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Artillerie
On appelle artillerie l'ensemble des armes collectives ou lourdes servant à envoyer, à grande distance, sur l'ennemi ou sur ses positions et ses équipements, divers projectiles de gros ou petit calibre : obus, boulet, roquette, missile, pour appuyer ses propres troupes engagées dans une bataille ou un siège. Le terme serait apparu environ au XIIIe siècle, dérivant du vieux français artillier qui désignait les artisans, fabricants d'armes et équipements de guerre. Ces artisans ont été pendant longtemps les seuls spécialistes dans le service de ces armes puisqu'ils les fabriquaient et les essayaient avant livraison. C'est pourquoi, jusqu'au XVIIIe siècle, ils étaient commissionnés par les souverains pour les servir à la guerre.
Ainsi et par extension, le nom d'artillerie désigne l'ensemble des produits fabriqués par les artilleurs et par les fonctions de mise en œuvre et de soutien qui lui sont rattachées. Il finit donc par désigner aussi l'ensemble des troupes chargées de mettre en œuvre ces armes d'où la création d'unités militaires et d'armes spécialisées. L'emploi de l'artillerie nécessite le renseignement, la surveillance, l'acquisition d'objectif, le réglage du tir, la transmission des informations, une logistique complexe qui comprend le transport des pièces, la construction d'itinéraires et de moyens de franchissement à cet effet, l'approvisionnement en munitions, et l'entretien des armes. Par ailleurs, à partir d'elle se développent toutes les fonctions relatives à la fortification et aux sièges, de la conception et de la construction des places fortes ou des fortifications de campagne à l'élaboration des sapes et des mines destinées à les investir.
De ce fait, tout au long de l'histoire militaire, elle donne naissance aux armes du génie (fortifications, routes, pontonniers), des transmissions, de l'aérostation, de l'aviation légère des armées de terre, du train des équipages (d'artillerie), du matériel (parc d'artillerie) et, par transfert, aux chars de combats regroupés à l'origine sous le terme d'artillerie d'assaut.
Enfin l'artillerie à feu succédant à l'artillerie à jet, concentre toutes les fonctions relatives à l'utilisation des poudres, y compris, comme en France jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, à l'élaboration, à la fabrication et à l'utilisation des armes à feu d'infanterie.
En raison de sa complexité, elle reste longtemps l'arme scientifique par excellence, attirant nombre de savants. À partir de 1794, en France, l'École polytechnique lui fournit de manière privilégiée ses cadres jusqu'à la Seconde Guerre mondiale. De plus, elle est le symbole de la puissance car elle nécessite des investissements importants. Sous Louis XIV, elle reçoit la devise d'Ultima Ratio Regum, le « dernier argument des rois ». Elle est l'arme déterminante pour beaucoup de grands chefs militaires comme Napoléon Ier (qui était artilleur de formation). Ses évolutions conditionnent profondément la manière de faire la guerre.
Histoire
L'artillerie névrobalistique
Antiquité
En Asie, la Chine est la première à maîtriser l’artillerie (pào bīng). Celle-ci est souvent reconnue comme étant l'ancêtre de l'artillerie occidentale. L’arbalète et la baliste sont apparues pendant la période des Royaumes combattants (-). C'était l'outil des tirs de saturation qui étaient une des tactiques favorites des armées asiatiques. Des exemplaires de ces « armes du diable » ont été découverts avec l’Armée de terre cuite du mausolée de l’empereur Qin shi Huang (-), dont une version améliorée pour tirer à répétition (Chu ko nu).
En Europe, au milieu du IVe siècle av. J.-C., les Grecs utilisaient une large gamme d’armes de jet lourdes : lithobolos (lanceurs de pierres) et catapeltai (lanceurs de flèches) agissant par tension d’arc, torsion à câbles ou effet de levier.
La baliste est décrite au Ier siècle av. J.-C. par l'auteur grec Héron d'Alexandrie dans un traité sur la fabrication des machines de jet (Belopoiïca). Il attribue à Ctésibios d’Alexandrie cet agrandissement de la gastrophène, ancêtre de l’arbalète, à la demande de Denys l'Ancien, tyran de Syracuse, en
Pour attaquer la Perse en , Alexandre disposait d’une forte artillerie servie par un corps d'ingénieurs spécialisés. Elle jouera un rôle essentiel dans la plupart de ses victoires. Notamment, c’est elle qui a couvert la traversée du Iaxarte. Balistes et scorpions ont permis la prise de Tyr en protégeant la construction d’une jetée pour amener à portée des murailles une catapulte géante qui a ouvert une brèche pour l’assaut final. Ils ont aussi contribué à la victoire décisive de Gaugamèles en brisant la formation compacte des Immortels de Darius, préalable indispensable à la charge définitive d’Alexandre et ses hétaires.
Les Romains ont découvert l’artillerie grecque après leurs guerres contre la Macédoine (-). Mais celle-ci n’y a pas joué de rôle, la plupart des batailles ayant été des escarmouches de hasard dégénérant en affrontements confus opposant des légions expérimentées et mobiles à des phalanges statiques formées à la hâte par des chefs incompétents. Selon leurs habitudes, les ingénieurs romains ont vite adopté et amélioré ces engins nouveaux pour lesquels leurs généraux ont codifié des doctrines d’emploi efficaces. Ils en feront un très large usage. Sous Auguste, chaque légion déploie sur le champ de bataille 55 balistes et 10 onagres, auxquels s’ajoutent des machines encore plus lourdes pour les sièges. Ces pièces sont fréquemment mentionnées dans les écrits romains (César, Végèse, Arrien…) et figurent sur plusieurs monuments, comme la colonne Trajane.
Moyen-Age
Quelques types d'engins névrobalistiques :
Fin du Moyen Âge
L’artillerie connaît un progrès important avec la découverte d'une énergie propulsive, rapidement et directement utilisable, la poudre noire. La poudre à canon elle-même est généralement reconnue pour avoir été découverte en Chine vers le IXe siècle, durant la dynastie Tang (618-907). La première mention de la formule date de 1044, dans le Wǔjīng zǒngyào 武經總要. La première utilisation semble avoir été faite le 28 janvier 1132, utilisée par le général Han Shizhong pour prendre une ville dans le Fujian.
Lors du siège de Séville entre l’été 1247 et novembre 1248, des écrits attestent que des canons ont été utilisés contre le royaume de Castille par les défenseurs maures durant le siège, ce qui serait la première utilisation de poudre à canon en Occident.
Les premières descriptions de la poudre noire en Europe datent du milieu du XIIIe siècle, dans un ouvrage daté de 1249, attribué à un moine franciscain britannique, Roger Bacon. Simultanément, on retrouve une description à Cologne chez un certain Albertus Magnus (Albert le grand). Après quelques essais décevants de fusées incendiaires, on imagina d'utiliser les gaz produits par la déflagration comme propulseur dans un tube pour lancer un boulet :la bombarde était née.
Contrairement à la légende, le moine Berthold Schwartz (1310-1384) n'a pas inventé la poudre mais il aurait conçu et développé les premiers tubes en bronze. Toutefois, certains auteurs mettent son existence en doute.
L'artillerie consiste en la réunion de la poudre comme agent de propulsion et le tube comme agent de lancement et de guidage. Sa première apparition notable a lieu à Metz, de 1324 à 1326, pendant ce que l'on a appelé la guerre des quatre seigneurs. Une couleuvrine et une serpentine ont été utilisées. Les canons de cette époque n'étaient guère puissants, et leur emploi le plus utile était la défense des places fortifiées, comme pour Breteuil où, en 1356, les Anglais assiégés utilisèrent un canon pour détruire une tour d'assaut française. À la fin du XIVe siècle, les canons pouvaient défoncer les toits d'un château, mais restaient impuissants devant ses murailles.
Canons médiévaux en métal.
Après une utilisation anecdotique de tubes en bois, les premiers tubes en métal sont construits au début du XIVe siècle en Angleterre, ainsi qu'en Italie, en France, en Allemagne et en Espagne. La première image d'un canon date de 1326, sur un manuscrit anglais.
La métallurgie médiévale ne permet pas de fondre des canons d'un seul bloc, ils sont dans un premier temps réalisés d'une manière analogue aux tonneaux, avec des pièces de fer forgé (les douelles) ou même de bois, tenues ensemble par des cerclages en fer ou même en cuir (en Italie par exemple), dans les cas de tubes à douelles. Par la suite, les tubes à douelles sont remplacés par des tubes à spirales, constitués d'un fin feuillet de fer entouré autour d'une âme en bois dur, renforcé en l'entourant à chaud de plusieurs fines barres de fer de section carrée, entourées en sens contraire.
Dans ces conditions, les tubes sont très souvent sujets à des éclatements inopinés, dangereux, voire fatals pour leurs utilisateurs au-delà d'une dizaine de coups. Les tubes étaient testés huit fois devant l'acheteur et étaient garantis pour 400 coups, d'où l'expression « faire les 400 coups ». En raison de cette fragilité, les charges de poudre propulsive sont nécessairement limitées, réduisant ainsi la portée et la puissance à l'impact. De plus, les charges perdent beaucoup d'efficacité du fait de l'importante traînée des projectiles, le vent de boulet étant difficile à maîtriser en raison du manque de régularité dans leur fabrication.
Un autre problème pour l'artillerie de siège est lié à la nature des projectiles. En pierre dans un premier temps, ils ont tendance à éclater lors de l'impact contre un objectif solide, comme une muraille d'enceinte.
À la fin du Moyen Âge, l'artillerie est pleinement entrée dans les modes de guerre. Elle est difficile à employer sur le champ de bataille en raison de son manque de mobilité. Toutefois, elle a un effet indéniable, elle tue et a un effet psychologique majeur. Elle a été utilisée par les frères Bureau à la bataille de Castillon (fin de la guerre de Cent Ans) et il en est fait mention par le Florentin Giovanni Villani dans son récit de la bataille de Crécy (1346), même si aucun autre élément ne corrobore ce seul texte (aucun chroniqueur anglais, entre autres, n'en faisant état).
Les frères Bureau, au service du roi de France, participent à une rationalisation de l'arme qui sera un élément déterminant de la victoire française à la fin de la guerre de Cent Ans.
Renaissance
Variété des pièces
Pierrier à boîte « Meurtrière », 1510 France
note 1,1.
La classification des pièces d'artillerie telle qu'établie par Maximilien d'Autriche (1459-1519) est très « poétique ».
- Pour l'artillerie lourde
- Le canon
- Le demi-canon
- Le quart de canon
- Le basilic, ou longue couleuvrine
- Pour l'artillerie de campagne
- Pour l'artillerie de marine
Canons de bronze
Peu à peu, la métallurgie trouve de meilleurs techniques et matériaux pour la fabrication des pièces. Les armes en métal coulé, chargées par la bouche, sont d'abord faites de fonte.
À partir de 1450, le bronze s'impose comme matériau de fabrication privilégié2. Bien que coûteux, il présente l'avantage d'être un métal plus « souple » que la fonte, de se déformer plutôt que d'éclater en cas de surpression. La tendance est à l'allongement des tubes pour améliorer à la fois leur précision et leur portée. L'usage des moules, comme pour fondre les cloches, permet de réaliser des pièces d'un seul tenant, de les produire en grande série avec des calibres standardisés3.
L'affût
Affût de contrescarpe de 4.
Parallèlement, on travaille aussi à rendre l'artillerie plus mobile et plus précise. Jusqu'en 1480, l'affût est un support inerte. À cette date, les frères Bureau développent l'affût à roues et les tourillons, axes fixés de part et d'autre du tube pour permettre son réglage en site. Ces innovations marquent le passage de la bombarde au canon, car elles permettent un pointage plus aisé, en portée comme en direction, et une bien meilleure mobilité.
Le projectile
Le problème des projectiles est résolu, au milieu du XVe siècle, d’abord en cerclant de fer les projectiles en pierre (innovation des frères Jean et Gaspard Bureau), puis en les remplaçant par des boulets en fer battu, plus résistants. Les boulets métalliques en fer, trois fois plus denses que la pierre (à diamètre égal, ils pèsent trois fois plus lourd) et de tailles standardisées, font plus de dégâts que les boulets de pierre : ils n'éclatent pas à l'impact comme ceux-ci le faisaient fréquemment mais, au contraire, ce sont les maçonneries qu'ils percutent qui volent en éclats et se désagrègent. Cette puissance de percussion va permettre de réduire le diamètre des boulets, donc le calibre des tubes qui deviennent plus légers, plus transportables, ce qui favorise le développement de l'artillerie de campagne très mobile3.
Par ailleurs, la fusée propulsée (ou roquette) est toujours utilisée, mais demeure un instrument de combat marginal, en raison de son manque de précision et de sa dangerosité.
Emploi opérationnel de l’artillerie
L'artillerie se révèle une arme efficace de siège et de campagne lors des campagnes d'Italie de Charles VIII à la fin du XVe siècle, où toutes les places fortes assiégées par l'armée française succombent les unes après les autres. Cette efficacité de l'artillerie se confirme au tout début du XVIe siècle, durant la Guerre de la Ligue de Cambrai, où les Italiens découvrent avec effroi que leurs murailles ne résistent pas à l'artillerie de François 1er4. Il n'existe plus alors de forteresse imprenable, car plus un mur est haut, plus il est vulnérable au tir des boulets métalliques. En outre, les dommages faits aux habitations d'une ville assiégée sont considérables, notamment grâce aux tirs paraboliques (tirs courbes) qui, passant par-dessus les murailles de l'enceinte, viennent s'abattre sur les toits des habitations qu'ils défoncent.
Au XVIe siècle, l'artillerie de siège est devenue si efficace que les techniques de fortification doivent être repensées de fond en comble. Avec la multiplication des obstacles pour parvenir à l'enceinte intérieure, le tir en enfilade ou le tir flanquant devient un des deux critères majeurs de conception. Il vise à la fois à le favoriser chez le défenseur et à le rendre le plus difficile possible à l'attaquant. Il donne naissance au tracé à l'italienne ou tracé bastionné5.
La période classique : arme de moins en moins auxiliaire et marque de puissance
L'artillerie connaît une phase importante de stagnation technologique entre le XVIIe et la première moitié du XIXe siècle. Les armes mises en œuvre par les armées de Louis XIV sont peu ou prou les mêmes que celles de Napoléon. Les variations se font surtout dans la tactique et dans l'emploi de l'artillerie. Cette période est donc dénommée "classique".
Mise en œuvre de l’artillerie classique
Outils pour le chargement d'un canon.
Le chargement des canons se fait par la gueule. La première opération est le chargement :
- la lanterne (ou cuillère, à long manche) sert à doser et déposer une charge de poudre (avant que ne soient utilisées des gargousses de toile),
- le refouloir (en forme de tampon sur un manche) sert à enfoncer et tasser les deux bourres dans le canon (l'une entre la poudre et le boulet, et l'autre devant le boulet pour éviter qu'en roulant il ne s'écarte de la poudre avant la mise à feu).
Une fois le canon chargé, la gargousse (qui contient la poudre) est crevée avec le dégorgeoir à gargousse que les artificiers enfoncent par la lumière (fin canal cylindrique percé dans le fût du canon, tout à l'arrière de celui-ci). De la poudre fine est versée dans la lumière pour amorcer la charge. Puis le feu y est mis par le boutefeu (manche autour duquel est enroulée une mèche qui reste toujours allumée).
Une fois le coup tiré, le fût du canon est débarrassé des débris du tir avec une brosse (dotée d’un long manche), puis nettoyé avec un écouvillon (doux)6.
Effets de l'artillerie
Jusqu'au milieu du XIXe siècle, les effets de l'artillerie sont essentiellement fondés sur l'énergie cinétique du projectile.
Pour ce qui est de l'artillerie de campagne, les tirs sont directs, c'est-à-dire que les canons et les objectifs sont à vue. Il n'y a donc pas de défilement possible, ni de tirs au-dessus des troupes. La visée se fait directement sur le tube.
L'artillerie est particulièrement visible, notamment parce qu'elle doit occuper des points hauts et parce qu'elle émet quantité de fumée.
Deux types d'effets physiques sont attendus. D'une part, dans le combat éloigné, le boulet renverse les lignes de fantassins, de cavaliers ou les batteries d'artillerie adverses en tombant et en rebondissant dans leur rangs (méthode dite du « tir à ricochet » qui a été systématisée par Vauban lors du siège d'Ath). En combat rapproché, d'autre part, la boîte à mitraille projette des centaines de micro-projectiles comparables aux plombs d'un fusil de chasse.
Les types de boulets sont divers : boulet simple, boulets ramés avec des chaînes, boulets encastrés avec des « ailes », boulets conjugués, boulets chauffés à blanc, etc.
Pour ce qui est de l'artillerie de siège, le tir peut être direct lorsqu'il s'agit de détruire une muraille visible ou atteindre des hommes en position sur celle-ci. Il peut être parabolique (= plongeant), c'est-à-dire avec un angle de tir supérieur à 45° pour détruire les objectifs militaires ou civils protégés au milieu de la citadelle. Cet effet physique crée un effet psychologique multiplicateur souvent décisif. C'est pourquoi se développent des systèmes de fortifications « à l’italienne » qui mettent notamment à défilement les murailles des citadelles dans des fossés pour éviter les coups directs de l'artillerie sur la maçonnerie.
Les évolutions
Au début du XVIIe siècle, l'artillerie demeure une arme auxiliaire. Sa construction, sa mise en œuvre, sa logistique et son organisation restent entre les mains d'une administrations civile. Elle reste l'apanage des puissants, ceux qui peuvent se payer des canons, « ultima ratio regum » (« l'arme ultime des rois ») proclame la devise de l'artillerie de Louis XIV. Elle déploie des matériels divers, pléthoriques et très peu standardisés. La guerre de Trente ans qui concerne toute l'Europe oblige à une rationalisation radicale qui dure jusqu'à la fin des guerres napoléoniennes.
Réorganisation de l'artillerie
En 1630, le roi de Suède Gustave-Adolphe constitue une nouvelle artillerie, plus mobile et plus légère. Il limite le nombre de calibres disponibles. Il établit une distinction entre l'artillerie lourde destinée aux sièges, à la guerre de position ou à la protection des franchissements, l'artillerie de campagne, qui appuie l'infanterie, l'artillerie légère qui est mise en œuvre par les fantassins eux-mêmes.
La compagnie d'artillerie de Ferrand de Cossoy, début
XVIIIe siècle.
En France, à partir de 1668, l'administration de l'artillerie est militarisée. Six compagnies, quatre de canonniers et deux de bombardiers sont créées. En 1671 est créé le corps des fusiliers du roi qui a pour mission la garde et le service de l'artillerie royale. Une école d'artillerie jouxtant l'université de Douai est fondée par Louis XIV en 1679. Par la suite, un grand nombre d'écoles d'artillerie, nationales et régimentaires sont créées. L'ensemble des unités est regroupé en 1693 dans un régiment, le Royal-Artillerie. En 1765, après un siècle d'organisation sous l'égide de Louis XV et de militaires comme François de Jaunay, l'artillerie française est articulée en sept régiments et dispose alors d'une solide formation dans les nombreuses écoles de France. Le modèle des pièces est rationalisé et standardisé dans un système connu sous le nom de « système de Vallière ».
L'artillerie est employée répartie sur l'ensemble de la ligne de bataille en batteries de quatre à dix pièces. Le combat commence par une canonnade, puis, alors que la bataille se développe au contact de l'ennemi, elle tire « à mitraille ».
En Angleterre, l'artillerie est militarisée à partir du 26 mai 1716, date à laquelle le roi George Ier décide de fonder deux compagnies permanentes de 100 hommes installées à Woolwich. En 1720, le terme de Royal Artillery est utilisé pour qualifier les deux compagnies. Le 1er avril 1722, le Royal Regiment of Artillery est créé à partir des deux compagnies originelles auxquelles sont jointes deux compagnies supplémentaires et deux compagnies indépendantes de Gibraltar et de Minorque. En 1741, la Royal Academy of Artillery et l'arsenal royal sont créés à Woolwich. En 1757, le régiment comprend deux bataillons de douze compagnies chacun. En 1748, trois compagnies sont créées en Inde, au Bengale, à Madras et à Bombay. En 1771, le régiment compte quatre bataillons de huit compagnies soit trente-deux au total. En novembre 1793 sont créés deux groupes de Royal Horse Artillery, destinés à accompagner les unités de cavalerie.
Développements de nouveaux modèles de pièces
Le mortier est inventé au début du XVIIe siècle pour surmonter l'amélioration des fortifications. Il est introduit peu à peu en Hollande puis en France. Le mortier est un tube court destiné à tirer des projectiles en tir plongeant par-dessus des obstacles. Les projectiles peuvent être inertes, de grosses masses, ou bien explosifs. Dans ce dernier cas, ils prennent alors le nom de bombes. Les bombes sont de gros boulets creux bourrés de poudre noire. Une petite lumière est percée dans leur paroi et une courte mèche à combustion lente y est introduite. La longueur de la mèche est calculée de manière que la bombe éclate au moment de l'impact contre l'objectif ou bien, la durée de combustion pouvant varier d'une mèche à l'autre, une fraction de seconde avant ou après l'impact. La mèche de mise à feu de la charge explosive contenue dans la bombe était allumée séparément quelques secondes avant le départ du coup, à l'aide d'un boute-feu manié par un servant ou bien par l'intermédiaire de la flamme du tir.
Un tube appelé obusier, d'une longueur intermédiaire entre celle du canon et celle du mortier, est alors développé pour lancer de tels projectiles.
Des pièces d'artillerie légère « à la suédoise » développées en 1732 sont introduites avec beaucoup de réticence dans les régiments d'infanterie français.
Au milieu du XVIIIe siècle, le roi de Prusse Frédéric II invente l'artillerie à cheval, capable de suivre et de soutenir la cavalerie.
L'artillerie prussienne sert de modèle à l'ensemble des artilleries du continent. Jean-Baptiste de Gribeauval est chargé de la réforme de l'artillerie française sur ce modèle.
Deux personnages parfois rivaux donnent aux rois de France une artillerie digne de leurs ambitions.
Jean-Florent de Vallière (1667-1759)
Directeur de l'artillerie en 1720, Jean-Florent de Vallière réorganise l'artillerie composée de deux régiments, le Royal Artillerie et le Royal Bombardiers, en cinq bataillons de huit compagnies chacun, chaque compagnie regroupant une centaine d'hommes. On lui doit la réduction du nombre des calibres désormais limités à cinq : 4, 6, 8, 12 et 24 livres. Il rationalise la production des canons, notamment par l'amélioration des techniques de coulée. Le système de Vallière est approuvé le 7 octobre 1732.
Jean-Baptiste Vaquette de Gribeauval (1715-1789)
Inspecteur de l'artillerie en 1764, il cherche à organiser une artillerie la plus adaptée aux tâches qui lui sont demandées.
À cet effet, il divise l'artillerie en quatre catégories :
- l'artillerie de campagne, destinée à accompagner les troupes en campagne, composée de trois types de canons : 4, 8 et 12 livres et d'un type d'obusier de 8 pouces.
- l'artillerie de siège, destinée à appuyer les sièges des places fortes, composée de 4 types de canons de 8, 12, 16 et 24 livres et de 4 types de mortiers de 8, 10 court, 10 long et 12 livres. Elle dispose de munitions propres à la destruction des fortifications et, notamment, des boulets fusants. Elle est équipée d'affûts qui permettent une certaine mobilité.
- l'artillerie de place, destinée à équiper la défense des places fortes, composée des mêmes pièces que l'artillerie de siège. La différence réside dans les affûts non mobiles, adaptés aux fortifications qu'elle protège. Les artilleurs qui la servent sont généralement des sédentaires.
- l'artillerie de côte, destinée à défendre les côtes. Elle est équipée de modèles de canons disparates. Elle est généralement mise en œuvre par des unités d'artillerie sédentaires composées d'artilleurs vétérans inaptes au service dans les autres catégories.
Pour l'ensemble de l'artillerie :
- Pour améliorer la précision, il fait adopter la ligne de mire et la vis de pointage.
- Pour améliorer la cadence de tir, il fait adopter la gargousse standard, la cartouche à boulets et à mitraille.
- Pour améliorer la maintenance et l'interopérabilité, il fait construire des affûts selon un modèle type qui comprend notamment deux positions pour les tourillons : position de transport et position de combat. Il organise l'interchangeabilité des pièces.
Pour l'artillerie de campagne :
- Il invente la prolonge, un système d'attelage articulé qui permet de manœuvrer la pièce sans dételer les chevaux, puis de dételer ceux-ci très rapidement.
- Il invente la bricole, sorte de harnais qui permet aux servants d'amener par eux-mêmes la pièce en position sur le pas de tir et mettre ainsi à l'abri les chevaux à proximité de l'ennemi.
Le système Gribeauval est approuvé par l'ordonnance du 13 août 1765. Il est le système officiel de l'armée française jusqu'en 1827, date de la mise en place du système Valée. À la Révolution, l'artillerie est devenue une arme nouvelle qui compte de plus en plus sur les champs de bataille. Elle commence à intéresser les théoriciens comme du Puget, le baron du Teil, le comte de Guibert et Scharnhorst. La France a pour réputation d'avoir la meilleure artillerie d'Europe et surtout, de savoir s'en servir.
De Vallière et Gribeauval sont à la fois complémentaires et rivaux : complémentaires parce que Gribeauval appuie sa réforme sur la standardisation des calibres de De Vallière, rivaux parce qu'ils ont une conception différentes de l'artillerie. De Vallière tend à favoriser les gros canons moins mobiles mais plus puissants ; Gribeauval, lui, préfère des canons plus petits mais plus mobiles et proches du champ de bataille. Bien que disgracié pendant dix ans par le fils de De Vallière, de 1764 à 1774, c'est Gribeauval qui l'emporte. Ses canons légers et mobiles, qu'il dit aussi puissants, aussi robustes et d'une portée équivalente à celle des gros canons lourds de De Vallière, équipent l'artillerie de la Révolution et de l'Empire.
Le système Gribeauval est modifié à la marge à la suite des campagnes de la Révolution et de l'Empire.
Au niveau de l'organisation :
- à partir de 1809 et pour faire face aux besoins immédiats de l'infanterie, chaque régiment est doté de deux canons, généralement des pièces autrichiennes de trois livres ;
- pour lutter contre les éventuelles incursions de la marine anglaise, l'artillerie de côte est notablement renforcée et comprend 114 compagnies en 1809.
Au niveau du matériel, il est supplanté en partie par le système de l'an XI qui comprend :
pour l'artillerie de campagne :
- deux calibres principaux, le canon de 12 et le canon de 6. Ce dernier, qui n'existe pas dans le système Gribeauval, est directement issu des canons pris à l'ennemi chez qui ce calibre est prépondérant. Les canons ainsi utilisés sont soit le résultat de prises, soit le réalésage du canon de 4 devenu superflu ;
- des caissons et des avant-trains allégés et simplifiés destinés à améliorer la vitesse de manœuvre.
