L’humour, au sens large, est une forme d'esprit railleuse « qui s'attache à souligner le caractère comique, ridicule, absurde ou insolite de certains aspects de la réalité, dans le but de faire rire ou de divertir un public. »1.
L'humour est un état d'esprit, une manière d'utiliser le langage, un moyen d’expression. L’humour peut être employé dans différents buts et peut, par exemple, se révéler pédagogique ou militant. Sa forme, plus que sa définition, est diversement appréciée d'une culture à l'autre, d'une région à une autre, d'un point de vue à un autre, à tel point que ce qui est considéré par certains comme de l'humour peut être considéré par d'autres comme une méchante moquerie, une insulte ou un blasphème. Toutefois, rire est bon pour la santé.
L'humour permet aux humains de prendre du recul sur ce qu'ils vivent, comme le remarque Joseph Klatzmann dans son ouvrage L'Humour juif2 en souhaitant « rire pour ne pas pleurer ». Beaumarchais écrivit « Je me presse de rire de tout de peur d'être obligé d'en pleurer »3. Plus pessimiste, Nietzsche affirme « L'homme souffre si profondément qu'il a dû inventer le rire », se rapprochant du cynisme. De même, pour Fred Kassak, grand maître du roman noir humoristique, « l'humour [...] est une tonalité de l'ironie »4.
Le mot humour provient de l'anglais humour, lui-même emprunté du français « humeur »5. L'humeur, du latin humor (liquide), désignait initialement les fluides corporels (sang, bile…) pensés comme influençant sur le comportement. L'humour a ainsi longtemps été associé à la théorie des humeurs avant d'être relié à l'histoire de la subjectivité à l'âge moderne et contemporain6.
Vers 1760, les Anglais utilisent le terme humour dans le sens « tempérament enjoué, gaîté, aptitude à voir ou à faire voir le comique des choses » pour se vanter de posséder un certain état d'esprit actuellement nommé humour anglais. À la même époque, le sens du mot français « humeur » suit une évolution semblable5. Les "humeurs" et l'"humour" lubrifient la vie.
Le mot « humour » est attesté pour la première fois en français au xviiie siècle, entré en France grâce aux liens qu'entretenaient les penseurs des Lumières avec les philosophes britanniques. La plus perdue de toutes les journées est celle où l'on n'a pas ri. Nicolas de Chamfort
À la fin du xixe siècle, quand les auteurs français s'interrogeaient encore sur le sens exact de l'humour anglais, Félix Fénéon définissait ainsi celui de Mark Twain :
« L'humour est caractérisé par une énorme facétie (émergeant parfois d'une observation triste) — contée avec la plus stricte imperturbabilité, avec toutefois un dédain très marqué de l'opinion du lecteur ; ses moyens favoris sont le grossissement forcené de certaines particularités, — l'inopinée jonction de deux très distantes idées par l'opération d'un calembour ou par un jeu de perspective littéraire, — l'accumulation patiente de détails allant crescendo dans le baroque, mais déduits avec une logique rigoureuse et décevante7. »
Pour Henri Bergson, le rire est avant tout proprement humain : un objet ou un animal font rire uniquement quand ils ont une expression ou une attitude humaine8.
Avoir le sens de l'humour, ou simplement avoir de l'humour, c'est mettre les difficultés de la vie à distance, les atténuer par un mot d'esprit. Cette forme d'indifférence a été décrite par Joseph Addison en distinguant le vrai du faux humour : « De même que le vrai humour a l'air sérieux tandis que le monde rit autour de lui, le faux humour rit tout le temps tandis que le monde a l'air sérieux autour de lui »9,10.
