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Catégorie : Les Armes
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France-La Grande Armé(e)-Artilleries(Lourde-à cheval-Navale-Campagne-Portés)-Canonniers-Grenadiers-Cavaleries-Dragons-Contre-Maitre-inspecteurs-contrôleurs-Formateurs--états-Major-Munitions-Mitrailleuses-Chasseurs-éclaireurs-Guardes-Les Blindés(Blindages)Stratégies-Tactiques-Logistiques-Approvisionements-Couvertures-Soutiens=Appuis-Tourelle à 360 degrés d'Angle-Snipers-Mineurs=Place les Mines ou les pièges ou les bombes

 

Artillerie

 
 
 

On appelle artillerie l'ensemble des armes collectives ou lourdes servant à envoyer, à grande distance, sur l'ennemi ou sur ses positions et ses équipements, divers projectiles de gros ou petit calibre : obus, boulet, roquette, missile, pour appuyer ses propres troupes engagées dans une bataille ou un siège. Le terme serait apparu environ au XIIIe siècle, dérivant du vieux français artillier qui désignait les artisans, fabricants d'armes et équipements de guerre. Ces artisans ont été pendant longtemps les seuls spécialistes dans le service de ces armes puisqu'ils les fabriquaient et les essayaient avant livraison. C'est pourquoi, jusqu'au XVIIIe siècle, ils étaient commissionnés par les souverains pour les servir à la guerre.

 
Canon exposé devant la basilique Notre-Dame de Montréal, Québec.

Ainsi et par extension, le nom d'artillerie désigne l'ensemble des produits fabriqués par les artilleurs et par les fonctions de mise en œuvre et de soutien qui lui sont rattachées. Il finit donc par désigner aussi l'ensemble des troupes chargées de mettre en œuvre ces armes d'où la création d'unités militaires et d'armes spécialisées. L'emploi de l'artillerie nécessite le renseignement, la surveillance, l'acquisition d'objectif, le réglage du tir, la transmission des informations, une logistique complexe qui comprend le transport des pièces, la construction d'itinéraires et de moyens de franchissement à cet effet, l'approvisionnement en munitions, et l'entretien des armes. Par ailleurs, à partir d'elle se développent toutes les fonctions relatives à la fortification et aux sièges, de la conception et de la construction des places fortes ou des fortifications de campagne à l'élaboration des sapes et des mines destinées à les investir.

De ce fait, tout au long de l'histoire militaire, elle donne naissance aux armes du génie (fortifications, routes, pontonniers), des transmissions, de l'aérostation, de l'aviation légère des armées de terre, du train des équipages (d'artillerie), du matériel (parc d'artillerie) et, par transfert, aux chars de combat regroupés à l'origine sous le terme d'artillerie d'assaut.

Enfin l'artillerie à feu succédant à l'artillerie à jet, concentre toutes les fonctions relatives à l'utilisation des poudres, y compris, comme en France jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, à l'élaboration, à la fabrication et à l'utilisation des armes à feu d'infanterie.

En raison de sa complexité, elle reste longtemps l'arme scientifique par excellence, attirant nombre de savants. À partir de 1794, en France, l'École polytechnique lui fournit de manière privilégiée ses cadres jusqu'à la Seconde Guerre mondiale. De plus, elle est le symbole de la puissance car elle nécessite des investissements importants. Sous Louis XIV, elle reçoit la devise d'Ultima Ratio Regum, le « dernier argument des rois ». Elle est l'arme déterminante pour beaucoup de grands chefs militaires comme Napoléon Ier (qui était artilleur de formation). Ses évolutions conditionnent profondément la manière de faire la guerre.

 

Histoire

L'artillerie névrobalistique

 

Antiquité

En Asie, la Chine est la première à maîtriser l’artillerie (pào bīng). Celle-ci est souvent reconnue comme étant l'ancêtre de l'artillerie occidentale. L’arbalète et la baliste sont apparues pendant la période des Royaumes combattants (-). C'était l'outil des tirs de saturation qui étaient une des tactiques favorites des armées asiatiques. Des exemplaires de ces « armes du diable » ont été découverts avec l’Armée de terre cuite du mausolée de l’empereur Qin shi Huang (-), dont une version améliorée pour tirer à répétition (Chu ko nu).

