultats ne sont pas encore satisfaisants.
La flexographie est un procédé en relief sur lequel la forme imprimante est un photopolymère flexible. La taille du relief est de l'ordre du millimètre. La flexographie est principalement utilisée dans l'emballage, spécification venant des avantages que peut avoir un procédé d'impression dont la forme imprimante est souple (carton ondulé, sacs plastiques…). Elle est également utilisée pour l'impression des quotidiens (en Italie par exemple). Contrairement à l'héliogravure, la flexographie a réussi à adopter les encres à eau.
Mode de séchage
Le séchage des encres héliogravure ou flexographie se fait par évaporation forcée de ou des solvants lors du passage de l'imprimé dans un four à air chaud. Le four doit être dimensionné en fonction de l'encre (température d'évaporation du liquide, sa pression de vapeur saturante, sa chaleur latente de vaporisation, etc.) et de la machine (laize, vitesse, etc.)
En pratique, on accélère l'évaporation par les moyens suivants :
- par conduction : la bobine passe sur des cylindres chauffés ;
- par convection : la bobine passe au travers de sécheurs à air chaud ;
- par radiation : rayonnement infrarouge ou micro-onde. Il y a alors apport calorique ; à ne pas confondre avec le séchage ultraviolet qui, lui, implique des changements chimiques de l'encre.
Le séchage physique (par absorption de l'encre par le support) nécessite un support poreux (papier ou carton) et ne peut pas être utilisé sur d'autres supports.
Solvants utilisés
Les solvants contenus dans ces encres ne sont que temporaires car ils sont éliminés par évaporation et/ou infiltration lors du séchage de l'imprimé. De ce fait, ils ne participent théoriquement pas aux propriétés finales du film d'encre. Cependant, il arrive que du solvant résiduel soit prisonnier et il en résulte des problèmes d'odeur, de toxicité, etc.
- Les solvants les plus utilisés en hélio emballage sont :
- En hélio édition, on utilise presque exclusivement du toluène.
- En flexographie, on utilise :
- alcools ;
- acétates ;
- éthers de glycol.
Polymères utilisés
L'ajout de polymères permet d'améliorer les propriétés du film d'encre, notamment son adhérence au support, sa solubilité avec le solvant choisi, son brillant, sa résistance et son mouillage des pigments. On utilise entre autres la nitrocellulose et l’éthylcellulose.
Additifs
Jet d'encre
Le procédé jet d'encre peut se diviser en deux catégories : le jet continu (Continuous Ink Jet CIJ) ou la goutte à la demande (Drop On Demand). Ceux-ci ayant également différentes méthodes d'éjection (voir jet d'encre). De ce fait les encres doivent être différentes.
Le CIJ requiert une très bonne qualité de l'encre, au risque de boucher les buses d'éjection. Il faut généralement trouver un compromis entre les performances de l'imprimante et la qualité d'impression. Une encre est toujours constituée de solvant, de matière colorante, d'un liant et d'additifs.
Le solvant, appelé aussi véhicule sert à transporter l'encre du réservoir jusqu'au média. Il contribue également grandement au séchage. La volatilité du solvant est déterminante dans le séchage de l'encre : un solvant peu volatil peut entraîner des problèmes de séchage et un trop volatil risque de créer une peau à la surface de la goutte ce qui limitera le séchage en profondeur. Afin de bien déterminer le temps de séchage, on utilise généralement de la méthyl éthyl cétone (MEK), des acétates, de l'éther de glycol et des alcools. L'utilisation de ces solvants pose des problèmes environnementaux évidents. La recherche développe actuellement des encres à base d'eau ou d'encre UV.
La matière colorante est la substance ou les particules qui donnent la couleur d'une encre. Au début, on utilisait principalement des colorants qui devaient être très solubles dans le solvant afin d'éviter tout séchage à l'intérieur du capillaire. Ils doivent avoir une bonne tenue à la lumière et ne pas utiliser de métaux lourds. La nouvelle tendance est d'utiliser des pigments très fins (<1 µm). Mais ceux-ci posent des problèmes car ils arrivent à boucher les buses.