Le système Valée lui fait suite à partir de 1827. Il reste dans la logique Gribeauval, dont il garde beaucoup d'aspects.
Il résulte des constatations faites à la fin des campagnes napoléoniennes, notamment sur l'artillerie anglaise, apparue plus mobile et plus efficace que l'artillerie française. Il consiste donc :
- dans une réadaptation des calibres Gribeauval aux situations tactiques de l'époque avec :
- 2 modèles de canons de siège de 16 et 24 livres ;
- 2 modèles d'obusiers de campagne de 25 livres et de 6 pouces (150 mm) ;
- un mortier de siège de 8 pouces ;
- un canon d'artillerie de montagne de 12 livres ;
- quatre types de mortiers de 8, 10, 12 pouces et un mortier à pierre de 15 pouces ;
- dans une standardisation, une simplification et un allégement des caissons et des avant-trains. Les équipes de pièces sont désormais transportées sur les avant-trains et se déplacent ainsi à la vitesse de l'infanterie et de la cavalerie. La distinction entre artillerie à pied et artillerie à cheval est ainsi beaucoup moins pertinente. Les régiments sont donc désormais régiments d'artillerie, sans distinction d'arme.
Influence du développement de l'artillerie sur la fortification
Des leçons tirées de la guerre de Trente ans, Vauban conçoit un nouveau système de fortification adapté aux progrès de l'artillerie car bien moins vulnérable aux projectiles. De même, il conçoit des techniques d'emploi de l'artillerie pour venir à bout de ces mêmes fortifications, notamment le tir dit de saignée pour ouvrir la brèche dans les murailles et le tir à ricochet (le boulet est tiré avec une charge de poudre plus faible de manière à avoir juste assez de vitesse et d'inertie pour passer au-dessus des parapets derrière lesquels se tient l'artillerie des défenseurs, puis à s'abattre transversalement au milieu de celle-ci en fauchant les canons et leurs servants5.
Les évolutions du XIXe siècle vers une arme déterminante
Pendant tout le XIXe siècle et jusqu'à la guerre de 1914, l'artillerie devient un élément déterminant du champ de bataille. Elle prend une nouvelle dimension avec les campagnes de la Révolution et de l'Empire, elle joue un rôle essentiel dans les batailles du XIXe et trouve l'apogée de son emploi pendant la Première Guerre mondiale où elle démontre à la fois sa puissance mais aussi ses insuffisances.
L'artillerie pendant la Révolution et l'Empire
L'artillerie prend de plus en plus d'importance de par son efficacité sur le terrain et l'origine militaire de Napoléon Ier ainsi particulièrement sensible à son emploi.
Organisation
Artilleur du train (à gauche) et à pied de l'époque napoléonienne.
Le , l'artillerie française devient une arme à part entière. Elle dispose des sept régiments à deux bataillons de dix compagnies de l'Ancien Régime. Elle conserve surtout et beaucoup mieux que l'infanterie, les cadres de l'Ancien Régime comme Bonaparte qui ont cultivé l'excellence et qui la mette à disposition des armées de la République. Tout au long de la période, elle ne cesse de s'étoffer et de s'améliorer.
Sur le plan technique, l'artillerie de la Révolution et de l'Empire n'a guère évolué car elle reste essentiellement fondée sur le système de Gribeauval, hérité de l'Ancien Régime. Il ne sera pas notablement amélioré pendant la période. La supériorité dont elle fait preuve tient à sa quantité et à son emploi stratégique et tactique.
L'emploi de l'artillerie française est caractérisé par trois points forts : sa mobilité, sa proximité de l'infanterie et sa capacité de concentration instantanée et la qualité professionnelle de ses personnels.
Mobilité
La mobilité tactique de l'artillerie tient à ses batteries d'artillerie à cheval, surnommée « artillerie volante ». Neuf compagnies d'artillerie à cheval sont créées en 1790. Elles deviennent une pièce maîtresse de la supériorité française dans les campagnes et sur les champs de bataille grâce à leur mobilité, leur souplesse, leur réactivité et leur esprit offensif. Elles acquièrent leur indépendance le sous le nom d'« artillerie légère ».
La mobilité stratégique tient en grande partie à son organisation. Un ensemble complet de soutiens adapté à ses qualités est progressivement créé. Le transport effectué par des entreprises civiles sous l'Ancien Régime est progressivement militarisé. Le train des équipages est officiellement créé le 26 mars 1807. Les pontonniers destinés à faciliter ses franchissements sont créés en une spécialité séparée attribuée au génie le .
Sont ajoutées progressivement à l'ensemble des compagnies d'ouvriers, des unités de vétérans chargés de mettre en œuvre l'artillerie de place, des unités d'artillerie côtières et des fonctionnaires chargés de l'entretien et de la surveillance des matériels au sein de parcs d'artillerie, centre de réparation et de stockage. Par ailleurs, dix sept compagnies coloniales sont créées le 3 avril 1804 pour protéger les colonies et une artillerie de la Garde est constituée.
Proximité de l'infanterie et capacité de concentration instantanée
Le principe consiste à faire en sorte que l'artillerie soit proche de l'infanterie pour la soutenir à tout moment. Dès le début de la Révolution, deux pièces sont attribuées à chacun des bataillons de la Garde nationale. Au cours des années 1810-1811, Napoléon fait distribuer deux pièces d'artillerie à chacun des régiments d'infanterie pour rapprocher l'artillerie du cœur du combat, renforcer les fantassins et compenser ainsi leur moindre qualité.
Cependant, à tout moment, l'artillerie est capable de se concentrer rapidement aux ordres de l'Empereur ou du général en chef dans une « grande batterie » pour appuyer l'effort majeur de la bataille, ouvrir la route à la cavalerie et forcer ainsi la décision.
Qualité professionnelle de ses personnels
L'artillerie bénéficie d'une gestion particulière de ses personnels. Elle cultive une excellence qui s'est perpétuée jusqu'à aujourd'hui. Elle reçoit les gens les plus brillants. L'artilleur est un soldat très aguerri. Son apprentissage est long et repose sur un entraînement minutieux répété incessamment et quelles que soient les conditions du combat. Les artilleurs inaptes au service en campagne sont regroupés dans des compagnies de vétérans qui ont un rôle de police sur les territoires de l'Empire.
Généralisation de ces règles d'emploi aux autres artilleries
Tout au long de la période, les adversaires de la Révolution et de l'Empire n'ont de cesse que d'imiter le modèle napoléonien qui est un des facteurs indéniables de la supériorité des armées françaises.
Des développements considérables dus à l'industrialisation
Dès le début du XIXe siècle, l'artillerie fait l'objet d'études nombreuses tant pour améliorer le matériel, tubes, poudres, etc., que pour optimiser la balistique. Ces évolutions changent son emploi et sa mise en œuvre du tout au tout.
Les poudres
Depuis le Moyen Âge, l'artillerie utilisait exclusivement de la poudre noire dont les défauts étaient clairement identifiés. Outre la fumée qu'elle générait au départ, qui la faisait immanquablement repérer et qui recouvrait le champ de bataille du « brouillard de la guerre », sa puissance laissait à désirer et son dosage précis était très difficile ce qui limitait automatiquement la maîtrise des effets et de la portée. Au XIXe siècle, des études permettent d'inventer de nouvelles poudres. Dès les années 1830, de nouveaux explosifs sont inventés. Plus puissants que la poudre noire, ils ont l'avantage de faire peu de fumée. Un mélange de coton, de sciure de bois et d'acide nitrique - le fulmicoton - est inventé par un chimiste français Henri Braconnot. De même, la nitroglycérine est découverte en Italie et la nitrocellulose aux États-Unis. Toutefois, ces explosifs sont instables et après des essais infructueux, ils ne peuvent être produits en masse. Il faut donc attendre le début des années 1880 pour trouver des formules de stabilisation. La nitrocellulose est plastifiée avec un mélange d'éther et d'alcool. Le fulmicoton et la nitroglycérine sont de même stabilisés pour donner un mélange du nom de cordite.
Ces poudres servent à la fois à l'amorçage, à la propulsion et à l'explosion des munitions.
Jusqu'au milieu du XIXe siècle, l'amorçage est assuré par de la poudre noire finement moulue, le pulvérin, que l'on met dans la « lumière », sorte de trou fait dans la partie arrière du canon, et qui doit être allumé à l'aide d'un boute-feu, sorte de tige en corde dont un bout se consume. Outre le fait que le boute-feu est source de risques car il peut enflammer la poudre ambiante, le pulvérin craint l'humidité et peut faire « long feu », c'est-à-dire ne pas transmettre la flamme ou ne le faire qu'après un certain délai. Les nouvelles poudres sont conditionnées sous formes d'étoupilles, sortes de capsules hermétiques dans lesquelles sont mises des poudres relativement instables et qui sont mises à feu par la percussion d'une amorce. Ces étoupilles sont mises dans une « lumière » ou directement incluses dans les douilles des projectiles et transmettent ainsi l'explosion aux gargousses.
De même, la propulsion est assurée par de la poudre noire qui est grossièrement dosée à l'aide de cuillères, introduite par la bouche de la pièce, tassée par un écouvillon et éventuellement complétée par une bourre. Naturellement, avec des facteurs aussi approximatifs, la portée des canons est très aléatoire, et la cadence de tir très lente est dépendante de longues périodes d'entraînement des servants. Avec les nouvelles poudres dont la composition est très précisément contrôlée et dont le conditionnement, en gargousses correspondant à des charges très rigoureusement dosées, les portées sont maîtrisées. Des tables de tir, résultat d'expérimentations normées, sont établies et comprennent la portée exacte générée par la combinaison charge / angle de tir ainsi que la « fourchette » qui correspond à l'écart probable circulaire obtenu lors des essais.
À partir de 1850, l'artillerie connaît des améliorations en cascade qui amènent au summum qu'elle atteint avec la Première Guerre mondiale.
Les projectiles
Jusqu'au milieu du XIXe siècle, l'effet de l'artillerie contre les troupes et contre les fortifications est essentiellement mécanique, (cf. Les effets de l'artillerie). Dès 1776, on s'aperçoit que la forme optimale d'un projectile d'artillerie est la forme cylindro-ogivale mais ce n'est qu'à partir de 1886, qu'il devient le projectile de base de l'artillerie en raison notamment de l'invention des nouvelles poudres. Très vite l'obus sonne la fin du boulet. Il est fabriqué en acier, et rempli de mélinite. Sa forme pointue permet d'obtenir une pénétration optimale dans l'air et rend les canons plus efficaces car elle augmente de manière significative leur portée. À calibre constant, elle permet une augmentation très importante de la charge explosive par rapport au boulet sphérique et permet une multiplication des types de projectiles. Enfin, elle assure une meilleure maniabilité des munitions pour le servant comme pour la logistique.
En 1784, le lieutenant anglais Shrapnel invente un projectile plein de poudre et de billes en acier qui explose en l'air à une distance donnée et qui a des effets dévastateurs sur l'infanterie. Il est utilisé en quantité à Waterloo en 1815.
À l'issue de cette évolution, la gamme des obus disponibles permet de varier de manière considérable les effets obtenus en fonction des caractéristiques de l'objectif. Cette variété est multipliée grâce à l'invention de la fusée, dispositif qui permet de commander leur explosion.
Jusqu'au milieu du XIXe siècle, les projectiles sont rarement explosifs. Lorsqu'ils le sont, les dispositifs de mise à feu du projectiles sont sommaires et peu fiables. Soit, la mise à feu est indépendante, au moment du tir, l'obus est amorcé à l'aide d'un pulvérin ou d'une mèche auquel un servant met le feu grâce à un boutefeu, soit on compte sur le feu de la poudre de propulsion pour allumer le dispositif. Outre le fait qu'ils sont dangereux, ces moyens sont très approximatifs notamment parce que le calcul du retard est très difficile. La fusée, inventée à partir des années 1880, permet de régler avec précision le moment d'explosion de l'obus. Elle est soit fusante, pour faire exploser l'obus en l'air à proximité du sol et neutraliser ainsi les fantassins et les objectifs « mous », soit percutante. La percussion peut se faire au contact ou elle peut être retardée afin de laisser l'obus s'enfoncer dans le sol par l'énergie cinétique et détruire ainsi les tranchées ou les fortifications enterrées. Leur mode de fonctionnement peut être très varié. Elles peuvent être pyrotechniques comme sur l'obus explosif fusant de 75 où un serpentin de poudre est percé au niveau de retard désiré et mis à feu avec la poudre de propulsion. Elles peuvent être percutantes, à l'aide d'un simple dispositif d'amorce qui explose au contact.
Les tubes
L'évolution de la technologie des tubes se fait selon cinq critères : la solidité, la légèreté, les rayures, le chargement par la culasse et la maîtrise du recul.
La solidité
L'amélioration de la solidité est nécessaire pour que le tube résiste aux pressions générées par les nouvelles poudres et les aménagements apportés aux projectiles.
L'acier remplace le bronze et la fonte dès le milieu du XIXe siècle et montre sa supériorité non seulement en matière de solidité mais aussi de légèreté.
La légèreté
L'amélioration de la légèreté permet de rendre l'artillerie de campagne plus mobile et plus apte à suivre au plus près les troupes de mêlée. Le remplacement du bronze et de la fonte par l'acier en est un facteur déterminant. L'enjeu consiste par ailleurs à établir un double équilibre entre la minceur des parois du tube et sa résistance à l'éclatement d'une part et entre la longueur du tube/ le calibre et les performances désirées d'autre part, tout en gardant aussi une vue sur sa longévité (coups compensés : nombre de coups à charge maximales autorisés dans la vie du canon) et sa solidité/rusticité.
Les rayures
Les rayures internes du tube, (rayures hélicoïdales dont le pas — nombre de tours sur elles-mêmes effectués sur une longueur d'un mètre — permet de déterminer la vitesse de rotation du projectile) apparues vers 1858 et systématisées très rapidement dans toute l'Europe à partir de cette date, permettent d'améliorer notablement la précision et la portée du canon. Elles sont associées à des ceintures de forcement en métal mou (initialement du plomb ou de l'étain et ultérieurement du cuivre) placées sur le corps de l'obus. D'une part, les rayures impriment au projectile un mouvement de rotation sur lui-même extrêmement rapide qui lui confèrent un effet gyroscopique assurant une stabilité et un équilibre quasi parfait sur la trajectoire. D'autre part, ces bandes de métal tendres qui ceinturent l'obus limitent les déperditions des gaz de propulsion et permettent de jouer précisément sur le dosage de la poudre pour maîtriser la portée.
Le chargement par la culasse
Le chargement par la culasse amène deux améliorations majeures. D'une part, il favorise la rapidité du tir en limitant les déplacements et les manœuvres des servants pour recharger la pièce. D'autre part, il permet d'installer sur les canons des boucliers qui protègent ces mêmes servants des tirs d'infanterie ou des éclats d'obus pour qu'ils puissent agir au plus proche des lignes de front. Il oblige, par ailleurs, un conditionnement standard de la munition, des charges pesées avec précision et conditionnées dans des gargousses numérotées et, pour certains calibres, des douilles en métal ductile (bronze, fer blanc).
La maîtrise du recul
Le maîtrise du recul favorise la rapidité du tir car elle permet de tirer plusieurs projectiles à la suite sans avoir à repointer la pièce, tâche très souvent critique dans la mise en œuvre de l'artillerie. Elle fait l'objet d'une concurrence technologique effrénée entre les nations et entre les fabricants de canon.
Depuis le Moyen Âge, de nombreuses techniques avait été recherchées pour limiter les effets du recul mais ce n'est qu'à la fin du XIXe siècle qu'il est convenablement maîtrisé.
Les premiers dispositifs anti-recul sont fondés sur des cordes qui lient la pièce à un point fixe puis des patins ou de sabots mis sur les roues de l’affût et la bêche qui permet d'ancrer la flèche dans le sol. Mais s'ils le limitent, ils ne le suppriment pas.
La deuxième génération est fondée sur le principe du frein hydraulique que Krupp développe dès les années 1880 mais que les Français maîtrisent brillamment avec le canon de 75 mm modèle 1897 qui leur donne des années d'avance en matière d'artillerie de campagne.
L'amélioration des techniques de pointage
Jusqu'à la veille de la Première Guerre mondiale, l'artillerie agit en soutien de l'infanterie en tir quasiment direct. À quelques rares exceptions, l'artilleur voit son objectif. À partir des années 1890 grâce à l'allongement des portées, les techniques de pointage s'améliorent pour lui permettre d'effectuer des tirs indirects plongeant ou verticaux. Ce développement a plusieurs avantages. L'artillerie n'est plus à vue directe de l'adversaire et peut se placer derrière des obstacles ou des défilements, à des distances qui la protègent des tirs d'infanterie et des tirs directs de l'artillerie adverse, ce qui réduit d'autant sa vulnérabilité. Les nouvelles poudres sans fumée la rendent d'autant plus difficile à repérer. C'est pourquoi ses feux sont devenus de plus en plus imprévisibles et l'effet psychologique de ses coups en est largement augmenté. Toutefois, pour ce faire, il lui faut de nouvelles techniques et de nouvelles procédures de tir que les différentes artillerie ont du mal à intégrer dans leurs modes d'action.
Le tir indirect devient donc le mode privilégié de tir dans l'artillerie allemande en 1890. L'artillerie britannique s'y exerce à partir de cette date et l'expérimente en réel lors de la Guerre des Boers. Quant à l'armée française, elle prend du retard en la matière. Les pièces d'artillerie lourde développées au début du XXe siècle en France comme l'obusier de 155 Rimailho voient même leur portée volontairement limitée pour éviter la tentation du tir indirect à longue distance. Il faut attendre les débuts de la Première Guerre mondiale pour qu'elle se rende vraiment compte de son utilité et qu'elle l'adopte définitivement.
La problématique des techniques de pointage consiste à relier géométriquement l'objectif avec les batteries dans un système commun de référence en trois dimensions (latitude=x, longitude=y, altitude=z).
Pour acquérir l'objectif, un observateur qui doit être au plus prêt des troupes appuyées devient nécessaire. Il doit déterminer les coordonnées de l'objectif dans le système de référence commun et régler les tirs au mieux. À cet effet, il lui faut des matériels topographiques légers et performants (jumelles, longues-vues, télémètres, théodolites, boussoles, etc.) qu'il utilise au plus proche des unités d'infanterie appuyées.
La séparation entre le fantassin et ses appuis obligent au développement des matériels de transmission des données qu'il acquiert (Estafettes, téléphone, radio, etc.), nonobstant des protections pour lui permettre d'effectuer ses opérations sous le feu (boucliers, observatoires cuirassés, etc.) à partir d'une situation dominante donc facilement repérable.
Les données ainsi acquises sont transmises à la batterie où elles sont transformées en termes d'artillerie pour la batterie entière (type d'objectif, effet physique à obtenir, dimension géographique de l'effet à obtenir, modification des termes pendant le tir, etc.) et pour chaque pièce (type d'obus, type de charge, type et réglage des fusées, azimut, angle et instructions de coordination). Elles peuvent aussi servir à la coordination des feux de tous les moyens d'appui disponibles sur un champ de bataille. La batterie elle-même doit être précisément repérée dans le système de référence commun. Son efficacité se fonde donc sur une topographie précise, en situation comme en angles, acquise grâce à des théodolites et des télémètres, pour la topographie, des goniomètres et des jalons pour l'orientation des pièces et des techniques de calcul performantes mais simples, pour réagir rapidement et limiter les erreurs.
D'autres éléments sont peu à peu pris en compte, l'homogénéité des lots de poudre et d'obus, la température de la poudre, l'usure du tube, les éléments aérologiques (vitesse et orientation des vents par couche, température et densité de l'air, etc.), et même rotation de la terre pour améliorer encore la précision.
Le grand inconvénient du tir indirect est le tir fratricide, relativement commun pendant la Première Guerre mondiale. En effet, outre le fait que l'artilleur ne voit pas son objectif, plus les données du tir sont complexes et plus les chances d'erreurs sont grandes. Des systèmes d'alerte sont mis en place pour éviter cet état de fait mais ils ont du mal à s'imposer dans la mêlée du combat.
L'organisation
Avec le système Valée, la batterie de quatre à huit pièces devient l'unité élémentaire de l'artillerie. Elle regroupe la partie artillerie proprement dite et sa logistique immédiate, les trains de combat qui la rend plus autonome et permet sa répartition au sein des divisions. La logistique générale est assurée par des unités spécifiques de l'artillerie, du train des équipages, arme devenue autonome et des parcs d'artillerie. Cette répartition reste la règle quasiment jusqu'à nos jours.
Le cas particulier de l'artillerie de marine
Insigne de béret des troupes de marine.
L'artillerie de marine connaît un développement spécifique mais fondé sur les avancées technologiques de l'artillerie de campagne.
En effet, l'artillerie de marine a une double mission, une mission prioritaire, la bataille navale entre navires et une mission secondaire, qui devient de facto une mission essentielle, l'appui des troupes au sol avec une triple perspective :
- soit une perspective amphibie, où les pièces de bord assurent l'appui d'opérations de débarquement ;
- soit une perspective terrestre, avec des pièces débarquées qui assurent l'appui lors de la progression terrestre ;
- soit une perspective mixte à l'aide de pièces placées sur des canonnières, des moniteurs ou des barges fluviales qui suivent la progression le long des fleuves et des rivières.
La première perspective donne aux artilleurs de marine le surnom de "bigors" par allusion aux bigorneaux qui s'accrochent aux rochers pour pouvoir tirer.
Les relations entre l'artillerie de marine et l'artillerie terrestre sont relativement complexes dans la mesure où les deux domaines s'influencent grandement, notamment au point de vue technologique. Mais, pour des raisons à la fois, techniques, la spécificité des missions respectives, mais aussi de susceptibilité, elles connaissent un développement différencié que la nécessité fait se rapprocher.
La montée en puissance tout au long des conflits du XIXe siècle
À partir de 1850, les conflits qui suivent font montre d'une contradiction qui va en s'atténuant entre les modes d'action de l'artillerie, empreints d'un conservatisme certain et la technologie dont les conséquences sur le combat ne sont pas totalement restituées.
La guerre de Crimée
La guerre de Crimée apporte surtout des enseignements en matière d'artillerie de siège, puisque l'opération majeure de ce conflit est le siège de Sébastopol (1854-1855). Elle met essentiellement en œuvre des pièces de l'ancien modèle, en bronze ou en fonte, à âme lisse et à chargement par la bouche, boulets pleins, obus explosifs sphériques et boulets chauffés au rouge. Les pièces à âmes rayées y sont utilisées de manière anecdotique.
Ce qui la caractérise est l'ampleur et l'intensité de l'usage de l'artillerie par les belligérants ainsi que les mesures prises par les Russes pour limiter ses effets sur la ville. Des préparations d'artillerie considérables sont effectuées. Le , les alliés bombardent pour la première fois Sébastopol et la réaction russe permet, par son intensité, de faire taire les canons français et anglais. Le camp retranché est bombardé quotidiennement de manière plus ou moins intensive. À Pâques 1855, du 8 au 19 avril, il est pilonné pendant 11 jours. Mais les effets de ce harcèlement sont annihilés par l'organisation russe qui reconstruit pendant la nuit ce qui est détruit le jour. Les fortifications de circonstance, tranchées, casemates en terre et tunnels jouent un rôle fondamental dans la résistance de la place qui dure près d'un an.
L'assaut qui entraîne la chute de la place est donné sur le Redan et la tour de Malakoff après un pilonnage de trois jours du 5 au . La guerre de Crimée démontre donc les effets relativement limités de l'artillerie sur les fortifications de circonstance et sur la volonté de résistance, caractéristiques qu'on retrouve pendant la Première Guerre mondiale7.
La guerre de Sécession
canon de 12 livres, M1857, « Napoléon ». Le plus utilisé par les armées nordistes comme sudistes.
La guerre de Sécession, en matière d'artillerie, marque tout particulièrement la contradiction signalée en introduction, au point où l'artillerie de l'Union, qui comprenait une majorité de pièces rayées au début de la guerre, n'en comprend plus qu'un tiers à la fin. Cette régression tient à trois facteurs. D'abord, les distances de combat traditionnelles ne dépassent pas les 1 000 m, ce qui ne met pas en valeur la précision que les rayures apportent au tir d'artillerie à longue distance. Ensuite, le terrain bocager, agricole et boisé dans lequel se déroulent les combats ne favorise pas les tirs à longue portée. Enfin, la fiabilité des projectiles explosifs est mise à mal à la fois par leur mauvaise qualité et par le terrain meuble qui favorise les obus non explosés.
Toutefois, certains combats mettent en évidence de manière cruciale, la supériorité de l'artillerie rayée comme la bataille de Malvern Hill, le , où l'artillerie de l'Union décime l'infanterie et l'artillerie adverses par la précision de ses coups. De même, lors de la bataille de Gettysburg, du au , les tirs de contre-batterie et antipersonnel de l'artillerie de l'Union jouent un rôle déterminant dans la victoire.
En matière d'artillerie de siège, l'emploi de gros canons fabriqués par Parott, Brooks, Blakely ou Armstrong montrent la fragilité des fortifications en brique de l'époque. La bataille la plus illustrative en la matière est le siège du fort Pulaski. Les leçons en sont tirées par le général von Moltke pendant la guerre franco-prussienne, notamment dans l'attaque des places fortes de Paris et de Strasbourg, dont les forts et les murailles ont été mis en pièces8.
La guerre austro-prussienne de 1866
La guerre austro-prussienne est aussi marquée par ces conceptions conservatrices du rôle de l'artillerie dans les combats.
L'artillerie de campagne prussienne est plutôt bien équipée de matériels anciens et modernes. Les matériels modernes sont des canons rayés en acier, à chargement par la culasse fabriqué par l'inévitable Krupp. Malheureusement, l'emploi de l'artillerie dans le commandement prussien est relégué au dernier rang. L'artillerie est placée à l'arrière des colonnes de progression et elle est rarement amenée vers l'avant lors des combats de rencontre ou les batailles plus importantes. De plus, elle ne bénéficie pas d'une logistique digne de ce nom. Les batteries disposent de leur dotation initiale et, lorsqu'elles sont employées au combat, elles sont obligées de se retirer dès que cette dotation a été consommée.
De l'autre coté, les Autrichiens sont dotés de tubes en bronze certes rayés mais chargés par la bouche beaucoup moins évolués technologiquement. Toutefois, leur maîtrise tactique est beaucoup plus brillante. Ils sont employés proches de l'infanterie et font preuve d'une mobilité honorable. Aussi, la bataille de Sadowa, le , est une victoire de l'infanterie mais le commandement prussien, qui a bien compris qu'il l'avait échappé belle, s'attache, dès la paix signée, à réformer ses conceptions quant à l'emploi de l'artillerie.