En Europe, au milieu du IVe siècle av. J.-C., les Grecs utilisaient une large gamme d’armes de jet lourdes : lithobolos (lanceurs de pierres) et catapeltai (lanceurs de flèches) agissant par tension d’arc, torsion à câbles ou effet de levier.

La baliste est décrite au Ier siècle av. J.-C. par l'auteur grec Héron d'Alexandrie dans un traité sur la fabrication des machines de jet (Belopoiïca). Il attribue à Ctésibios d’Alexandrie cet agrandissement de la gastrophène, ancêtre de l’arbalète, à la demande de Denys l'Ancien, tyran de Syracuse, en

Pour attaquer la Perse en , Alexandre disposait d’une forte artillerie servie par un corps d'ingénieurs spécialisés. Elle jouera un rôle essentiel dans la plupart de ses victoires. Notamment, c’est elle qui a couvert la traversée du Iaxarte. Balistes et scorpions ont permis la prise de Tyr en protégeant la construction d’une jetée pour amener à portée des murailles une catapulte géante qui a ouvert une brèche pour l’assaut final. Ils ont aussi contribué à la victoire décisive de Gaugamèles en brisant la formation compacte des Immortels de Darius, préalable indispensable à la charge définitive d’Alexandre et ses hétaires.

Les Romains ont découvert l’artillerie grecque après leurs guerres contre la Macédoine (-). Mais celle-ci n’y a pas joué de rôle, la plupart des batailles ayant été des escarmouches de hasard dégénérant en affrontements confus opposant des légions expérimentées et mobiles à des phalanges statiques formées à la hâte par des chefs incompétents. Selon leurs habitudes, les ingénieurs romains ont vite adopté et amélioré ces engins nouveaux pour lesquels leurs généraux ont codifié des doctrines d’emploi efficaces. Ils en feront un très large usage. Sous Auguste, chaque légion déploie sur le champ de bataille 55 balistes et 10 onagres, auxquels s’ajoutent des machines encore plus lourdes pour les sièges. Ces pièces sont fréquemment mentionnées dans les écrits romains (César, Végèse, Arrien…) et figurent sur plusieurs monuments, comme la colonne Trajane.

Moyen Âge

 
Baliste médiévale.

Quelques types d'engins névrobalistiques :

Fin du Moyen Âge

 
Veuglaire (XIVe - XVe siècle).

L’artillerie connaît un progrès important avec la découverte d'une énergie propulsive, rapidement et directement utilisable, la poudre noire. La poudre à canon elle-même est généralement reconnue pour avoir été découverte en Chine vers le IXe siècle, durant la dynastie Tang (618-907). La première mention de la formule date de 1044, dans le Wǔjīng zǒngyào 武經總要. La première utilisation semble avoir été faite le 28 janvier 1132, utilisée par le général Han Shizhong pour prendre une ville dans le Fujian.

Lors du siège de Séville entre l’été 1247 et novembre 1248, des écrits attestent que des canons ont été utilisés contre le royaume de Castille par les défenseurs maures durant le siège, ce qui serait la première utilisation de poudre à canon en Occident.

Les premières descriptions de la poudre noire en Europe datent du milieu du XIIIe siècle, dans un ouvrage daté de 1249, attribué à un moine franciscain britannique, Roger Bacon. Simultanément, on retrouve une description à Cologne chez un certain Albertus Magnus (Albert le grand). Après quelques essais décevants de fusées incendiaires, on imagina d'utiliser les gaz produits par la déflagration comme propulseur dans un tube pour lancer un boulet :la bombarde était née.

Contrairement à la légende, le moine Berthold Schwartz (1310-1384) n'a pas inventé la poudre mais il aurait conçu et développé les premiers tubes en bronze. Toutefois, certains auteurs mettent son existence en doute.