« Tout fait humoristique est un acte de discours qui s’inscrit dans une situation de communication. Mais il ne constitue pas à lui seul la totalité de la situation de communication. À preuve qu’il peut apparaître dans diverses situations dont le contrat est variable : publicitaire, politique, médiatique, conversationnel, etc. Il est plutôt une certaine manière de dire à l’intérieur de ces diverses situations, un acte d’énonciation à des fins de stratégie pour faire de son interlocuteur un complice », ou une victime s'il le blesse. « Comme tout acte de langage, l’acte humoristique est la résultante du jeu qui s’établit entre les partenaires de la situation de communication et les protagonistes de la situation d’énonciation11 ».
« L’acte humoristique comme acte d’énonciation met en scène trois protagonistes : le locuteur, le destinataire et la cible ». Cette dernière « peut être une personne (individu ou groupe), en position de troisième protagoniste de la scène humoristique, dont on met à mal le comportement psychologique ou social en soulignant les défauts ou les illogismes dans ses manières d’être et de faire au regard d’un jugement social de normalité (Freud ici parle de « victime »), comme on le voit dans les caricatures de presse qui mettent en scène des hommes politiques ; cela peut également être une situation créée par les hasards de la nature ou les circonstances de la vie en société dont on souligne le caractère absurde ou dérisoire, comme cela apparaît dans certains titres de faits divers (« Cambriolé trois fois, il met le feu à sa maison ») ; cela peut aussi être une idée, opinion ou croyance, dont on montre les contradictions, voire le non-sens. C’est par l’intermédiaire de la cible que l’acte humoristique met en cause des visions normées du monde en procédant à des dédoublements, des disjonctions, des discordances, des dissociations dans l’ordre des choses12 ».
Dans son sens strict, l’humour est une nuance du registre comique qui vise « à attirer l’attention, avec détachement, sur les aspects plaisants ou insolites de la réalité »5,13. Toutefois, dans le langage courant, le sens du terme s'est élargi pour désigner le comique, c'est-à-dire l'ensemble des procédés visant à susciter le rire ou le sourire14,15.
L'humour est indissociable du comique, c'est-à-dire de « ce qui est propre à faire rire » ; le comique est, parmi les tonalités littéraires, ce qui permet l'humour ; il en existe principalement 6 formes (situation, mots, gestes, caractère, mœurs, répétition). En sorte, l'humour utilise nécessairement une forme de comique, mais toute manifestation comique n'est pas forcément humoristique.
Auparavant, il était question de trait d'esprit dans le domaine littéraire. Le trait d'esprit se définissait plus comme une forme d'ironie acide et pince-sans-rire, constaté chez des auteurs du siècle des Lumières comme Voltaire, Diderot ou Crébillon fils. Sigmund Freud a étudié le trait d'esprit (Witz) dans Le mot d'esprit et sa relation à l'inconscient (1905). L'humour pratiqué par les Britanniques se révélait cependant plus proche d'une forme de regard absurde et détaché sur les événements, sans forcément conduire à la malveillance vers laquelle tendait souvent l'esprit français.
Pour Paul Reboux (1877-1963), l'humour consiste tout simplement à « traiter à la légère les choses graves, et gravement les choses légères ».
Certaines[Lesquelles ?] formes d'humour peuvent utiliser l'ironie ou le sarcasme.
Ainsi, l'humour reste-t-il une notion floue, à la croisée d’autres concepts proches tels que le comique, le trait d'esprit, l’ironie ou le burlesque.
Les apparitions les plus connues de l'humour se font dans les histoires amusantes, qualifiées de « drôles », désignées fréquemment sous le vocable de blagues. Il se manifeste cependant de manières très diverses et n'est pas toujours explicite (c'est le cas de l'ironie, de la pointe, de la remarque pince-sans-rire) ; des gestes même peuvent être comiques. Si l'humour est toujours volontaire, un individu peut être comique sans le vouloir. L'humour apparaît aussi sous forme de bande dessinée (pour adultes ou jeune public).
Il existe dans Wikipédia une catégorie « Forme d'humour ».
L’humour a pour but de souligner le caractère comique, ridicule, absurde ou insolite de certains aspects de la réalité.