Le liant a pour but d'assurer la cohésion de l'encre et contrôler sa viscosité. Il assure l'adhésion de la matière colorante au support. Il s'agit d'un des composants les plus difficiles à doser dans la formulation. On utilisait autrefois des résines phénoliques mais celles-ci ne vieillissaient pas bien et bouchaient les têtes d'impression. Actuellement on se dirige plus vers l'utilisation de copolymères.
Les additifs sont aussi déterminants dans la qualité de l'encre. Ils sont pourtant en quantité infime (moins de 1 %). Ils cherchent à améliorer la fluidité, l'adhésion, la rhéologie du liant ou la conductivité de l'encre. La conductivité est un élément déterminant dans procédé CIJ (Continuous Ink Jet), qu'il est nécessaire de bien maîtriser.
Encres à l'eau
Les pressions législatives et environnementales ont poussé à développer des encres à base d'eau et non plus à base de solvant. En effet, les encres de base aqueuse satisfont les exigences légales et améliorent les conditions de travail. De plus, elles permettent de réduire les coûts du retraitement des solvants.
Elles ont été en premier largement répandues en flexographie pour se développer ensuite en héliogravure. Les supports ont tout d'abord été poreux, tels que le papier et le carton, et ils se limitaient donc à l'emballage et à la presse quotidienne. Aujourd'hui, ces encres permettent d'imprimer sur des supports variés tels que les films polyester.
Remarque : des systèmes hybrides commencent à apparaître, qui combinent les encres à eau et les encres UV (voir plus loin). Ils ont alors l'avantage des encres UV tout en étant nettoyables à l'eau. Ces encres sont applicables en fines couches pour la flexographie et l'héliogravure ou en couche épaisse comme pour la sérigraphie.
Caractéristiques
Composition :
- eau : 45 à 75 % ;
- pigment : 10 à 20 % ;
- résine : 10 à 15 % ;
- additifs : 1 à 7 % ;
- solvant : 0 à 10 % ;
- polymères. Deux types de polymères sont présents dans ces types d'encre : des hydrosolubles qui améliorent les propriétés d'imprimabilité de l'encre et des polymères en émulsion qui améliorent les propriétés du film d'encre sur l'imprimé ;
- pigments : ils dépendent du type de véhicule, du pH de l'encre… Ils sont généralement de base organique ;
- additifs :
- cires : elles changent l'état de surface du film d'encre. Elles permettent notamment d'augmenter la résistance au frottement, d'améliorer le glissant, etc.,
- antimousse : il empêche la formation de mousse et donc améliore l'impression.
Inconvénients
Les encres à l'eau posent des problèmes pour le recyclage des papiers. En effet, l'élimination de l'encre se fait par flottation et nécessite que l'encre soit hydrophobe. L'encre à l'eau (hydrophile) n'est pas éliminée et s'accumule dans les circuits.
Encres UV (ultraviolet) et EB (à faisceau d'électrons)
La législation sur les rejets de solvants dans l'environnement est de plus en plus contraignante. De plus, le séchage doit toujours être de plus en plus rapide pour répondre aux impératifs toujours plus pressants de production. Les fabricants d'encre ont donc dû développer de nouvelles encres.
Les encres à séchage aux rayons ultraviolet ou par faisceau d'électrons répondent à cette nouvelle demande. Le véhicule de ces encres, bien que proche des encres classiques, a une composition bien différente : elles contiennent des prépolymères, des monomères et un photo-amorceur. Les photo-amorceurs sont excités par les rayons ultraviolets et déclenchent une réaction de polymérisation en chaîne des prépolymères et des monomères. La réaction est complète et quasi instantanée. Le film d'encre n'a dès lors, normalement, aucune odeur résiduelle, ce qui est très appréciable pour les emballages alimentaires par exemple. Le film d'encre est aussi d'une grande solidité, ce qui pose des problèmes au désencrage (en). Toutefois, les encres à séchage sous rayonnement ultraviolet coûtent plus cher que leurs grandes sœurs.