L'artillerie consiste en la réunion de la poudre comme agent de propulsion et le tube comme agent de lancement et de guidage. Sa première apparition notable a lieu à Metz, de 1324 à 1326, pendant ce que l'on a appelé la guerre des quatre seigneurs. Une couleuvrine et une serpentine ont été utilisées. Les canons de cette époque n'étaient guère puissants, et leur emploi le plus utile était la défense des places fortifiées, comme pour Breteuil où, en 1356, les Anglais assiégés utilisèrent un canon pour détruire une tour d'assaut française. À la fin du XIVe siècle, les canons pouvaient défoncer les toits d'un château, mais restaient impuissants devant ses murailles.

 
Canons médiévaux en métal.

Après une utilisation anecdotique de tubes en bois, les premiers tubes en métal sont construits au début du XIVe siècle en Angleterre, ainsi qu'en Italie, en France, en Allemagne et en Espagne. La première image d'un canon date de 1326, sur un manuscrit anglais.

La métallurgie médiévale ne permet pas de fondre des canons d'un seul bloc, ils sont dans un premier temps réalisés d'une manière analogue aux tonneaux, avec des pièces de fer forgé (les douelles) ou même de bois, tenues ensemble par des cerclages en fer ou même en cuir (en Italie par exemple), dans les cas de tubes à douelles. Par la suite, les tubes à douelles sont remplacés par des tubes à spirales, constitués d'un fin feuillet de fer entouré autour d'une âme en bois dur, renforcé en l'entourant à chaud de plusieurs fines barres de fer de section carrée, entourées en sens contraire.

Dans ces conditions, les tubes sont très souvent sujets à des éclatements inopinés, dangereux, voire fatals pour leurs utilisateurs au-delà d'une dizaine de coups. Les tubes étaient testés huit fois devant l'acheteur et étaient garantis pour 400 coups, d'où l'expression « faire les 400 coups ». En raison de cette fragilité, les charges de poudre propulsive sont nécessairement limitées, réduisant ainsi la portée et la puissance à l'impact. De plus, les charges perdent beaucoup d'efficacité du fait de l'importante traînée des projectiles, le vent de boulet étant difficile à maîtriser en raison du manque de régularité dans leur fabrication.

 
Mons Meg, 1457.

Un autre problème pour l'artillerie de siège est lié à la nature des projectiles. En pierre dans un premier temps, ils ont tendance à éclater lors de l'impact contre un objectif solide, comme une muraille d'enceinte.

À la fin du Moyen Âge, l'artillerie est pleinement entrée dans les modes de guerre. Elle est difficile à employer sur le champ de bataille en raison de son manque de mobilité. Toutefois, elle a un effet indéniable, elle tue et a un effet psychologique majeur. Elle a été utilisée par les frères Bureau à la bataille de Castillon (fin de la guerre de Cent Ans) et il en est fait mention par le Florentin Giovanni Villani dans son récit de la bataille de Crécy (1346), même si aucun autre élément ne corrobore ce seul texte (aucun chroniqueur anglais, entre autres, n'en faisant état).

Les frères Bureau, au service du roi de France, participent à une rationalisation de l'arme qui sera un élément déterminant de la victoire française à la fin de la guerre de Cent Ans.

Renaissance

Variété des pièces

 
Pierrier à boîte « Meurtrière », 1510 Francenote 1,1.

La classification des pièces d'artillerie telle qu'établie par Maximilien d'Autriche (1459-1519) est très « poétique ».

Pour l'artillerie lourde
Pour l'artillerie de campagne
Pour l'artillerie de marine

Canons de bronze

Peu à peu, la métallurgie trouve de meilleurs techniques et matériaux pour la fabrication des pièces. Les armes en métal coulé, chargées par la bouche, sont d'abord faites de fonte.

