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Catégorie : Technologies
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EXPRESSION - ON NE DIT PAS JE VAIS FAIRE CACA AU WC MAIS JE VAIS COULER MON BRONZE OU FABRIQUER DU CUIVRE ou J'ai laisser une trace de frainage = j'ai fabriquer un pneu

Cuivre

 
 
 
 
Cuivre
Image illustrative de l’article Cuivre
Cuivre natif
 
NickelCuivreZinc
  Structure cristalline cubique  
 
29
Cu
 
                             
 
   
Cu
Ag
Tableau completTableau étendu
Position dans le tableau périodique
Symbole Cu
Nom Cuivre
Numéro atomique 29
Groupe 11
Période 4e période
Bloc Bloc d
Famille d'éléments Métal de transition
Configuration électronique [Ar] 3d10 4s1
Électrons par niveau d’énergie 2, 8, 18, 1
Propriétés atomiques de l'élément
Masse atomique 63,546 ± 0,003 u1
Rayon atomique (calc) 135 pm (145 pm)
Rayon de covalence 132 ± 4 pm2
Rayon de van der Waals 140 pm
État d’oxydation 2, 1
Électronégativité (Pauling) 1,9
Oxyde Faiblement basique
Énergies d’ionisation1
 
1re : 7,726 38 eV 2e : 20,292 4 eV
3e : 36,841 eV 4e : 57,38 eV
5e : 79,8 eV 6e : 103 eV
7e : 139 eV 8e : 166 eV
9e : 199 eV 10e : 232 eV
11e : 265,3 eV 12e : 369 eV
13e : 401 eV 14e : 435 eV
15e : 484 eV 16e : 520 eV
17e : 557 eV 18e : 633 eV
19e : 670,588 eV 20e : 1 697 eV
21e : 1 804 eV 22e : 1 916 eV
23e : 2 060 eV 24e : 2 182 eV
25e : 2 308 eV 26e : 2 478 eV
27e : 2 587,5 eV 28e : 11 062,38 eV
29e : 11 567,617 eV
Isotopes les plus stables
 
IsoANPériodeMDEdPD
MeV
63Cu 69,17 % stable avec 34 neutrons
64Cu {syn.} 12,70 h ~42,7% ε
~38,9% β-
~17,9% β+
~0,5% γ/CI
1,675
0,578
0,653
1,354
64Ni
64Zn
64Ni
64Cu
65Cu 30,83 % stable avec 36 neutrons
67Cu {syn.} 2,58 h β- 0,6 67Zn
Propriétés physiques du corps simple
État ordinaire Solide
Masse volumique 8,96 g·cm-3 (20 °C)1
Système cristallin Cubique à faces centrées
Dureté (Mohs) 3
Couleur Rouge brun
Point de fusion 1 084,62 °C (congélation)3
Point d’ébullition 2 562 °C1
Énergie de fusion 13,05 kJ·mol-1
Énergie de vaporisation 300,3 kJ·mol-1
Volume molaire 7,11×10-6 m3·mol-1
Pression de vapeur 0,050 5 Pa à 1 084,45 °C
Vitesse du son 3 570 m·s-1 à 20 °C
Chaleur massique 380 J·kg-1·K-1
Conductivité électrique 59,6×106 S·m-1
Conductivité thermique 401 W·m-1·K-1
Solubilité sol. dans HNO3,

HCl + H2O2,
H2SO4 dilué + ions Hg (II)5,
NH4OH + H2O26

Divers
No CAS 7440-50-8
No ECHA 100.028.326
No CE 231-159-6
Précautions
SIMDUT7

Produit non contrôlé

Unités du SI & CNTP, sauf indication contraire.

Le cuivre est l'élément chimique de numéro atomique 29, de symbole Cu. Le corps simple cuivre est un métal.

Généralités et corps simple

Le cuivre est un élément du groupe 11, de la période 4, un élément du bloc d métal de transition chalcophile.

Dans le tableau périodique des éléments, le cuivre est de la même famille que l'argent et l'or, parce que tous possèdent une orbitale s occupée par un seul électron sur des sous-couches p et d totalement remplies, ce qui permet la formation de liaisons métalliques (configuration électronique Ar 3d10 4s1). Les trois métaux de ce « groupe du cuivre » ont un caractère de noblesse et de rareté accru, du cuivre semi-noble à l'or véritablement noble, le premier caractère s'expliquant par leur rayon atomique faible et leur compacité d'empilement atomique, leur potentiel d'ionisation plus important à cause des sous-couches d, leur point de fusion relativement élevé et leur faible réactivité ou relative inertie chimiquea.

Naturellement présent dans la croûte terrestre, le cuivre (à faible dose) est essentiel au développement de toute forme de vie. Il est majoritairement utilisé par l'Homme sous forme de métal. Le cuivre pur est un des seuls métaux colorés avec l'or et le césium. Il présente sur ses surfaces fraîches une teinte ou un éclat métallique rose saumon : ce « métal rouge » apprécié en orfèvrerie et en bijouterie, par exemple comme support de pièces émaillés ou émaux rares, était dédié à la déesse de la beauté Aphrodite et aux artistes. On le désigne parfois sous le nom de cuivre rouge par opposition aux laitons (alliages de cuivre et de zinc) improprement nommés « cuivre jaune ». Métal ductile, il possède des conductivités électrique et thermique particulièrement élevées qui lui confèrent des usages variés. Il intervient également comme matériau de construction et entre dans la composition de nombreux alliages, les cupro-alliages.

Le cuivre, aujourd'hui métal usuel, est le plus ancien métal utilisé par l’Homme8. Le point de fusion n'est pas trop élevé, et la facilité de réduction de l'oxyde de cuivre, souvent par un simple feu de bois, est remarquable.

Les plus anciennes traces de fusion du cuivre dans des fours à vent ont été découvertes dans le plateau iranien sur le site archéologique de Sialk III daté de la première moitié du Ve millénaire av. J.-C. — il y a donc près de sept mille ans. Il y a 6 000 ans l'extraction de minerai pour en tirer du cuivre est commune en quelques endroits de l'Eurasie et de l'Afrique, à l'instar de la malachite du Sinai pour l'Égypte antique dont les mines sont exploitées vers 4500 av. J.-C.

 
Panoplie de casseroles en cuivre.

L'histoire méditerranéenne antique du cuivre est intimement liée à l'île de Chypre qui se nomme tardivement en grec ancien Κύπρος : c'est en effet sur cette île que furent exploitées les mines de cuivre et cuivre natif, qui permirent à des civilisations humaines méconnues de prospérer, bien avant les civilisations minoenne, mycénienne et phénicienne9. Ces diverses civilisations issues de Méditerranée orientale organisèrent le commerce antique du métal rouge en Méditerranée, si bien que les Romains l’appelèrent d'une manière générique le cuivre et divers alliages aes cyprium (littéralement « métal de Chypre »), cyprium (grec ancien Κύπρος) désignant l'île. Le terme s'est transformé au fil du temps pour devenir « cuprum » en latin pour donner le mot « cuivre » en français.

Allié principalement à l’étain et parfois à d'autres métaux, il donne lieu à une révolution technologique, « l'âge du bronze », aux alentours de 2 300 ans avant notre ère. Les bronzes sont plus durs, plus aisément fusibles et aptes à être coulés dans un moule, plus résistants à la corrosion atmosphérique que le cuivre natif ou purifié. La fabrication d'ustensiles et d'armes, d'objets d'art et de statues massives, de cloches ou clochettes, de timbres ou cymbales, de chandeliers ou de grands vases éventuellement sacrés ou d'offrandes, de médailles et de monnaie peut se développer. La maîtrise de cette matière métallique alliée est telle qu'elle permet l'érection du colosse de Rhodes, une statue-phare de Helios-Apollon de 32 m de haut au IIIe siècle av. J.-C.

Une série d'articles de la revue Science en , de nature transdisciplinaire, regroupant des équipes d'historiens, d'archéologues, de physico-chimistes et de glaciologues, a permis de replacer globalement en rapport avec les variations de production artisanale et proto-industrielle, des mesures par analyse spectrométrique de particules et poussières de cuivre métal et ses dérivés, piégées dans les échantillons de glaces extraits de la calotte glaciaire du Groenland10. Les pics historiques de production de cuivre, par exemple l'introduction de la monnaie, les guerres de la République et de l'Empire Romain, l'ouverture de mine suédoise de Falun ont pu être grossièrement retrouvés, en prenant une base à -5000 av. J.-C. et en considérant des pertes atmosphériques de l'ordre de 15 % au début de la métallurgie généralisée dans l'œkoumène vers -2500 av. J.-C., réduite seulement à 0,25 % vers 1750 par le progrès des procédés chimiquesb. La production annuelle mondiale de cuivre, stimulé par le monnayage, aurait atteint un sommet longtemps inégalé de 15 kt au début du Ier siècle de l'ère chrétienne. Le chiffre moyen de la production annuelle de cuivre estimée bon an mal an en Europe occidentale et centrale de la fin de l'Empire Romain à l'aube du XVIIIe siècle est de l'ordre de 2 kt par ce biais. L'essor de la métallurgie chinoise permettrait de justifier une production de 13 kt/an au XIIe siècle et XIIIe siècle.

Les adjectifs « cuivreux » et « cuprifère » qualifient de manière générique les matériaux à base de cuivre ou la matière contenant du cuivre. Le premier adjectif reste ambigu dans un emploi étendu, puisqu'il désigne précisément pour les chimistes le cuivre au degré d'oxydation (I), alors que le second est employé de manière courante, en particulier en géosciences.

L'adjectif « cuivrique », outre un sens étendu analogue à « cuivreux », désignait surtout l'état d'oxydation II du cuivre le plus commun, surtout en solution aqueuse. Les adjectifs « cuprique » et « cupreux » sont les équivalents savants de cuivrique et cuivreux. Le radical latin cupro- ou cupr- désignant le cuivre se retrouve dans de nombreuses appellations techniques ou chimiques.

Isotopes

Le cuivre possède 29 isotopes connus, de nombre de masse variant de 52 à 80, ainsi que sept isomères nucléaires. Parmi ces isotopes, deux sont stables, 63Cu et 65Cu, et constituent l'ensemble du cuivre naturel dans une proportion d'environ 70/30. Ils possèdent tous les deux un spin nucléaire de 3/211. La masse atomique standard du cuivre est de 63,546(3) u.

Les 27 autres isotopes sont radioactifs et ne sont produits qu’artificiellement. Le plus stable des radioisotopes d'entre eux est 67Cu avec une demi-vie de 61,83 heures. Le moins stable est 54Cu avec une demi-vie d'environ 75 ns. La plupart des autres ont une demi-vie inférieure à une minute.

Occurrences dans les milieux naturels, minéralogie et géologie, gîtes et gisements

Le cuivre est un élément dont le clarke s'élève à 55 à 70 g/t12. Il est parfois abondant en certains sites miniers.

Le cuivre est un des rares métaux qui existent à l'état natif, ce qui en a fait l'un des premiers métaux utilisés par les humains. Il apparaît cependant majoritairement dans des minéraux, en particulier sous forme de sulfure, du fait de son caractère chalcophile (attirance pour l'élément soufre).

À l'état natif, il se présente comme un polycristal de structure cubique à faces centrées. Il se trouve aussi parfois sous la forme d'un monocristal, le plus grand mesurant environ 4,4 × 3,2 × 3,2 cm13. Les cristaux bien formés sont rares. Dans les quelques sites où il peut être observé (son occurrence à l'état natif est faible), il se trouve sous forme de fils dentritiques, d'assemblages de feuilles ou de recouvrements d'imprégnation plus ou moins massifs. Au Néolithique, le métal ainsi récupéré était ensuite facilement mis en forme par un léger martelage.

 
Cristaux d'azurite et de malachite sur cuivre natif.

Sous forme minérale, le cuivre apparaît le plus fréquemment sous forme de sulfure ou de sulfosel dans des minéraux comme la chalcopyrite (CuFeS2), la bornite (Cu5FeS4), la cubanite (CuFe2S3) et surtout la covelline (CuS) et la chalcosine (Cu2S). Il se trouve également dans des carbonates tels que l'azurite (Cu3(CO3)2(OH)2) et la malachite (Cu2CO3(OH)2), ainsi que dans un oxyde, la cuprite (Cu2O)14.

Les minéraux contenant l'élément cuivre ont souvent un bel aspect coloré, à l'instar de la pierre d'Eilat.

Cuivre natif

Les gisements de cuivre natif attestent le plus souvent d'un hydrothermalisme très actif et de roches magmatiques basiques.

 
Cristaux de cuivre natif de 12 × 8,5 cm.

On trouve le cuivre natif :

Quelques gisements remarquables de cuivre natif sont :

Minéraux

Sulfures

 
Cuivre gris, extrait de la mine alsacienne d'Urbeis.

Cuivres gris

Les cuivres gris sont des sulfures complexes où le cuivre accompagne l'arsenic et/ou l'antimoine… Ainsi la tennantite, la tétraédrite, la freibergite.

Sulfo-sel

Oxydes

Le cuivre s'oxyde :

Les potentiels standards des principales demi-réactions sont :

Cu2O(s) + H2O + 2 e ⇄ 2 Cu(s) + 2 HO ;
Cu2+ + e ⇄ Cu+ E0 = +0,159 V ;
Cu2+ + 2 e ⇄ Cu (s) E0 = +0,340 V ;
Cu+ +  e ⇄ Cu (s) E0 = +0,522 V.

Carbonates

Silicates

Chlorures (et autres halogénures)

Sulfates

Phosphates

La reichenbachite, la cornétite et la libéthénite sont des hydroxy-phosphates de cuivre de formules respectives Cu5(PO4)2(OH)4, Cu3(PO4)(OH)3 et Cu2PO4(OH).

La torbernite est un phosphate d'uranium et de cuivre Cu(UO2)2(PO4)2 · 12 H2O.

Autres minéraux rares

La rickardite est un tellurure de cuivre. La berzélianite ou berzéline est un séléniure de cuivre Cu2Se. La quetzalcoatlite est un minéral complexe, association intime d'une hydroxy-tellurite de cuivre et de zinc, et d'un chlorure de plomb et d'argent Zn6Cu3(TeO6)2 (OH)6·AgxPbyClx+2y.

La szenicsite est un hydroxy-molybdate de cuivre de formule Cu3(MoO4)(OH)4.

La stranskiite est un arséniate de cuivre et de zinc de formule Zn2CuII(AsO4)2. L'olivénite, l'euchroïte et la cornubite sont des hydroxy-arséniates de cuivre, soient respectivement Cu2AsO4(OH), Cu2(AsO4)(OH) ·3H2O et Cu5(AsO4)2(OH)4·H2O.

La bayldonite est un hydroxy-arséniate de plomb et de cuivre hydraté PbCu3(AsO4)2(OH)2H2O.

La mixite est un hydroxy-arséniate de cuivre et de bismuth trihydraté BiCu6(AsO4)3(OH)6•3(H2O).

 
Mine de cuivre à ciel ouvert, Chino Copper Mine, Nouveau-Mexique, États-Unis.

Gisements

Dès l'Antiquité, le cuivre a été extrait en quantités importantes dans l'île de Chypre, surnommée l'île aux mille mines21.

Durant l'Antiquité et parfois localement jusqu'au Moyen Âge, les gisements de cuivres gris ont été exploités.

L’essentiel du minerai de cuivre est extrait sous forme de sulfures ou de roches à base de chalcopyrite, dans de grandes mines à ciel ouvert, des filons de porphyre cuprifère qui ont une teneur en cuivre de 0,4 à 1,0 %. En surface, les minerais qui comportent de grandes quantités de stériles sont plus oxygénés, mais restent soufrés en couches profondes. Dans les années 1990, un minerai exploitable devait ne jamais descendre en dessous de 0,5 % en masse, et assurer une teneur de l'ordre de 1 % et plus. Les mines de Kennecott (Alaska), exploitées jusqu'aux années 1940, étaient les plus pures de la planète.

Exemples : Chuquicamata, au Chili ; Bingham Canyon Mine, dans l’Utah et El Chino Mine au Nouveau-Mexique (États-Unis). En 2005, le Chili était le premier producteur mondial de cuivre avec au moins un tiers de la production mondiale, suivi par les États-Unis, l’Indonésie et le Pérou, d’après le British Geological Survey14.

 
Dans le désert d'Atacama, à environ 2 800 m d'altitude, Chuquicamata est la plus grande mine de cuivre à ciel ouvert au monde à la fin des années 2000.

L'exploitation des nodules polymétalliques, à base de Cu, Mn, Co, Ni, etc., des fonds sous-marins, autre source potentielle de cuivre, reste confidentielle.

Corps simple, chimie et combinaisons chimiques

Propriétés physiques et chimiques du corps simple

Métal de couleur rougeâtre, rouge ou rouge orangée, le cuivre possède une exceptionnelle conductivité thermique et électrique. Le métal très pur est résistant à la corrosion atmosphérique et marine, mais aussi très malléable, tenace et ductile, relativement mou.

 
Sur la photo ci-dessus, le cuivre, juste au-dessus de son point de fusion, conserve sa couleur rose éclatante lorsqu’une lumière suffisante éclipse la couleur orange due à l’incandescence.

Le cuivre figure parmi les métaux les plus ductiles et les plus malléables. Relativement mou, le métal peut aisément être étiré, laminé et tréfilé.

Frotté, ses surfaces dégagent une odeur particulière et désagréable, effet indirect de la densité d'électrons libres au sein du réseau cristallin métallique.

Le métal peut s'altérer superficiellement après une longue exposition à l'air en une fine couche de carbonates de cuivre basique d'un beau vert ou vert-de-gris, qui forme la « patine » de certains toits recouverts de cuivre. Cette couche peut parfois comporter de la malachite et de l'azurite.

Propriétés mécaniques et optiques

Comme l’argent et l’or, le cuivre se travaille facilement, étant ductile et malléable. La facilité avec laquelle on peut lui donner la forme de fils, ainsi que son excellente conductivité électrique le rendent très utile en électricité. On trouve usuellement le cuivre, comme la plupart des métaux à usage industriel ou commercial, sous une forme polycristalline à grains fins. Les métaux polycristallins présentent une meilleure solidité que ceux sous forme monocristalline, et plus les grains sont petits, et plus cette différence est importante22.

La résistance à la traction est faible et l'allongement avant la rupture est important. Après le fer, le cuivre est le métal usuel le plus tenace. Les propriétés mécaniques du cuivre confirment les techniques anciennes de mise en forme de ce métal, à froid communes et à chaud plus rares. Sa malléabilité explique en partie la fabrication de vase ou forme par martelage au repoussé.

 
Chariot portant des cuves en cuivre.

La densité pratique du cuivre fondu est de l'ordre de 8,8 à 8,9. Elle augmente sensiblement avec le laminage jusqu'à 8,95. L'écrouissage permet de rendre le cuivre à la fois dur et élastique.

Le cuivre présente une couleur rougeâtre, orangée ou brune due à une couche mince en surface (incluant les oxydes). Le cuivre pur est de couleur rose saumon. Le cuivre, l’osmium (bleu), le césium et l’or (jaune) sont les quatre seuls métaux purs présentant une couleur autre que le gris ou l’argent. La couleur caractéristique du cuivre résulte de sa structure électronique : le cuivre constitue une exception à la loi de Madelung, n’ayant qu’un électron dans la sous-couche 4s au lieu de deux. L’énergie d’un photon de lumière bleue ou violette est suffisante pour qu’un électron de la couche d l’absorbe et effectue une transition vers la couche s qui n’est qu’à-demi occupée. Ainsi, la lumière réfléchie par le cuivre ne comporte pas certaines longueurs d’onde bleues/violettes et apparaît rouge. Ce phénomène est également présent pour l’or, qui présente une structure correspondante 5s/4d23. Le cuivre liquide apparaît verdâtre, une caractéristique qu’il partage avec l’or lorsque la luminosité est faible.

Propriétés électriques et thermiques

 
Barres de distribution électriques en cuivre fournissant l’énergie à un grand bâtiment.

La similitude de leur structure électronique fait que le cuivre, l’argent et l’or sont analogues sur de nombreux points : tous les trois ont une conductivité thermique et électrique élevée, et tous trois sont malléables. Parmi les métaux purs et à température ambiante, le cuivre présente la seconde conductivité la plus élevée (59,6 × 106 S/m), juste après l’argent. Cette valeur élevée s’explique par le fait que, virtuellement, tous les électrons de valence (un par atome) prennent part à la conduction. Les électrons libres en résultant donnent au cuivre une densité de charges énorme de 13,6 × 109 C/m3. Cette forte densité de charges est responsable de la faible vitesse de glissement des courants dans un câble de cuivre (la vitesse de glissement se calcule comme étant le rapport de la densité de courant à la densité de charges). Par exemple, pour une densité de courant de 5 × 106 A·m-2 (qui est normalement la densité de courant maximum présente dans les circuits domestiques et les réseaux de transport), la vitesse de glissement est juste un peu supérieure à 13 mm/s24.

Toutefois, la résistivité du cuivre est sensible aux traces d'impuretés, elle augmente fortement avec de faibles teneurs étrangères, contrairement à celle du fer. Aussi le cuivre pur a été et est utilisé abondamment comme fil électrique, pour confectionner les câbles sous-marins et les lignes aériennes.

La conductivité électrique ou son inverse la résistivité, celle d'un fil de cuivre pur à l'état recuit témoin nommé IACS ou International Annealed Copper Standard (en), qui, mesurée à 20 °C, s'établit à 1,724 × 10−8 Ω m sert d'étalon de mesure en physique. La conductivité est exprimée en pourcentage IACSd.

Ce métal est un très bon conducteur de la chaleur, moins toutefois que l'argent. C'est en partie pourquoi le cuivre est utilisé comme ustensile de cuisinier, réfrigérant de brasserie, dans les chaudières d'évaporation, des alambics aux sucreries. Il existait une autre raison au choix de ce métal, les capacités catalytiques du cuivre dans un grand nombre de réactions thermiques.

Le cuivre fond vers 1 085 °C. Il se vaporise à une température plus élevée, son point d'ébullition étant situé vers 2 562 °C. Sa vapeur brûle avec une flamme verte intense, ce qui permet sa détection quantitative en spectrométrie de flamme ou qualitative par simple test de flamme.

Propriétés chimiques

Le cuivre n'est pas altéré dans l'air sec, ni dans l'oxygène gazeux. Seules des traces d'eau et surtout la présence indispensable de dioxyde de carbone ou anhydride carbonique initie une réaction. Le cuivre ne réagit pas avec l’eau, mais réagit lentement avec le dioxygène de l’air en formant une couche d’oxyde de cuivre brun-noir, de nature passivante. Contrairement à l’oxydation du fer par une atmosphère humide, cette couche d’oxyde empêche toute corrosion en masse.

En absence de dioxyde de carbone, l'oxydation du cuivre à l'air ne commence qu'à 120 °C. Il est facile de comprendre que l'action de l'eau n'est observable surtout qu'à l'état de vapeur d'eau et à haute température.

2Cu solide + ½ O2 gaz → Cu2O sous-oxyde solide rouge.
Cu2O + ½ O2 gaz → CuO solide noir.

Le cuivre est au contraire altéré au contact de l'air et de l'eau acidulée, l'air accélérant l'oxydation initiée. Le vinaigre forme ainsi des oxydes de cuivre solubles. De même des traces de corps gras par leur fonction acide ou oxydante. La toxicité alimentaire des oxydes formés a justifié l'étamage (ajout d'une couche protectrice d'étain) traditionnel des instruments et récipients culinaire en cuivre. Les anciens éleveurs ou fromagers, distillateurs, cuisiniers ou confituriers veillaient à une propreté rigoureuse des surfaces de cuivre après utilisation lors d'un chauffage.

L'air humide joue un rôle toutefois limité. Une couche verte de carbonate de cuivre ou hydroxycarbonate de cuivre basique Cu2CO3·Cu(OH)2, appelée vert-de-gris, se remarque souvent sur les constructions anciennes en cuivre ou sur les structures en bronze en milieu urbain (présence de dioxyde de carbone et d'humidité), telles que les toitures en cuivre ou la statue de la Libertée. Cette couche joue en partie le rôle de patine protectrice. Mais en milieu marin ou salin (présence de chlorures apporté par des bruines) ou en milieu industriel (présence de sulfates), ils se forment d'autres composés, respectivement l'hydroxychlorure Cu2Cl2·Cu(OH)2 et l'hydroxysulfate Cu2SO4·Cu(OH)2.

Le cuivre réagit avec le sulfure d’hydrogène — et toutes les solutions contenant des sulfures, formant divers sulfures de cuivre à sa surface. Dans des solutions contenant des sulfures, le cuivre, présentant un avilissement de potentiel par rapport à l’hydrogène, se corrodera. On peut observer ceci dans la vie de tous les jours, où les surfaces des objets en cuivre se ternissent après exposition à l’air contenant des sulfures.

La réaction-type pour obtenir les sulfures de cuivre en précipités noirs peut être utilisé pour détecter le cuivre, elle est très lente à 20 °C, plus efficace à 100 °C et surtout très rapide à 550 °C, où elle s'écrit simplement :

2 Cu solide + H2S gaz → Cu2S solide noir + H2gaz.

La réaction avec l'acide chlorhydrique est très lente.

Cu solide + HCl gaz → CuCl solide noir + ½H2gaz.

Ainsi le cuivre n'est pas véritablement attaqué à température ambiante par l'acide chlorhydrique concentré en milieu aqueux. Il y est très peu soluble. Le cuivre se dissout par contre dans les autres acides halogénohydriques, tels que HBr ou HI.

D'une manière générale, ce sont les acides oxydants ou les autres acides en présence de gaz oxygène dissous qui peuvent attaquer le cuivre. Pourtant le cuivre n'est pas attaqué par l'acide sulfurique concentré à froid, mais uniquement par cet acide fort concentré et à chaud. Il se forme des sulfates d'oxyde de cuivre et de l'acide sulfureux en phase gazeuse.

L'acide nitrique est le dissolvant par excellence du cuivre. La réaction chimique est active même avec l'acide diluéf. Elle explique les possibilités graphique des gravures sur cuivre à l'eau forte. Voici les deux réactions de base, la première en milieu concentré, la seconde en milieu dilué.

Cu solide métal + 4 HNO3 aqueux, concentré → Cu(NO3)2 aqueux + 2 NO2 gaz + 2 H2O eau.
3 Cu solide métal + 8 HNO3 aqueux, dilué → 3 Cu(NO3)2 aqueux + 2 NO gaz + 4 H2Oeau.

Le cuivre réagit en présence d’une association d’oxygène et d’acide chlorhydrique pour former toute une série de chlorures de cuivre. Le chlorure de cuivre(II) bleu/vert, lorsqu’il est porté à ébullition en présence de cuivre métallique, subit une réaction de rétrodismutation produisant un chlorure de cuivre(I) blanc.

Le cuivre réagit avec une solution acide de peroxyde d'hydrogène qui produit le sel correspondant :

Cu + 2 HCl + H2O2CuCl2 + 2 H2O.

L'ammoniaque oxyde le cuivre métal au contact de l'air. Il se forme de l'oxyde de cuivre soluble et du nitrate d'ammonium, avec excès d'ammoniac. Le cuivre se dissout lentement dans les solutions aqueuses d’ammoniaque contenant de l’oxygène, parce que l’ammoniac forme avec le cuivre des composés hydrosolubles. L'ammoniaque concentré le dissout facilement en donnant une solution bleue, dénommée traditionnellement « liqueur de Schweitzer », à base du cation complexé Cu(NH3)42+ ou mieux en milieu basique Cu(NH3)4(H20))2+. Cette liqueur est susceptible de dissoudre la cellulose et les fibres cellulosiques, comme le coton ou les charpies textiles des chiffonniers. Ainsi se fabrique la rayonne au cuivre ammoniacalg.

Le cuivre surtout en poudre a des propriétés catalytiques diverses. Par exemple, c'est un catalyseur permettant la synthèse du cyclopropèneh.

Lorsque le cuivre est en contact avec des métaux présentant un potentiel électrochimique différent (par exemple le fer), en particulier en présence d’humidité, la fermeture d’un circuit électrique fera que la jonction se comportera comme une pile électrochimique. Dans le cas par exemple d'une canalisation en cuivre raccordée à une canalisation en fer, la réaction électrochimique entraîne la transformation du fer en d’autres composés et peut éventuellement endommager le raccord.

Au cours du XXe siècle aux États-Unis, la popularité temporaire de l’aluminium pour les câblages électriques domestiques a fait que les circuits de nombre d’habitations se composaient en partie de fils de cuivre et en partie de fils d’aluminium. Le contact entre les deux métaux a occasionné des problèmes pour les usagers et les constructeurs (cf. article consacré aux câbles d’aluminium).

Les fondeurs ne placent jamais à proximité les stocks d'aluminium et de cuivre. Même s'il existe des alliages cupro-aluminium spécifiques, les traces d'aluminium dans un alliage cuivreux provoquent de graves inconvénients techniques. Connaissant par contre les propriétés du cuivre pur, les hommes de l'art ont développé des cuivres alliés, par exemple des cuivres à environ 1 % de chrome, celui-ci permettant de durcir le métal obtenu.