La guerre franco-prussienne de 1870
La guerre de 1870 est marquée par la grande supériorité de l'artillerie allemande surtout par sa qualité et son degré d'évolution technologique.
À la suite des leçons tirées de la guerre austro-prussienne, l'artillerie est désormais placé en tête des colonnes de progression, juste derrière les avant-gardes. Elle intervient dès que ces avant-gardes sont accrochées. Toutefois, cette conception la rend vulnérable aux feux d'infanterie et elle fait l'objet de lourdes pertes, en raison notamment des excellentes performances du fusil français Chassepot. C'est le cas lors de l'accrochage confus de Borny, à l'est de Metz, le . Par ailleurs, l'artillerie française qui dispose du système Lahitte de 1859, formé de canons en bronze lisses chargés par la bouche, fait montre d'une maîtrise tactique certaine qui compense sa faiblesse technologique, notamment lors de la bataille de Gravelotte le . La supériorité de l'artillerie allemande se manifeste totalement lors du siège de Metz ou de la bataille de Sedan où elle écrase les forces françaises depuis les hauteurs qui dominent les places ; quant au canon de 7 modèle 1867, arme rayée moderne à chargement par la culasse, il est trop lourd pour servir de canon de campagne, et n'est vraiment utilisé efficacement que dans la défense de Paris.
La guerre russo-turque de 1877-1878
La guerre russo-turque de 1877-1878 est réputée pour être la première guerre moderne avec des fantassins dotés de fusils à répétition et des canons en acier rayés qui se chargent par la culasse. C'est donc le triomphe de Krupp et des producteurs d'armement allemands chez lesquels les deux belligérants se fournissent. Toutefois la tendance à maintenir le combat rapproché et à ne pas profiter des avantages que proposent les canons rayés, entre autres leur grande portée et leur meilleure précision, se manifeste encore.
Le XXe siècle et les deux guerres mondiales
La révolution industrielle, entamée à la fin du XVIIIe siècle, a pour conséquence la Première Guerre mondiale, première guerre industrielle. La France, qui n'avait que 300 canons au début de la guerre, en possède 5 200 en 1918 et a tiré 250 millions d'obus. La Grosse Bertha allemande, tirant des obus de 1 150 kg, est à elle seule un condensé de prouesses technologiques9.
Les leçons tirées des conflits de la fin du XIXe siècle
La production de canons fait la prospérité de l'entreprise Krupp, dès 1859. À Essen, les deux cinquièmes de l'acier fondu qui sortent des usines Krupp sont destinés à la fabrication de canons de tous calibres, depuis la petite pièce de campagne de quatre (boulets pesant 4 livres de fer soit un peu moins de 2 kg) jusqu'à des pièces monstrueuses tirant des projectiles de 100, 150 voire 500 kg. À terme, Krupp équipe en canons les Russes, les Britanniques, les Belges, les Italiens, les Turcs, les Autrichiens, les Néerlandais, et même les Japonaisnote 2.
Dès , les Français tirent les leçons de leur défaite. Ils se lancent dans une intense compétition entre les systèmes proposés par de Reffye, Lahitolle et de Bange. C'est le système de Bange qui en sort vainqueur en raison de sa culasse à vis interrompue — qui est encore utilisée de nos jours. Il se distingue par son système d'obturation performant fondé sur un joint de culasse élastique, la simplicité de son entretien et sa résistance à l'usure. Le canon de base du système est une pièce de 90 mm.
Les Anglais se perdent dans de multiples errements technologiques. Leur choix s'est porté en 1855 sur un canon rayé à chargement par la culasse conçu et développé par la firme Armstrong. Toutefois, ce canon qui participe notamment à la première guerre de l'opium de à s'avère si peu performant qu'il est remplacé, en 1863, par un canon Whitworth chargé par la bouche. Ce n'est qu'à partir de que les Britanniques reviennent au canon à chargement par la culasse.
Les Américains restent sur leur canon de 3 pouces (76,2 mm) qui a été le clou de la guerre de Sécession quasiment jusqu'à la fin du XIXe siècle. Ils développent toutefois un canon de 3,5 pouces (81,2 mm) qu'ils déploient lors de la guerre hispano-américaine de à Cuba.
Les avertissements du début du XXe siècle
La guerre russo-japonaise
Les guerres des Balkans
La Première Guerre mondiale, la guerre de l'artillerie
Une situation initiale déséquilibrée en faveur de l'Allemagne
L'artillerie joue un rôle crucial avec la Première Guerre mondiale. Initialement, l'armée allemande qui est la mieux équipée en la matière dispose d'à peu près tous les types d'artillerie existants. Les autres armées connaissent des carences plus ou moins importantes en raison des moyens limitées dont elles ont bénéficié avant la guerre et de leurs doctrines respectives qui leur ont fait mépriser le rôle de l'artillerie lourde et de l'artillerie de tranchée. Toutefois, au long de la guerre les alliés font des efforts considérables pour s'adapter aux nouvelles conditions de combat et développer le matériel nécessaire pour atteindre le niveau des Allemands puis pour le dépasser autant en capacité qu'en innovation. Elle va donc devenir une arme essentielle sur le terrain et, finalement, sous une forme ou sous une autre, d'être un facteur déterminant de la victoire des Alliés.
En matière de recherche, développement et production
En France, en Allemagne, en Autriche-Hongrie et en Grande-Bretagne, l'industrie d'armement s'appuie sur deux pôles, un pôle d'arsenaux publics et de constructeurs privés plus ou moins contrôlés par les militaires chargés des choix stratégiques et techniques. L'équilibre entre les deux est variable et dépend de leur positionnement politique respectif. Seule la production d'artillerie de la Russie repose essentiellement sur des arsenaux d'État et des pièces achetées à l'étranger. Tous les belligérants sont surpris par la durée de la guerre qu'ils estiment en 1914 à un semestre, et qui dure quatre ans. Ils doivent donc s'adapter au nouvelles évolutions du conflit tant en volume de production pour les tubes et les munitions qu'en développement de nouveaux matériels.
En Allemagne, Krupp et les « marchands de canons » ont une place essentielle qui se manifeste par un consensus entre les militaires et les industriels quant aux caractéristiques et à l'emploi de l'artillerie. Cette domination n'est pas que nationale et elle s'étend à une grande partie de l'Europe. D'autres belligérants mineurs se sont approvisionnés avant guerre chez les industriels allemands comme la Belgique, la Serbie ou la Roumanie et ils mettent en œuvre des canons conçus et fabriqués soit sous licence soit directement par le même Krupp.
En France, les militaires tiennent à garder l'initiative en matière d'armement et d'équipement mais ils sont bridés par les politiques qui font valoir notamment des questions budgétaires et politiques. L'artillerie est plutôt l'affaire des arsenaux d’État. Ainsi, pour le canon de 75 mm Mle 1897, les tubes sont fabriqués à Bourges et Tarbes, les affûts à Tarbes et à Tulle, les caissons à Saint-Étienne et à Châtellerault, et les glissières et freins à Puteaux et Saint-Étienne. La plupart des canons portent le nom de leurs concepteurs, La Hitte, Reffye, Lahitolle, de Bange, Rimailho ou Filloux qui sont des officiers d'artillerie issus de l’École polytechnique. Les entreprises privées comme Schneider et Cie au Creusot ou Saint-Chamond sont d'abord associées à la recherche et à la production, mais ils ne comptent qu'à titre d'appoint, pour des pièces à la production limitée et souvent destinées à l'exportation. Mais, face aux nécessité de la guerre, les militaires font de plus en plus appel à eux. Et ils sont tout à fait heureux d'avoir, à coté des arsenaux d’État, des industriels qui non seulement leur proposent des modèles de pièces développés pour d'autres pays mais qui mettent aussi à disposition une capacité de recherche et de production pour faire face à la nécessaire diversification de l'artillerie.
Chez les Britanniques, un équilibre a peu près équivalent à celui de la France s'établit. Les arsenaux d’État produisent tout ce qui est du ressort de l'artillerie de masse, les constructeurs comme Armstrong-Witworth ou Stoke fournissent le matériel plus spécifique.
Chez les Autrichiens, l'équilibre repose de la même manière sur des arsenaux d’État et des industriels privés dont le plus connu est Škoda en Bohême.
Une doctrine d'emploi de l'artillerie de campagne sensiblement convergente pour tous les belligérants.
À l'origine, les doctrines d'emploi de l'artillerie de campagne des belligérants se ressemblent beaucoup et convergent vers un procédé unique. Fondée sur une guerre courte, rapide et offensive, l'artillerie n'a qu'une mission, l'accompagnement de l'infanterie. Sa « bête de somme » est un canon léger, à tir rapide et d'un calibre compris aux alentours de 75 mm, dont le tir est souvent direct. Le commandement de l'artillerie de campagne est déconcentré au niveau des divisions alors que celui de l'artillerie lourde est conservé au niveau de l'armée.
Toutefois, dès les années 1910, cette vision des choses suscite des discussions et des hésitations. En France, l'artillerie de campagne est très proche de l'artillerie allemande. Elle est exclusivement équipée du canon de 75 mm Mle 1897 répartis dans 65 régiments d'artillerie divisionnaires, 20 régiments d'artillerie de corps d'armée, 3 régiments d'artillerie coloniale et 4 régiments d'artillerie des colonies. Le nombre total de canons déployés est de 3 792 pièces réparties en 948 batteries de quatre pièces. Le concept d'emploi de l'artillerie fait l'objet d'un conflit acharné entre les partisans de l'offensive à tout prix qui veulent limiter les obstacles à la capacité de manœuvre de l'infanterie et les partisans d'une vision moins « romantique » qui voient les efforts que les Allemands ont fait en matière d'artillerie lourde de campagne. Les armées s'aperçoivent de cette carence et commencent à développer ou à faire développer des canons lourds mais ceux-ci n'arrivent sur le front que progressivement.
En Allemagne, l'artillerie de campagne dispose du canon standard de 77 mm FK 96. Elle est organisée autour d'un régiment à deux groupes par division, chacun comportant trois batteries de six pièces. Toutefois, l'artillerie a été adaptée à la fois aux leçons tirées des conflits les plus récents et aux moyens planifiés pour un bon déroulement du plan Schlieffen. Ainsi, l'artillerie de campagne fondée sur le canon de 77 mm a été renforcée par des canons de 105 mm et des obusiers de 150 mm qui font beaucoup de mal en tir de contre-batterie à l'artillerie française lors des premiers mouvements de la guerre. De même, pour venir rapidement à bout des fortifications belges, les Allemands ont développé des obusiers lourds de 420 mm et ont emprunté à leurs alliés autrichiens un certain nombre de mortiers de 210 mm Škoda.
Une carence notable de l'Entente en matière d'artillerie lourde
Effectivement, chez les Alliés, l'artillerie lourde est le parent pauvre dans le corps de bataille car les planificateurs d'avant 1914 n'ont pas prévu son usage. Il est vrai que sa lenteur de mise en œuvre et la masse de logistique qu'elle nécessite va à l'encontre de l'idée d'une guerre de mouvement courte et rapide en vigueur à l'époque. Toutefois, dire que l'armée française n'en possède pas est inexact. D'une part, l'idée stratégique consiste à confier l'artillerie lourde aux équipages des fortifications et de ne laisser au corps de bataille qu'une artillerie capable de l'appuyer sans pour autant gêner sa souplesse et ses mouvements. D'autre part, l'état-major s'est aperçu de cette carence. En 1914, cinq régiments d'artillerie lourde sont créés à raison d'un par armée. Ils déploient au total 67 batteries. Ils sont équipés de canons d'ancienne génération disponibles comme le 240 mm modèle 1887, le 155 mm long modèle 1877 ou le 120 mm long modèle 1878, de mortiers de 220 modèle 1880 ou de 270 modèle 1885 tous du modèle de Bange ou d'obusiers plus récents comme l'obusier de 120 court modèle 1890 Baquet ou le 155 C modèle 1907 à tir rapide Rimailho.
De lourds investissements dans une artillerie de forteresse qui ne sert pas beaucoup
En Allemagne, le plan Schlieffen s'appuie sur deux attaques successives, une première contre la Russie, une deuxième contre la France. Pour combler le temps entre le déclenchement des deux offensives sur le front français et pour faire face aux attaques françaises, les Allemands mettent en place trois lignes de défense fortifiées principales, l'une en Alsace, la ligne de défense Strasbourg-Mutzig, l'une en Lorraine, la ligne de défense Metz-Thionville et une troisième sur le Rhin autour de Cologne. Ces fortifications nécessitent des développements technologiques importants accélérés par la « crise de l'obus torpille » qui met à bas toutes les certitudes acquises en la matière. Mais le développement du concept de « Fest » qu'on trouve illustré au fort de Mutzig et dans les nouvelles fortifications autour de Metz remet la fortification à l'ordre du jour. Les canons sont désormais contenus dans des tourelles rotatives blindées dont Gruson et Schumann se font les promoteurs.
En France, un effort tout particulier a été fait sur la fortification sous la férule du général Séré de Rivières, mais, en fonction de l'évolution de la doctrine, cet effort n'est pas constant. L'artillerie à pied composé de sept régiments est attachée à la fois à l'artillerie de place, à l'artillerie « de siège » et à l'artillerie de côte. Comme artillerie de siège, elle met en œuvre des pièces d'artillerie lourde mobiles destinées à neutraliser les places fortes allemandes comme Metz. Elle compte au total 358 batteries10 réparties entre l'armée de terre et la marine. Enfin, face à la crise de l'obus torpille, le béton armé se généralise en tant que matériau de construction. La maçonnerie des forts-masse de la génération antérieure construits après la guerre de 1870 sont simplement renforcés avec du béton. À l'instar des Allemands, des pièces sous coupole blindée à éclipse sont développées, les tourelles Mougin/Saint-Chamond, Bussière/Fives-Lille, Chatillon-Commentry et Galopin Mle 1890 équipée d'obusiers lourds, pour compenser la vulnérabilité des pièces servies à ciel ouvert.
Bien que largement sollicitée lors de la bataille de Verdun notamment, où les forts jouent un rôle prépondérant, l'artillerie de forteresse ne connaît pas d'évolution majeure. En revanche, l'artillerie lourde à grande puissance destinée à détruire ces fortifications connaît une évolution importante.
Une artillerie de tranchée que seuls les Allemands possèdent
Les Allemands dont la pensée militaire est très bien organisée[non neutre] ont tiré les leçons des conflits de la guerre de Crimée jusqu'à la guerre russo-japonaise où les fortifications de circonstances ont pris une grande importance. C'est pourquoi, ils ont développé, dès avant la guerre, une véritable capacité de feu autonome pour l'infanterie, de la grenade au lance-grenades et au mortier.
Les développements de l'artillerie pendant la guerre
L'artillerie dans les deux camps connait quatre type d'évolutions :
- Le développement d'une artillerie propre à l'infanterie
- Le développement d'une artillerie lourde voire très lourde
- La multiplication d'artilleries spécialisées et de spécialités annexes
- Le développement d'une stratégie et d'une tactique
Le développement d'une artillerie de tranchée propre à l'infanterie
Avec l'apparition des tranchées, les armes à tir direct montrent vite leurs insuffisance. L'artillerie de campagne faite pour la guerre de mouvement n'échappe pas à ce constat. D'une part, sa capacité en tir vertical et plongeant est très limitée contre les tranchées, elle ne sert que lors des offensives à appuyer les mouvements d'infanterie. D'autre part, le champ de bataille désormais limité à des lignes de tranchées et un no man's land lui laisse peu de place pour se mettre en batterie. Elle est donc obligée de s'enterrer loin à l'arrière de l'infanterie et à pratiquer des tirs indirects. Les liens entre les deux armes se distendent, les appuis sont soumis à un système de transmissions fragile et peu réactif . L'infanterie a donc besoin d'une artillerie proche d'elle, décentralisée, directement sous les ordres du chef sur place et qui soit adaptée aux caractéristiques du combat de tranchées, trajectoires courtes et verticales, munitions explosives massives avec un poids et encombrement des pièces minimal.
La grenade et les lance-grenades.
La première évolution est le développement de la grenade qui ne fait pas partie à proprement parler de l'artillerie mais qui revient à envoyer à la main une quantité d'explosifs limité à l'instar d'un obus.
Avec la grenade se pose le problème de la portée. Des lance-grenades sont alors inventés pour porter l'explosif dans les tranchées adverses. Les calculs nécessaires pour établir les trajectoires se rapprochent des procédés de l'artillerie. Au départ, il s'agit de simples catapultes élastiques ou de pompes à air comprimé mais peu à peu la propulsion devient pyrotechnique Ces lance-grenades peuvent être mis en œuvre à partir des fusils standards, c'est le cas du tromblon Vivien-Bessières avec des cartouches de propulsion et un appareillage de visée propre ou à l'aide de tubes de propulsion ad hoc comme les toffee pudding britanniques ou les granatwerfer allemands.
La renaissance du mortier de campagne
Des concepts anciens sont remis à l'ordre du jour comme le mortier. Faute d'en avoir construit avant-guerre, les mortiers en bronze datant du Second Empire, les crapouillots, qui donneront à l'artillerie de tranchées son surnom, sont destockés. Parallèlement, après des bricolages peu concluants, des modèles de mortiers comme le 58 mm sont développés. L'ultime système est développé par la firme britannique Stoke et restera comme le modèle indépassable des mortiers d'infanterie jusqu'à nos jours.
La construction de canons d'infanterie spécifiques
Enfin, les fantassins sont dotés de canons d'infanterie visant à leur apporter instantanément des appuis directs, par exemple un canon de 37 mm pour les Français, le canon d'infanterie de 37 mm, de 75 mm voire de 77 mm pour les Allemands.
Le développement d'une artillerie lourde voire très lourde
L'artillerie lourde
Obusier 155
mm Rimailho, Gernicourt (Aisne), janvier 1915
11.
Devant l’avènement de la guerre de positions, de grands efforts sont entrepris pour contrebalancer l'avantage allemand. Dans un premier temps, l'artillerie de campagne est renforcée de pièces au calibre et à la portée plus importants. Dans un deuxième temps une l'artillerie lourde à grande puissance (ALGP) spécifique est développée selon quatre axes principaux :
Cette artillerie est essentiellement dérivée de canons de marine ou de canons d'artillerie côtière placée sur des chassis ou des plateformes qui leur assure une souplesse d'emploi et une certaine mobilité en milieu terrestre.
L'artillerie lourde hippomobile est nécessairement de calibre et de poids limités. En outre, les chevaux dont toutes les armes ont besoin, se font rares malgré la mise en retrait de la cavalerie. Il faut donc commencer à introduire des tracteurs automobiles.
La multiplication d'artilleries spécialisées et de spécialités annexes
La topographie
Le tir indirect implique que la topographie des positions d'artillerie et des objectifs soit particulièrement soignée.
La mission de cartographie est partagée entre le génie qui en est le détenteur d'origine et l'artillerie qui en est le principal utilisateur.
L'artillerie de repérage
La guerre de tranchée fige les positions des belligérants. La guerre donne trois grandes missions à l'artillerie :
- le harcèlement de l'adversaire
- la préparation des offensives
- le tir de contre-batterie
Afin de pouvoir exécuter avec précisions le tir de contre-batterie, les belligérants et notamment les Allemands développent une artillerie de repérage qui permet de localiser les batteries ennemies afin de pouvoir les neutraliser. Ce repérage s'effectue à l'aide d'une triangulation effectuées sur deux artefacts, le son et la lumière émis par les batteries adverses. Des nouveaux matériels et des unités spécifiques sont donc créés pour assumer cette mission.
Ce repérage est complété par le travail de l'aérostation puis de l'aviation.
L'aérostation
L'aérostation a parmi ses missions majeures l'observation des tirs d'artillerie. Sa vulnérabilité, son manque de souplesse et l'avènement de l'aviation la font disparaître petit à petit du champ de bataille au profit de l'aviation. Son rôle n'est pas à négliger cependant.
L'aviation
Cette mission d'observation est dévolue à l'aviation dès que celle-ci montre suffisamment de capacités pour l'assumer. Naturellement, les militaires découvrent petit à petit toutes les vertus de la troisième dimension et son rôle dans d'autres fonctions comme le renseignement puis dans l'attaque ou l'appui au sol. En outre, elle se découvre une logique propre dans la guerre aérienne, la chasse. Aussi, elle s'autonomise petit à petit au cours du conflit et devient une arme puis, de manière différenciée par pays, une armée à part entière. La Grande-Bretagne dont l'aviation est partagée entre l'armée de Terre et la marine est la première à faire le pas dès 1919 avec la création de la Royal Air Force. Dès son réarmement, au début des années 1930, l'Allemagne créé une Luftwaffe distincte. La France attend 1936 pour créer une armée de l'Air digne de ce nom. Les Etats-Unis attendent 1947 pour créer l'US Air Force.
Cette prise d'autonomie implique alors le développement d'une branche spécifique, l'aviation d'observation ou d'appui aux troupes terrestres qui est soit partagée avec l'armée de l'air chargée de la troisième dimension, soit développée au sein même des armées de terre avec la création d'une aviation légère adaptée avec pour mission l'observation des tirs, le renseignement tactique, le transport, les liaisons et certaines missions d'appui au sol spécifiques comme la lutte antichar.
L'artillerie antiaérienne
Avec l'avènement de l'aviation, l'artillerie sol-air se développe. Dès le début, les armes d'infanterie et les mitrailleuses s'avèrent impuissantes contre des aéronefs qui volent haut et loin. Il faut donc passer à un niveau au dessus, une artillerie spécifique pour lutter contre les avions. L'effet qu'elle doit obtenir s'apparente à l'effet fusant, il s'agit de faire éclater au plus près de l'aéronef un obus pour l'endommager au maximum. Si les pièces utilisées sont relativement proches de celles de l'artillerie de campagne, les châssis sur lesquels elles sont utilisées sont obligés de tenir compte de l'aspect vertical du tir, d'où des adaptations spécifiques : appareils de visées, système de réglage des fusées spécifique, liens élastiques renforcés, chargement rapide, doctrine propre en matière de mise en œuvre, de visée et de positionnement, utilisation systématique de télémètres, orientation rapide tous azimuts, etc.
L'artillerie d'assaut
Pendant la Première Guerre mondiale, le développement et la mise en œuvre des chars d'assaut sont confiés, chez les Britanniques à une arme spécifique, le Royal Armoured Corps, et chez les Français, à l'artillerie sous le nom d'artillerie d'assaut. En effet, le char est avant tout considéré comme un canon protégé et des mitrailleuses auxiliaires pour la défense rapprochée. Ce n'est qu'après l'armistice que les chars sont divisés en deux et confiés respectivement à l'infanterie et la cavalerie, L'infanterie les reçoit au nom de son soutien et de son accompagnement, la cavalerie, au nom de ses missions de renseignement et de reconnaissance. Cette dichotomie se poursuit jusqu'à la Seconde guerre mondiale et créée les conditions pour que les grandes unités mécanisées que réclame le colonel de Gaulle ne soit pas créés et que les capacités blindées soit dispersées dans les corps de troupe d'infanterie et de cavalerie.
La Deuxième Guerre mondiale, l'apothéose de l'artillerie
L'entre-deux-guerres dans la lancée de la Première Guerre mondiale
L'artillerie ne connaît pas d'évolution majeure pendant l'entre-deux-guerres mais continue à progresser selon des données recueillies pendant la Première Guerre Mondiale. Dans beaucoup de pays, les crédits destinés aux études et au développement d'armements sont insuffisants au goût des responsables militaires dont la charge est d'entrevoir ce que sera le prochain conflit. Les parcs et les magasins sont encore plein d'armements neufs ou très peu usagés d'ancienne génération qu'il faut prendre en compte avant d'envisager toute innovation et toute nouvelle fabrication. Des efforts marginaux sont faits par les Alliés pour développer de nouveaux matériels. Seule l'Allemagne a l'occasion de reprendre à zéro son concept de l'artillerie et plus généralement de l'appui des troupes au sol qui donne naissance à la Blitzkrieg.
L'artillerie de forteresse
Avec le développement des lignes Maginot, Siegfried et du mur de l'Atlantique, les fortifications de la dernière génération ont besoin d'une artillerie spécifique, non point par ses tubes, mais par la manière dont elle est disposée et protégée.
L'artillerie de l'infanterie
Tout de suite après la guerre, l'artillerie de tranchée est dissoute et les pièces d'appui rapprochées, essentiellement des canons légers et des mortiers de petits calibres sont directement attribuées à l'infanterie.
Les canons d'assaut
Bien que ne faisant pas partie de l'artillerie à proprement parler, les canons d'assaut sont des pièces d'artillerie montées en casemate sur des châssis blindés, de récupération ou spécifiques. Ils constituent à la fois un retour en arrière dans la conception des chars et un outil hybride, un retour en arrière car ils reviennent aux concepts initiaux type Saint-Chamond, Schneider ou blindés britanniques, avec l'artillerie principale incorporée dans le châssis, un outil hybride dans la mesure où certains d'entre eux ont une double capacité tir direct, tir indirect.
L'artillerie de saturation (lance-roquettes)
Un nouveau type d'artillerie développé par les Soviétiques (roquettes GRAD - surnommées Katioucha) fait son apparition à partir des années 1941-1942, l'artillerie de saturation, fondée sur des roquettes balistiques envoyées en masse par des lance-roquettes multiples. Son avantage est d'obtenir à moindre coût les effets recherchés le plus souvent avec l'artillerie. Son but n'est pas de détruire un objectif en particulier, la précision des roquettes ne le permet pas, mais de saturer par les feux une zone dans laquelle se trouve une concentration ennemie ou qui est le point de rupture d'une offensive.
Curieusement, après la mise en place par les Allemands d'une réplique, le Nebelwerfer, puis, après la guerre, le système MARS (Mittleres Artillerie-Raketen-System), livré à la Bundeswehr, les Occidentaux ne sont guère intéressés au procédé jusqu'à la fin de la guerre froide.
L'artillerie de la Guerre froide, un développement direct des concepts de la Deuxième Guerre mondiale.
Jusqu'à la fin de la guerre froide, l'artillerie résiste plutôt bien à l'évolution des conflits modernes.
Une doctrine d'emploi directement issue des combats de la Deuxième Guerre mondiale.
L'avènement du missile
Avec l'avènement des "dividendes de la paix" son rôle est de moins en moins évident dans les conflits asymétriques d'aujourd'hui
L'artillerie a beaucoup souffert du concept de « dividendes de la paix ». Même si chaque brigade de l'armée française comprend un régiment d'artillerie, son rôle est beaucoup moins évident dans des conflits asymétriques où son usage est plus rare. Les régiments sont souvent déployés en OPEX sous la forme d'unités Proterre, concept générique qui permet de mettre à disposition des troupes aux caractéristiques quasi identiques, quelle que soit leur spécialité d'origine.