Victor Hugo caricaturé par Honoré Daumier dans Le Charivari du .
Aussi, l’humour peut revêtir de nombreuses formes différentes et il est très difficile de dresser une liste exhaustive des formes d’humour. Toutefois, on peut faire le classement suivant :
- le registre comique : ensemble d’éléments propres à distraire et à amuser un public :
- il existe différentes formes de comique : le comique de situation, de langage, de gestes, de répétition, de caractère.
- il existe également plusieurs procédés de comique : ce sont les effets comiques ;
- le registre satirique : c’est une critique moqueuse, plus ou moins virulente d’une personne ou d’un événement (voir : « Satire, droit à la satire : de quoi parle-t-on ? ») :
- la parodie : c’est une imitation moqueuse qui peut prendre une forme burlesque ou héroï-comique,
- l’ironie / Le sarcasme : c’est une figure de style où l’on dit le contraire de ce qu’on veut faire entendre (Exemple : « « Tu fais encore un petit peu plus de bazar ? » dit par une mère qui souhaite que son enfant range sa chambre. ») ;
- la caricature : c’est un dessin ou un texte qui exagère certains traits, dans des genres comique ou satirique ;
- l’exagération : c’est amplifier volontairement des événements, des faits, etc. dans le but de faire rire.
L'humour noir est une forme d'humour qui s'appuie sur des éléments tristes ou désagréables et les tourne en dérision et « rire jaune » un rire forcé et amer. De fait, l'humour n'est pas nécessairement lié à la joie et au bonheur
L'humour pince-sans-rire est une forme particulière d'humour, caractérisée notamment par l'air sérieux de la personne qui en fait preuve.
L’humour d'observation est une forme d'humour se basant sur la caricature de situations du quotidien. C'est la forme d'humour la plus répandue dans le domaine du one-man-show, particulièrement dans le stand-up.
Photographie comique représentant deux garçons sur une plage. L'un d'eux est enterré dans le sable tandis que l'autre, debout, se penche tout en tenant la tête du premier
(il ne s'agit pas d'un montage).
Les photographes français René Maltête et Robert Doisneau ont beaucoup donné dans le genre.
Life magazine a publié pendant plusieurs années des photographies humoristiques de ses lecteurs.
L'étude de l'humour et ses effets (gélotologie) entre dans le champ disciplinaire de la psychologie, de la philosophie, de la linguistique, de la sociologie, de l'histoire, de la littérature et de la médecine.
Les origines et les fonctions du rire engendré par l'humour sont difficiles à cerner mais il est reconnu depuis l'Antiquité comme ayant une fonction cathartique.
Pour certains éthologues[Qui ?]16, le rire, constaté chez certaines races de singes, est avant tout le rictus, c'est-à-dire un soulèvement des lèvres afin de montrer les dents ; il pourrait donc être une forme de violence détournée, une inclination à l'agression résumée en une grimace. Vu sous cet angle, l'humour permettrait d'évacuer cette violence, née de la frustration et de la souffrance associées à la fonction cathartique. Le lien avec une sensation de malaise peut se vérifier si la gêne est ressentie par l'auditoire et l'orateur lorsque celui-ci rate un trait d'esprit et ne parvient pas à faire sourire.
L'humour est aussi souvent un moyen pour un groupe ou une personne soumis à de fortes pressions sociales ou à de fortes contraintes de s'en échapper. L'exemple le plus frappant en est sans doute l'humour juif.
Il est empiriquement reconnu que l'humour et son effet direct, le rire, a des effets positifs sur la santé. La science contemporaine a découvert que l'humour et le rire participaient, entre autres, à la décontraction des muscles, à la réduction des hormones de stress, à l'amélioration du système immunitaire, à la réduction de la douleur17.
