Imprimer
Catégorie : Education Nationale
Affichages : 938

Miel

 
 
 
 
Un pot de miel.

Le miel (prononcé en français : /mjɛl/1) est une substance sucrée élaborée par les abeilles à miel à partir de nectar2,3,4 ou de miellat5,6. Elles l'entreposent dans la ruche et s'en nourrissent tout au long de l'année, en particulier lors de périodes climatiques défavorables. Il est aussi consommé par d'autres espèces animales dont l'espèce humaine qui organise sa production par l'élevage des abeilles à miel.

Nourriture des abeilles

 
Abeille butinant une fleur de lavande.

Les abeilles butineuses sont chargées de l'approvisionnement de la ruche. Une fois posée sur une plante à fleurs (angiospermes), l'abeille en écarte les pétales, plonge sa tête à l'intérieur, allonge sa langue et aspire le nectar qu'elle stocke provisoirement dans son jabot social. Du fait de leur anatomie et en particulier de la longueur de leur langue, les abeilles ne peuvent récolter le nectar que sur certaines fleurs, qui sont dites alors mellifères.

Les abeilles peuvent aussi récolter du miellat, excrétion produite par des insectes suceurs comme le puceron, la cochenille ou le metcalfa à partir de la sève des arbres. Il sera utilisé de la même façon que le nectar de fleur (c'est ce produit de base qui est notamment utilisé pour élaborer le miel de sapin).

L'élaboration du miel commence dans le jabot de l'ouvrière, pendant son vol de retour vers la ruche. L'invertase, une enzyme de la famille des diastases, est ajoutée, dans le jabot, au nectar. Il se produit alors une réaction chimique, l'hydrolyse du saccharose qui donne du glucose et du fructose.

Arrivée dans la ruche, l'abeille butineuse régurgite le nectar à une receveuse (trophallaxie), qui, à son tour, régurgitera et ré-ingurgitera ce nectar riche en eau, en le mêlant à de la salive et à des sucs digestifs, ayant pour effet de compléter le processus de digestion des sucres. Une fois stocké dans les alvéoles, le miel est déshydraté par une ventilation longue et énergique de la part précisément des ouvrières ventileuses. Parvenu à maturité, le miel a une durée de conservation extrêmement longue.

La chaleur de la ruche ainsi que les ouvrières ventileuses, qui peuvent entretenir un courant d'air pendant 20 minutes dans la ruche, provoquent l'évaporation de l'eau. Le miel arrive à maturité lorsque sa teneur en eau devient inférieure à 18 % ; il est alors emmagasiné dans d'autres alvéoles qui seront operculées une fois remplies.

Le miel est ainsi stocké par les abeilles pour servir de réserve de nourriture ; en particulier pendant les saisons défavorables, en saison sèche pour les Apis dorsata ou l'hiver pour les Apis mellifera.

Le scientifique Bernd Heinrich a mesuré le volume de travail effectué par les abeilles butineuses. Ainsi, pour produire une livre de miel, les abeilles doivent effectuer plus de 17 000 voyages, visiter 8 700 000 fleurs, le tout représentant plus de 7 000 heures de travail7.

Produit de consommation humaine

 
Miel en pot.

Pour leur propre consommation, les humains ont d'abord prélevé le miel dans des ruches naturelles (souvent appelées nids) ; ils continuent par endroits à le récolter ainsi. On parle alors de miel sauvage, que l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) classe comme produit forestier autre que le bois. Des peintures rupestres montrent que les premiers hommes « chassaient » les ruches d'abeilles. Aujourd'hui, le peuple Hadza a gardé cette tradition8,9 et profite d'un mutualisme avec un oiseau sauvage local pour l'aider à trouver les ruches10. Les Hadzas passent ainsi, pendant la saison des pluies, 4 à 5 h par jour à chercher du miel.

La production de miel a ensuite été progressivement organisée par les humains grâce à la domestication d'abeilles dans des ruches artificielles situées à des emplacements permettant la création de différentes qualités et variétés de miel, ainsi que la récolte d'autres produits (pollen, cire, gelée royale, propolis, venin d'abeilles, pain d'abeille).

La consommation du miel ainsi que du couvain (larves d'abeilles contenues naturellement dans le miel non filtré) pourrait avoir été utile à l'évolution de l'homme, notamment au développement de son cerveau, le mélange contenant aussi de petites quantités de protéines et de graisses, contrairement au miel raffiné11,12.

Le miel fait partie de la tradition culinaire et est associé aux goûts: sucré pur, sucré-salé, avec ou sans viande, avec ou sans acidité, avec ou sans produit laitier élaboré. Le miel fournit la base de boissons alcoolisées. Le miel est associé aussi à l'odeur dégagée qualifiée selon la culture culinaire d'agréable ou désagréable.

Histoire

 
Bacchus découvrant le miel (Piero di Cosimo, vers 1500).

La relation entre les humains et les abeilles est très ancienne. Dans une grotte d'Afrique du Sud, des restes de cire d'abeille vieux de 40 000 ans ont été découverts13. Des peintures rupestres situées dans les montagnes uKhahlamba-Drakensberg du KwaZulu-Natal (Afrique du Sud), montrent des interactions entre des chasseurs-cueilleurs et des abeilles. Ces peintures apportent la preuve de la consommation du miel à cette époque14.

Présent dans le delta du Nil et à Sumer, le miel servait à sucrer les aliments. Plusieurs papyrus égyptiens en font mention, le plus vieux étant celui dit d'Edwin Smith, datant de plus de 4 500 ans. De nombreuses sources diffusent la légende urbaine d'un « miel des pyramides » ou « miel des pharaons », datant de deux mille ans et potentiellement toujours comestible15,16,17. S'il est avéré que des pots à miel ont été retrouvés dans la tombe de Toutankhamon découverte en 1922, leur contenu avait depuis longtemps disparu18. D'autres récipients retrouvés lors de fouilles contenaient des substances qui pouvaient ressembler à du miel à première vue. Des analyses postérieures montreront qu'il s'agissait de natron. Entretemps, la légende d'un miel « éternel », qui ne se périme jamais, était née19.

En plus de sa consommation comme aliment ou condiment, il a été utilisé dès l'Antiquité pour embellir la peau et soigner les blessures. Le latin mel a donné le français « miel » et les mots de même sens dans les autres langues romanes. Le proto-germanique *huna(n)gą a donné l'allemand Honig et les mots de même sens dans les autres langues germaniques. Le proto-slave *medъ a donné le russe мёд et les mots de même sens dans les autres langues slaves.

Dans l'Antiquité, le miel de la Narbonnaise était considéré comme l'un des meilleurs20. La mythologie grecque le nommait « rosée céleste », considérant qu'il avait une origine ouranienne21. Rhéa fait appel à une nymphe, Amalthée, qui allaite son fils Zeus avec du miel. Melissa est une autre nymphe changée en abeille par Zeus.

Dans la Rome antique, les premiers apiculteurs distinguent deux sortes de miel : le miel le plus cher et le meilleur, récolté sous les ruches car il s'agissait du miel qui en tombait, et un miel de moindre qualité obtenu après broyage des ruches d'abeilles, moins cher[réf. nécessaire].

À partir du Moyen Âge en Chine, puis en Europe, il sert à la fabrication du pain d'épices.

Jusqu'à l'époque de Paracelse, le miel jouissait d'une haute estime en médecine. Il était utilisé notamment comme agent antiseptique pour la guérison des infections et s'avère efficace pour le soin en douceur des verrues, boutons infectieux, furoncles[réf. nécessaire].

Le miel de romarin aussi appelé « miel de Narbonne » était un des multiples constituants de la thériaque de la pharmacopée maritime occidentale au XVIIIe siècle22.

Durant les première et seconde guerres mondiales, on l'utilisait pour accélérer la cicatrisation des plaies des soldats23.

Il a également été utilisé pour confire les fruits et les légumes en l'associant au vinaigre et à la moutarde, mais aussi à adoucir les mets. Il a permis la conservation de la viande.

Il a de même servi pour la fabrication de l'hydromel (eau+miel) : par fermentation des levures présentes dans ledit miel, apparition de la boisson alcoolisée. Des traces de production d'hydromel datant du Ve millénaire av. J.-C. ont été retrouvées en Espagne dans le dolmen d'Azután24.

Avant l'introduction du maïs en Europe, et la culture de la canne à sucre et de la betterave, le miel était avec les fruits le seul édulcorant.

Symbolisme

Le miel est un symbole important des cultures et religions antiques, jusque dans le christianisme lui-même. Symbole de douceur dans le judaïsme25, il est aussi associé au don de prophétie tant pour les Grecs, que dans la Bible : Jean le Baptiste se nourrit de miel sauvage, et Samson en trouve dans la carcasse d'un lion26. La Parole de Dieu est également comparée au miel27,28,29. Pour l'islam, dans le Coran, le miel est l'un des aliments du paradis30. Dans la continuité des usages médicinaux déjà connus de Galien, des traditions, attribuées à Mahomet, font du miel un médicament divin30.

Dans Histoire des animaux31, Aristote présente le miel comme une rosée céleste que les abeilles recueillent sur les fleurs. Dans l'antiquité, le miel par son goût, sa consistance (ni solide, ni liquide), sa capacité de se conserver très longtemps, apparaissait comme un « souvenir » sur terre de la nourriture d’immortalité des dieux : le nectar et l’ambroisie32. Symbole solaire par excellence, comme quintessence végétale de la lumière de l'astre du jour exaltée dans les fleurs, il est signe de pureté chez les adorateurs de Mithra, notamment[réf. nécessaire]. Il est également l'emblème de la science et de la poésie, qui, selon la conception traditionnelle, est un don du ciel. Les mots grecs désignant le lyrisme (mélikè) et le miel (méli) ont une racine commune[réf. nécessaire].


Le miel voit son nom attribué au 8e jour du mois de frimaire du calendrier républicain ou révolutionnaire français33, généralement chaque 28 novembre du calendrier grégorien.

Apiculture

 
Abeille butinant une Asteraceae.

L'apiculture consiste à élever des abeilles afin de récolter le miel. Le premier travail de l'apiculteur est de fournir une ruche aux abeilles.

Avant la domestication des abeilles, les hommes récoltaient le miel dans des troncs d'arbres ou dans de petites cavités habitées naturellement par les abeilles. Ils ont ensuite aménagé ces troncs ainsi que d'autres constructions rudimentaires.

Au XIXe siècle, en France, les abeilles étaient encore élevées dans des ruches en paille. À cette époque, le miel était consommé avec la cire ou extrait par pressage.

 
Un extracteur.
 
Filtration du miel extrait, précédant la maturation puis la mise en pots.

C'est l'apiculteur François Huber de Genève qui mit au point le premier modèle de ruche à cadres mobiles. La feuille gaufrée fut mise au point en 1858 par Jean Mehring34 et l'extracteur centrifuge (en), inventé en 1865 par Franz Hruschka (en). Ces inventions facilitèrent le travail de l'apiculture.

Statistiques de production

Principaux pays producteurs en 201835

 PaysProduction 2018
(en t)
1 Drapeau de la République populaire de Chine Chine 446 900
2 Drapeau de la Turquie Turquie 114 113
3 Drapeau de l'Argentine Argentine 79 468
4 Drapeau de l'Iran Iran 77 567
5 Drapeau de l'Ukraine Ukraine 71 279
6 Drapeau des États-Unis États-Unis 69 104
7 Drapeau de l'Inde Inde 67 442
8 Drapeau de la Russie Russie 65 006
9 Drapeau du Mexique Mexique 64 253
10 Drapeau de l'Éthiopie Éthiopie 50 000
11 Drapeau du Brésil Brésil 42 346
  Total 1 851 540
Source : FAOSTAT [archive]
 
Production mondiale en milliers de tonnes d'après la FAO36
196419691974197919841989199419992004200920142019
752 756 793 906 995 1 146 1 118 1 237 1 374 1 505 1 815 1 853
Production mondiale par continent37
 20012002200320042005
Afrique 145 153 152 152 154
Amérique 320 320 328 320 321
Asie 458 497 525 543 545
Europe 311 294 320 328 332
Océanie 29 23 29 29 29
Total 1 264 1 287 1 354 1 372 1 381

En 2021, l'Union européenne importe 173 400 tonnes de miel naturel depuis des pays tiers (non-UE) pour 405,9 millions d'euros et exporte 25 500 tonnes pour 146,6 millions d'euros, selon eurostat38.

En 2021, 31 % du miel importé dans l'UE vient d'Ukraine et 28 % de Chine38.

Qualité des miels, origines et traçabilité

L’apiculture moderne propose différents types de miels d’origine florale et géographique, de saveur et d’aspect très variés. On parle de « miel monofloral » ou de « miel de cru » lorsque son origine provient en grande partie d’une seule variété de fleurs. L’apiculteur a placé ses hausses juste au moment de la miellée de la fleur recherchée et les a retirées aussitôt après pour en faire la récolte. Les autres miels sont dits polyfloraux (ancienne appellation : miel « toutes fleurs ») et peuvent être également désignés par leurs origines géographiques.

La palette va des miels doux et clairs (acacia, cerisier, citronnier, clémentinier, colza, framboisier, luzerne, oranger, tilleul, tournesol, trèfle blanc) aux miels corsés et ambrés (arbousier, bruyère, buis, callune, châtaignier, chêne, eucalyptus, fenouil, lavande, lavandin, menthe, pissenlit, ronce, sapin, sarrasin, thym)39.

Par la nature de la plante butinée (plantes en général exotiques: variété de rhododendron, belladone…), quelques miels sont issus de plantes toxiques pour l'homme mais pas pour l'abeille ; Traditionnellement cela ne concerne que des ruches sauvages; Cette possibilité est surveillée note 1,note 2 (Voir infra, #Toxicité du miel).

Cristallisation du miel

Le miel, liquide à l'extraction, est une solution saturée en sucres et comme toute solution saturée, il cristallise plus ou moins rapidement, en fonction de l'équilibre de ses sucres principaux (fructose et glucose) et de son niveau de viscosité. Plus la teneur en fructose est élevée, plus il restera liquide longtemps (ex. : miel d'acacia). Plus la teneur en glucose est élevée, plus il cristallisera vite (ex. : miel de colza, ou miel de trèfle). Cet équilibre des sucres dépend de son origine florale mais n'a pas de lien direct avec sa qualité. Si un miel est chauffé à plus de 40 °C, sa cristallisation est retardée. Chauffer un miel à une température supérieure à 40 °C lui fait perdre en qualité.

Le processus dit de cristallisation dirigée permet de maîtriser la taille des grains de cristallisation par ensemencement des miels et d'obtenir des textures crémeuses.

On observe chez les miels qui cristallisent vite la formation d'une « fleur » à la surface. Il s'agit de micro-bulles qui remontent en surface lors de l'entreposage — en seaux ou en pots. C'est un phénomène naturel qui ne nuit pas à la qualité.

Les miels AOP (Appellation d'origine protégée) et IGP (Indication Géographique Protégée)

 
Ruche en Provence.

Malgré les appellations reconnues, aucune réelle garantie n'est apportée au consommateur sur la véritable zone de production des miels vendus. En effet, bien qu'ils existent, il y a une forte carence en utilisation d'outils opérationnels de contrôle et de traçabilité en continu sur le terrain. Pour compenser ce problème de certification géographique le consortium Bee partner en collaboration avec l'association Maksika international de protection des abeilles, Bee secured et le CEA de Grenoble (LETI) ont créé un réseau de traçabilité de la filière apicole. Ce réseau porte sur un ensemble de ruches instrumentées communicantes nouvelles générations. Il permet le suivi en continu de la production de miel de la ruche jusqu'au pot en contrôlant systématiquement la santé des abeilles, l'environnement et les actions menées sur les abeilles. Tout le miel suivi est certifié par un label Maksika « IGP contrôlé en continu », qui garantit aux consommateurs l'origine du miel.

Source : Commission européenne40,41.

France :

Italie :

Espagne :

Grèce :

Luxembourg :

Portugal :

Pologne :

Les miels monofloraux

 
 
Miel de lavande du pays d'Apt.
 
Pots de miel biologiques produits en Alsace.
 
Miel béton de Saint-Denis

Toute fleur produisant du nectar peut donner du miel mais, en France, les miels les plus consommés sont les miels de type mille fleurs, acacia ou châtaignier mais il en existe de très nombreux autres.

Miel frauduleux

D'après le président de l'Organisation internationale des exportateurs de miels, de 2007 à 2013, la production mondiale a augmenté de 8 % alors que les exportations ont elles augmenté de 61 %49. De très nombreux pays européens ont augmenté leur exportations de miel en 2015, mais aussi leurs importations en provenance de Chine. Ce miel est importé puis réexporté comme produit local, un tiers des miels dans l'Union européenne ne serait pas conforme à la provenance indiquée49. Les miels d'Asie seraient les plus à risque d'être dilués pour en diminuer le prix et en augmenter la quantité49. La Chine produirait 450 000 tonnes de miel par an dont 150 000 tonnes pour l'exportation, ne couvrant pas une demande locale évaluée à 700 000 tonnes49. Des cas de fraudes (30 % des échantillons) ont aussi été découverts au Canada50 ainsi qu'en Belgique, avec plus de la moitié des échantillons non conformes51. Des miels synthétiques seraient même importés de Chine, et fabriqués à partir d'un mélange de glucose, fructose, maltose, d'acide gluconique, de pollens exogènes correspondant à l'origine voulue — afin que la supercherie ne soit pas détectée par analyse —, de colorants et d'arômes de fleurs de synthèse52.

Indice glycémique

Le miel a une incidence plus faible sur la glycémie que le dextrose ou le saccharose53.

Le fructose[pourquoi ?] est, parmi les sucres simples, celui qui induit la réponse glycémique la plus atténuée[réf. nécessaire]. Ainsi, l’indice glycémique du miel est de 34,6 contre 100 pour l’indice glycémique du glucose[réf. nécessaire]. Cela veut dire qu’une même dose de sucre apportée par du miel entraînera une élévation globale de la glycémie trois fois plus faible.

 
Rayons de miel.