Métallurgie et affinage

 
Cuivre, métal pur à 99,95 %.

Les minerais soufrés primaires, déjà décrits, permettent plus de 80 % de la production, il s'agit de la pyrométallurgie du cuivre. Le cuivre est accompagné des autres éléments métalliques Fe, Co, Ni, Zn, Mo, Pb, etc., et parfois des précieux Ag, Au, Pt et platinoïdes qu'il est intéressant de récupérer dans les boues anodiques, mais aussi de Ge, Se, Te, As, etc.

Le minerai cuprifère de l'ordre de 2 % de cuivre, est concentré en cuivre après des étapes techniques mécanisées de tamisage, concassage, broyage et triage, notamment une séparation par flottation par des agents tensio-actifs sélectifs et hydrophobes tels que l'amylxanthate de potassium. Ce « minerai concentré » contenant de 20 % à 40 % de cuivre est grillé en présence de silice, pour obtenir un laitier surnageant à base de minéraux stériles et des mattes à base de sulfures de fer et cuivre contenant de l'ordre de 40 à 75 % de cuivre selon les procédés.

La matte liquide est oxydée en présence de silice dans un convertisseur. Voici la réaction globale, ne nécessitant quasiment pas de chauffage car rassemblant deux réactions fortement exothermiques, qui ne prend en compte que le cuivre et délaissant les phases technique concernant la matte, le laitier et le slag (scories ou crasses).

3 Cu2S liquide + 3 O2 gaz → 6 Cu métal liquide + 3 SO2 gaz.

Tout se passe comme si la matte est convertie en cuivre impur, qui est coulé en blisters (matière de cuivre coulé avec des cloques de surface caractéristiques, appelées blisters en anglais technique, à moins de 2 % d'impuretés) de 140 à 150 kg.

Les minerais oxygénés secondaires (malachite, azurite, cuprite) ouvre la voie vers une hydrométallurgie du cuivre. L'étape du triage est associé à une lixiviation par l'acide sulfurique ou une extraction liquide-liquide. L'ion cuprique se dissout en solvant organique, type kérosène, grâce à des agents extractants du type hydroxyoxime ou hydroxyquinoléine, une étape de stripping permet d'obtenir des solutions concentrées en ions cupriques, qu'il est possible de séparer par électrodéposition ou par cémentation à l'aide de déchets d'acier. Le premier procédé électrolytique permet de recueillir du « cuivre rouge », parfois quasi-pur de l'ordre de 99,9 % de cuivre. Le second procédé donne un cuivre pollué par le fer, il nécessite un affinage électrolytique.

L'affinage peut être en principe thermique ou électrolytique. Le cuivre impur peut être purifié en partie par fusion. Mais ce procédé thermique ancien impliquant une oxydation, puis un « perchage » dans le bain de métal liquide pour éliminer la charge d'oxygène restante, sous forme de molécules d'oxydes volatiles, reste coûteux. Par exemple, la fusion du blister permet d'oxyder les impuretés As, Sb, S sous forme d'oxydes volatiles. Le perchage emploie des troncs ou perches de bois vert ou, de plus en plus, des hydrocarbures gazeux ou liquides, il permet par brassage d'éliminer l'oxygène présent dans le métal sous forme de monoxyde de carbone et de vapeur d'eau.

L'affinage industriel du cuivre s'effectue aujourd'hui surtout par électrolyse d'anodes de cuivre brut ou de blister (contenant du fer, parfois de l'argent, etc.) dans une solution de sulfate de cuivre et d'acide sulfuriquei.

Cu2+ + 2 e → Cu0 métal avec un potentiel d'électrode normal ε0 de l'ordre de 0,34 Vj.

Les ions cuivre migrent vers la cathode, les métaux nobles comme l'argent sont piégés dans les boues anodiques, au fond du compartiment de l'anode et les impuretés, par exemple le fer oxydé en ions ferreux, restent dans le bain d'électrolysek. Ce procédé permet d'obtenir du métal pur de 99,9 % à 99,95 %. Mais ce cuivre cathodique ou technique est parfois poreux ou comporte des inclusions ou poches d'électrolytes. Il faut le refondre au four sous diverses atmosphères contrôlées (par exemple avec du phosphore P de désoxydation) ou à l'air pour obtenir des coulées de billettes, des plaques ou fils de cuivre. Ces matériaux sont alors transformés en demi-produits.

Il n'en reste pas moins que pour les spécialistes, il existe différentes nuances de cuivre selon les normes nationales (par exemple la norme NF A50-050), en particulier diverses catégories : sans oxygène, avec oxygène, désoxygéné avec reliquat désoxygénant, désoxygéné sans traces de désoxygénantsl.

Le cuivre peut être distribué, outre les cylindres, les tubes ou les fils d'usages spécifiques, par tôles (pleines ou perforées) ou plaques, barres pleines qui peuvent être méplates, carrées, rondes, par barres perforées, par barrettes taraudées, par barres souples isolées, par fils trolley, par feuillards, par bandes paratonnerre, par bandes spécifiques pour câbles ou transformateurs, par disques (emboutissage), etc.

Le cuivre recyclé peut être revendu sous forme de grenailles de diverses qualités (pureté) et granulométries.

Le cuivre présente un aspect nettement plus mou vers 830 °C et fond vers 1 085 °C.

Le cuivre se prête mal au moulage de fonderie. Si la température de la coulée est trop faible, donc proche du point de fusion, le refroidissement trop rapide n'est pas maîtrisé, le métal coulé ne prend pas l'empreinte des moules. Si la coulée est trop chaude, le cuivre après refroidissement présente des soufflures. Aussi dans les arts et industries, il existe depuis des temps forts lointains différents alliages pratiques.

Alliages notables

Très tôt, des alliages plus fusibles, plus durs que le cuivre purifié et surtout aptes à un moulage de qualité, ont été mis au point par essai et erreur, sans qu'on sache leur véritable nature chimique. Parfois, ils étaient réalisés directement à partir de minerais, et considérés comme des métaux singuliers à part, ainsi les bronzes antiques obtenus avec des minerais d'étain et les laitons anciens avec ceux de zinc…

Il existe un grand nombre d'alliages de cuivre anciens et modernes. Voici les principaux :

Airain, AlNiCo (parfois un peu de cuivre), alfénide ou métal blanc (cuivre avec Zn, Ni, Fe), Alliage d'aluminium pour corroyage série 2000, Alliage de Devarda (Al avec un peu de Zn), amalgame de cuivre (mercure), argenton (Ni,Sn), avional (aluminium, Mg, Si), billon (alliage) (cuivre allié à l'argent), britannium (Sn,Sb), bronze (étain), bronze arsénié (étain et arsenic), bronze au béryllium (béryllium), bronze phosphoreux (idem avec un petit peu de P), constantan (nickel), cuproaluminium (aluminium), cunife (Ni, Fe), cuprochrome, cupronickel (nickel), Dural ou duralium, laiton (zinc), Laiton rouge (un peu Zn), maillechort (nickel et zinc), moldamax (béryllium), Orichalque, Mu-métal type (NiFe15Cu5Mo3, or nordique (un peu de Zn, Al et Sn), potin (étain et plomb), ruolz (Ni,Ag), shakudō (avec un peu d'or), tumbaga (or), tombac (un peu de Zn), virenium (un peu de Zn, Ni), zamak (zinc, aluminium et magnésium)

Le cuivre entre dans la composition d'alliages à mémoire de forme.

L'airain des Romains est une variété de bronze, employée pour fabriquer des armes et des ustensiles et objets très divers. Les bronzes modernes, conçus comme des alliages à composition déterminée de cuivre et d'étain, couvrent un champ d'application encore plus étendu, des monnaies et médailles au vannes et robinets, des socles pesants à des composants d'objets d'arts variés, statuettes ou statues, supports pour pièces émaillées ou émaux de bijouterie, etc. Les bronzes incluant jusqu'à 3 % de phosphore (P) augmentent fortement leur dureté. Le bronze phosphoreux à 7 % Sn et 0,5 % P présente une oxydation réduite, un meilleur comportement pendant la fusion.

Les laitons, malléables et ductiles à froid, présentent une couleur d'autant plus dorée que la teneur en cuivre est élevée. Cette belle couleur justifie son emploi comme garniture de lampes et de meubles flambeaux, mais inspire aussi la création de faux-bijoux, autrefois à base de « chrysocolle » ou d'« or de Mannheim ». Les laitons laissent pourtant une mauvaise odeur aux bouts des doigts qui les manipulent. Ils ont été et sont parfois encore utilisés en tuyauterie, robinetterie et visserie, comme ustensiles de ménages, instrument de physique (désuet), boutons, épingles et fils, garniture de couteaux, pistolets, ressorts, engrenages et pignons, échangeurs de chaleur, radiateurs. Les supports d'instrument de marine étaient en laiton jaune à 20-40 % Zn, alors que les sextants l'étaient en laiton blanc à 80 % Zn.

L'addition de zinc et de nickel permet d'obtenir des maillechorts, par exemple à 20-28 % Zn et 9-26 % Ni. Ils sont idoines à la fabrication de couverts, de vaisselles et de gobelets, de théières, de pièces de sellerie et des éperons du fait de leur grande dureté, d'instruments d'optique et de mécanique de précision, par exemple des pièces pour les mouvements d'horlogerie, du fait de leur faible altérabilité à l'air. Ce sont aussi des alliages monétaires.

Les alliages de cuivre et de nickel sont dénommés cupronickels. Le métal Monel à 65-70 % de Ni servir comme monnaie. À moindre teneur, les cupronickels sont utilisés pour le matériel de laboratoire et de chimie, d'une manière générale, ainsi que les résistances de précision. Le constantan à 40 % de Ni se caractérise par une valeur de la résistance électrique, indépendante de la température.

Outre le Zn, le Ni et le Sn, les alliages de cuivre peuvent être à base de plomb Pb, d'argent Ag ou d'or Au, ou à faibles teneur d'Al ou de Si.

L'addition de plomb permet de concevoir des alliages anti-friction, par exemple à 10-30 % Pb et 7 % Sn. Le cuivre, l'or et l'argent sont miscibles en toutes proportions, ces alliages relativement chers donnent naissance à l'or anglais. Mentionnons les alliages pour brasure, à base de d'argent, du type Ag 20 % Zn 30 % Cu 45 % Cd 5 % en masse qui fond vers 615 °C ou encore Ag 35 % Zn 21 % Cu 26 % Cd 18 % en masse qui fond encore plus bas vers 607 °C.

Le bronze d'aluminium est un alliage à 5-10 % Al, utilisé comme monnaie ou matériau pour instruments résistants à la corrosion marine, valves et pompes.

Il existe aussi des alliages au silicium, à des teneurs de 1-2 % Si.

Le cuivre au tellure, ainsi que le cuivre au soufre à moindre mesure, est un matériau métallique idéal pour le décolletage ou la fabrication rapide et précise de pièces par usinage, voire le matriçage à chaud. Le cuivre au tellure peut être employé également en soudage par buse plasma, pour les connexions électriques des batteries et la boulonnerie.

Chimie et principaux composés

Les composés du cuivre se présentent sous plusieurs états d'oxydation, généralement +2, par lesquels ils confèrent une couleur bleue ou verte due aux minéraux qu'ils constituent, comme la turquoise. Cette propriété des sels de cuivre Cu2+ fait qu'ils ont été largement utilisés à travers l'histoire dans la fabrication des pigments. Les éléments architecturaux et les statues en cuivre se corrodent et acquièrent une patine verte caractéristique. Le cuivre se retrouve de manière significative dans les arts décoratifs, à la fois sous forme métallique et sous forme de sels colorés.

Les composés de cuivre présentent quatre états d’oxydation :

Les deux premiers et surtout le second en solution aqueuse sont les plus fréquents.

Avant de présenter les différents états du cuivre, à noter l'existence d'une gamme d'ions complexes caractérisée par la géométrie des trois séries de composés de coordination du cuivre. Ainsi selon le nombre de coordination n :

Cuivre(I)

 
Poudre d’oxyde de cuivre(I).

Le cuivre(I) est la principale forme que l’on rencontre dans ses gîtes.

L'oxyde de cuivre Cu2O, insoluble dans l'eau, est rouge. Les sels cuivreux anhydres sont blancs.

L'ion Cu+ est incolore et diamagnétique. Il se caractérise par un rayon ionique assez important 0,91 Å, il ne donne pas d'hydrates stables, il est surtout présent sous forme de complexes qui ne sont pas tous stables.

Cu+ + e → Cu0 métal avec un potentiel d'électrode normal ε0 de l'ordre de 0,52 Vn

Pourtant il est rare ou n'existe pratiquement pas en solution aqueuse, car ce cation est soumis à dismutation ou oxydé facilement en solution.

2 Cu+ → Cu2+ + Cu métal avec Ks ≈ 1,6 × 10−6 et Δε0 ≈ 0,18 V

Donnons un exemple concret de cette réaction globale en équilibre, d'abord en solution aqueuse portée à ébullition en milieu chlorure concentré :

Cu2+ + Cu métal en excès + 4 Cl chlorure en excès → 2 Cu2Cl complexe de cuivre I en milieu aqueux

Ensuite, par effet de dilution des ions chlorures, s'opère la précipitation du chlorure cupreux de formule simplifiée CuCl.

Cu2Cl aqueux + H2O → CuClprécipité solide + Cl avec Ks ≈ 6,5 × 10−2

Ses composés, à l'exception d'un certain nombre de complexes, sont très souvent non stœchiométriques, instables et peu solubles, voire quasiment insolubles dans l'eau. L'ion cuivreux s'apparente par certaines propriétés aux cations Ag+ Tl+ Hg22+.

Cu2O est un oxyde basique rouge, qui réagit avec les acides halogénés HX, avec X = Cl, Br, I. Les halogénures cuivreux, insolubles ou peu solubles dans l'eau, précipitent.

Les halogénures cuivreux, sels anhydres blancs à structure cristalline affichant un nombre de coordination 4, typique du cristal de la blende, très peu solubles ou dissociable dans l'eau, facilement fusibles et semi-conducteurs CuCl, CuBr, CuI sont bien connus, sauf le fluorureo. En réalité, le chlorure est autant à l'état solide un dimère Cu2Cl2 qu'un monomère, en solution HCl sous forme (néo)précipité CuCl ou sous forme d'ion complexe CuCl2, à l'état vapeur un mélange de monomère, de dimère et de trimèrep. L'ion complexe CuCl2 explique l'association au gaz monoxyde de carbone CO et l'absorption de ce gaz.

On détecte souvent les sucres grâce à la capacité de ces derniers à convertir les composés de cuivre(II) bleus en composés d’oxyde de cuivre(I) (Cu2O), tel que le réactif de Benedict. Le principe est le même pour la liqueur de Fehling, dont les ions cupreux sont réduits par les sucres en Cu2O, oxyde rouge brique.

La recherche qualitative et quantitative du cuivre dans les urines (cuprémie) s'effectue en milieu basique concentré en provoquant le dépôt caractéristique d'oxyde cupreux, par exemple :

2 Cu2+ + 4 HO → CuI2O précipité d'oxyde de cuivre (I) + 2 H2O + ½ O2 gaz

Le sulfure cupreux Cu2S tout comme l'oxyde Cu2O, peuvent être obtenus par réaction chimique à hautes températures du cuivre et des corps simples respectifs, le soufre et le gaz oxygène.

Il existe l'acétylure de cuivre, le thiophène-2-carboxylate de cuivre(I), l'acétylacétonate de cuivre(I), le cyanure de cuivre blanc, l'hydroxyde cuivreux jaune orange, le thiocyanate de cuivre, etc.

Le précipité de thiocyanate cuivreux, insoluble dans l'eau, sert au dosage gravimétrique des ions cuivriques en solution aqueuse.

2 Cu2+ + 2 SCN2− + SO32− + H2O → CuISCNprécipité de thiocyanate de cuivre (I) + 2 H+ + SO42−.

Cuivre(II)

 
Précipité naturel hydraté de cuivre(II) dans une ancienne mine souterraine de fer vers Irun, Espagne.

Le cation cuivre divalent ou cuprique Cu2+, de configuration d9, est coloré et paramagnétique à cause de son électron non apparié. Il présente un grand nombre d'analogie avec les cations divalents des métaux de transition. Avec les corps donneurs d'électrons, il forme de nombreux complexes stables.

Il est caractérisé en chimie analytique fondamentale par sa précipitation par H2S à pH 0,5 en milieu aqueux. Le groupe des cations Hg2+ Cd2+ Bi3+etc., auquel il appartient ont des chlorures solubles et ses sulfures insolubles dans le sulfure d'ammoniumq.

Le cuivre(II) se rencontre très couramment dans notre vie de tous les jours. Un grand nombre de ses sels n'ont pas les mêmes aspects de coloration à la lumière s'ils sont anhydres ou hydratés, en solutions concentrées ou diluées. Toutefois les solutions diluées de sels cuivriques dans l'eau sont généralement bleues ou parfois bleu-vert.

Le carbonate de cuivre(II) constitue le dépôt vert qui donne leur aspect spécifique aux toits ou coupoles recouverts de cuivre des bâtiments anciens.

Le sulfate de cuivre(II) est constitué d’un pentahydrate bleu cristallin qui est peut-être le composé de cuivre le plus commun au laboratoire. Le sulfate cuivrique anhydre est blanc, le sulfate de cuivre hydraté (notamment pentahydrate) est bleu, le sulfate de cuivre aqueux est bleu en solution concentrée. Ce sulfate peut ainsi servir de test à la présence d'eau. On s’en sert aussi de fongicide, sous le nom de bouillie bordelaise25. En lui ajoutant une solution aqueuse basique d’hydroxyde de sodium, on obtient la précipitation d’hydroxyde de cuivre(II), bleu, solide. L’équation simplifiée de la réaction est :

Cu2+ + 2 HO → Cu(OH)2 précipité d'hydroxyde de cuivre.

Une équation plus fine montre que la réaction fait intervenir deux ions hydroxyde avec déprotonation du composé de cuivre(II) 6-hydraté :

Cu(H2O)62+ aqueux + 2 HO → Cu(H2O)4(OH)2 + 2 H2O.

L'hydroxyde de cuivre est soluble dans les acides, et également dans un excès de base à un certain point, à cause de l'espèce complexe Cu(OH)42−.

Une solution aqueuse d’hydroxyde d'ammonium (NH4+ + HO) provoque la formation du même précipité. Lorsqu’on ajoute un excès de cette solution, le précipité se redissout, formant un composé d’ammoniaque bleu foncé, le cuivre(II) tétraamine :

Cu(H2O)4(OH)2 + 4 NH3 → Cu(H2O)2(NH3)42+ + 2 H2O + 2 HO.

Ce composé était jadis important dans le traitement de la cellulose. Il l'est encore dans les procédés de la rayonne au cuivre ammoniacalr.

D’autres composés bien connus de cuivre(II), souvent anhydres ou hydratés, comprennent l’acétate de cuivre(II), le formiate, l'oxalate, le tartrate de cuivre(II), le carbonate de cuivre(II), le chlorure de cuivre(II), le nitrate de cuivre(II), le phosphate, le chromate, l'arséniate, le sulfure et l’oxyde de cuivre(II). Mentionnons la couleur brune du chlorure de cuivre anhydre, la couleur verte des chlorures de cuivre hydratées, la couleur jaune-vert de leurs solutions concentrées, ainsi que la couleur verte de l'acétate de cuivre anhydre, la couleur bleu-vert des acétates de cuivre hydratés, la couleur vert-bleu des solutions concentrées.

La méthode du biuret est un dosage colorimétrique des protéines.

Les ions cuivriques sont oxydants, ils oxydent les aldéhydes selon la réaction de Fehling en milieu basique, détectent les oses réducteurs, les coumarines ou les flavonoïdes selon la réaction-test de Benedict. La méthode de Bertrand permet de doser les sucres du lait. La réaction de Barfoed est un test de détection des oses avec l'acétate cuivrique en milieu acide, alors que la liqueur de Fehling n'opère dans ce cas qu'en milieu basique.

L'action des aldéhydes ou des sucres sur la liqueur de Fehling permet de réduit Cu2+ à terme en l'oxyde de cuivre Cu2O, laissant un précipité rouge brique. Rappelons que cette liqueur de détection à base de complexe de cuivre cuprique s'utilise fraîche (fraîchement préparée) et avec un léger chauffage thermiques.

Le fluorure cuivrique CuF2 anhydre et incolore se caractérise par un réseau ionique cristallin, analogue à la fluorine.

Le chlorure cuivrique ou le bromure cuivrique anhydres forment quant à eux des chaînes en principe illimitées (CuCl2)n ou (CuBr2)n où les deux atomes de chlore donneurs potentiels d'électron semblent chélater ou pincer l'atome de cuivre accepteurt. Ces polymères linéaires sont hydrolysés par dissolution dans l'eau.

Le cuivre métal peut être extrait de ses solutions salines par des métaux, nécessairement moins nobles ou non nobles, comme le fer et le magnésium. Cette réaction de cémentation s'écrit par exemple avec le fer Fe.

Cu2+ aqueux + Fe0 limaille ou poudre de métal fer → Cu0 métal + Fe2+ aqueux (ions ferreux).

Il existe de nombreuses méthodes de détection des ions cuivre, l’une faisant intervenir le ferrocyanure de potassium, qui donne un précipité brun et des sels de cuivre. La mise en milieu soude NaOHaq des sels cuivriques, par exemple l'ion cuivrique de sulfate, du chlorure ou de l'acétate de cuivre, préalablement décrits, laisse un précipité bleu. De même, le milieu ammoniaque NH4OHaq engendre une liqueur bleue, l'addition de ferrocyanure de potassium un précipité brun, la réaction par bullage d'hydrogène sulfuré H2Sgaz un précipité noir caractéristique.

Les solutions ammoniacales des sels cuivriques sont souvent bleu foncé, cette coloration profonde est apportée par les ions complexes Cu(NH3)n2+ impliquant n molécules d'ammoniac. Ces ions complexes expliquent l'absorption du monoxyde de carbone CO.

Les complexes cuivriques sont en général très stables. Ils sont également paramagnétiques lorsqu'ils disposent d'un électron célibataire et d'une structure coordonnée en dsp3.

Le tartrate de cuivre dilué dans une solution alcaline à base de soude NaOHaq et potasse caustique KOHaq donne une liqueur bleu intense.

Le tartrate de cuivre est facilement transformé par H2S en sulfure de cuivre CuS, formant un précipité noir.

La formule du sulfure cuivrique est trompeuse, car il existe dans le réseau cristallin des concaténations de soufre, un cuivre CuI à coordination tétraédrique et un cuivre CuII au centre de triangle équilatère de S, d'où la formule des cristallographes CuI4CuII2(S2)2S2

Le cyanure double de cuivre et de potassium en milieu aqueux ne présente aucune transformation ni altération, car il s'agit d'une structure de complexe.

Les cyanures sont à la fois des réducteurs de l'ion cuprique et surtout des complexants en fortes quantités ou en excès.

Cu2+ aqueux + 2 CN aqueux → (CN)2 gaz cyanogène + Cu+ aqueux.
Cu2+ aqueux + 4 CN aqueux → Cu(CN)4 3−

La réduction de l'ion cuprique par les ions iodure I permet le dosage volumétrique du cuivre, car l'iode est titré en retour par le thiosulfate de sodium. La réaction de base en milieu aqueux s'écrit :

Cu2+ + 2 I → CuI iodure cuivreux + ½ I2 iode.

L'acétylacétonate de cuivre(II) catalyse des réactions de couplage et de transfert de carbènes. Le triflate ou trifluorométhylsulfonate de cuivre(II) est également un catalyseur.

L'oxyde mixte de baryum de cuivre et d'yttrium figure parmi les premiers matériaux céramiques supra-conducteur à température de l'azote liquide.

Cuivre(III)

Le cation Cu3+ est peu stable et n'existe que par stabilisation sous forme de complexes. Il existe Cu2O3

Un composé représentatif du cuivre(III) est le CuF63−. Il existe aussi K3CuF6, KCuO2etc.

Les composés de cuivre(III) sont peu courants mais sont impliqués dans une grande variété de réactions en biochimie non organique et en catalyse homogène. Les cuprates supraconducteurs contiennent du cuivre(III), tels que YBa2Cu3O7-δ.

Cuivre(IV)

Les composés de cuivre(IV), tels que les sels de CuF62−, sont très rares.

Dosage

La quantité de cuivre dans différents milieux est quantifiable par différentes méthodes analytiques. Pour dissocier le cuivre de la matrice de son milieu, il faut, la plupart du temps, effectuer une digestion à l’aide d’un acide (en général l’acide nitrique et/ou l’acide chlorhydrique). Le centre d’expertise en analyse environnementale du Québec26 utilise des techniques couplées, soient l’ICP-MS pour les analyses dans la chair de poissons et des petits invertébrés, et l’ICP-OES pour les analyses dans l’eau qui doit préalablement être acidifiée.

 
Anciens ustensiles de cuisine en cuivre, dans un restaurant de Jérusalem.

Utilisations et applications du corps simple, des alliages et des composés

 
Assortiment de raccords en cuivre.
 
Toiture en cuivre du Minneapolis City Hall, recouverte de patine.

Environ 98 % de l'élément cuivre est utilisé sous forme du corps simple métallique ou de ses alliages, profitant de ses propriétés physiques spécifiques - malléabilité et ductilité, bonne conductivité thermique et électrique et du fait qu’il est résistant à la corrosion. Le cuivre s’avère souvent trop mou pour certaines applications, aussi est-il intégré à de nombreux alliages. On compte parmi ceux-ci le laiton, alliage de cuivre et de zinc ou le bronze, alliage de cuivre et d'étain. On peut usiner le cuivre, bien qu’il soit souvent nécessaire de faire appel à un alliage pour les pièces de forme complexe, comme les pièces filetées, afin de conserver des caractéristiques d’usinabilité satisfaisantes. Sa bonne conductivité thermique permet de l’utiliser pour les radiateurs et les échangeurs de chaleur, comme autrefois les chaudières et les alambics.

Les propriétés du cuivre (haute conductivité électrique et thermique, résistance à la corrosion, recyclabilité) font de ce métal une ressource naturelle très utilisée. Il permet de confectionner du matériel de conduction électrique (barre, câbles, fils électriques fils téléphoniques, gaines hertziennes), des plaques et tôles de cuivre pour couverture, des ustensiles de cuisine, des objets décoratifs, des plaques pour galvanoplastie et clichage sur cuivre.

Il sert ainsi dans le secteur de l'électricité, l'électronique, les télécommunications (réseaux câblés, microprocesseurs, batteries), dans la construction (tuyauterie d'eau, couverture de toit), dans l'architecture, les transports (composants électromécaniques, refroidisseurs d'huile, réservoirs, hélices), les machines-outils, des produits d'équipement (plateformes pétrolières) et de consommation (ustensiles de cuisine, parfois par doublage des vaisseaux en feuilles minces, autrefois ustensiles de boulangerie) mais aussi des pièces de monnaie comme l'euro27. Le cuivre sert fréquemment en galvanoplastie, en général comme substrat pour le dépôt d’autres métaux, comme le nickel.

La pièce d'un euro (l'Arbre étoilé dessiné par Joaquin Jimenez pour les euros frappés en France) est constituée d'un centre « blanc » en cupronickel (75 % Cu 25 % Ni) sur âme de nickel et d'une couronne « jaune » en maillechort (75 % Cu 20 % Zn 5 % Ni). Les alliages (centre et couronne) sont inversés pour la pièce de deux euros28.

Industries mécaniques et électriques

On retrouve du cuivre dans un grand nombre d’applications contemporaines et dans de nombreuses industries différentes : télécommunications, bâtiment, transports, énergie et énergies renouvelables. Du fait de sa très bonne conductivité électrique et thermique, le cuivre est utilisé dans de nombreuses applications. Il est le meilleur conducteur électrique parmi l’ensemble des métaux non précieux. À titre d’exemple, la conductivité électrique du cuivre (59,6 × 106 S m−1) est supérieure de 58 % à celle de l’aluminium (37,7 × 106 S m−1).

Les équipements électriques et électroniques contiennent jusqu'à 20 % de leur poids en cuivre. Du fait de sa grande densité (8,94 g/cm3) il ne peut cependant pas être utilisé dans les lignes haute tension aériennes où l’aluminium s’impose en raison de sa légèreté. Ses propriétés électriques sont largement exploitées, et son utilisation en tant que conducteur, dans les électroaimants, les relais, les barres de distribution et les commutateurs. Les circuits intégrés utilisent de plus en plus le cuivre au lieu de l’aluminium du fait de sa conductivité électrique plus élevée, tout comme les circuits imprimés. Il est également utilisé comme matériau pour la fabrication des radiateurs pour ordinateurs, du fait de sa meilleure conductivité thermique que celle de l’aluminium. Les tubes à vide, les tubes à rayons cathodiques et les magnétrons présents dans les fours à micro-ondes font appel au cuivre, comme les guides d’ondes pour l’émission de micro-ondes.