Le procédé est le même pour les encres à séchage par faisceau d'électrons, sauf à changer les photo-amorceurs.
Électrophotographie et xérographie
L'encre est stockée dans un toner liquide ou solide. À l'origine, l'encre était solide (sous forme de poudre) mais l'utilisation de toner liquide tend à s'étendre car il permet une meilleure qualité.
Encres thermochromiques
Les encres thermochromiques ont la particularité d'avoir une couleur variable. Celle-ci varie de façon réversible ou irréversible en fonction de la température. Ces encres passent de l'état coloré à incolore lorsque la température s'élève.
Le développement de ces encres a commencé dans les années 1970. Au début, ces encres n'étaient formulées que pour la sérigraphie, ce procédé offrant un contraste de couleurs plus intense. Vers les années 1980-1985, leur formulation s'est étendue au système flexographique. Avec les nouvelles applications, le marché s'est accru et l'on utilise maintenant ces encres en offset conventionnel et UV, ainsi qu'en impression jet d'encre.
Encres conductrices
« Effet encrier »
L'encrier est le récipient qui contient l'encre. Hors de l'imprimerie, c'est un petit vase dans lequel on trempe la plume pour écrire sur le papyrus, le parchemin ou le papier. Dans une machine à imprimer, une presse, une rotative, c'est le nom donné au réservoir qui approvisionne en encre les rouleaux d'une machine à imprimer.
On ne met qu’une seule couleur dans l’encrier : pour imprimer des couleurs différentes il faut donc refaire un passage en machine pour chacune d’entre elles. Cependant, si on met deux couleurs différentes de chaque côté de l’encrier, le mouvement latéral des rouleaux qui uniformisent le débit de l’encre permet d’obtenir, en un seul passage, une couleur dégradée par le mélange des deux. On maîtrise relativement mal l'espace de transition et le mélange des encres.
Destruction
Le devenir des encres quand le papier sur lequel on les a déposées a perdu son utilité est une préoccupation environnementale.
Incinération
Le produit de l'incinération des encres avec les imprimés qui les supporte ne devrait pas comporter de substances toxiques.
Désencrage
Le recyclage des papiers imprimés exige le désencrage (en).
Notes et références
- Ségolène Bergeon-Langle et Pierre Curie, Peinture et dessin, Vocabulaire typologique et technique, Paris, Éditions du patrimoine, , 1249 p. (ISBN 978-2-7577-0065-5), p. 871-872 « Encre »
- Jean Petit, Jacques Roire et Henri Valot, « Encres : formuler, fabriquer, appliquer », dans Encyclopédie de la peinture, t. 2, Puteaux, EREC, , p. 243 « Encres ».
- André Béguin, Dictionnaire technique du dessin, , 2e éd., p. 214-217 « Encre ».
- Bergeon-Langle et Curie 2009, p. 874 « Encre au carbone », 876 « Bistre » ; Béguin 1995, p. 217.
- Béguin 1995, p. 216.
- Bergeon-Langle et Curie 2009, p. 877 « Encre métallo-gallique ».
- Bergeon-Langle et Curie 2009, p. 878 « Encre de noix de galle », Petit, Roire et Vallot 2001.
- Bergeon-Langle et Curie 2009, p. 879.
- Bergeon-Langle et Curie 2009, p. 879 « Sépia ».
- Béguin 1995, p. 527 « Sépia ».
- Dictionnaire Ferdinand Buisson, 1911 (lire en ligne [archive]).
- Gomez 2016.
- « Encre Sennelier » [archive].
- Par exemple voir (en) « Safety data sheet Winsor & Newton drawing inks non hazardous colours » [archive] (consulté le ).