Usage thérapeutique

Histoire

Le miel est utilisé à des fins thérapeutiques au moins depuis l'Égypte antique. Il est cité parmi les 500 remèdes de la pharmacopée de l’Égypte antique, principalement pour sucrer les préparations médicales54. Et l'un des témoignages chirurgicaux les plus anciens au monde (Papyrus Edwin Smith, daté de 1600-2200 avant J.-C.) décrit le traitement d'un blessé à la tête par un bandage de lin imbibé d'huile et de miel55 mais des descriptions de ce type ont été retrouvés dans les textes ayurvédiques en Inde et chez divers auteurs de l'antiquité gréco-romaine (Hippocrate, Aristote, Dioscoride…). La Bible et le Coran56 évoquent aussi la douceur et les effets curatifs du miel57,58,59.

Activité antibactérienne

Les propriétés antibactériennes et cicatrisantes du miel sont aujourd'hui scientifiquement confirmées ; « Comparé aux preuves du traitement actuel des plaies, le miel s'est avéré être un traitement sûr, efficace et parfois supérieur pour diverses plaies. Il existe actuellement aux États-Unis des produits de miel de qualité médicale approuvés par la FDA (Food and Drug Administration des États-Unis »60 (En 2007, la FDA a approuvé le premier pansement au miel, stérile, à usage unique, imprégné de 95% de miel, 5% d'alginate de sodium. Il a été approuvé aux États-Unis pour une utilisation dans les coupures et brûlures traumatiques ou chirurgicales mineures et sur certains ulcères.8 Divers pansements, gels, pommades et pansements hydrogel ont depuis été commercialisés (tableau 1) .7)

James Austin & al. estimaient en 2014 que pour des personnes isolées en pleine nature, « il peut constituer un traitement des plaies improvisé mais sûr » même s'ils recommandent des études plus robustes pour définitivement conclure à son efficacité et son innocuité dans ces conditions. Il est utilisé comme moyen de désinfecter des plaies, notamment en présence de bactéries antibiorésistantes61. Il désodorise aussi les plaies, probablement comme source de glucose, consommée par les bactéries qui sécrètent alors de l'acide lactique au lieu de consommer des acides aminés, en étant alors sources d'ammoniac et de composants sulfurés61.

En Europe et en Australie, la marque Medihoney diffuse du miel stérile destiné à l'usage thérapeutique, dont une étude expérimentale par l'université de Bonn note les bons résultats dans des pansements au contact de la peau62.

Une étude systématique Cochrane fait état de son efficacité, accélérant là aussi la cicatrisation des tissus63.

De façon plus anecdotique, et hors tests en double aveugle, un chirurgien de l'hôpital universitaire Dupuytren de Limoges relate l'expérience de son service à la suite du traitement de 3 000 plaies entre 1984 et 2009, relevant l'absence de douleur à l'application voire une diminution des douleurs chez le patient, et estimant la cicatrisation comme étant « de qualité » « dans la majorité des cas pris en charge »64.

Cette action serait due à la présence de deux groupes de protéines :

Le miel est un milieu très acide et contient naturellement du peroxyde d'hydrogène, soit de l'eau oxygénée qui a des propriétés cicatrisantes et joue le rôle d'antiseptique. Le miel soigne la toux en tapissant la gorge et en protégeant les muqueuses de la gorge. Le miel bénéficie d’une très longue conservation du fait de sa composition en eau oxygénée et de sa forte concentration en sucre. Les bactéries et les champignons ont du mal à se développer et donc le miel peut se stocker pendant des années.67

Le miel s'avère efficace contre Bacillus subtilis, Escherichia coli, les staphylocoques dorés, Pseudomonas aeruginosa et Enterococcus faecium, testées dans des souches résistantes aux antibiotiques66.

Soulagement et cicatrisation des brûlures

Comme l'a notamment confirmé un essai randomisé en double aveugle (publication 2006), le miel se montre généralement aussi efficace que le tulle gras classique, tant en termes de qualité de cicatrisation que de vitesse de « réépithélialisation »68,69,70,71,72 soulage la douleur intense des brûlures et de certaines blessures. Les plaies par avulsion (chirurgie) guérissent cependant en moyenne deux fois plus vite avec du tulle gras de paraffiné (19,62 jours) par rapport au pansement au miel (31,76 jours)68.

Activité antioxydante

Le mécanisme protecteur antioxydant du miel] utilise à la fois les enzymes tels que la catalase et la peroxydase, les composants phénoliques, les flavonoïdes, les acides organiques comme l’acide ascorbique et des acides aminés comme la proline. Toutefois, les composés phénoliques sont les plus importants dans cette activité48.

Toxicité du miel

Composition

Miel
Valeur nutritionnelle moyenne
pour 100 g
Apport énergétique
Joules 1272 kJ
(Calories) (304 kcal)
Principaux composants
Glucides 82,40 g
Amidon 0 g
Sucres 82,12 g
Fibres alimentaires 0,2 g
Protéines 0,30 g
Lipides 0,00 g
Eau 17,10 g
Minéraux et oligo-éléments
Calcium 6 mg
Fer 0,42 mg
Magnésium 2 mg
Phosphore 4 mg
Potassium 52 mg
Sodium 4 mg
Zinc 0,22 mg
Vitamines
Provitamine A 0 mg
Vitamine A 0 mg
Vitamine B1 0,000 mg
Vitamine B2 0,038 mg
Vitamine B3 (ou PP) 0,121 mg
Vitamine B9 2 mg
Vitamine B12 0,00 mg
Vitamine C 0,5 mg
Vitamine D 0,0 mg
Vitamine E 0,00 mg
Vitamine K 0 mg
Acides aminés
Acides gras

Source : USDA National Nutrient Database (en)

Le miel est une solution de différents sucres. Leur répartition est très variable selon les fleurs qui ont été butinées ou les miellats recueillis, puisque la teneur des nectars varie fortement d'une espèce à l'autre. Ainsi, le nectar de colza contient en sucre 80 % de glucose, tandis que celui du rhododendron est composé à 100 % de saccharose. Une partie des saccharoses étant transformés en glucose et fructose, la teneur des miels issus de ces deux fleurs est nécessairement différente. Les miels issus de miellats comportent en outre des sucres spécifiques en fonction de l'arbre dont ils sont issus, tels que mélézitose, erlose, raffinose79.

Entrent par exemple dans la composition d'échantillons de miels issus de 3 espèces d'abeilles différentes recueillis au Népal :

Contaminants

Des contaminants parfois recherchés sont des métaux lourds, des métalloïdes, des radionucléides, des résidus d'antibiotiques et/ou des pesticides84. Ces composants peuvent provenir directement de la ruche, lors d'un traitement effectué par l'apiculteur, mais aussi et surtout provenir de l'environnement de la ruche ;

Une étude suisse publiée en octobre 2017 par la Revue Science85,86, basée sur l'analyse de miels provenant de 298 emplacements différents du monde montre que la quantité de certains insecticides trouvé dans le miel tend à augmenter dans le monde entier, confirmant une contamination générale des agroécosystème et une exposition environnementale croissante des abeilles (et peut-on supposer des abeilles sauvages et de tous les autres pollinisateurs)86. Certains produits diminuent ou disparaissent, mais les néonicotinoïdes (acétamipride, clothianidine, imidaclopride, thiaclopride et thiaméthoxame qui sont tous des insecticides systémiques retrouvés dans tous les tissus des plantes traitées, y compris dans le pollen et le nectar) se généralisent. Or à des doses faibles et non-mortelles, ces néonicotinoïdes peuvent notamment induire chez l'abeille à miel des troubles de l'apprentissage et de la mémoire qui dégradent ou détruisent sa capacité à retrouver des aliments ou leur ruche, au point de parfois menacer la santé de la ruche entière86.

La pollution des miels par les néonicotinoïdes est en moyenne de 1,8 ± 0,56 nanogramme par gramme ; beaucoup plus élevée en Amérique du Nord avec 86 % des miels analysés contenant un ou plusieurs néonicotinoïdes en 2017) et la moins élevée en Amérique du Sud où néanmoins 57 % des échantillons en contenaient86. Aucun des près de 200 échantillons analysés lors de cette étude ne dépassait les normes sanitaires édictées pour l'Homme, mais les résultats sont néanmoins jugés très préoccupants puisque environ 1/3 des échantillons de miels présentaient des niveaux assez élevés pour affecter la santé des abeilles voire de la ruche entière86. C'est donc la pollinisation en tant que service écosystémique et de nombreuses espèces de pollinisateurs (ainsi que leurs prédateurs et les espèces qui en dépendant indirectement peut-on supposer) qui sont menacés. Ces résultats invitent aussi à mieux étudier les éventuelles synergies entre néocotinoïdes puisqu'en 2017 45 % des échantillons de miel contenaient au moins deux types différents de néocotinoïdes et 10 % en contenaient quatre ou cinq ; les effets synergiques écologiques et sanitaires de ces mélanges n'ont pas été étudiés mais on soupçonne qu'ils exacerbent la toxicité des molécules absorbées séparément86. Les auteurs de l'étude demandent aux gouvernements plus de transparence et de publication de données sur les quantités de néonicotinoïdes vendus et utilisées en agriculture, afin de clarifier les éventuelles relation entre quantités utilisées par les agriculteurs et quantité retrouvées dans les miels. L'avenir des producteurs de miel est aussi en jeu, car les néocotinoïdes sont suspectés de jouer un rôle clé dans l'effondrement mondial des populations de pollinisateurs domestiqués et sauvages86,85.

Composition chimique élémentaire

D'un point de vue analyse élémentaire, le miel est donc essentiellement composé de carbone, d'hydrogène et d'oxygène (composants de base des composés organiques). Les teneurs en autres éléments minéraux cationiques sont dans les gammes suivantes, en mg/kg (ppm)87 :

  • K : 200 – 1500
  • Ca : 40 – 300
  • Na : 16 – 170
  • Mg : 7 – 130
  • Al : 3 – 60
  • Fe : 0,3 – 40
  • Zn : 0,5 – 20
  • Mn : 0,2 – 10
  • Cu : 0,2 – 6,0
  • Ni : 0,3 – 1,3
  • Co : 0,01 – 0,5
  • Cr : 0,1 – 0,3
  • Pb : < 0,02 – 0,8
  • Cd : < 0,005 – 0,15

Caractéristiques physiques et chimiques

Le miel est acide, avec un pH estimé entre 4,31 et 6,0288.

Le miel a une densité d'environ 1,489 variant, comme pour sa viscosité, selon son hydratation (18 % en moyenne90, 20 % maximum82 sauf exceptions).

Pour mesurer la viscosité du miel on peut utiliser un viscosimètre à chute de bille. Cette viscosité diminue à mesure que la température augmente.

Notes et références

Notes

  1. Paul Schweitzer, article dans Centre technique apicole-Lorraine, 2010 cetam.fr/site/2010/07/23/la-toxicite-naturelle-de-certains-miels/ [archive], consulté le 28/09/2020

Références

Voir aussi

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie

Guides pratiques

Travaux scientifiques

Enquête

Articles connexes

Liens externes

 

Sucre

 
 
 
Sucre blanc
Valeur nutritionnelle moyenne
pour 100 g
Apport énergétique
Joules 1 673,6 kJ
(Calories) (400 kcal)
Principaux composants
Glucides 100 g
Amidon 10 g
Sucres 100 g
Fibres alimentaires 0 g
Protéines 0 g
Lipides 0 g
Eau 0 g
Minéraux et oligo-éléments
Vitamines
Acides aminés
Acides gras

Source : aucune source
 
 
Cristaux de sucre raffiné (macrophotographie).

Le sucre est une substance de saveur douce extraite principalement de la canne à sucre ou de la betterave sucrière. Le sucre est une molécule de saccharose (glucose + fructose). Il est également possible d'obtenir du sucre à partir d'autres plantes.

Toutefois, d'autres composés de la même famille des saccharides ont également une saveur douce : le glucose, le fructose… qui sont de plus en plus utilisés par l'industrie agroalimentaire et dans d'autres secteurs1. Sur un étiquetage nutritionnel, l'information dont sucres, située sous la ligne Glucides qu'elle complète, désigne tous les glucides « oses » ayant un pouvoir sucrant, essentiellement le fructose, saccharose, glucose, maltose et lactose. Les autres glucides ayant un pouvoir sucrant sont les « polyols » (sorbitol, maltitol, mannitol) mais ils sont étiquetés séparément, en tant que « polyalcools », qui sont des glucides et non des sucres.

Le terme « sucre » vient probablement du sanskrit « çârkara » (signifiant « gravier » ou « sable »2).

Origines animales, végétales, minérales et synthétiques des sucres

 
Agave américain.

Outre le miel et les fruits (comme la pomme) qui servent de complément glucidique depuis la Haute Antiquité, divers végétaux contiennent des quantités importantes de sucres et sont utilisés comme matière première d'où l'on extrait ces sucres, souvent sous la forme de sirop :

Les sucres ont une saveur que l'on a dit être une des quatre saveurs de base (sucré, salé, amer, acide).

Sur le plan cognitif et neurologique, les saveurs sucrées semblent indiquer aux primates, humains ou non humains, la valeur énergétique des végétaux, d'où le plaisir qui lui est associé3. Le premier aliment de l'homme est légèrement sucré (lactose). La plupart des plantes toxiques sont amères, le choix d'un aliment sucré serait donc sans danger.

Certaines saveurs sucrées sont reconnues par une famille de récepteurs, situés sur la langue, couplés à la protéine G T1R1, T1R2 et T1R3 ; ils s’assemblent en homodimères ou hétérodimères et permettent la reconnaissance des sucres naturels ou des édulcorants.

À part les sucres, de nombreuses autres molécules, artificielles ou naturelles, possèdent un pouvoir sucrant, mais celles-ci ne sont pas toutes reconnues par l'ensemble des animaux.

Parmi les molécules d'origine naturelle, on trouve les acides aminés (glycine), les protéines (thaumatine, mabinline), des hétérosides (stéviosides), etc.

Parmi les molécules de synthèse, on trouve, des dipeptides (aspartame), des sulfamates (acésulfame potassium), etc.

Histoire

Histoire des premiers sucres

Origine en Asie du Sud-Est

Les premières traces de cultures sucrières associées à une plante naturelle se trouvent en Asie du Sud-Est et sur les îles du Pacifique : on y mâchait la tige de la canne à sucre pour en extraire le suc. La fabrication du sucre par extraction aurait commencé dans le Nord-Est de l’Inde ou dans le Pacifique Sud respectivement vers 10000 ou 6000 av. J.-C. Vers 325 av. J.-C., Néarque, l'amiral d'Alexandre le Grand, lors d'une expédition en Inde, évoque un « roseau donnant du miel sans le concours des abeilles », reprenant par là une expression des Perses4.

En Europe occidentale, chez les Anciens Grecs notamment, on utilisait principalement la saveur sucrée du miel, comme en témoignent les nombreuses jarres découvertes durant les campagnes archéologiques de Cnossos, Mycènes et de Paestum. Pour autant, le sucre de canne n'y est pas inconnu (les Anciens Égyptiens la cultivent), du fait des échanges maritimes : cependant, il est encore rare et cher. Sous l'Empire romain, le coût faiblit grâce à l'annexion de l’Égypte et d'une partie de l'ancienne Perse, mais l'usage du miel est très largement dominant.

D’autres découvertes archéologiques effectuées au début du XXe siècle associent la culture de la canne avec la civilisation de la vallée de l'Indus5, cultures qui remonteraient au deuxième millénaire avant notre ère.

En Inde, on aurait réussi à purifier et cristalliser le sucre pendant la dynastie des Gupta vers l’an 350.

Extension de la zone de culture par les Arabes

Partis de Bagdad, de Damas et de Tunis, dès le Xe siècle les premiers voyageurs arabes découvrent la canne sucrière, notamment en Inde. Au fur et à mesure de l’expansion musulmane en Asie, en retour la canne à sucre est acclimatée dans les pays méditerranéens, depuis la Syrie jusqu'à l'Espagne du sud, et les techniques de production indiennes y sont adoptées et améliorées6. Le sucre, en pain ou en poudre, est ainsi facilement transportable par les caravanes. La route des épices est aussi celle du sucre. Les Arabes sont également à l'origine des premières sucreries, raffineries, et plantations de type quasi-industriel7.

Au Moyen Âge, l'Occident découvre le sucre de canne lors des croisades face aux califats fatimides et almoravides : la canne arrive en Italie, dans les îles de la Méditerranée (Crète, Chypre) et dans le Sud de la France8,9.

Vers 1390, une meilleure technique de pressage est créée, permettant de multiplier par deux la quantité de jus obtenu à partir de la canne, et inaugure l’expansion économique des plantations de sucre en Andalousie et en Algarve. Vers 1420, la production de sucre de canne fut étendue aux îles Canaries, Madère et aux Açores.

Au XVe siècle, Venise contrôle le commerce de la Méditerranée orientale, y compris celui du sucre, et fonde la première raffinerie d’Europe. La route des Indes, ouverte par Vasco de Gama, permit aux Portugais de s’assurer d’importantes ressources sucrières et de devenir les premiers fournisseurs du marché européen. Dès le milieu du XVe siècle, ils installèrent des plantations et des raffineries à Madère.

Produit exotique et rare, il est d'abord réservé aux apothicaires et aux élites chez qui il est utilisé comme monnaie d'échange, épice et médicament jusqu'au XVIIe siècle, ne devenant réellement un ingrédient pour la cuisine qu'au XVIIIe siècle : avant cette époque, le sucre de canne est associé au chaud et au sec selon la théorie des humeurs, il soigne le lymphatique ou l'atrabilaire, purge le phlegme, entre dans la fabrication de sirop (chaud et sec) contre le rhume (froid et humide). Dans plusieurs pays où il existe une nette séparation du sucré et du salé, le sucre apparaît plutôt en fin de repas puis en entremets comme dans le blanc-manger10.