Artillerie sol-sol
Les missiles nucléaires tactiques de type Pluton puis Hadès sont supprimés au milieu des années 1990 car leur utilité dans l'après guerre-froide n'est pas avérée et cause des dissensions politiques sérieuses avec nos alliés allemands.
L'AUF 1 qui était un obusier de la guerre froide fait pour suivre le corps de bataille avec son châssis chenillé est progressivement remplacé par le Caesar, un canon de 155 mm auto-mouvant monté sur un châssis à roues et dont l'équipage n'est pas protégé.
Dans le cadre d'un effort d’allègement et de diversification dans le cadre des conflits asymétriques, les régiments ont reçu les Mortiers 120 mm Rayé Tracté Modèle F1 en double dotation.
Le lance roquette multiple MLRS est devenu lance-roquette unitaire LRU en raison de l'interdiction des armes à sous-munitions que la France a signé et ratifié.
Artillerie sol-air
L'artillerie sol-air a quasiment disparu avec les missiles Roland et les missiles Hawk. Il ne reste plus à disposition que des missiles à très courte portée de type Mistral et des canons antiaériens de petit calibre. Seule l'armée de l'air a conservé des missiles sol-air du type ASMP/T pour la défense des points sensibles.
Acquisition d'objectifs
L'artillerie est la première arme à avoir pris sérieusement le concept de drone. Bien qu'elle se soit limitée à la fonction de reconnaissance, elle a été dès 1958 au centre du projet R20, un avion cible sans pilote transformé en aéronef de reconnaissance programmé. Après une vingtaine d'années d'essais peu concluants, elle se tourne vers le système d'arme CL-89 et CL-289 et, à l'instar des Israéliens, elle commence à envisager des systèmes de drones téléguidés à courte portée, en deçà de la ligne d'horizon tel que le MART. Mais, comme pour l'artillerie sol-air, c'est l'aspect aéronautique qui l'emporte. La fonction a donc été, non sans réticence de sa part, captée par l'armée de l'air qui met en œuvre des drones de construction américaine destinés à l'attaque et au renseignement. Elle garde toutefois un système de drone de renseignement un peu résiduel, le Crécerelle.
Les grands artilleurs
- Jean Bureau révolutionne l'artillerie médiévale. Avec son frère Gaspard, il est le véritable initiateur de l'artillerie de campagne, c'est-à-dire de l'emploi de canons mobiles sur le champ de bataille. Cette mutation profonde de la technologie militaire au milieu du XVe siècle, permettra aux troupes françaises de prendre un ascendant décisif sur l'armée anglaise, et de mettre ainsi fin à la guerre de Cent Ans. Sous son impulsion, le boulet en pierre est remplacé par le boulet en fer, les tubes en fonte font leur apparition. Jean Bureau met fin au chaos des calibres utilisés en imposant les sept calibres de France.
- Choderlos de Laclos participe à la mise au point, dans les années 1795, des boulets de canon explosifs, « c’est-à-dire creux, emplis de poudre et capables – en faisant exploser la poudre qu’ils contiennent – d’envoyer des éclats à leur arrivée au sol ».
- Napoléon Ier (Napoléon Bonaparte, 1769-1821), nommé lieutenant en second d’artillerie le . Au début du mois suivant, il reçut ordre d’aller rejoindre à Valence, en Dauphiné, le régiment d’artillerie de La Fère, qui était en garnison dans cette ville ; à son arrivée, on le plaça dans une des compagnies de la brigade des bombardiers. Par la suite, tout au long de sa carrière militaire puis lors de son règne, il fut dans l'histoire le premier des stratèges militaires à concevoir ses plans de bataille d'abord et avant tout autour de l'utilisation de l'artillerie, notamment lors du siège de Toulon (1793) ou de la bataille d'Austerlitz (1805), inaugurant ainsi l'ère moderne de la stratégie militaire par une gestion rationnelle de la puissance de feu et de ses effets. Son intérêt pour la cartographie, sa manière de préparer ses plans de bataille très à l'avance à partir des éléments cartographiques, et sa gestion rigoureuse de la logistique sont également typiques d'un artilleur qui se devait de baliser le terrain sur lequel il aurait à déclencher des feux en utilisant ses munitions disponibles.
- Émile Rimailho (1864-1954) apporta divers perfectionnements aux canons en usage dans l'armée française après la défaite de 1870 : limitation du recul, sécurisation de la mise à feu, meilleure mobilité. Ses travaux sont notamment à l'origine du canon de 75 et de l'Obusier de 155 mm CTR modèle 1904, appelé « Rimailho » (du nom de son concepteur) pendant la Première Guerre mondiale.
- Ferdinand Foch.
- Louis Filloux (1869-1957), concepteur entre autres du canon de 155 mm GPF
L'artillerie aujourd'hui
En France
Artillerie |
Insigne de béret de l'Arme de l'Artillerie dans l'armée française. |
|
Pays |
France |
Branche |
Armée de Terre |
Type |
Arme |
Rôle |
appui par le feu. |
Couleurs |
Bleu et écarlate |
Devise |
Ultima ratio regum (« Le dernier argument des rois ») |
Anniversaire |
Sainte Barbe (4 décembre) |
modifier |
Après Versailles, Strasbourg, Metz et Chalons-sur-Marne, Draguignan est la « capitale » française de l'artillerie : elle accueille depuis 1976 l'école de spécialisation de cette arme. Sainte Barbe, fêtée le 4 décembre, est la patronne des artilleurs.
La chanson des artilleurs la plus célèbre est « L'artilleur de Metz », cette ville ayant accueilli dès 1720, une école d'application d'artillerie, fusionnée en 1794 avec l’École d'application du génie de Mézières puis avec l’École d'artillerie de Châlons en 1807 et fermée en 1871 lors de l'annexion allemande.
Durant la Première Guerre mondiale, 1 373 000 hommes furent mobilisés dans cette arme et eurent à déplorer 82 000 morts soit 5,96 % de pertes12.
Durant ce conflit, cette arme a pris une part de plus en plus importante au sein des forces françaises :
En France, on désigne sous le terme d'« artillerie sol-sol » les unités et systèmes d'armes qui prennent à partie des objectifs au sol et « artillerie sol-air » ceux qui prennent à partie des aéronefs. L'artillerie sol-sol est, de manière générale, l'arme des tirs indirects. Les unités d'artillerie utilisent des armements d'un calibre supérieur ou égal à 20 mm. Comme le génie, l'artillerie est une arme d'appui (par opposition à l'infanterie et à l'arme blindée cavalerie qui sont les armes de mêlée). L'artillerie française possède différents types d'unités.
Les unités d'appuis indirects servent le TRF1 (canon tracté de 155 mm), l'AUF1 (canon automoteur de 155 mm). Toutes les unités « AIN » (appuis indirects) ont le mortier de 120 mm en double dotation.
Canon F2 de 20
mm de la Marine française.
Les unités de défense sol-air servent le ROLAND, le MISTRAL ou le HAWK (qui sont trois missiles sol-air différents et complémentaires).
Il existe également un régiment spécialisé dans la mise en œuvre de télédynes légers télé-pilotés appelés drones pour obtenir des images numériques des zones survolées. L'information tirée de l'analyse de ces images sert à élaborer ce que l'on appelle le « renseignement d'origine image » (ROIM).
Autrefois, la distinction entre « canon » et « mortier » se faisait sur la hausse. Les canons tiraient en tir plongeant (angle de hausse inférieur à 45° - ou 800 millièmes en termes d'artillerie) et les mortiers tiraient en tir vertical (angle de hausse supérieur à 45°). Aujourd'hui, tous les canons d'artillerie sont capables d'effectuer des tirs tendus (pour lesquels la flèche de la trajectoire est inférieure à la demi-hauteur de l'objectif), comme les chars et du tir vertical. Le critère de la hausse est donc inadéquat et le critère pour différencier un canon d'un mortier est le nombre de calibres qui est un nombre sans dimension déterminé par le rapport entre la longueur de la partie rayée et le calibre. En France, une pièce d'artillerie dont le nombre de calibres est inférieur à 20 est un mortier, un canon si ce nombre est supérieur ou égal à 20. Aux États-Unis, par exemple, cette valeur est de 25 et variable selon les pays.
Matériel de l'Armée française
Le matériel de l'Armée française des années 1990-2000 est composé de :
- canon de 155 mm appelé TRF1 (TRacté modèle F1), utilisé notamment pendant la guerre du Golfe par la France en Irak ;
- canon de 155 mm monté sur châssis de Char AMX 13 appelé AMF3 (AutoMouvant modèle F3). Pièce mise en œuvre par une équipe de 10 soldats (canonniers) ;
- canon de 155 mm monté sur châssis de char AMX-30 appelé AuF1 (AUtomoteur modèle F1), à grande cadence de tir (GCT, chargement automatique). En cadence de tir maximale, appelée « efficacité », l'AuF1 peut tirer jusqu'à 6 obus à la minute à une distance de 30 kilomètres ;
- canon de 155 mm sur camion appelé Caesar13 ;
- mortier 120 mm Rayé Tracté Modèle F1 (MO 120 RT) ;
- systèmes sol-air Hawk (retiré), Roland (châssis d'AMX-30) (retiré), Mistral ;
- le lance-missile nucléaire Hadès (retiré) ;
- le VOA ou véhicule d'observation d'artillerie, la plupart du temps monté sur un châssis d'AMX-10, permettant aux officiers observateurs de se déplacer sur la ligne de front tout en réglant les tirs déclenchés plusieurs kilomètres à l'arrière par les batteries de canons (artillerie sol-sol) ;
- le LRM (Lance-roquettes multiples) (retiré) pouvait tirer 12 roquettes jusqu'à 30 km contenant 644 grenades chacune. Une roquette couvrait l'équivalent de la superficie d'un terrain de football. Les grenades sont à double effet : anti-personnel (rayon des éclats dangereux : 30 m) et anti-blindé léger (transperce 70 mm d'acier).
En 2014, on prévoit, après de grandes coupes dans le parc :
- 13 LRU (Lance Roquettes Unitaire)14. Le LRU consiste en une modernisation du parc LRM avec une dotation de munitions à précision métrique, guidée par GPS et dotée d’une charge unitaire. L'aspect lance-roquette multiple a été supprimé à la suite de la signature par la France de la Convention sur les armes à sous-munitions en 2008. Il offre une capacité de tir de frappe de précision avec des effets modulables à longue portée (70 km) par tous temps ;
- 37 AuF1 (au 40e régiment d’artillerie uniquement à terme) ;
- 77 Caesar15 ;
- 43 TRF1 ;
- 128 MO 120 RT ;
- 144 postes de tir Mistral.
Unité de base de l'artillerie dans l'Armée française
L'unité de base de l'artillerie française est la batterie. Elle est composée d'une centaine d'hommes, commandée par un capitaine avec quatre lieutenants — ou ayant rang — pour le seconder. Une batterie comprend :
- six à huit canons, positionnés à l'arrière et commandés par le lieutenant de tir. Elle peut être divisée en deux sections indépendantes pour limiter le volume des tirs, séparer les pièces pour qu'elles ne soient pas vulnérables aux tirs de contre-batterie ou permettre d'assurer une continuité des feux tout en se déplaçant par demi-batterie ;
- un train de combat qui lui permet de se ravitailler en munitions et d'effectuer des réparations sommaires de tubes ou de véhicules ;
- une section de reconnaissance, ou équipe de reconnaissance topographique (ERT), commandée par le lieutenant de reconnaissance et qui sert à reconnaître les positions où se déplacera la batterie, déterminer ses coordonnées géographiques et effectuer l'orientation des pièces afin de les rattacher au système de référence ;
- des équipes d'observation, ou encore appelées DLOC, se chargent de la composante « avant » de l'artillerie française. Elles repèrent les objectifs, déterminent leurs coordonnées géographiques, déterminent les types de tirs et de munitions qu'il faut pour les traiter et effectuent éventuellement des réglages pour concentrer le tir sur eux. Elles sont équipées de VOA, RATAC, VAB OBS.
Notes et références
Notes
- Mais qui est en fait un veuglaire, avec une boîte de culasse mobile, laquelle est munie d'une poignée de manutention. Cette boîte, qui renfermait la charge de poudre, était verrouillée et plaquée contre l'âme du canon au moyen de la clavette conique que l'on voit sur la photo?
- « Il y en avait tant et de si gros que nous, qui ne sommes pas artilleurs, nous avons eu un moment d'inquiétude naïve pour notre pays et nous avons demandé humblement s'il n y en avait pas un peu aussi pour la France. » Dans Fabrique d'acier fondu de Friedrich Krupp, publié à Essen (Prusse), 1866. Consulter en ligne [archive].
Références
- « Pierrier à boîte » [archive], sur basedescollections.musee-armee.fr (consulté le )
- « Histoire de l’artillerie terrestre à travers ses grandes évolutions. 2- Un long et lent parcours » [archive], sur http://basart.artillerie.asso.fr [archive].
- Stéphane W. Gondoin, Châteaux forts : assiéger et fortifier au Moyen Âge, Éditions Cheminements, , p. 282-283.
- Philippe Contamine, « L'artillerie royale française à la veille des guerres d'Italie », Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest, t. 71, no 2, , p. 221-261 (lire en ligne [archive]).
- (en) Ian V. Hogg, The History of Fortifications, Londres, Orbis Publishing Limited, , 256 p. (ISBN 978-0-85613-028-1, BNF 42531511), p. 96 à 120
- § d’après Françoise Deshairs et Véronique Faucher, Briançon, ville forte du Dauphiné, livre + CD-ROM, La Maison d'à-côté et Fortimédia, (ISBN 2-930-38415-8), 2006, sur le CD-ROM.
- Curt Johnson, Artillerie, Paris, Fernand Nathan, , 145 p., p. 12 à 17
- Curt Johnson, Op. cit., p. 18 à 27
- Histoire de l'Europe au XXe siècle Tome 1: [1900-1918]. Éditions Complexe, 1994. p. 319 Lire en ligne [archive]
- François Vauvillier, « Notre artillerie en campagne en 1914 », Guerre, blindés et matériels, no n°110, .
- « Artillerie lourde » [archive], sur http://www.verney-grandeguerre.com [archive] (consulté le )
- Nicolas, Meaux, Marc Combier, Regard de soldat, Acropole, 2005, (ISBN 2-7357-0257-X).
- www.giat-industries.fr [archive].
- https://www.defense.gouv.fr/dga/equipement/terrestre/le-lru-lance-roquettes-unitaire [archive].
Bibliographie
Voir aussi
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Articles connexes
Liens externes
Canon
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Le mot canon, de la famille du grec κανών (kanôn) dont le premier sens est « tige de roseau », peut désigner plusieurs choses.
Tube
De l'italien cannone, de canna « tube ».
Armes à feu
- Canon, partie d'une arme à feu constituée par le tube servant à lancer des projectiles.
- Canon, pièce d'artillerie dont la différence avec l'obusier a varié au cours des temps.
Projections dirigées d'«objets» de natures diverses
Serrurerie
Dans une serrure, le canon est le petit cylindre creux attaché sur le foncet et dans lequel entre la clef. C'est aussi la partie de la tige de la clef forée dans laquelle entre la broche. On distingue deux sortes de canons : le canon à patte et le canon tournant.
Zoologie
- Canon, partie inférieure de la jambe du cheval, au-dessus du boulet, et correspondant à la première phalange.
Unité de mesure
- Canon, unité de mesure des liquides ancienne équivalent à 1/16 de litre. Le vase cylindrique servant à mesurer les liquides était un canon au sens de tube. Le sens moderne et populaire s'en dérive par métonymie. « Boire un canon de rouge » est boire la dose de vin servie dans les débits de boisson. Par synecdoque, toute dose de boisson alcoolisée est un canon (« il boit des canons ni peu ni assez »).
Ensemble des règles régissant une discipline particulière
Dans les arts
Du latin, à partir du grec « règle ».
- Le Canon (Κανών, règle) écrit par le sculpteur grec Polyclète, est un traité perdu sur l'art de la sculpture, datant du Ve siècle av. J.-C..
- Canon en architecture, ensemble de règles ou normes architecturales liées à un style spécifique.
- Canon, création officielle dans le domaine des œuvres de fiction.
- Canon esthétique en peinture.
Domaine religieux
- Canon (religion) et canon (Bible), norme dans le domaine religieux.
- Canon de la messe, nom donné à une partie de la liturgie catholique de la messe. Voir aussi Canon de la messe également appelée « prière eucharistique » dans le rite romain.
- canons d'autel, nom donné dans la forme extraordinaire du rite tridentin aux trois recueils de textes (cartons, tableaux ou sous-verres) posés verticalement (en arrière) sur l'autel.
- Droit canon, ensemble de lois adoptées par l'Église.
- Canon, partie de l'office du matin de la liturgie byzantine (orthros), composé notamment de 9 odes bibliques, remplacées par une composition hymnique (le canon)
Règle au sens large
Dérivant de l'usage religieux du terme canon pour désigner les textes qui s'imposent à tous,
- le Canon alexandrin ou classification alexandrine est une liste des auteurs grecs les plus remarquables (fixée au XVIIIe siècle) ;
- le canon littéraire est une expression parfois utilisée pour évoquer l'ensemble des classiques de la littérature.
- le canon désigne en sinologie l'ensemble des classiques chinois, dits Jing (constant), dont le contenu est considéré comme « permanent » et orthodoxe du point de vue du confucianisme.
- Canon pāli : collection standard d'écritures dans la tradition bouddhiste Theravada, conservé en Pali. Kanjur : canon tibétain.
- le canon esthétique désigne une norme esthétique corporelle dans le domaine du spectacle, de l'habillement, etc.
Immobilier
Dans le bail emphytéotique, le canon est la redevance périodique due par l’emphytéote au bailleur.
Culture
Sport
Canon Sportif de Yaoundé : club de football camerounais fondé le 11 novembre 1930 et basé dans la ville de Yaoundé, vainqueur de 3 Ligue des champions de la CAF (1971, 1978 et 1980)
Musique
- Le canon est une forme musicale caractérisée par une polyphonie autour d'un même thème pouvant se superposer à lui-même tout en étant décalé dans le temps.
Patronyme
Canon est un nom de famille notamment porté par :
Toponyme
Canon est un nom de lieu notamment porté par :
Titres d'œuvres
Canon est un titre d'œuvre notamment porté par :
Sciences
Bande dessinée
- Canon (ou Kanon), série de manga.
- Le Canon de Kra, quinzième album de la série Yoko Tsuno, écrite et dessinée par Roger Leloup, sorti en 1985.
Cinéma
- Canon, film de Norman McLaren (1964) illustrant visuellement la notion de canon musical.
- Les Canons de Navarone, (The Guns of Navarone), film anglo-américain1 de J. Lee Thompson (1961).
Entreprises
- Canon, entreprise japonaise fabriquant des appareils photos argentiques et numériques, du matériel informatique et de reprographie.
- Canon Communications (en), entreprise des États-Unis, producteur de films indépendants.
Mortier (arme)
Pour les articles homonymes, voir Mortier.
Un mortier ou lance-mine 1 est une arme légère d’artillerie, sans culasse – la force de recul étant absorbée par le sol –, à mise à feu de l’obus par gravité, et de ce fait ne pouvant tirer qu’en tir proche de la verticale (hausse supérieure à 45°), ce qui lui permet d'atteindre un site proche très masqué.
Né comme une arme de siège au XVIIe siècle, le mortier devint au cours du XXe siècle une arme d'appui essentielle de l'infanterie, fournissant à celle-ci la possibilité d'attaquer un ennemi retranché avec une pièce bien plus mobile et demandant moins de logistique que l'artillerie conventionnelle.
L'énergie produite par le recul est directement absorbée par le sol ou la plate-forme renforcée d'un véhicule. L'arme a un tube court et généralement lisse, sans rayures. Dans la plupart des cas, il est chargé par la bouche, la munition étant mise à feu en tombant sur un percuteur fixe.
Cependant, les plus forts calibres et des canons plus longs ont parfois rendu nécessaire l'adoption du chargement par la culasse pour ce type d'arme, et donc l'emploi d'un mécanisme de percussion. Une autre variante peu utilisée du mortier est celle dite à spigot, où le projectile enveloppe le lanceur réduit alors à une simple tige guide.
Types
Mortiers de siège
Mortier à chambre en poire, fin XVIe siècle de 5 livre et 12 livres de poudre.
Le mortier de siège
Dictator de calibre 330 mm et pesant plus de 7,7 tonnes. C'est le plus lourd utilisé pendant la
guerre de Sécession.
Le mortier est né au XVIIe siècle, du besoin d'artillerie capable d'effectuer des tirs contre des objectifs masqués lors d'un siège. En effet, la généralisation et l'augmentation des canons avait fait évoluer les travaux de défense vers d'épais remblais de terre, inattaquables par un boulet en tir tendu. On eut alors l'idée d'envoyer un nouveau projectile, la bombe, en tir courbe par-dessus les fortifications pour atteindre les défenseurs, jusque-là abrités. Le projectile, arrivant moins vite et moins apte au rebond, avait dû être adapté : on utilisa un corps creux rempli de poudre et mis à feu par une fusée. L'usage de celle-ci nécessitant un double allumage difficile et dangereux, le projectile puis la charge propulsive, ainsi que de savants calculs pour la trajectoire, le mortier restait une arme maniée par des spécialistes. De plus, son gros calibre et l'absence de roue sur son affût en faisaient une pièce peu mobile et utile uniquement lors des sièges ; pour pratiquer le tir masqué sur le champ de bataille, on inventa et utilisa une pièce intermédiaire entre le canon et le mortier, l'obusier.
L'apparition des fortifications en béton à la fin du XIXe siècle provoqua l'apparition du mortier de siège, encore plus puissant, tirant des munitions perforantes spéciales, pour venir à bout du toit des casemates. Développé jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, ce type de mortier finit par disparaître au cours de celle-ci, faute d'objectif nécessitant son emploi. L'apogée est le mortier automoteur allemand Karl d'un calibre de 600 millimètres.
Mortiers de marine
Un mortier de marine à plaque du début du
XIXe siècle.
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, la marine a également utilisé le principe des mortiers avec des vaisseaux spécialisés nommés « bombardes » ou « Galiotes à bombes ». Ils étaient destinés à la destruction par la mer de constructions côtières (villes, ports, digues...) non défendues par de l'artillerie et nécessitaient la maîtrise de la mer aux alentours, une galiote à bombe étant affourchée sur plusieurs ancres et donc immobile et non manœuvrante pendant la phase de tir. De plus leurs capacités nautiques étaient médiocres et leurs moyens de défense limités.
Les Français en ont fait usage en Méditerranée, principalement contre les barbaresques, et les Anglais dans la Baltique et sur la côte Atlantique lors des guerres napoléoniennes.
Mortiers légers (60 et 81 mm)
Soldat de l'US Army chargeant un mortier M224 de 60
mm.
Soldats suisses effectuant un tir au moyen d'un lance-mines de 81
mm.
Le mortier moderne, lui, naît dans la boue des tranchées de la Première Guerre mondiale, l'infanterie ayant besoin d'une arme pour atteindre son adversaire dans la tranchée en face. On met au point une série d'armes pratiquant le tir courbe, comme les lance-torpilles ou les lance-grenades. En 1915, Sir Wilfred Stokes met au point son trench mortar, littéralement mortier de tranchée, qui devient le premier mortier moderne. Appelée crapouillot par les soldats français, cette arme et ses dérivés sont utilisés tout au long de la guerre avec un grand succès. En effet, sa trajectoire courbe permet d'atteindre plus facilement les tranchées adverses que l'artillerie qui tire très en arrière du front.
Après la guerre, ces armes sont améliorées et donnent le mortier tel qu'il existe de nos jours. Il est rendu démontable et transportable par de petites équipes et les munitions sont rendues extrêmement efficaces par l'emploi de la fusée percutante, explosant au choc. C'est la société Brandt qui fixe le standard du mortier d'infanterie, avec ses deux modèles conçus dans les années 1920, le mortier Mle 27/31 de 81 mm et le 60 mm.
Cette nouvelle arme est très mobile car elle se démonte en trois parties, l'embase, le tube et le bipied, toutes les trois transportables par un homme à pied. Sa munition, l'obus de 81 mm, est terminée par une queue empennée, autour de laquelle est fixée la charge propulsive. Elle est facile d'emploi : il suffit de la lâcher dans le tube et, arrivant au fond, l'amorce, située à son extrémité arrière, est mise à feu par un percuteur fixe au fond du tube. Ce principe est simple, le tube n'a pas de parties mobiles compliquées à fabriquer et un tireur entraîné arrive à tirer entre vingt et vingt-cinq obus à la minute. Les opérations de pointage et de mise en batterie restent simples et ne nécessitent pas un personnel nombreux ni des équipements spécifiques comme les pièces d'artillerie conventionnelles, on règle la portée en inclinant plus ou moins le tube avec une manivelle située sur bipied et en ajoutant et retirant des portions de la charge propulsive. L'observation et le réglage du tir peuvent être effectués à la jumelle.
Cette arme s'impose très vite, et est adoptée ou copiée de façon plus ou moins modifiée par la plupart des armées. L'URSS choisit par exemple d'utiliser le calibre de 82 mm, qui a l'avantage de pouvoir utiliser les munitions de 81 mm, moyennant une perte de précision, l'inverse étant impossible.
Mortier lourd (120 mm)
C'est l’Union soviétique qui fait évoluer le mortier à l'approche et pendant la Seconde Guerre mondiale. En 1938, elle met en service un modèle plus lourd d'un calibre de 120 mm, destiné à l'échelon régimentaire. Poussés par leur manque d'artillerie conventionnelle, à la suite des terribles pertes de l'été 1941, les Soviétiques confient le mortier à des artilleurs privés de canons. Leurs mortiers lourds, regroupés dans des régiments, voire des brigades de mortiers, comprenant 108 pièces, compensent le manque d'obusiers ou de canons.
En 1943, un modèle encore plus puissant de 160 mm est mis en service, puis après guerre un de 240 mm, dont l'obus de cent kilogrammes dépasse largement la puissance destructive d'un obus de 155 mm d'obusier. Même si l'utilisation est restreinte du fait de la portée plus courte, cette artillerie au rabais est d'une efficacité redoutable pour préparer le terrain aux unités d'assaut.
En 1950, la France développe le mortier de 120 mm moderne.
Mortiers automoteurs
Semi-chenillé américain M21 sur lequel a été installé un mortier de 81 mm.