Annexes
Bibliographie
- Charles Nicolas Alexandre Haldat du Lys, Recherches chimiques sur l'encre, son altérité et les moyens d'y remédier [archive], Paris, Amand Koenig Libraire 31 quai des Augustins, 1805, 3e éd.
- De Champour et François Malepeyre, Nouveau manuel complet de la fabrication des encres de toute sorte… ; suivi de La fabrication du cirage, Paris, Roret, coll. « Manuels Roret », (lire en ligne [archive]).
Articles connexes
Liens externes
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Pieuvre
Poulpe
Le mot « poulpe » vient du grec πολύπους (polypous), qui signifie « plusieurs (πολύ - poly : plusieurs) pieds (ποúς - poús) ».
Le mot « pieuvre » est d'origine plus récente que « poulpe » : il semble cependant en dériver, si l'on en juge par la forme intermédiaire « poufre » ou « pouvre » que l'on rencontre dans le vocabulaire des pêcheurs dans le Languedoc (la forme occitane générale étant « póupre »). « Pieuvre » est emprunté aux pêcheurs guernesiais par Victor Hugo lors de son séjour sur cette île anglo-normande1 : en 1866 il introduit ce mot en français dans son roman Les Travailleurs de la mer. Le succès de cette œuvre est tel que « pieuvre » supplante rapidement le mot « poulpe » dans l'usage courant, et passe même en italien sous la forme piovra.
Ces deux appellations ne sont pas également usitées selon les régions et ne concernent pas tous les octopodes des côtes atlantiques et méditerranéennes françaises. En général, « poulpe » a évolué en appellation surtout commerciale et gastronomique, concernant notamment le poulpe commun. Toutefois, l'animal vivant est bien désigné par « poulpe » depuis la Camargue jusqu'à la frontière italienne, alors que « pieuvre » domine ailleurs. En Corse, on dit « polpu » (prononcé pólpou). On désigne surtout par « poulpe » les espèces de la famille des octopodidés, soit la plus grande famille d'octopodes, qui rassemble plus de 200 espèces, qui ont notamment en commun un mode de vie benthique. Mais le terme « poulpe » peut aussi désigner des espèces du sous-ordre Incirrina, puisqu'elles partagent avec la famille Octopodidae certains caractères, hormis ce mode de vie benthique. Tandis que les espèces de l'autre sous-ordre, Cirrina, ou Cirrates, ne sont pas des poulpes : elles sont pourvues de cirres, d'une ombrelle, de nageoires et ont un mode de vie pélagique2.
Noms vernaculaires et noms scientifiques correspondants
Liste alphabétique de noms vernaculaires attestés3 en français.
Note : certaines espèces ont plusieurs noms et, les classifications évoluant encore, certains noms scientifiques ont peut-être un autre synonyme valide.
Physiologie, comportement et écologie
Les caractéristiques générales des pieuvres sont celles des Octopodes, avec des nuances pour chaque espèce (voir les articles détaillés pour plus d'informations sur leur description ou leur mode de vie).
Biologie
Le corps de la pieuvre est constitué d'un épais manteau de tissus protégeant sa coquille calcaire interne. Elle se déplace grâce à ses huit bras aussi appelés tentacules. Ces bras longs et musculeux sont équipés de ventouses qui permettent à la pieuvre de se cramponner sur un point fixe ou de saisir un objet. Ils sont placés autour de la bouche qui comporte une sorte de bec de perroquet permettant à la pieuvre de décortiquer les crabes ou coquillages dont elle se nourrit, rejetant les débris autour d'elle. Deux entonnoirs ou siphons situés à l'ouverture de la cavité palléale lui permettent de s'oxygéner ou d'accélérer son déplacement en cas de besoin, en y injectant de l'eau avec vigueur. Deux yeux à la forte acuité sont placés au sommet du corps de la pieuvre4.