Dans certaines applications thermiques (les radiateurs d’automobile par exemple), pour des raisons économiques, il est parfois remplacé par des matériaux moins performants en termes de rendement (aluminium, matériaux de synthèse). Le cuivre est rarement utilisé pur, sauf pour les conducteurs électriques et dans le cas où l'on souhaite une grande conductivité thermique, car le cuivre pur est très ductile (capacité élevée d'allongement sans rupture). Il est montré que les conductivités thermique et électrique du cuivre sont très fortement liées. Cela résulte du mode de transmission de la chaleur et de l'électricité dans les métaux, qui se fait majoritairement par déplacement d'électrons. À noter à ce titre que le cuivre servant dans ce domaine doit être extrêmement pur (minimum 99,90 % selon les normes internationales). Les impuretés solubles dans la matrice de cuivre telles que le phosphore (même en très faible proportion) diminuent très fortement la conductivité. Le cuivre est couramment utilisé en laboratoire comme cible dans les tubes à rayons X pour la diffraction sur poudres. La raie K α du cuivre a pour longueur d'onde moyenne 1,541 82 Å.

Architecture et industrie

Alors que, pour les applications électriques, on utilise du cuivre non oxydé, le cuivre utilisé en architecture est du cuivre phosphoreux désoxydé (également nommé Cu-DHP). Depuis l’antiquité, on utilise le cuivre comme matériau de couverture étanche, ce qui donne à nombre de bâtiments anciens l’aspect vert de leurs toitures et coupoles. Au début se forme de l’oxyde de cuivre, bientôt remplacé par du sulfure cuivreux et cuivrique, et enfin par du carbonate de cuivre. La patine finale de sulfate de cuivre (dénommée « vert-de-gris ») est très résistante à la corrosion29.

Le cuivre présente une bonne résistance à la corrosion, cependant inférieure à celle de l’or. Il a d’excellentes propriétés en soudage et brasage et peut également être soudé à l’arc, bien que les résultats obtenus soient meilleurs avec la technique de soudage à l’arc sous gaz neutre, avec apport de métal.

 
Principe du brasage.

Alliages

Les alliages de cuivre sont très largement utilisés dans de nombreux domaines. Les alliages les plus célèbres sont certainement le laiton (cuivre-zinc) et le bronze (cuivre-étain) qui ont été élaborés bien avant qu'on ne fasse les premières coulées de cuivre pur. Les fonts baptismaux de la collégiale Saint-Barthélemy de Liège ont fasciné les chercheurs à ce niveau. Il a fallu se rendre à l'évidence que le laiton est nettement plus facile à mettre en œuvre que le cuivre pur et le zinc pur séparés.

Applications des composés de cuivre

Environ 2 % de la production de cuivre sert à la production de composés chimiques. Les applications principales sont les compléments alimentaires et les fongicides pour l’agriculture30.

Le sulfate de cuivre, à l'instar d'autres sels de cuivre, peut être utilisé comme pigment vert pour peintures, comme fongicides et algicides. On le retrouve dans la bouillie bordelaise.

Les carboxylates de cuivre servent comme fongicides et comme catalyseurs.

Les usages des sels de cuivre sont également divers :

Autres applications spécifiques

Armement

Pyrotechnie

En pyrotechnie, les composés du cuivre ou autrefois la poudre fine de cuivre colorent une gerbe de feux d'artifice en bleu.

Supraconductivité

L'oxyde cuprique CuO associé à l'oxyde d'yttrium Y2O3, l'oxyde de baryum BaO, l'oxyde de strontium SrO, l'oxyde de bismuth Bi2O3 peut former des céramiques ou nano-assemblages supraconducteurs vers −140 °C.

De même, mais à plus basses températures, CuS. CuS2 et CuSe2 se remarquent par leur supraconductivité.

L'intérêt pour les cuprates dans ce domaine a été lancé par les travaux de deux spécialistes des pérovskites Georg Bednorz et Alex Müller publiés en 1986 qui supposaient initialement une supraconductivité à −238 °C pour BaLaCuO32.

Applications biomédicales

Applications en aquaculture

Les alliages de cuivre ont pris une place importante en tant que matériaux utilisés dans les filets dans l’industrie de l’aquaculture. Ce qui place les alliages de cuivre à part des autres matériaux est qu’ils sont antimicrobiens. Dans un environnement marin, les propriétés antimicrobiennes et algicides des alliages de cuivre empêchent l’encrassement biologique. En plus de leurs propriétés antifouling, les alliages de cuivre présentent des propriétés de résistance structurale et à la corrosion en milieu marin. C’est la combinaison de toutes ces propriétés – antifouling, haute résistance mécanique et à la corrosion – qui font des alliages de cuivre des matériaux de choix pour les filets et comme matériaux de structure dans les exploitations de pisciculture commerciales à grande échelle.

Toxicologie et rôle d'oligo-élément en biologie

Le cuivre et surtout ses sels solubles sont reconnus toxiques et vénéneux à doses conséquentes ou fortes. À très faible dose, il s'agit d'un oligo-élément bien connu. Le corps humain contient environ 150 mg de cuivre sous diverses formes, et les besoins quotidiens sont de l'ordre de 2 mg pour une personne de 75 kg.

Il ne faut pas conserver des aliments dans des vases ou récipients en cuivre. La sagesse antique réservait ce métal à surface propre aux opérations de chauffage ou de transferts thermiques avec parfois des effets catalytiques recherchés, car les opérateurs connaissaient la dangerosité des sels solubles et vénéneux. Une solution technique possible a été l'étamage, c'est-à-dire l'application d'une fine couche d'étain à chaud, par exemple à certains ustensiles de cuisine. Mais dans ce cas, les surfaces protégées perdent leurs propriétés catalytiques.

L'ion cuivrique Cu2+ est soluble dans l'eau, ses solutions aqueuses sont un poison violent pour les micro-organismes et même à faible concentration, il a un effet bactériostatique et fongicide, assez éphémère, rarement pluriannuel. Dans certaines applications, cette propriété sert à prévenir le développement des germes et champignons (canalisations d'eau sanitaire, culture de la vigne, coques de bateaux et boiseries, etc.).

Il est par ailleurs un oligo-élément vital pour toutes les plantes supérieures et les animaux33. Il est naturellement présent dans le corps humain et indispensable au bon fonctionnement de nombreuses fonctions physiologiques : système nerveux et cardiovasculaire, absorption du fer, croissance osseuse, bonne marche des fonctions immunitaires et régulation du cholestérol.

Étude toxicologique et précautions

Écotoxicologie

 
Sur cette pierre tombale, deux clous de laiton riches en cuivre ont libéré de très faibles doses de cuivre. Ces doses, bien qu'infimes ont tué la totalité des bactéries, mousses et lichens, laissant la pierre comme neuve.

Le cuivre, quand il est présent sous forme d'ions ou de certains composés biodisponibles peut être écotoxique même à faible dose notamment pour certains organismes aquatiques, et sur terre pour les mousses et lichens, ce pourquoi il est employé dans de nombreux antifoolings et agent de traitement des bois utilisés à l'extérieur34.

Risques pour l'agriculture et l'élevage

Du fait de ses propriétés algicides, bactéricides et antifongiques, le cuivre est également utilisé comme pesticide pour l’agriculture. Conformément à la Directive européenne 2092/9135, il peut être utilisé en agriculture biologique sous forme d’hydroxyde de cuivre, d’oxychlorure de cuivre, de sulfate de cuivre et d’oxyde de cuivre. Il est en particulier utilisé en viticulture biologique sous forme de bouillie bordelaise pour lutter contre le mildiou. Cette technique ancestrale est efficace, mais doit être raisonnée : un épandage trop intensif peut entraîner une accumulation de cuivre dans le sol et - à long terme - en détériorer la qualité. Des effets toxiques ont par exemple été observé chez le mouton pâturant près de vignes. Ce mammifère est l'un des plus sensibles au cuivre - parmi ceux dont les réactions au cuivre ont été étudiées : 15 mg de Cu par kg d'aliment est le seuil létal36. L’Union européenne a fixé à 150 mg/kg la teneur maximale des sols en cuivre en agriculture biologique37.

Les moûts de raisin issus de la viticulture biologique peuvent renfermer du cuivre. Celui-ci est soustrait des vins par traitement au ferrocyanure de potassium ou par le monosulfure de sodium qui le précipite à l’état de sulfures éliminés avec les levures et les lies.

D'autres problématiques liées à une utilisation du cuivre en trop grande quantité existent, par exemple dans l’élevage porcin, où le cuivre est parfois utilisé comme complément alimentaire. Facteur de croissance pour le porcelet en post-sevrage, il est parfois incorporé à des niveaux jusqu'à trente fois supérieurs aux besoins de l’animal. De telles pratiques conduisent à une trop forte concentration de cuivre dans les lisiers, qui après épandage, peuvent alors poser des problèmes environnementaux (des phénomènes de phytotoxicité pourraient apparaître à moyen terme dans certaines régions d'élevage intensif)38. Une réduction des apports de cuivre dans l'alimentation du porc serait un moyen de diminuer ces risques environnementaux.

Risques pour l'Homme

Pour l’Homme, le cuivre ingéré à très haute dose, en particulier sous ses formes oxydées (vert-de-gris, oxyde cuivreux, oxyde cuivrique) ou sous des formes souvent chroniques de poussières de composés de cuivre peut se révéler nocif. Quelques cas d’exposition prolongée au cuivre ayant entraîné des désordres sur la santé ont été observés. La Fiche de données toxicologiques et environnementales des substances chimiques de l’INERIS consacrée au cuivre et à ses dérivés peut être consultée librement39.

L'empoisonnement aigu est rare, car l'ingestion de grande quantité provoque des réactions violentes de l'organisme, notamment des vomissementsu. Les anciens chimistes de laboratoire, qui pouvaient être confrontés à quelques accidents, proposaient des contre-poisons peu ou prou efficaces, comme l'ingestion régulée d'albumine (blanc d'œuf délayé dans l'eau), de la limaille de zinc [sic] ou de la poudre de fer réduite par de l'hydrogène comme réducteur, car le cuivre métallique n'était pas considéré comme vénéneux.

La contamination à la poussière de cuivre et à ses composés peut provoquer un état de malaise fiévreux proche d'une maladie virale ou petite grippe, autrefois dénommée la « fièvre du fondeur ». Avec le repos, le malaise disparaît en deux jours.

L'exposition quotidienne au cuivre, à long terme peut provoquer une irritation des zones affectées pour les particules ou poussières, les muqueuses, les fosses nasales et la bouche, sans oublier les yeux. Elle entraîne maux de tête, maux d'estomac, vertiges, ainsi que vomissements et diarrhées. Les prises volontaires de fortes doses de cuivre peuvent provoquer des dommages irréversibles aux reins et au foie et conduire à la mort40.

C'est un oligo-élément indispensable à la spermatogenèse (un taux anormalement bas de cuivre dans le plasma séminal est associé à l'oligospermie et à l'azoospermie41), mais il peut, comme d'autres métaux, avoir un effet inhibiteur sur la motilité des spermatozoïdes. C'est ce que révèle une étude menée dans les années 1970 sur les métaux suivants : cuivre, laiton, nickel, palladium, platine, argent, or, zinc et cadmium)42.

D'autres travaux menés in vitro sur des rats ont montré dans les années 1980 que l’inhalation prolongée de chlorure de cuivre pouvait entraîner une immobilisation non réversible du sperme chez le rat43,44,45,46. Les auteurs, du Département d'études vétérinaires de l'université de Sydney, remarquent que cet effet pourrait expliquer l'efficacité contraceptive des stérilets en cuivre, en plus de l'effet mécanique du stérilet qui inhibe le processus contraceptif en milieu utérin humain45,47. Une autre étude montre que c'est une phagocytose activée par les leucocytes de la cavité utérine qui expliquerait l'efficacité des stérilets de cuivre48.

Un oligo-élément indispensable à la vie

Le cuivre est un oligo-élément indispensable à la vie (hommes, plantes, animaux, et micro-organismes). Le corps humain contient normalement du cuivre à une concentration d’environ 1,4 à 2,1 mg/kg. On trouve du cuivre dans le foie, les muscles et les os. Le cuivre est transporté par la circulation sanguine au moyen d’une protéine nommée céruléoplasmine49. Après absorption du cuivre au niveau de l’intestin, il est acheminé vers le foie, lié à l’albumine. Le métabolisme et l’excrétion du cuivre sont contrôlés par la fourniture au foie de céruléoplasmine, et le cuivre est excrété dans la bile. Au niveau cellulaire, le cuivre est présent dans nombre d’enzymes et de protéines, y compris la cytochrome c oxydase et certaines superoxydes dismutases (SOD). Le cuivre sert au transport biologique d’électrons, par exemple les protéines « bleu cuivre », azurine et plastocyanine. La dénomination « bleu cuivre » vient de leur intense couleur bleue due à une bande d’absorption (autour de 600 nm) par transfert de charge coordinat/métal (LMCT). Nombre de mollusques et certains arthropodes, tels que la limule, font appel, pour le transport de l’oxygène, à un pigment à base de cuivre, l’hémocyanine, plutôt qu’à l’hémoglobine, possédant un noyau fer, et leur sang est bleu, et non rouge, lorsqu’il est oxygéné50.

Diverses agences de santé dans le monde ont défini des normes nutritionnelles journalières. Les chercheurs spécialisés en microbiologie, toxicologie, nutrition et évaluation des risques sanitaires travaillent ensemble à définir avec précision les quantités de cuivre requises par l'organisme, en évitant les déficits ou les surdosages en cuivre51. En France, les apports nutritionnels conseillés (ANC) par l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments52 sont de 1 mg/j chez l’enfant jusqu’à 9 ans, 1,5 mg/j chez l’adolescent jusqu’à 19 ans, et 2 mg/j chez l’adulte.

Excès et manque de cuivre

Chez l'Homme et les mammifères, le cuivre est notamment nécessaire à la formation de l'hémoglobine, il intervient dans la fonction immunitaire et contre le stress oxydant. Comme il facilite l’assimilation du fer, un déficit en cuivre peut souvent donner lieu à des symptômes analogues à une anémie. Chez certaines espèces, il remplace même le fer pour le transport de l'oxygène. C’est le cas de la limule (arthropode) dont le sang est bleu53, ou de certains chironomes qui sont verts.

Un déficit en cuivre est également associé à une diminution du nombre de certaines cellules sanguines (cytopénie)54 et à une myélopathie55. Le déficit se voit essentiellement après une chirurgie digestive (dont la chirurgie bariatrique et les surcharges en zinc56 (le zinc étant absorbé de manière compétitive avec le cuivre par le tube digestif)).

Inversement, une accumulation de cuivre dans les tissus peut provoquer chez l’Homme la maladie de Wilson.

Propriétés antibactériennes

Depuis l’Antiquité, le métal rouge est utilisé par l’Homme pour ses vertus sanitaires, notamment pour soigner les infections et prévenir les maladies57. Avant même la découverte des micro-organismes, les Égyptiens, les Grecs, les Romains et les Aztèques utilisaient des préparations à base de cuivre pour leurs maux de gorge, éruptions cutanées et pour l’hygiène quotidienne. Au XIXe siècle, après la découverte du lien de causalité entre le développement de germes pathogènes et la déclaration des maladies, de nombreux scientifiques se sont intéressés à l’exploitation des propriétés antibactériennes58 du cuivre. Actuellement, le cuivre est utilisé par l’industrie pharmaceutique, dans des applications allant des antiseptiques et antimycosiques aux produits de soins et d’hygiène (crèmes, ampoules d’oligo-éléments, etc.).

S’il est bénéfique à faibles doses, l'ion Cu2+ peut cependant, comme la plupart des éléments chimiques, se révéler toxique pour certains organismes à des concentrations très élevées (des cas de contaminations ont été identifiés à l'âge du bronze sur des squelettes d’hommes ou d’animaux à proximité des anciennes mines de cuivre de l'actuelle Jordanie59) ou lorsqu’il est associé à d’autres matériaux comme le plomb (une telle association pourrait aggraver le risque de maladie de Parkinson60).

En , l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA)61 a homologué le cuivre et ses alliages en tant qu’agents antibactériens capables de lutter contre la prolifération de certaines bactéries responsables d’infections potentiellement mortelles. Le cuivre, le bronze et le laiton sont ainsi les premiers matériaux officiellement autorisés à revendiquer des propriétés sanitaires aux États-Unis. Cette reconnaissance est une étape importante pour l’utilisation du cuivre comme agent antibactérien.

Construction

Dans le domaine de la construction, les vertus bactériostatiques et antifongiques du cuivre, sa résistance à la corrosion et son imperméabilité justifient également son utilisation dans les canalisations d'eau, et dans certains pays, pour les toitures et gouttières (ni mousse ni plantes ne s'y installent). Le cuivre est le matériau le plus utilisé à travers le monde pour la distribution d’eau sanitaire, et celui pour lequel on dispose du retour d’expérience le plus important, portant sur plusieurs décennies d’utilisation. Des canalisations en cuivre contribuent à prévenir et limiter le risque de contamination des réseaux d’eau par certaines bactéries comme les légionelles62, responsables de la légionellose, maladie pulmonaire mortelle dans 10 % des cas63. Selon le Pr Yves Lévi, directeur du Laboratoire Santé Publique et Environnement, université Paris-Sud 11 : « Si aucun matériau ne peut garantir l’absence totale de bactéries dans les réseaux, le cuivre permet néanmoins de limiter les risques64 ».

Peintures antifouling

Les propriétés antibactériennes sont à l’origine d’une autre application : les peintures dites « antifouling », ou anti-salissures, dont sont recouvertes les coques des bateaux. Celle-ci empêche la prolifération et la fixation d'algues et de micro-organismes marins qui ralentissent les embarcations et augmentent les risques de corrosion. Le cuivre pur est le principal composant actif de ces peintures (jusqu’à deux kilogrammes de poudre de cuivre par litre). Aujourd’hui utilisées pour la plupart des bateaux, elles ont remplacé les feuilles de cuivre qui étaient autrefois clouées sur les parties immergées de la coque des navires et qui avaient le même effet. Inventée par les phéniciens, cette technique avait été généralisée à la fin du XVIIIe siècle par tous les chantiers navals. Dans la marine, le cuivre et ses alliages (bronze ou laiton) sont également utilisés pour leur résistance à la corrosion (clous, hublots, accastillage, hélice). Le même principe est parfois appliqué pour protéger les toitures : un simple fil de cuivre tendu sur le faîte d'un toit empêche l’apparition de mousses ou d’algues qui pourraient y pousser.

Surfaces de contact

Depuis 2007, une nouvelle application d’avenir a vu le jour dans plusieurs pays à travers le monde : l’utilisation de surfaces de contact en cuivre (poignées de porte, tirettes de chasse d'eau, barres de lits) en milieu hospitalier pour réduire les risques d’infections nosocomiales.

En , l’hôpital privé St Francis en Irlande a été équipé de poignées de porte en cuivre dans le but de limiter les risques d’infections nosocomiales65. C’est la première fois qu’un établissement de santé va exploiter les propriétés antibactériennes du cuivre dans le but de se prémunir contre ce type d’infection et d’accroître la sécurité de ses patients. Les résultats très prometteurs des études de laboratoire et de terrain menées en Grande-Bretagne depuis 2007 sur le potentiel antibactérien du métal rouge sont à l’origine de la décision des dirigeants de l’hôpital66. Les résultats de l’expérimentation de l’hôpital de Birmingham montrent en effet que les surfaces en cuivre permettent d’éradiquer 90 à 100 % des micro-organismes tels que le staphylocoque doré résistant à la méticilline (SARM) en milieu hospitalier.

En France, c'est le service de réanimation et de pédiatrie de l'hôpital public de Rambouillet qui a testé le premier ce métal pour lutter contre les maladies nosocomiales (sur les poignées de porte, barres de lits, mains courantes, plaques de propreté)67,68.

Lors du 25e congrès de la Société française d'hygiène hospitalière, le Centre hospitalier d’Amiens a révélé publiquement les résultats d'une expérimentations confirmant l’efficacité du cuivre contre les bactéries en milieu hospitalier. Selon les résultats de cette expérience, le cuivre a permis de faire baisser de façon significative la présence de bactéries au sein du service de néo-natalité du CHU d’Amiens69.

La clinique Arago, établissement sanitaire parisien spécialisé dans des soins orthopédiques, situé dans l'enceinte de l'hôpital Saint-Joseph à Paris, a fait installer des poignées de porte et des mains courantes en cuivre afin de prévenir les maladies nosocomiales70.

Mais le coût élevé de la matière première devient vite un frein pour les établissements de santé. L'entreprise française MétalSkin développe alors un procédé de revêtement constitué de cuivre recyclé en poudre mélangé à de la résine71,72. Un test, réalisé en 2013 à la clinique Saint-Roch de Montpellier, s'est avéré probant73. Ce revêtement peut diviser par 3 000 le nombre de bactéries en une heure74. La forme soluble de ce revêtement permet d'élargir les supports sur lesquels il peut être appliqué. Ainsi, les claviers ou souris d'ordinateur, les coques de portable et toutes les surfaces potentiellement propagatrices de bactéries peuvent être traitées pour devenir auto-décontaminantes74.

Normes antibactériennes

Initialement, la norme ISO 22196 (version internationale de la norme japonaise JIS Z 2801) définissait la mesure de l'action antibactérienne sur les surfaces en plastique et autres surfaces non poreuses. Mais très vite, le protocole de mesure s'est trouvé trop éloigné des conditions réelles du terrain75.

À partir de 2016, une étude sur le référentiel normatif est menée et l'Afnor crée une commission de normalisation, regroupant différents experts, telle que l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, des microbiologistes ou des spécialistes de la réglementation et des matériaux. En , la norme NF S90-700 est créée76. La norme S90-700 sur la mesure de l’activité de base des surfaces non poreuses demande que, sur quatre souches distinctes, une mortalité de 99 % soit observée en une heure (division par 100 ou 2 log) avec chacune d’entre elles.

Production et économie

Le cuivre est le troisième métal le plus utilisé au monde après le fer et l'aluminium. Il s'agit du second des métaux non ferreux en importance, loin devant le zinc, le plomb, le nickel ou l'étain.

La production minière de cuivre a été multipliée par vingt entre 1900 et 1990, puis à nouveau par deux entre 1990 et 2019, pour y atteindre annuellement 20,3 Mt. La production mondiale de cuivre raffiné dépasse quant à elle les 18 Mt. La consommation mondiale totale de cuivre (cuivre primaire raffiné plus cuivre recyclé) a plus que doublé entre le début des années 1970 et 2008 pour atteindre 23,5 Mt77. En 1990, pour une consommation mondiale annuelle répertoriée de 8,5 Mt, 470 kt l'étaient en France. Environ 70 % du cuivre métal commercialisé se présentait à cette époque à l'état pur sous forme de fils électriques, de tubes, de laminés, et le reste sous forme d'alliages.

La forte corrélation du cuivre à la conjoncture industrielle fait de l'étude du marché du cuivre un excellent indicateur avancé de l'état de l'économie27.

 
Tendance de la production mondiale : 1900-2000.

Production minière

La production minière annuelle de cuivre a fortement augmenté depuis le début du XXe siècle, passant de 0,5 Mt en 1900 à 11 Mt en 1990, puis 15 Mt en 2008, et 20,3 Mt en 2019.

Les onze principaux pays producteurs en 2019 totalisent 73,7 % de cette production : le Chili, le Pérou, la Chine, les États-Unis, la République démocratique du Congo, l'Australie, la Zambie, le Mexique, la Russie, le Kazakhstan et l'Indonésie. Quatre des dix plus importantes mines du cuivre du monde se situaient au Chili (Escondida, Collahuasi, El Teniente, Chuquicamata) et trois au Pérou (Cerro Verde II, Antamina et Las Bambas)78,79.

Selon le webzine Illuminem, les principaux producteurs sont des sociétés constituées au Royaume-Uni, suivies des sociétés constituées au Chili, aux États-Unis et au Mexique, tandis que la Chine se classe au cinquième rang pour le contrôle économique des mines de cuivre80.

Production de cuivre79
RangPaysProduction 2020 (kt)% mondial
1 Drapeau du Chili Chili 5 700 28,5
2 Drapeau du Pérou Pérou 2 200 11,0
3 Drapeau de la République populaire de Chine Chine 1 700 8,5
4 Drapeau des États-Unis États-Unis 1 200 6,0
5 Drapeau de la république démocratique du Congo République démocratique du Congo 1 300 6,5
6 Drapeau de l'Australie Australie 870 4,4
7 Drapeau de la Zambie Zambie 830 4,2
8 Drapeau du Mexique Mexique 690 3,5
9 Drapeau de la Russie Russie 850 4,3
10 Drapeau du Kazakhstan Kazakhstan 580 2,9
11 Drapeau du Canada Canada 570 2,9
12 Drapeau de l'Indonésie Indonésie 380 1,7
  autres 370 18,5
Monde 20 000 100

La production peine à suivre la forte progression de la demande, due aux besoins de la transition énergétique. Le premier obstacle est la baisse structurelle des teneurs : selon un rapport du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), la concentration moyenne en cuivre dans les mines en exploitation atteint 0,62 %. Dans les sites récemment ouverts, elle ne dépasse pas 0,53 % et pour les projets à l'étude, elle tombe à 0,43 %. La seconde difficulté est l'impact des mines sur l'environnement, en particulier à cause de l'utilisation de l'eau, devenue hautement problématique pour de nombreuses mines situées dans des zones soumises à un fort stress hydrique. L'opposition des populations locales est grandissante : c'est l'une des causes de la victoire en 2021 des partis de gauche au Pérou ou au Chili78.

La Russie a commencé en 2022 à exploiter la mine de cuivre de Novaya Chara, au nord de la Sibérie orientale, qui serait le troisième gisement au monde, avec des réserves de 26 Mt et une teneur élevée (plus de 1 %), selon son exploitant Udokan Copper, qui compte commencer par produire 160 kt de cuivre par an pour monter, à terme, à 400 kt81.

On a utilisé le cuivre depuis au moins 10 000 ans, mais plus de 95 % de tout le cuivre jamais extrait et fondu l’a été depuis 1900. Comme pour nombre de ressources naturelles, la quantité totale de cuivre sur terre est importante (environ 1014 t dans le premier kilomètre de la croûte terrestre, correspondant à environ cinq millions d’années de réserve au taux d’extraction actuel)[réf. nécessaire]. Toutefois, seule une petite partie de ces réserves est économiquement viable, étant donné les prix et les technologies actuelles. Diverses estimations des réserves de cuivre disponibles pour l’extraction vont de 25 à 60 ans, en fonction des hypothèses de départ, telles que la demande en cuivre82.

Le cours du cuivre, une des mesures de la disponibilité en approvisionnement en cuivre par rapport à la demande mondiale, a quintuplé lors des soixante dernières années ; faible en 1999, passant de 0,60 USD par livre (1,32 USD/kg) en à 3,75 USD par livre (8,27 USD/kg) en , et chutant à partir de cette date à 2,40 USD par livre (5,29 USD/kg) en  ; il est ensuite remonté à 3,50 USD par livre (7,71 USD/kg = 3,89 £ = 5 ) en 83. Au début de , cependant, l’affaiblissement de la demande mondiale et une chute brutale du cours des matières premières depuis les valeurs élevées de l’année précédente ramenèrent le cours du cuivre à 1,51 USD par livre84.

Le Conseil intergouvernemental des pays exportateurs de cuivre (CIPEC), disparu depuis 1992, a tenté jadis de jouer le même rôle que celui de l’OPEP pour le pétrole, mais il n’a jamais exercé la même influence, en particulier parce que le second plus gros producteur, les États-Unis, n’en ont jamais fait partie. Créé en 1967, ses principaux membres étaient le Chili, le Pérou, le Zaïre et la Zambie.

Réserves mondiales

Les réserves mondiales estimées de cuivre s'élevaient à 2,1 milliards de tonnes en 2019, auxquelles s’ajoutent 3,5 milliards de tonnes non découvertes (estimation moyenne) réparties dans onze régions du monde. Treize pays regroupent 75 % des réserves identifiées : 23 % au Chili, 10 % au Pérou, 10 % en Australie, 7 % en Russie, 6 % aux États-Unis, 6 % au Mexique, 3 % en Chine, 3 % au Kazakhstan, 3 % en Indonésie, 2 % en Zambie, 2 % en République démocratique du Congo79.

Les plus grandes réserves de cuivre dans le monde en 202085
PaysMillions de tonnes
Drapeau du Chili Chili 200
Drapeau de l'Australie Australie 93
Drapeau du Pérou Pérou 77
Drapeau de la Russie Russie 62
Drapeau du Mexique Mexique 53
Drapeau des États-Unis États-Unis 48
Drapeau de la république démocratique du Congo République démocratique du Congo 31
Drapeau de l'Indonésie Indonésie 24
Drapeau de la République populaire de Chine Chine 26
Drapeau de la Zambie Zambie 21
Autres pays 180

Principales mines de cuivre

Les vingt plus grandes mines représentent plus de 40 % de la production mondiale. La mine Escondida au Chili, notamment, produit à elle seule plus de 1,2 million de tonnes de cuivre par an. Sur ces 20 mines, 14 sont entrées en production au XXe siècle, dont 6 avant 1975.