L'humour est également un outil à part entière de l'hypnose ericksonienne. Il permet au thérapeute une communication à plusieurs niveaux : au-delà du sens premier perçu consciemment, une seconde possibilité, voire un champ de possibilités peut être perçu inconsciemment18, et donc envisagé. Mettant sur la voie du changement, l'humour génère ainsi du recadrage.
L'humour peut se révéler être un outil intéressant pour l'enseignement19. Des études ont montré que l'utilisation de l'humour, accompagné d'analogies et de métaphores, permet de mieux mémoriser l'information20,21.
On ne saurait enfin, bien sûr, passer sous silence son rôle en philosophie, à la fois proche et distinct de celui de l’ironie. Sans même remonter à Hippocrate et surtout aux cyniques grecs, il faudrait se référer à Soeren Kierkegaard. À sa suite, Henri Bergson et Vladimir Jankelevitch ont critiqué l'esprit de sérieux (mais non le sérieux lui-même) dont se couvrent parfois les penseurs22.
Freud traite le sujet de « l'humour » au cours de son ouvrage sur Le trait d'esprit et sa relation à l'inconscient (1905) dans le cadre théorique de la première topique et dans un bref texte plus tardif intitulé « L'humour » (1927) dans le cadre de la seconde topique.
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- ↑ M.Politzer (avec Hugues Lethierry) est intervenu à ce sujet au séminaire du CHSPM de l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (dirigé par Jean Salem) le 14 mars 2014, sur l'humour et l'ironie chez Politzer et Lefebvre.
Sur les autres projets Wikimedia :
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Couverture du journal
Les Petits bonshommes (
1er avril 1913).
Une blague, aussi nommée histoire drôle ou gag, est une mise en scène sous forme d'histoire ou de devinette, généralement assez courte, qui déclenche le rire.
La blague se décline par sa forme simple en jeux de mots et calembours, devinettes, contrepèteries, etc.
Définitions du
Dictionnaire du bas-langage de Charles-Louis D'Hautel (1808).
La blague a été largement précédée par la notion de farce, elle est apparue dans les dictionnaires en 1809 et dans celui de l'Académie française en 1842. Elle tire son nom de la blague à tabac1. Ce sont les mots « blagueur » et « blaguer » qui viennent en premier, en 1808, au sens péjoratif de « hâbleur » ou de « plaisantin » ; ce sens figuré est dérivé de la racine étymologique germanique balgi-z signifiant « sac » ou « chose gonflée », entrée dans le français sous la forme blaque (étui à tabac), avant de devenir la source de plusieurs locutions courantes au cours du xixe siècle, telles que « blague à part » ou « sans blague ! », par évolution sémantique de la blague à tabac glonflée qui fait illusion2.
La blague envahit alors les journaux, les caricatures et la littérature1. Le roman Les Employés ou la Femme supérieure d'Honoré de Balzac (1838) témoigne de sa diffusion dans le langage des employés parisiens2. Honoré est même surnommé « Blaguezac » par George Dairnvaell3,4. Les frères Goncourt surnomment aussi un de leurs personnages La Blague dans Manette Salomon (1867)1.
Le mot « blague » qui dérive même en « blagomane », prend de nombreux sens en partant de mensonge ou hâblerie, il passe à plaisanterie, causerie ordinaire, habileté oratoire ou encore œuvre littéraire sans valeur5.
Issue de la farce théâtrale et de la farce au sens de canular, qui sont des histoires jouées pour faire rire souvent aux dépens de quelqu'un, la blague est simplement racontée : c'est une histoire drôle.
Selon Paul McDonald (en) qui a recherché avec son équipe les plus vieilles blagues du monde et publié dix d'entre elles pour l'université de Wolverhampton, la plus ancienne date de 1 900 ans avant notre ère et a été trouvée dans des textes sumériens : « ça n'était pas arrivé depuis la nuit des temps : une jeune femme s'est retenue de péter sur les genoux de son mari »6,7.