Le poulpe dispose d'un système circulatoire où circule sous forte pression un sang bleu, car l'hémoglobine des organismes vertébrés y est remplacé par l'hémocyanine, découverte en 1878 par le savant belge Léon Fredericq lors de son étude détaillée des poulpes5. Ce sang circule dans le système circulatoire sous l'action d'un cœur principal ou « systémique » relayé par deux petits cœurs branchiaux qui pompent le sang oxygéné par les branchies. La pieuvre a donc trois cœurs4.
Certaines espèces ont une espérance de vie de six mois, alors que la Pieuvre géante du Pacifique peut vivre cinq ans si elle ne se reproduit pas.
Alimentation
En temps normal, la pieuvre chasse en se déplaçant plutôt au ras du fond, qu'elle effleure à peine de la pointe de ses tentacules.
Doublant son poids presque tous les trois mois, la pieuvre est dotée d'un appétit proportionnel à sa croissance. Surtout friande de crabes et de coquillages, elle en rejette les carapaces et coquilles. La bouche qui s'ouvre entre les tentacules, est armée d'une paire de mandibules cornées normalement invisibles, en forme de bec de perroquet.
Reproduction
La copulation des pieuvres peut durer de une à plusieurs heures. Sécrétées par le pénis interne, les poches de sperme (ou spermatophores) sont acheminées par le siphon vers une gouttière du bras hectocotyle qui les introduira dans la cavité palléale de la femelle.
Une fois fécondée, la femelle surveille ses œufs pondus en grappes au plafond d'une niche rocheuse. Pendant six semaines, elle les protège, les « ventile », les nettoie, sans manger. Lorsqu'ils éclosent, elle meurt, affaiblie et amaigrie, mais pas de faim. Des sécrétions endocriniennes provenant des deux glandes optiques sont la cause d'une mort génétiquement programmée (si ces glandes sont enlevées par chirurgie, la femelle peut vivre plusieurs mois après sa reproduction, jusqu'à mourir finalement d'inanition).
Le jeune poulpe doit donc refaire les expériences de survie sur sa seule mémoire génétique, sans pouvoir bénéficier de la mémoire de ses géniteurs.
Locomotion et défense
Refoulant l'eau de mer par un siphon, la pieuvre peut se propulser pour échapper à ses poursuivants comme un avion à réaction. Elle prend la fuite en projetant à volonté un ou plusieurs nuages d'encre, laquelle est sécrétée dans un réservoir appelé « poche au noir ».
Le cas échéant, si un de ses bras est sectionné, il peut repousser.
Grâce à l'homochromie, l'animal peut changer la couleur et la structure de sa peau en fonction de son humeur et de son environnement immédiat. Sa peau recèle des millions de cellules colorées contractiles, les chromatophores, et peut aussi se couvrir à volonté de taches, de petites cornes et autres pustules mimétiques. Le changement de couleur peut être un signal, par exemple, pour la très toxique Pieuvre aux anneaux bleus. Elle peut prendre l'apparence d'une silhouette comme celle de la Rascasse volante ou d'une anguille.
Sentience et intelligence
Les pieuvres se distinguent par leurs capacités intellectuelles étonnantes pour un invertébré. Celles-ci reposent sur 500 millions de neurones répartis entre l'encéphale central, les lobes optiques et les huit bras. De multiples expériences ont montré leur habileté à s'évader d'un réservoir ou à ouvrir un bocal contenant de la nourriture. Leur intelligence leur permet d'adopter des comportements faisant appel au camouflage, à l'innovation, à la tromperie6.
La pieuvre est capable de déduire, de mémoriser et d'apprendre. Des pieuvres ont par exemple compris par observations successives comment retirer le couvercle d'un bocal pour accéder à la nourriture contenue dans ce dernier7. Il leur arrive de disposer des coquillages ou débris autour de leur habitat, ce qui a été comparé à une forme de décoration8.