Colonisation des Amériques

Les Portugais importèrent au milieu du XVIe siècle le sucre au Brésil. L'aventurier Hans Staden témoigne qu’« en 1540, l’île de Santa Catarina comptait 800 sucreries et que la côte nord du Brésil, Démérara et le Suriname en comptaient 2 000. »

 
Vue d'artiste d'une habitation sucrière typique du XVIIIe siècle, reposant sur l'esclavage colonial.

Après 1625, les Hollandais importèrent la canne à sucre d’Amérique du Sud vers les îles des Caraïbes, aux îles Vierges et à la Barbade. De 1625 à 1750, le sucre devint une matière première très prisée, et les Caraïbes, la principale source mondiale grâce à la main-d’œuvre fournie par l’esclavage.

Au début du XVIIe siècle, les Antilles françaises sont des colonies de peuplement. Les premières plantations de canne ne voient le jour qu’en 1643, après l’échec de la culture du tabac. Les sucreries se multiplient à la Martinique, la Guadeloupe et Saint-Domingue. En métropole, ce sont les raffineries qui fleurissent sous l’impulsion de Colbert, à Nantes et Bordeaux. Le siècle des Lumières est aussi le siècle de la domination française du marché du sucre colonial11 : le sucre devient un élément important de l’économie et donc de la politique européenne mercantiliste.

Au milieu du XVIIIe siècle, le sucre de canne devient très populaire dans la bourgeoisie, on l'appelle « canamelle ». Le marché du sucre connait une forte croissance, la production devenant de plus en plus mécanisée. Une machine à vapeur alimente un premier moulin à sucre en Jamaïque en 1768, et peu après, la vapeur servit d'intermédiaire au feu comme source de chaleur.

Histoire du sucre de betterave

Ce n’est qu’au début du XIXe siècle que le sucre de betterave va connaître un réel essor. Si, dès 1600, l’agronome français, Olivier de Serres, remarque que la « bette-rave » donne en cuisant un jus « semblable au sirop de sucre », il faut attendre 1747 pour qu’Andreas Sigismund Marggraf, chimiste berlinois, prouve que le sucre de betterave et le sucre de canne sont identiques. Les écrits de Marggraf sont ensuite traduits en français12. Franz Karl Achard, élève de Marggraf, produit en 1798 le premier pain de sucre de betterave13. En 1810, face au blocus continental qui suspend le commerce colonial maritime, l’intérêt pour la betterave est soudain ravivé en France sous l’impulsion de Jean-Antoine Chaptal, qui travaille dans la commission de l’Institut de France, laquelle est chargée de vérifier les expériences d’Achard. Cette commission informe Napoléon de l’intérêt que la France aurait à produire elle-même son sucre car la culture betteravière est rentable et l'extraction en cristaux possible.

Fin 1811, le Normand Jean-Baptiste Quéruel, engagé chez Benjamin Delessert à sa manufacture de Passy, invente la méthode permettant la fabrication industrielle de sucre cristallisé (extraction du jus, filtration, compactage en pains coniques). Napoléon Ier, via Chaptal, incite derechef les agriculteurs français à ensemencer les champs en plants de betterave et les industriels à améliorer les procédés. Dès lors, la France se mobilise pour extraire le sucre à partir de la betterave. En 1812 naît l’agro-industrie sucrière française. Delessert présente à l'empereur en personne ses premiers pains de sucre : celui-ci ordonne aussitôt la mise en culture de 100 000 hectares14.

 
Raffinerie de sucre à La Nouvelle-Orléans en 1891.

La fin de l’Empire permet le retour sur le continent du sucre de canne et met un temps en péril le développement de la betterave sucrière. Mais la récession ne va cependant pas durer. En 1828, la France compte 585 sucreries implantées dans 44 départements. En 1900, le sucre de betterave représente 53 % de la production mondiale de sucre. La Première Guerre mondiale, en transformant les grandes plaines betteravières européennes en champs de bataille, stoppe toute la production et la fait redescendre à 26 %. S'il remonte pour atteindre 40 % dans les années 1950, le sucre de betterave représente actuellement 22 % de la production mondiale de sucre.

 
Production de betteraves sucrières en Grande-Bretagne en 1942.

En 1949, Louis Chambon met au point la technique de moulage des « dominos » de sucre par compression, mais les premiers morceaux de sucre blanc, certes grossièrement, sont inventés en 1855.

La démocratisation de la consommation en Europe a lieu lors de la révolution industrielle, la production de sucre étant multipliée par 1 000 entre le XVIIIe et le XXe siècle10.

Aujourd'hui une sucrerie de betteraves produit entre 1 500 et 2 000 tonnes de sucre au cours d'une journée avec un effectif permanent d'environ 150 personnes.

Typologie

Le mot « sucre » désigne plus d'une centaine de produits édulcorants différents formé des mêmes éléments chimiques : carbone, hydrogène et oxygène. Sa teneur en carbone est variable. En revanche, il contient toujours deux fois plus d'hydrogène que d'oxygène. À ce titre, le sucre est un hydrate de carbone15. Le sucre le plus courant est le saccharose.

Certains types de sucre sont normalisés au niveau mondial par le Codex Alimentarius.

Quelques types de sucre (normalisés ou non) :

Techniques de production

Sucre de canne

 
Cannes à sucre coupées.

La canne à sucre contient environ :

L'extraction n'étant pas parfaite, 1 tonne de canne fournira environ 115 kilogrammes de saccharose.

Les champs de canne à sucre sont généralement brûlés et les cannes ramassées mécaniquement. Le brûlage sur pied, qui diminue la masse végétale inutile (les feuilles) et concentre le sucre dans la tige par évaporation, est une technique aussi ancienne que la culture de la canne. Cette technique est toutefois abandonnée par certains producteurs afin de réduire la production de CO2 associée à la culture de la canne19.

Ensuite, le procédé d’extraction du sucre de canne20 est identique à celui du sucre de betterave, à l'exception de la première phase où le jus de canne est extrait par broyage, tandis que celui de betterave est extrait par diffusion. À leur entrée dans la sucrerie, les cannes sont découpées en petits morceaux puis pressées et broyées dans plusieurs moulins. Séparé de la bagasse (la canne écrasée), le jus de canne obtenu (le vesou) contient 80 à 85 % d'eau, 10 à 20 % de sucre et 0,7 à 3 % de composés organiques et minéraux. Il suit ensuite les mêmes étapes que le jus de betterave. Le sirop recueilli après cristallisation et essorage du sucre de canne ou de betterave, également appelé « eau mère », est encore chargé de sucre. Il subit alors une nouvelle cuisson et un nouvel essorage qui donnent le sucre dit de « deuxième jet », plus coloré et moins pur que le sucre de premier jet. Puis ce sirop de deuxième jet, toujours riche en sucre, est à son tour réintroduit dans le cycle pour donner un sucre de troisième jet, brun et chargé d’impuretés (le sucre roux), ainsi qu'un dernier sirop visqueux et très coloré, appelé mélasse. La bagasse est utilisée de différentes façons, le carburant pour la chaudière de la sucrerie étant la plus commune.

Pour les sucres « biologiques », obtenus à partir de cannes de l'agriculture biologique, on distingue plusieurs types de sucres, dont :

Le rhum est obtenu à partir du jus fermenté.

Sucre de betterave

 
Betteraves à sucre.

La betterave sucrière contient environ :

Pour la canne comme pour la betterave, l'extraction20 doit se faire rapidement car les plantes continuent à respirer et consomment du sucre pour leur métabolisme. En moyenne, on chiffre de 100 à 130 g de sucre perdu par tonne de betterave et par jour21. Les usines sucrières sont ainsi toujours à moins de trente kilomètres des champs. Une autre partie du sucre se retrouve dans la mélasse ou reste dans la pulpe. L'obtention du sucre blanc se fait par adjonction de lait de chaux et de gaz carbonique, puis par centrifugation après cristallisation22:9-10, 33-43.

La mélasse produite au cours de l'extraction du sucre de betterave est souvent utilisée pour la fermentation ou la nourriture du bétail22:11, 44.

Le sucre roux de betterave, appelé vergeoise ou cassonade, est obtenu par chauffage prolongé du sucre blanc qui provoque la formation de colorants de type caramel23.

Sucre de palme

De fabrication artisanale, ce sucre est extrait des inflorescences des palmiers à sucre. Le jus obtenu est filtré, puis cuit afin de le transformer en sirop. Il est enfin battu pour amorcer la cristallisation. Le sucre obtenu est brun, naturellement riche en fructose et oligo-éléments.

Économie

Production

En 2011, les cinq premiers producteurs de sucre étaient le Brésil, l'Inde, l'Union européenne, la Chine et la Thaïlande. Cette même année, le principal exportateur de sucre était le Brésil, suivi à distance par la Thaïlande, l'Australie et l'Inde. Les principaux importateurs étaient l'Union européenne, les États-Unis et l'Indonésie24,25. Dans la dernière décennie (2000-2009), la part du Brésil dans les exportations mondiales de sucre brut est passée de 7 à 62 %26.

Production de sucre
Production de sucre brut centrifugé (canne et betterave) par pays en millions de tonnes en 2002 et 201327Production mondiale de sucre en tonnes du système international24
 Pays20022014
 
1 Brésil 23,810 16,2 % 37,300 21,1 %
2 Inde 20,475 13,9 % 26,605 15,0 %
3 Chine 11,611 7,9 % 11,517 6,5 %
4 Thaïlande 6,494 4,4 % 10,024 5,7 %
5 États-Unis 7,646 5,2 % 7,666 4,3 %
6 Pakistan 3,529 2,4 % 6,103 3,5 %
7 Mexique 5,073 3,4 % 6,021 3,4 %
8 Russie 1,755 1,2 % 5,249 3,0 %
9 France 5,389 3,7 % 4,692 2,6 %
10 Allemagne 4,395 3 % 4,564 2,6 %
11 Australie 4,987 3,4 % 4,364 2,5 %
12 Guatemala 1,910 1,3 % 2,734 1,5 %
13 Philippines 1,949 1,3 % 2,321 1,3 %
14 Turquie 2,345 1,6 % 2,223 1,2 %
15 Afrique du Sud 2,626 1,8 % 2,192 1,2 %
Total monde 146,864 100 % 176,938 100 %

Sur 112 pays producteurs, 35 cultivent la betterave sucrière, et fournissent environ 20 % de la production en 2017.

En 2016-17, la France, avec un rendement de treize tonnes de sucre à l'hectare, a produit 4,7 millions de tonnes, et exporté 2 millions de tonnes. Elle est le premier producteur mondial de sucre de betterave28. En 2016-2017, la Belgique a produit 683 000 tonnes29.

Au niveau de l'Union européenne, l'organisation commune de marché du sucre (OCM sucre) est réformée en 200630. Trois impératifs président à cette réforme : intégrer les principes de la nouvelle PAC dans l'OCM sucre, tenir compte de l'ouverture accrue du marché européen résultant d’engagements pris par l'UE auprès de pays en développement et appliquer une décision de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) obligeant l'UE à réduire ses exportations de sucre. Une nouvelle réforme d'envergure a lieu le lorsque le système fondé sur un quota de production réparti entre les différents États membres prend fin31,32. L'Europe met ainsi fin à un dispositif existant depuis les années 1960 ; la même année, les principaux producteurs de sucre augmentent également leurs productions, réduisant les cours, et permettant d'alimenter de nouveaux marchés en sucre33.

Consommation

Il existe deux manières d'évaluer la consommation de sucre : par les données de ventes et par les études de consommation.

Il existe aussi différent indicateurs, selon l'objet auquel on s'attache :

En France

Les ventes de sucre sont passées de 5 kg par an et par habitant en 1850 à 30-35 kg dans les années 1960. Depuis, elles sont stables34 (environ 33 kg par an et par habitant en 2017), avec quelques variations (maximum de 39 en 2013, minimum de 33 en 2017)35.

Ces quantités vendues sont utilisées en partie pour des usages alimentaires (consommation des ménages, usage par les professionnels, usages industriels) et en partie dans des usages de transformation chimique ou culinaire (fabrication de médicaments, homéopathie, chaptalisation du vin, vins effervescents). Il existe aussi des pertes (par les industriels au cours de leurs processus de fabrication) et du gaspillage. Elles ne représentent donc pas la consommation stricto sensu (les ventes de sucre reflètent la notion de disponibilité ou de volumes de sucre mis sur le marché, à l’échelle d’un pays ou d’une population).

La consommation est mesurée par des enquêtes de consommation individuelles menées par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) et le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (CREDOC).

L'ANSES évalue la consommation de sucres totaux (sucre naturellement présent dans les fruits et légumes + sucres ajoutés dans la cuisine ou dans des produits industriels), hors lactose, à 75 g par jour et par personne en 2006-200736 (il n'existe pas d'étude plus récente), tout en fixant une recommandation pour les apports maximums en sucres (hors lactose) à 100 g par jour et par personne. Selon l'ANSES, 20 à 30 % des enfants et des jeunes adultes dépassent cette recommandation.

Ces données concernent les sucres totaux et ne doivent pas être confondues avec celles des sucres libres (ensemble des sucres ajoutés, ainsi que le sucre des jus de fruits et le miel), sur lesquels porte la recommandation de l'Organisation mondiale de la santé. L'OMS recommande de ramener l'apport en sucres libres à moins de 10 % de la ration énergétique totale chez l’adulte et l’enfant, ce qui représente une consommation d'environ 50 g de sucres libres par jour et par personne. Il s'agit de sa recommandation dite « forte ». L'OMS a établi une deuxième recommandation, « avec réserve » pour éventuellement baisser l'apport en sucres libres à 5 % de la ration énergétique37.

En 2006-2007, l'apport en sucres libres en France a été mesuré à 52 g par jour et par adulte, soit 9,5 % des apports énergétiques, par l'étude INCA2, 41 % dépassant cette recommandation38.

En Belgique

En Belgique, les ventes par habitant sont équivalentes à 34 kg par habitant et par an.

Nutrition

Consommation et stockage

La consommation de sucre fournit de l'énergie chimique à court terme, mais ce n'est pas une forme de stockage d'énergie pour l'organisme. Une partie du sucre consommé peut être utilisée tout de suite pour fournir de l'énergie si nécessaire, dans les minutes qui suivent ; une autre partie sera emmagasinée dans le foie et les muscles (sous forme de glycogène) pour utilisation dans les heures qui suivent ; et, en cas d'excès, une partie sera transformée en graisses (triglycérides) qui seront stockées dans les cellules du tissu adipeux39.

Dès que l'on consomme du glucose, composant du sucre, l'insuline est sécrétée : son rôle principal est de favoriser l'utilisation du glucose par toutes les cellules de l'organisme. Par ailleurs l'insuline stimule la glycolyse, bloque la lipolyse (utilisation des graisses stockées) et favorise la lipogenèse par l'intermédiaire d'une enzyme (la triglycéride synthase), c'est-à-dire la fabrication de graisses dans le tissu adipeux. En effet, le stock de glycogène hépatique est limité et le glycogène musculaire n'est utilisable que par les muscles eux-mêmes.

Cette régulation du glucose, avec un système de stockage et de libération, permet de fournir un apport continu en glucose au cerveau. S'il ne représente que 2 % du poids du corps, le cerveau utilise 20 à 30 % du glucose disponible, qui est sa seule source d'énergie (en dehors des corps cétoniques synthétisés en cas de jeûne prolongé)40.

Sucre blanc et sucre complet

Le sucre de betterave est toujours raffiné pour en retirer le goût désagréable, tandis que le sucre roux de canne peut être consommé tel quel41,42:1922:10. Le sucre de canne cristallise avec une coloration qui va du blond au brun, due à des pigments présents uniquement dans la canne. Pour devenir blanc, le sucre roux de canne est refondu et débarrassé de ses colorants dans une raffinerie, sans modification chimique.

Lorsqu'il provient de la canne à sucre, le sucre roux est composé de 95 à 98 % de sucre (saccharose). Le sucre blanc lui, qui vient soit de la canne (après raffinage) soit de la betterave, contient plus de 99,7 % de saccharose. Le reste est constitué de traces d’eau, de minéraux et de matières organiques43,44.

En outre, le sucre complet (non raffiné) contient quarante fois plus d’éléments minéraux que le sucre roux de betterave et vingt fois plus d'éléments minéraux que le sucre roux de canne45.

Cependant, l'apport en minéraux par le sucre, qu'il soit blanc ou roux, reste très minime au regard des portions de sucres réellement consommés et des apports nutritionnels conseillés pour ces minéraux, et ces types de sucre ont les mêmes effets sur le métabolisme46.

Analyse comparée du sucre blanc, du sucre de canne non raffiné et du sucre roux de betterave (vergeoise)
en mg pour 100 g de sucre
  Sucre blanc Sucre de canne non raffiné Sucre roux de betterave (vergeoise)
Sels minéraux 30 à 50 350 à 790 600 à 1 100
Potassium (K) 3 à 5 50 à 110 200 à 280
Magnésium (Mg) 0,2 10 à 19 /
Calcium (Ca) 0,6 20 à 80 4 à 15
Phosphore (P) 0,3 0,02 /
Fer (Fe) 0,1 1 à 8 350 à 790

Sucre et équilibre alimentaire

En France, d'après l'enquête INCA2, les apports quotidiens en glucides (amidon et sucres) sont chez les adultes de 230 g/j en moyenne ; chez les enfants, ils sont de 207 g/j. Les adultes consomment 95 g/j de sucres totaux tandis que les enfants en consomment 99 g/j47. Les apports quotidiens recommandés en glucides sont de 200 à 250 grammes (voir Apports nutritionnels conseillés).

Une nouvelle étude a analysé les données INCA2 afin de connaitre la consommation en « sucres libres » (sucres ajoutés et sucres naturellement présents dans les jus de fruits), l'Organisation mondiale de la santé recommandant un apport inférieur à 10 % de la ration énergétique totale (50 g de sucre pour une ration énergétique de 2 000 Cal). La consommation de sucres libres, chez les adultes en France, est estimée à 51,9 g par jour en moyenne pour une ration énergétique moyenne de 2 151 Cal par jour, 41 % des adultes français dépassant la recommandation de l'OMS48.