Les vingt plus grandes mines de cuivre86
NomPaysOuvertureFermeture programméePropriétaire
1 Mine d'Escondida Drapeau du Chili Chili 1990 2076 BHP Group, Rio Tinto, Mitsubishi
2 Mine de Collahuasi Drapeau du Chili Chili 1989 2081 Glencore, Anglo American, Mitsui
3 Mine de Grasberg Drapeau de l'Indonésie Indonésie 1972 2041 Freeport-McMoRan, Gouvernement indonésien
4 Mine de Rudna Drapeau de la Pologne Pologne 1966 2040 KGHM Polska Miedź
5 Mine de Cerro Verde Drapeau du Pérou Pérou 1976 2053 Freeport-McMoRan, Sumitomo
6 Mine d'El Teniente Drapeau du Chili Chili 1917 2083 Codelco
7 Mine d'Antamina Drapeau du Pérou Pérou 2001 2028 Glencore, BHP Group, Teck Resources, Mitsubishi
8 Mine de Morenci Drapeau des États-Unis États-Unis 1987 2045 Freeport-McMoRan, Sumitomo
9 Mine de Buenavista Drapeau du Mexique Mexique 1991 20?? Southern Copper, filiale de Grupo México
10 Mine de Las Bambas Drapeau du Pérou Pérou 2015 2036 MMG Limited
11 Mine de Los Bronces Drapeau du Chili Chili 1925 2048 Anglo American plc,Mitsubishi
12 Mine de Los Pelambres Drapeau du Chili Chili 1999 2038 Antofagasta PLC
13 Mine de Norilsk Drapeau de la Russie Russie 1939 2037 Nornickel
14 Mine de Radomiro Tomic Drapeau du Chili Chili 1998 2044 Codelco
15 Mine de Chuquicamata Drapeau du Chili Chili 1915 2057 Codelco
16 Mine de Kansanshi Drapeau de la Zambie Zambie 2005 2042 First Quantum Minerals
17 Mine Sentinel Drapeau de la Zambie Zambie 2015 2034 First Quantum Minerals
18 Mine de Mount Isa Drapeau de l'Australie Australie 1990 2026 Glencore
19 Mine d'Antapaccay Drapeau du Pérou Pérou 2012 2029 Glencore
20 Mine de Toromocho Drapeau du Pérou Pérou 2015 2051 Aluminium Corporation of China

Demande

Du fait de ses multiples propriétés (conductivités thermique et électrique, résistance à la corrosion), le cuivre est devenu un métal incontournable dans les sociétés modernes. Il est couramment employé pour la fabrication des câbles et fils électriques, dans la plomberie, dans les équipements électroniques (circuits imprimés, puces électroniques), dans le secteur des transports (circuits de freinage, systèmes d’injection, etc.), dans les bâtiments et pour la fabrication de la monnaie. Sa demande est promise à une forte progression en tant que matériau essentiel dans le cadre de la transition énergétique. Les véhicules électriques consomment près de quatre fois plus de cuivre que ceux à moteurs thermiques et les besoins en cuivre par mégawatt sont beaucoup plus élevés pour l'hydroélectricité, le solaire et l'éolien que pour les centrales nucléaires ou à combustibles fossiles : une éolienne terrestre nécessite près de 5 t/MW de cuivre et des panneaux photovoltaïques en toiture près de 11 t/MW contre environ 1,5 t/MW pour le nucléaire et 1 t/MW pour une centrale à gaz79.

Recyclage

Dans le monde moderne, le recyclage est une des principales sources de cuivre87. De ce fait, ainsi que du fait d’autres facteurs, l’avenir de la production et de la fourniture en cuivre est l’objet de nombreux débats, incluant le concept de pic du cuivre, analogue à celui de pic pétrolier.

Le cuivre, du fait de sa stabilité chimique, se prête particulièrement bien au recyclage, car contrairement à de nombreuses autres matières premières, il est recyclable à l'infini, sans altération ni perte de performancesv. Le processus de recyclage permet une économie d’énergie jusqu’à 85 % par rapport à la production de cuivre via ses déchets88. D'autre part le recyclage émet moins de gaz à effet de serre. « La seule production de cathodes à partir de cuivre recyclé permet d’économiser près de 700 000 tonnes de CO2 chaque année89 ».

En 2008, 2,5 millions de tonnes de cuivre recyclé ont été utilisées en Europe, soit 43 % de l’utilisation totale sur la période selon l’ICSGw. Au début des années 1990, un tiers du cuivre consommé en Europe occidentale provenait déjà du cuivre recyclé, soit par l'étape du raffinage soit par fabrication directe de demi-produits (laminés ou tubes en cuivre, barre de laiton, etc.).

Le recyclage provient de deux sources :

Parmi les applications contenant les plus fortes proportions de cuivre et présentant le potentiel de recyclage le plus élevé, on peut citer les câbles, les canalisations, valves et raccords, les toitures et bardages cuivre, les moteurs industriels, l’équipement ménager, ainsi que l’équipement informatique et électronique.

L’augmentation constante de la demande, en hausse de 134 % depuis 1970[réf. nécessaire], associée aux importantes fluctuations du prix de la matière première, font du recyclage du cuivre un complément indispensable à la production primaire. Outre l’argument environnemental, la disponibilité du cuivre recyclé à des prix compétitifs constitue aujourd’hui une nécessité économique et une partie essentielle de la chaîne de valeur du cuivre.

 
Production de cuivre en 2005.

Quelques données économiques

 
Prix du cuivre 2003–2011 en USD/t.

Histoire

Néolithique

Le cuivre est, avec l'or, le premier métal à avoir été utilisé par l'Homme, dès le Ve millénaire av. J.-C., parce qu'il fait partie des rares métaux qui se trouvent naturellement en tant que minéral pur, sous une forme native. Il est probable que l’or et le fer météorique étaient les seuls métaux utilisés par l’Homme avant la découverte du cuivre96. Il est a ce titre très étudié en archéométallurgie.

Sur le site de Tell Qaramel en Syrie, une pépite de cuivre polie transformée en perle ornementale datant du Xe millénaire av. J.-C., a été trouvée et est la plus ancienne pièce en cuivre connue des archéologues97.

Dans les Balkans, les archéologues retrouvent communément des pingen ou fosses minières de 20 à 25 m de profondeur pour extraire le cuivre dont le creusement à partir de la surface peut être daté avant le IVe millénaire av. J.-C. Le grain d'un collier en cuivre, mis au jour en Grèce, remonte à 4700 av. J.-C. Mais des objets des environs de l'ancienne Mésopotamie ou actuelle Irak datant du IXe millénaire av. J.-C. ont été aussi mis au jour.

On a retrouvé des traces de fusion du cuivre, dues au raffinage de celui-ci à partir de composés simples comme l’azurite et la malachite, datant d'environ 5 000 ans avant notre ère. Parmi les sites archéologiques d’Anatolie, Çatal Höyük (environ 6000 av. J.-C.) recèle des artefacts en cuivre et des couches de plomb fondu, mais pas de cuivre fondu. Le plus ancien artefact en cuivre fondu découvert (un ciseau en cuivre du site chalcolithique de Prokuplje, en Serbie) date de 5500 av. J.-C. Un peu plus tard, le peuple de Can Hasan (environ 5000 av. J.-C.) a laissé des traces de l'utilisation de cuivre fondu.

Les sites métallurgiques des Balkans semblent avoir été plus avancés que ceux d’Anatolie. Il est donc assez probable que la technique de fusion du cuivre prenne son origine dans les Balkans.

On utilisait par ailleurs le moulage à la cire perdue vers 4500 à 4000 av. J.-C. en Asie du Sud-Est98.

Quant aux débuts de l'exploitation minière, des sites miniers d'Alderley Edge dans le Cheshire, Royaume-Uni, ont été datés par le carbone 14 et remonteraient à 2280 et 1890 av. J.-C.99.

 
Cette pièce en cuivre corrodée provenant de Zakros, Crète, a la forme d’une peau d’animal, typique de cette époque.

La métallurgie du cuivre semble s’être développée indépendamment dans plusieurs parties du monde. En plus de son développement dans les Balkans vers 5500 av. J.-C., elle s’était développée en Chine avant 2800 av. J.-C., dans la Andes autour de 2000 av. J.-C., en Amérique centrale vers l’an 600 et en Afrique occidentale vers l'an 900 avant notre ère100. On le trouve de manière systématique dans la civilisation de la vallée de l’Indus pendant le IIIe millénaire avant notre ère. En Europe, Ötzi, une momie masculine bien conservée datant de la période du Chalcolithique (4 546 ± 15 ans BP avant calibration) été retrouvée accompagnée d’un fer de hache en cuivre pur à 99,7 %. Des concentrations élevées d’arsenic trouvées dans sa chevelure font penser qu’il travaillait à la fusion du cuivre. Au fil des siècles, l’expérience acquise en métallurgie du cuivre a aidé au développement de celle des autres métaux ; par exemple, la connaissance des techniques de fusion du cuivre a conduit à la découverte des techniques de fusion du fer.

 
Martelage traditionnel du cuivre.

Sur le continent américain, la production dans le Old Copper Complex, situé dans le Michigan et le Wisconsin actuels, date d’environ 6000 à 3000 av. J.-C.101. Certains ouvrages affirment que les anciennes civilisations américaines, telles que les Mound Builders, connaissaient une méthode de trempe du cuivre qui n’a toujours pas été redécouverte. Selon l’historien Gerard Fowke, il n’existe aucune preuve d’un tel « savoir-faire perdu » et la meilleure technique connue pour durcir le cuivre à cette époque était le battage102.

Âge du cuivre

Les environs lointains de l'île de Chypre attestent avant cette période d'un commerce important du cuivre extrait de l'île.

En Europe occidentale, on situe l'âge du cuivre ou Chalcolithique, entre 3200 et 2000 environ av. J.-C.103, suivant les régions (Italie, Suisse, Alpes, Cévennes, Espagne et Portugal). Cette période technologique est bien plus ancienne à l'est de la Méditerranée. Des objets en cuivre datant de 8700 av. J.-C. ont été retrouvés au Moyen-Orient104. C'est le cas d'un pendentif en cuivre retrouvé au nord de l’actuel Irak105.

 
Mine de cuivre au chalcolithique, vallée de Timna, désert du Néguev, Israël.

La période de transition, dans certaines régions, entre la période précédente (Néolithique) et l’âge du bronze a été nommée « chalcolithique » (« pierre-cuivre »), certains outils en cuivre très pur étant utilisés en même temps que les outils de pierre.

Âge du bronze

Le fait d’allier artificiellement du cuivre avec de l’étain ou du zinc, d'abord par traitement de leurs minerais intimement associés, puis par traitement de mélange raffiné de minerais choisis, puis par fusion de métaux déjà préalablement obtenus et pesés, pour obtenir, selon notre conception moderne, du bronze ou du laiton se pratique 2 300 ans après la découverte du cuivre lui-même. Ce qui a amené précocement les peuples de l'Europe centrale à un art maîtrisé du martelage de grande feuille de bronze.

Les artefacts de cuivre et de bronze provenant des cités sumériennes datent de 3000 av. J.-C.106, et les objets égyptiens en cuivre et en alliage cuivre-étain sont à peu près aussi anciens. L’utilisation du bronze s’est tellement propagée en Europe autour de 2500 à 600 av. J.-C. que cette période a été nommée « âge du bronze ». Les lingots de bronze servent vraisemblablement d'unités monétaires dans le monde méditerranéen. Comme le minerai de cuivre, sans être abondant, mais parfois concentré en certains sites, n'est pas rare, le contrôle des ressources d'étain, nettement plus rares et aux lieux d'exploitation restrictifs, est devenu crucial. D'où la recherche par les marchands et marins-négociateurs des terres ou îles légendaires qualifiées de Cassitéridesx.

Au XIIIe, les navires de commerce, non dépourvus de ponts étanches, transportent souvent plus de deux cents lingots de bronze en Méditerranée orientaley.

Antiquité et Moyen Âge

En Grèce, le nom donné à ce métal était chalkos (χαλκός) ; selon Pline l'Ancien d’après Théophraste107, couler le cuivre et le tremper sont des inventions d'un Phrygien nommé Délas. Le cuivre constituait, pour les Romains, les Grecs et d’autres peuples de l’Antiquité une ressource importante. À l’époque romaine, il était connu sous le nom d’aes Cyprium (aes étant le terme latin générique désignant les alliages de cuivre tels que le bronze et les autres métaux, et cyprium parce que, puisque la plus grande partie venait de Chypre, le monde hellénique désignait ainsi ce métal rougeâtre et ses composés notables. Ensuite, on simplifia ce terme en cuprum, d’où le nom anglais copper. Dans la mythologie et l’alchimie, le cuivre était associé avec la déesse Aphrodite (Vénus), du fait de son éclat brillant, de son utilisation ancienne pour la production de miroirs, et de son association avec Chypre, île consacrée à la déesse. En astrologie et en alchimie, les sept corps célestes connus des anciens étaient associés à sept métaux également connus dans l’Antiquité, et Vénus était associée au cuivre108.

Laiton

Le laiton (alliage cuivre-zinc) était aussi connu nominalement des Grecs, mais ne vint compléter le bronze de manière significative que sous l’Empire romain. Le premier usage connu du laiton, en Grande-Bretagne, date du IIIe au IIe siècle av. J.-C. En Amérique du Nord, l’extraction du cuivre commença avec une métallurgie marginale pratiquée chez les Amérindiens. On sait que le cuivre natif était extrait de sites sur l’Isle Royale à l’aide d’outils primitifs en pierre entre 800 et 1600109. L’industrie du cuivre était florissante en Amérique du Sud, en particulier au Pérou, vers le début du premier millénaire de notre ère. La technologie du cuivre a progressé plus lentement sur d’autres continents. Les réserves de cuivre les plus importantes en Afrique sont situées en Zambie. Des ornements funéraires en cuivre datant du XVe siècle ont été découverts, mais la production commerciale de ce métal n’a pas commencé avant le début du XXe siècle. Il existe des artefacts australiens en cuivre, mais ils n’apparaissent qu’après l’arrivée des Européens ; la culture aborigène ne semble pas avoir développé sa métallurgie. Vital pour le monde métallurgique et technologique, le cuivre a également joué un rôle culturel important, en particulier dans la monnaie. Les Romains, entre le VIe et le IIIe siècle av. J.-C. se servaient de morceaux de cuivre comme monnaie. Au début, on ne prenait en compte que la valeur du cuivre lui-même, mais progressivement, la forme et l’apparence de la monnaie de cuivre devinrent prépondérants. Jules César avait sa propre monnaie, faite d’un alliage cuivre-zinc, alors que les monnaies d’Octave étaient réalisées en alliage Cu-Pb-Sn. Avec une production annuelle estimée d’environ 15 000 tonnes, les activités romaines en termes d’extraction et de métallurgie du cuivre avaient atteint une échelle qui n’a été dépassée qu’à l’époque de la révolution industrielle ; les provinces dans lesquelles l’activité minière était la plus importante étaient l’Hispanie, Chypre et l’Europe centrale110,111.

Les portes du Temple de Jérusalem étaient en bronze corinthien, obtenu par dorure par appauvrissement. Le bronze corinthien était prisé à Alexandrie, où certains pensent que l’alchimie a pris naissance112. Dans l’Inde ancienne (avant 1000 av. J.-C.), le cuivre était utilisé en médecine holistique ayurvédique pour la fabrication d’instruments chirurgicaux et autres équipements médicaux. Les anciens Égyptiens (environ 2400 av. J.-C.) se servaient du cuivre pour stériliser les blessures et l’eau de boisson, puis plus tard (environ 1500 av. J.-C.) pour soigner les maux de tête, les brûlures, et le prurit. Hippocrate (environ 400 av. J.-C.) se servait du cuivre pour soigner les ulcères variqueux des jambes. Les anciens Aztèques combattaient les atteintes à la gorge par gargarisme composé de divers mélanges à base de cuivre.

Le cuivre est également présent dans certaines légendes et histoires, telles que celle de la « pile de Bagdad ». Des cylindres de cuivre, soudés au plomb, datant de 248 av. J.-C. à 226 apr. J.-C., ressemblent à des éléments de pile, conduisant certaines personnes à penser qu’il s’agissait peut-être de la première pile. Cette affirmation n’a, à l’heure actuelle, pas été confirmée.

La Bible fait également allusion à l’importance du cuivre : « Il existe, pour l’argent, des mines, pour l’or, des lieux où on l’épure. Le fer est tiré du sol, la pierre fondue livre du cuivre. » (Job 28:1–2) [NdT : traduction de la Bible de Jérusalem].

Une statue en bronze d'un temple de Nara au Japon, représentant un grand bouddha, représenterait une fabrication par coulée, en 749, de presque 16 mètres de haut et impliquant 400 tonnes de matièrez.

En 922, les mines cuprifères de Saxe, en particulier le secteur de Frankenberg, font la prospérité de la lignée d'Henri, souverain saxon du royaume de Francie orientale.

La fabrication par cémentation connue dès l'Antiquité s'est maintenue au Moyen Âge113.

Époque moderne

La grande montagne de cuivre de Falun était une mine située en Suède, qui a fonctionné pendant un millénaire, du Xe siècle à 1992. Au XVIIe siècle, elle produisait environ les deux tiers des besoins européens et permit, à cette époque, de financer une partie des guerres menées par la Suède. Le cuivre était considéré comme trésor national ; la Suède possédait une monnaie (papier) garantie par du cuivre114.

Tout au long de l’histoire, l’utilisation du cuivre dans le domaine de l’art s’étendit bien au-delà de la monnaie. Il a été utilisé par les sculpteurs de la Renaissance, dans la technique pré-photographique connue sous le nom de daguerréotype, et pour la statue de la Liberté. Le placage et le doublage en cuivre des coques de navires étaient largement répandus. Les navires de Christophe Colomb furent parmi les premiers à bénéficier de cette protection115. La Norddeutsche Affinerie de Hambourg fut la première usine galvanoplastique, dont la production a commencé en 1876116. Le scientifique allemand Gottfried Osann inventa la métallurgie des poudres et l’appliqua au cuivre en 1830 en déterminant le poids atomique de ce métal. Par ailleurs, on découvrit également que le type et la quantité de métal d’alliage (ex. : étain) affectait la sonorité des cloches, ce qui a entraîné la fonderie de cloches. La fusion éclair a été développée par Outokumpu en Finlande et fut appliquée pour la première fois à l’usine de Harjavalta en 1949. Ce processus économe en énergie fournit 50 % de la production mondiale de cuivre brut117.

Une fraction de communautés rurales, souvent à l'origine des fundi gallo-romains, se sont spécialisées dans le travail des métaux, en particulier pour les chaudrons et ustensiles en cuivre vendus au foire de printemps et d'automne. Ainsi le musée de Durfort dans la montagne Noire rappelle cette activité118.

Les banquiers et financiers Fugger ont construit un monopole marchand sur la ressource en cuivre autour des années 1500. À cette époque les canons sont essentiellement coulés en bronze.

Époque contemporaine

À la fin du XIXe siècle, le sous-oxyde Cu2O et le carbonate CuCO3 sont des minerais massivement exportés en Europe par le Pérou, le Chili et l'Oural russe. La France dans la mouvance de l'économie maritime anglo-saxonne préfère importer d'Amérique latine, Pérou et Chili. Ces minerais sont traités au voisinage des ports de réception, par fusion avec du charbon dans des fours à cuve. La réaction pour l'obtention de cuivre métal plus ou moins impur, parfois appelé « cuivre de rosette », implique un dégagement de dioxyde de carbone.

Cu(CO3·Cu(OH)2 minerai ou vert-de-gris + C charbon de bois → 2 Cu métal impur + 2 CO2 gaz + H2O vapeur d'eau

Il s'agit d'une voie de facilité, car l'autre catégorie de minerais très abondants et encore moins coûteux, du type chalcosine Cu2S ou chalcopyrite ou pyrite cuivreuse à base de sulfure double de cuivre et de fer, Cu2S.Fe2S3 nécessite un long traitement du fait de la rémanence du S et du Fe (parfois Ag). Il

Une oxydation partielle du stock de minerai chalcosine est nécessaire.

Cu2S minerai sulfuré + O2 gaz de l'air → 2 Cu2O oxyde cuivreux

Une fusion à haute température du mélange est ensuite nécessaire, nécessitant un fort chauffage.

2 Cu2O oxyde cuivreux + Cu2S minerai sulfuré → 6 Cu cuivre noir impur (Fe,Ag) (en partie sulfuré) + SO2 gaz

Les pays exportateurs de ces minerais cuprifères soufrés sont l'Angleterre, l'Allemagne, le Mexique, le Chili, la Chine et le Japon. Les mines de Chessy et de Saint-Bel, près de Lyon, dans le département du Rhône, extraient ce type de minerais.

Le sou de 1900, pièce de vingt centimes de la République française, est une pièce de cuivre trouée. Encore en 1990, le cent US ou la pièce d'un ou deux pfennigs est à base de cuivre.

Dans le monde sociologique et économique, le cuivre s’est avéré un élément crucial, du fait essentiellement des conflits impliquant des mines de cuivre. La grève de Cananea de 1906 à Mexico porta sur les problèmes d’une organisation mondiale. La mine de cuivre de Teniente (1904–1951) mit en lumière les problèmes politiques liés au capitalisme et à la structure de classes. La plus grosse mine de cuivre du Japon, la mine d’Ashio, fut le théâtre d’une émeute en 1907119. La grève des mineurs de l’Arizona en 1938 fut déclenchée par les problèmes liés au travail des Américains, notamment le droit de grève.

 
Chaudron-chaudière en cuivre du maître fromager-gruyère.

L'industriel Eugène Secrétan est un acteur-inventeur et témoin de l'évolution des techniques industriels du cuivre.

Le terme français pour désigner une fabrique de cuivre et d'alliages communs de cuivre, tels le maillechort, est « cuivrerie ». Ainsi par exemple la cuivrerie de Cerdon dans l'Ain.

Au XXIe siècle

Au XXIe siècle, le cuivre est utilisé dans différentes industries, entre autres pour le câble électrique, les tuyaux de plomberie et les supraconducteurs.

Symbolique alchimique

 
En Alchimie, le symbole du cuivre, peut-être un miroir stylisé, était également le symbole de la déesse et de la planète Vénus.

Traditionnellement, le cuivre est associé à la planète Vénus. Les alchimistes utilisaient le symbole ♀ pour le représenter. C'est donc un métal associé à la féminité, la jeunesse et l'amour. Des miroirs anciens, symbole de narcissisme, étaient faits de cuivre.

Régionalisme

Calendrier

Dans le calendrier républicain, Cuivre était le nom donné au 24e jour du mois de nivôse121.

Notes et références

Notes

  1. La statue véritablement ciselée et ornée n'est terminée qu'en 757.

Références

  1. Aubin-Louis Millin, Annuaire du républicain, ou légende physico-économique, Paris, Marie-François Drouhin, (lire en ligne [archive])

Bibliographie

Voir aussi

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Bibliographie de chimie nucléaire

Articles connexes

Liens externes

 

 

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1  H     He
2  Li Be   B C N O F Ne
3  Na Mg   Al Si P S Cl Ar
4  K Ca   Sc Ti V Cr Mn Fe Co Ni Cu Zn Ga Ge As Se Br Kr
5  Rb Sr   Y Zr Nb Mo Tc Ru Rh Pd Ag Cd In Sn Sb Te I Xe
6  Cs Ba   La Ce Pr Nd Pm Sm Eu Gd Tb Dy Ho Er Tm Yb Lu Hf Ta W Re Os Ir Pt Au Hg Tl Pb Bi Po At Rn
7  Fr Ra   Ac Th Pa U Np Pu Am Cm Bk Cf Es Fm Md No Lr Rf Db Sg Bh Hs Mt Ds Rg Cn Nh Fl Mc Lv Ts Og
8  119 120 *    
  * 121 122 123 124 125 126 127 128 129 130 131 132 133 134 135 136 137 138 139 140 141 142  

 

Métaux alcalins Métaux alcalino-terreux Lanthanides Métaux de transition Métaux pauvres Métalloïdes Non-métaux Halogènes Gaz nobles Éléments non classés
Actinides
Superactinides

Bronze

 
 
 
 
Bronze
Assorted bronze castings.JPG
Caractéristiques générales
Composition
Cuivre (0,88)
Étain (0,12)
Caractéristiques physiques
Masse volumique
8 600 kilogrammes par mètre cube
Caractéristiques mécaniques
Dureté de Mohs
3
 
Torque gaulois en bronze.

Le bronze est un nom générique qui était donné autrefois à tous les alliages de cuivre. Aujourd'hui, son sens est le plus souvent restreint aux alliages de cuivre ayant l'étain comme principal élément d'alliage.

Le terme airain désigne aussi le bronze en poésie et dans les textes littéraires, ainsi qu'en campanologie, où il désigne l’alliage utilisé pour la fonderie des cloches.

Les bronzes sont, pour la plupart, composés de plus de 54 % de cuivre (qui peut aller jusqu'à avoisiner les 95 %1) et d'une proportion variable, non seulement d'étain, mais aussi d'aluminium, de plomb, de béryllium, de manganèse et de tungstène, ainsi qu'accessoirement de silicium et de phosphore, mais pas de zinc en quantité notable (ne pas confondre avec le laiton, dont le terme anglais brass est souvent traduit à tort par « bronze »).

Leurs caractéristiques principales sont une bonne résistance à l'usure, une résistance moyenne à la corrosion et une bonne conductivité électrique. On les utilise souvent comme matériau de frottement en face de l'acier. La corrosion des pièces en bronze est une entrave à leur usage dans le secteur de la marine et de l'industrie navale. Dans ce domaine on leur préfère des alliages cupro-aluminium.

Le point de fusion du bronze est d'environ 1 000 °C.

Le bronze est travaillé par un bronzier.

Histoire

Ces alliages ont été pour la première fois utilisés pendant la période précisément appelée « âge du bronze », pour fabriquer des outils, des armes, des instruments de musique et des armures plus robustes et résistants que leurs prédécesseurs en cuivre ou en pierre naturelle. Cette période s'étend globalement de 3 000 à 1 000 av. J.-C., mais avec de grandes variations suivant les régions et les ères considérées.

Pendant l'âge du Bronze ancien, le bronze est souvent composé d'un alliage à base de cuivre et d'arsenic, cette période est nommée l'âge du Bronze-Arsenic : employé comme durcissant, fondant et pour augmenter la brillance du métal, cet arsenic est une impureté naturelle contaminant le minerai de cuivre ou est ajouté intentionnellement comme adjuvant.

Au Bronze final, se substitue à ce bronze arsenié un alliage cuivre-étain permettant de fabriquer des métaux plus résistants et ductiles (âge du Bronze-Étain)2. L'étain étant difficile à se procurer à cette époque, de nombreux objets étaient fabriqués en alliage cuivre-plomb. Ce bronze étant de moins bonne facture que l'alliage cuivre-étain puisqu'il est plus cassant.

Alliages

Alliages binaires cuivre-étain

 
Diagramme binaire cuivre-étain dans la gamme de composition des bronzes

Les alliages de cette famille contiennent uniquement du cuivre et de l'étain. À part quelques exceptions, ces bronzes contiennent entre 3 et 20 % d'étain. On en distingue deux types basés sur les phases :

Les bronzes (α) sont des alliages pour corroyage. Leurs caractéristiques mécaniques, notamment la dureté, augmentent avec le taux de corroyage et avec la teneur en étain. Les alliages (α) les plus utilisés dans l'industrie sont Cu95Sn5 (UE5P), Cu92Sn8 (UE9P) et Cu88Sn12 (UE12)note 1.

Les bronzes (α + δ) sont des alliages de fonderie, utilisés notamment pour la fabrication de cloches et de miroirs.

Les bronzes à cloches contiennent entre 20 et 25 % d'étain. C'est la phase delta qui donne la sonorité. Cette phase est dure.

Les bronzes à miroir sont composés de 30 à 35 % d'étain. L'étain en surface s'oxyde plus difficilement, alors que le cuivre allié ou en présence d'impuretés s'oxyde communément en formant le vert de gris. On retrouve ici le principe de l'étamage.

Bronzes avec éléments d'addition

Dans certains alliages on ajoute : du phosphore, du zinc, du plomb. C'est le cas par exemple du CuSn7Pb6Zn4 (UE7)note 1.

Le phosphore permet d'améliorer les caractéristiques mécaniques. Le zinc augmente la coulabilité ainsi que la malléabilité de l'alliage. Le plomb (jusqu'à 6 %) permet une meilleure usinabilité. Les bronzes utilisés pour les pièces de frottement peuvent contenir jusqu'à 30 % de plomb. Enfin, le béryllium apporte une dureté exceptionnelle au bronze, qui se rapproche de la dureté des aciers trempés, tout en gardant toutes les qualités de frottement spécifiques au bronze.

Bronze au béryllium

Le cuprobéryllium est souvent appelé bronze au béryllium bien qu'il ne contienne pas d'étain, il est en réalité un alliage de cuivre avec 2 % en poids de béryllium utilisé pour ses propriétés mécaniques remarquables en raison de sa grande dureté.