Au cours de la Seconde Guerre mondiale, bien que le mortier soit assez mobile pour suivre les troupes à pied, apparaît le besoin de lui fournir un support automobile, pour pouvoir suivre les unités mécanisées naissantes: le mortier automoteur.
La première solution trouvée est d'utiliser un simple mortier d'infanterie à partir d'un véhicule dont le plancher a été renforcé, on utilise alors des semi-chenillés de transport d'infanterie (SdKfz 250/7, SdKfz 251/2, MMC M4/M21), voire de simple camions, mais aussi des chars démodés où le mortier est installé dans le puits de tourelle, en lieu et place de celle-ci. L'arme peut être alors démontée et servir à terre en dehors du véhicule.
Mortier automoteur de conception soviétique
2S4 d'un calibre de 240
mm.
Par la suite, apparaissent de véritables mortiers automoteurs où l'arme est intégrée au véhicule et ne peut être servie qu'à partir de celui-ci. Un modèle imposant, le Sturmtiger sur châssis Panzer VI Tiger verra le jour destiné au combat urbain pendant la Seconde Guerre mondiale. Une des armées pionnières dans ce domaine est Tsahal, qui réutilise de nombreux tubes lourds, d'origine soviétique, sur des châssis comme celui du M4 Sherman. Les Soviétiques leur emboîtent le pas avec des modèles comme le 2S4, ou le 2S9. Un autre modèle novateur est l'Advanced Mortar System (AMOS), mis au point par les Finlandais et les Suédois dans les années 2000 ; bitube, il tire des munitions « intelligentes » à guidage infrarouge, pour attaquer les chars par le dessus.
Spigot mortar
Churchill AVRE. On voit bien que le berceau, ajouré, n'est pas un canon et le tube de la munition (charge propulsive en haut, explosif en bas).
Le mortier à ergot, spigot mortar en anglais, voit son agencement inversé : c'est le projectile qui comporte un tube en haut duquel la charge propulsive envoie les gaz assurant le lancement, la base ne comportant qu'une tige (d'où son nom) et éventuellement un berceau mais pas de canon. En d'autres terme c'est le projectile qui se projette et non le canon (avec la charge propulsive) qui le pousse.
La répartition du poids entre l'arme et le projectile est plus équilibrée, ce qui, pour des armes portables, peut être un avantage tant qu'on ne porte pas beaucoup de munitions, mais surtout l'absence de canon permet de lancer des charges beaucoup plus grosses que le lanceur.
Arme antichar :
Arme anti-submersible :
- Hérisson britannique : largement diffusé et très efficace. Copié par les Soviétiques en tant que MBU-200.
Arme anti-fortification :
Lance-grenades :
Une application particulière est le mortier silencieux par fermeture du tube de lancement à l'arrière du projectile, piégeant les gaz générateurs de bruit, après éjection du berceau pourvu d'une tige :
Si la plupart des grenades à fusil utilisent l'énergie transmise par une balle (éventuellement en bois) tirée de manière classique, certaines reposent sur le principe du spigot avec une charge propulsive dans le tube du projectile.
Lance-mines de forteresse
Entrée d'un monobloc abritant un lance-mines de forteresse bitube 12 cm. La position du lance-mines à proprement parler est quelque part dans le terrain autour de ce bâtiment.
L'Armée suisse a mis sous cloche différents types de lance-mines dans ses forteresses (de) ou des monoblocs. Dans les Alpes, la météorologie et le terrain limitent toujours la mobilité. L'artillerie de forteresse, et notamment le lance-mines, reste un important moyen d'appui.
Lance-mines de forteresse de 81 mm
Le lance-mines de forteresse de 81 mm a été mis en service à partir des années 1950.
Lance-mines de forteresse de 120 mm
Le lance-mines d'un calibre de 120 mm développé en 1959 et d'une portée de 8 km a été modernisé et mis sous cloche dans des monoblocs ou sous roche sous le nom de lance-mines de forteresse bitube 12 cm à partir de 1987. Sa portée maximale est alors étendue à 9 km et à une cadence de tir de 12 coups par minute par tube ou 24 coups par minute par monobloc. Plus de 100 monoblocs lance-mines de forteresse bitube 12 cm ont été construits dans le pays. Il a été conçu pour un appui-feu immédiat aux bataillons et compagnies d'infanterie. Il était capable de combattre les blindés grâce à la munition antichar Strix, dotée d'une tête chercheuse infrarouge. Il existe quatre plans principaux : le monobloc sur deux étages avec entrée verticale, le monobloc sur un étage avec une entrée verticale ou une entrée horizontale et l'ouvrage en casemate ou sous roche.
Ces ouvrages ont été mis hors service en 2011 en même temps que les canons de forteresse de 15,5 cm BISON (de)2.
Évolutions
On compte désormais des mortiers semi-automatiques comme le RUAG Cobra.
Autres utilisations
Deux mortiers de diamètre 75
mm en
fibre de verre (pour
pyrotechnie) accompagnés de leurs bombes respectives qui seront logées par la suite.
Pyrotechnie
Le principe du mortier est très couramment utilisé en pyrotechnie, notamment pour le tir de feux d'artifice. En effet, la bombe pyrotechnique destinée à produire un effet dans le ciel est d'abord introduite dans le mortier et mise à feu à l'aide d'un dispositif électrique (inflammateur). Le principe du tir au mortier en pyrotechnie est sensiblement le même que celui utilisé à des fins militaires.
Tirs de mortiers d'artifice
L’expression « tir de mortier », fréquente dans les journaux depuis la fin des années 1990, désigne l'usage détourné de mortiers d'artifice ou de chandelles romaines, non pour des feux d'artifice mais pour servir d’armes. L'emploi de ces « engins pyrotechniques sauvages3 » donne lieu à de fréquents arrêtés préfectoraux interdisant le port et le transport d’artifices de divertissements, mais s'avère difficile à enrayer3. Propulsés non en direction du ciel mais en tirs tendus contre des personnes, ces engins peuvent occasionner d’importantes blessures, le plus souvent des brûlures ; le projectile peut aussi casser un os, voire arracher un doigt ou une main, ou déclencher des incendies.4,5
Avalanches
Le mortier est également utilisé pour le déclenchement préventif d'avalanche, notamment en Suisse6.
Notes et références
- ou lance-grenade pour les plus petits
- [vidéo]La dernière salve de l'artillerie de forteresse [archive], Armée suisse, 21 novembre 2011 sur youtube.com.
- Matéo Larroque, La difficile lutte contre les tirs de mortier d’artifice [archive], Le Monde, 14 juillet 2021 .
- Marie Slavicek, Que sont les mortiers d’artifice, de plus en plus utilisés contre la police ? [archive], Le Monde, 18 mai 2021.
- Alexandre Berthaud, Les tirs de mortiers d'artifice ont augmenté de 44% en avril à Paris et en petite couronne [archive], France Bleu, 6 mai 2021.
Voir aussi
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Article connexe
Liens externes
Obus
Vue en éclaté de trois types d'obus de la Première Guerre mondiale (
Shrapnel, en tube à fragmentation, classique). Objets pédagogiques destinés à la formation des militaires américains.
Un obus explosif de 75mm en coupe d’instructions avec sa fusée percutante conserve au musée de l’armée
Un obus est un projectile creux, de forme cylindrique terminé par un cône, rempli de matière explosive. C'est une munition tirée par un canon. La partie supérieure d'un obus se nomme la cloche.
Description
Obus de la Première Guerre mondiale. De gauche à droite : obus de 90 mm à mitraille, de 120 mm incendiaire en fonte modèle 77/14, de 75 mm explosif modèle 16 et de 75 mm à balles modèle 97.
L'étymologie du mot « obus » viendrait du mot allemand haubitz ou haubitze. L’exemple du plus ancien mot « obus » viendrait de la bataille de Nervinde (1693) où l’adversaire allemand laissa après sa fuite outre 77 pièces de fonte, huit mortiers appelés « obus ».[réf. nécessaire]
Les armes d'un calibre supérieur ou égal à 20 mm tirent des obus. Destinés aux canons d'attaque, canon anti-aérien ou d'artillerie, les obus sont généralement suffisamment volumineux pour contenir une charge spécialisée, appropriée à un usage particulier.
Les premiers projectiles à charge explosive propulsés au canon ont été expérimentés au Moyen Âge, en Europe et en Chine. Ils ont été perfectionnés ensuite par divers inventeurs, tels le lieutenant britannique Henry Shrapnel en 1784 ou Pierre Choderlos de Laclos qui, lors d'expériences balistiques en 1795, mit au point un boulet creux chargé de matières explosives.
Pour les calibres inférieurs à 20 mm, on parle de balles, même si ces dernières recèlent parfois également une charge spécialisée (notamment en ce qui concerne les armes aéronautiques de faible calibre utilisées au cours de la Seconde Guerre mondiale).
Stabilisation de l'obus : on recherche bien sûr la précision de tir et c'est pour cette raison que la grande majorité des obus sont spinnés depuis 1914, c'est-à-dire que l’âme rayé du canon génère une forte vitesse de rotation (le spin de l’obus, du 400 herz est courant !) autour de son axe longitudinal ce qui lui permet, en vertu des lois de la physique, de stabiliser son incidence, évitant par exemple un looping intempestif... Cet aspect vital permet d'atteindre des précisions de frappe par exemple de moins de 50 mètres à 40 km pour le fameux et redoutable canon de 155 mm (masse de l'obus 44 kg) CAESAR en opération concrète sur plusieurs théâtres, à condition de connaître précisément sa propre position et cap (merci le GPS ou le GNSS).
Obus guidé : on allie l'électronique moderne, toujours pour plus de précision (l’intérêt logistique est militairement évident: On a moins besoin de masse d'explosif et donc les obus sont moins massiques, facilitant la manutention, le transport et d'une manière générale toute la logistique sur un théâtre. L'obus de 75 mm a une masse de 7 kg et des millions ont été tiré depuis 1914, faites le calcul de masse totale que l'on a dû transporter en première ligne...) . L'obus guidé possède une électronique embarquée lui permettant de se connecter avec un équipement extérieur comme le GPS, sans doute situé dans un endroit sûr et souvent secret, qui le guide vers la cible. Une autre option est que l'obus possède un auto-directeur (infrarouge) le rendant, en théorie, parfaitement furtif et autonome, il devient cependant leurrable. L'obus guidé possède obligatoirement des actionneurs asservis (ailettes) pour générer les forces aérodynamiques nécessaires aux "petites" modifications de trajectoire. On notera que le spin de l'obus guidé ne facilite pas la tache de la conception et de la précision recherchée et devient même un problème technique, puisque l'incidence est en principe contrôlée dans un obus guidé remettant en cause la technique du spin qui devient alors néfaste. On ne sait pas faire une électronique embarquée qui sache gérer 400 Hz de spin... Le coût de fabrication de l’obus guidé est bien sur élevé.
Obus "sécurisé": un des problèmes pratique rencontré en opération est la sécurité: En effet, le stockage d'obus nécessaire pour le terrain est susceptible de détoner à la suite d'un incendie, un choc violent ou une explosion d'un obus venant de l'extérieur (le cuirassé Liberté en rade de Toulon en 1912 en est un triste exemple, les poudres B des obus en soute surchauffée et mal ventilée ont détoné, et on cite le cas tragique mais très explicite du sous marin soviétique Koursk, il semblerait que l'explosif des torpilles lourdes a détoné, à la suite d'un incendie en salle torpille), et on a inventé une parade : les munitions muratisées qui consiste à faire brûler l'explosif des obus mais sans le faire détoner. Un obus muratisé coûte cher... Les munitions embarquées du porte avions Charles de Gaulle sont muratisées par exemple.
En chasse sous-marine, l'obus désigne également une partie mécanique de l'arbalète : il s'agit de la partie métallique permettant de solidariser les élastiques propulseurs (sandows) et la flèche (projectile).
Les obus de calibre 75 mm utilisés lors de la Première guerre mondiale pèsent 7 kg.
Les obus classiques américains de 155 mm ont une probabilité d’erreur qui peut atteindre 106 mètres à 25 km de distance sur terrain plat (plus de 300 m sont évoqués en terrain montagneux) et un rayon létal d'environ 150 m.
Un obus de 155 mm L15 britannique est rempli de 11,3 kg de RDX1.
Des obus atomiques américains et soviétiques furent en service des années 1950 à la fin de la guerre froide.
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Obus HEAT BK-14 de 125 mm.
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Obus de mortier français de calibre 120 mm explosifs en vert et fumigènes en blanc de MO 120 RT en 1992.
Obus d'artillerie moderne
Coupe d'obus allemand
SMart de calibre 155 mm avec deux
sous-munitions antichars. Certains types d'obus en service depuis la toute fin du vingtième siècle, contiennent autant d'électronique qu'un missile.
Voici la masse des obus d'artillerie occidentaux et soviétiques standard durant la seconde moitié du XXe Siècle2 :
Calibres | Poids moyen de l’obus | Poids moyen d’explosif |
105 mm OTAN |
13 kg |
2,6 kg |
122 mm (D-30) |
22 kg |
4,4 kg |
152 mm (D-20) |
44 kg |
8,8 kg |
155 mm OTAN |
44 kg |
8,8 kg |
180 mm (2S7) |
88 kg |
17,6 kg |
203 mm OTAN |
92 kg |
18,4 kg |
Obus guidés
Les obus guidés ou "intelligents" sont dotés d'une technologie leur permettant de se guider après le lancement, généralement par l'ajout d'ailettes de direction qui adaptent leur trajectoire lors d'un vol plané non propulsé3.
Parmi les obus guidés, on peut citer le M982 Excalibur, un obus de 155 autoguidé par GPS 4 et le M712 Copperhead, guidé par lazer.
Voir aussi
Notes et références
- « Les armes étrangères qui ont permis à l’Ukraine de tenir face aux Russes : Himars, Javelin, drones suicides... », Le Monde.fr, (lire en ligne [archive], consulté le )
Articles connexes
Liens externes
Char
Le char est un véhicule attelé à un ou plusieurs animaux et roulant sur des roues, celles-ci assemblées par paire via un essieu, chaque paire solidaire formant un train roulant. Il faut pourtant distinguer en français la voiture antique le plus souvent à deux roues (un train roulant), soient les chars de combat, de course ou de jeux de cirquea, des cérémonies publiques des cités ou de la mythologie gréco-romaineb... des différents types de chars médiévaux ou de l'époque moderne, véhicules le plus souvent à deux trains, plus ou moins sophistiqués, que les mondes paysans et marchands, guerriers et seigneuriaux, miniers ou rouliers, ont employé pour le charroi des matériaux, des diverses matières et des hommes, ou encore pour la fête profane ou le défilé officiel. Les deux mots proviennent du latin médiéval carrus lui-même issu du gaulois carros, mais le premier s'est imposé à l'époque humaniste vers 1538 alors que le second date de la profusion créative du XIIe siècle, le mot étant attesté vers 1170 en ancien françaisc.
L'invention antique du char de guerre constitue un tournant considérable dans l'histoire militaire. Les escadrilles de chars permettaient des offensives foudroyantes, sur la plupart des terrains secs ou humides, sableux, pierreux, terreux, même en milieu lacustre humide. Le bruit et parfois la poussière soulevée en faisaient une arme psychologique. L'attaque rapide en virage serré permettait par exemple à l'archer, placé à côté du conducteur, de décocher ses traits sur l'ennemi et de s'éloigner le plus vite possible du groupe d'armée en marche. Toutefois, l'infanterie antique a trouvé des parades plus ou moins sophistiquées aux attaques massives, en creusant des pièges ou des mines (trous), en érigeant des dispositifs de pieux ou des palissades protectrices, eux-mêmes portés par des chars de transport. Les concaténations, voire les amas en vrac, de lourds chars de transports ont toujours constitués des barrières défensives redoutables jusqu'à l'époque moderne.
Le char de combat ou d'assaut militaire, motorisé, apparu en 1917 et dissimulé sous des appellations banales comme tank, mot anglais pour « réservoir », est un véhicule automobile blindé à roues ou plus souvent à chenilles, destinées à assurer une mobilité sur tous les terrains (à l'instar du char paysan ou du chariot marchand médiéval traçant sa route), y compris amphibie ou forestier, et surtout une progression, la plus sécurisée possible, au-delà des lignes de front adverses.
Un souverain assyrien chassant le lion depuis son char.
Un art antique : la charrerie
Le char était conçu et fabriqué, amélioré et réparé dans les ateliers du charron. Or, l'archéologie des mondes eurasien et méditerranéen, notamment avec les preuves indirectes des ornières taillées dans les anciennes voies de passage ou carrières, affirme que la charrerie est une activité très ancienned. La roue à moyeu et à rayons est attestée communément à l'époque du Bronze final, par exemple sur le site suisse de Cortaillod ou isérois de La Côte-Saint-André.
Les deux inventions techniques fondamentales datent respectivement de IVe millénaire av. J.-C. et de 2000 av. J.-C. :
- d'abord les premières roues, en bois plein ou en planches jointes dans un premier temps, elles font leur apparition durant le IVe millénaire av. J.-C. en Europe et au Proche-Orient, la plus ancienne roue en bois connue à ce jour qui est montée sur un axe pour le transport en chariot est la roue de Ljubljana Marshes découverte en 2002 enfouie dans un marais près de la capitale Ljubljana en Slovénie1, elle est daté au radiocarbone de 3340-3030 av. J.-C., d'autres roues ou des représentations de roues sont connues en divers lieux durant le IVe millénaire av. J.-C. en Europe2,3, le « tour de potier » qui est une technique s'apparentant à la roue était également connue en Mésopotamie IVe millénaire av. J.-C. mais l’apparition de vraies chariots à roue y est plus tardive.
- Ensuite la roue à rayons et à jante, en bois cerclé de bronze, à la fois bien plus légère et plus stable, fait son apparition vers 2000 av. J.-C. dans la culture de Sintashta dans le sud de l'Oural et se répand rapidement dans toute l'Eurasie et jusqu'en Égypte où elle est introduite sous la domination des Hyksôs durant la seconde période intermédiaire.
Le transport à roues proprement dit apparaît dans les steppes eurasiennes à l'époque de l'Âge du bronze précoce de la culture Yamna et de la culture Novotitorovskaya (environ 3600 à 2200 av. J.-C.), une culture locale de la région du Kouban qui s'est développée à partir de la culture de Yamna. Les sépultures de la culture Yamna sont les plus anciennes de la steppe, accompagnées soit de wagons à quatre roues complets ou de leurs roues. Les wagons et les roues étaient construits en planches lourdes, il est donc admis qu'ils étaient tirés par des bovins et utilisés comme moyen de transport et comme maisons mobiles4.
Dans les steppes eurasiennes, à l'Âge du bronze, apparaît également le véloce char de combat à deux roues et timon, ce timon solidaire de la caisse, terminé par un joug prenant appui sur les épaules de deux équidés attelés5. L'invention de la charrette à deux roues, pas nécessairement tractée par un âne ou un cheval, mais aussi par une paire de bovidés est concomitante. Il existe enfin très rapidement une gamme de chars de transport, véhicules plus lents, souvent à grande charge utile, à vocation agricole (par exemple, rentrer les récoltes), sylvicole (bois de feu ou construction), minière ou marchande (sel, produits de base pondéreux dont l'étain, le cuivre, les autres minerais, les diverses pierres taillées, les briques...), qui complète la panoplie existante des traîneaux, pour charrier, en dehors des espaces portuaire ou de flottage, les ressources nécessaires aux villages et villes fortifiées.
À la fin de l'Antiquité, ce type de charrerie, plus ou moins amélioré, est attesté de l'extrême-Orient chinois aux pourtours de la Méditerranée jusqu'au Sahara. Il faut signaler une autre tradition de charrerie, celle du chariot à quatre roues et à timon mobile et solidaire du train-avant, plus ou moins pivotant, pour que le chariot puisse tourner plus ou moins facilement : née à la même première période, cette tradition se développe dans la bande des steppes eurasiennes pour atteindre à la fin de l'âge du Bronze l'Europe occidentale, voire ses confins nordiques et occidentaux, au début de l'âge du fer (1000 à 500 av. J.-C.)6.
L'art des charrons d'Europe occidentale
Char d'Ohnenheim exposé au Musée archéologique de Strasbourg.
Les modèles réduits des chars mis au jour en Europe occidentale, sont fabriqués en diverses matières, notamment en alliages métalliques avec des revêtements de bois, et ont probablement des significations religieuses, à l'instar des rouelles ou des roues enflammées mises en mouvement préservées dans les rituels issus des cultes solairese. Le char de Haßloch au Palatinat possède des roues à cinq rayons. À la fin du premier âge du fer, il n'est pas rare de les retrouver dans les tertres funéraires, par exemple le char d'Ohnenheim.
Les techniques ont mué rapidement avec les siècles : les chars rituels ou d'apparat, les chars de transports funéraires ou de cérémonies d'ouverture de circulation sont des rappels complexes d'état antérieur. Par exemple, le char de guerre, employé par les peuplades belges, tant orientales qu'occidentales, renommées par leurs charrons (carpentarii) au IIIe siècle av. J.-C., n'a plus aucune fonction militaire au Ier siècle av. J.-C., alors qu'il est encore pérennisé par des cérémonies publiques à vocation religieuse ou mémorielle (monument d'Igel des Trévires).
L'art de la charronnerie européenne reposerait sur une maîtrise technique celte, maintenue et largement divulguée à l'époque gallo-romaine, des modèles utilitaires. Le musée antique de Cologne, le musée archéologique de la ville de Strasbourg... en dévoilent quelques aspects. Le monde médiéval en est l'héritier, non sans en accroître la maîtrise technique culminant du XIe au XIIe siècle dans une course à l'adaptation à des fonctions spécifiques. Il faut mettre à part le rituel de transport du roi sacré mérovingien, par un lourd et gigantesque chariot à roues pleines, tiré par une douzaine de bœufs. Il s'agit plus du prestige régalien sacré du lent et rituel « char de l'État » , qu'une manifestation d'efficacité technique de l'époque. Les roues en bois plein sont attestés dans plusieurs cultures, que ce soit sur le char de la civilisation de l'Indus à Harappa ou Mohenjo-Daro en 2000 av. J.-C. ou sur l'ancien chariot-traîneau des paysans gallois ou irlandais, encore utilisé début XXe siècle, avec ses petites roues faites de trois planches, inférieures à 80 cm. Le premier char offrait le meilleur compromis résistance de la roue/techniques simples d'époque, le second possède une roue résistante, profilée avec de l'écuanteur, comme si elle avait des rayons, mais sans les inconvénients de faiblesse, le chariot apte au charriage rustique de lourdes charges.
Gravure typique du
Bohuslän : à droite un chariot, à gauche un géant (le premier charron ?)
Dans le nord de l'Europe, les gravures de Bohuslän, datée de l'âge du fer nordique (Ier et IIe siècles) en Suède actuelle, nous dévoile l'origine du chariot à quatre roues, avec avant-train articulé par rapport à l'arrière-train : il s'agit de l'association de deux chars ou trains, le triangle du timon du char de derrière (arrière-train) étant fixé au corps d'essieu du premier char, par une cheville ouvrière mobile7. Dans ces conditions, l'avant-train tourne indépendamment de l'arrière-train, et mieux encore si les roues avant sont petites. Ce petit chariot ou char maniable, que l'on retrouve sous diverses formes chez les Germanii du IIIe siècle ou chez les paysans flamands, risque moins de verser. Ces dessins, autant un véritable cours qu'une dédicace solaire, sont les précurseurs du char paysan et du chariot de roulage de l'époque moderne, à timon-flèche articulé, il est vrai plus grand, et donc très exigeant en force de traction, que ce soient des bœufs endurants ou des chevaux puissants . En 850, la voiture du bateau d'Oseberg, sépulture magnifiquement préservée, montre l'art du charron scandinave : timon articulé sur axe métallique, roues à douze rayons, caisses sculptées magnifiquement pour le dernier voyage.
Probablement dès le VIIe siècle, les multiples formes du char paysan tendent à pérenniser des influences régionales : le monde méditerranéen et ce qui deviendra les terres d'Occitanie, tend à préférer la voiture à deux roues de grand diamètre et au timon porteur d'un joug adapté à la traction bovine pour les travaux des champs. Les contrées marquées par une ancienne culture gauloise résiduelle gardent le chariot à deux trains, un arrière-train à roues massives et plus grandes, un avant-train à roues plus petites.
Aux IXe et Xe siècles, la généralisation de la route (du latin ruptus) en rupture ou complément de la voie régulière, ainsi raccourcie ou sans péage, montre que les chars, mieux équilibrés, plus stables et mieux tractés par des chevaux plus puissants, des convois marchands franchissent allègrement les obstacles sans aménagements préalables.
Les progrès ont été continus du XIIe au XIIIeavec la généralisation du train avant mobile, le début de l'usage des sangles de cuir et des chaines métalliques, puis du XVIe au XVIIIe avec l'adoption des lames de ressorts et donc d'une véritable suspension à la caisse, par un dispositif amortisseur de choc entre les trains de roulage et le châssis du véhicule.
En Afrique du Sud, le grand char à bœufs des boers afrikaners, traçant son chemin dans le veld de l'hinterland ou les bushs de Namibie, constitue un vaisseau terrestre au summum du charronnage du milieu du XIXe siècle8. Pouvant atteindre 10 mètres de long (en moyenne 5,5 m), équipé de roues arrière énormes (en moyenne bandage de 10 cm de large et 2 cm d'épaisseur), ce char portant en tous terrains une dizaine de tonnes de charge (en moyenne 8 t maximale) est tiré par des dizaines de bœufs (en moyenne 10 à charge légère à 20 en pleine charge). Le point faible provient de l'emploi de l'ocotea, bois dur exotique, pour les roues (moyeux, jantes, roues). Le séchage délicat était mal contrôlé en pays tropical, et les roues non humidifiées devenaient facilement sensibles et fragilisées dans les terribles milieux désertiques traversés.
Histoire du char antique de guerre et de parade
Durant l'Antiquité et la Protohistoire, un char est un véhicule à deux ou quatre roues tiré par des animaux, notamment des chevaux. Il est utilisé pour la guerre durant les Âges du bronze et du fer ; devenu obsolète militairement, il continue d’être utilisé pour le voyage, la parade et dans les jeux.
Propagation de l'usage du char de guerre dans l'Antiquité.