Au Canada, en 2004, les apports quotidiens moyens étaient de 110 g par jour49, avec de fortes variations suivant l'âge et le sexe. Aux États-Unis, la consommation moyenne de sucres est proche de 120 g par jour50.

Qu'il soit blanc ou complet, il contient toujours quatre kilocalories (4 kcal ou 4 Cal) par gramme, soit 16 760 joules. Consommé sans modération, il peut conduire au diabète, à l'obésité, et peut déséquilibrer la régulation du taux de glucose dans le sang par hyperglycémie. Les avis médicaux récents suggèrent une limitation de l'apport de sucres à un niveau beaucoup plus faible que la consommation effective (voir Sucre/Avis du corps médical).

Notions de sucre rapide et de sucre lent

Les glucides complexes ou polysaccharides sont généralement plus difficiles à décomposer au cours de la digestion que les glucides simples oses ou diholosides, de sorte qu'on les qualifie parfois de « sucres lents », tandis que les glucides simples sont qualifiés de « sucres rapides ». Un glucide complexe peut toutefois être plus rapide à digérer que certains glucides simples comme le fructose, de sorte que les nutritionnistes préfèrent se référer à l'indice glycémique des glucides51.

L'ANSES rappelle en 2016 qu'à proprement parler le terme « sucres » (au pluriel) désigne seulement les glucides simples52.

Les glucides sont plutôt à classer selon leur pouvoir « glycémiant », c'est-à-dire leur action sur la glycémie (taux de glucose dans le sang), ou plus récemment encore, selon la rapidité de la réaction insulinique qu'ils induisent53.

La vitesse d'assimilation des glucides n'est pas liée à leur type : les glucides simples n’ont pas tous un indice glycémique élevé et les glucides complexes un indice glycémique faible. Par exemple, la pomme de terre est un féculent (source de glucides complexes) mais son index glycémique est élevé54.

Santé

Un régime à faible indice glycémique est recommandé pour prévenir le diabète, les maladies cardiovasculaires et probablement l'obésité55.

Métabolisme du sucre

Le sucre ingéré est hydrolysé en glucose et fructose56 dans l'intestin. Les monosaccharides sont ensuite absorbés soit par diffusion passive (transporteur de glucose et de fructose), soit par transport actif faisant intervenir des transporteurs spécifiques (transporteur sodium-glucose)57. Ces produits passent rapidement dans le sang puis sont véhiculés vers le foie et le reste de l'organisme. Le taux de glucose dans le sang (glycémie) est régulé par la production d'insuline ; le taux de fructose dans le sang n'est pas régulé. Le métabolisme du glucose est la glycogénogenèse qui intervient dans le foie pour reconstituer les réserves de glycogène. La glycolyse, à l'inverse, est le procédé métabolique permettant la dégradation du glucose en énergie. Le métabolisme du fructose prend place essentiellement dans le foie où il peut être transformé en glucose, lactate, glycogène et en triglycérides58,59.

Troubles de la régulation : diabète et hypoglycémie

Une étude60 de la Harvard School of Public Health (États-Unis) a conclu que l’excès de glucose dans le sang est la cause de plus de trois millions de décès par an dans le monde, dont 960 000 directement à cause du diabète et 2,2 millions en raison de troubles cardiovasculaires (1,5 million de décès par infarctus du myocarde soit 21 % du total des infarctus) et 709 000 décès dus à un accident vasculaire cérébral (13 % du total des décès par AVC). Selon un commentaire paru dans la presse61, « Ces chiffres sont comparables aux décès annuels dus au tabac (4,8 millions de morts), à l’excès de cholestérol (3,9 millions) et au surpoids et à l’obésité (2,4 millions) ». D'autres sources médicales soulignent le lien entre la consommation de boissons sucrées et les maladies cardiovasculaires62.

Chez l'Homme, « la glycémie doit varier en moyenne entre 0,80 et 1,40 g/l de sang (entre 1 et 1,4 g/l deux heures après un repas et entre 0,80 et 1,10 g/l à jeun le matin) »63.

Le taux de glucose dans le sang est régulé par le pancréas :

Diabète

On parle de diabète quand la glycémie à jeun est supérieure ou égale à 1,26 gramme par litre de sang (à deux reprises et en laboratoire)63. Selon l’Organisation mondiale de la santé, quelque 356 millions de personnes sont diabétiques en septembre 2012 dans le monde64. Le diabète de type 2 représente la majorité des diabètes dans le monde, et est en grande partie le résultat d’une surcharge pondérale et de la sédentarité64. La sur-consommation de sucres ajoutés en général ou de fructose et de boissons sucrées en particulier sont une des causes du diabète de type 2. La consommation de sucres à des niveaux inatteignables avec des produits naturels non préparés nourrit l'épidémie de diabète de type 265. À ce titre réduire sa consommation de sucres ajoutés ou préférablement de fructose ajouté pourrait se traduire par une réduction de la mortalité due au diabète65. La consommation de nourriture à fort indice glycémique est associée au diabète de type 266. La consommation de boissons sucrées augmente le risque de diabète67,68. Par exemple, boire une à deux boissons sucrées par jour entraîne une augmentation de 26 % du risque de diabète de type 266. Dans le monde, il est estimé que 133 000 morts du diabète sont imputables à la consommation de boissons sucrées69.

Stéatose hépatique

L'excès de fructose semble constituer une cause de l'accumulation de graisse dans le foie70 ou stéatose hépatique, qui peut conduire à une inflammation chronique du foie.

Effets physiologiques

Caries dentaires

La carie est un problème qui peut être lié à la consommation répétée de glucides. En effet, ils favorisent la métabolisation d’acides par des bactéries, qui détruisent l’émail dentaire. Le facteur déterminant dans la formation des caries est moins la quantité que la fréquence et la durée de séjour en bouche du sucre absorbé, ainsi que la texture plus ou moins collante de l'aliment. Selon l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA, devenue ANSES), les aliments contenant du saccharose ou de l'amidon interviennent dans la propagation des caries dentaires71. Elle préconise donc de limiter la consommation entre les repas de féculents (pâtes, pommes de terre, etc.), boissons et produits sucrés, et d'avoir une bonne hygiène bucco-dentaire.

Obésité

Beaucoup d'études et d'experts scientifiques affirment que l'apport excessif en sucre et/ou en fructose joue un rôle important dans l'obésité et le diabète72,73,74. Plusieurs études établissent le lien entre la consommation de sucre et/ou de fructose et l'augmentation de la graisse intra-abdominale (ou viscérale)75.

Par ailleurs, il semblerait que l’organisme comptabilise moins bien « l'énergie liquide » consommées en excès. Ainsi les boissons sucrées (jus de fruits, sodas, nectars, sirops…) régulièrement consommées pendant ou en dehors des repas, apporteraient un excès d'énergie préjudiciable à terme et constituent un facteur de risque d'obésité76,77,78,79,67. La réduction de la consommation de sucres réduit le poids et, inversement, l'augmentation de la consommation entraîne une prise de poids80. Une consommation d'une boisson sucrée par jour entraîne une prise de poids moyenne de 0,12 kg par an chez les adultes66.

En 2010, l'Autorité européenne de sécurité des aliments n'a pas établi de relation directe entre consommation de sucres — en dehors d’apports caloriques excessifs — et prise de poids81 en s'appuyant sur quatre études dont deux financées par les industriels du sucre82. Le rapport de l'EFSA est aussi critiqué du fait que la majorité des experts aient des liens avec l'industrie82. En revanche, l'EFSA recommande de favoriser les glucides complexes plutôt que les glucides simples dont le sucre.

Il arrive que l'industrie laisse penser que l'exercice physique est aussi important que l'alimentation. Par exemple, dans une de ses communications, Coca-Cola associe leur produit au sport en suggérant que ce n'est pas un problème de consommer leur boisson du moment que l'on fait de l'exercice. Or ce n'est pas corroboré par les données scientifiques puisqu'une synthèse des connaissances scientifiques a montré que réduire sa consommation de sucres est le plus efficace pour réduire le syndrome métabolique et que les bénéfices s'en font ressentir avant même la perte de poids83.

L'ANSES a conclu en 2016 que les études d'intervention ainsi que les données épidémiologiques ne montrent pas d'association de la prise de poids avec la consommation de sucres lorsque l'apport énergétique est contrôlé52.

Carences

La consommation importante de sucre, de produits sucrés pauvres en vitamines, sels minéraux et fibres, peut favoriser des carences nutritionnelles si par ailleurs l'alimentation est peu diversifiée.

Cancer

La consommation de sucres est un facteur d'augmentation de l'indice de masse corporelle, qui favorise l'émergence de certains cancers (sein, côlon, pancréas, œsophage, utérus, rein, vésicule biliaire)69. De ce fait, la consommation de boissons sucrées serait responsable de 6 450 décès par cancers chaque année dans le monde69.

Il existe aussi un lien direct entre syndrome métabolique et survenue du cancer du sein84. Une synthèse de onze études montre qu'une consommation d'aliments à indice glycémique élevé est associée à une augmentation de 6 % du risque de cancer du sein85.

La consommation de fructose peut théoriquement engendrer des cancers du pancréas mais l'analyse de populations ne permet pas de corroborer cet effet86. En revanche, la consommation de fructose est responsable de carcinomes hépatocellulaires mais pour les autres cancers du foie, les conclusions sont contradictoires86. Les conclusions sont contradictoires quant à un lien entre consommation de sucre et cancer colorectaux86.

De plus, un excès de consommation de ces produits pourrait favoriser l'obésité ou l'insulinorésistance qui, elles-mêmes, favoriseraient le risque de cancer87.

La consommation de boissons sucrées a augmenté dans le monde au cours des dernières décennies. Leur impact sur la santé cardiométabolique a fait l’objet de nombreuses études et est aujourd’hui bien établi. Cependant, leur association avec le risque de cancer a été moins étudiée : très peu d’études prospectives ont été menées sur l’association entre les boissons sucrées et le risque de cancer. Pourtant, ces boissons ont été associées au risque d’obésité, à son tour reconnu comme un facteur de risque important pour de nombreux cancers. Des mécanismes inflammatoires ou liés au stress oxydant pourraient aussi intervenir, ce indépendamment du lien avec la prise de poids.

Cette étude, publiée le 10 juillet 2019 dans le BMJ (British Medical Journal), visait à étudier les associations entre la consommation de boissons sucrées et le risque de survenue de cancer. Au total, 101 257 participants de la cohorte française NutriNet-Santé (suivie entre 2009 et 2018) ont été inclus. La consommation alimentaire habituelle a été évaluée grâce à des enregistrements de 24 h répétés (6 en moyenne par participant) portant sur plus de 3 300 aliments différents (dont 109 types de boissons sucrées ou édulcorées)88.

Maladies cardiovasculaires

Le risque de maladie cardiovasculaire augmente en moyenne de 17 % par boisson sucrée supplémentaire consommée chaque jour66. Après prise en compte des autres facteurs de risque, il y a une augmentation moyenne de 16 % du risque d'accident vasculaire entre les plus gros consommateurs de boissons sucrées et les moins gros consommateurs66. D'après une autre étude, la mortalité par maladie cardiovasculaire est plus que doublée pour les personnes qui consomment plus de 25 % de leurs calories à partir de sucres ajoutés, par rapport aux personnes qui consomment moins de 10 % des calories à partir de sucres ajoutés89. Remplacer des graisses saturées par des glucides hautement raffinés ne fait pas diminuer le risque de maladie cardiovasculaire, alors que remplacer ces graisses par des graisses polyinsaturées fait diminuer le risque66. Chaque année, environ 45 000 décès par maladie cardiovasculaires dans le monde sont imputables aux boissons sucrées69.

Effets cognitifs et psychiques

Hyperactivité

Une méta-analyse de 1995 conclut que le comportement des enfants n’est pas modifié par l’absorption de sucre90.

Maladie d'Alzheimer

Les résultats des études récentes sont contradictoires. Selon une étude américaine publiée dans le Journal of Biological Chemistry en , le sucre contribuerait au développement de la maladie d'Alzheimer91. Une autre étude parue en 2012 dans la revue Aging Cell a établi un effet protecteur du glucose vis-à-vis de la neurodégénerescence92.

Addiction

Les travaux scientifiques les plus récents concluent que le sucre présente un pouvoir addictif chez l'humain.

En 2007, une expérience menée sur des rats indique que les rats peuvent développer une addiction au sucre dans certaines circonstances, et qu'il est possible que ce genre de phénomène se produise aussi chez les humains93.

En 2010, une revue d'études affirme qu'il n'y a pas de preuve d'addiction physique au sucre chez les humains et que le sucre ne joue pas de rôle dans les troubles des conduites alimentaires94.

Chez le rat, une exposition prolongée au goût sucré (sous forme de sucre ou d'édulcorant) induit une dépendance caractérisée par des modifications comportementales et cérébrales comme celles des drogues dures95. Des expériences ont montré que des rats et des souris préfèrent la consommation d'eau sucrée à celle de cocaïne en intraveineuse96. Cela peut constituer un facteur explicatif de la tendance de l'industrie agroalimentaire à sucrer ses préparations97.

Selon Serge Ahmed, directeur de recherche en neurosciences au CNRS, l'extrapolation de ces études à l’homme reste délicate et « la littérature médicale contient encore trop peu de cas avérés d’addiction au sucre98. », il ajoute que le manque de données « reflète plutôt le faible intérêt porté jusque-là au problème »95. Trois ans plus tard, en 2013, le doute persiste avec une revue d'études menée par Serge Ahmed : « tous les individus (obèses ou non) ne développent pas une addiction à la nourriture et aux sucres, ce qui suggère la présence d’une vulnérabilité initiale dont l’origine reste à élucider »99. En 2019, Serge Ahmed estime que l'addiction au sucre toucherait 5 à 10 % de la population aux États-Unis, au Canada et en Allemagne, et que son pouvoir addictif est comparable à celui de drogues dures comme l'alcool, la cocaïne, l'héroïne et les méthamphétamines. Par ailleurs, il observe que l'association entre sucre et matières grasses crée un stimulus gustatif puissant dans le cerveau100.

Une revue des études sur l'addiction au sucre de 2016 affirme qu'il y a peu de preuves que le sucre crée une dépendance, et qu'il est plus rationnel de penser qu'il n'en crée pas. Il est expliqué aussi que lors des expériences sur les animaux, la dépendance apparait seulement si l'accès au sucre est intermittent101.

Une revue systématique de 52 études liées aux « addictions alimentaires », publiée en 2018, conclut que la dépendance alimentaire existe, et suggère que certains aliments, notamment les aliments transformés contenant du sucre ou des matières grasses ajoutés, présentent le potentiel addictogène le plus élevé102.

Capacité d'apprentissage et mémorisation

Une expérience menée sur 29 rats montre que les rats ayant un régime sucré ont eu des capacités mémorielles significativement inférieures à celles des rats ayant un régime sans sucre103.

Une étude menée sur 737 portoricains de 45 à 75 ans a mesuré avec plusieurs tests les fonctions cognitives des participants et trouve un lien de corrélation entre la consommation de sucre et les mauvais résultats aux tests mais précise que la cause de ce lien est inconnue104.

Plusieurs études suggèrent qu'une consommation élevée de sucre et/ou d'HFCS (donc de fructose) est associée à une moindre capacité d'apprentissage et/ou de mémorisation105.

Troubles dépressifs et anxiété

La consommation d'aliments sucrés est associée au développement de symptômes dépressifs106. Des analyses prospectives ont montré une augmentation à 5 ans de 23 % du nombre de personnes atteintes de troubles dépressifs chez les hommes consommant une quantité importante de sucre. Les études confirment un effet négatif de la consommation de sucre sur la santé psychologique à long terme106. Certaines études ont montré une corrélation hautement significative entre la consommation de sucre et le taux annuel de dépression dans six pays différents107. Une étude menée en Australie a montré que les individus buvant un demi-litre de soda sucré par jour avait environ 60 % plus de risques de développer des troubles dépressifs108.

Avis du corps médical

Il n'y a pas d'avis médical contre les glucides en général, mais la sous-catégorie du sucre fait depuis quelques années l'objet d'avis plus tranchés. En plus de l'effet incontestable sur les caries, plusieurs spécialistes associent soit le sucre soit le fructose avec l'épidémie d'obésité et de diabète de type 2. Une campagne se développe pour limiter la consommation de sucre aux États-Unis109, en Australie110 et au Royaume-Uni111. L'association de cardiologues American Heart Association fait le lien entre une consommation de sucre élevée et les maladies cardiovasculaires, et a récemment produit des recommandations pour limiter la consommation de sucre112. Les limites sont 20 g de sucres ajoutés par jour pour les femmes et 36 g pour les hommes (une canette de soda contient 33 g de sucre ajouté). Au Royaume-Uni, les autorités médicales conseillent clairement de diminuer la consommation de sucre113,114 et ont recommandé au Parlement d'introduire une taxe pour limiter la consommation de sucre115. En France, l'ANSES recommande depuis peu de réduire de 25 % la consommation de glucides simples116,117 (actuellement de 100 g environ par jour et par personne), tout en augmentant les glucides complexes. En 2004, le rapport exhaustif de l'ANSES sur les glucides ne donnait pas de recommandations sur les sucres simples71.

En 2003, l'Organisation mondiale de la santé préconise de limiter les apports en sucres libres (sucres ajoutés + sucres des jus de fruits et sirops) à moins de 10 % des apports énergétiques, soit environ 50 g de sucres libres par jour pour un apport quotidien de 2 000 kcal/j118. En France, la consommation actuelle en sucres totaux est d’environ 100 g/j, dont environ la moitié de sucres libres, selon l’enquête INCA 247. En 2014, une révision de la recommandation de l'OMS suggère une limitation à moins de 5 % des apports énergétiques, soit environ 25 g de sucre119.

Politiques publiques de santé

En France, les distributeurs automatiques de boissons sont interdits dans les écoles en 2005, et une taxe spécifique sur les boissons sucrées et/ou édulcorées est introduite en 2012120. Selon une étude commanditée par l'industrie des boissons, la taxe n'aurait pas eu l'effet recherché121. En 2018, la taxe sur les boissons sucrées a été triplée122, celle sur les boissons édulcorées a été baissée123.