Économie

Dans la mesure où le bronze est essentiellement composé de cuivre, le premier métal a tendance à suivre le cours du second. Le prix de l'étain influe également sur celui du bronze car il s'agit du second composant de ce métal en pourcentage. En septembre 2021, la tonne de cuivre s'échange autour de 9 250 USD au London Metal Exchange3, et celle d'étain autour de 33 000 USD4. En première approximation, une tonne de bronze non recyclée coûte en proportion de la teneur en cuivre et étain. Le prix de reprise du bronze par le ferrailleur correspond à environ 60 % du prix du métal neuf5. Les premiers acheteurs sont les aciéries et les firmes sidérurgiques6.

Notes et références

Notes

  1. Les nombres qui suivent les désignations des éléments indiquent leur pourcentage massique dans l'alliage. Par exemple, l'alliage Cu95Sn5 contient 95 % de cuivre et 5 % d'étain, ce qui s'écrit parfois de façon plus concise CuSn5.

Références

Voir aussi

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Articles connexes

Liens externes

Métallurgie

 
 
 
 
 
Métallurgiste travaillant près des hauts-fourneaux.
 
Ouvriers de la métallurgie dans les années 1920.

La métallurgie est la science des matériaux qui étudie les métaux, leurs élaborations, leurs propriétés, leurs traitements. Par extension, on désigne ainsi l'industrie qui repose sur la maîtrise de cette science : de la fabrication des métaux et de leurs alliages, jusqu'à celle des biens qui en découlent.

Définitions

Une discipline qui se développe avec l'industrie

La définition de la métallurgie a largement évolué au cours du XIXe siècle. À partir des forgerons et leur accumulation de connaissances empiriques, la métallurgie est devenue au XIXe siècle une science et dans le contexte de la révolution industrielle (et dans l'inconscient collectif), devenue synonyme d'acier, de hauts fourneaux, de laminoirs, de tréfileries, pour devenir ensuite une activité industrielle intense1 qui se préoccupe aussi de solutions de pointe, d'alliages spéciaux pour l'aéronautique, l'électronique, le bâtiment, l'automobile, le nucléaire et d'innombrables autres usages.

Ainsi, la métallurgie, en 1840, se définit comme « la science qui apprend à connaître la manière de traiter les minerais qui sont fournis par l'exploitation des mines. L'exploitation et la métallurgie font partie des sciences mécaniques, et peuvent être réunies sous le nom de science des Mines, qui se subdivise ensuite en exploitation des mines et en métallurgie. Le mineur extrait les minéraux par des procédés mécaniques ; le métallurgiste les traite par une suite de procédés chimiques et mécaniques. Retirer par des procédés chimiques, exécutés en grand, de la manière la plus économique et avec le moins de perte possible, les parties utiles que renferment les minéraux fournis par le mineur, tel est le problème de la métallurgie rationnelle […] L'affaire principale du métallurgiste est toujours la connaissance de l'art de traiter les minerais; mais s'il veut s'élever au-dessus de la simple routine, il ne doit pas rester étranger à plusieurs autres sciences accessoires, surtout quand il veut se former à devenir administrateur ou directeur d'usines. Les mathématiques, la physique, la chimie, la minéralogie, l'exploitation des mines, l'architecture, l'aménagement des forêts, le dessin, la jurisprudence et les finances, sont des sciences à étudier, les unes dans toute leur étendue, les autres dans quelques-unes de leurs parties seulement »2.

Acception moderne

Début XXIe siècle, dans une définition qui le distingue d'un pur physicien ou d'un pur chimiste et qui corresponde à la réalité des laboratoires publics et industriels, « le métallurgiste, formé à la physique, à la chimie et à la mécanique, au minimum sait lire et utiliser un diagramme de phases (sans croire que celui-ci dit tout sur l'alliage), connaît l'existence et propriétés des défauts cristallins responsable de la plasticité et du transport de matière, ainsi que les fondements théoriques et pratiques de la rupture et de la corrosion : qui utilise ces compétences sur la face expérimentale ou sur la face théorique de la métallurgie,ou mieux, sur les deux; et qui possède une culture suffisamment large pour, connaissant la composition d'un alliage métallique, avoir déjà l'intuition des principales de ses propriétés »3. En raison de son passé plusieurs fois millénaire et de l'ampleur de ses applications, la métallurgie est parfois considérée comme une activité plus proche des arts et métiers que d'une activité scientifique rigoureuse. Empruntant à la physique, à la mécanique, à la chimie, et aux mathématiques, elle a contribué à créer la science des matériaux et elle continue à la nourrir d'exemples, de concepts, et de méthodes expérimentales et théoriques. Le succès de la métallurgie tient en cinq mots : « l'abondance des métaux dans la croute terrestre, leur grande malléabilité, la capacité qu'ils offrent de modifier leurs propriétés mécaniques par des traitements thermomécaniques, l'extraordinaire maîtrise des technologies associées ; enfin la conduction — électrique et thermique — caractéristique des métaux et alliages et le magnétisme de certains d'entre eux »3.

Actuellement, le terme de « métallurgie » peut donc désigner :

Histoire

 
Le symbolisme sexuel et gynécologique de la production de métal se retrouve dans le monde entier, comme ici avec l'homoncule de Faust (gravure du XIXe siècle)6.

Préhistoire et Antiquité

Le métal a été dans un premier temps travaillé comme de la pierre. Les premiers métaux reconnus par l’homme comme différents de la pierre, le cuivre et l’or, ont été trouvés dans la nature à l’état de métal et non de minerai. Parmi ces métaux natifs, le plus anciennement utilisé et travaillé (en Anatolie au VIIe millénaire av. J.-C.7) est le cuivre natif. À noter que le nom du cuivre dérive de terme grec adjectif kyprios, c'est-à-dire, relatif ou en rapport à l'île de Chypre, célèbre dans l'Antiquité gréco-romaine pour ses gisements de cuivre. L'adjectif pouvait s'appliquer à tous types de productions de cuivre martelée ou de bronze, originaires de Chypre. Pour certains étymologistes, le mot « cuivre » signifierait d'abord un alliage, un « bronze de Chypre », île des mines de cuivre dans l'Antiquité, avant de s'appliquer à la matière métallique pure. Néanmoins les Romains, qui avaient hérité de la connaissance étrusque de la métallurgie, et qui connaissaient les ressources anciennes en cuivre natif de l'île ont ainsi qualifié le pur métal rouge du nom de l'île, dédié à la déesse Vénus/Aphrodite. Les hommes commencèrent donc probablement par travailler le cuivre natif (c'est-à-dire, présent naturellement sous forme métallique) par martelage, et on peut supposer qu'ils s'aperçurent qu'il était plus facile de le travailler lorsqu'il était chauffé (phénomène de recuit : élimination des dislocations par la restauration et éventuellement recristallisation). Puis, en chauffant de plus en plus, ils s'aperçurent qu'il fondait et que l'on pouvait donc le mouler. Ceci constitua l'Âge du cuivre, vers -4000.

Une riche collection d’objets en or datant du Ve millénaire av. J.-C.a été découverte à Varna (Bulgarie) et, par ailleurs, quelques rares objets du Ve millénaire av. J.-C. également, en fer natif probablement météoritique, ont été mis au jour en Iran.

Le premier alliage fut le bronze (alliage de cuivre et d'étain). L'âge du bronze s'étend d'environ -2500 à -1000. Le cuivre natif étant rare, les hommes travaillèrent alors des minerais de plus en plus pauvres en cuivre natif, et ils s'aperçurent probablement que les faire chauffer, permettait non seulement d'extraire des minerais le cuivre par fusion, mais aussi de « transformer » le minerai en métal (réduction) ; c'est sans doute ainsi que sont nés les bas fourneaux, vers -1200.

Vers -1000 commença l'âge du fer mais c'est à partir du second Âge du fer qu'une industrie sidérurgique se développe véritablement en Europe8. Le fer fondant à beaucoup plus haute température que le cuivre (1 535 °C contre 1 084 °C), on superposa couches de charbon de bois et couches de minerai de fer afin d'atteindre sa température de fusion. La réduction du minerai dans les bas fourneaux était imparfaite et donnait naissance à un bloc d'aspect spongieux (le massive ou la loupe) que l'on martelait pour le débarrasser de ses impuretés. Pendant longtemps, les archéologues ont estimé que les premiers à utiliser le fer furent les Hittites. Puis on a estimé que la métallurgie du fer était née en Syrie du nord, sur les piémonts du Taurus dans une région susceptible de fournir du minerai et des forêts (pour le charbon nécessaire à la production du fer)9. Des travaux récents mais encore discutés font remonter la toute première métallurgie du fer entre la fin du IIIe et du Ier millénaire av. J.-C. en Afrique10,11,12.

En Amérique, avant l'arrivée des Européens, les Amérindiens ont développé une métallurgie de divers métaux (or, cuivre, argent, étain, et même du platine, inconnu des Européens), mais n'ont jamais travaillé le fer13 à de rares exceptions près (les Inuits ont ainsi, travaillé le fer météorique).

Dans toute la suite de l'Antiquité seuls quelques métaux furent utilisés et pour certains, seulement travaillés. N'étaient connus que sept métaux : l'or, le mercure, le plomb, l'argent, le fer, le cuivre et l'étain. De la découverte des premiers métaux (l'or et le cuivre), jusqu'à la fin du XVIIe siècle, seulement douze métaux et métalloïdes furent découverts. Quatre d'entre-eux, l'arsenic (XIIIe siècle), l'antimoine (1560), le zinc, et le bismuth (1595), furent découverts aux XIIIe – XIVe siècles14. Le prochain métal découvert sera le cobalt en 1735 puis le bismuth en 1750.[à vérifier] Actuellement, on en compte 82.

Moyen Âge

 
Travail du métal en 1564, Allemagne.

L'utilisation de moulins à eau pour assurer le soufflage permit d'atteindre de plus hautes températures. C'est ainsi que vers 1450, on réalisa la première coulée de fonte avec un haut-fourneau.

Temps modernes

La sidérurgie connaît son plus fort développement à la fin du XVIIIe siècle, ce qui permit la révolution industrielle. La production en masse d'acier permit la réalisation de machines à vapeur et donc, le pompage des eaux dans les mines.

De nos jours

De nombreuses recherches se font davantage sur les traitements appliqués aux métaux que sur la préparation de ceux-ci, notamment sans passer par des hauts-fourneaux. Par exemple, d'un point de vue biomédical, le titane est employé en biothérapie. Des traitements chimiques ou physiques comme le sablage permettent de le rendre histocompatible et font de lui le métal de référence pour les prothèses osseuses.

Organisation de l'industrie

 
Sculpture « L'industrie métallurgique »de Jean-Léon Gérôme.

Activités

La métallurgie recouvre un éventail d'activités industrielles :

Trois spécialités

 
Fondeurs d'art.

L'industrie de la métallurgie s'est organisée en trois spécialités principales. Chacune demande une spécialisation différente des deux autres. Il y a, d'une part, la métallurgie du fer et, d'autre part, celle des métaux non ferreux, lesquels se divisent en métaux précieux, comme l'or, et non précieux, comme l'aluminium :

Avenir

De nombreux centres de décision (recherche et fabrication) de la métallurgie sont devenus internationaux au fil du temps. L'éloignement géographique et intellectuel entre les centres de décision, de fabrication et de recherche qui en résulte, fait que bien souvent la compétence de la métallurgie se perd en Europe, tant en recherche qu'en activité industrielle : un effort universitaire qui s'émiette, un enseignement qui s'affaisse, des jeunes chercheurs et ingénieurs qui font défaut3.

Techniques

Fonderie à la cire perdue

Historiquement il y en a trois sorte qui aujourd'hui ne correspondent qu'à une seule méthode de mise en œuvre. Il s'agit d'une technique aussi bien pour la fonderie d'art que pour les industries comme l'aéronautique.

La fonte pleine à la cire perdue est une technique issue du Proche-Orient antique.

Tout d'abord, on réalise en cire la forme exacte de ce qu'on veut obtenir par la suite. On réalise cette forme sans noyau interne, tout en prévoyant des conduits d'évents. Sur cette forme, on applique un lait d'argile, pour en prendre très précisément l'empreinte. Les couches successives d'argile sont de plus en plus chargées en dégraissant végétal afin de résister à de fortes températures. Une fois l'argile sèche, on pratique ensuite, un décirage en faisant chauffer doucement l'ensemble pour évacuer toute la cire. Si cette opération n'est pas bien pratiquée, les résidus de cire pouvant entrer en contact avec le métal en fusion risquent de faire exploser le moule. Une fois le moule refroidi et vide, on verse le métal en fusion par l'attaque du moule. Il suffira ensuite de casser le moule en terre cuite pour récupérer la forme. Cette pièce devra être retravaillée (enlèvement des évents, polissage, reprise à froid, etc.) pour obtenir la forme finale.

La fonte en creux à la cire perdue est une technique issue du Proche-Orient antique.

La technique est la même que la fonte pleine à la cire perdue, mais la forme en cire est, cette fois-ci, formée autour d'un noyau. De plus, lors de la formation de la chape d'argile, il faut prévoir des clous distanciateurs pour maintenir le noyau lorsque la cire est évacuée.

La fonte moule négatif.

Pour cette technique, on fabrique d'abord un modèle en argile de l’œuvre qu'on veut obtenir en métal. On forme ensuite, un moule par-dessus avant de récupérer le modèle en ouvrant ce moule. On en nappe l'intérieur de cire liquide (par application au pinceau par exemple) ou de cire appliquée aux doigts. On place alors le noyau (maintenu par des clous distanciateurs) dans le moule avant de le refermer. Le moule est chauffé pour évacuer la cire, puis, le métal y est coulé. Une fois l'ensemble refroidi, on récupère l'objet fini avant de le retravailler, si nécessaire.

On peut découper le modèle original en plusieurs morceaux qui seront ensuite, fondus à part si l’œuvre est trop grande pour être travaillée d'un seul coup.

Fonderie sable

Fonderie sous pression

Emboutissage

L'emboutissage met en forme une tôle par déformation plastique à chaud.

Cette technique se pratique, dans l'Antiquité proche-orientale, à l'aide d'un marteau couvert d'une pièce de cuir. Le lingot de métal plat est travaillé par percussion jusqu'à obtention de la forme désirée.

Granulation

La granulation est une technique de décoration de l'orfèvrerie étrusque. On coupe d'abord un fil de métal en petits éléments, qu'on dépose sur un support très chaud. Ils vont alors se rétracter et former des petites billes. On fixe ces petites billes par un adhésif (sel cuivre, colle de farine, peau de poisson, etc.) et auto-adhésion.

Fonte en moule segmenté

Cette technique est une technique propre aux bronziers chinois. On la retrouve importée au Japon.

On réalise l'exacte réplique du vase que l'on veut réaliser en bronze, mais en argile, forme et détails compris. On laisse sécher ou on cuit le vase d'argile, sur lequel on dépose des bandes d'argile fraîche pour prendre la forme globale et les motifs. Une fois sèches, on enlève ces bandes, obtenant ainsi, des sections indépendantes de vase, qu'on cuit ensuite. On ponce le vase-modèle en argile pour obtenir un noyau de forme plus petite et vierge de décor lisse. Sur ce noyau, on place les sections d'argile cuites avec un système d’espacement, de canaux de coulée et de canaux d'évents. Une fois le bronze coulé et refroidi, on casse les parties en argile avec un maillet. On reprend les détails à froid et on ajoute des éléments coulés séparément si nécessaire.

Avec cette technique, on peut choisir d'incruster des éléments métalliques en plaçant des feuilles de métal, de cuivre rouge par exemple, dans les rainures des segments de moule. Au contact du bronze en fusion, le métal va fondre et s'unir à lui.

Impacts négatifs

Santé des travailleurs

Les métiers de la fabrication de produits métalliques présentent plus de risques que la moyenne, tant en matière d'accidents du travail que pour certaines maladies professionnelles. En effet, en 2019, dans ce secteur en France, il est enregistré 45.4 accidents du travail avec arrêt pour 1000 salariés15 pour une moyenne de 33.516. Cette même année, le secteur de la métallurgie est à l'origine de 32% des cas de cancers professionnels, alors qu'il représente 9% des salariés16. Des maladies professionnelles spécifiques y sont connues depuis l'Antiquité gréco-romaine au moins, dont par exemple le saturnisme induit par la métallurgie du plomb et de l'argent, et l'hydrargisme induit par la production et le travail du mercure.

En France, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) a confirmé en 2018 que les métiers spécialisés de la métallurgie (mais derrière ceux du bâtiment et de la construction spécialisée) sont parmi les plus touchés par les cancers dits « professionnels » (plus de 11 000 cas de cancer des bronches, cancer des voies urinaires, du sein, du rein, du larynx, du sinus, du côlon, du rectum, de la peau (hors mélanome), du système nerveux central, hémopathies lymphoïdes matures, leucémies myéloïdes diagnostiqués de 2001 à 2016). C'est ce que montre à nouveau une étude conduite dans le cadre du Plan Cancer (2014-2019) par le réseau national de vigilance et de prévention des pathologies professionnelles (Rnv3p), étude présentée au 35e congrès de médecine et santé (, à Marseille)17. En France pour ces cancers déclarés au début du XXIe siècle, l'amiante est incriminé dans 42 % des cas, loin devant les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP, incriminés dans 6,5 % des cas)17.

Environnement et climat

L'industrie métallurgique est avec les cimenteries l'activité industrielle la plus consommatrice d'énergie18 et pour cette raison aussi très émettrice de certains gaz à effet de serre. Depuis l'antiquité, c'est aussi une source importante de pollution de l'eau, de l'air et des sols par les métaux et métalloïdes, y compris sous forme de nanoparticules, qui une fois dans l'air peuvent avoir un rôle préoccupant de catalyseur susceptible de perturber la chimie de l'atmosphère18,19.

Notes et références

  1. Oberg T., Bergblack B. et Filipsson M. (2008), Catalytic effects by metal oxides on the formation and degradation of chlorinated aromatic compounds in fly ash, Chemosphere, 71, 1135-43.

Voir aussi

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Articles connexes

Liens externes

Il existe une catégorie consacrée à ce sujet : Métallurgie.
 

Alchimie

 
 
 
 
 
Jan van der Straet - Le laboratoire de l'alchimiste (1551).

L’alchimie est une discipline qui peut se définir comme « un ensemble de pratiques et de spéculations en rapport avec la transmutation des métaux »N 1. L'un des objectifs de l'alchimie est le grand œuvre, c'est-à-dire la réalisation de la pierre philosophale permettant la transmutation des métaux, principalement des métaux « vils », comme le plomb, en métaux nobles comme l'argent ou l'or.

Cet objectif se fonde sur la théorie que les métaux sont des corps composés (souvent de soufre et de mercure). Un autre objectif classique de l'alchimie est la recherche de la panacée (médecine universelle) et la prolongation de la vie via un élixir de longue vie. La pratique de l'alchimie et les théories de la matière sur lesquelles elle se fonde, sont parfois accompagnées, notamment à partir de la Renaissance, de spéculations philosophiques, mystiques ou spirituelles.

Des pensées et des pratiques de type alchimique ont existé en Chine dès le IVe siècle av. J.-C. et en Inde dès le VIe siècle. L'alchimie occidentale, quant à elle, commence dans l'Égypte gréco-romaine au début de notre ère, puis dans le monde arabo-musulman, d'où elle se transmet au Moyen Âge à l'Occident latin, où elle se développe à la Renaissance et jusqu'au début de l'époque moderne. Jusqu'à la fin du XVIIe siècle les mots alchimie et chimie sont synonymes et utilisés indifféremment. Ce n'est qu'au cours du XVIIIe siècle qu'ils se distinguent et que l'alchimie connaît une phase de déclin, sans toutefois disparaître totalement, alors que la chimie moderne s'impose avec les travaux d'Antoine Lavoisier, et la découverte que les métaux sont des « substances simples ».

 
Laboratoire de l'alchimiste
Hans Vredeman de Vries (vers 1595).

Étymologie

ḳm.t
I6 m t
O49

L'étymologie du terme alchimie est discutée (grammatici certant). Le mot « alchimie » viendrait de l'arabe الكيمياء, al-kīmiyāﺀ venant lui-même du grec ancien khumeia / khêmeia. Le terme apparaît dans le vocabulaire français au XIVe siècle, par le latin médiéval alchemia. Les termes alchimie et chimie (en latin alchemia et chemia, ou alchymia et chymia) sont restés strictement synonymes jusqu'au début du XVIIIe siècle, avec notamment l'ouvrage polémique d'Étienne-François Geoffroy, Des supercheries concernant la pierre philosophale (1722)1.

Différentes hypothèses ont été avancées pour l'origine du mot en arabe2. Le mot arabe proviendrait du mot grec Χεμεια khemeia3, désignant également la chimie dans son acception moderne, ou bien du grec χυμεία, khymeia désignant un mélange, une mixture. Le philologue Hermann Diels, dans son Antike Technik (1920) y voyait la « fusion », du grec ancien khumeia / khêmeia, signifiant « art de fondre et d'allier les métaux ».

Kimiya pourrait également venir du mot copte kēme (ou son équivalent en dialecte bohaïrique, khēme), lui-même dérivant du grec kmỉ, correspondant au moyen égyptien ḳm.t, désignant la terre noire, la terre alluvionnaire et par extension l'Égypte (Χημία)4.

Historique

Alchimie gréco-alexandrine

Pour Michèle Mertens :

« Il est maintenant généralement admis que l'alchimie [occidentale] est apparue dans l'Égypte gréco-romaine vers le début de notre ère, et qu'elle est le résultat de la conjonction de plusieurs facteurs, les plus remarquables étant (1) les pratiques des orfèvres et forgerons égyptiens qui travaillaient sur les alliages et savaient dorer les métaux ; (2) la théorie de l'unité fondamentale de la matière, selon laquelle toutes les substances sont composées d'une matière primitive et doivent leurs spécificités à la présence de différentes qualités imposées à cette matière ; (3) l'idée que le but de toute technique doit être la mimesis de la nature ; (4) la doctrine de la sympathie universelle, selon laquelle tous les éléments du cosmos sont reliées par des sympathies et antipathies cachées qui expliquent toutes leurs combinaisons et séparations. La rencontre de ces différentes tendances de pensées amena l'idée que la transmutation était possible, ainsi que des rêveries mystiques influencées par les courants gnostiques et hermétistes, et favorisées par le déclin du rationalisme grec5,6. »

Henri-Dominique Saffrey sépare les textes d'alchimie grecque ancienne et byzantine en trois groupes successifs7,8 :

  1. Les recettes : Ce groupe se compose de trois documents: deux recueils sur papyrus, conservés à Leyde et à Stockholm datés de 300 apr. J.-C.9, dits papyri de Leyde et de Stockholm. À l'exception du « papyrus magique de Londre et de Leyde » (P. Leiden/London [archive]; TM 55955 [archive]), qui contient une recette de « rouille d'or »10, ces deux recueils sont les seuls manuscrits d'alchimie grecque antique. À ce premier groupe s'ajoute les Quatre livres attribués à Démocrite, ouvrage maintenant fragmentaire et daté de la seconde moitié du Ier siècle11. À l'exception des papyrus, tout le reste de la tradition alchimique grecque nous provient d'un ensemble relativement homogène de manuscrits byzantins datés au plus tôt de la fin du Xe siècle appelé « corpus alchimique grec »12.
  2. Les auteurs alchimiques : ce groupe, daté du troisième à la fin du IVe siècle apr. J.-C., se compose principalement de l'œuvre de Zosime de Panopolis. À cette œuvre se rajoutent de courts traités attribués à Pélagios et Jamblique, un dialogue anonyme entre Cléopâtre et les « philosophes » (i.e. alchimistes) et plusieurs autres fragments généralement attribués à des personnages légendaires ou inconnus (Ostanes, Agathodaimon, Moïse).
  3. Les commentateurs : Saffrey date le début de la période des commentateurs à la fin du quatrième siècle. Parmi ces commentateurs, on compte un commentaire du pseudo-Démocrite intitulé Le philosophe Synésius à Dioscorus13 (IVe siècle) et un commentaire sur Zosime attribué à un certain Olympiodore d'Alexandrie, parfois dit « l'alchimiste » afin de le distinguer du célèbre philosophe néoplatonicien, généralement daté du VIe siècle14,15. Viennent ensuite l'œuvre importante attribuée à Étienne d'Alexandrie ainsi que quatre poèmes alchimiques, attribuées à Héliodore, Théophraste, Hiérotheos et Archélaos (VIIe siècle). Le commentateur dit « le Chrétien » serait à dater entre les VIIe et VIIIe siècles. Des nombreux textes d'époque byzantine, on peut nommer ceux de Michel Psellus (XIe siècle) et de Nicéphore Blemmydès (XIIIe siècle)12.

Liens avec l'Égypte pharaonique

Selon Zosime de Panopolis, l'alchimie telle qu'elle était pratiquée à son époque tirait son origine des cultes égyptiens. Dans un traité généralement appelé le « Compte Final », Zosime présente une courte histoire des techniques minéralurgiques et de deux types de « teintures » (βαφαί), les teintures « naturelles» (φυσικά) et les teintures « non naturelles » (ἀφυσικά). L'alchimie y est décrite comme un art ayant été jadis caché et monopolisé par les prêtres égyptiens et leurs « démons terrestres » (ϙϙ [c’est-à-dire δαίμονες] περίγειοι), que Zosime appelle aussi « gardiens des lieux » (οἱ κατὰ τόπον ἔφοροι). Il s'agit vraisemblablement des dieux égyptiens, qu'il présente comme des démons menteurs promettant le succès dans la pratique des teintures en échange de sacrifices. Zosime a manifesté un intérêt pour les pratiques des prêtres des temples égyptiens dans deux autres traités et semble les avoir considérés comme les derniers spécialistes de l'alchimie : dans Sur les appareils et les fourneaux, il mentionne avoir visité « l'antique sanctuaire de Memphis » où il a vu un fourneau tombé en pièces16; une traduction syriaque d'un traité de Zosime Sur le travail du cuivre montre aussi son intérêt pour des pratiques métallurgiques liées à la fabrication et la coloration des statues du culte égyptien17,18. Bien que Zosime attribuât les pratiques alchimiques de son temps à celle des prêtres égyptiens, il n'attribuait pas leur origine à un peuple ou à un groupe de prêtres en particulier, mais plutôt à l'enseignement des anges déchus, qui aurait été consigné dans un traité perdu intitulé le "Chemeu"19. Plutôt que de suivre les traditions égyptiennes, qu'il croyait avoir été corrompues par l'influence de "démons", Zosime cherchait à reconstituer l'authentique doctrine alchimique par une exégèse méticuleuse des textes, et plus particulièrement, par l'interprétation des textes attribués à Démocrite, qu'il croyait être le seul à avoir fait allusion au Chemeu20,21.

François Daumas voit un lien entre la pensée égyptienne et l'alchimie gréco-égyptienne, à travers la notion de pierre, pierre à bâtir ou pierre philosophale22. Garth Fowden, cependant, juge l'interprétation de Daumas trop optimiste : « dans le cas de l'alchimie, les anciens Égyptiens sont connus pour s'être intéressés à l'origine et à la nature des pierres précieuses et des métaux, et les textes alchimiques grecs de l'Antiquité tardive contiennent diverses allusions à l'Égypte et à ses traditions, mais nous n'y trouvons rien d'analogue à l'évolution, sans solution de continuité, de la magie pharaonique à la magie gréco-égyptienne. Le même discours vaut pour l'astrologie. »23. Shannon Grimes a émis une thèse semblable à celle de Daumas, Festugière et Mertens. Selon Grimes, Zosime de Panopolis (c. 300 ap. J.-C.), un des premiers commentateurs de textes alchimiques, aurait été prêtre d'un culte égyptien et aurait adapté les traditions égyptiennes concernant la création et la consécration des statues de cultes, notamment le rite de l'ouverture de la bouche, aux traditions hébraïques et chrétiennes24.

Liens avec les pratiques artisanales et la métallurgie

De nombreuses techniques artisanales sont connues dans l'Égypte hellénistique avant l'apparition de l'alchimie : fonte des métaux (seulement sept métaux sont connus de l'antiquité jusqu'à la renaissance : or, cuivre, argent, plomb, étain, fer et mercure), la fabrication d'alliage (bronze et laiton), différentes techniques de métallurgie et d'orfèvrerie, le travail du verre, la fabrication de gemmes artificielles, la fabrication de cosmétiques25,26.

Les différentes techniques de raffinage des minerais aurifères et argentifères sont particulièrement pertinentes à ce qui allait être appelé alchimie. Les premières techniques consistent à extraire les métaux précieux des minerais. Comme le mentionne Pline l'Ancien à la fin du Ier siècle, le mercure était utilisé pour séparer l'or du minerai27. L'or et les argents se trouvant généralement mélangés l'un à l'autre ainsi qu'à d'autres métaux, la séparation de ces métaux était nécessaire à l'obtention d'or et d'argent de haut titre. Une première technique, la coupellation, permettait de séparer l'or et l'argent d'autres métaux, mais non pas l'or de l'argent28. Pour ce faire, on utilisait plutôt la cémentation, technique consistant à calciner l’alliage d'or et d'argent avec d'autres produits, dont le sel, dans des vases d'argile. Sous l'effet de la chaleur, l'argent du mélange réagit avec le sel et se colle aux parois du vase. Cette technique fut décrite par Agatharchide de Cnide dans un ouvrage cité par Diodore de Sicile et maintenant perdu29,30. Des fouilles archéologiques à Sardes ont aussi démontré qu'une technique de cémentation similaire à celle décrite par Agarthacide y fut utilisée31.