L'utilisation du mot « blague » dans ce sens serait née sous Napoléon Ier dans le cercle militaire8. C'est le personnage imaginaire Robert Macaire qui représente le blagueur type au xixe siècle9 ; le drame burlesque qui porte son nom popularise la réplique de Macaire au baron de Wormspire : « Mon beau-père, vous n'êtes qu'un vieux blagueur »10.
Une blague qui a traversé le xixe siècle est celle du portier chauve rendu fou parce qu'on lui demandait sans arrêt une mèche de cheveux. Apparue en 1821 dans Le véritable Catéchisme poissard ou l'Art de s'engueuler dévoilé par M. Blague-en-main et Mme Gotot, elle est reprise maintes fois dans la presse et la littérature : Balzac en 1837 (Les Martyrs ignorés), James Rousseau en 1841 (Physiologie de la portière), Eugène Sue en 1843 (Les Mystères de Paris), ou encore Alexandre Dumas en 1861 (Les morts vont vite)11. Une pièce sur ce thème a même été créée au théâtre des Variétés en 1837 : Portier, je veux de tes cheveux !, par MM. Cogniard, Deslandes et Didier.
James Rousseau la décrit ainsi : « Le jeune homme se présente fort poliment et en ôtant son chapeau ; le portier rentre dans sa niche pour recevoir cet honnête visiteur, et celui-ci, avec le plus grand sérieux du monde, lui dit : Portier, donne-moi de tes cheveux ou dix sous ! [...] Le jeune homme se sauva alors en riant comme un fou, et, au lieu de rentrer chez lui, alla chez un de ses amis, peintre célèbre, auquel il raconta sa scène avec le portier »12.
Une blague est une petite histoire dont le seul but est de faire rire par une chute inattendue13.
Un des premiers théoriciens de la blague, Arthur Schopenhauer, explique son mécanisme par la collision d'un concept abstrait avec sa représentation intuitive, en désaccord14. Henri Bergson définit trois procédés de fabrication : l'inversion, la répétition et l'interférence des séries15. Marcel Pagnol ajoute plus simplement : « Voici maintenant une autre vérité qui est la grande découverte de Bergson, et la marque de son génie : l'homme ne rit que de l'homme, ou d'un animal qui voudrait ressembler à un homme, ou d'un objet qui a une forme humaine »16.
L'histoire drôle a une grande dimension sociale : elle doit être partagée, elle peut se raconter entre amis ou collègues, elle permet d'être apprécié17. La manière dont l'histoire est racontée est tout aussi importante que son contenu, son effet humoristique dépend beaucoup des qualités du conteur18. Il est même possible que la narration de l'histoire soit plus drôle que l'histoire elle-même : Coluche, avec son premier sketch C'est l'histoire d'un mec..., fait rire son public sans raconter aucune histoire19.
Ceci étant, les blagues peuvent aussi être écrites et publiées sous forme de livres. Leur présentation n'est pas la même, les blagues écrites devraient être rédigées plus soigneusement et être plus brèves que si elles sont racontées20. Bernard Werber a écrit sur ce sujet une sorte de roman policier, et en même temps philosophique (qui, de surcroit, paraphrase la franc-maçonnerie) Le rire du Cyclope21. Internet pullule de sites de blagues qui ne respectent pas toujours ces principes.
La blague se définit comme un « humour de l'instant », elle est très souvent courte22. Elle peut se décliner en de nombreuses formes : devinette, jeux de mots, contrepèteries, farces, bourdes, etc23.
Le « jeu des combles » est un cas particulier de devinettes, c'est un jeu d'esprit répandu en France vers la fin du xixe et au xxe siècle, consistant à poser une question demandant l’indication d'un comble ; par exemple : « Quel est le comble pour le teinturier ? C’est de mourir à la tâche »24.