D'autres pays ont introduit une taxe sur les boissons sucrées comme le Mexique124 (un des pays les plus touchés par le diabète de type II dans le monde, et où la consommation de sodas est la plus élevée), la ville de Berkeley en Californie125, et le Royaume-Uni pourrait le faire dans les années qui viennent126.

Influence de l'industrie sur la science

Dès les années 1950, la Sugar Research Foundation (SRF), une organisation industrielle fondée en 1943, était consciente du rôle du sucre dans les caries. Mais elle va sélectionner les recherches à financer pour éviter que les restrictions sur le sucre soit un moyen de contrôler les caries. Entre 1967 et 1970, la SRF va financer, avec les industries du chocolat et des bonbons, le projet 269 visant à rendre la bactérie Streptococcus mutans moins destructive pour les dents après que du sucre a été consommé. Ce même projet visera également à développer un vaccin contre les caries pour que les gens puissent continuer à consommer du sucre. Ces recherches ne donneront finalement pas de résultat concluant. Influencé par l'industrie, le National Institute of Dental Research des États-Unis, va financer très peu de recherche pour étudier le risque de carie associé à chaque aliment127.

Des documents révélés en 2013 ont montré que l'industrie du sucre a cherché à « forger l'opinion publique » dès les années 1970 pour minorer les craintes d'effets du sucre sur la santé. En 1977, la Sugar Association a réservé 230 000 dollars pour financer des recherches, notamment des scientifiques dans de prestigieuses universités américaines. Les fonds provenaient de diverses industries dont Coca-Cola, General Foods ou General Mills128.

En 2006, à la suite de travaux de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) pour promouvoir une limite de 10 % de calories issues de sucres, une campagne de lobbying aux États-Unis a visé les sénateurs d'États producteurs de sucre et de sirop de maïs pour menacer l'OMS de couper ses fonds129.

Un lobbying de la World Sugar Research Organisation, une organisation regroupant des intérêts économiques (dont Coca-Cola), a bloqué avec succès une recommandation de 2003 conjointe entre l'OMS et l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Les recommandations quantitatives qu'elle contenait ont été remplacées par des limites non spécifiques127.

Coca-Cola a financé le Global Energy Balance Network (en) dont les chercheurs considéraient que le manque d'exercice, plutôt que la consommation de calories, était responsable de l'obésité, à l'opposé des conclusions scientifiques129,83.

Les chercheurs recevant des financements de l'industrie du sucre ont tendance à avoir des conclusions à allant plus en faveur de l'industrie130. Par exemple, une analyse de 88 études sur la consommation de sodas a montré que les études financées par l'industrie trouvaient une taille d'effet quasi nulle pour la prise d'énergie, alors que les études non financées par l'industrie trouvaient une taille d'effet modérée131. D'autres chercheurs ont étudié les différentes synthèses réalisées sur le lien entre consommation de boissons sucrées et gain de poids. Parmi 18 résultats de ces synthèses, 12 n'avaient pas de lien mentionné avec l'industrie et 10 considéraient que la consommation de sodas pouvait être un facteur de risque pour la prise de poids. À l'inverse, parmi les 6 financées par l'industrie, 5 concluaient que les preuves n'étaient pas suffisantes pour soutenir un tel lien. Les synthèses dont les auteurs avaient un conflit d'intérêts avaient donc cinq fois plus de chance d'avoir une conclusion allant dans le sens de l'industrie132.

Une étude de 2016 a révélé que l'industrie du sucre, à travers la Sugar Research Foundation, rebaptisée depuis « Sugar Association (en) », a financé des recherches afin de minorer les effets du sucre sur les maladies cardiovasculaires et de reporter la faute sur les graisses saturées133.

Position de l'industrie

Selon le journaliste Michael Moss (en), le 8 avril 1999, les dirigeants des onze plus grandes entreprises agroalimentaires américaines se réunissent dans l'auditorium de la Pillsbury Company à Minneapolis pour fixer le cap de leur secteur dans les années à venir. Michael Mudd, vice-président de Kraft Foods, les alerte sur l'image négative de leur groupe auprès des institutions liées à la santé publique et des organismes de recherche qui les jugent en partie responsables de l'épidémie d'obésité qui touche le pays, due à « la multiplication de nourriture savoureuse, dense en énergie, vendue à petit prix et en grand format ». Il recommande de diminuer l'incorporation de sel, de sucre et de matière grasse dans la nourriture industrielle. Le PDG de General Mills, Stephen Sanger (en), rejette cette responsabilité et encourage ses pairs à faire de même. Les céréales de petit-déjeuner sucrées que produisent son groupe sont régulièrement condamnées par les associations de consommateurs, mais il considère que les produits qu'il fabrique répondent aux souhaits des consommateurs, qui selon lui se préoccuperaient plus du goût que des qualités nutritionnelles des aliments qu'ils achètent134.

Chimie

Par photosynthèse, les plantes produisent du glucose ou éventuellement d’autres sucres, comme le fructose. Ces sucres sont majoritairement transportés dans la sève des plantes sous forme de saccharose. Suivant les plantes, le saccharose est ensuite stocké comme réserve énergétique sans modification (ex. : canne, betterave sucrière) ou bien est modifié et transformé en amidon (ex. : pommes de terre, céréales)135.

Le glucose en solution est essentiellement sous cette forme cyclique avec moins de 0,1 % des molécules sous forme de chaîne ouverte.

 
Structure chimique du saccharose : le sucre de table.

Les oses peuvent se grouper par liaisons covalentes osidiques et former des diholosides tels que saccharose (sucrose), ou former des polyosides tels que l’amidon. Les liaisons osidiques doivent être hydrolysées (c’est-à-dire qu’une molécule d’eau vient « casser » ou rompre le lien.) Cette réaction est catalysée par une enzyme (protéine) pour que les molécules puissent être métabolisées. Après digestion et absorption par un animal, les oses présents dans le sang et les tissus sont le glucose, le fructose, et le galactose.

Le préfixe « glyco- » indique la présence de sucre dans une substance non glucidique : par exemple, une glycoprotéine est une protéine à laquelle un ou plusieurs oses se sont connectés. De même, un glycolipide est un lipide lié à des résidus osidiques.

Fructose, glucose, galactose et mannose sont des sucres simples (oses) de formule C6H12O6.

Parmi les diholosides, les plus courants sont le saccharose (sucre de canne ou de betteraves, formé d’un glucose et d’un fructose), le lactose (un glucose et un galactose) et le maltose (deux glucoses). La formule de ces diholosides est C12H22O11.

En industrie, le saccharose peut être hydrolysé pour obtenir une solution contenant du fructose, du glucose et du saccharose et appelée « sucre inverti », utilisée en confiserie et en pâtisserie.

Cuisine

Le sucre entre dans la composition de nombreuses recettes, notamment en pâtisserie.

Mélangé à de l'eau et cuit, il devient du caramel.

Le sucre ne périme jamais car il ne contient pas d'eau et les bactéries ne peuvent pas se développer. Conserver le sucre dans un endroit frais et sec permet de le stocker très longtemps136.

Fiscalité

En janvier 2018, la Novège a augmenté la taxe sur les aliments sucrés de 83 % ; elle s'est alors élevée à 36,92 couronnes (environ 3,7 ) par kilogramme. En conséquence, la dépendance au sucre a diminué, et la consommation norvégienne de confiserie, de 5 kilogrammes par personnes en 1960 et 15 kg en 2008, a été réduite à 12 kilogrammes par personne en 2018. La consommation de boissons sucrées est passée de 93 litres à la fin des années 1990 à 47 litres par personne en 2018. La branche aliment-boisson de la Confédération des entreprises norvégiennes (en) milite pour la suppression de la taxe sur le sucre137. La mesure a été abrogée un peu plus tard138.

Notes et références

Articles sources

Voir aussi

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes

Sel alimentaire

 
 
 
 
Sel alimentaire blanc.
 
Cristal de sel gemme (environ 15 cm).

Le sel de table, sel alimentaire ou sel de cuisine, est composé essentiellement de chlorure de sodium. Il se présente sous différentes formes : gros sel (ou sel gros), sel fin, fleur de sel.

Histoire

Le sel est connu depuis la Préhistoire (voir une des plus anciennes villes préhistoriques d'Europe Solnitsata) pour ses caractéristiques d'assaisonnement et de conservation des aliments. Il était extrait de mines généralement très enfouies dans le sol (mines de roches évaporitiques telle que la halite), ou plus facilement de sources salées ou de la mer (saliculture)1. Les tessons de briquetages, céramiques utilitaires dans l'extraction de sel (marmites où l'on faisait bouillir la saumure sur des fours à feux de bois et bâtonnets d'argile cuite dont l'assemblage permettait une partie de l'évaporation de cette saumure) sont fréquemment retrouvés jusqu'à l'âge du fer, période qui voit l'apparition d'outillages plus robustes et de plus grande capacité dans lesquels on faisait légèrement chauffer la saumure filtrée et concentrée (l'ethnoarchéologie montre que des croûtes de terre salées et séchées sont lessivées dans un entonnoir filtrant ou un panier par de l'eau de mer puis par de la saumure, de telle sorte que le jus salé arrive à saturation) pour préserver le combustible, l'obtention de grandes quantités de sel par ébullition de saumure consommant trop de bois2.

 
Alographia sive Diascepseon de save (1605).

Il fut également probablement précocement utilisé dans les rites religieux. On connait de tels usages chez les Hébreux (Lv 2,13), les Grecs et les Romains de l'Antiquité. Cet élément naturel a revêtu une grande importance stratégique et économique et a fait l'objet d'un commerce important, parfois sur de grandes distances.

On estime que le sel était déjà utilisé et donc extrait, 6 000 ans avant notre ère, au lac salé de Yuncheng, dans le Shanxi3.

Les routes du sel furent les grandes voies de communications et d'échanges depuis l'Antiquité pour l'acheminement du sel, transporté depuis les régions productrices vers les régions qui en étaient dépourvues.

Le contrôle de l'approvisionnement en sel fut l'une des clefs de l'expansion militaire de l'Empire romain qui s'en est attribué le monopole. Les armées de conquête de César emportaient avec elles des salaisons qui assuraient une partie de leur approvisionnement. Sans ces salaisons, les armées n'auraient pu avoir recours qu'au pillage des territoires conquis. Cette stratégie limita les résistances et assura une implantation durable de la civilisation romaine.

Le rôle du sel comme clef de l'approvisionnement militaire perdura jusqu'à l'invention, à la fin du XVIIIe siècle, de nouvelles techniques de conservation des aliments. Il joua donc un rôle crucial dans les grandes conquêtes maritimes, autorisant le transport de vivres pour des voyages d'exploration aux escales aléatoires.

Il a aussi été un moyen d'échange une monnaie ou un impôt, dont en Chine et en Europe comme en témoigne l'étymologie basée sur « sel » du mot « salaire » (en latin salarium, somme donnée aux soldats pour l'achat du sel). Le sel sous le nom de « salignon » fut une monnaie d'échange au Tibet et en Éthiopie. Le sel était en France stocké dans des greniers à sel puis des « Dépôts des sels » définis par l'Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers comme « chambres où le sel est mis en dépôt, dans les pays où il est marchand. La chambre des dépôts est aussi une jurisdiction établie pour connoître des contestations qui peuvent s'élever par rapport à la vente & distribution du sel. Le premier juge de cette chambre s'appelle le président des dépôts ».

 
Fauteuil à sel Tad Coz (utilisé dans le Finistère, le coffre du fauteuil servait à stocker le sel).
 
Boîte à sel pour la conservation en milieu rural, XIXe siècle, collection musées départementaux de la Haute-Saône.

En France, le sel a été exploité dans des marais salants sur les littoraux méditerranéen et atlantique, peut-être dès la Préhistoire, et à l'aide de fours à sel dans les sauneries gauloises puis gallo-romaines des rivages de la Gaule du nord (ce pourrait être une des origines du nom des saliens) d'où il était acheminé sous forme de pains de sel jusqu'à Rome par les voies romaines, ainsi qu'un jambon ménapien salé ou fumé, fort réputé chez les Romains. En raison de ses vertus de conservation de la viande, du poisson, du beurre et du fromage, le sel devient un ingrédient indispensable aux familles. La religion catholique imposant des jours maigres (sans viande), le poisson séché et conservé dans le sel est très demandé. La salière est commune autant aux familles pauvres que riches. Chez ces derniers, la salière est ornée et constitue un objet de luxe. L'exemple le plus éclatant est sans doute la salière de l'orfèvre italien Benvenuto Cellini que lui commanda le roi François Ier. Au XVIe siècle, l'importance du sel est telle que les dépenses d'une famille de paysans pour ce produit avoisine les 10 % de ses revenus4.

Le sel a été taxé pendant plusieurs siècles via un impôt spécifique appelé gabelle apparue sous Louis IX. Cette taxe devenue permanente, variable suivant les provinces et croissante au point de rendre le prix du sel élevé, est devenue si impopulaire qu'elle a entraîné des exodes ruraux massifs, déclenché des guerres et a participé au déclenchement de la Révolution française5. Une route du sel avec l'Italie est encore dans la géographie de la Provence. Les contrebandiers en sel étaient appelés « faux sau(l)niers » et les agents chargés de les traquer, les « gabelous ». Les litiges liés au sel et aux « greniers à sel » pouvaient relever des « cas royaux » : causes juridiques relevant de la seule souveraineté royale et donc « réservées à la connaissance des seuls juges royaux, privativement à tous autres juges » (seigneuriaux ou ecclésiastiques, et parfois prévosts qui n'étaient des « juges royaux inférieurs »).

En 1930, la Marche du sel initiée par Gandhi, pour protester contre le monopole britannique sur le sel, est une étape importante de la marche vers l'indépendance de l'Inde.

Parfois, la toponymie rappelle la présence de sel dans le sol comme dans Lons-le-Saunier ou Salins-les-Bains.

Typologie

Sel naturel

 
Sel de Noirmoutier fraichement récolté.

Le sel naturel n'est pas raffiné et contient encore tous ses minéraux naturels. Les sels naturels ont donc des propriétés gustatives et un aspect différent suivant la quantité de minéraux qu'ils contiennent. Ainsi, la fleur de sel ou le sel de mer récolté à la main ont une saveur unique qui change d'une région à une autre.

La fleur de sel ou le sel des marais salants ou le sel gemme non raffinés entrent dans cette catégorie.

Le sel non raffiné de mer est plus riche en magnésium (sous forme de chlorure de magnésium) ainsi qu'en oligo-éléments et en fer.

Cependant, les sels naturels, contrairement à la plupart des sels industriels, ne sont pas enrichis en iode et n'en contiennent que très peu naturellement6. Leur consommation régulière peut donc exposer aux maladies liées à la carence en iode, comme le goitre, des retards de croissance et divers troubles mentaux[réf. nécessaire].

Sel raffiné

 
Différents types de sel de Camargue

Le raffinage du sel est un procédé qui permet de le blanchir, de le rendre saupoudrable et d'optimiser sa conservation7. Il est pur à plus de 99,9 % de NaCl . Le sel raffiné reste le plus employé dans l'alimentation, c'est la forme courante d'usage chez le consommateur.

Le sel utilisé dans l'industrie est également raffiné. Du reste, l'usage comme additif alimentaire ne représente que 7% de son usage total. Les usages industriels sont la fabrication du papier, le réglage de la teinte des textiles et des tissus, la production de savons et de détergents, les adoucisseurs d'eau.

Adjuvants divers, rajout d'iode et fluoration

Des adjuvants, anti-agglomérants et composés fluorés ou iodés, lui sont habituellement rajoutés.

Des agents anti-agglomérants et de l'iodure de potassium (pour le sel iodé) sont généralement ajoutés au moment de la phase de séchage. Ces agents sont des produits chimiques hygroscopiques qui absorbent l'humidité évitant le colmatage des cristaux de sel. Les agents anti-agglomérants utilisés sont le ferrocyanure de sodium (E535), le phosphate, les carbonates de calcium ou de magnésium, les sels d'acide gras (sels acides), l'oxyde de magnésium, le dioxyde de silicium, l'aluminosilicate de sodium (en) (E554) et le aluminosilicate de calcium (E556 (en))8. Des inquiétudes ont été soulevées concernant les effets toxiques possibles de l'aluminium dans les deux derniers composés, comme l'explique le documentaire Aluminium, notre poison quotidien réalisé en 2011 par Valérie Rouvière. Cependant, l'Union européenne et les États-Unis permettent leur utilisation en quantités limitées. Le sel de raffinage est alors prêt pour l'emballage et la distribution.

De plus, depuis quelques années les industriels du secteur enrichissent ou complètent leur sel avec de l'iode (iodure de potassium) et du fluor. L'iode sert à combattre les goitres et à diminuer le crétinisme, le fluor contribue à prémunir des caries en renforçant l'émail. Toutefois, l'excès d'iode et de fluor conduit aussi à de graves maladies.

Le sel iodé de table a permis de réduire les insuffisances d'iode dans les pays où il est employé. L'iode est important pour empêcher la production insuffisante des hormones thyroïdiennes (hypothyroïdisme), qui peuvent causer le goitre, le crétinisme chez les enfants, et le myxœdème chez les adultes.

Sel de table

 
Salières de l'Île de Ré.

Le sel de table est un sel raffiné contenant à 95 % ou plus du chlorure de sodium presque pur, souvent iodé et fluoré. Il contient habituellement des substances qui empêchent le colmatage des cristaux (des agents anti-agglomérants) comme le silicoaluminate de sodium (le nom commun est Tixolex) et une quantité infime de sucre inverti pour empêcher le sel de tourner en une couleur jaune une fois exposé à la lumière du soleil, et pour empêcher une perte d'iode par vaporisation. Il est habituel de mettre quelques grains de riz cru dans les salières pour absorber l'humidité quand les agents anti-agglomérants ne sont pas assez efficaces.

Le sel de table est principalement utilisé en cuisine et à table comme condiment, souvent associé au poivre.