À partir de 1450, le bronze s'impose comme matériau de fabrication privilégié2. Bien que coûteux, il présente l'avantage d'être un métal plus « souple » que la fonte, de se déformer plutôt que d'éclater en cas de surpression. La tendance est à l'allongement des tubes pour améliorer à la fois leur précision et leur portée. L'usage des moules, comme pour fondre les cloches, permet de réaliser des pièces d'un seul tenant, de les produire en grande série avec des calibres standardisés3.

L'affût

 
Affût de contrescarpe de 4.

Parallèlement, on travaille aussi à rendre l'artillerie plus mobile et plus précise. Jusqu'en 1480, l'affût est un support inerte. À cette date, les frères Bureau développent l'affût à roues et les tourillons, axes fixés de part et d'autre du tube pour permettre son réglage en site. Ces innovations marquent le passage de la bombarde au canon, car elles permettent un pointage plus aisé, en portée comme en direction, et une bien meilleure mobilité.

Le projectile

Le problème des projectiles est résolu, au milieu du XVe siècle, d’abord en cerclant de fer les projectiles en pierre (innovation des frères Jean et Gaspard Bureau), puis en les remplaçant par des boulets en fer battu, plus résistants. Les boulets métalliques en fer, trois fois plus denses que la pierre (à diamètre égal, ils pèsent trois fois plus lourd) et de tailles standardisées, font plus de dégâts que les boulets de pierre : ils n'éclatent pas à l'impact comme ceux-ci le faisaient fréquemment mais, au contraire, ce sont les maçonneries qu'ils percutent qui volent en éclats et se désagrègent. Cette puissance de percussion va permettre de réduire le diamètre des boulets, donc le calibre des tubes qui deviennent plus légers, plus transportables, ce qui favorise le développement de l'artillerie de campagne très mobile3.

Par ailleurs, la fusée propulsée (ou roquette) est toujours utilisée, mais demeure un instrument de combat marginal, en raison de son manque de précision et de sa dangerosité.

Emploi opérationnel de l’artillerie

L'artillerie se révèle une arme efficace de siège et de campagne lors des campagnes d'Italie de Charles VIII à la fin du XVe siècle, où toutes les places fortes assiégées par l'armée française succombent les unes après les autres. Cette efficacité de l'artillerie se confirme au tout début du XVIe siècle, durant la Guerre de la Ligue de Cambrai, où les Italiens découvrent avec effroi que leurs murailles ne résistent pas à l'artillerie de François 1er4. Il n'existe plus alors de forteresse imprenable, car plus un mur est haut, plus il est vulnérable au tir des boulets métalliques. En outre, les dommages faits aux habitations d'une ville assiégée sont considérables, notamment grâce aux tirs paraboliques (tirs courbes) qui, passant par-dessus les murailles de l'enceinte, viennent s'abattre sur les toits des habitations qu'ils défoncent.

Au XVIe siècle, l'artillerie de siège est devenue si efficace que les techniques de fortification doivent être repensées de fond en comble. Avec la multiplication des obstacles pour parvenir à l'enceinte intérieure, le tir en enfilade ou le tir flanquant devient un des deux critères majeurs de conception. Il vise à la fois à le favoriser chez le défenseur et à le rendre le plus difficile possible à l'attaquant. Il donne naissance au tracé à l'italienne ou tracé bastionné5.

La période classique : arme de moins en moins auxiliaire et marque de puissance

L'artillerie connaît une phase importante de stagnation technologique entre le XVIIe et la première moitié du XIXe siècle. Les armes mises en œuvre par les armées de Louis XIV sont peu ou prou les mêmes que celles de Napoléon. Les variations se font surtout dans la tactique et dans l'emploi de l'artillerie. Cette période est donc dénommée "classique".

 
Canon obusier de 12 à Disneyland Paris.

Mise en œuvre de l’artillerie classique

 
Outils pour le chargement d'un canon.
 
Gargousses.