Un lien peut-être plus fort encore peut être fait entre l'utilisation de mercure pour la dorure (le mercure y servant à coller des feuilles d'or sur un objet)32, le rôle que cette technique jouait dans la coloration des statues et l'importance que le mercure revêt dans les commentaires alchimiques, notamment ceux de Zosime de Panopolis33.

Les livres de recettes

 

Les plus anciens textes grecs qu'on peut relier à l'alchimie sont les papyrus de Leyde et de Stockholm, écrits en grec et découverts en Égypte, et qui datent du IIIe siècle. Ils contiennent 250 recettes techniques qu'on peut répartir en quatre catégories visant à donner aux métaux l'aspect de l'or ou de l'argent et à imiter la coûteuse pourpre et les pierres précieuses (émeraudes, perles…). Ces recettes sont claires dans la mesure où on parvient à en identifier aujourd'hui les ingrédients34. Les papyrus recettes contiennent des tests de la pureté des métaux précieux et communs, ce qui indique que leurs auteurs sont parfaitement conscients de la différence entre l'imitation et l'original35. Une de ces recettes par exemple, porte sur l'« eau de soufre », constituée d'un mélange de chaux, de soufre et d'urine ou de vinaigre, que l'on chauffe. Elle permet de donner à l'argent l'aspect de l'or par l'action en surface de polysulfures de calcium36. Les premiers papyrologues ayant travaillé sur ces deux manuscrits s'accordent pour dire qu'ils sont l’œuvre du même copiste9 (ce même copiste serait par ailleurs l'auteur de manuscrits maintenant mieux connus sous le nom de "papyrus magiques grecs"37). Considérés comme une seule œuvre, les manuscrits alchimiques de Leyde et de Stockholm portent sur l'imitation de quatre types de substances (l'or, l'argent, la teinture pourpre et les pierres précieuses). Cette même division se retrouve aussi dans la tradition des Quatre livres attribués à Démocrite, la plus ancienne tradition d'alchimie grecque que l'on connaisse19,38.

Le plus ancien texte du Corpus alchemicum graecum est le Physika kai mystika (φυσικά και μυστικά, "Questions naturelles et secrètes")39, que l'on peut dater du Ier siècle. Faussement attribué au philosophe Démocrite d'Abdère du IVe siècle avant notre ère (on parle du Pseudo-Démocrite), ce texte a souvent été considéré au XXe siècle, comme une version remaniée et interpolée d'un ouvrage plus ancien d'un auteur gréco-égyptien mal connu, Bolos de Mendès (entre −250 et −125)40 ; Les études plus récentes ont conduit à rejeter cette hypothèse41. Synésius l'alchimiste, au IVe siècle, identifie le maître au mage Ostanès, et le temple à celui de Memphis. Le texte présente des recettes techniques très similaires à celles des papyrus, destinées à imiter l'or, l'argent, le pourpre et les pierres précieuses ; mais il possède des éléments qui deviendront caractéristiques des textes alchimiques42 :

Pour Didier Kahn, c'est le premier traité d'alchimie connu45, mais pour Lawrence Principe, il appartient encore à la littérature technique des recettes46. Comme l'indiquait Robert Halleux : « En fait, il est extrêmement difficile de distinguer une recette technique d'une recette alchimique. La différence essentielle, la chimérique prétention de transmuter, ne joue qu'au niveau de la conscience de l'opérateur, car sous l'angle strictement technique, […] les procédés des alchimistes grecs sont des procédés de bijoutiers : alliage à bas titre, dorure ou argenture de métaux vils, vernis imitant l'or et l'argent. Il conviendra donc de replacer les recettes dans leur contexte à la fois technique et intellectuel »47.

Zosime de Panopolis

Selon Lawrence Principe, c'est vraisemblablement au cours du IIIe siècle que l'idée non plus d'imiter l'or et l'argent, mais de les fabriquer réellement émergea48. Après le Physika kai mystika du pseudo-Démocrite, on dispose d'une série de citations ou de courts traités attribués à des personnages mythiques ou célèbres (Hermès, Isis, Moïse, Agathodémon, Jamblique, Marie la Juive, Cléopatre, Comarius, Ostanès, Pamménnès, Pibechius…, pour la plupart cités par Zosime de Panopolis49(Rosinus dans les publications latines postérieures)33, qui, vers 300, est le premier alchimiste pour lequel on dispose d'écrits et de détails biographiques substantiels48.

Ces détails restent essentiellement limités aux écrits de Zosime. La Souda, encylopédie datant de la fin du Xe siècle, l'appelle un philosophe (appellation ordinaire pour un auteur de textes alchimiques grecs) d'Alexandrie50. La Souda est la seule source identifiant Zosime comme un Alexandrin, et la plupart des chercheurs s'accordent maintenant pour dire que Zosime était originaire de Panopolis33. L'encyclopédie lui attribue aussi une œuvre en 28 volumes « appelée par certains Cheirokmêta » et une Vie de Platon. Aucune Vie de Platon nous est parvenue attribuée à Zosime et aucune collection de ses livres ne correspond exactement à la description faite des Cheirokmêta.

Les commentateurs

Deux autres auteurs de cette période sont restés célèbres pour leurs commentaires ou leurs recettes : Olympiodore l'Alchimiste, qui est peut-être Olympiodore le Jeune (un recteur de l'école néoplatonicienne d'Alexandrie, en 541) et Synésius, qui est peut-être Synésios de Cyrène, ami et disciple de la philosophe néoplatonicienne Hypatie. Olympiodore le Jeune, au VIe siècle, sur l'analogie planètes-métaux, donne un système de correspondances, qui sera classique en alchimie : or-Soleil, argent-Lune, plomb-Saturne, électrum-Jupiter, fer-Mars, cuivre-Vénus, étain-Mercure51.

Premières techniques alchimiques

Les alchimistes alexandrins utilisaient quatre types de techniques pour « produire » de l'or, techniques consignées dans des recettes52 :

Alchimie byzantine

L’alchimie byzantine, très active à Alexandrie, regroupe les écrits et les pratiques métallurgiques de la dernière période gréco-égyptienne de l’alchimie. Elle recoupe une série de théories, de méthodes et de recettes concernant la coloration des métaux et la fabrication d’alliages. Bien que l’alchimie byzantine cherche entre autres à faire passer les métaux de valeur moindre pour des métaux plus riches, elle ne se limite pas exclusivement à cette fin. Elle hérite d’un ensemble de théories concernant la matière provenant des philosophies platoniciennes, aristotéliciennes, néoplatoniciennes et gnostiques, et qui proposent des buts purement spirituels et régénératifs. Elle s’inscrit aussi dans le monde militaire byzantin via des recherches liées à la production d’armes à feu que l’on reconnaît dans la fabrication et l’utilisation du feu grégeois.

Passage de l’alchimie gréco-égyptienne vers les Byzantins

Il est largement accepté que l’alchimie à Byzance est une directe descendante de l’alchimie gréco-égyptienne qui semble prendre son origine dans plusieurs facteurs. D’abord dans les pratiques égyptiennes d'orfèvrerie qui, dans le but de s’arroger les moyens de fabriquer artificiellement de l’or, ou encore de tout simplement simuler le précieux métal, expérimentent déjà avec les différents alliages et les colorations métalliques53. Ensuite dans la théorie ancienne qui postule l’unité de la matière et la nature composée des métaux, où toute substance est ultimement composée à partir d’une materia prima (en) qui prend ses spécificités par la présence de différentes qualités qui lui sont imposées. Les métaux, composés de ces qualités, pourraient être transmutés par la simple variation des proportions des éléments qui les constituent54. À ceci s’ajoute l’idée que pratique et technique doivent être opérées par l’imitation de la nature : la nature est l’athanor de la création divine, et l’alchimiste, par ses travaux, parachève la nature en imitant ses moyens. Cette concordance obligatoire entre les travaux de l’alchimiste et ce qu’il observe s’opérer dans le monde extérieur dérive de la doctrine universelle des sympathies qui postule que tous les éléments du cosmos sont connectés par des liens occultes ; la qualité de ces liens qui relient une chose à une autre par force d’analogie est déterminée par la sympathie ou l’antipathie qu’elles éprouvent l’une pour l’autre55.

Collectionné et traduite par Marcelin Berthelot en 1888.
 
Collection des anciens alchimistes grecs.
Corpus alchimique grec

L’alchimie a été connue des Byzantins à travers un corps de textes que l’historiographie nomme la collection alchimique grecque [archive]56. Elle a été transmise à travers quelques manuscrits médiévaux, tous écrits en grec : MS Marcianus graecus 299 (fin du Xe siècle), MS Parisinus graecus 2325 (XIIIe siècle), Bibliotheca Apostolica Vaticana 1174 (entre les XIVe et XVe siècles) et MS Parisinus graecus 2327 (copié en 1478)57. Ils furent apportés en France au XVIe siècle, par François Ier, qui à l’époque faisait acheter de grandes quantités de livres en Grèce et en Orient58. Marcelin Berthelot en proposa une traduction française partielle en 188859.

Grâce à cette collection, les Byzantins ont eu accès aux écrits du pseudo-Démocrite par son texte nommé Physica et Mystica, mais surtout à ceux de Zosime de Panopolis, qu'ils tenaient dans une très haute estime. Le corpus contient aussi des auteurs proprement byzantins tels que Synésios de Cyrène, Olympiodore l’alchimiste, Stephanos d’Alexandrie, le Chrétien, ainsi que le Philosophe anonyme.

Selon Jacques Sadoul, comme il est difficile de remonter plus loin que les manuscrits grecs, Byzance doit donc être considéré comme un des berceaux des pratiques métallurgiques60.

L’héritage de Zosime de Panopolis.

Zosime est le premier alchimiste pour lequel nous avons quelques détails biographiques. C’est particulièrement à travers le corpus alchimique grec, collectionné par les Byzantins, qu’il est connu61.

Penseur très éclectique. Il transmet entre autres des techniques qu’il attribue au Pseudo-Démocrite et à Marie la Juive, comme l’usage du bain-marie, qui tire son nom de cette dernière. Il est le premier à élaborer une interprétation spirituelle et cosmologique des pratiques alchimiques. Pour Zosime, le but final de la science hermétique est de spiritualiser la matière ; c’est-à-dire de transformer, à l’aide de diverses techniques, la matière physique en matière spirituelle. Il associe cette transformation à une régénération solaire au centre de laquelle se retrouve le symbolisme de l’or62. Cette vision du travail des métaux est au premier plan des croyances alchimiques tout au long du Moyen Âge et au-delà. Elle favorisera aussi sa rencontre avec la symbolique du sacrifice christique en établissant un parallèle entre la transmutation du physique vers le spirituel et le mystère de la transsubstantiation eucharistique63. Les chrétiens n’ont-ils pas imaginé la Cène comme un acte de communion où la substance du pain et du vin est radicalement modifiée par l’effet de l’action rituélique64 ? L’alchimie et l’Église chrétienne entretiennent toutes deux l’idée de la transmutation d’un élément en un autre, la première par le Grand œuvre et la seconde par la célébration de la Messe65.

 
Nomisma d'or byzantin.
Alliages et imitations.

Malgré l’autorité que prêtent les Byzantins à Zosime, ses textes sont manifestement moins étudiés pour leurs perspectives transcendantales et mystiques que pour leurs aspects pratiques. La majorité des textes de la collection byzantine propose de nombreuses recettes concernant la coloration des métaux et la fabrication des alliages. Il faut donc en conclure qu’en dehors d’une certaine minorité, l’aspect spirituel de l’alchimie est beaucoup moins recherché que son aspect purement matérialiste. En effet, à Byzance, la production et le travail de l’or revêtent une importance à la fois politique et commerciale. La frappe des métaux pour la production des devises monétaires est une des spécialités de l’Empire et ce dernier n’hésite pas à employer des imitations sous forme d’alliage dans ce domaine66. Dès le IVe siècle, l’empereur Constantin 1er entreprend une réforme monétaire qui voit l’apparition d’une nouvelle pièce de monnaie en or quasiment pur, le Nomisma. Cette dernière prime dès lors dans les échanges internationaux et ce, jusqu’à ce qu’elle souffre d’une profonde dévaluation au cours du XIe siècle67. Il est probable que la position avantageuse d’être un régularisateur des échanges commerciaux à travers l’Orient et l’Occident encouragea l’Empire byzantin à s’intéresser aux méthodes supposées de productions artificielles de l’argent et de l’or.

Autres productions

On trouve dans les textes plusieurs recettes qui ne concernent pas directement le travail des métaux, mais qui ont une grande importance pour le monde byzantin. Ainsi sont conservées des recettes pour faire de la chaux68 ; matériau essentiel dans le raffinement des métaux, mais aussi largement utilisé, entre autres, dans le domaine de la construction (fabrication du mortier), dans la fabrication des fresques et pour fertiliser les terres69.

 
Pigment.

Une autre matière de premier plan pour les Byzantins, fabriquée par les alchimistes, ou à tout le moins dont le secret de la confection fut conservé par eux, est le pigment de cinabre70. Celui-ci entrait dans la fabrication de l’encre de couleur pourpre, essentielle au système bureaucratique de l’Empire byzantin pour permettre d’authentifier les actes de la chancellerie. La signature impériale, toujours autographe, était réalisée à l’encre de cinabre dont seul l’Empereur pouvait faire usage71. La couleur rougeâtre du cinabre était associée à la pourpre impériale d’où dérive un des titres que porte l’Empereur : Porphyrogénète, du grec ancien porphýra, "pourpre".

La fabrication des bières était aussi incluse dans le corpus de connaissance alchimique byzantine72, et ceci probablement du fait que les alchimistes eux-mêmes voyaient l’œuvre alchimique comme le résultat d’une action en tout point similaire à la fermentation :

« Les Philosophes recommandent très-souvent de fermenter la matière ; mais ils n’entendent pas toujours la même chose. Quelques fois ils parlent de la fermentation pour la confection de l’élixir, et quelques fois de la continuation du régime pour passer d’une couleur à une autre73. »

(Dom Antoine-Joseph Pernety, Dictionnaire Mytho-Hermétique [archive] concernant la fermentation)

Outre les produits précédemment mentionnés, la collection alchimique contient : un traité sur la fabrication des verres, un autre sur la coloration des pierres précieuses telles que les émeraudes, les escarboucles et les améthystes74. Quelques recettes montrent comment créer des “perles” et comment les traiter75. On y trouve aussi une recette pour la confection de la lessive et du savon, de la colle et des teintures pour la laine76.

Les auteurs anciens

Olympiodore l’Alchimiste

Identifié à tort avec le philosophe et historien Olympiodore de Thèbes, Olympiodore d’Alexandrie, ou encore Olympiodore l’alchimiste, est un philosophe alexandrin et néoplatonicien. Il serait né aux alentours de 500 et décédé après 56477. On lui attribue un commentaire sur le livre “Sur l’action” de Zosime, et d’une manière plus générale, sur les textes attribués à Hermès Trismégiste78. Cette attribution est néanmoins questionnée et reçue par certains comme peu probable77.

Pelagios le Philosophe

On attribue le traité alchimique Sur l’art divin et sacré à un certain Pelagios le Philosophe. Il est possible que Pelagios fasse référence à Pélagius, moine breton hérétique ayant terminé sa vie en Égypte, mais il est peu probable que le texte soit de sa main.

Jean l’Archiprêtre

Jean l’Archiprêtre en Évagie est un autre auteur présent dans la collection alchimique byzantine sur qui il est difficile de retrouver des informations. Il ne semble être que mentionné comme auteur du traité Sur l’art divin79.

Stephanos d’Alexandrie

Stephanos d’Alexandrie était un professeur public et philosophe ayant vécu sous l’Empereur Héraclius au VIIe siècle. Il enseignait les écrits de Platon et d’Aristote et se spécialisait dans les sujets du quadrivium. On lui connaît des commentaires sur Platon et sur Aristote, ainsi que des travaux de nature astronomique, astrologique, médicale et alchimique80. Pour ses travaux alchimiques, il légua un important traité qui n’a pas été inclus dans la collection des alchimistes grecs de Marcelin Berthelot. Le texte se trouve imprimé dans sa version grecque dans le Physici et Medici Graeci Minores de Julius Ludwig Ideler81 et se nomme Sur le grand art sacré de faire de l’or82.

Les commentateurs

 
Synésios de Cyrène.
Synésios de Cyrène

Un alchimiste du nom de Synésios (ou Synésius), est depuis longtemps associé à Synésios de Cyrène. Le rapprochement est déjà assumé chez Lenglet du Fresnoy en 174483. Le texte alchimique qui lui est attribué s'intitule de Sur l’œuvre des Philosophes et on en a la traduction française dans la Bibliothèque des Philosophes Chymiques84.

Synésios de Cyrène serait né vers 370, à Cyrène, et décédé à Ptolémaïs aux alentours de 413. Il étudie la philosophie à Alexandrie et se situe dans le courant néoplatonicien. Il visite Athènes, se rend ensuite à Constantinople de 399 à 402. Il se convertit en épousant une chrétienne dont il a trois fils. Il retourne à Ptolémaïs, sur invitation, pour en devenir l’évêque en 41185.

Le Chrétien et le Philosophe anonyme

Deux commentateurs byzantins majeurs et tous deux anonymes se trouvent dans la collection alchimique grecque : le Chrétien (Philosophus Christianus), auquel est attribué un traité de douze chapitres nommé Sur la constitution de l’or86 , et le Philosophe anonyme, auteur de trois courts textes : Sur l’eau divine du blanchiment, Sur la pratique de la Chrysopée et La musique et la chimie87.

Cosmas

Cosmas est un autre alchimiste byzantin sur lequel les informations manquent. Selon le titre de son ouvrage, Explication de la science de la Chrysopée par le saint moine Cosmas88, il proviendrait du monde monastique, sans qu'on sache à quel monastère il se rattache. Selon F. Sherwood Taylor, la rédaction du texte doit être située aux alentours de l’an mil de par l’emploi de certains termes barbares89.

Nicéphore Blemmydès

Un autre texte du corpus alchimique grec est attribué au constantinopolitain Nicéphore Blemmydès. Après la conquête de Constantinople, en 1204, il se réfugie en Bithynie où il poursuit de longues études dans l’ensemble des domaines de connaissances prisées de son époque. En 1234 il est ordonné prêtre et fait son entrée dans la vie monastique. À sa mort il laisse une œuvre imposante, à la mesure de la légende faisant de lui l’un des hommes les plus savants de son temps90. Son traité alchimique s'appelle La Chrysopée91.

D’autres auteurs et commentateurs alchimiques mineurs ont légué des textes à travers la Collection alchimique grecque. La plupart d’entre eux sont anonymes. Parmi ceux qui mentionnent leur nom : Héliodore, Theophrastos, Hierotheos, Archelaos.

Feux grégeois et militarisation de l’alchimie

 
Feu grégeois.

L’alchimie intéressait les élites pour les perspectives de richesses qu’elle leur faisait miroiter certes, mais aussi pour des raisons de pouvoir militaire. En tout point les Byzantins sont les héritiers des techniques militaires propres à la civilisation gréco-romaine92, mais ils n’hésitent pas à utiliser les recherches alchimiques pour mettre en place de nouvelles armes de guerre.

 
Siphon.

Très peu est connu de ce que l’on appelle le feu grégeois, mais son invention place sans aucun doute les Byzantins à l’avant-plan dans l’invention des armes à feu qu’on attribuait jusqu’alors aux Chinois93. L’appareil était particulièrement utilisé sur les bateaux94, comme pour repousser les invasions arabes, à deux reprises, lorsqu’ils assiègent Constantinople. Jean Skylitzès en donne un exemple illustré dans sa Chronique dont le manuscrit est conservé à Madrid. Il était aussi utilisé lors des sièges et parfois manié à l’aide d’un appareil portable nommé Siphon95. L’aspect moderne d’une telle arme, malgré l’époque reculée à laquelle elle appartient, rappelle sans nul doute certaines technologies contemporaines telles que le lance flammes96 ou le napalm97.

Il est possible que l’invention du feu grégeois, ainsi que son secret si bien gardé, soit en relation avec la situation précaire de la défense du territoire à laquelle l’Empire byzantin doit faire face. Celui-ci est constamment menacé, de sa création jusqu’à sa chute, par diverses forces militaires : les Persans, suivis par les Arabes à l’est, les Avares au sud menacent les territoires en Afrique, les Bulgares à l’ouest et plus tard les chrétiens d’Occident avec les croisades. La possession d’une arme aussi impressionnante que le feu grégeois est un net avantage dans une situation aussi hostile.

Bien que la technique du feu grégeois ait été en partie perdue, il reste quelques bribes de recettes dans le Liber Ignium ("Le livre des feux") de Marcus Graecus, conservé dans le manuscrit latin arii tractatus de alchimia98. Une version latine imprimée fut publiée en 180499 et Ferdinand Hoefer en donne une traduction française dans son Histoire de la chimie depuis les temps les plus reculés [archive] en 1866100.

La situation de l’alchimie dans l’Empire byzantin

 
L'empereur Dioclétien passe un décret qui rend l'alchimie illégale à travers l'Empire.

L’intérêt que les Byzantins portent à l’alchimie est évident et se démontre dans leur désir de collectionner les écrits grecs anciens, la rédaction de commentaires et la production d’écrits originaux101. Malgré les rapprochements éventuels entre les théories alchimiques et le dogme chrétien, l’alchimie qui fleurit à Byzance est essentiellement de nature païenne par ses aspects gnostiques et néoplatoniciens102.

Mais l’alchimie est officiellement une activité illégale à l’intérieur des frontières byzantines, depuis que Dioclétien, en 297, publie un édit la condamnant et ordonne de brûler les livres des anciens Égyptiens qui traitent de la fabrication de l’argent et de l’or103. Ce statut d’illégalité explique peut-être que la quasi-totalité des alchimistes byzantins semblent cantonnés aux frontières de l’Empire et proviennent surtout d’Alexandrie en Égypte. Cela pourrait aussi expliquer que la majorité des écrits alchimiques sont anonymes ou pseudépigraphes.

 
Michel Psellos.

Malgré cet interdit, la transmission de l'alchimie byzantine ne se limite pas à quelques cercles d’adeptes. Joseph Bidez montre qu’elle jouit d’une diffusion relative dans les élites en citant la lettre du moine et écrivain du XIe siècle, Michel Psellos, adressée au patriarche Michel Cérulaire104 : elle traite de points concernant l’alchimie, l’astrologie et la démonologie dont le patriarche est curieux. Cette épître est suffisante pour que, plus tard, on considère Michel Psellos comme étant lui-même un alchimiste d’autorité. On retrouve d’ailleurs un sceau contenant son nom dans la collection latine de textes alchimiques Bibliotheca Chemica Curiosa de Manget imprimées en 1702105.

Mais malgré le fond résolument païen de l’alchimie à cette époque, l’ensemble des alchimistes byzantins sont essentiellement chrétiens, et l’art sacré semble jouir d’un certain essor dans le milieu monastique grâce à des auteurs comme Cosmas, Michel Psellos et Nicéphore Blemmydès106.

Alchimie en terre d'Islam

L'alchimie arabe naît en 685 quand, selon la légende, le prince Khâlid ibn al-Yazîd commande au moine Marianus (ou Morienus), élève de l'alchimiste Étienne d'Alexandrie (vers 620), la traduction en arabe de textes alchimiques grecs ou coptes107.

Aux VIII-Xe sièclex apparaît le Corpus Jabirianum, attribué à Jâbir ibn Hayyân108. Jâbir ibn Hayyân, dit Geber (vers 770), pose comme première triade celle du corps, de l'âme et de l'esprit. Il insiste sur l'élixir comme remède et panacée, et cet élixir n'est pas seulement minéral. Geber propose aussi le septénaire des sept métaux : or (Soleil), argent (Lune), cuivre (Vénus), étain (Jupiter), plomb (Saturne), fer (Mars), vif-argent (Mercure) ; un autre septénaire est celui des opérations : sublimation, distillation ascendante ou descendante (filtration), coupellation, incinération, fusion, bain-Marie, bain de sable. L’argyropée est une étape, non une chute : elle s’intègre dans l’œuvre. Les quatre éléments et les quatre qualités élémentaires sont autonomes. Dans toute substance des trois règnes, il est possible d’augmenter, de diminuer la proportion, voire de faire disparaître le chaud, le froid, etc. et ainsi d'obtenir une tout autre substance.

On attribue à Geber la découverte de l'acide nitrique, obtenu en chauffant du salpêtre KNO3 en présence de sulfate de cuivre (CuSO4⋅5H2O) et d'alun (KAl(SO4)2⋅12H2O), et de l'acide sulfurique (le vitriol), et l'eau régale. Il a également isolé l'antimoine et l'arsenic de leurs sulfures (stibine et orpiment/réalgar).

Un certain nombre de traités arabes médiévaux de magie, d’astrologie ou d’alchimie sont attribués à Balînâs Tûwânî (Apollonios de Tyane). Au IXe siècle (vers 825)109, en lien avec ce mage pythagoricien, le Livre du secret de la Création. Kitâb sirr al-Khaleqa donne en arabe le texte de la Table d’émeraude, qui joue un rôle essentiel dans la tradition hermético-alchimique.

« C'est ici le livre du sage Bélinous [Pseudo-Apollonius de Tyane], qui possède l'art des talismans : voici ce que dit Bélinous. […] Il y avait dans le lieu que j'habitais [Tyane] une statue de pierre, élevée sur une colonne de bois ; sur la colonne, on lisait ces mots : « Je suis Hermès, à qui la science a été donnée… » Tandis que je dormais d'un sommeil inquiet et agité, occupé du sujet de ma peine, un vieillard dont la figure ressemblait à la mienne, se présenta devant moi et me dit : « Lève-toi, Bélinous, et entre dans cette route souterraine, elle te conduira à la science des secrets de la Création… » J'entrai dans ce souterrain. J'y vis un vieillard assis sur un trône d'or, et qui tenait d'une main une tablette d'émeraude… J'appris ce qui était écrit dans ce livre du Secret de la Création des êtres… [Table d'émeraude :] Vrai, vrai, indiscutable, certain, authentique ! Voici, le plus haut vient du plus bas, et le plus bas du plus haut ; une œuvre des miracles par une chose unique… »

Râzî (860-923), appelé Rhazès en Occident, a laissé un Livre des secrets. Kitâb al-asrâr de grande influence.

L'encyclopédie des Frères de la pureté (Ikhwân as-Safâ, 963) contient une section sur l'alchimie110.

Le philosophe Algazel (Al-Ghazali 1058-1111) parle d'une alchimie de la félicité (kimiyâ es-saddah), mais il est plutôt opposé à la pratique alchimique.

Alchimie durant le Moyen Âge

Traductions et influence de l'alchimie arabe

 
Al-Razi, dans le Recueil des traités de médecine de Gérard de Crémone (1250-1260).

L'alchimie arabe, qui connaît son apogée entre le IXe siècle et le XIe siècle, va largement et rapidement se diffuser dans l'Occident chrétien sous la forme de traductions latines à partir du milieu du XIIe siècle111. L'une des tout premières est le Morienus : Robert de Chester, en 1144, traduit en latin un livre arabe de Morienus Romanus, le Liber de compositione alchemiae quem edidit Morienus Romanus112 qui dit : « Puisque votre monde latin ignore encore ce qu'est Alchymia et ce qu'est sa composition, je l'expliquerai dans ce livre. Alchymia est une substance corporelle composée d'une chose unique, ou due à une chose unique, rendue plus précieuse par la conjonction de la proximité et de l'effet ». Vers la même époque Hugues de Santalla traduit le Livre du secret de la création attribué à Balinous (le nom arabe d'Apollonios de Tyane qui comprend la première version latine de la Table d'émeraude). Et le franciscain Gérard de Crémone (~1114-~1187) traduit le Liber divinitatis de septuaginta (Livre des septantes) de Jabir ibn Hayyan (dont la plupart des textes qui lui seront ensuite attribués sont des créations latines) et des textes faussement attribués à Rhazès111.

Le passage du Kitâb al-Shifâ’ (vers 1020), dans lequel Avicenne (Ibn Sīnā) s'oppose à l'alchimie, est traduit en latin sous le titre De congelatione et conglutinatione lapidum ("De la congélation et de la conglutination de la pierre"), par Alfred de Sareshel vers 1190. Mis en annexe du livre IV des Météorologiques, dans lequel Aristote discute de la nature et de la formation des métaux, il sera attribué à ce dernier et influencera tant les alchimistes que leurs opposants113. L’or est fait de Mercure et de Soufre combinés sous l’influence du Soleil. Une phrase célèbre marque les esprits :

« Que les alchimistes sachent qu’ils ne peuvent transmuter les espèces métalliques. Sciant artifices alchemiae species metallorum transmutari non posse ».