Le sel de table est maintenant employé partout dans le monde.

Définitions légales des sels alimentaires

France

 
Taux de sel de l'eau de mer, et proportion des différents sels, dont oligo-éléments.

Le sel de qualité alimentaire est un produit cristallin se composant principalement de chlorure de sodium, provenant de marais salants, de sel gemme ou de saumures provenant de la dissolution de sel gemme et répondant aux spécifications suivantes :

En France, la dénomination de vente du sel de qualité alimentaire est « sel alimentaire », « sel de table » ou « sel de cuisine ».

Pour celui provenant des marais salants, la dénomination devient « sel marin gris alimentaire », « sel marin gris de table » ou « sel marin gris de cuisine »9.

Canada

Les sels de table du Canada sont formés des ingrédients suivants : chlorure de sodium, thiosulfate de sodium, iodure de potassium et ferrocyanure de sodium.

Parfois, le terme chlorure de sodium est remplacé par le mot sel.

Techniques de production

La fabrication et l'utilisation du sel sont l'une des industries chimiques les plus anciennes. Plusieurs sources de production sont possibles. Récolté dans les marais salants, extrait des mines de sel gemme, produit par dissolution, recristallisé dans des salines ignigènes, le sel connaît plus d’une méthode de production. Il n’a pourtant qu’une seule origine : la mer.

Sel gemme

Le sel gemme est un dépôt de minerai contenant une grosse concentration de sel comestible. Ces gisements de sel ont été constitués par l'évaporation ancienne de lacs ou de mers intérieures. Ce type de dépôts est appelé évaporite. Chaque gisement a une composition particulière. On peut y trouver de la halite presque pure (NaCl), mais également de la sylvite (KCl) ou du gypse (CaSO4). Ces dépôts peuvent être extraits traditionnellement dans une mine ou par injection d'eau. L'eau injectée dissout le sel, et la solution de saumure peut être pompée à la surface où le sel est récolté.

Sel de mer

 
Marais salant et camelle en Camargue

Du sel est également obtenu par évaporation de l'eau de mer, habituellement en bassins peu profonds chauffés par la lumière du soleil ; du sel ainsi obtenu s'est autrefois appelé le sel de compartiment, et s'appelle maintenant souvent sel de mer.

Des changements climatiques peuvent affecter certains producteurs de sel de mer s'il y a augmentation de la nébulosité et de la pluviométrie dans certaines régions. À titre d'exemple d'influence de la météorologie, l'été 2007 ayant été très pluvieux, les salines de l'île de Ré n'ont pu récolter que 50 t de sel, soit 2 % de la production moyenne10. À l'inverse, l'année 2011 a vu la récolte du sel de Guérande démarrer avec un mois d'avance grâce à des conditions climatiques plus que favorables.

Autres

Le sel, d'origine marine, peut être extrait directement de la mer, via la saumure, c’est-à-dire d'eau marine évaporée et chargée en sel ou de gisements fossiles (gemme de sel).

Récemment la Polynésie Française qui compte un très vaste territoire maritime dispose également de plusieurs productions de sel marins sur les atolls de Rangiroa, Puka Puka et Bora-Bora.

L'évaporation de l'eau de la saumure peut-être naturelle ou d'origine humaine par chauffage de l'eau salée, comme à Salins-les-Bains. C'est une activité que les Gaulois pratiquaient déjà sur plusieurs sites du nord-ouest de la France, quatre cents ans avant Jules César, et qui dans ce cas a probablement contribué à la déforestation de ces régions. Ce sel est dit « sel ignigène », c'est-à-dire « né du feu ».

Utilisation

 
Stand de morue salée au marché de Villeneuve-lès-Avignon.

Le sel permet aussi la conservation des aliments par diminution de l'activité de l'eau. Au Moyen Âge, c'était le principal moyen de conserver les viandes et poissons. Aujourd'hui encore, certaines régions africaines dépourvues d'appareils frigorifiques utilisent le sel pour conserver viandes et poissons, tout comme les consommateurs des pays dits développés trouvent dans le commerce des produits salés : navet salé, hareng saur, morue, etc.

En cuisine, le sel permet d'assaisonner les plats. Les Italiens préfèrent le gros sel avec lequel ils relèvent leurs pâtes ; les Belges utilisent plus volontiers le sel fin emballé dans des sachets.

Dans un lave-vaisselle, le sel régénérant permet de renforcer l'action des résines échangeuses d'ions dans l'adoucisseur d'eau.

Alimentation

Chez l'humain

Les aliments contenant le plus de sel sont les charcuteries et les fromages, ainsi que les préparations cuisinées (plats cuisinés, soupes préparées) des aliments industriels.

Le sel joue par ailleurs plusieurs rôles en panification : fermentation, qualités organoleptiques, conservation. Le pain contient donc également beaucoup de sel, mais beaucoup de recettes de pâtisseries incluent également du sel dans leur pâte.

Le sel de table peut être « iodé » par addition d'un sel d'iode, cet élément étant nécessaire à la glande thyroïde pour la sécrétion des hormones thyroïdiennes et servant aussi au développement intellectuel. La vente de sel iodé est imposée par la règlementation dans plusieurs pays. Les ions chlorure et sodium contenus dans le sel sont aussi très importants pour le fonctionnement de l'organisme. En effet, ces ions jouent un rôle dans la conduction de l'influx nerveux, dans la contraction des muscles et dans la rétention d'eau dans le corps.

Santé humaine

En France et dans beaucoup de pays industrialisés, la consommation de sel est trop importante. Cette surconsommation, due également au sel se trouvant dans les préparations industrielles, entraîne de graves problèmes de santé, comme l'hypertension ou l'obésité qui sont la cause de plusieurs dizaines de milliers de morts prématurées chaque année. Il existe d'autres sels (comme le chlorure de potassium KCl, présent dans le sel de table non raffiné mais plus toxique pour les personnes ayant des maladies cardiaques, rénales ou des troubles de pression artérielle) mais peu répandus et plus coûteux.

Chez l'animal

 
Moutons léchant une pierre salée dans la vallée de l'Ubaye.

Chez de nombreux animaux, que ce soit les cordés (tétrapodes, poissons) ; ou bien les insectes et les mollusques par exemple, le sel assure les mêmes fonctions organiques (maintient de l'équilibre osmotique, transport d'ions, voir leur diffusion membranaire au niveau intercellulaire ) que chez l'homme. Souvent, les mammifères sauvages, surtout les herbivores, lèchent les pierres salées ou les salantes naturelles sources de sel.

En agriculture, les bovidés, ovidés et autres herbivores ont à disposition des pierres à lécher. Ce besoin est dû à la consommation élevée de calcium à cause de leur régime herbivore. De plus, les bovidés perdent encore plus de sel lors de la traite. C’est pourquoi on leur donne des pierres à sel à lécher pour couvrir leurs besoins.

Effet sur les papilles gustatives

Le chlorure de sodium peut modifier les saveurs primaires ; il diminue l'amer et le sucré, pondère l'acide et participe à l’intensité de l’umami, selon des mécanismes encore mal compris11.

Selon les industriels producteurs12 :

« Le chlorure de sodium (NaCl) augmente la sapidité des aliments, c’est-à-dire qu’il intensifie la perception des saveurs. Les ions Na+ stimulent les papilles gustatives tandis que les ions Cl donnent le goût salé. Le sel rehausse donc la perception de la saveur de certains aliments ayant un profil initialement fade et a ainsi un impact sur le profil global de saveur du produit fini, le rendant généralement plus agréable. Les composés chimiques non volatils sont dissous par la salive et détectés par plusieurs parties de la langue, du palais ou de la gorge. »

(extrait d'un Guide de réduction du sodium pour l’industrie alimentaire).

Pour les scientifiques, l'agrément que procure le goût salé aurait été sélectionné au cours de l'évolution pour nous faire consommer des aliments suffisamment riches en ions sodium Na+, un électrolyte essentiel pour l’équilibre électrolytique et l’équilibre hydrique de notre organisme13. Le goût salé serait « principalement dû à l’ion sodium » (NaCl, NaBr, Na2SO4, CH3COONa) et si d'autres composés comme CaCl2, LiCl2, NH4Cl, KCl ou KNO3 ont aussi une saveur salée, seul l'ion sodium procurerait « une saveur salée agréable »14.

Santé

On l'utilisait autrefois pour ses propriétés déshydratantes (ammochosie).

L'excès de consommation de sel par les habitants des pays développés est établi. Le milieu médical et scientifique (OMS, Inserm, etc.) considère que la consommation de sel dans les pays développés est excessive (pour la France15, deux fois supérieure aux recommandations de l'OMS16) pouvant être responsable de maladies cardiovasculaires et rénales. L'excès de sel provient essentiellement, à hauteur de 80 % des plats cuisinés, soupes et autres produits industrialisés. L'accoutumance au sel pourrait exister dès l'âge des nourrissons par le biais des petits pots et plats pour bébés17.

La quantité de sel absorbée quotidiennement peut être estimée par un interrogatoire diététique précis, mais peut être facilement objectivée par la mesure de la quantité de sodium excrété dans les urines, en l'absence de certaines prises médicamenteuses (notamment les diurétiques) : en situation stable la quantité excrétée est proche de la quantité ingérée.

Effets sur la santé

Le sel contient environ 40 % de sodium en poids18, auquel on attribue la majorité des effets positifs ou négatifs du sel.

Effets négatifs

 
Message affiché dans la vitrine d'une pharmacie.

Les effets néfastes de l'excès de sel sont connus depuis 196917. Le sel, ou chlorure de sodium, agit sur la tension artérielle en l'augmentant19. Le sel n'est pas l'unique facteur, mais il augmente les risques, favorisant également la rétention d'eau17. L'élévation de la pression artérielle augmente le risque d'accident cardiovasculaire, dont principalement l'infarctus. L'abus de sel est donc particulièrement déconseillé aux personnes souffrant d'hypertension artérielle, mais aussi, aux autres personnes. Au contraire, la réduction de l'apport sodé permet la diminution des chiffres tensionnels20. La diminution des apports sodés pourrait également, de manière indépendante de la baisse des chiffres tensionnels, diminuer le risque de maladie cardiovasculaire21.

L’excès de sel nuit transitoirement à la respiration cellulaire en perturbant le fonctionnement des mitochondries22.

L'excès de sel est également mauvais pour les reins : une consommation excessive de sel augmente le risque d'hypertension artérielle, l'une des principales causes d'insuffisance rénale. Au quotidien, un excès de sel peut également entraîner des complications chez les personnes déjà atteintes d'insuffisance rénale. Les reins malades sont en effet de moins en moins aptes à gérer ce surplus de sel, ce qui peut entraîner une rétention d'eau, elle-même responsable de l'apparition d'une hypertension artérielle17.

En , l'Agence européenne de sécurité alimentaire a rappelé que « les niveaux actuels de consommation de sodium sont associés directement à une augmentation de la tension artérielle, facteur de risque de maladies cardiovasculaires et rénales qui sont les principales causes de morbidité [maladie] et de mortalité en Europe23. » La réduction de consommation de sel permet de diminuer l'incidence des affections cardiovasculaires : sur une période de dix-quinze ans, les sujets ayant réduit jusqu'à 25-30 % leur consommation de sel ont souffert d'un quart d'accidents cardiovasculaires en moins24.

En cas d'insuffisance cardiaque, l'excès de sel augmente le risque de survenue de décompensation et peut conduire parfois à des complications importantes nécessitant une hospitalisation (œdème aigu du poumon).

Selon certains auteurs, l'excès de sel entraîne chaque année la mort de 1,6 million de personnes dans le monde (en 2010)25,26.

Une étude de 202127, met en évidence un effet défavorable sur le système immunitaire. Il est donc important de réduire sa consommation de sel pendant une infection bactérienne. La raison est due à une accumulation dans l'organisme de glucocorticoïdes, ce qui a pour effet d'inhiber l’action des granulocytes28. En effet, pour excréter le sodium, l'organisme réduit la production de minéralocorticoïdes et donc d'aldostérone synthase ce qui produit une accumulation de précurseurs d'aldostérone (des glucocorticoïdes) et réduit le développement de granulocytes neutrophiles. Par ailleurs les reins devant excréter le sodium, ils le remplacent pour assurer le gradient osmotique par de l'urée, laquelle nuit à l'efficacité anti-bactérienne des granulocytes neutrophiles27.

Effets positifs

Le sel, à petites doses, reste un élément indispensable. Il permet de maintenir une pression artérielle correcte et prévient les troubles liés à une concentration insuffisante de sel dans le sang (hyponatrémie) telle qu'elle se voit dans certains cas de déshydratation. Le besoin minimal physiologique est autour de 2 g/j29. Une consommation trop basse de sel pourrait même majorer le risque de survenue de maladies cardiovasculaires30.

Un effet positif a été relevé sur les infections de la peau (mais en général l'effet est négatif pour la plupart des infections)27.

Quantités recommandées

En , l'OMS (Organisation mondiale de la santé) conclut que la quantité de sel absorbée doit être inférieure à cinq grammes par jour31.

En , l'OMS rappelle les manières de réduire le risque de maladie cardiovasculaire, notamment « en consommant le moins possible de denrées riches en graisses, en sucre et en sel. »32.

La question de la surconsommation

L'habitude d'une consommation excessive de sel proviendrait de son usage intensif pour conserver viandes et salaisons. Cette consommation pouvait aller jusqu'à trente grammes par jour, entraînant des accidents vasculaires hémorragiques17. Mais, malgré l'invention de nouvelles techniques de conservation sans sel (« la chaîne du froid »), l'habitude de manger très salé est restée et sa consommation reste excessive au regard des recommandations des organismes de santé.

Les Français consomment en moyenne dix grammes de sel par jour29, soit le double de la dose recommandée.

Cette surconsommation serait responsable de plus de 75 000 accidents cardiovasculaires et de 25 000 morts chaque année en France29.

L'industrie agroalimentaire est accusée d'être responsable de la surconsommation de sel. Depuis de nombreuses années, les industriels ajoutent beaucoup de sel dans les aliments industriels (plats cuisinés, viandes panées, charcuteries, chips, pains, fromages, sauces, etc.), le tout participant à près de 80 % du chlorure de sodium absorbé chaque jour33. Les raisons de l'utilisation massive de sel dans les aliments industriels seraient le rehaussement de la perception du goût, le masquage de certaines saveurs, l'alourdissement de la viande en retenant l’eau34,29,17. Le goût du sel n'est pas inné mais l'agroalimentaire crée cette dépendance dès le plus jeune âge en salant les produits pour enfants. Certaines marques de produits pour bébés ont réagi en proposant des produits sans sel17.

Des recherches de substitution au sel sont menées : remplacement par le glutamate de sodium mais cet exhausteur de goût est soupçonné d'avoir des effets neurotoxiques ; par le chlorure de potassium mais il développe un arrière-goût amer. On recherche actuellement des exhausteurs de goût organiques sans effets indésirables. Une autre approche est de diminuer la taille des particules de sel, ce qui facilite sa dissolution et permet d'alléger les doses35.

Économie

Producteurs

Les principaux pays producteurs mondiaux de sel en 2019 sont36 :

 PaysProduction

(en millions de tonnes)

% mondial
1 Chine 59,0 20,83%
2 États-Unis 42,0 14,84%
3 Inde 29,0 10,27%
4 Allemagne 14,3 5,05%
5 Australie 13,0 4,59%
6 Canada 11,0 3,88%
7 Chili 10,0 3,53%
8 Mexique 9,0 3,18%
9 Brésil 7,4 2,61%
10 Russie 6,7 2,37%
11 Turquie 6,5 2,29%
12 Pays-Bas 5,9 2,08%
13 France 5,6 1,98%
14 Pologne 4,4 1,55%
15 Espagne 4,2 1,48%
15 Italie 4,2 1,48%
Total monde283100 %

Les principaux producteurs mondiaux de sel sont, en 2009 (capacité en millions de tonnes)37 :

Religion

 

Le sel occupe depuis longtemps une place importante dans la religion et la culture. Au temps des sacrifices brahmaniques, dans les rituels hittites et lors des fêtes tenues par les Sémites et les Grecs à l'époque de la nouvelle lune, le sel était jeté dans un feu où il produisait des bruits de crépitement. Les anciens Égyptiens, Grecs et Romains invoquaient leurs dieux avec des offrandes de sel et d'eau et certains pensent que c'est l'origine de l'eau sainte dans la foi chrétienne. Dans la mythologie aztèque, Huixtocihuatl était une déesse de la fertilité qui présidait sur le sel et l'eau salée.

Symbolique du sel dans l’hindouisme

Le sel est considéré comme une substance très favorable dans l'hindouisme et est utilisé en particulier dans les cérémonies religieuses comme les créneaux et les mariages. Dans le jaïnisme, les fidèles déposent une offrande de riz cru avec une pincée de sel devant une divinité pour signifier leur dévotion et le sel est saupoudré sur les restes crémés d'une personne avant que les cendres ne soient enterrées. Le sel est censé éloigner les mauvais esprits dans la tradition bouddhiste mahayana, et en revenant à la maison après les funérailles, une pincée de sel est jetée par-dessus l'épaule gauche car cela empêche les mauvais esprits d'entrer dans la maison. Dans le shinto, le sel est utilisé pour la purification rituelle des lieux et des personnes (harae, en particulier le shubatsu), et de petits tas de sel sont placés dans les plats à l'entrée des établissements dans le double but de repousser le mal et d'attirer les clients.