Le chargement des canons se fait par la gueule. La première opération est le chargement :

Une fois le canon chargé, la gargousse (qui contient la poudre) est crevée avec le dégorgeoir à gargousse que les artificiers enfoncent par la lumière (fin canal cylindrique percé dans le fût du canon, tout à l'arrière de celui-ci). De la poudre fine est versée dans la lumière pour amorcer la charge. Puis le feu y est mis par le boutefeu (manche autour duquel est enroulée une mèche qui reste toujours allumée).

Une fois le coup tiré, le fût du canon est débarrassé des débris du tir avec une brosse (dotée d’un long manche), puis nettoyé avec un écouvillon (doux)6.

Effets de l'artillerie

Jusqu'au milieu du XIXe siècle, les effets de l'artillerie sont essentiellement fondés sur l'énergie cinétique du projectile.

Pour ce qui est de l'artillerie de campagne, les tirs sont directs, c'est-à-dire que les canons et les objectifs sont à vue. Il n'y a donc pas de défilement possible, ni de tirs au-dessus des troupes. La visée se fait directement sur le tube.

L'artillerie est particulièrement visible, notamment parce qu'elle doit occuper des points hauts et parce qu'elle émet quantité de fumée.

Deux types d'effets physiques sont attendus. D'une part, dans le combat éloigné, le boulet renverse les lignes de fantassins, de cavaliers ou les batteries d'artillerie adverses en tombant et en rebondissant dans leur rangs (méthode dite du « tir à ricochet » qui a été systématisée par Vauban lors du siège d'Ath). En combat rapproché, d'autre part, la boîte à mitraille projette des centaines de micro-projectiles comparables aux plombs d'un fusil de chasse.

Les types de boulets sont divers : boulet simple, boulets ramés avec des chaînes, boulets encastrés avec des « ailes », boulets conjugués, boulets chauffés à blanc, etc.

Pour ce qui est de l'artillerie de siège, le tir peut être direct lorsqu'il s'agit de détruire une muraille visible ou atteindre des hommes en position sur celle-ci. Il peut être parabolique (= plongeant), c'est-à-dire avec un angle de tir supérieur à 45° pour détruire les objectifs militaires ou civils protégés au milieu de la citadelle. Cet effet physique crée un effet psychologique multiplicateur souvent décisif. C'est pourquoi se développent des systèmes de fortifications « à l’italienne » qui mettent notamment à défilement les murailles des citadelles dans des fossés pour éviter les coups directs de l'artillerie sur la maçonnerie.

Les évolutions

Au début du XVIIe siècle, l'artillerie demeure une arme auxiliaire. Sa construction, sa mise en œuvre, sa logistique et son organisation restent entre les mains d'une administrations civile. Elle reste l'apanage des puissants, ceux qui peuvent se payer des canons, « ultima ratio regum » (« l'arme ultime des rois ») proclame la devise de l'artillerie de Louis XIV. Elle déploie des matériels divers, pléthoriques et très peu standardisés. La guerre de Trente ans qui concerne toute l'Europe oblige à une rationalisation radicale qui dure jusqu'à la fin des guerres napoléoniennes.

Réorganisation de l'artillerie

En 1630, le roi de Suède Gustave-Adolphe constitue une nouvelle artillerie, plus mobile et plus légère. Il limite le nombre de calibres disponibles. Il établit une distinction entre l'artillerie lourde destinée aux sièges, à la guerre de position ou à la protection des franchissements, l'artillerie de campagne, qui appuie l'infanterie, l'artillerie légère qui est mise en œuvre par les fantassins eux-mêmes.

 
La compagnie d'artillerie de Ferrand de Cossoy, début XVIIIe siècle.