Les premiers chars antiques ont parfois eu quatre roues, mais cela est plutôt rare. Rappelons une innovation décisive permettant la fabrication des chars légers, auxquels on peut atteler des chevaux pour la bataille, est l’invention de la roue à rayons et jante (vers 2000 av. J.-C.). Une première hypothèse, concordante avec des observations archéo-zoologiques souvent banales, peut être proposée : à cette époque et dans les régions où se développent les premières grandes civilisations urbaines, les chevaux ne pouvaient supporter le poids d’un homme pendant une bataille : le cheval sauvage est parfois à peine plus gros qu’un poney. Les chars de guerre sont alors très efficaces sur un champ de bataille plat et dégagé, et décident de l’issue des guerres, pendant près de sept siècles (peut-être jusqu'à la bataille de Qadesh). Puis, les chevaux domestiques gagnent en force et en taille, par la sélection induite par l'élevage et une alimentation plus abondante, tandis que la taille et le poids moyens des hommes diminuait lentement bien après le passage d'une alimentation de chasseurs nomades à une alimentation d'agriculteurs sédentaires. Les techniques permettant la monte se développent, car la cavalerie est aussi moins coûteuse en chevaux (un cheval par homme).
Une seconde hypothèse pose l'essor concomitant vers 1500 av. J.-C. de la métallurgie du fer et du cheval monté, notamment chez les Hittites, également experts en charrerie9. Elle essaie de prouver la spécialité orientale de la cavalerie montée, même au-delà de la généralisation de la métallurgie du fer vers -1000 av. J.-C. Selon cette hypothèse, la bataille de Qadesh, victorieuse selon l'écriture pharaonique, paraît un choc d'armées confus et complexe.
D'une manière générale, les chars de combat, assez rapidement obsolètes quelles que soient leurs techniques innovantes, sont donc supplantés par la cavalerie, et ne connaissent plus souvent à terme qu’un usage civil : transport de personnes, de marchandises, et à l'époque antique, jeux de courses. Les courses de chars ont continué à Constantinople jusqu’au VIe siècle de notre ère.
Formes primitives
La plus ancienne représentation de véhicules dans un contexte militaire date du XXVIe siècle av. J.-C., sur un coffre de bois orné en provenance d'Ur. Elle représente des chariots, avec deux essieux et tirés par des bœufs ou des onagres.
La gravure ci-contre montre clairement les deux soldats montés sur chaque char : l'un tient les rênes, tandis que l'autre est armé d'une lance. Le char est équipé d'un carquois qui contient les javelines. Les rênes tenues par le conducteur passent par un guide à deux anneaux, et sont reliées à un anneau passé dans la cloison nasale du cheval et non un mors. Les soldats sont protégés par des casques et des tabliers. Les chevaux sont également protégés à l'avant par un tablier. Ces chariots a quatre roues pleines étaient très stables, sans être forcément très lourds, puisque la nacelle était en osier tressé, selon les trouvailles faites ou reconstituées. Ces chars étaient tirés par deux ou quatre onagres de taille médiocre. On distingue également sur la gravure les ennemis renversés et blessés par la force du choc des chars lancés à pleine vitesse.
Les chars à bœufs plus lourds et plus lents faisaient généralement partie du train de bagages, et étaient inadaptés à une utilisation en combat. Les Sumériens avaient aussi des chariots plus légers, tirés par quatre onagres, mais dotés de roues pleines en bois. La roue à rayons n’apparaît pas en Mésopotamie avant le milieu du IIe millénaire av. J.-C.
Les historiens débattent pour décider si l’invention de la roue a suivi ou précédé la domestication du cheval, afin de savoir si c’est l’équitation ou la guerre en char qui a, la première, influencé l’art de la guerre et afin de déterminer la place de chacune. Mais la plupart des experts s'accordent à insister sur l'utilisation pacifique du char à ses débuts. En effet il servait principalement à l'agriculture et aux transports.
Les Indo-Iraniens
Char gravé dans le stupa de
Sanchi
Les premiers chars de guerre connus sont des chars funéraires de la culture d'Andronovo, dans l'actuelle Russie et le Kazakhstan moderne, vers 2000 av. J.-C. Cette culture est influencée par la culture Yamna. Ses sites sont puissamment fortifiés, on y pratique la métallurgie du bronze à un niveau jamais atteint auparavant, et les pratiques funéraires présentent des réminiscences des rites aryens connus par le Rigveda. Les chars des tombes de Sintashta-Petrovka ont des roues à rayons.
Les chars sont un élément important de la mythologie des Indo-Iraniens et de la mythologie hindoue, tout comme dans la mythologie perse : la plupart des dieux du panthéon perse sont représentés sur un char de guerre. Le mot sanskrit pour un char, ratha, est commun à tous les Proto-indo-européens pour désigner la roue, et a donné en latin la rota.
Hérodote rapporte que les chariots étaient très utilisés dans la plaine entre Pont et mer Caspienne.
Xénophon mentionne dans l'Anabase ainsi que dans la Cyropédie l'utilisation par les Perses de chars de guerre munis de faux fixées aux essieux des roues dont il fait la description10 :
"εἶχον δὲ τὰ δρέπανα ἐκ τῶν ἀξόνων εἰς πλάγιον ἀποτεταμένα καὶ ὑπὸ τοῖς δίφροις εἰς γῆν βλέποντα, ὡς διακόπτειν ὅτῳ ἐντυγχάνοιεν."11
"Ils [les chars] étaient munis de faux fixées aux essieux, disposées en oblique et sous les chars en direction du sol afin d'anéantir quiconque irait à leur rencontre."
Il y a quelques représentations de chars sur les sculptures de grès des monts Vindhya, en Inde. Deux d'entre elles ont été trouvées à Morhana Pahar, dans le district de Mirzapur. L'une représente un attelage de deux chevaux ; seule la tête de l'homme qui les conduit est visible. L'autre est tiré par six chevaux, possède six roues à rayons, et son cocher est debout dans un grand chariot fermé. Ce char/chariot est attaqué par un groupe, dont un homme, muni d'un bouclier, qui se place sur le chemin du char et un autre qui lui tire dessus avec un arc et des flèches sur son flanc droit. Il a été suggéré que ces dessins représentent une scène réelle, s’étant déroulée quelque part dans la plaine du Gange, occupée par des tribus de chasseurs. Ils représenteraient donc une technologie étrangère. Les chars gravés de façon très réaliste dans le stūpa de Sanchi sont datés du Ier siècle av. J.-C.
En Chine
Les plus anciennes tombes à char de Chine ont été découvertes en 1933 à Hougang, dans le centre de la province d’Henan, et datent du règne de Wu Ding, de la dynastie Yin vers 1200 av. J.-C. ; ce sont des chars à rayons multiples introduits depuis le nord et le nord-ouest, semblables à ceux du Caucase, par opposition aux roues à 4 ou 6 rayons du Proche-Orient ancien12 ; ils apparaissent à la suite d'une immigration indo-européenne13 ou d'un simple échange technologique14. Les chars étaient connus avant, au moins depuis la dynastie Xia (XVIIe siècle av. J.-C.)[réf. nécessaire]15. Pendant la dynastie Shang, les défunts de rang royal étaient inhumés avec un mobilier complet et des serviteurs, dont un char, des chevaux et un cocher. Les chars Shang sont souvent attelés de deux chevaux, mais des chars à quatre roues sont parfois découverts dans les tombes. L’équipage comprend un aurige, i.e. un cocher appelé yushou, un archer, et parfois un troisième homme armé d’une lance ou d’un poignard-hache, le ge. L’utilisation militaire de chars en Chine atteint son apogée du VIIIe au Ve siècle av. J.-C.. L'abandon du modèle seigneur/esclaves pour un modèle féodal aurait encouragé les paysans à travailler davantage leurs terres, et aurait conduit à une croissance démographique et une expansion géographique permettant l'établissement de larges armées de soldats. Aussi, s’ils apparaissent dans un plus grand nombre de batailles, ils sont de plus en plus souvent mis en échec par cette infanterie.
Les chars deviennent obsolètes en Chine durant la période des Royaumes combattants, principalement à cause de l’invention de l’arbalète et de l’adoption par les armées chinoises des archers montés de la cavalerie nomade, plus efficaces.
Moyen-Orient
Hittites
Gravure égyptienne représentant un char hittite
Le Mitanni semble être responsable de l’introduction du cheval attelé et du char de guerre à l’Âge du bronze dans le Moyen-Orient. Le plus vieux témoignage de char de guerre est le texte d’Anitta (XVIIIe siècle av. J.-C.), en Hittite : il mentionne quarante attelages de chevaux (40 ṢÍ-IM-DÌ ANŠE.KUR.RAḪI.A) au siège de Salatiwara. Comme seuls des attelages sont mentionnés, la présence de chars de guerre est considérée comme incertaine. Le premier cas avéré de chars de guerre dans l’empire hittite date du siècle suivant (Hattushili Ier). Un autre texte hittite traitant du dressage des chevaux est daté du XVe siècle av. J.-C..
Les Hittites étaient renommés comme combattants en char de guerre. Ils inventent un nouveau type de char, avec des roues plus légères, avec quatre à huit rayons, emportant trois combattants au lieu de deux. Sur les chars hittites, l'essieu est déplacé vers l'arrière du char, ce qui assure sa stabilité longitudinalef. La prospérité des Hittites dépendait largement de leur contrôle des routes commerciales et des ressources naturelles, dont le métal. Lorsqu’ils prennent le contrôle de la Mésopotamie, la tension s’accroît avec leurs voisins Assyriens, Hourrites et Égyptiens. Sous le règne de Suppiluliuma Ier, les Hittites font la conquête de l'actuelle Syrie, peut-être même en portant leur hégémonie sur le vieil imperium d'Assur, à l'origine de l'Assyrie. Pour empêcher leur progression triomphante vers le sud, l'Égypte pharaonique intervient et mène son armée près de l'Oronte. La bataille de Qadesh en 1274 av. J.-C. est la plus grande bataille de chars de l’histoire antique, avec cinq mille chars de guerre engagés dont 2 000 chars légers égyptiens et 3 000 chars en général lourds à trois chevaux hittites[réf. nécessaire]16.
Égypte
Les légers chars de guerre, de course ou de chasse, à fond de lanière de cuir, et avec eux, l'élevage sélectionné du cheval, apparaissent en Égypte sous le règne des Hyksôs au XVIe siècle avant notre ère et se développent dans l'Égypte impériale de la XVIIIe dynastie17. L’art égyptien, comme l’art assyrien, ont laissé de nombreuses représentations de chars de guerre, dont certains richement ornés. L’arc est la principale arme offensive des chars égyptiens et assyriens. Les Égyptiens inventent le joug pour leur chevaux vers 1500 av. J.-C. Les exemplaires les mieux conservés de chars égyptiens sont les six qui se trouvaient dans la tombe de Toutânkhamon.
Dans la Bible
Les chars de guerre sont fréquemment évoqués dans l’Ancien Testament, particulièrement par les prophètes, comme des symboles de puissance ou de gloire. La première mention se trouve dans l’histoire de Joseph, dans la Genèse.
Les chars de fer sont aussi évoqués dans le livre de Josué et le livre des Juges comme des armes des Cananéens. Plus tard, le premier livre de Samuel rapporte l'utilisation de chars par les Philistins en très grande quantité (900 chars dans les Juges, 30 000g dans le livre de Samuel) mais sans préciser leur qualité : c'est à cette époque que le fer est devenu commun, mais ce grand nombre peut aussi intégrer des chars de qualité moindre. Ces Philistins sont cependant parfois identifiés avec les Peuples de la mer ou les Mycéniens primitifs. La Bible compte d’autres passages où le char est cité.
L’Âge du fer en Mésopotamie
Probablement à partir des Hittites et du Mitanni, le char se répand dans toute la Mésopotamie et l’Élam au Ier millénaire av. J.-C. Les Assyriens et les Babyloniens en font un grand usage, bien que son utilité militaire soit de plus en plus restreinte. Le char est alors bien plus un symbole militaire et un moyen de transport royal. Sur un bas-relief de Ninive à la date estimée vers 658 av. J.-C., Assurbanipal parade sur une voiture de chasse dont les deux roues légères du train sont ostensiblement cloutées sur leur circonférence et possèdent chacune un moyeu relié à la jante par huit rayons.
Les Perses succèdent à Élam au milieu du Ier millénaire av. J.-C. Ils sont les premiers à atteler quatre chevaux, au lieu de deux, à leurs chars. Ils inventent aussi un type de char avec des roues équipées de lames acérées. Cyrus a fait un grand usage de ces chars. Hérodote mentionne que la satrapie de l’Indus fournissait à l’empire des renforts de cavalerie et de chars à l’armée de Xerxès. Dès cette époque, la cavalerie est bien plus efficace et maniable que les chars, et la défaite de Darius III à Gaugamèles (331 av. J.-C.), où les troupes d’Alexandre le Grand se contentent d’ouvrir les rangs pour laisser passer les chars à faux (en) et attaquer ensuite, marque le déclin de l'utilisation des chars à la guerre. On en fera cependant encore usage dans les royaumes hellénistiques jusqu'à la conquête romaine.
Europe septentrionale
Un certain nombre de pétroglyphes nous sont parvenus, datant de l’Âge du bronze, et représentant des chars, comme celle d’une tombe royale de la fin du IIe millénaire av. J.-C. Le char du Soleil (sculpture) de Trundholm est daté d'environ 1400 av. J.-C. Les chars (en sculptures, gravures ou pétroglyphes) sont munis de roues à 4 rayons. Le char n’est composé en fait que du Soleil lui-même, posé sur l’essieu, et des roues. Il est possible que le Soleil conduise le char, ou qu’il soit le char lui-même. Il demeure néanmoins que la présence d'un char, même cultuel, à cette époque sur le territoire scandinave, reste tout à fait remarquable, voire unique.
Europe centrale et occidentale
À droite : Roue à rayon et plaquage de bronze. Árokalja (Hongrie). À gauche : Ornement d'axe en bronze provenant d'un char retrouvé à
Tarcal. 1000
av. J.-C. Musée national hongrois.
Les Étrusques
Le seul char étrusque en bon état date d'environ 530 av. J.-C.. Trouvé dans une tombe à char, il est orné de plaques de bronze rappelant le chaudron de Gundestrup, et ses roues ont neuf rayons.
Les Celtes
Les Celtes ont été des fabricants de chars réputés ; le mot français char vient d’ailleurs indirectement, du gaulois karros qui a la même origine indo-européenne que le latin classique currus et l'a d'ailleurs supplanté en latin populaire. Les chars jouent un rôle important dans la mythologie celtique irlandaise, notamment auprès du héros Cúchulainn. On connait le nom de plusieurs types de véhicules utilisés par les Celtes antiques, parmi lesquels l'esseda, la reda, le petoritum, et d'autres comme peut-être le pilentum et le colisata, ce dernier cité par Pline18.
Les chars celtes à deux roues de la période de la Tène (alors qu'ils étaient munis de quatre roues au cours de la civilisation de Hallstatt) sont attelés de deux chevaux et font à peu près deux mètres de large sur quatre de long. Les jantes en fer sont probablement une invention celteh. Excepté les jantes et les pièces de fer de la nacelle, les chars sont fabriqués en bois ou en vannerie. Quelquefois, des anneaux de fer renforcent les attaches. Les Celtes apportent une autre innovation, l’essieu libre, suspendu à la plate-forme par des liens. Les chars celtes sont ainsi bien plus confortables sur un terrain irrégulier19.
Les Bretons insulaires utiliseront les chars de guerre jusqu'au IIIe siècle apr. J.-C. Le char breton était maniable et permettait aux Bretons de combiner l'agilité de l'essedaire (« conducteur du char », nom venant du gaulois latinisé esseda désignant le char celtiquei) à la solidité du fantassin. En effet, le char breton comportait toujours deux passagers : un conducteur et un combattant. Le combattant n'hésitait pas à mettre pied à terre pour affronter l'ennemi tandis que le conducteur du char se tenait prêt à le récupérer, pour ensuite prendre la fuite si nécessaire. Cette stratégie du char de guerre fut notamment utilisée par les Bretons contre César en 55 av. J.-C., lors de ses expéditions dans l'Île de Bretagne20.
Mycènes
Les Mycéniens utilisaient eux aussi les chars de guerre. Les comptes en linéaire B, principalement à Cnossos, accordent une grande place aux chars de guerre en stock (wokha) et à leurs pièces de rechange, en distinguant les chars démontés des chars assemblés. En linéaire B, l’idéogramme pour le char de guerre est un dessin abstrait, composé de deux roues à quatre rayons. Les chars ne sont plus utilisés pour la guerre après la chute de la civilisation mycénienne. Dans l’Iliade, les héros se déplacent toujours en char, mais en descendent pour combattre l’ennemi. Les chars ne sont plus utilisés que pour les courses dans les jeux publics, ou pour les défilés, et conservent la même apparence. Dans les récits homériques, les chars décrits par Homère sont toujours de construction légère, couverts d'une housse lorsqu'ils ne servent pas, et ne peuvent emporter qu’une seule personne. L’Iliade décrit aussi une course de chars, pour les funérailles de Patrocle.
Idéogrammes du linéaire B relatifs aux chars
Grèce classique
Tétradrachme en argent représentant un char à deux roues tiré par une mule et dirigé par un aurige
Il existe déjà une cavalerie (peu efficace) en Grèce classique, le terrain caillouteux de la Grèce continentale étant aussi impraticable aux chars légers qu’aux chevaux non ferrés ; sur de longues distances parcourues journellement, les sabots sont usés ou blessés par les cailloux, et jusqu’à l’invention du fer, il arrivait souvent qu’une part non négligeable des chevaux clopinent en arrivant sur le champ de bataille. Cependant, le char conserve un statut prestigieux, notamment à travers la poésie épique et reste utilisé lors de courses de chars qui semblent bien présentes dès le début des Jeux olympiques en -620 ou des Jeux Panathénaïques.
Les chars grecs sont conçus pour être tirés par deux chevaux placés de chaque côté d’un timon. Quelquefois, deux chevaux sont ajoutés, attachés de chaque côté de la paire principale, par une simple barre montée à l’avant du char. Les pieds de l’automédon (conducteur du char), qui est assis, sont posés sur une planche montée à l’avant du char, très près des jambes des chevaux. Le bige n’est qu’un simple siège posé sur l’essieu, avec une barre de chaque côté du conducteur afin de le garantir des roues.
La nacelle du char continue d’être posée directement sur l’essieu. Il n’y a aucune suspension, ce qui en fait un moyen de transport pour le moins inconfortable. À l’avant et sur les côtés un garde-corps semi-circulaire d’environ un mètre de haut protège éventuellement d’une attaque ennemie. L’arrière est ouvert, permettant de monter et de descendre facilement du char. Sauf sur les chars de course, il n’y a pas de siège et juste assez de place pour le conducteur et un (une) passagèr(e).
Le timon est probablement fixé au milieu de l’essieu. Au bout du timon se trouve le joug, qui consiste en deux harnachements légers étranglant les chevaux, attaché par de larges lanières autour du torse du cheval. Le harnachement est complété par une bride et une paire de rênes, identiques à celles utilisées jusqu’au XIXe siècle, faites en cuir et parfois ornées de perles, ivoire ou métal. Les rênes passent par des anneaux fixés sur les bandes du collier du cheval et sont assez longues pour que l’automédon puisse les enrouler autour de son corps et ainsi se défendre.
Les roues comme la nacelle sont souvent en bois, renforcées de fer ou de bronze. Elles ont quatre ou huit rayons et sont équipées de jantes en fer ou en bronze.
Ce modèle de char est courant dans tout le bassin méditerranéen à l’époque, les principales différences résidant dans les méthodes de fixation.
Rome antique
Les Romains ont probablement connu le char par l’intermédiaire des Étrusques, qui l’avaient eux-mêmes importé de Grèce ou de Gaule. Les Romains sont cependant influencés directement par les Grecs, notamment après la conquête de la Grèce continentale en 146 av. J.-C.
Les Romains ont érigé un vaste réseau centré de voies, à l'origine militaire, afin de transporter par char véloce matériel et troupes, avec l'aide de relais de poste ou stations tous les quatre milles romains (environ 6 km) où il était possible de se désaltérer, manger, changer les chevaux ou au besoin se reposer. La via Appia, partant de Rome, avait 20 mètres de large21.
Sous l’Empire, les chars ne sont pas utilisés au combat. Ils sont réservés aux parades, notamment pour les entrées triomphales présentant les esclaves captifs ou prisonniers attachés symboliquement au char du vainqueur, et aux courses, principalement au Circus Maximus22. La piste est assez large pour faire courir 12 chars de front, les deux côtés de la piste étant séparés par un large mur, la spina. La popularité des courses de char qui triomphe sous l'Empire se maintient jusqu’à l’Empire byzantin, qui les pratique sur l’hippodrome de Constantinople23, alors que les Jeux olympiques ont été interrompus en 396. Elles ne déclinent qu’après la sédition Nika, au VIe siècle.
Les Romains n’ont à affronter qu’occasionnellement des armées utilisant des chars : les révoltes celtes (voir plus haut), et, en 86 av. J.-C. à la bataille de Chéronée contre Mithridate du Pont ; mais il s’agit là plus probablement d’une manœuvre visant à déstabiliser les légions.
Filiation moderne
Le rôle tactique des chars antiques de rapidité, de percée et de poursuite de l'ennemi a été repris dès l'Antiquité par la cavalerie, puis dans la guerre moderne par le char d'assaut et les blindés en général. Peu après la Première Guerre mondiale, juste après l’introduction des chars blindés, il y eût également des side-cars équipés de mitrailleuses et des auto-mitrailleuses jouant le même rôle que le char antique ou la cavalerie. On peut également signaler le tachanka russe, qui utilise brièvement le concept de chars à chevaux, en étant armé de mitrailleuses, mais c’est en fait plus une version légère de l’artillerie à cheval utilisée depuis plus d’un siècle sur les champs de bataille européens.
Sur les techniques artisanales en rapport avec le transport, consulter l'association Instrumentum24.
Notes et références
Notes
- Conduits par l'aurige, les chars de courses portaient, outre leur couleur, des noms spécifiques : le bige, le quadrige.
- Les chars des dieux mythologiques, aux déplacements magiques, sont nombreux et pas seulement dans la mythologie gréco-romaine. Pour cette dernière, citons celui d'Apollon/Phoebus, de Diane, d'Amphitrite, de Vénus, sans oublier le char de la Fortune, ceux des allégories poétiques diverses (nuit, soleil, lune) ou encore le char de l'État.
- Le carre désigne en 1080 dans la chanson de Roland une voiture. Le latin médiéval carrus dérive d'un emprunt du mot gaulois similaire carrus, soit un chariot à quatre roues selon César, alors que le gaulois carpentum, également adopté en latin désigne l'antique char à deux roues (ainsi que, dans la Rome impériale, une voiture de transport à deux roues et caisse rectangulaire, parfois couverte, supposée d'origine gauloise). Char et charriage sont deux mots de même famille que le verbe français charger, issu du latin d'origine gauloise carricare au sens de transporter, mener en voiture, amener à la voiture ou au bateau...Via une autre langue latine, l'espagnol, la parenté s'impose aussi avec le verbe carguer ou le cargo
- Il est préférable de réserver le terme de charronnerie au monde celte et surtout à l'Europe médiévale. Elle décrit dès ces origines une technique spécialisée du bois et du métal, notamment du fer. Le terme de charrerie correspond mieux aux techniques primitives ou antiques.
- Les roues flamboyantes sont encore connues sur le terrain au XIXe siècle par l'ethnographie française, du Poitou à l'Alsace. Citons en Moselle lorraine le rapport du sous-préfet de Thionville, invité en 1822 aux réjouissances populaires de la saint Jean sur la colline à Basse-Contz.
- La charrerie hittite a connu des mutations similaires à la charrerie égyptienne. Pour les chars légers, conçus pour la vitesse, la caisse est avancée et l'essieu placé à l'arrière du centre de gravité du char non attelé (voir la gravure qui ressemble d'ailleurs plus à un char égyptien que hittite). Le gain de stabilité dynamique, par effet d'amortissement, repose aussi sur l'opposition et la compensation partielle de deux "modes vibrateurs" placés dans l'axe longitudinale de la course ou du timon, pièce de liaison cruciale : le premier provient de l'attelage avec les forces générées par les mouvements du corps plus ou moins coordonnées des chevaux et de leurs sabots sur le sol d'appui, le second des vibrations et chocs du char roulant, cahotant, heurtant, dérapant. Le conducteur et le(s) passager(s) sont donc moins terriblement secoués et moins obligés de contrebalancer d'avant en arrière leur corps. L'avantage technique est moindre, voire s'annule si le char est lourd, trop chargé, si les chevaux attelés sont peu vigoureux ou fatigués, si la course à accomplir est longue. En effet, plus le déplacement de l'essieu est effectif vers l'arrière, plus importante est la fraction de charge du char qui repose indirectement sur les épaules des chevaux. Il semble évident que les hommes de l'art et les conducteurs aient cherché à régler la position de la caisse (mobile par glissement avec taquet de fixation).
- Trente mille chars selon le texte hébreu traditionnel. Certains manuscrits de l'ancienne version grecque ainsi que la version syriaque donnent trois mille chars[réf. nécessaire]
- D'ailleurs le mot est gaulois par l'intermédiaire d'un bas latin *cámbĭta, puis *gámbĭta, emprunt à un gaulois *cambita-, dérivé de cambo- « courbe ».
- Terme probablement issu du gaulois *edsedon ou *adsedon, dont le radical est *sed « rester assis ».
Références
- A. Velušček, K. Čufar, M. Zupančič, Prazgodovinsko leseno kolo z osjo s kolišča Stare gmajne na Ljubljanskem barju. In: A. Velušček (Hrsg.). Koliščarska naselbina Stare gmajne in njen as. Ljubljansko barje v 2. polovici 4. tisočletja pr. Kr. Opera Instituti Archaeologici Sloveniae 16 (Ljubljana 2009)197-222.
- (en) Chris Fowler, Jan Harding, Daniela Hofmann, eds, The Oxford Handbook of Neolithic Europe. [archive] OUP Oxford, 2015 (ISBN 0191666882) p. 109
- (en)Trypillian Civilization in the prehistory of Europe [archive], sur le site trypillia.com, consulté le 17 décembre 2015.
- (en) Igor Chechushkov et Andrey Epimakhov, The Relative and Absolute Chronology of the Chariot Complex in Northern Eurasia and the early Indo-European migration [archive], academia.edu
- André Leroy-Gourhan, op. cit.. Il est évident que le lieu ou les lieux d'invention se caractérisent par une certaine densité humaine et un niveau modèle de développement culturel. Le Proche-Orient de l'âge du Bronze, en particulier la Mésopotamie et ses voisinages autrefois verts, s'impose à la majorité des chercheurs. Notons que le timon, à l'instar des brancards, est la pièce qui assure la direction et l'arrêt du véhicule.
- Brunhes-Delamarre, op. cit., est grosso modo en accord avec Leroy-Gourhan. C'est cette tradition que les sites alpins ou jurassiens cités ci-dessus révèlent. Notons que la traction bovine de ce chariot à quatre roues requiert une traction au col, le joug sur la nuque étant assujetti au front et à la base des cornes.