Cette vague de traductions se poursuit au XIIIe siècle et de nombreux textes arabes sont mis sous le nom d'autorités antiques, philosophes comme Socrate et Platon114, Aristote, Claude Galien, Zosime de Panopolis (latinisé en Rosinus, et lui effectivement alchimiste), ou figures mythiques comme Hermès Trismégiste, Apollonios de Tyane, Cléopâtre111.

Avec ce corpus traduit de l'arabe, outre un certain nombre de termes techniques comme alambic ou athanor, l'alchimie latine va hériter de ses principales thématiques et problématiques : l'idée que les métaux se forment sous la Terre sous l'influence des planètes à partir de soufre et de mercure, et que l'alchimie vise à reproduire, accélérer ou parfaire ce processus ; l'analogie entre alchimie et médecine, sous la forme de l'élixir, — la connotation religieuse, le dieu créateur étant vu comme le modèle de l'alchimiste — , la question de la diffusion ou du secret de la connaissance alchimique111.

Plusieurs traditions sont représentées dans ces textes : des traités pratiques et clairs, parmi lesquels ceux issus de l'école de Geber et de Rhazès, et le De anima in arte alchemia attribué à Avicenne, qui reflètent une véritable recherche expérimentale, des traités de recettes reprenant la forme du Secretum secretorum (attribué à Rhazès et traduit par Philippe de Tripoli vers 1243, et des textes allégoriques dont le Morienus, la Turba philosophorum et la Tabula Chemica de Senior Zadith (Ibn Umail)111. Le Pseudo-Geber (Paul de Tarente, auteur de La somme de perfection. Summa perfectionis, 1260)115, le Pseudo-Arnaud de Villeneuve (Rosarius, av. 1332), Gérard Dorn (Clavis totius philosophiae chymisticae, 1566) reprendront l'idée de mêler pratique et allégorie.

Alchimie médiévale latine

Vers 1210, le savant Michael Scot écrit plusieurs traités alchimiques : Ars alchemiae116, Lumen luminum. Il est le premier à évoquer les vertus médicales de l’or potable ; Roger Bacon (Opus majus, 1266 ; Opus tertium, 1270), le Pseudo-Arnaud de Villeneuve (Tractatus parabolicus, vers 1330), le paracelsien Gérard Dorn (De Thesauro thesaurorum omnium, 1584) poursuivront dans ce sens.

Vers 1250, Albert le Grand admet la transmutation, il établit l’analogie entre la formation du fœtus et la génération des pierres et métaux117. Il défend la théorie du soufre et du mercure. Il est sans doute l'auteur de Alkimia118 ou de Alkimia minor119, mais pas des autres traités, tels que Semita recta, ou Le composé des composés (Compositum de compositis). Thomas d'Aquin n'est pas alchimiste, quoiqu'on lui attribue le magnifique L'aurore à son lever (Aurora consurgens), qui présente l'alchimie comme une quête de régénération spirituelle, intérieure120, en date de 1320121.

Roger Bacon s'est intéressé à l'alchimie dans son Opus minus (1267)122, dans son Opus tertium123, dans son commentaire au Secret des secrets (1275-1280) qu'il croit à tort d'Aristote ; mais Le miroir d'alchimie (Speculum alchimiae)124 date du XVe s. : il est d'un Pseudo-Roger Bacon. Bacon (Opus majus, 1266) soutient que la médecine des métaux prolonge la vie125 et que l’alchimie, science pratique, justifie les sciences théoriques (et non plus l’inverse) : le premier, il voit le côté double (spéculatif et opératoire) de l'alchimie.

Pour le Pseudo-Roger Bacon126 :

« L'alchimie est la science qui enseigne à préparer une certaine Médecine ou élixir, laquelle étant projetée sur les métaux imparfaits, leur donne la perfection dans le moment même de la projection. »

Les deux principes ou Substances étaient le Soufre et le Mercure, un troisième s'ajoute dès la Somme de la perfection (Summa perfectionis) (1260) : l'Arsenic. L'ouvrage est attribué à l'Arabe Geber (Jâbir ibn Hayyân), mais il est du Pseudo-Geber, ou Geber latin, Paul de Tarente.

Les auteurs les plus caractéristiques sont Arnaud de Villeneuve (1245-1313), Denis Zachaire, le Pseudo-Lulle (début du XVe siècle)N 2, le chanoine George Ripley127, le prétendu Bernard le Trévisan128.

L'année 1330 est la date de La nouvelle perle précieuse (Pretiosa margarita novella), de Petrus Bonus, qui est un discours théologique. L'auteur distingue recherche scientifique et illumination divine. Il est le premier à faire une lecture alchimique des grands mythes antiques, comme la Toison d’or, Pan, les métamorphoses d'Ovide, Virgile, etc. ; il sera suivi par Augurelli, Pic de la Mirandole, Giovanni Bracesco (+ 1555), Dom Pernéty. Petrus Bonus soutient la théorie du mercure seul. Le premier, il compare la pierre philosophale au Christ : si le processus du Grand Œuvre correspond à la vie humaine (conception, gestation, naissance, croissance, mort), il correspond aussi aux mystères de la religion chrétienne (incarnation et passion du Christ, Jugement dernier, mystère de la Sainte-Trinité, etc.)129.

Vers 1350, Rupescissa (Jean de Roquetaillade) (De consideratione quintae essentiae) assimile élixir et alcool, comme un cinquième Élément, une quintessence donc, qui peut prolonger la vie. Il dit que l’on peut extraire cette quintessence de toutes choses, du sang, des fruits, du bois, des fleurs, des plantes, des métaux. D’où certains remèdes. Il fait une alchimie distillatoire, car, pour lui, la quintessence est un distillat extrêmement puissant qui peut s’extraire de l’alcool distillé mille et une fois. Cette théorie de la quintessence introduit l’idée du « principe actif » possédant au centuple les mêmes propriétés que les simples, dont Galien avait détaillé les effets bénéfiques sur le plan humain.

Alchimie et christianisme

L'Église catholique n'a jamais condamné comme hérésie l'alchimie en tant que telle. Les condamnations ne sont faites que dans des cadres limités : celle des faux-monnayeurs et des magiciens, la discipline interne aux ordres mendiants (franciscains et dominicains), et au XVIIe la dénonciation des libertins130. L'idée de cette condamnation n'apparaît qu'avec les occultistes du XIXe131.

En 1273, 1287, 1289, 1323, 1356 et 1372, les chapitres généraux des Dominicains intiment aux frères de remettre à leurs supérieurs les écrits d'alchimie ou (en 1321) de les détruire132. En 1295, la législation des franciscains leur interdit de détenir, lire, écrire des livres d'alchimie133.

Élie de Cortone, Gérard de Crémone, Roger Bacon134, Jean de Roquetaillade sont des franciscains.

Dans le Tractatus parabolicus du Pseudo-Arnaud de Villeneuve (milieu du XIVe siècle), pour la première fois, l’image du Christ (sa vie, sa Passion, et sa résurrection) est comparée à la pierre philosophale. L'alchimie devient, dès lors, chrétienne135. Le Pseudo-Lulle : « De même que Jésus-Christ a pris la nature humaine pour la délivrance et la rédemption du genre humain, prisonnier du péché par la suite de la désobéissance d'Adam, de même, dans notre art, ce qui est souillé criminellement par une chose est relevé, lavé et racheté de cette souillure autrement, et par la chose opposée »136. Toujours à la même époque (1350), Jean de Roquetaillade établit le lien entre Grand Œuvre et Passion du Christ.

Alchimie durant la Renaissance

 
La Table d'émeraude - version latine - Extrait du De Alchimia, Chrysogonus Polydorus (peut-être un pseudonyme du théologien luthérien Andreas Osiander), Nuremberg (1541).

Le poème L'ordinaire d'alchimie (1477) de Thomas Norton.

Denis Zachaire déclare avoir réussi à transmuter du mercure en or le jour de Pâques 1550 :

« Il ne se passait jour que je ne regardasse d'une fort grande diligence la parition des trois Couleurs [noir, blanc, rouge] que les philosophes ont écrit devoir apparaître avant la perfection de notre divine œuvre, lesquels (grâce au Seigneur Dieu) je vis l'une après l'autre, si bien que le propre jour de Pâques [1550]. Après j'en vis la vraie et parfaite expérience sur l'argent vif [mercure] échauffé dedans un crisot [creuset], lequel se convertit en fin or devant mes yeux à moins d'une heure par le moyen d'un peu de cette divine poudre. Si j'en fus aise, Dieu le sait ; je ne m'en vantis pas pour cela. »137

Quand Rodolphe II de Habsbourg est empereur (1576-1612), la capitale de l'alchimie est Prague. Les adeptes de l'époque y convergent : Heinrich Khunrath (auteur d'un admirable Amphitheatrum sapientiae aeternae, 1602)138, Oswald Crollius139, Michael Maier (auteur, entre autres, de Les Arcanes très Secrets, 1613, et de l’Atalante fugitive, 1618.

Le fameux ouvrage sur Nicolas Flamel, Le livre des figures hiéroglyphiques, qui donne une interprétation alchimique de l'arche du cimetière des Innocents à Paris, n'a pas été écrit par Nicolas Flamel, qui ne fit jamais d'alchimie140. Le livre est daté de 1399, mais ne fut édité qu’en 1612 : il n'a pu être écrit que vers 1590, peut-être par l'écrivain François Béroalde de Verville (1558-1612)141. Il développe la notion d'ars magna, une mutuelle délivrance de la matière et de l’esprit par la réalisation de l’œuvre, à la fois spirituelle et physique142,143.

Paracelse

Paracelse, comme l'a montré un de ses éditeurs, Johann Huser, n'a rien écrit d'alchimique au sens courant du terme (transmutation des métaux, production d'or)144, puisqu'il se concentre sur l'utilisation médicale et l'aspect philosophique. Dans son Opus paragranum (1533), il substitue aux quatre Éléments les trois Substances (tria prima) que sont le Soufre, le Mercure et (c'est Paracelse qui l'ajoute) le Sel ; il assimile le processus de digestion à l’alchimie, science des cuissons et des maturations. Cette approche spécifique qu'avait Paracelse de l'alchimie donnera naissance à la spagyrie.

« Parmi toutes les substances, il en est trois qui donnent à chaque chose leur corps, c'est-à-dire que tout corps consiste en trois choses. Les noms de celles-ci sont : Soufre, Mercure, Sel. Si ces trois choses sont réunies, alors elles forment un corps […]. La vision des choses intérieures, qui est le secret, appartient aux médecins. […] Prenez l'exemple du bois. Celui-ci est un corps par lui-même. Brûlez-le. Ce qui brûlera, c'est le Soufre ; ce qui s'exhale en fumée, c'est le Mercure ; ce qui reste en cendres, c'est le Sel. […] Ce qui brûle, c'est le Soufre ; celui-là [le Mercure] se sublime, parce qu'il est volatil ; la troisième Substance [le Sel] sert à constituer tout corps. »145

Jean-Baptiste Van Helmont

 
Saule pleureur ; Van Helmont comprend ce qu'est un gaz, mais il ne comprend pas que l'arbre est capable via la photosynthèse de prélever du CO2 dans l'air ni que des bactéries symbiotes peuvent aussi prélever de l'azote dans l'air au profit de l'arbre. Il pense qu'un saule qu'il a mis en culture et qui est uniquement abreuvé d'eau de pluie est capable de transmuter de l’eau en bois, en écorces et en racines.

Jean-Baptiste Van Helmont (1579-1644), alchimiste précurseur de la chimie, voulait démontrer que la théorie des quatre éléments alchimiques n'était pas valable.

Van Helmont obtient d'abord un diplôme en philosophie avant de chercher une autre voie dans l'astronomie, puis dans la médecine. Se penchant sur les mystères de l'alchimie, il tente la transmutation des métaux et découvre l'existence des gaz, ce qui le situe à l'orée de la science moderne146. Il en décrit plusieurs, dont le gaz carbonique. Ses œuvres ont été publiées par son fils François-Mercure sous le titre Ortus medicinae, vel opera et opuscula omnia147.

Van Helmont a fait pousser un jeune saule dans une caisse de bois contenant 90 kg (200 livres) de terre séchée au four, et couverte d'une plaque de fer étamé percée de petits trous. Il dit ne pas avoir tenu compte des chutes de feuilles ni de la poussière ayant pu s'y déposer. Après humidification durant cinq ans par de l’eau de pluie filtrée sur tamis (ou de l'eau distillée si nécessaire), il a observé que le poids de l’arbre (169 livres et environ 3 onces) avait augmenté de 76 kg, tandis que celui de la terre n’avait diminué que de 57 g. Bien qu'ayant compris ce qu'est un gaz, et qu'il existe un gaz carbonique, il ne comprend pas que l'arbre est capable via la photosynthèse de prélever du CO2 dans l'air et que des bactéries symbiotes peuvent aussi prélever de l'azote dans l'air au profit de l'arbre. Il déduit donc faussement148 que la terre ayant quasiment le même poids, c’est donc l’eau qui s’est changée en bois, en écorces et en racines. Pour les alchimistes, l'élément alchimique « eau » était ainsi transmuté en élément « terre »149 Cette hypothèse aura "un retentissement certain sur les spécialistes" de l'époque, avant d'être contredite par la science148. Van Helmont en concluait que, s'il provient de l'élément « eau », l'élément « terre » n’est pas élémentaire, donc que l'élément « terre » n'en était pas un et que la théorie des quatre éléments n'était pas valide150.

Ces quatre « éléments » pourraient aujourd'hui correspondre aux états de la matière (solide, liquide, gaz, plasma).

Alchimie au XVIIe siècle

Avec Gérard Dorn (Clavis totius philosophiae chymisticae, 1566), Jacques Gohory (Compendium, 1568), Cesare Della Riviera (Le monde magique des héros, 1603) naît une alchimie spéculative, sans pratique opératoire[réf. nécessaire]. Elle se prolonge par certaines œuvres de Giordano Bruno ou de Jean d'Espagnet. Une correspondance s'établit entre les stades du Grand Œuvre et les étapes d’une transmutation spirituelle.

De grands alchimistes marquent encore cette époque dont le Basile Valentin151, le Cosmopolite (Alexandre Seton ? Michel Sendivogius ?)152, l'Anglais Eyrénée Philalèthe (George Starkey)153.

En 1616 paraissent Les noces chymiques de Christian Rosencreutz, de Jean Valentin Andreae. L'alchimie est ici spirituelle, allégorique, et surtout relève de la Rose-Croix. Michael Maier, médecin de l'empereur Rodolphe II du Saint-Empire, donne dans son livre Themis Aurea les règles d'or des médecins alchimistes de l'Ordre de la Rose Croix.

En 1677 paraît à La Rochelle un livre singulier, dû à Jacob Saulat : Mutus liber. Livre muet154 : « toute la philosophie hermétique est représentée en figures hiéroglyphiques », en fait quinze planches, sans texte, qu'Eugène Canseliet éditera et commentera155. Le livre semble tenir la rosée pour un élixir.

Alchimie au XVIIIe siècle : de l'alchimie à la chimie

Robert Boyle qui croit à la possibilité de la transmutation des métaux, met en doute, dans The Sceptical Chymist (1661), la théorie des quatre éléments, ainsi que celle des trois principes paracelsiens (soufre, mercure et sel), et introduits l'idée d'élément chimique comme élément indécomposable, et non transformable en un autre élément.

De 1668 à 1675, Isaac Newton pratique l’alchimie.

Le 31 janvier 1712, l'alchimiste Jean Trouin meurt embastillé sans avoir transformé le plomb en or comme il le prétendait.

En 1722, le médecin et naturaliste français Étienne-François Geoffroy, inventeur du concept d'affinité chimique, ne croit pas à la transmutation, mais ne pense pas possible de démontrer son impossibilité :

« L'Art [alchimique] n'a jamais fait un grain [d'or] d'aucun des métaux imparfaits [plomb, étain, fer, cuivre, mercure], qui selon les alchimistes sont de l'or que la Nature a manqués. Il n'a seulement jamais fait un caillou. Selon toutes les apparences, la Nature se réserve toutes les productions. Cependant, on ne démontre pas qu'il soit impossible de faire de l'or, mais on ne démontrera pas non plus qu'il soit impossible qu'un homme ne meure pas156. »

En 1781, Sabine Stuart de Chevalier, une des rares femmes alchimistes, publie son Discours Philosophique sur les Trois Principes, Animal, Végétal et Minéral, ou la Clef du Sanctuaire Philosophique.

En 1783, Lavoisier décompose l'eau en oxygène et hydrogène.

Le comte de Saint-Germain, célèbre en France entre 1750 et 1760, prétend être immortel et capable de produire ou de purifier des pierres précieuses.

Alchimie au XIXe siècle et au XXe siècle

Au XIXe siècle, les quelques alchimistes résiduels sont considérés comme des curiosités, vestiges d'une époque révolue157.

Ceux qui pratiquent l'hyperchimie (Tiffereau, Lucas, Delobel, Jollivet-Castelot) veulent faire de l'alchimie de façon strictement chimique. Théodore Tiffereau fabrique de l'or à Mexico en 1847, et Gustave Itasse, un chimiste, découvre que cet or possède « toutes les propriétés de l'or natif mais diffère de celui-ci par quelques propriétés chimiques n'appartenant pas en propre à un autre métal »158.

Certains francs-maçons français, (Jean-Marie Ragon, Oswald Wirth), s'inscrivant dans la lignée de certains de leurs prédécesseurs du XVIIIe siècle (notamment le baron Tschoudy), lient étroitement l'alchimie mystique et la maçonnerie ésotérique.

En 1926, paraît l'ouvrage Le mystère des cathédrales, écrit par un inconnu usant du pseudonyme Fulcanelli. Ce même auteur fait publier quelques années après Les Demeures philosophales. Fulcanelli devient au XXe siècle une légende159. Canseliet, qui aurait été son élève, souffle le chaud et le froid sur ce personnage, qui, selon la légende, aurait bénéficié du « don de Dieu » : l'immortalité (il aurait été vu en Espagne âgé de 113 ans) : « Eh bien, quand je l'ai revu, il avait 113 ans, c'est-à-dire en 1952. J'avais à cette époque 53 ans. J'ai vu un homme sensiblement de mon âge. Attention, je précise, Fulcanelli en 1922 et même avant, c'était un beau vieillard, mais c'était un vieillard ».

Sont également des auteurs contemporains : Roger Caro, fondateur de l'Église universelle de la nouvelle alliance, Kamala Jnana et Jean de Clairefontaine, qui ne sont peut-être qu'une seule personne160. Jean de Clairefontaine n'est pas Roger Caro, mais son ami et mécène Maurice Auberger. Richard Caron161 fait état d'un regain d'intérêt notoire à partir du début XXe siècle. « On voit s'intéresser à l'alchimie non seulement des occultistes de tous horizons, mais également des écrivains, une certaine partie de la bourgeoisie qui fréquentait les salons littéraires, et particulièrement le milieu médical qui depuis la fin du siècle précédent a fait soutenir, dans ses facultés, un grand nombre de thèses en médecine ».

Pour Fulcanelli162, l'alchimie est « la science hermétique », « une chimie spiritualiste » qui « tente de pénétrer le mystérieux dynamisme qui préside » à la « transformation » des « corps naturels ». L'archimie poursuit à peu près un des buts de l'alchimie (« la transmutation des métaux les uns dans les autres »), mais elle utilise « uniquement des matériaux et des moyens chimiques », elle se cantonne au « règne minéral ». La spagyrie est « l'aïeule réelle de notre chimie ». « Les souffleurs, eux, étaient de purs empiriques, qui essayaient de fabriquer de l'or en combinant ce qu'ils pouvaient connaître de l'alchimie (bien peu de choses !) et des secrets spagyriques »163.

En 1953, René Alleau publie aux éditions de Minuit un ouvrage fondamental, Aspects de l'alchimie traditionnelle, avec une préface d'Eugène Canseliet. Alleau, en 1948, prononçe une série de conférences sur l'alchimie auxquelles assiste André Breton, et qui eurent un profond retentissement sur le chef de file des surréalistes. On doit au même auteur la collection Bibliotheca Hermetica des Editions Denoël.

En 1956 paraît pour la première fois en édition complète chez Denoël Le Message Retrouvé, du peintre Louis Cattiaux dont le témoignage alchimique, comme celui de sa Physique et métaphysique de la peinture, est fort évident. L'ouvrage sera réédité de très nombreuses fois dans sa langue française originale de même qu'en castillan, catalan, allemand, italien, portugais, anglais (en tout, plus de vingt éditions). Il a donné lieu à bien des commentaires alchimiques164.

Dans Ces Hommes qui ont fait l'alchimie au XXe siècle165, Geneviève Dubois donne la parole à, ou dresse la liste de nombreux alchimistes contemporains : Louis Cattiaux, Emmanuel d'Hooghvorst, José Gifreda, Henri Coton-Alvart, Henri La Croix Haute, Roger Caro, Alphonse Jobert, Pierre Dujols de Valois, Fulcanelli et Eugène Canseliet.

Selon Serge Hutin166 :

« Les alchimistes […] étaient des 'philosophes' d'un genre particulier qui se disaient dépositaires de la Science par excellence, contenant les principes de toutes les autres, expliquant la nature, l'origine et la raison d'être de tout ce qui existe, relatant l'origine et la destinée de l'univers entier. »

Selon René Alleau (1953)167 :

« Il convient surtout de considérer l'alchimie comme une religion expérimentale, concrète, dont la fin était l'illumination de la conscience, la délivrance de l'esprit et du corps […]. Ainsi l'alchimie appartient-elle plutôt à l'histoire des religions qu'à l'histoire des sciences. »

La première synthèse artificielle de l'or date de 1941 : elle consista à bombarder un à un des atomes de mercure avec des neutrons. Cependant, les isotopes d'or obtenus étaient tous radioactifs168. Le coût de production étant bien plus élevé que le prix de l'or, cette méthode de production n'est pas viable commercialement.

L'alchimie dans les civilisations orientales

Chine

La recherche des remèdes d'immortalité fait partie de la culture chinoise antique depuis la période des Royaumes combattants. Les souverains font confiance à la voie des magiciens et des immortels, et les pratiques de ces « magiciens » s'apparentent souvent à l'alchimie. Sur un plan strictement historique, un savoir de type alchimique est établi, pour la Chine, à partir du IIe siècle avant l’ère chrétienne169. On trouve la trace, dans les Mémoires historiques de Sima Qian, d'un récit parlant de transmutation en or et d'allongement de la vie par des pratiques alchimiques lors du règne de Wu Di de la dynastie Han en 133 av. J.-C.170. On voit le magicien Li Shao-jun se rendre chez l'empereur et lui dire : « Si vous sacrifiez au fourneau, alors je vous enseignerai comment faire des vases en or jaune ; et dans ces vases vous pourrez boire et acquérir l'immortalité ». « C'est probablement, dit J. Needham, le plus ancien document sur l'alchimie dans l'histoire du monde »171. À la lumière de travaux les plus récents sur l'origine de l'alchimie chinoise (Pregadio172 2006, Campany173 2002), les opinions de certains spécialistes français du XXe siècle comme Serge Hutin paraissent dépasséesN 3.

Un texte fondateur, plus un traité de cosmologie que d'alchimie, est le Cantongqi (Tcheou-yi san-t'ong-ki. Triple concordance dans le livre des mutations des Tcheou), attribué à Wei Boyang (Wei Po-yang), un Immortel légendaire situé en 142. Le premier traité alchimique chinois connu est le Baopuzi neipian écrit par Ge Hong (283-343 apr. J.-C.)174. Les alchimistes chinois font une distinction entre « alchimie extérieure » (waidan, wai tan) et « alchimie intérieure » (neidan, nei tan). L’alchimie extérieure, telle que pratiquée par Ge Hong par exemple175, cède la place à l’alchimie intérieure qui domine dès la fin de la Dynastie Tang en 907. Les premières traces écrites de cette alchimie intérieure qui s'inscrit dans le cadre du taoïsme datent du VIIIe siècle176.

Inde

L'alchimie dite « indienne » est hindouiste. Elle remonte à la période très ancienne des Veda (IIe millénaire av. J.-C.) et tire ses origines de l'Ayurveda. Cette connaissance alchimique est appelée Rasâyana, qui signifie littéralement « voie du mercure ». Le Rasâyana amène à la préparation d'un élixir de longue vie nommé Ausadhi177.

L'Ayurveda est divisée en huit branches178 dont l'une est le Rasâyana :

Des rapprochement entre l'alchimie et les pratiques shivaïques et tantriques ont été effectués par plusieurs auteurs: Shiva, qui s'apparenterait au principe actif du soufre, féconde Çakti, qui s'apparenterait au principe passif du mercure. Dans la tradition tantrique, le corps devient un Siddha-rûpa, "corps de diamant-foudre"179, se rapprochant du concept de corps de gloire de l’Ars Magna en occident180.

Malgré pléthore de sources archéologiques (anciennes et contemporaines) dont les Veda (IIe millénaire av. J.-C.), les origines de l'alchimie hindoue sont toujours débattues.Une vision ethnocentriste, pro-occidentale ou coloniale, aurait pu influencer les partisans de la thèse d'une « origine importée ou acquise » de l'alchimie en Inde.

Mésopotamie, Babylone

Le sujet a été étudié par Adolf Leo Oppenheim et Mircea Eliade186. « Robert. Eisler187 a suggéré l'hypothèse d'une alchimie mésopotamienne. En réalité, les tablettes dont Eisler faisait état sont soit des recettes de verrier, soit des rituels accompagnant les opérations de métallurgie »188. Les Mésopotamiens utilisent, dans leurs recettes pour fabriquer de la pâte de verre coloré, un langage secret189, mais cela relève davantage du secret de métier que de la discipline de l'arcane.

Dès le XIVe siècle av. J.-C. en Babylonie et le VIIe siècle av. J.-C. en Assyrie on fabrique des gemmes de four, artificielles. Ce sont, à peu près, les mêmes recettes qu'à Alexandrie au IIIe siècle : imitation des métaux précieux, coloration des pierres, production de la pourpre.

L'étape mésopotamienne est un moment capital dans l'histoire de l'alchimie, car les métaux sont mis en correspondance avec les planètes. Ainsi s'établit le fondement ésotérique de l'alchimie : la mise en place de corrélations entre des niveaux différents de réalité dans un monde conçu sur base d'analogies (a est à b ce que c est à d).

« L'argent est Gal [le grand dieu, Anou]
l'or est En.me.shar.ra [Enli]
le cuivre est Éa
l'étain est Nin.mah [Nin-ani]. »190

La Lune est liée à la couleur argentée, au métal argent, aux dieux Sîn (dieu Lune) et Anum ; le Soleil est lié à la couleur dorée, au métal or, aux dieux Shamash (dieu Soleil) et Ellil ; Jupiter : bleu lapis, étain, Mardouk et Nin-ani ; Vénus : blanc, cuivre, Ishtar déesse de la fécondité et des combats) et Éa ; Mercure jaune-vert, vif-argent (?), Nabou (dieu de l'écriture) ; Saturne : noir, plomb (?), Nirurta ; Mars : brun-rouge, fer (?), Erra (Nergal)191.

Buts de l’alchimie

 
Jâbir ibn Hayyân, dit Geber, l'alchimiste arabe.

L'alchimie s'est donné des buts distincts, qui parfois coexistent. Son but le plus emblématique est la fabrication de la pierre philosophale, ou « grand œuvre », censée être capable de transmuter les métaux vils en or, ou en argent. D'autres buts sont essentiellement thérapeutiques, la recherche de l'élixir d'immortalité et de la Panacée (médecine universelle), et expliquent l'importance de la médecine arabe dans le développement de l'alchimie. Derrière des textes hermétiques constitués de symboles cachant leur sens au profane, certains alchimistes s'intéressaient plutôt à la transmutation de l'âme, c'est-à-dire à l'éveil spirituel. On parle alors de « l'alchimie mystique ». Plus radical encore, l'Ars Magna, une autre branche de l'alchimie, a pour objet la transmutation de l'alchimiste lui-même en une sorte de surhomme au pouvoir quasi illimité. Un autre but de l'alchimie, est la création d'un homme artificiel de petite taille, l'homoncule[réf. souhaitée].

L'alchimiste oppose ou rend complémentaires alchimie pratique et alchimie spéculative. Roger Bacon, en 1270, dans son Opus tertium, 12, distinguait ces deux types-ci :

But métallique : le Grand Œuvre et la transmutation

 
L'Alchimiste, par Sir William Fettes Douglas.

Le Grand Œuvre avait pour but d'obtenir la pierre philosophale. L'alchimie était censée opérer sur une Materia prima, "première Matière", pour obtenir la pierre philosophale capable de réaliser la « projection » : la transformation des métaux vils en or. Les alchimistes ont développé deux méthodes : la voie sèche et la voie humide193. De façon classique la recherche de la pierre philosophale se faisait par la voie humide, que présente par exemple Zosime de Panopolis dès 300. La voie sèche est beaucoup plus récente, peut-être été inventée par Basile Valentin, vers 1600. En 1718, Jean-Conrad Barchusen, professeur de chimie à Leyde, développe cette voie dans son Elementa chemicae . Selon Jacques Sadoul la voie sèche est celle des hautes températures, difficile, tandis que la voie humide est la voie longue (durant trois ans), mais elle est moins dangereuse. Fulcanelli écrit : « À l’inverse de la voie humide, dont les ustensiles de verre permettent le contrôle facile et l’observation juste, la voie sèche ne peut éclairer l’opérateur »194.