Symbolique du sel dans le judaïsme

Dans la Bible hébraïque, il y a trente-cinq versets qui mentionnent le sel. L'une d'entre elles mentionne la femme de Lot, qui fut transformée en colonne de sel lorsqu'elle regarda en arrière les villes de Sodome et Gomorrhe (Genèse 19:26) alors qu'elles étaient détruites. Quand le juge Abimélek détruisit la ville de Sichem, on dit qu'il « sème du sel dessus », probablement comme une malédiction sur quiconque voudrait la réhabiter (Juges 9:45). Le Livre de Job contient la première mention du sel comme condiment. « Est-ce que ce qui est désagréable peut être mangé sans sel ? Ou est-ce qu'il y a un goût de blanc d'œuf ? » (Job 6:6). Dans le Nouveau Testament, six versets mentionnent le sel. Dans le Sermon sur la Montagne, Jésus a qualifié ses disciples de « sel de la terre ». L'apôtre Paul a également encouragé les chrétiens à « que votre conversation soit toujours pleine de grâce, assaisonnée de sel » (Colossiens 4:6). Le sel est obligatoire dans le rite de la messe tridentine. Le sel est utilisé dans le troisième élément (qui inclut un exorcisme) de la consécration celtique (cf. rite galicien) qui est employé dans la consécration d'une église. Le sel peut être ajouté à l'eau « là où il est d'usage » dans le rite catholique romain de l'eau sainte.

Dans le judaïsme, il est recommandé d'avoir un pain salé ou d'ajouter du sel au pain si ce pain n'est pas salé en faisant Kiddush pour le shabbat. Il est de coutume d'étaler du sel sur le pain ou de tremper le pain dans un peu de sel en faisant passer le pain autour de la table après le Kiddush. Pour préserver l'alliance entre leur peuple et Dieu, les Juifs trempent le pain du sabbat dans le sel.

Symbolique du sel dans la Wicca

Dans la Wicca, le sel est symbolique de l'élément Terre. On croit aussi qu'il nettoie une zone d'énergies nocives ou négatives. Un plat de sel et un plat d'eau sont presque toujours présents sur un autel, et le sel est utilisé dans une grande variété de rituels et de cérémonies.

Notes et références

  1. Roskill, K+S, cité dans Les Échos, 3 avril 2009, p. 19

Voir aussi

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes

Poivre

 
 
 
Poivre
Image illustrative de l’article Poivre
Poivre vert, blanc et noir.
Botanique
Espèce Piper nigrum
Famille Piperaceae
Partie utilisée Fruit (baie)
Origine Inde
Production et économie
Normes ISO 959:-1
959:-2
10621
Codex Alimentarius HS 0790
Principaux producteurs Drapeau de la République socialiste du Viêt Nam Vietnam
Drapeau du Brésil Brésil
Drapeau de l'Indonésie Indonésie

Le poivre est une épice obtenue à partir des baies de différentes espèces de poivriers, des plantes de la famille des pipéracées. En France, seuls ont droit légalement à l'appellation de « poivre » sans plus de précision les fruits du poivrier noir (Piper nigrum)1 qui donnent le poivre vert, blanc, rouge, noir ou gris. Les fruits du Piper longum donnent le poivre long, ceux du Piper cubeba le poivre cubèbe2, ceux du Piper borbonense le poivre de Voatsiperifery.

Par analogie, d'autres épices qui proviennent de plantes bien différentes reprennent ce nom vernaculaire, mais ces « faux poivres » ont d'autres caractéristiques botaniques et donnent des saveurs différentes.

Origine et histoire

Son nom vient du sanskrit pippali, devenu en grec πέπερι (peperi), puis en latin piper. La culture du poivrier est originaire de la côte ouest de l'Inde (côte de Malabar), dans l'État du Kérala, et a gagné d'autres pays d'Asie du Sud-Est, Madagascar et plus tard le Brésil. Son utilisation en Grèce daterait de l'épopée d'Alexandre le Grand.

L'histoire antique du poivrier noir est souvent liée, et confondue, avec celle du poivrier long. Les fruits secs de ce dernier ont été utilisés pour fabriquer des pipeaux. Les Romains se sont servis des deux espèces sans distinction. C'est la découverte du Nouveau Monde et des piments qui a fait disparaître l'utilisation du poivrier long. Certains piments, une fois secs, ressemblent au fruit du poivrier long. Ceux-ci étaient plus faciles à cultiver en Europe.

 
Poivre de Jamaïque.

Au Moyen Âge, les épices comme le poivre étaient rares. La conquête d'Alexandrie en 642 par les Arabes marqua le début de leur commerce. Voilà pourquoi les épices les plus rares à l'époque, comme le poivre, furent utilisées comme monnaie d'échange3. De là vient également l'expression « cher comme poivre », ou encore « payer en espèces (épices) ». La richesse d'un noble pouvait être évaluée selon la quantité de poivre qu'il possédait. C'est ainsi que par la suite, les riches Allemands furent surnommés sacs de poivre4.

Son prix était exorbitant dans l'Antiquité et au Moyen Âge5. Avec le développement du commerce des épices et l'augmentation de leur demande par la bourgeoisie européenne, le prix du poivre en particulier a diminué dès cette période, la valeur totale de ses importations augmentant en volume mais restant constante en valeur6.

Le monopole sur son commerce tenu longtemps par l'Italie qui traitait avec les marchands arabes, a été l'une des raisons qui ont conduit les Portugais à chercher et à trouver une route maritime vers l'Inde. En 1498, Vasco de Gama devient le premier européen dont les navires atteignent l'Inde après avoir contourné l'Afrique ; lorsque les marchands arabes de Kozhikode (Indes) ont demandé à son messager ce qu'il était venu faire, il répondit « nous cherchons des chrétiens et des épices ».

À la suite du traité de Tordesillas en 1494, le Portugal venait de se faire accorder les droits exclusifs sur la moitié du monde dont est issu le poivre noir. Il développa alors des comptoirs en étendant leur Empire des Indes grâce à Afonso de Albuquerque. Leur monopole dura pendant toute la première moitié du XVIe siècle, les anciens réseaux de commerce arabes et vénitiens parvenant ensuite à contourner leur blocus d'autant plus aisément que les Portugais occupaient plus d'hommes à garder les forteresses de leurs comptoirs qu'à être marins et qu'ils n'ont jamais réussi à prendre le contrôle du golfe d'Aden. Au XVIIe siècle, les Portugais perdirent la quasi-totalité de leur commerce du poivre dans l'Océan Indien au profit des Néerlandais (avec leur Compagnie néerlandaise des Indes orientales) et des Anglais qui profitèrent de l'annexion du Portugal par l'Espagne entre 1580 et 1640. Les ports de la côte de Malabar, en Indes, firent commerce de poivre avec les Néerlandais à partir de la période 1661-1663.

À partir du XVIe siècle, le poivre a également été cultivé à Java et Sumatra (îles qui faisaient alors partie des Indes orientales néerlandaises et font aujourd'hui partie de l'Indonésie), en péninsule Malaise et ailleurs en Asie du Sud-Est, mais ces régions commerçaient principalement avec la Chine ou consommaient leur poivre localement. Le poivre était également cultivé à Madagascar.

Les espèces botaniques

 
Poivre noir en grappe.

Le poivre pousse sur une liane du genre Piper. Les autres épices, nommées parfois ainsi à cause de leur aspect évoquant le vrai poivre, proviennent de plantes très différentes.

Piper nigrum

L'espèce Piper nigrum produit, selon le stade de sa récolte et le type de sa préparation, le poivre vert, noir, rouge, blanc ou gris.

Autres espèces du genre Piper

L'espèce Piper longum produit le poivre long, très utilisé dans l'Antiquité et au Moyen Âge, mais presque oublié de nos jours. Son fruit est formé de graines minuscules. Sa saveur est plus chaude, légèrement sucrée et moins forte que celle du poivre noir ; elle est proche de celle de la cannelle. Il entre dans la composition élaborée du ras el-hanout.

L'espèce Piper cubeba produit le poivre cubèbe, un grain rond à petite queue, d'où son nom de « poivre à queue ».

L'espèce Piper borbonense produit le poivre de Voatsiperifery, poivre sauvage à queue au goût intense et incisif.

L'espèce Piper angustifolia8, appelée aussi "poivre long", poivre à crampons, herbe du soldat, est une variété d'Amérique du Sud avec des propriétés médicinales. Les indiens indigènes Shipibo-Conibos l'utilise sous le nom de matico pour soigner les maladies infectieuses 9.

Les faux poivres

Ce sont certaines plantes à baies parfumées dont l'aspect fait penser au vrai poivre. Malgré leur nom, ces baies ont d'autres caractéristiques botaniques et donnent des saveurs différentes10.

Principaux pays producteurs

La production mondiale de poivre atteint un pic de plus de 355 000 tonnes en 2003. Elle est de 271 000 tonnes en 200813.

Le Viêt Nam, qui ne produisait que 25 000 tonnes en 1994, est depuis 2001 le premier pays producteur et exportateur14. Il a le plus fort rendement à l'hectare : 1 200 à 1 300 kg (l’Inde a un rendement de 314 kg)15.

En 2008, le Viêt Nam produit 34 % de la production mondiale (98 500 tonnes14). Il est suivi de l’Inde (19 %, 50 000 tonnes), du Brésil (13 %, 35 000 tonnes), de l’Indonésie (9 %, 25 000 tonnes), de la Malaisie (8 %, 20 000 tonnes), de la Chine (7 %), du Sri Lanka (6 %) et de la Thaïlande (4 %)13.

Toujours en 2008, les exportations sont de 83 000 tonnes pour le Viêt Nam, de 36 000 tonnes pour le Brésil, de 30 000 tonnes pour l’Inde, de 19 000 tonnes pour la Malaisie, de 16 300 tonnes pour l’Indonésie, de 8 500 tonnes pour le Sri Lanka, de 3 000 tonnes pour la Chine, de 1 500 tonnes pour la Thaïlande16 et de 1 200 tonnes pour Madagascar17.

En 2009, la production mondiale est de 285 000 tonnes18 dont celle du Viêt Nam atteignant 105 600 tonnes14. En 2010, la production mondiale est estimée de 320 000 à 350 000 tonnes18.

Une bonne partie du poivre part vers Cochin, capitale de l'épice, où se croisent négociants, acheteurs, experts et fonctionnaires.

Le Brésil a produit en 2018 101 300 tonnes de poivre dont l'état de Pará 34 000 tonnes, celui d'Espírito Santo 30 000 tonnes et celui de Bahia 2 000 tonnes. La production a augmenté de 96 % entre 2015 et 2018 passant de 51 000 tonnes à 101 300 tonnes. Les exportations de poivre sont de 38 000 tonnes en 2015 à 72 600 tonnes en 2018. Les champs de poivres ont une superficie de 19 089 hectares en 2015 et passent à 34 342 hectares en 2018 soit une augmentation de plus de 53%.

Par contre le prix du poivre sur le marché international chute pendant cette période et le Brésil passe d'une recette de 347,7 millions de dollars en 2015 à 195 millions de dollars en 2018.

Principales appellations d'origine

grains de poivre noir
 
Poivre noir du Sarawak.

Le poivre noir est très apprécié des gourmets19. Les poivres noirs dits « d’origine » sont les plus réputés20 :

Composition

Le poivre doit sa saveur piquante à des amides de la pipérine.

Poivre frauduleux

Selon Christophe Brusset, certains poivres moulus sont constitués en partie de baies avortées, de poivre épuisé, de grignons d'olive ou d'autres « excipients »22. Cela expliquerait pourquoi certains poivres moulus sont vendus moins chers au poids que du poivre en grain, alors même que le broyage engendre un coût supplémentaire22.,

Notes et références

  1. Christophe Brusset, Vous êtes fous d'avaler ça ! Un industriel de l'agro-alimentaire dénonce, Paris, FLAMMARION, , 265 p. (ISBN 978-2-08-136310-6), chap. 16 (« Sur la piste du poivre épuisé »)

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Sur les autres projets Wikimedia :

Sauce tomate

 
 
 
Sauce tomate
Image illustrative de l’article Sauce tomate
Sauce tomate fraîche

Lieu d’origine Italie
Place dans le service accompagnement
Ingrédients tomate

La sauce tomate est une sauce salée, à base de tomates.

 
Sauce tomate.
 
Spaghettis à la sauce tomate.

Historique

Considérée comme un produit vénéneux, la tomate reste en Europe une simple plante ornementale pendant deux siècles.

Son usage en cuisine remonte seulement à la fin du XVIIe siècle. Elle apparait en 1692-1694, dans l'ouvrage d'Antonio Latini (it) intitulé Scalco alla moderna, où il est décrit une recette de sauce tomate1, dite salsa di pomadoro alla Spagnola (« sauce tomate à l'espagnole »). Déjà consommée par les paysans du Sud, la tomate conquiert alors la bourgeoisie2.

La tomate réapparaît, quatre-vingts ans plus tard, principalement farcie1, dans un livre de recettes de Vincenzo Corrado, le Cuoco galante, édité la première fois en 1773, et plusieurs fois réédité par la suite.

La première recette all'amatriciana, version rouge, des traditionnelles pâtes blanches alla gricia accommodées de sauce tomate2, est citée par Francesco Leonardi (en), dans son livre L'Apicio moderno, édité en 1790.

En France, les Provençaux sont les premiers à la consommer. Montés dans la capitale pour la fête de la Fédération nationale du 14 juillet 1790, ils exigent des tomates partout où ils vont3.

Le violoniste génois Niccolò Paganini, passionné de cuisine, compose en 1837, la première recette de ravioli avec la sauce tomate. En 1839, la première recette de pâtes à la tomate, vermicelli ca'pummarola, apparait dans le livre de cuisine en napolitain d'Ippolito Cavalcanti. En 1857, Carlo Dalbono présente le ragù pour la première fois dans son ouvrage Usi e costumi di Napoli (« Traditions et coutumes de Naples ») utilisé surtout comme une sauce tomate avec de la viande mijotée qui couvre le fromage sur les maccheroni, version rouge des cacio e pepe (fromage et poivre)2.

Pellegrino Artusi, dans son célèbre manuel La scienza in cucina e l'arte di mangiar bene (1891), distingue les différentes sauces tomate:

Usage

La sauce tomate accompagne nombre de plats. C'est une préparation nécessaire à certains mets, tels que les pâtes à la bolognaise et la plupart des pizzas.

En Grèce, la sauce tomate est complétée d'huile d'olive ou de beurre5.

Elle peut être réalisée soit à partir de tomates fraîches, soit à partir de concentré de tomates.

Elle est appelée aussi coulis de tomate, cependant le coulis est fait avec des tomates épépinées.

Notes et références

  1. Chrissa Paradissis, Le Meilleur Livre de cuisine grecque.

Bibliographie

Voir aussi

Sur les autres projets Wikimedia :

Articles connexes

Lien externe

Recette de la sauce tomate [archive]

Moutarde (condiment)

 
 
 
 
Plusieurs cuillères remplies de moutarde. De haut en bas et de gauche à droite : graines de moutarde blanche, moutarde blanche moulue, moutarde de table, colorée au curcuma, moutarde douce bavaroise, moutarde de Dijon, moutarde française à l'ancienne.
 
Graines de moutarde brune.
 
Plant de moutarde blanche.

La moutarde (du latin mustum ardens, « moût ardent ») est un condiment préparé à partir des graines d'une plante de la famille des Brassicaceae, appelée aussi moutarde. Ces graines sont petites, d'un diamètre approximatif de 1 mm. Leur coloration varie entre le blanc jaunâtre et le noir selon les espèces et participe à la teinte du condiment.

La moutarde est répandue dans plusieurs cuisines régionales et continentales. Sur l'ensemble des épices et condiments, la moutarde est le troisième produit le plus consommé dans le monde après le sel et le poivre1. En Inde, les graines de moutarde sont souvent cuites entières pour donner une saveur particulière à l'huile. L'huile extraite des graines est utilisée pour la cuisine au Bengale.

En France, le condiment connu sous le nom de moutarde est constitué des graines (en particulier de moutarde blanche), souvent réduites en farine et mélangées à du verjus. D'autres ingrédients peuvent être ajoutés, par exemple du sucre, du miel, du vin, du vinaigre ou du lait. La liste des ingrédients autorisés en France pour les moutardes figure dans le décret 2000-6582. Les graines entières peuvent être submergées de liquide avant le meulage si l'on veut fabriquer de la moutarde en grain dite à l'ancienne.

Origine du goût « piquant »

Les graines de moutarde contiennent naturellement des molécules de sinigrine et de myrosine (on retrouve ces substances également dans la racine de raifort). Sous l'effet du broyage et du mélange avec l'eau au cours de la préparation de la moutarde, une réaction chimique crée de l’isothiocyanate d’allyle, qui est une molécule organo-sulfurée.

Lors du passage de la moutarde dans la bouche, cette molécule entre en contact avec les cellules sensorielles de la langue, ce qui donne du goût. Lorsque cette molécule volatile atteint le palais et le traverse, elle stimule le nerf trijumeau, ce qui provoque une sensation plus violente, désagréable, ressentie dans la gorge et le nez : on parle de « moutarde qui monte au nez ».

Différents types de moutardes

 
Contenant à presser de moutarde jaune des États-Unis de marque French's.
 
Kotisinappi.
En Europe, où elle est peu distribuée, elle s'appelle généralement « moutarde américaine ». Son nom est traduit dans les différentes langues vernaculaires — par exemple en Autriche, elle est appelée Amerikanischer Senf — et elle s'assimile quelque peu à la moutarde bavaroise. Toutefois elle est d'un jaune plus vif et elle est considérée comme étant beaucoup plus douce et quelque peu plus vinaigrée, car elle est faite avec des graines de moutarde, du vinaigre blanc, du sel, du curcuma et du sucre.

85 % des graines servant à faire de la moutarde en France sont importés du Canada6. L'appellation d'origine « moutarde de Dijon » n'est commercialement pas préservée et c'est ainsi que tout le monde peut commercialiser n'importe quelle sauce sous cette appellation7.

Histoire en France

L'agronome romain Columelle est le premier à donner une recette au Ier siècle dans son De re rustica (XII, 55)8. Apicius, au IVe siècle, en fournit aussi une recette dans De re coquinaria. Introduite sous le nom de mustum ardens (moût brûlant) par les Romains en Gaule, elle était préparée en la délayant avec du moût de raisin. Les premières mentions écrite de recettes de moutarde en France remontent au XIIIe siècle.

En France, la moutarde était produite dans toutes les régions viticoles autour de Bordeaux, de Tours et de Reims, Dijon, grâce au vinaigre entrant dans la composition avec les graines de moutarde broyées, verjus et aromates tenus secrets. Dès le XIVe siècle, la Bourgogne s'en fait une spécialité.