- Mariel Jean Brunhes-Delamarre, op. cit..
- Description encore plus pittoresque par Seymour, op. cit..
- Robert Bonnaud, in Vidal-Naquet Atlas, op. cit..
- (grc) Xénophon, Cyropédie (lire en ligne [archive]), Livre VI, chapitre I, 50
- (grc) Xénophon, L'Anabase (lire en ligne [archive]), Livre I, chapitre VIII
- (en) Christopher Beckwith, Empires of the Silk Road : A History of Central Eurasia from the Bronze Age to the Present, Princeton (N.J.), Princeton University Press, , 472 p. (ISBN 978-0-691-13589-2, lire en ligne [archive]), p. 44
- (en) Stuart Piggott, Wagon, Chariot and Carriage : Symbol and Status in the History of Transport, Londres, Thames & Hudson, p. 45-48
- (en) Anthony Barbieri-Low, « Wheeled vehicles in the Chinese Bronze Age (c.2000-741BC) », Sino-platonic Papers, Philadelphie, no 99, , p. 37
- Jean Lévi mentionne le char attelé dès le début de la civilisation Shang. Logiquement, son apparition est antérieure. Vidal-Naquet Atlas, op. cit..
- R.G. Grant (dir.), op. cit.. Page sur la bataille de Qadesh.
- Guillemette Andreu in Atlas Vidal-Naquet, op. cit.. La domination hyksos se limite au nord, également selon le Perthes Atlas, page 24. Décrivons succinctement l'expérience de reconstitution archéologique filmé par Richard Reisz, Les chars de Pharaons, op. cit.. Le char d'il y a 3500 ans est constitué d'un train (deux roues maintenues en leur centre par un essieu en bois), supportant une caisse légère (armature en bois supportant des lanières en cuir tissée et panneaux à découpe latérale) avancée et lié à un timon. Ce timon en bois cintré en forme de S de 2,3 mètres est fixé à l'essieu en passant ainsi sous la caisse. Les roues à quatre rayons sont formées de lattes épaisses de bois cintrées à la vapeur, le pliage de chaque latte atteint l'angle droit avant qu'elles soient collées. La roue à six rayons, plus résistante, dont l'angle de pliage atteint 60° était préférée pour les chars à deux hommes ou plus lourds. Les deux archéologues mentionnent la roue à six rayons, en électrum, du char tout en alliage du pharaon Thoutmôsis Ier. Les deux chevaux assez fins préalablement habitués à œuvrer ensemble sont harnachés avec un collier en cuir placé sur l'épaule et une bricole.
- Pline l'ancien, Histoire Naturelle, livre 34, XLVIII.
- Tacite, Annales, XIV, 35
- César, BG, IV, 24 et 33 et V, 16-17
- Via vita.
- Le cirque à Rome ou à Byzance est essentiellement un hippodrome. Sur ce fait qu'éclipse notre vision des jeux du cirque, des spectacles à intermèdes, lire C. Landes, op. cit. ou A. Cameron, op. cit..
- G. Dagron, op. cit.. La rivalité des bleus (à l'origine faction des puissants et des hommes de pouvoir) et des verts (faction soutenu par le peuple) se perpétue bien au-delà de la compétition hippique, sur le champ politique.
Bibliographie
- Eugène Viollet-le-Duc, « Char », dans Dictionnaire raisonné du mobilier français de l'époque carlovingienne à la Renaissance, t. I, Paris, Librairie centrale d'architecture, 1873-1874 (OCLC 47996543), p. 39-40 [lire sur Wikisource]
- Marie-Claire Amouretti, G. Comet, Hommes et techniques de l'Antiquité à la Renaissance, Armand Colin, Paris, 1993.
- Association Instrumentum.
- Archeologia et Les dossiers de l'Archéologie, revue éditée par Faton, Dijon. Nombreux articles et dossiers thématiques sur la charrerie antique. En particulier sur le monde celtique, Les dossiers de l'archéologie 216, « Voyage à l'âge de fer, 750 - 50 avant J.-C. », 1996.
- Mariel Jean-Brunhes Delamarre, La vie agricole et pastorale dans le monde, techniques et outils traditionnels, édition Joël Cuenot, Paris, 1985, 216 pages. (ISBN 2-86348-014-6)
- Les cahiers de l'histoire des techniques, Université de Provence, Aix-en-Provence.
- Alan Cameron, Circus factions, Blues and Greens at Rome and Bysance, The Clarendon Press, Oxford, 1976.
- Gilbert Dagron, L'hippodrome de Constantinople, Jeux, Peuple et politique, Gallimard, coll. » Bibliothèque des Histoires », Paris, 2011 (réédition 2012), 439 pages.
- Maurice Daumas, « Des origines à la civilisation industrielle », in Histoire générale des Techniques, 4 volumes, Tome 1, 1962, Paris.
- R.G. Grant, Les 1001 batailles qui ont changé le cours de l'histoire, Flammarion, 2012, avec une préface de Franck Ferrand, (ISBN 978-2-0812-8450-0), traduction-adaptation française collective sous l'autorité de Laurent Villate, du titre original 1001 battles that changed the course of history, Quintessence, 2012.
- Christian Landes (dir.), Véronique Kramérovskis et Véronique Fuentes, Le cirque et les courses de chars Rome-Bysance, catalogue d'exposition, Musée archéologique Henri Prades à Lattes, éditions Imago, Paris, 1990.
- André Leroy-Gourhan, L'Homme et la matière, tome 1, et Milieu et Technique, Tome 2, Sciences d'aujourd'hui, Albin Michel, 1943 et 1971, réédition poche en 1992, en particulier Tome 1, (ISBN 978-2-226-06213-0) (remarque page 39) et Tome 2, (ISBN 978-2-226-06214-7) (paragraphe sur la traction et le roulage, page 140 et suivantes)
- Perthes Atlas Geschichte, Klette, 2006.
- John Seymour, Métiers oubliés, Chêne, 1990, première édition française 1985, traduction par Guy Letenoux, de l'ouvrage The Forgotten Arts, Dorling Kindersley Ltd, London, 1984, (ISBN 978-2851083920) (quelques descriptions et réflexions dans les paragraphes sur le charronnage p. 78-85, les chariots et autres voitures p. 98-103, la fabrication des traineaux p. 104-105).
- Jean Spruytte, Attelages antiques libyens, Archéologie saharienne expérimentale, collection « Archéologie expérimentale et ethnographie des techniques », 1996, préface de Marceau Gast.
- Pierre Vidal-Naquet (dir.), Atlas historique de la Préhistoire à nos jours, Histoire de l'Humanité, Hachette, Paris, 1987, 340 pages. (ISBN 9782010110276) (en particulier pour les cartes antiques et la charrerie mentionnée très ponctuellement par Robert Bonnaud en Asie mineure, Guilemette Andreu en Égypte impériale, Jean Lévi en Chine des Shang et Olivier Buschenschutz dans le monde celte).
- Laurent HEnninger, « le char de guerre trace la voie des grands empires », Guerre et Histoire, no hors série n°1, , p. 16-20 (ISSN 2115-967X).
Filmographie
- Documentaire : Richard Reisz, Les chars de Pharaons, PBS International Arte France, 52 min, diffusion juin-juillet 2014, adaptation de Building Pharaoh's chariot, WGBH Educational Foundation, 2013 (archival material University of Oxford : The Griffith Institute and The Ashmolean Museum).
Voir aussi
Articles connexes
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Liens externes
Bouclier
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Domaine militaire
- Un bouclier, arme défensive portée par un combattant pour se protéger des traits ou des coups.
- Le Bouclier, torpilleur utilisé par les Forces navales françaises libres durant la Seconde Guerre mondiale.
Sciences et techniques
- bouclier, partie de la carrosserie d'une automobile ;
- bouclier, formation géologique d'origine magmatique de grande dimension très ancienne datant du Précambien.
- Le Bouclier ou Écu de Sobieski, petite constellation du ciel boréal.
Voir aussi :
- Un bouclier thermique, en astronautique, est un dispositif destiné à protéger une partie d'un engin spatial contre l'échauffement cinétique.
Arts
- Bouclier ou Le Bouclier, abréviation courante du titre du poème Le Bouclier d'Héraclès du Pseudo-Hésiode.
- Le Bouclier, épisode de la première saison de la série télévisée américaine Au-delà du réel.
Divers
- Le Bouclier, association de lutte contre la pédophilie sur Internet ;
- Le terme bouclier peut également être utilisé en science-fiction comme synonyme de champ de force ;
- Bouclier, enseigne de cartes à jouer, l'une des quatre enseignes suisses avec le gland, le grelot et la rose.
Nom de famille
Bouclier est un nom de famille notamment porté par :
Voir aussi
Bouclier de Brennus
Pour les articles homonymes, voir Brennus.
Le bouclier de Brennus est la récompense décernée à l’équipe victorieuse du championnat de France de rugby à XV, le Top 14.
Il est également le trophée du Champion de France de longue paume, car un deuxième bouclier de Brennus a été créé, cette même année 1892, à l'initiative du baron Pierre de Coubertin, joueur de longue paume de la société de Paris. Contrairement à une opinion répandue, le nom de ce trophée n'a pas de rapport avec le chef gaulois Brennus qui s'illustra lors du sac de Rome en 390 av. J.-C.
Conçu d’après un dessin initial du baron Pierre de Coubertin, ce trophée doit son nom à son artiste créateur Charles Brennus, par ailleurs cofondateur de la fédération française de rugby. La trace du bouclier disparaît, pour réapparaître en 1912. Roger Lerou, capitaine du Racing, assure que Brennus en est bien l’auteur. Enfin, Géo Lefèvre, célèbre journaliste de l’époque, rapporte que Brennus lui-même en a confirmé sa paternité1.
Il s’agit d’un bouclier symbolique fixé sur une planche de bois, que la fantaisie des différents détenteurs a façonné peu à peu. Ce trophée est surnommé « le bout de bois » par les joueurs de rugby français.
Naissance
Le bouclier de Brennus fut créé en 1892 afin de récompenser le futur vainqueur de la première finale du championnat de France de rugby qui devait avoir lieu le 20 mars de cette année-là et également pour récompenser le premier championnat de Première catégorie en « parties terrées » de longue paume. Le baron de Coubertin conseilla cette année-là à la Commission centrale de rugby de prendre contact avec le graveur parisien Charles Brennus et il fit de même auprès de la Commission centrale de longue paume, de sorte que les deux fédérations continuent, de nos jours, à récompenser leurs champions de France avec ces mêmes boucliers.
Dessiné par le baron Pierre de Coubertin, président de l’Union des sociétés françaises de sports athlétiques chargée du championnat — la Fédération française de rugby n’existant pas encore à cette époque —, il fut gravé par Charles Brennus, président du club de rugby parisien le SCUF et graveur.
La création de ce trophée est mentionnée dans un article de 1892 de Sports athlétiques, journal de l’USFSA :
« C’est au baron Pierre de Coubertin, que revint la lourde tâche matérielle […], c’est lui qui voulut bien se charger des délicates fonctions d’arbitre […], c’est également lui qui offrit le challenge dont le club vainqueur eut la charge : un magnifique bouclier damasquiné, au centre les armes de l’Union, deux anneaux enlacés et la devise « Ludus pro Patria ». Monté sur un magnifique cadre de peluche rouge, cet objet d’art fait le plus grand honneur à celui qui l’a conçu. Nous croyons savoir que l’auteur n’est autre que le dévoué et sympathique secrétaire de l’Union […] »
L’original est conservé au musée de la Fédération française de rugby à XV.
Depuis 2004, une réplique de l'original réalisée par l'orfèvre Louis-Guillaume Piéchaud2 est remise chaque année à l'équipe victorieuse.
Symboles, traditions et anecdotes
- La devise « Ludus pro Patria » signifie « Des jeux pour la patrie » et fut proposée par Jules Marcadet, cofondateur du Stade français et de l’Union des sociétés françaises de courses à pied, embryon des futures fédérations.
- Le bouclier récompense traditionnellement le club champion de France de rugby depuis 1892, cependant jusqu’en 1899 la finale du championnat était uniquement réservée aux clubs parisiens.
- Bien que créé par Charles Brennus, fondateur du SCUF, ce club, finaliste malheureux en 1911 et 1913, ne l’a jamais remporté.
- En 1967, Louis Blanc, le capitaine montalbanais eut ce mot historique en recevant le Bouclier :
« Je ne le croyais pas si lourd 3 ».
- La partie en bois du bouclier fut rénovée dans les années 1990 à la suite de célébrations d’après-match mouvementées.
- Le trophée, offert par le SCUF, est traditionnellement remis aux champions de France par deux jeunes joueurs de ce club.
- En 2004, le bouclier originel dut être utilisé une dernière fois, quand il fut découvert qu’un titre de l’USAP avait été oublié sur la réplique.
- Le Castres Olympique devient champion de France en 19934 dans une finale marquée par un essai irrégulier du Néo-Zélandais Gary Whetton et un autre refusé au grenoblois Olivier Brouzet5. Pour commémorer ce titre, des fèves de galette des rois à l’effigie du bouclier furent créés par les pâtissiers de la ville de Castres.
Réplique du Bouclier de Brennus réalisé par un artisan chocolatier à Castres.
- 20 ans plus tard, pour le 4è titre de champion de France du Castres Olympique en 2013 un Bouclier de Brennus en chocolat fut créé par les pâtissiers de la ville de Castres.
- Le surnom du bouclier est « le bout de bois ». La traduction occitane lou Planchot est également très souvent utilisée.
Titres
Le premier club à avoir remporté le bouclier de Brennus est le Racing club de France en 1892. Le premier club de la province à le remporter était le Stade bordelais en 1899. Le dernier club à avoir remporté le bouclier est le Montpellier HR le . Le club qui détient le plus grand nombre de victoires est le Stade toulousain avec 21 titres.
Liste des victoires
Le bouclier n'est pas remis au champion de France entre 1926 et 19296 : sur l'insistance de Gaston Vidal, président du Comité national des sports, Octave Léry retourne le bouclier de Brennus à Pierre de Coubertin pour marquer le soutien aux délégués français à qui le Comité international olympique auraient refusé l’accès au congrès de Prague à l’été 1925. Le bouclier est remplacé par un nouveau trophée, le Coq de bronze, jusqu'à ce que la présidence de Roger Dantou ne le remette en circulation en 1930.
Le bouclier ne fut pas décerné pour cause de conflits mondiaux entre 1915 et 1919 et entre 1940 et 1942. Il ne fut pas décerné non plus en 2020, du fait de l'arrêt de la compétition lié à la pandémie de Covid-19.
Au total, de 1892 à 2019, 26 clubs ont remporté le bouclier, l’US Quillan s’étant vu remettre le Coq de bronze en récompense de son unique titre de champion de France. Par ordre chronologique, les victoires sont :
Nombre total de victoires
- 21 titres :
- Stade toulousain (dont deux titres non récompensés par le Bouclier de Brennus en 1926 et 1927)
- 14 titres :
- 11 titres :
- 8 titres :
- 7 titres :
- 6 titres :
- 5 titres :
- 4 titres :
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- 3 titres
- 2 titres
- 1 titre
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Galerie
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2013 :
le bouclier de Brennus remporté par le Castres olympique est présenté au public du stade de France.
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2016 :
le bouclier de Brennus remporté par le Racing 92 est présenté aux supporters rassemblés sur la place du Plessis-Robinson.
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Cliquez sur une vignette pour l’agrandir.
Finalistes sans victoire
Au total 13 clubs ont échoué en finale du championnat de France et n'ont jamais eu l'honneur de soulever le précieux « bout de bois » :
- Les deux clubs suivants sont considérés « maudits du Brennus »9,10 :
- US Dax, échouant à cinq reprises, en 1956, 1961, 1963, 1966, 1973,
- CA Brive, échouant à quatre reprises, en 1965, 1972, 1975, 1996,
- 2 finales :
- 1 finale :
À noter que l'ASM Clermont Auvergne, qui a remporté le titre en 2010 et 2017, se distingue par le fait d'avoir perdu 12 finales (1936, 1937, 1970, 1978, 1994, 1999, 2001, 2007, 2008, 2009, 2015, 2019).
Les autres boucliers
Artisan graveur réputé, Charles Brennus a produit de nombreux trophées sportifs dont au moins deux autres "boucliers", toujours à la demande de Pierre de Coubertin.
-
Bouclier ciselé en 1892 pour la longue paume
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Bouclier ciselé en 1907 pour la FGSPF
- Le premier récompense toujours chaque année le championnat de France de la Fédération de longue paume.
- Le second offert à la FGSPF est d'abord attribué par celle-ci au Trophée de France de football puis donné au sport militaire en 1916. Celui-ci l’attribue dès 1919 à son championnat de football jusqu’en 1939 où il disparait lors de la retraite du dernier lauréat, le 3° régiment du Génie catonné à Arras. Considéré depuis comme perdu il a refait surface à la fin de l’année 2021 à la salle de vente de cette ville.
Notes et références
Notes
- Le FC Lézignan se transforme en club de rugby à XIII en 1939.
Références
- http://tital.chez.com/section/brennus.html [archive]
- Vincent Buche, « Le Bouclier de Brennus a été fabriqué à Lizant », La Nouvelle République, (lire en ligne [archive]).
- « Compte rendu finale de 1967 », lnr.fr, (lire en ligne [archive]).
- Clément Garioud, « Ces sombres affaires qui ont entaché la réputation du rugby français » [archive], sur https://actu.fr [archive], (consulté le )
- « Olivier Merle : «J'ai créé mon couteau, le Merluche» » [archive], sur lefigaro.fr, (consulté le )
- Rugby Mag no 1143, page 33, mai 2015
- Clément Garioud, « Ces sombres affaires qui ont entaché la réputation du rugby français » [archive], sur https://actu.fr [archive], (consulté le )
- Stéphane PULZE, « Castres et " la magie du rugby " » [archive], sur http://www.republicain-lorrain.fr/ [archive], (consulté le )
- Fabien Pomiès, « Pire que Clermont : ces clubs maudits sont allés en finale sans jamais décrocher le titre » [archive], sur rugbyrama.fr, (consulté le ).
Annexes
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Articles connexes
Liens externes
Grenade à main
Une grenade à main est un petit engin explosif tenu en main et destiné à être lancé, pour ensuite exploser après un court laps de temps.
Le mot « grenade » est à l'origine français et provient du fruit du même nom, en référence à la taille des premières grenades, et parce que les éclats de shrapnel rappelaient aux soldats les nombreuses graines du fruit. Les grenadiers sont à l'origine des soldats spécialisés dans le lancer de grenades.
Toutes les grenades ne sont pas lancées avec la main. Il existe des grenades à fusil pour l'envoi au fusil, et les lance-grenades. Par exemple, le lance-grenades M203 (qui peut être adapté sur plusieurs armes comme le Colt M4) qui peut tirer des grenades explosives, des grenades au gaz CS, au gaz lacrymogène et même des grenades éclairantes.
Historique
Chine et Proche-Orient
Première représentation connue d'une
arme à feu, la lance de feu, et d'une grenade (en haut à droite),
Dunhuang,
Xe siècle
apr. J.-C.1
La première grenade est inventée en Chine sous la Dynastie Song (960-1279), connue sous le nom de Zhen Tian Lei, lorsque les soldats chinois confinaient de la poudre noire dans des récipients en céramique ou en métal. En 1044, un livre militaire, Wujing Zongyao (Principes généraux du Classique de la guerre), décrivait divers types d'armes à feu, où l'on peut découvrir le prototype des grenades à main modernes2.
En parallèle, à la même époque, les peuples orientaux durant les Croisades ont développé des modèles de grenades incendiaires et explosives en céramique. Leur utilisation pouvait faire appel à des soldats spécifiques (dénommés naffatun), aussi bien sur des champs de bataille que dans des contextes de sièges. Ces grenades pouvaient aussi être utilisés contre des bastions de croisés par l'armée arabe3. Une grenade de ce type datant de cette époque a été retrouvée dans le centre d'Israêl4.
En apparaissent en Chine les premières grenades et obus en fonte, qui n'apparaissent en Europe qu'en 14675. En l'espace de deux siècles, les Chinois découvrent le potentiel explosif que pouvaient représenter les boulets de canon métalliques creux, remplis de poudre. Écrit plus tard par Jiao Yu au milieu du XIVe siècle, le manuscrit Huolongjing (Manuel du Dragon de Feu) décrit un canon en fonte de l'ère Song, connu sous le nom « flying-cloud thunderclap eruptor » (fei yun pi-li pao). Le manuscrit énonce ceci (traduction de la transcription en Wade-Giles) :
« Les obus (phao) sont faits en fonte, aussi gros que des boulets et de la forme d'une sphère. Ils contiennent à l'intérieur une demi-livre de poudre à canon « magique » (shen huo). On les envoie voler vers le camp ennemi avec un « érupteur » (mu phao) ; lorsqu'ils y arrivent, un bruit de coup de tonnerre est entendu, et des éclats lumineux apparaissent. Si dix de ces obus sont tirés avec succès dans le camp ennemi, la zone tout entière sera en flammes6... »
Ce texte du Huolongjing était également important pour la compréhension des grenades à main chinoises du XIVe siècle, puisqu'il fournissait des descriptions beaucoup plus détaillées et même des illustrations des grenades7.
Première Guerre Mondiale
Grenade à main
No 1 Mark 1, une des premières grenades à main modernes.
Mise en service dans l'
armée britannique à partir de 1908, elle s'est avérée infructueuse dans les tranchées de la
Première Guerre mondiale et a été remplacée par la bombe Mills.
L'utilisation du mot « grenade » dans la langue anglaise semble provenir de la Glorieuse Révolution d'Angleterre en 1688, où des balles en fer, de la forme des balles de cricket, remplies de poudre noire et pourvues d'une mèche lente, étaient pour la première fois utilisées contre les Jacobites dans les combats de Killiecrankie et de Glen Shiel8.
Ces grenades n'étaient pas très efficaces, probablement parce que leur rayon d'action mortel n'était pas assez grand et que le système de mise à feu n'était pas au point, ce qui explique qu'elles n'étaient pas très utilisées à cette époque.
Cependant, les Guerres de tranchées ont rendu l'emploi de grenades nécessaire. Dans une lettre à sa sœur, le colonel Hugh Robert Hibbert décrit un type de grenades improvisées utilisé durant la Guerre de Crimée (1853-1856) :
« Nous avons une nouvelle invention pour contrarier nos amis dans leurs trous. Elle consiste à remplir à ras-bord des bouteilles avec de la poudre, de vieux clous tordus et tout autre objet pointu ou tranchant que nous pouvons trouver, à y planter une ficelle pour faire office de mèche puis de l'allumer et de l'envoyer rapidement dans les trous de nos voisins, où elle vole en éclats, à leur plus grand dépit. Je te laisse imaginer leur rage en voyant une bouteille dégringoler dans un trou rempli d'hommes, avec une petite mèche brûlant aussi fièrement que sur une vraie munition, explosant et envoyant des éclats se loger dans les parties tendres de la chair9. »
Durant la Première Guerre mondiale (1914-1918), la Triple-Entente et la Triple-Alliance n'avaient que de faibles stocks de grenades. Les troupes avaient donc temporairement improvisé des grenades, comme la Jam Tin Grenade (en) (une simple boîte de conserve remplie de poudre et dotée d'une mèche), ou des bâtonnets d'explosifs attachés à des manches en bois (pour augmenter la portée du jet). Elles furent remplacées lorsque des versions manufacturées virent le jour, comme la Mills Bomb britannique, la première grenade à fragmentation moderne.
La Mills Bomb (ou Bombe Mills) était une boîte en acier remplie d'explosif et dotée d'une épingle de sûreté, qui se distinguait des autres grenades par sa surface crantée. On pensait à l'époque que cette segmentation permettait à la grenade de se fragmenter, et ainsi augmenter sa dangerosité. Des recherches ultérieures démontrèrent que cette segmentation de la coque n'avait aucun effet significatif sur la fragmentation de la grenade10. La manière la plus efficace pour augmenter la fragmentation est de segmenter la coque à l'intérieur, mais à l'époque, la production de telles grenades aurait été trop onéreuse. La segmentation originale de la Mills Bomb fut conservée, puisqu'elle assurait une adhérence supérieure dans la main d'un soldat. Ce design « pin-and-pineapple » est encore utilisé sur certaines grenades modernes. En revanche, la grenade M67 à fragmentation américaine a une surface extérieure lisse, ce qui est plus approprié pour la faire rouler discrètement dans une pièce ou pour la lancer en arc (comme au baseball).
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Vue d'une grenade Mills No 5 éclatée. Première grenade à fragmentation moderne utilisée à partir de 1915. |
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A : Corps
B : Oreilles C : Goupille de sécurité D : Anneau de goupille E : Levier ou Cuillère F : Vis de fond G : Chambre d'expansion des gaz H : Ressort à boudin I : Percuteur J : Enclume K : Amorce L : Cordeau Bickford M : Détonateur
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Pour lancer les grenades plus loin, fut inventé la grenade à fusil. Pour ce faire, on utilisa des armes à feu modifiées, sur lesquelles on adapta la grenade au bout du canon, qui était alors propulsée par une cartouche de lancement sans balle, ou par une vraie munition (sur les modèles plus évolués). Les catapultes furent également employées, mais les petits mortiers prirent la relève. De nos jours, certaines armes automatiques comme la IMI Negev exploitent encore cette capacité. Toutefois, on utilise aujourd'hui majoritairement des lance-grenades.
En parallèle au développement de la Mills Bomb, les Allemands créèrent la Stielhandgranate (« grenade à main à manche »), constituée d'une charge explosive contenue dans une boîte métallique montée sur un manche en bois creux. Son manche lui permet d'augmenter sa distance de lancer de 15 %. Elle est armée par une amorce à friction, enclenchée par la traction par l'utilisateur d'une ficelle contenue dans le manche. Cette conception rustique continua d'évoluer durant les deux Guerres mondiales, et cette arme facilement reconnaissable devint une caractéristique du soldat allemand (contrairement à ce que l'on pourrait penser, il ne s'agit pas d'une grenade à percussion).
Le cocktail Molotov est une arme incendiaire artisanale, dont le composant principal est une bouteille en verre en partie remplie de liquide inflammable, habituellement de l'essence ou de l'alcool, déclenchée par une bande de tissu enflammé, lors de son éclatement contre la cible. Le « cocktail Molotov » reçu son nom durant la Guerre d'Hiver (1939-1940), mais il était déjà en service plus tôt dans la décennie. Les cocktail Molotov furent également produits en série dans des usines.