Les phases classiques du travail alchimique sont au nombre de trois, distinguées par la couleur que prend la matière au fur et à mesure. Elles correspondent aussi aux types de manipulation chimique : œuvre au noir = calcination, œuvre au blanc = lessivage et réduction, œuvre au rouge pour obtenir l'incandescence. On trouve ces phases dès Zosime de Panopolis. La phase blanche est parfois subdivisée en phase blanche = lessivage et phase jaune = réduction chez certains auteurs alchimistes, qui admettent ainsi quatre phases (noir, blanc, jaune, rouge) pour l'ensemble, au lieu de trois (noir, blanc, rouge).

But médical : la médecine universelle et l'élixir de longue vie

Les Arabes sont les premiers à donner à la pierre philosophale des vertus médicinales et c'est par leur intermédiaire que le concept d'élixir est arrivé en Occident195. Roger Bacon veut « prolonger la vie humaine »196. La quête alchimique, de métallique aux origines, devient médicale au milieu du XIVe siècle, avec le Pseudo-Arnaud de Villeneuve et Petrus Bonus. La notion de « médecine universelle » pour les pierres comme pour la santé (???) vient du Testamentum du Pseudo-Lulle (1332). Johannes de Rupescissa (Jean de Roquetaillade) ajouta, vers 1352, la notion de quintessence, préparée à partir de l’aqua ardens (alcool), distillée des milliers de fois197 ; il décrit l'extraction de la quintessence à partir du vin et explique que, conjointe à l'or, celle-ci conserve la vie et restaure la santé198. Paracelse, en 1533, dans le Liber Paragranum, va encore plus loin, rejetant la transmutation comme but de l'alchimie, pour ne garder que les aspects thérapeutiques. Il résume ainsi sa pensée : « Beaucoup ont dit que l’objectif de l'alchimie était la fabrication de l’or et de l’argent. Pour moi, le but est tout autre, il consiste à rechercher la vertu et le pouvoir qui résident peut-être dans les médicaments ». En un sens Paracelse fait donc de l'iatrochimie (médecine hermétique), plutôt que de l'alchimie proprement dite. Dès lors apparaît une opposition entre deux usages de la pierre philosophale : la production de l’or (chrysopée), ou la guérison des maladies (panacée). La iatrochimie (ou médecine hermétique) a eu « pour principal représentant François de Le Boë (Sylvius) et consistait à expliquer tous les actes vitaux, en santé ou en maladie, par des opérations chimiques : fermentation, distillation, volatilisation, alcalinités, effervescences ». L'alchimie médicale a été étudiée par Alexander von Bernus199.

La légende veut que l'alchimiste Nicolas Flamel ait découvert l'élixir de jeunesse et l'ait utilisé sur lui-même et son épouse Pernelle. De même, la légende du comte de Saint-Germain marqua l'alchimie : il aurait eu le souvenir de ses vies antérieures et une sagesse correspondante, ou il aurait disposé d'un élixir de longue-vie lui ayant donné une vie longue de deux à quatre mille ans.

Aujourd'hui plusieurs laboratoires pharmaceutiques (Pekana, Phylak, Weleda…), revendiquant les remèdes spagyriques de Paracelse, de Rudolf Steiner, d'Alexander von Bernus, de Carl Friedrich Zimpel, poursuivent cette tradition alchimique médicale.

But métaphysique : ontologie de l'énergie et éthique du travail

L'alchimiste se présente comme un philosophe. Il prétend connaître non seulement les métaux, mais aussi les principes de la matière, le lien entre matière et esprit, les lois de transformation… Son ontologie repose sur la notion d'énergie, une énergie contradictoire, dynamique, une, unique, en métamorphoses. Il tire aussi une morale de ses travaux, l'éloge du travail et de la prière : « Prie et travaille (Ora et labora) » (Khunrath)200. Il avance une grande méthode : l'analogie (« Tout ce qui est en bas est comme ce qui est en haut »). Sa notion-clef est celle d'origine, de retour, ou - comme le dit Pierre A. Riffard - de « réversion »201. L'alchimiste veut retourner à la matière première, rétablir les vertus primitives des choses, rendre pure et saine toute créature : faire nature, pourrait-on dire.

Différentes interprétations de l'alchimie

L'interprétation des buts poursuivis par l'alchimie est rendue plus difficile par les textes volontairement cryptiques laissés par les alchimistes. Cette difficulté d'interprétation a engendré de nombreuses thèses à propos du sens de l'alchimie.

Théories physiques de l'alchimie

Les alchimistes se fondent sur une conception de la nature et de la matière première. Les théories s'opposent ou se combinent.

  1. Théorie corpusculaire. Anaxagore et Empédocle avaient tous deux avancé l’idée que ce qui nous semble plein et compact est en fait constitué de parcelles, comme l'or est fait de paillettes d'or (Anaxagore). Pour Roger Bacon (Minima naturalia), pour le Pseudo-Geber (Summa perfectionis, 1260), pour Newton, la matière est constituée d'éléments, de particules, si minuscules qu'un artisan peut les infiltrer dans celles, plus grossières, d'un métal vil comme le plomb (Zosime de Panopolis) ou le mercure. En 1646, le Français Johannes Magnenus202, pour prouver la palingénésie selon Paracelse, broya une rose, mit le mélange dans un vase de verre, scella, réchauffa avec une chandelle, et, dit-il, observa que les corpuscules s'étaient spontanément rassemblés pour recomposer une rose parfaite ! La théorie des minima naturalia, chez Albert le Grand, Robert Boyle, soutient que la matière est faite de constituants élémentaires, invisibles, doués de qualités définies, intervenant dans les réactions chimiques.
  2. Théorie mercurialiste. Un seul Élément, le Mercure203. La théorie, qui remonte aux commentateurs grecs et à Jâbir-Geber, s'impose avec le Pseudo-Geber (qui combine mercurialisme et théorie corpusculaire), Rhazès, Roger Bacon, Petrus Bonus, Eyrénée Philalèthe (Starkey), lequel déclare : « Tous les corps métalliques ont une origine mercurielle (…) hautement semblable à l’or ». Pour le Pseudo-Arnauld de Villeneuve du Rosarius philosophorum, la pierre philosophale se constitue de mercure alchimique, composé des quatre Éléments ; la composante Soufre ne sert, en vapeur, qu'à cristalliser en or ou en argent, elle est inhérente au mercure, pas un principe.
  3. Théorie des quatre Éléments et des deux Principes. L'Arabe Balînâs (le Pseudo-Apollonios de Tyane), Jâbir-Geber dans le Liber misericordiae, Avicenne, Albert le Grand affirment que tous les êtres, mêmes les métaux, sont composés des deux Principes : le Soufre et le Mercure, composés à leur tour des quatre Éléments. Newton admet deux composants (qu'il combine avec la théorie corpusculaire) : d'une part « notre mercure », principe passif, froid et féminin, constitué de particules volatiles et ténues, d'autre part, « notre soufre », principe actif, chaud et masculin, constitué de particules fixes, plus épaisses que les particules du mercure.
  4. Théorie des trois Substances. En 1531, Paracelse (Opus paramirum) pose trois Substances : le Soufre, le Mercure et le Sel. Ce qui brûle, c'est le Soufre ; ce qui fume, c'est le Mercure ; les cendres, c’est le Sel. Quand l’alchimiste décompose une chose en ses constituants, le principe sulfureux se sépare comme une huile combustible ou une résine, le principe mercuriel vole comme une fumée ou se manifeste comme un liquide volatil, enfin le principe salé demeure comme une matière cristalline ou amorphe indestructible.
  5. Panpsychisme. Avec les stoïciens et les hermétistes, quelques alchimistes soutiennent que de l'esprit (pneûma) habite à l’intérieur des corps. Marsile Ficin204, Jean-Baptiste van Helmont appartiennent à cette école. Pour Ficin, un Esprit cosmique (spiritus mundi), intermédiaire entre l'Âme du monde (Anima mundi) et le Corps du monde (Corpus mundi), de la nature de l'éther, qui « vivifie tout », qui est « la cause immédiate de toute génération et de tout mouvement », traverse le Tout ; l'alchimiste peut attirer cet Esprit capable de canaliser l'influence des astres et ainsi de transformer les choses. Newton - lui, encore - affirme l'existence d'« un esprit très subtil qui circule à travers les corps grossiers », esprit électrique grâce auquel les particules de matière s'attirent lorsqu'elles sont peu éloignées les unes des autres205.

Depuis le XIXe siècle, la théorie atomique a relégué l'alchimie au rang de pseudoscience. Paradoxalement, la physique nucléaire a montré que les transmutations de métaux sont possibles, reprenant d'ailleurs le terme, même si les théories alchimiques ont été réfutées.

L'interprétation positiviste : l'alchimie comme protochimie

Le laboratoire chimique doit énormément à l'alchimie, au point que certains positivistes (dont Marcellin Berthelot) ont qualifié l'alchimie de proto-chimie.

Pourtant, l'objet de l'alchimie (la pierre philosophale et la transmutation des métaux) et celui de la chimie (l'étude de la composition, les réactions et les propriétés chimiques et physiques de la matière) sont réellement distincts. D'autre part le rapport entre l'alchimie et les mythes locaux, et les constantes archétypiques universelles présentes dans la philosophie sous-jacente à l'alchimie la distinguent également de celle-ci206. Plusieurs auteurs du XXe qui ont étudié l'alchimie de manière approfondie la présentent comme une théologie, ou comme une philosophie de la Nature plutôt qu'une chimie naissante207, à ce titre, certains anciens alchimistes se donnaient le titre de « seuls véritables philosophes ».

L'interprétation de l'alchimie comme relevant uniquement d'une proto-chimie proviendrait essentiellement d'une erreur d'interprétation de Marcellin Berthelot au XIXe208. Françoise Bonardel retient également l'hypothèse d'une simplification excessive opérée par certains historiens du XIXe209.

L'interprétation psychologique de Jung

Herbert Silberer, un disciple de Freud, est un précurseur de l'interprétation psychologique de l'alchimie210.

La mise en évidence d'un symbole alchimique, similaire dans des civilisations éloignées dans le temps et dans l'espace, a conduit Carl Gustav Jung, très tôt, à valoriser l'alchimie comme processus psychologique211. Il a particulièrement insisté sur l'intérêt psychologique ou spirituel ou même initiatique de l'alchimie. Elle aurait pour fonction « l'individuation », c'est-à-dire le perfectionnement de l'individu dans sa dimension profonde, mais à travers l'inconscient[Quoi ?]. Bernard Joly met en cause l'interprétation jungienne de l'alchimie qui la définit comme un ensemble d'aspirations spirituelles212.

L'inteprétation mythologique de Mircea Eliade

Mircea Eliade, mythologue et historien des religions, défend dans Forgerons et alchimistes (1956) l'idée que l'alchimie, loin d'être l'ancêtre balbutiant de la chimie, représente un système de connaissances très complexe, dont l'origine se perd dans la nuit des temps, et commun à toutes les cultures (surtout asiatiques). Il développe l'idée, selon l'analogie du macrocosme et du microcosme, que les transformations physiques de la matière seraient les représentations des modalités des rites ancestraux, dans leur trame universelle : Torture – Mort initiatique – Résurrection[C'est-à-dire ?]213.

L'alchimie comme discipline préscientifique

Gaston Bachelard, philosophe et historien des sciences, s'inspire des concepts jungiens pour établir une « psychanalyse des conditions subjectives » de la formation de la pensée214. Dans La Psychanalyse du feu, il tient l'alchimie pour une rêverie préscientifique, qui relève davantage de la poésie et de la philosophie que de la connaissance objective. Ses arguments sont que certains alchimistes, comme Nicolas de Locques et d'autres anonymes au XVIIe siècle, utilisent un vocabulaire sexuel pour désigner les vases, les cornues et l'ensemble des outils techniques utilisés en alchimie. Ainsi, la vision en partie inconsciente qu'ont les alchimistes du feu est une rêverie animiste et sexualisée, ils considèrent le feu comme une entité vivante et génératrice. Dans La lumière sortant de soi-même des ténèbres (1693), il est même fait mention d'un feu masculin, qui est agent, et d'un feu féminin, qui est caché, or en psychanalyse « tout ce qui est caché est féminin » est un « principe fondamental de la sexualisation inconsciente ». Par conséquent, Bachelard peut écrire qu'« il ne faut pas oublier que l'alchimie est uniquement une science d'hommes, de célibataires, d'hommes sans femme, d'initiés retranchés de la communion humaine […] » et qu'elle est « fortement polarisée par des désirs inassouvis »215.

Déjà dans La Formation de l'esprit scientifique, Bachelard tenait l'alchimie pour une discipline qui fait obstacle au progrès scientifique plus qu'elle n'y participe. Sa théorie historique repose de façon générale sur l'idée que l'homme est travaillé par des intuitions primitives, qui sont d'ordre affectif et inconscient, et qui poussent l'homme à se faire une représentation illusoire de la réalité216. La connaissance scientifique se construirait alors en « antipathie » avec ces intuitions. En mathématisant le réel par exemple, nous passerions d'une rêverie vague et qualitative sur la matière à un savoir quantitatif et précis sur elle. L'alchimie serait plutôt une approche qualitative qui tend à substantialiser la matière. Bachelard écrit que « L'Alchimie règne dans un temps où l'homme aime plus la nature qu'il ne l'utilise ». Ce rapport affectif à la nature est cependant inévitable en première approche selon l'auteur, qui ajoute que « la première connaissance objective [est] une première erreur »217. Le sociologue Émile Durkheim écrit de même que l'alchimie, tout comme l'astrologie, repose sur des « prénotions », c'est-à-dire des illusions subjectives qui répondent à des besoins pratiques de l'homme (la recherche de la pierre philosophale pour la richesse et la santé), et non sur des explications scientifiques qui auraient rompu avec ces illusions218.

Barbara Obrist219 et Bernard Joly contestent la lecture historique de Bachelard. Là où le philosophe cherche à établir une rupture entre l'esprit préscientifique et l'esprit scientifique, lorsque ce dernier surmonte la connaissance concrète et qualitative pour aller vers une connaissance abstraite et quantitative, Bernard Joly insiste plutôt sur la continuité voire l'indistinction entre l'alchimie ancienne et la chimie moderne. Il veut démontrer, en interprétant des textes d'Étienne-François Geoffroy et d'autres chimistes-alchimistes, que l'échec de la transmutation des métaux n'implique pas que ses pratiquants soient des rêveurs illusionnés. Au contraire, les alchimistes seraient des scientifiques au sens que prenait la science à leur époque, s'efforçant de connaître le monde objectivement et de construire des protocoles expérimentaux220. Ce serait la physique cartésienne qui aurait tenté dès le XVIIe siècle de mettre un coup d'arrêt à la fois à l'alchimie et à la chimie non mécanistes, en les accusant d'être de fausses sciences pratiquées par des imposteurs221.

Pour Joly, l'alchimie est une démarche essentiellement rationnelle, ce qui n'exclut pas que çà et là des imposteurs et des charlatans se soient servis de cette discipline. L'enjeu est de ne pas cantonner l'alchimie dans une sorte d'ésotérisme irrationnel, ésotérisme qui serait la possession exclusive d'« adeptes » et d'« initiés » s'immunisant contre les critiques faites à leur propre interprétation de l'alchimie.

Terminologie et modalités d'expression

En tant que connaissance ésotérique, les textes alchimiques possèdent la particularité d'être codés. Il s'agit d'un savoir qui n'est transmis que sous certaines conditions. Les codes employés par les anciens alchimistes étaient destinés à empêcher les profanes d'accéder à leurs connaissances. L'utilisation d'un langage poétique volontairement obscur, chargé d'allégories, de figures rhétoriques, de symboles et de polyphonie (voir langues des oiseaux) avait pour objet de réserver l'accès aux connaissances à ceux qui auraient les qualités intellectuelles pour déchiffrer les énigmes posées par les auteurs et la sagesse pour ne pas se laisser tromper par les pièges nombreux que ces textes recèlent.

Matière aux mille noms

Le même nom peut qualifier deux « objets » ou « sujets » totalement différents mais l'on peut aussi avoir plusieurs noms pour désigner le même objet. Ceci est particulièrement vrai pour le Mercure mais également pour d'autres termes.

Presque tous les traités d'alchimie commencent au début du second œuvre et « omettent » de préciser quelle matière première utiliser et cette énigme de la matière première est sciemment recouverte par l'énigme du Mercure selon René Alleau222. Fulcanelli, par exemple, s'emploie à multiplier les indications tout en restant cryptique223. Synésius semble plutôt décrire la matière dans son état avancé224. La matière aux mille noms, terme employé par Françoise Bonardel225, demeure une énigme à double fond. Cet auteur résume la problématique ainsi : « Car si la force de l’alchimie réside bien dans le seul mercure des philosophes, comme le proclama très tôt Albert le Grand (1193-1280), c’est que la substance mercurielle, par excellence protéiforme, est alors envisagée soit comme une materia prima en qui sont latentes toutes les virtualités (dont celle du soufre), soit, après préparation, comme mercure double (ou hermaphrodite) en qui a été consommé et fixé l’union des 2 principes »226.

Alchimie, symboles et signes

Le symbole allégorique ne se recoupe pas avec le symbole chimique et, par exemple, le mercure alchimique n'est pas le mercure chimique. Voici quelques exemples de symboles :

Soufre Soufre - Mercure Mercure - Sel Sel - Arsenic Arsenic
 
Symboles des éléments utilisés dans les manuscrits alchimiques d'après Kenelm Digby, dans A Choice Collection of Rare Secrets (1682).

Pour l'alchimiste les quatre éléments ne représentent pas des composantes de la matière, en effet l'unicité de la matière est un des principes philosophiques de l'alchimie, mais plutôt des états de cette matière unique se rapprochant plus du concept physique d'état de la matière227. Ces quatre éléments sont avec leurs symboles associés :

le Feu Symbole de feu, Eau Symbole de l'eau, la Terre Symbole de la terre, l'Air Symbole de l'air.

Pour l'alchimiste les sept métaux sont liés aux planètes et aux astres :

Une partie des symboles typographiques particuliers utilisés dans des ouvrages imprimés d'alchimistes se retrouvent dans la table des caractères Unicode/U1F700.

Langage alchimique

Interprétation des textes par les alchimistes

 
Allégorie de l'Alchimie

Lecture alchimique de la Bible

À partir du XIVe siècle, va se développer une lecture alchimique de la Bible[réf. souhaitée].

Lecture alchimique des textes littéraires

La lecture alchimique de la fable antique va se développer à la Renaissance.

Selon Serge Hutin, il existe une interprétation alchimique de la poésie au Moyen Âge, notamment du Roman de la Rose et de la Divine Comédie. La Rose serait par exemple le symbole à la fois de la Grâce divine et de la Pierre philosophale234.

Apports de l'alchimie

Alchimie dans les arts visuels

Selon R. Halleux240, « l'idée que des monuments ou des œuvres d'art contiennent un symbolisme alchimique n'est pas très ancienne. En 1612 paraît le Livre des figures hiéroglyphiques de Nicolas Flamel, qui se présente comme une explication alchimique des figures gravées par le célèbre adepte sur une arche du cimetière des Innocents à Paris. En 1636, un certain de Laborde interprète hermétiquement la statue de Saint Marcel au porche de Notre-Dame de Paris241, et, en 1640, Esprit Gobineau de Montluisant écrit une Explication très curieuse des énigmes et figures hiéroglyphiques physiques qui sont au grand porche de l'église cathédrale et métropolitaine de Notre-Dame de Paris242. Cette tradition inspire les travaux d'hermétistes comme Cambriel243, Fulcanelli244, Canseliet245 qui prétendent reconnaître ainsi l'empreinte alchimique dans un certain nombre de monuments du Moyen Âge ou de la renaissance : Notre-Dame de Paris, chapelle Saint Thomas d'Aquin, Sainte Chapelle, cathédrale d'Amiens, palais de Jacques Cœur à Bourges, hôtel Lalemant à Bourges, croix de Hendaye, église Saint Trophime à Arles, château de Dampierre-sur-Boutonne, villa Palombara sur l'Esquilin à Rome, château du Plessis-Bourré, etc. Cette démarche aboutit à des résultats invraisemblables. »

Des travaux historiques solides ont paru, dont Jacques van Lennep, Art et Alchimie. Étude de l'iconographie hermétique et de ses influences (1966) et Alexander Roob, Alchimie et Mystique (Taschen, 2005).

Découvertes scientifiques par les alchimistes

 
La maison de l'alchimiste à Cabriès (Bouches-du-Rhône).

Comme le dit Jacques Bergier, « l'alchimie est la seule pratique para-religieuse ayant enrichi véritablement notre connaissance du réel »253.

Marie la Juive (au début du IIIe siècle ? à Alexandrie) a inventé le fameux « bain-marie », dispositif dans lequel la substance à faire chauffer est contenue dans un récipient lui-même placé dans un récipient rempli d'eau, ce qui permet d'obtenir une température constante et modérée254.

Dans la ville d'Alexandrie, on trouve une importante corporation de parfumeurs, possédant des alambics (ambikos) pour distiller des élixirs, des essences florales ; Zosime de Panopolis, vers 300, présente une illustration d'un alambic pour métaux, raffiné255.

Geber (Jâbir ibn Hâyyan), mort vers 800, découvre divers corps chimiques : l'acide citrique (à la base de l'acidité du citron), l'acide acétique (à partir de vinaigre) et l'acide tartrique (à partir de résidus de vinification). Albert le Grand réussit à préparer la potasse caustique, il est le premier à décrire la composition chimique du cinabre, de la céruse et du minium. Le Pseudo-Arnaud de Villeneuve, vers 1330, ou Arnaud lui-même, découvre les trois acides sulfurique, muriatique et nitrique ; il compose le premier de l'alcool, et s'aperçoit même que cet alcool peut retenir quelques-uns des principes odorants et sapides des végétaux qui y macèrent, d'où sont venues les diverses eaux spiritueuses employées en médecine et pour la cosmétique. Le Pseudo-Raymond Lulle (vers 1330) prépare le bicarbonate de potassium. En 1352, Jean de Roquetaillade (Jean de Rupescissa) introduit de la notion de quintessence, obtenue par distillations successives de l'aqua ardens (l'alcool) ; cette idée d'un principe actif sera essentielle dans l'histoire de la médecine, car il introduit un grand nombre de médicaments chimiques, tels que la teinture d'antimoine, le calomel, le sublimé corrosif256.

Paracelse est un pionnier de l'utilisation en médecine des produits chimiques et des minéraux, dont le mercure contre la syphilis257, l'arsenic contre le choléra. Il crée la médecine du travail, la toxicologie, la balnéothérapie258. Vers 1526 il crée le mot « zinc » pour désigner l'élément chimique zinc, en se référant à l’aspect en pointe aiguë des cristaux obtenus par fusion et d’après le mot de vieil allemand zinke signifiant « pointe ».

Basile Valentin décrit vers 1600 l'acide sulfurique et l'acide chlorhydrique.

Jan Baptiste Van Helmont, « précurseur de la chimie pneumatique » (Ferdinand Hoefer), révèle vers 1610, d’une façon scientifique, l’existence des « gaz », comme il les nomme259, et en reconnaît plusieurs. Il identifie l’un d’eux, le « gaz sylvestre » (gaz carbonique), qui résulte de la combustion du charbon, ou de l’action du vinaigre sur certaines pierres, ou de la fermentation du jus de raisin. Pour Van Helmont, le gaz constitue l’ensemble des « exhalaisons » dont l’air est le réceptacle.

Alchimiste à Hambourg, Hennig Brand découvre le phosphore en 1669 en cherchant l'alkaest dans l'urine.

Isaac Newton s'intéresse aux pratiques alchimiques. Dans son Optique (1704), à la Question 31, il caractérise la chimie comme étant le lieu de forces attractives et de forces répulsives qui peuvent se manifester à courte distance. Cela lui permet d'expliquer le déplacement d'un métal dans un sel par un autre métal, et propose ce qui constitue la première échelle d'oxydoréduction des métaux. Il explique l'élasticité des gaz, la cohésion des liquides et des solides…

La création de la porcelaine en Occident revient, en 1708, à un alchimiste, Johann Friedrich Böttger, qui prétendait pouvoir fabriquer de l'or à partir de métaux non précieux. Böttger parvient à percer le secret de la pâte de porcelaine.

La notion de transmutation a semblé absurde aux positivistes. Pourtant, Ernest Rutherford, en 1919, réalise la première transmutation artificielle : en bombardant de l'azote avec les rayons alpha du radium, il obtient de l'oxygène.

Postérité dans la poésie

L'alchimie est explicitement nommée et intégrée dans la poésie et la littérature par des auteurs symbolistes et surréalistes comme Stéphane Mallarmé, Joris-Karl Huysmans, Arthur Rimbaud, Maurice Maeterlinck et André Breton260.

L'écrivain et théoricien littéraire Roger Laporte explique que Stéphane Mallarmé compare la quête artistique du « Livre » à la recherche du Grand Œuvre alchimique. Pour Laporte, il ne s'agit pas ici de l'alchimie au sens de la transmutation des métaux en or, mais de la fabrication d'une œuvre d'art, quitte à « sacrifier toute vanité et toute satisfaction » (l'expression est de Mallarmé)261. Mallarmé a été initié à l'alchimie et à la kabbale262. « Il est convaincu de la puissance de la lettre en tant que lettre », il se sert du symbolisme alchimique dans son écriture poétique. Cependant, Mallarmé critique l'alchimie comme pratique réelle et ne se sert du terme que de façon métaphorique : « la pierre philosophale annon[ce] le crédit »263. La réalisation matérielle de l'or ne l'intéresse pas, elle n'est pour lui qu'une question d'économie politique. C'est l'or poétique et littéraire qu'il faut chercher, selon le poète français.

Le poète Arthur Rimbaud reprend la comparaison de la poésie à l'alchimie. Un poème du recueil Une saison en enfer s'intitule « Alchimie du verbe ». Michel Arouimi, spécialiste de l'œuvre de Rimbaud, parle d'« alchimie sonore » et d'« alchimie sémantique », pour évoquer la façon dont Rimbaud marie les langues264. Le jeune écrivain construit une poétique à partir de mélanges, entre le rythme et la violence par exemple.

L'écrivain surréaliste André Breton parle d'« alchimie mentale » dans les Manifestes du surréalisme. Il affirme qu'il faut prendre l'expression rimbaldienne « Alchimie du Verbe » au pied de la lettre. La poésie surréaliste se veut alors une transmutation spirituelle et intérieure, grâce à la faculté de l'imagination qui dépasse le rationalisme et s'élève au sens symbolique des choses. Selon Anna Balakian, « Breton marque ainsi le parallèle entre les occultistes et les poètes »265.

L'alchimie dans la culture populaire

Littérature

Cinéma

Bande dessinée

Jeux vidéo

L'alchimie est un élément central ou annexe de nombreux jeux vidéo, notamment ceux de rôle dont la trame se déroule dans un monde médiéval-fantastique. Ainsi, pour ne citer quelques séries et jeux ayant acquis une grande notoriété, l'alchimie apparaît notamment dans :

Notes et références

Notes

  1. Serge Hutin avance que l'alchimie était déjà pratiquée en Chine dès 4500 av. J.-C. et, dans le cadre de la Chine légendaire, René Alleau envisage l’analogie entre Hermès Trismégiste et l’empereur jaune, au IIIe millénaire av. J.-C. (Aspects de l'alchimie traditionnelle, p. 39)

Références

  1. Balakian 1963, p. 128.

Bibliographie principale

En 1906, le catalogue de Fergusson recensait 1 179 auteurs alchimistes et 4 678 ouvrages, sur la base de la seule liste du docteur James YoungRB 1. Serge Hutin précise (en 1951) qu'« il reste aussi un grand nombre de manuscrits inédits dans toutes les bibliothèques d'Europe ; un assez petit nombre seulement a été édité »1. On estime le nombre des auteurs connus à plus de 2 200 et le nombre des traités, écrits et études à plus de 100 000RB 2.

Pour une revue des travaux sur l'alchimie, voir Bernard Joly, « Bibliographie » [archive], Revue d'histoire des sciences, vol. 49, no 2, 1996, p. 345-354.

  1. Christian Montésinos, Dictionnaire raisonné de l'alchimie et des alchimistes, Éditions de la Hutte, 2011, p. 7.

Études universitaires

Ouvrages Généraux

Aspects spécifiques

Alchimie gréco-alexandrine

Textes
Études

Alchimie syriaque

Textes
Études

Alchimie en Islam

Textes
Études

Moyen Âge

Textes
Études

Renaissance

XXe siècle

Mircea Eliade

Études en psychologie et théorie littéraire

Recueils

Voir aussi

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Bibliographie

Articles connexes

Liens externes