Une pieuvre étant suffisamment molle pour étirer tout son corps et se glisser dans les plus petites failles, son seul obstacle étant son bec elle sait anticiper par palpation si l'orifice dans lequel elle veut s'introduire sera assez grand pour laisser passer son bec.
Elles possèdent une mémoire puissante, stockée dans leurs nombreux neurones. En ce qui concerne leur sentience, un rapport (revue d'études) de 2021 a notamment conclu que chez les poulpes, une douleur peut créer des émotions de crainte ou d'agressivité9. Une de ces études, de 2021, concluait que l'émotion ressentie en cas de douleur par le poulpe est similaire à celle ressentie par les mammifères10.
Relation avec l'homme
Gastronomie
En gastronomie, qui demeure l'essentiel de la relation homme-poulpe, ce dernier est appelé chatrou dans la cuisine antillaise ; à La Réunion, on parle de zourit, que l'on cuisine en civet. En Amérique du Nord, on utilise le nom de « pieuvre » et il arrive parfois que ce nom soit aussi donné aux calmars.
- Quelques préparations gastronomiques
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Bionique, biomimétisme
Un autre aspect des relations entre céphalopodes et humains est l'imitation des adaptations des premiers au profit de la technologie des seconds. Ainsi, en 2017, une équipe de chercheurs sud-coréens a développé une méthode d'élaboration de matériau adhésif inspiré des ventouses de la pieuvre commune, Octopus vulgaris. Cet adhésif conserve ses propriétés dans des milieux secs ou immergés et présente de possibles applications en électronique ou en médecine11.
De même, les mécanismes de camouflage des poulpes ont inspiré une équipe de chercheurs américains qui ont développé un nouveau matériau à base de fibre de verre et de silicone reproduisant la biophysique des papilles de la peau des poulpes. Des applications dans le domaine militaire sont envisagées12.
Épouvantail
Au XVIIIe siècle se diffuse la légende du kraken, pieuvre gigantesque réputée capable de tirer des navires par le fond, mythe peut-être né à partir d'observations de débris d’Architeuthis (calmar géant) flottant à la surface13. Puis la pieuvre et le calmar géant deviennent des épouvantails grâce respectivement à Victor Hugo dans Les Travailleurs de la mer en 186614 et à Jules Verne dans Vingt mille lieues sous les mers en 187015, au point que la pieuvre devient le symbole métaphorique (notamment dans les théories du complot) des réseaux mafieux ou de toute organisation tentaculaire accaparant secrètement des ressources ou le pouvoir par des moyens occultes. Par ailleurs, l'être humain, exploiteur insatiable des ressources marines, voit tout céphalopode mangeur de poissons, de crustacés ou de coquillages comme un dangereux concurrent16. Bien qu'inspiré par le récit du capitaine Frédéric Bouyer de l'aviso Alecton relatant sa tentative de capture d'un céphalopode géant en 1861, le monstre marin, mi-pieuvre, mi-calmar attaquant le sous-marin Nautilus du capitaine Nemo, ne correspond à aucune créature réelle17.
Familiarisation et dressage
En aquarium, tout comme certaines murènes, il arrive que certains poulpes habitués à l'homme deviennent familiers, alors qu'en milieu naturel ils se montrent plutôt craintifs, sauf cas exceptionnels d'apprivoisement18. Ainsi « Paul le poulpe », vivant en captivité entre 2008 et 2010 dans un aquarium d'Oberhausen (Allemagne) a été dressé pour « prédire »19 les résultats des principaux matchs de l'équipe nationale de football allemande20 et fit sensation à la Coupe du Monde 2010 en désignant systématiquement l'équipe victorieuse, à l'occasion des 7 matchs de l'équipe d'Allemagne et de la finale Pays-Bas - Espagne21.