En France, à partir de 1668, l'administration de l'artillerie est militarisée. Six compagnies, quatre de canonniers et deux de bombardiers sont créées. En 1671 est créé le corps des fusiliers du roi qui a pour mission la garde et le service de l'artillerie royale. Une école d'artillerie jouxtant l'université de Douai est fondée par Louis XIV en 1679. Par la suite, un grand nombre d'écoles d'artillerie, nationales et régimentaires sont créées. L'ensemble des unités est regroupé en 1693 dans un régiment, le Royal-Artillerie. En 1765, après un siècle d'organisation sous l'égide de Louis XV et de militaires comme François de Jaunay, l'artillerie française est articulée en sept régiments et dispose alors d'une solide formation dans les nombreuses écoles de France. Le modèle des pièces est rationalisé et standardisé dans un système connu sous le nom de « système de Vallière ».

L'artillerie est employée répartie sur l'ensemble de la ligne de bataille en batteries de quatre à dix pièces. Le combat commence par une canonnade, puis, alors que la bataille se développe au contact de l'ennemi, elle tire « à mitraille ».

En Angleterre, l'artillerie est militarisée à partir du 26 mai 1716, date à laquelle le roi George Ier décide de fonder deux compagnies permanentes de 100 hommes installées à Woolwich. En 1720, le terme de Royal Artillery est utilisé pour qualifier les deux compagnies. Le 1er avril 1722, le Royal Regiment of Artillery est créé à partir des deux compagnies originelles auxquelles sont jointes deux compagnies supplémentaires et deux compagnies indépendantes de Gibraltar et de Minorque. En 1741, la Royal Academy of Artillery et l'arsenal royal sont créés à Woolwich. En 1757, le régiment comprend deux bataillons de douze compagnies chacun. En 1748, trois compagnies sont créées en Inde, au Bengale, à Madras et à Bombay. En 1771, le régiment compte quatre bataillons de huit compagnies soit trente-deux au total. En novembre 1793 sont créés deux groupes de Royal Horse Artillery, destinés à accompagner les unités de cavalerie.

Développements de nouveaux modèles de pièces

Le mortier est inventé au début du XVIIe siècle pour surmonter l'amélioration des fortifications. Il est introduit peu à peu en Hollande puis en France. Le mortier est un tube court destiné à tirer des projectiles en tir plongeant par-dessus des obstacles. Les projectiles peuvent être inertes, de grosses masses, ou bien explosifs. Dans ce dernier cas, ils prennent alors le nom de bombes. Les bombes sont de gros boulets creux bourrés de poudre noire. Une petite lumière est percée dans leur paroi et une courte mèche à combustion lente y est introduite. La longueur de la mèche est calculée de manière que la bombe éclate au moment de l'impact contre l'objectif ou bien, la durée de combustion pouvant varier d'une mèche à l'autre, une fraction de seconde avant ou après l'impact. La mèche de mise à feu de la charge explosive contenue dans la bombe était allumée séparément quelques secondes avant le départ du coup, à l'aide d'un boute-feu manié par un servant ou bien par l'intermédiaire de la flamme du tir.

Un tube appelé obusier, d'une longueur intermédiaire entre celle du canon et celle du mortier, est alors développé pour lancer de tels projectiles.

Des pièces d'artillerie légère « à la suédoise » développées en 1732 sont introduites avec beaucoup de réticence dans les régiments d'infanterie français.

Au milieu du XVIIIe siècle, le roi de Prusse Frédéric II invente l'artillerie à cheval, capable de suivre et de soutenir la cavalerie.

L'artillerie prussienne sert de modèle à l'ensemble des artilleries du continent. Jean-Baptiste de Gribeauval est chargé de la réforme de l'artillerie française sur ce modèle.

Deux personnages parfois rivaux donnent aux rois de France une artillerie digne de leurs ambitions.

Jean-Florent de Vallière (1667-1759)

Directeur de l'artillerie en 1720, Jean-Florent de Vallière réorganise l'artillerie composée de deux régiments, le Royal Artillerie et le Royal Bombardiers, en cinq bataillons de huit compagnies chacun, chaque compagnie regroupant une centaine d'hommes. On lui doit la réduction du nombre des calibres désormais limités à cinq : 4, 6, 8, 12 et 24 livres. Il rationalise la production des canons, notamment par l'amélioration des techniques de coulée. Le système de Vallière est approuvé le 7 octobre 1732.