Caractéristiques
Les grenades à main partagent ces quatre caractéristiques :
- Leur distance d'utilisation est courte (environ 45 mètres maximum, dépend surtout de la force du lanceur) ;
- Leur rayon d'action est très faible (environ 20 mètres maximum) pour les grenades offensives et plus étendu (environ 200 mètres maximum) pour les grenades défensives ;
- Leur retard avant détonation est suffisamment long pour permettre un lancer sans danger ;
- Leur coque dure, en combinaison avec leur délai de détonation, permet à la grenade de ricocher sur les surfaces solides avant d'exploser.
Les grenades à main actives sont organisées d'un :
- Corps contenant ou étant en composé chimique ;
- Produit chimique qui est la substance active et détermine sa classification ;
- Allumeur qui permet la mise en œuvre.
Conception
Vue en coupe d'un bouchon allumeur Borstein, modèle 1935.
Les grenades sont avant tout des petites bombes. Elles ont différentes dimensions et formes, suivant leur but. La majeure partie est destinée à exploser, projeter du shrapnel (morceaux tranchants de la coque, fragments d'un serpentin d'acier serré, etc.), disperser une composition incendiaire ou libérer un gaz. Certaines grenades, comme les grenades fumigènes, se contentent de brûler ou de réagir chimiquement avec l'air, dégageant un épais nuage de fumée colorée pour masquer, marquer ou signaler.
Les grenades sont constituées d'une coque en métal ou en plastique (les premières grenades étaient en céramique) et renferment un produit qui dépend de leur utilisation. Sur les grenades actuelles, la coque est surmontée d'un bouchon allumeur, qui vient allumer une mèche lente située à l'intérieur de la grenade.
Le bouchon allumeur est une partie principale de la grenade, qu'il est nécessaire d'installer pour rendre l'engin opérationnel. Les bouchons allumeurs peuvent prendre plusieurs formes : par exemple, une pièce accueillant l'intégralité des mécanismes d'armement (voir ci-contre), ou sous la forme d'une vis à placer à l'intérieur de la grenade (voir Mills Bomb pour une explication plus détaillée). Les grenades et leurs bouchons allumeurs sont transportés séparément, par sécurité, et les soldats doivent les assembler eux-mêmes sur le terrain avant une opération.
Utilisation
Le bouchon allumeur d'une grenade à main possède un levier de déclenchement (aussi appelé cuillère) et une goupille de sécurité qui empêche le fonctionnement. Certains modèles de grenades possèdent une attache supplémentaire sur le levier pour plus de sécurité.
Pour utiliser une grenade, le soldat doit la serrer fermement dans la main, assurant ainsi que le levier sera maintenu en place par les doigts. L'anneau de la goupille de sécurité est alors saisi par l'index ou le majeur de l'autre main, et est retiré avec un mouvement de traction. La grenade peut alors être lancée contre la cible ; un lancer au-dessus de l'épaule est recommandé, mais peut ne pas être adapté à toutes les situations de combat.
Une fois la grenade lancée, le levier n'est plus maintenu en place. Le percuteur est bloqué par un verrou comprimant un ressort, ce verrou éjecte le levier et libère le percuteur, qui vient frapper l'amorce. L'amorce enflamme la composition retard, qui vient activer le détonateur pour faire exploser la charge principale. Tant que la cuillère est maintenue, la grenade peut être à tout moment regoupillée pour une utilisation ultérieure.
Lorsqu'une grenade anti-personnel est utilisée, l'objectif est qu'elle explose de telle manière à ce que la cible se trouve dans son rayon d'action. Par exemple, la grenade à fragmentation M67 (utilisée par plusieurs nations de l'OTAN) a un rayon mortel de 5 mètres et peut blesser dans un rayon d'environ 15 mètres. Le lanceur est conscient que certains fragments peuvent être envoyés jusqu'à 230 mètres.
Le « cooking off » est un terme qui décrit le choix intentionnel de garder une grenade armée en main (le levier a donc été retiré), dans le but de diminuer la durée de retard avant l'explosion. Cette technique est utilisée pour réduire la possibilité, pour l'ennemi, de se jeter à couvert ou de renvoyer la grenade. Elle est également utilisée pour faire exploser la grenade en l'air au-dessus de positions défensives[réf. nécessaire]. Cette technique est évidemment dangereuse à effectuer, puisque la durée des mèches lentes varie d'une grenade à l'autre. Pour cette raison, les Marines américains (MCWP 3-35) décrivent le cooking-off comme la « technique la moins appréciée », recommandant plutôt de lancer la grenade de plus loin ou de la faire ricocher/rebondir, pour empêcher un ennemi de la renvoyer11.
Les grenades sont souvent utilisées sur le champ de bataille pour monter des pièges de fortune, dans le but de tuer un ennemi lorsque celui-ci effectue une action prédéfinie (ouvrir une porte, démarrer une voiture, etc.). Ces pièges sont faciles à produire sur le champ de bataille avec le matériel disponible. Une technique basique consiste à coincer une grenade dans une petite cavité et à tendre un fil entre la goupille et un objet fixe. Lorsqu'une personne marche sur le fil, la grenade se dégoupille, le levier s'éjecte et la charge explose.
Les pièges et grenades abandonnés contribuent au problème grandissant des munitions non explosées. L'utilisation de pièges où un explosif détone en marchant sur un fil est condamné par le traité d'Ottawa (au même titre que les mines anti-personnel), et peut être assimilé à un crime de guerre partout où il est ratifié.
La République populaire de Chine, les États-Unis d'Amérique et la Russie n'ont pas signé ce traité, malgré les nombreuses pressions internationales, prétextant la nécessité de l'autodéfense. Les États-Unis sont cependant signataires du Protocole sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi des mines, pièges et autres dispositifs du . Ce protocole restreint l'utilisation des mines aux zones où la signalisation du minage est claire et les accès surveillés (pour limiter les pertes civiles). Toutefois, en signant ce protocole, les États-Unis ont fait en sorte que la définition du mot « mine » ne corresponde pas à la description du piège à grenade.
Les grenades classiques, comme la Mills Bomb, utilisaient de la poudre sans fumée et une coque en fonte, qui devait (en théorie) se fragmenter selon des points faibles prévus dans la conception de la forme. En réalité, le but de la forme de la grenade était d'offrir une meilleure adhérence dans la main du lanceur. En pratique, il fut révélé que la cannelure pratiquée sur la surface externe de la coque avait une incidence faible, voire nulle, dans la taille et la forme des fragments produits10.
Types de grenades
On distingue la grenade défensive de la grenade offensive. La première est plus destructrice car l'explosif est entouré d'un matériau qui se fragmentera à la détonation. Le rayon d'action de cette grenade atteint ou dépasse la distance de lancer maximal ; c'est pourquoi il est nécessaire de se mettre à couvert en la lançant, en se tenant dans une position défensive (d'où l'étymologie du nom).
La seconde est moins dangereuse et peut donc être employée à courte portée et sans bénéficier d'une bonne couverture. Les grenades dites « offensives » sont composées d'une fine enveloppe de métal ou de plastique et disposent d'une charge explosive plus importante (environ 90 g, contre 60 g pour une défensive française) ; en conséquence, elles produisent peu d'éclats mais génèrent un fort effet de souffle et un bruit assourdissant, ce qui annihile temporairement les défenses de l'adversaire et permet aux assaillants qui la lancent de passer à l'offensive immédiatement12.
Le terme anglais concussion, qui désigne la grenade offensive, est à prendre au sens de la surpression générée par la quantité importante d'explosif. Le sens médical (commotion cérébrale) ne décrit pas les effets de la grenade.
On qualifie de grenade spéciale toute grenade conçue pour un emploi précis. Il s'agit, entre autres, de grenade fumigène, incendiaire, lacrymogène, aveuglante et antichar.
Grenade à fragmentation
Le lancer d'une grenade défensive nécessite un couvert.
La grenade à fragmentation, ou « frag », est une arme anti-personnel conçue pour endommager ou détruire la cible à l'aide d'une projection d'éclats métalliques. La coque est faite en plastique dur ou en métal. Des fléchettes, un serpentin d'acier cranté, des billes de 3 mm, du shrapnel ou la coque elle-même produisent les fragments. Lorsque le mot « grenade » est utilisé sans qualificatif et que le contexte ne permet pas de déterminer son type, on suppose généralement qu'il s'agit d'une grenade à fragmentation.
Ces grenades sont dans la catégorie « défensive », car leur rayon d'action atteint ou dépasse la distance de lancer maximal. Pour lancer une telle grenade, il est nécessaire de pouvoir se mettre à couvert d'une façon ou d'une autre, pour éviter de recevoir des fragments (derrière un talus, une porte, un pan de mur, etc.). La Mills Bomb et la F-1 sont des exemples de grenades défensives.
Le nom « frag » a donné naissance au terme fragging, qui désigne le fait de tuer quelqu'un avec une grenade à fragmentation.
Grenade à surpression
Grenade à surpression russe
RGN.
La grenade à surpression est une arme anti-personnel conçue pour endommager la cible par sa simple explosion, ou pour intimider les adversaires. Comparé à la grenade à fragmentation, l'explosif est présent en quantité plus élevée. La coque est beaucoup plus fine et est conçue pour produire le moins de fragments possibles. La surpression de l'onde de choc produite par ce type de grenade dans un environnement confiné (bâtiment, bunker, etc.) est plus élevé que celui produit par une grenade à fragmentation, ce qui la rend plus efficace dans cette situation.
Ces grenades sont dans la catégorie « offensive », car à la différence des grenades défensives, leur rayon d'action n'atteint pas la distance de lancer. De plus, sur la plupart des grenades offensives, la durée de combustion de la mèche est plus longue. Une grenade offensive célèbre est la Stielhandgranate.
Grenade à percussion
Une grenade à percussion détone lors de son impact sur sa cible, peu importe l'angle avec lequel elle atterrit. Un exemple classique de ce type de grenades est la grenade gammon et la No. 69 grenade (en) britanniques.
Les grenades à retard sont généralement préférées aux grenades à percussion, car le mécanisme de mise à feu de ces dernières est moins fiable et moins robuste. Certaines grenades à percussion intègrent un système de mise à feu pyrotechnique de secours.
Ces grenades peuvent être soit offensives, soit défensives[réf. nécessaire].
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Grenade F1 Ml 1915 française, avec bouchon allumeur à percussion, modèle 1915.
Grenade fumigène
Grenade fumigène conventionnelle.
Les grenades fumigènes les plus communes sont des grenades de type cylindrique : le corps est en acier percé sur le dessus et le dessous pour permettre à la fumée de s'échapper.
Elles sont utilisées en tant que dispositif sol-sol ou air-sol de signalement (notamment pour les unités aériennes) ou de marquage (cible ou zone d'atterrissage). Cela permet de coordonner les manœuvres des différentes unités au sein d'une opération militaire. Les fumigènes peuvent également servir d'écran de fumée, pour obstruer les visée des soldats ou véhicules ennemis (pour faciliter la fuite ou provoquer une diversion).
Les grenades à fumée colorée sont constituées de 250 à 350 grammes d'une mixture chimique (principalement du chlorate de potassium KClO3, du lactose et une teinture). Ces grenades sont disponibles en rouge, vert, jaune, violet et blanc.
Les grenades à écran de fumée contiennent le plus souvent une mixture de fumée HC (Hexachloroéthane / Zinc) ou de fumée T (acide téréphtalique). La fumée HC est nocive pour le système respiratoire, puisqu'il contient de l'acide chlorhydrique. Bien que ce ne soit pas leur objectif primaire, ces grenades peuvent générer suffisamment de chaleur pour échauder ou brûler la peau non protégée, et la grenade ne devrait pas être ramassée avant qu'elle n'ait eu le temps de refroidir.
Des agents chimiques comme le phosphore blanc ont été également utilisés pour produire des grenades fumigènes. Bien que la fumée générée soit moins efficace que celles des fumigènes « classiques » en tant que couvert (le phosphore subit une montée et laisse des ouvertures dans le couvert fumigène), les grenades au phosphore blanc peuvent également être utilisées de manière incendiaire ou lacrymogène. Elles présentent l'inconvénient d'être relativement fragiles, ce qui provoque des accidents (par exemple en cas de choc, dans certains cas une chute suffit) car elles se consument en projetant jusqu'à environ 3 mètres des éclats de phosphore brûlants.
Grenade lacrymogène
Grenade lacrymogène conventionnelle.
Les grenades lacrymogènes, aussi appelées paralysantes sont en théorie rarement utilisées pour disperser de larges groupes, du fait du risque de causer une panique générale. Ces grenades sont surtout utilisées pour créer des barrières de gaz, dans le but de diriger le mouvement d'un large groupe de personnes, ou pour protéger des forces de l'ordre sur le point d'être submergées. Exceptionnellement, le gaz lacrymogène peut être utilisé pour disperser un groupe de personnes cernant un petit groupe de victimes, ledit groupe de personnes devenant à son tour une victime des gaz.
Bon nombre des grenades utilisées par la police explosent avec une force modérée mais néanmoins suffisante pour déchiqueter la main d'un individu tentant de la relancer. L'armée utilise des gaz présentant une concentration beaucoup plus forte que celle de la police.
Les grenades lacrymogènes ne sont pas souvent utilisées pour faire sortir une personne d'un abri, à cause du risque de suffocation des personnes enfermées dans des zones confinées. Malgré cela, les équipes du SWAT sont occasionnellement amenées à employer du gaz CS pour faciliter l'arrêt d'un suspect armé, notamment s'il n'y a personne à proximité. Le SWAT a le plus souvent recours à ce type d'intervention dans des zones où les suspects disposent d'une couverture importante, et où les autres types de diversion ne peuvent pas être employés.
Les grenades lacrymogènes sont similaires aux grenades fumigènes en termes de forme et de mode d'action. Cependant, dans les lacrymogènes, le produit chimique est composé de 80 à 120 grammes de gaz CS, en combinaison avec une composition pyrotechnique qui brûle pour générer un aérosol chargé en CS. Cela entraîne une intense irritation des yeux, ainsi que du nez et de la gorge si inhalé. Occasionnellement, du gaz CR est utilisé au lieu du CS.
Grenade incendiaire
Grenade incendiaire conventionnelle.
Les grenades incendiaires produisent une chaleur intense à l'aide d'une réaction chimique extrêmement exothermique.
Un composé chimique incendiaire largement utilisé depuis la Seconde Guerre mondiale est la thermite. Toutefois, en raison de la difficulté d'engager la réaction standard de la thermite, et du fait que celle-ci ne produit quasiment aucune flamme et ne possède qu'un faible rayon d'action, la thermite est généralement couplée à d'autres ingrédients permettant d'accroître son potentiel incendiaire.
La charge chimique de la plupart des grenades incendiaires est composée de 600 à 800 grammes de Thermate-TH3 (en) (68,7 % de thermite, 29,0 % de nitrate de baryum Ba(NO3)2, 2,0 % de Soufre et 0,3 % de liant), un mélange de thermite et d'additifs pyrotechniques qui se révèle supérieur à la thermite seule. L'addition de nitrate de baryum augmente la capacité de dégagement de chaleur, crée une flamme en brûlant et réduit significativement la température d'ignition du mélange.
Dans ce type de réaction, de l'aluminium métallique et de l'oxyde de fer réagissent pour donner du fer métallique et de l'oxyde d'aluminium. Cette réaction produit une formidable quantité de chaleur, atteignant les 2 200 degrés Celsius (4 000 degrés Fahrenheit). Une telle grenade est capable de faire fondre les métaux, ce qui la rend très utile pour détruire des caches d'armes, des pièces d'artillerie et des véhicules. Un autre avantage de la thermite est sa capacité à faire fondre les blindages métalliques de 12,7 mm d'épaisseur[réf. nécessaire], et de fonctionner sans apport d'oxygène (elle fonctionne donc également sous l'eau).
Le phosphore blanc (aussi utilisé dans certains fumigènes) peut également être utilisé comme agent incendiaire. Il brûle à une température de 2 800 °C (5 000 °F).
La Thermate-TH3 et le phosphore blanc sont la cause des plus graves et des plus douloureuses brûlures, car ils s'enflamment très rapidement et atteignent de très hautes températures. Une seule goutte de composé chimique liquide peut traverser la peau, les nerfs, les muscles et même les os. De surcroît, le phosphore blanc est très toxique : une dose de 50 à 100 mg est mortelle pour la majorité des humains.
Le protocole III additionnel à la Convention sur certaines armes classiques de l'ONU, signé en 1983, interdit son utilisation offensive, qui est considérée comme un crime de guerre14 mais en 2009 seuls 93 États l'ont ratifié15.
Grenade incapacitante
Grenade incapacitante (flashbang) M84.
Les grenades incapacitantes, aussi appelées Grenade à Saturation Sensorielle (GSS), NFDDs (Noise and Flash Diversionary Devices), flash & bang, flashbangs, flash grenades, voire plus rarement, flashcrashes, étaient à l'origine conçues pour le Special Air Service. Les grenades incapacitantes servent à embrouiller, désorienter, ou distraire une menace pendant quelques secondes (5 maximum). Une grenade incapacitante peut sérieusement affaiblir l'efficacité au combat des personnes touchées pour une minute. La grenade la plus célèbre est la M84 stun grenade, surtout connue sous l'appellation Flashbang, qui émet un flash aveuglant de 6 à 8 millions de Candelas et une impulsion sonore de 170 à 180 dB. Cette grenade peut être utilisée pour désorienter des personnes, généralement sans dommages physiques graves.
Les équipes du SWAT de la LAPD ont pour procédure d'employer les grenades incapacitantes lors de l'entrée dans un bâtiment, pour augmenter les chances de désorienter un suspect. La raison est simple : lorsqu'un suspect se trouve derrière une porte en train de s'ouvrir, toute son attention se focalise sur elle.
Le processus biologique qui permet la désorientation est assez simple à décrire :
- Le flash lumineux active momentanément toutes les cellules photosensibles de la rétine, rendant la vision impossible durant environ cinq secondes, le temps pour l'œil de restaurer la rétine dans son état initial (état de repos). Les sujets affectés par une grenade flashbang affirment n'apercevoir qu'une image fixe pendant les cinq secondes (comme si leur vision était en « pause »), jusqu'à ce que la vision leur revienne. Cela s'explique par le fait que les cellules qui se sont activées continuent d'envoyer la même information vers le cerveau jusqu'à ce qu'elles se rendorment, et que le cerveau interprète cette information continue comme une seule image.
- L'incroyable impulsion sonore émise par la grenade s'ajoute à cela, en perturbant le fluide des canaux semi-circulaires de l'oreille. Les canaux semi-circulaires sont en fait trois tubes en demi-cercles, chacun orientés dans un des trois plans de l'espace, et sont remplis avec un fluide. La surface interne de ces tubes est recouverte de cils vibratiles qui détectent les mouvements du fluide. Cela permet à la personne de savoir si elle est en mouvement et de s'équilibrer. Lorsqu'une grenade flashbang détone, la circulation du fluide des canaux semi-circulaires est perturbée, ce qui dérègle l'équilibre du sujet. Le phénomène est similaire à celui qui survient lorsque l'on tourne rapidement sur soi-même et que l'on s'arrête brutalement : la sensation que la pièce est en mouvement provient du mouvement du fluide dans l'oreille.
Après la détonation, la grenade reste entière et ne produit aucun fragment. La coque est un tube hexagonal en acier, troué sur les côtés pour permettre l'émission de la lumière et du son. Toutefois, des blessures causées par la propriété suppressive de la détonation peuvent se produire. Le produit chimique est composé de 4,5 grammes d'un mélange pyrotechnique de magnésium et de perchlorate d'ammonium NH4ClO4 (ou de perchlorate de potassium KClO4).
Grenade de désencerclement ou sting
Les grenades sting, ou grenades « Hornet's Nest » (« nid de frelons », surnom décrivant la douleur causée par la grenade), sont un autre type de grenades dites non-létales basé sur le fonctionnement de la grenade à fragmentation. Au lieu d'utiliser une coque en métal explosant en shrapnel, on utilise du caoutchouc dur. Lorsque la charge explose, des dizaines de petites billes en caoutchouc dur sont projetées dans toutes les directions, assommant ou faisant souffrir toute personne dans le rayon d'action. Ces grenades sont très utiles, car les sujets sont très souvent assommés ou quelquefois abasourdis. De très rares fois, les sujets abandonnent seulement leur couverture à cause de l'explosion et des projections de billes. La vision peut quelquefois être détériorée à cause d'un traumatisme mineur du cortex visuel situé à l'arrière de la tête, ou d'un impact direct sur l'œil.
Certaines grenades possèdent un chargement supplémentaire de gaz CS ou de gaz poivre.
Comparé à la grenade incapacitante, la grenade sting offre les avantages suivants :
- Les suspects qui se doutent de l'emploi d'une flashbang peuvent fermer les yeux et se boucher les oreilles. Mais ils ne peuvent rien contre une grenade sting.
- Le suspect n'a pas besoin d'être en train de regarder la grenade pour en être affecté.
- Les suspects ont de fortes chances de s'écrouler ou de se pencher sous l'effet de la douleur, ce qui permet de repérer rapidement les suspects qui n'ont pas été affectés.
Un inconvénient à l'utilisation d'une grenade sting est qu'elle ne réduira pas toujours les capacités de combat d'un suspect armé. En effet, la grenade sting a pour but d'assommer ou de faire souffrir un suspect plutôt que de le désorienter. Une personne suffisamment concentrée est capable de tirer même dans la douleur, tandis qu'une flashbang va physiquement perturber sa vision et son orientation. De plus, le rayon d'action d'une sting est plus court que celui d'une flashbang.
Blank Firing Impact Grenade
Un type de grenade récent est la Blank Firing Impact Grenade (BFIG), une grenade à blanc qui explose à l'impact. Elle est très appréciée dans les sessions d'entraînement, car est réutilisable et sans-danger. La BFIG contient un mécanisme qui tire une cartouche à blanc lorsqu'elle rencontre une surface dure, quel que soit l'angle d'impact16.
Grenade antichar
Grenade magnétique allemande.
Les premières grenades anti-tanks (abrégé AT) étaient des engins improvisés par l'infanterie, généralement conçus en rassemblant plusieurs grenades offensives dans un même sac ou en les ficelant ensemble. À cause de leur poids, ces engins devaient être utilisées à une distance très courte de leur objectif, être posées sur le chemin des chars ou directement placés sur les points vulnérables. Pendant la première guerre mondiale, les allemands fixaient parfois plusieurs têtes de grenades autour d'une grenade à manche « presse purée », pour regrouper 4 à 6 charges explosives au bout d'un manche unique[réf. nécessaire].
Depuis, les grenades AT reposent toutes sur le principe de la charge creuse pour perforer le blindage. Cela signifie que la grenade doit toucher la surface du véhicule visé avec sa partie avant, selon un angle le plus proche possible de la perpendiculaire. À cet effet, de nombreux mécanismes différents ont été adoptés :
- déploiement d'un parachute après le lancer de la grenade, pour la faire tomber à la verticale (peu précis) ;
- empennage de la grenade, pour le même effet ;
- grenades recouvertes de colle, pour rester fixées sur le blindage (risqué, car l'engin pouvait se coller au soldat s'il le manipulait mal) ;
- grenades magnétiques, que le soldat devait placer sur le char en se rapprochant à son contact (dangereux) ;
- grenades lancées depuis un fusil (telle la No 68 AT Grenade britannique).
Un exemple de grenade collante est la No. 74 ST britannique, aussi connue sous le nom de Sticky bomb ; la charge principale était contenue dans une sphère en verre recouverte d'une résine adhésive. En anticipation d'une invasion allemande, cette grenade fut produite en grande quantité. Elle fut reléguée à la Home Guard en raison de sa dangerosité (elle pouvait se coller à l'utilisateur).
Les grenades AT les plus largement utilisées dans le monde sont les RKG-3 russes des années 1950 (qui ont remplacé la série de grenades RPG-43, RPG-40 et RPG-6. Toutefois, du fait des améliorations dans le blindage des tanks modernes, les grenades à main antichar sont aujourd'hui admises comme étant obsolètes. Les lance-roquettes portables ont pris la relève, certains pouvant tirer jusqu'à plus de 500 mètres (contre 45 mètres pour une grenade à main AT).
Notes et références
- (en) Patrick Stephens, China: Land of Discovery and Invention, Royaume-Uni, Robert Temple, . Aujourd'hui ré-édité sous le titre The Genius of China.
- Needham 1995, vol. 5, partie 6 : Chemistry and chemical technology; Military technology: missiles and sieges
- Site lepoint.fr, article "Des grenades explosives utilisées au temps des croisades ?" [archive], consulté le 9 juillet 2022.
- Site timesofisrael.com, article de Sue Surkes "Une grenade de l’ère des croisades retrouvée dans le centre d’Israël" [archive], consulté le 9 juillet 2022.
- Needham 1995, vol. 5, partie 7, p.179.
- Needham 1995, vol. 5, p. 264. :
« The shells (phao) are made of cast iron, as large as a bowl and shaped like a ball. Inside they contain half a pound of 'magic' gunpowder (shen huo). They are sent flying towards the enemy camp from an eruptor (mu phao); and when they get there a sound like a thunder-clap is heard, and flashes of light appear. If ten of these shells are fired successfully into the enemy camp, the whole place will be set ablaze... »
- Needham 1995, vol. 5, partie 7, p. 179-180.
- (en) Auslan Cramb, « Battlefield gives up 1689 hand grenade » [archive], sur www.telegraph.co.uk, The Daily Telegraph, (consulté le ).
- (en) Lettres du colonel Hugh Robert Hibbert (1828-1895) à sa sœur, lettre Camp before Sebastopol [archive], ref. DHB/55, 21 avril 1855, Archives nationales du Royaume-Uni. Citation :
« We have a new invention to annoy our friends in their pits. It consists in filling empty soda water bottles full of powder, old twisted nails and any other sharp or cutting thing we can find at the time, sticking a bit of tow in for a fuse then lighting it and throwing it quickly into our neighbors pit where it bursts, to their great annoyance. You may imagine their rage at seeing a soda water bottle come tumbling into a hole full of men with a little fuse burning away as proud as a real shell exploding and burying itself into soft parts of the flesh. »
- (en) Ian Vernon Hogg, The Encyclopedia of Infantry Weapons of World War II, Book Value International, , 159 p. (ISBN 0-89196-099-6)
- « the US Marines (MCWP 3-35) describe cooking-off as the "least preferred technique", recommending a "hard throw, skip/bounce technique" to prevent an enemy returning a grenade », en:Hand grenade#Using grenades
- Encyclopædia universalis, Encyclopædia Universalis France, , p. 453.
- Christophe Fombaron, « Les grenades et mortiers à tir courbe » [archive] (consulté le ).
- (fr) Convention du 10 octobre 1980 sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination, Protocole III, article 1, [PDF]lire en ligne [archive]
- (fr) Comité international de la Croix-Rouge, Liste des États signataires [archive]
Annexes
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Bibliographie
Articles connexes
Liens externes