Statut d'être sensible
En 2021, le Royaume-Uni, à la suite d'un rapport commandé par le gouvernement à la London School of Economics a officiellement reconnu les céphalopodes (dont octopodes, calmars et seiches) et les crustacés décapodes (dont crabes, homards et écrevisses) comme des êtres sentients, c'est-à-dire capables d'éprouver des sentiments (ex : sentiments de douleur, de plaisir, de faim, de soif, de chaleur, de joie, de confort et d’excitation)9. Il l'a fait sur la base de l’évaluation des preuves de sensibilité répertoriées dans 300 études.
Le rapport évoque aussi les implications potentielles des pratiques commerciales actuelles sur le bien-être de ces animaux9. Le rapport recommande d’interdire la vente de crabes et de homards vivants à des personnes non qualifiées et d’interdire les abattages par ébouillantage et le démembrement d’animaux vivant. Les études montrent que ces animaux sont non seulement capables de ressentir de la douleur, mais aussi d’éprouver des sentiments de douleur, de détresse ou de préjudice, au sens large, ce qui a une signification pour le droit du bien-être animal9.
Le gouvernement a annoncé qu’un projet de loi sur la protection des animaux prendrait ceci en compte22.
Dans la culture
Selon Jean Claude Ameisen23, le poulpe était autrefois plutôt vu comme un animal sympathique, en particulier en Grèce, où ses capacités de camouflage étaient louées par les philosophes : le poulpe est d'ailleurs un motif décoratif récurrent depuis l'Antiquité. Au Japon, les plongeuses ama ont remarqué les pratiques sexuelles des pieuvres, qui ont inspiré Hokusai24.
Sculpture, peinture, littérature, cinéma
La sculpture, la peinture, la littérature et le cinéma ont été inspirés par le thème des pieuvres, d'abord comme animaux monstrueux, par exemple dans la description par Victor Hugo d'un combat entre le personnage de Gilliatt et une pieuvre carnivore, dans Les Travailleurs de la mer14, repris dès 1918 au cinéma dans Les Travailleurs de la mer, film muet d'André et Léonard Antoine, avec d'innombrables avatars ultérieurs.
Avec le développement de la plongée sous-marine et du cinéma documentaire, l'animal réel a commencé à être mieux connu et a fini par gagner une certaine sympathie dans le grand public. Dans le roman L’Octopus et moi (2020), l'auteure tasmanienne Erin Hortle croise avec empathie les personnalités de personnages variés : jeune femme, pieuvre, phoque. Le film La Sagesse de la pieuvre (2020), documentaire sud-africain réalisé par Pippa Ehrlich et James Reed, raconte la relation entretenue une année durant entre Craig Foster et un poulpe sauvage qu'il apprivoise. Ce film a obtenu l'Oscar 2021 du meilleur film documentaire.
Dans l'épisode 4 de la série documentaire Animal (en) (saison 1, 2021), consacré aux céphalopodes (Octopus), produit et dirigé par Anuschka Schofield pour Plimsoll Productions, le poulpe occupe le rôle le plus important.
Jeux
Dans le domaine du jeu vidéo, l'animal est régulièrement choisi pour représenter un adversaire25.
Mais des peluches de pieuvres sont maintenant commercialisées, rompant avec leur réputation maléfique.
Les pieuvres sont présentes dans plusieurs jeux vidéos :
- Poulpoboss et Prince Poupla sont des boss dans la série de jeux Super Mario Galaxy.
- Certains villageois dans Animal Crossing sont des pieuvres, cependant il s'agit de l'espèce la moins représentée.
- Les Pokémons Octillery, Poulpaf et son évolution Krakos sont inspiré des pieuvres.
- Ultros dans Final Fantasy.
- Les Octorok sont des pieuvres capable de cracher des cailloux dans The Legend of Zelda.
- Lanch Octopus est un réploïde dans Mégaman.
- Octodad est un jeu indépendant, le joueur contrôle une pieuvre dans son rôle de père moderne.