Les comiques insultants (en anglais insult comics), qui insultent les personnes connues et surtout le public lui-même, utilisent aussi l'inconvenance. Aristide Bruant et les chansonniers du Chat noir étaient de tels comiques. Ce type d'humour est encore très utilisé aux USA, où lors de remises de récompenses, un comique insultant peut insulter une vedette, en faisant rire le public, sans qu'elle ne se sente offusquée.[réf. souhaitée]
De nombreuses blagues s'appuient sur un type de personnages brocardés : les deux Marseillais Marius et Olive, les blondes, les Belges pour les Français, les Français pour les Belges, les Irlandais pour les Anglais, les Libyens pour les Tunisiens, les Newfies pour les Canadiens, les Rednecks pour les Américains, les Brésiliens pour les Argentins, etc. Des blagues visant un groupe ethnique particulier peuvent, à l'occasion, être considérées comme racistes25.
Dans sa nouvelle de science-fiction Le Plaisantin26, initialement publiée en 1956 sous le titre Jokester, Isaac Asimov développe l'idée que le sens de l'humour et un stock de blagues originel ont été implantés chez les humains par des extra-terrestres afin d'étudier leur psychologie. L'un des arguments est le fait avéré que certaines blagues se sont transmises, inchangées dans leur structure, depuis des millénaires.
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Sur les autres projets Wikimedia :
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- Luc de Brabandere, Petite Philosophie des histoires drôles, Paris, Eyrolles, , 94 p. (ISBN 978-2-212-53879-3).
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- Marcel Pagnol, Notes sur le Rire, .
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- Nathalie Preiss, « De « POUFF » à « PSCHITT » ! — De la blague et de la caricature politique sous la Monarchie de Juillet et après... », Romantisme, vol. 32, no 116, , p. 5-17 (lire en ligne [archive], consulté le ).
- Nathalie Preiss, Pour de rire ! La blague au xixe siècle : ou la représentation en question, Paris, Presses Universitaires de France, coll. « Perspectives littéraires », , 180 p. (ISBN 2-13-052586-5).
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Une énigme est une assertion, une phrase ou une question possédant une signification cachée, et mise sous la forme d'une devinette à résoudre. Elles sont de deux types : les énigmes à proprement parler, qui sont des problèmes généralement exprimées dans un langage métaphorique ou allégorique requérant de l'ingéniosité et une réflexion prudente afin de trouver la solution, et les conundra, qui sont des questions appuyant leur effet sur un calembour dans la question ou la réponse.
D'après le Dictionnaire de l'Académie française, une énigme est la « description, exposition d'une chose naturelle en termes qui la déguisent, et qui la rendent difficile à deviner. »1
Le mot semble provenir du latin aenigma, nom commun irrégulier originaire du grec αἴνιγμα désignant ce qu'on laisse entendre, mettant par là en exergue l'importance d'un sens caché pour obtenir une énigme.
Dans la mythologie grecque, il est raconté qu'à Thèbes, le Sphinx se trouvait à l'extérieur de la ville et empêchait quiconque d'y pénétrer, à moins qu'il sût répondre correctement à son énigme, aujourd'hui fameuse : « quel être a quatre pattes le matin, deux le midi et trois le soir ? ».
Ce fut Œdipe, fuyant Corinthe et souhaitant rentrer dans Thèbes, qui résolut l'énigme en répondant l'Homme, car il marche à quatre pattes enfant, sur ses deux jambes ensuite, pour en vieillissant commencer à se servir d'une canne. Les Thébains furent ainsi débarrassés du Sphinx.
Pour résoudre cette énigme, il faut donc réussir à comprendre ce que signifient les termes. Le matin, le midi et le soir désignent non pas des moments de la journée mais des étapes de la vie et l'être désigné ne perd ou ne gagne pas de membres, il va juste s'appuyer sur certains ou sur d'autres au cours de sa vie.
Il peut s'agir d'un paradoxe, comme dans l'énigme du dollar manquant, ou d'un jeu mathématique comme dans l'énigme des trois maisons.
Dans les écritures saintes, une énigme est souvent prise pour une chose mystique et cachée2.
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