Dans la Brie à Meaux l'industrie meunière importante due aux meules venues des carrières locales a permis à l'établissement de nombreux moutardiers. C’est au XVIIIe siècle qu’est mentionnée une moutarde confectionnée par des chanoines qui transmirent leur recette en 1760 à la famille Pommery, qui la passera au XXe siècle à la famille Chamois.

Les pots de moutarde, qui constituent un thème de collection prisé, étaient de petits pots en grès blanc, fermés à l'origine par un bouchon épais en liège, lui-même recouvert d'une capsule en étain, scellée à la cire. Il existait aussi des distributeurs de moutarde au comptoir, auprès desquels la ménagère venait remplir son récipient.

La moutarde connut un certain succès en France au XVIIIe siècle ; elle figure dans les écrits de quelques grands penseurs de l'époque, notamment Voltaire, qui l'utilise comme satire contre le cléricalisme dans une phrase assez méconnue : « À choisir, j'aurais plus confiance dans une vieille bigote à la moutarde que dans un pot de moutarde à la bigote. »

En 1937 eut lieu un fameux procès opposant deux moutardiers parisiens à deux moutardiers dijonnais, au sujet de l'appellation « moutarde de Dijon ». La Cour de cassation statua que l'appellation correspondait à une recette et non à un terroir. Ainsi, on put trouver des pots libellés, par exemple : Bornibus Paris France Moutarde de Dijon au vinaigre fin.

Après la Seconde Guerre mondiale, il y avait, en France, quelque cent soixante fabricants de moutarde. En 2002, il n'en restait plus que six. La dernière moutarderie alsacienne, Alelor, fondée en 1873, est située à Mietesheim dans le Bas-Rhin9. En Bourgogne, l'entreprise Fallot fondée en 1840 et basée à Beaune, est la dernière moutarderie familiale et indépendante10.

Ralentissement de la fabrication et pénurie de moutarde en France en 2022

La France a interdit depuis 2019 l'épandage d'insecticides sur les grains de moutarde, « une mesure jugée désastreuse par de nombreux producteurs, qui assurent que l'utilisation de ces pesticides ne nuisait pas aux insectes pollinisateurs »11. Ainsi, en 2020, les champs de moutarde « sont victimes de la sécheresse mais aussi et surtout de l'interdiction des insecticides. » En Côte-d'Or, les agriculteurs avaient prévu de fournir 15 000 tonnes de graines mais cette année, ils seront difficilement capables d'en proposer 5 000 tonnes12. L'altise, un coléoptère sauteur, fait des ravages en France13.

En 2022, le secteur de la moutarde fait face à des pénuries. La moutarde est de plus en plus absente des rayons des supermarchés français et son prix aurait augmenté de 9 % en un an. Parmi les raisons évoquées, viennent la baisse des exportations canadiennes divisées par deux en trois ans en raison d’une vague de chaleur ayant frappé ce pays en juillet 2021, ainsi que la guerre en Ukraine, l’Ukraine et la Russie, figurant parmi les exportateurs les plus importants de ces graines14. 32 000 tonnes de graines de moutarde sont nécessaires à la production française11. L'interdiction d'épandage d'insecticides a pour conséquence que les agriculteurs français se désintéressent de plus en plus de la production jugée trop peu rentable des grains de moutarde trop vulnérables aux insectes11. En 2022, environ 250 agriculteurs français cultivent la moutarde contre 350 cinq ans plus tôt15.

Toutefois, certains agriculteurs — tant dans la région de production historique de Dijon qu’ailleurs en France, comme en Charente-Maritime —, qui ne produisaient pas initialement de moutarde, profitent de la montée des prix et de la vulnérabilité des approvisionnements internationaux pour entamer sa culture. Cette relance se fait souvent en bio, et des expérimentations sont menées pour lutter contre les altises et les méligèthes sans pesticides, en semant, par exemple, la moutarde avec d’autres plantes comme les lentilles afin d’attirer les auxiliaires. La rapidité de cette relance permet à Luc Vandermaesen, directeur général de l’entreprise Reine de Dijon, troisième fabricant français de moutarde condiment, d’affirmer qu’« on espère doubler nos productions en 2023. D’ici deux ou trois ans, les Français auront dans leur assiette 100 % de moutarde française. »16.

Chiffres de la production agricole de graines de moutarde

Production en tonne de graines de moutarde. Chiffres 2016
Données de FAOSTAT (FAO)

Canada 250 500 35 %
Népal 171 499 24 %
Russie 72 993 10 %
Birmanie 48 384 7 %
États-Unis 43 670 6 %
Ukraine 35 580 5 %
Autres pays 94 753 13 %
Total 717 379 100 %

Production en tonne de graines de moutarde. Chiffres 2017
Données de FAO reprises par Les Échos17

Népal 159 710 28,3%
Canada 121 600 21,6%
Russie 98 319 17,4%
Birmanie 42 760 7,6%
Ukraine 31 000 5,5%
États-Unis 27 330 4,8%
Chine 18 415 3,3%
Kazakhstan 15 121 2,7%
France 14 160 2,5%
République tchèque 9 542 1,7%
Autres pays (14 suivants) 25 789 4,6%
Total 563 746 100%

Notes et références

  1. Dylan Loeb McClain, Bruno Battail et Jules Grandin, > « La moutarde : un grain peut en cacher un autre » [archive], sur Les Échos, (consulté le )

Voir aussi

Articles connexes

Lien externe

Mayonnaise

 
 
 
 
Les ingrédients possibles d'une mayonnaise.

La mayonnaise est une sauce froide à base d'huile émulsionnée dans un mélange de jaune d'œuf et de vinaigre, ou de jus de citron, additionnée de moutarde dans certaines régions.

Strictement parlant, la mayonnaise se prépare sans moutarde. Additionnée de moutarde, elle devient une rémoulade1.

Hypothèse des différentes origines et étymologies

Origine de la sauce

La sauce mayonnaise pourrait tirer son origine de la rémoulade ancienne2. Une autre hypothèse la ferait dériver de l'aïoli3. Enfin, le procédé d'émulsion au jaune d'œuf était connu de longue date des pharmaciens, qui l'utilisaient pour préparer pommades et onguents.

La sauce rémoulade était connue depuis longtemps et il en existait des versions chaudes ou froides : dans les deux cas, la base en était de l'huile, du vinaigre, du sel, des herbes, souvent encore d'autres ingrédients comme des câpres ou des anchois, puis de la moutarde4 ; bref ce n'était alors qu'une vinaigrette enrichie.

 
Recette des pigeons au beurre de Provence (François Marin, 1758).

Au XVIIIe siècle, Vincent La Chapelle eut l'idée d'y incorporer du « velouté », à base de roux, pour la lier. En 1742, François Marin publie dans la Suite des Dons de Comus une recette appelée « beurre de Provence » qui contient des gousses d'ail cuites dans l'eau, écrasées avec du sel, du poivre, des câpres et des anchois, puis mélangées avec de l'huile. Cette recette est aussi plus proche de l'aïoli, le jaune d'œuf apparaîtra plus tard5.

En 1806, André Viard, dans Le Cuisinier impérial, transforme cette recette de la rémoulade en remplaçant le roux par du jaune d'œuf6. Dans une autre recette, une rémoulade indienne, sans moutarde, il précise que la liaison est facilitée en incorporant l'huile peu à peu. Il s'agirait de la première mention moderne d'une sauce émulsionnée stable froide7. Dans le même livre, il propose aussi une sauce dite mayonnaise (première attestation répertoriée du nom) mais qui n'est pas une émulsion mais une sauce liée au velouté et à la gelée8.

Ce n'est qu'en 1815 qu'on trouve chez Antonin Carême trace d'une « magnonaise » froide émulsionnée au jaune d'œuf9.

Étymologie

Pour le nom, il semble apparaître pour la première fois en 180610. Les hypothèses invoquées au fil du temps quant à son origine ont été fort nombreuses, contradictoires, et d'autant plus difficiles à démêler que leurs auteurs étaient prestigieux11.

Selon Littré, il pourrait venir de Mahón, capitale de Minorque, dans les Baléares (Espagne), occupée par les Anglais puis conquise par le maréchal de Richelieu en 1756. Son cuisinier lui aurait présenté cette sauce, baptisée la « mahonnaise », fabriquée avec les deux seuls ingrédients dont il disposait : œuf et huile. Néanmoins, cette sauce commençait à être décrite un peu avant cet événement12.

Un autre élément permettrait de conforter cette origine minorquine. Dans son manuscrit Art de la Cuina, llibre cuina menorquina del s. XVIII13, le moine franciscain Fra Francesc Roger (ca) (du Real Monasterio de Santa Clara) parle maintes fois d'une sauce qu'il nomme aioli bo (« bon aïoli »). S'il n'en décrit pas précisément la recette — laissant par là penser qu’elle était connue de chacun dans l'île —, la manière dont elle est utilisée, les préparations pour lesquelles elle sert de base et les plats auxquels elle est associée sont le plus souvent inconcevables avec un aïoli mais parfaitement cohérents avec une mayonnaise, une sauce froide à l'huile, sans ail mais liée au jaune d'œuf3. On trouve d'ailleurs déjà dans le premier recueil de cuisine en catalan14, le Llibre de Sent Soví (1324), une sauce froide aux herbes et à l'huile émulsionnée au jaune d'œuf, la sauce jurvert15.

Une autre hypothèse repose, d'après Carême, sur un dérivé de « magnonaise » (du verbe « magner », ou « manier ») ou, d'après Prosper Montagné, de « moyeunaise » (ou « moyennaise »), basé sur « moyeu(x) » (ou « moyen ») qui signifie « jaune d'œuf », en vieux français. On a pu aussi proposer de rattacher le mot à l'ancien verbe « mailler », signifiant « battre16 ».

Joseph Favre affirme, quant à lui, dans ses mémoires, que mayonnaise est une altération du mot « magnonnaise », dérivé de Magnon (Lot-et-Garonne), et qu'un cuisinier de Magnon l’aurait vulgarisée d’abord dans le Midi ; il note que cette sauce a été nommée indifféremment mahonnaise, bayonnaise et mayonnaise17.

La ville française de Bayonne (sauce « à la bayonnaise ») aurait également pu donner son nom à ce type de sauce, par déformation orthographique18. Cette forme semblerait être confirmée par le fait qu'il n'existe pas de trace écrite de la sauce « à la mayonnaise » avant le début du XIXe siècle, donc longtemps après la prise de la ville de Mahón19.

Sauce mayennaise

La sauce mayennaise est une variante de la mayonnaise dont une première mention est chez Archambault (1821)20.

Préparation

 
Réalisation d'une mayonnaise en vidéo.
5:45
 
Autre vidéo d'une préparation de mayonnaise.

La recette originale de la mayonnaise se compose de jaune d'œuf, de vinaigre, d'huile, de sel et de poivre. On peut y ajouter différents ingrédients pour en relever le goût, comme le citron, la moutarde, cette dernière améliorant la fermeté de l'émulsion. Elle peut être légèrement sucrée, comme en Allemagne et aux Pays-Bas.

Joseph Favre, qui utilise de l’huile d’olive, a donné trois recettes à froid différentes (mayonnaise aux blancs d’œufs, à l’œuf entier, aux jaunes d’œufs) et une à chaud (aux jaunes d’œufs).

La sauce pouvant « tourner » (l'émulsion étant rompue, l'huile surnage), diverses astuces ont été proposées aux cuisiniers ; par exemple, on peut ajouter un soupçon de farine à l’œuf cru21.

Usages

Elle accompagne préférentiellement les préparations froides et constitue un élément indispensable à certains mets, comme la tomate aux crevettes, la salade russe, l’œuf mimosa, œuf mayonnaise, le sandwich au thon ou la pêche au thon.

Elle est également associée aux frites en Belgique.

Sauces dérivées, mayonnaises condimentées

Elle sert aussi de sauce mère pour d'autres sauces, du moins dans leurs versions contemporaines, parmi lesquelles selon Y. Alleno (2014) la sauce cocktail, la sauce tartare, la sauce gribiche, la sauce Vincent, la sauce La Varenne22, et selon La cuisine de référence (2015) la sauce andalouse dans sa version froide, la sauce mousquetaire, la sauce verte, l'aïoli, la mayonnaise-collée ou mayonnaise à la gelée (pour les chauds-froids), la sauce Chantilly23.

Favre (1905) décrit dans son Dictionnaire des variantes intéressantes qu'il a mises au point et qui sont toujours pratiquées: la mayonnaise à l'œuf entier, la mayonnaise chaude24.

Dans la cuisine de Palace classique Escoffier (1928) donne une grande variété de salades liées à la mayonnaise diversement condimentée: mayonnaise relevée de piment et de moutarde dans la salade d'Estrée, de citron et d'estragon haché dans la salade Gobelin, à la crème avec cerfeuil et estragon dans la salade Irma, crème et cayenne dans la salade Mignon, au jaune d'œuf dur et aux noix dans la salade Sylvestre, au coulis d'écrevisse crémé dans la salade Tredern, au corail de homard dans la salade Victoria25. En 1928, Ali-Bab donne de nouvelles déclinaisons adaptées à de nombreux plats froids: Mayonnaise à la moutarde, à la pulpe de citron, à la purée d’asperges, à la ravigote, au raifort, aux œufs de homard26.

Aspects physico-chimiques

2:52
 
Explication vidéo des réactions chimiques donnant la mayonnaise par Geneviève Ponsonnet

La mayonnaise doit monter, c'est-à-dire s'émulsifier ; le tout se transforme en une masse onctueuse et homogène. Le principe est le suivant : le jaune d'œuf contient des composés tensioactifs (protéines, phospholipides), qui permettent de réaliser une émulsion de l'huile dans l'eau. L’eau peut donc être remplacée par tout élément qui en contient, par exemple du vinaigre, ou du jus de citron, qui en modifient aussi le goût. Tant que l'eau est en excès, l'ajout d'huile épaissit la mayonnaise, tandis que l'ajout d'eau provoque l'effet inverse.

La sauce mayonnaise est l'exemple le plus courant des fluides antithixotropes ou rhéoépaississants. Ces fluides ont la propriété de devenir de plus en plus visqueux lorsqu'ils sont soumis à un effort. Lorsqu'une mayonnaise « tombe », c'est à cause de l'inversion de l'émulsion (passant de « huile dans eau » à « eau dans huile »). La cause en est, la plupart du temps, un ajout trop rapide de l'huile1.

La quantité d'huile incorporée à la mayonnaise est un facteur crucial, avec la taille des gouttelettes, pour augmenter la consistance de l'émulsion. Pour que la mayonnaise tienne, la quantité d'huile de ne doit pas dépasser 17 fois la quantité d'eau (soit un peu plus de 94 %), sans quoi l'eau ne peut plus accueillir les gouttelettes d'huile27.

Dans la cuisine industrielle, la mayonnaise est fabriquée par un moulin colloïdal, composé d'un stator fixe et d'un rotor tournant à haute vitesse. Le temps de résidence dans la chambre est relativement court, de l'ordre de quelques secondes ; l'écartement entre le rotor et le stator peut aller de quelques centaines de micromètres à quelques millimètres. L'action du rotor transforme les gouttelettes d'huiles en gouttes plus petites grâce à l'instabilité de Plateau-Rayleigh. Le taux de cisaillement (vitesse linéaire du rotor divisée par la largeur de l'entrefer) peut atteindre des valeurs relativement élevées : 10 000 à 100 000 s−1.

Marché de la mayonnaise

En France, il est dominé par Amora, leader avec 32,6 % de parts de marché en 2009, suivi de marques de distributeurs et Bénédicta avec respectivement 26,6 % et 21,4 % de parts de marché28.

Aux États-Unis, sur un marché de 1,6 milliard €29, la concurrence est maintenant exacerbée, avec l'arrivée, en 2013, de Just Mayo (Hampton Creek), sauce à laquelle Unilever (propriétaire d'Amora) reproche de ne pas contenir d'œuf. L'affaire est en cours devant la Cour suprême du New Jersey30.

En Russie, la mayonnaise est préparée avec de l'huile de tournesol et de l'huile de soja. Elle est plus consommée que la sauce ketchup. 31

Il existe aussi un certain nombre de préparations culinaires sur le marché, commercialisées comme mayonnaises végétales, végénaises ou véganaises. Ces sauces évoquent le goût de mayonnaises, mais sans employer d'ingrédients de provenance animale.

Aspects légaux

En Belgique, un arrêté royal datant de 1955 réglementait le commerce de la mayonnaise ainsi que sa composition32. En 2016, le Gouvernement fédéral belge a révisé cet arrêté, réduisant la teneur de la mayonnaise en matières grasses et en œuf pour l'aligner sur la norme européenne33.

Depuis 1991, il existe en effet un code européen de la mayonnaise qui doit comporter 70 % minimum de matières grasses totales (soit sensiblement 69 % d’huile végétale et 1 % de lipides de l’oeuf) et 5 % minimum de jaune d’œuf.

Ce code précise également les règles relatives aux autres ingrédients, qu’ils soient obligatoires (vinaigre de fermentation) ou facultatifs (moutarde, sel, sucre…)34.

Aspects culturels

Il est fait référence à la mayonnaise dans trois expressions imagées de la langue française :

Dans le monde des arts et par analogie, la peinture à l'œuf est parfois dite à la mayonnaise37. Cette technique qui consiste à mélanger au niveau macromoléculaire deux substances non miscibles que sont l'eau et l'huile, permet d'obtenir une opacité parfaite. Ce procédé était utilisé par les peintres flamands du début du XVe siècle, notamment par Jan van Eyck à qui cette invention a été attribuée bien qu'elle soit plus ancienne38.

En pétrochimie, le terme de mayonnaise désigne « l'émulsion se formant dans un puits entre le pétrole brut et l'eau, la boue ou éventuellement l'acide mort37 ».

Notes et références

  1. « Jan Van Eyck » [archive], sur www.rivagedeboheme.fr (consulté le ).

Voir aussi

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie

Articles connexes