- Les créateurs de Splatoon ont imaginé les Octalings, des poulpes historiquement ennemis des personnages jouables principaux, les Inklings, mais devenant leurs camarades de jeux à la suite d'un DLC dans Splatoon 2. Ce sont des personnages humanoïdes qui se transforment en poulpes pour nager plus rapidement dans l'encre.
Notes et références
- « Pieuvre » [archive], sur cnrtl.fr (consulté le ).
- Bernhard Grizmek, Le Monde animal en 13 volumes : Encyclopédie de la vie des bêtes, vol. 3, Zurich, Gredos, (ISBN 3-287-00204-X).
- Attention aux appellations et traductions fantaisistes circulant sur l'Internet.
- « Poulpe » [archive], sur https://www.futura-sciences.com/ [archive] (consulté le )
- Audrey Binet, « Le Sang bleu » [archive], sur Université de Liège (consulté le ).
- Ludovic Dickel et Anne-Sophie Darmaillacq, « L'intelligence des céphalopodes », Pour la science, no 441, (lire en ligne [archive], consulté le ).
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- Voir fin de cet article [archive] du Web Pedagogique.
- (en) Jonathan Birch, Charlotte Burn, Alexandra Schnell, Heather Browning and Andrew Crump, « Review of the Evidence of Sentience in Cephalopod Molluscs and Decapod Crustaceans » [archive] [PDF], sur lse.ac.uk,
- (en) Robyn J. Crook, « Behavioral and neurophysiological evidence suggests affective pain experience in octopus », iScience, vol. 24, no 3, (ISSN 2589-0042, DOI 10.1016/j.isci.2021.102229, lire en ligne [archive], consulté le )
- Martin Tiano, « Un adhésif inspiré par les ventouses du poulpe », Pour la Science, (lire en ligne [archive])
- Sarah Sermondadaz, « Un tissu de camouflage inspiré par la peau des poulpes », Sciences & Avenir, (lire en ligne [archive])
- Xabier Armendáriz, « Kraken : le calamar géant qui fit trembler les mers », Histoire & civilisations n° 45, décembre 2018.
- Victor Hugo, Les Travailleurs de la mer, Primento, , 631 p. (ISBN 9782806240521).
- Hatcher et Battey 2011, p. 44
- Reporterre, « « Il n’y a plus que ça » : en Bretagne, l'inquiétante invasion des poulpes » [archive], sur Reporterre, le quotidien de l'écologie (consulté le )
- Arthur Fisher, (en) « He Seeks the Giant Squid » in Popular Science p. 30, 1995.
- Craig Foster, documentaire La sagesse de la pieuvre (1h25) sur Netflix, [1] [archive].
- Concernant la zoomancie (divination basée sur le comportement animal) voir Portail:Scepticisme.
- « Paul le poulpe est formel : l'Espagne va battre l'Allemagne » [archive], sur lemonde.fr, .
- « Paul le poulpe, star de la Coupe du monde de football, est mort » [archive], Le Monde (consulté le ).
- « Il serait possible de détecter scientifiquement les menteurs » [archive] (consulté le )
- « Naissance d'un mythe » [archive], sur France Inter, .
- Yoshiyuki Iwase (岩瀬 禎之, Iwase Yoshiyuki?), 海女の群像―千葉・御宿 (1931-1964)
- William Audureau, « Les poulpes dans les jeux vidéo, des héros qui commencent à faire leurs pieuvres », Le Monde.fr, (ISSN 1950-6244, lire en ligne [archive], consulté le )
Annexes
Bibliographie
- Vladimir Biaggi, Jean Arnaud, Poulpes, seiches, calmars: mythes et gastronomie, éditions Jeanne Laffitte, 1995
- Jean-Pierre Montanay, Poulpe, Hachette, 2015
- Peter Godfrey-Smith, Le Prince des profondeurs. L'intelligence exceptionnelle des poulpes, Flammarion, (lire en ligne [archive])
Articles connexes
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