Jean-Baptiste Vaquette de Gribeauval (1715-1789)

Inspecteur de l'artillerie en 1764, il cherche à organiser une artillerie la plus adaptée aux tâches qui lui sont demandées.

À cet effet, il divise l'artillerie en quatre catégories :

Pour l'ensemble de l'artillerie :

Pour l'artillerie de campagne :

Le système Gribeauval est approuvé par l'ordonnance du 13 août 1765. Il est le système officiel de l'armée française jusqu'en 1827, date de la mise en place du système Valée. À la Révolution, l'artillerie est devenue une arme nouvelle qui compte de plus en plus sur les champs de bataille. Elle commence à intéresser les théoriciens comme du Puget, le baron du Teil, le comte de Guibert et Scharnhorst. La France a pour réputation d'avoir la meilleure artillerie d'Europe et surtout, de savoir s'en servir.

De Vallière et Gribeauval sont à la fois complémentaires et rivaux : complémentaires parce que Gribeauval appuie sa réforme sur la standardisation des calibres de De Vallière, rivaux parce qu'ils ont une conception différentes de l'artillerie. De Vallière tend à favoriser les gros canons moins mobiles mais plus puissants ; Gribeauval, lui, préfère des canons plus petits mais plus mobiles et proches du champ de bataille. Bien que disgracié pendant dix ans par le fils de De Vallière, de 1764 à 1774, c'est Gribeauval qui l'emporte. Ses canons légers et mobiles, qu'il dit aussi puissants, aussi robustes et d'une portée équivalente à celle des gros canons lourds de De Vallière, équipent l'artillerie de la Révolution et de l'Empire.

Le système Gribeauval est modifié à la marge à la suite des campagnes de la Révolution et de l'Empire.

Au niveau de l'organisation :

Au niveau du matériel, il est supplanté en partie par le système de l'an XI qui comprend :

pour l'artillerie de campagne :

Le système Valée lui fait suite à partir de 1827. Il reste dans la logique Gribeauval, dont il garde beaucoup d'aspects.

Il résulte des constatations faites à la fin des campagnes napoléoniennes, notamment sur l'artillerie anglaise, apparue plus mobile et plus efficace que l'artillerie française. Il consiste donc :

Influence du développement de l'artillerie sur la fortification

Des leçons tirées de la guerre de Trente ans, Vauban conçoit un nouveau système de fortification adapté aux progrès de l'artillerie car bien moins vulnérable aux projectiles. De même, il conçoit des techniques d'emploi de l'artillerie pour venir à bout de ces mêmes fortifications, notamment le tir dit de saignée pour ouvrir la brèche dans les murailles et le tir à ricochet (le boulet est tiré avec une charge de poudre plus faible de manière à avoir juste assez de vitesse et d'inertie pour passer au-dessus des parapets derrière lesquels se tient l'artillerie des défenseurs, puis à s'abattre transversalement au milieu de celle-ci en fauchant les canons et leurs servants5.

Les évolutions du XIXe siècle vers une arme déterminante

Pendant tout le XIXe siècle et jusqu'à la guerre de 1914, l'artillerie devient un élément déterminant du champ de bataille. Elle prend une nouvelle dimension avec les campagnes de la Révolution et de l'Empire, elle joue un rôle essentiel dans les batailles du XIXe et trouve l'apogée de son emploi pendant la Première Guerre mondiale où elle démontre à la fois sa puissance mais aussi ses insuffisances.

L'artillerie pendant la Révolution et l'Empire

L'artillerie prend de plus en plus d'importance de par son efficacité sur le terrain et l'origine militaire de Napoléon Ier ainsi particulièrement sensible à son emploi.

Organisation

 
Artilleur du train (à gauche) et à pied de l'époque napoléonienne.

Le , l'artillerie française devient une arme à part entière. Elle dispose des sept régiments à deux bataillons de dix compagnies de l'Ancien Régime. Elle conserve surtout et beaucoup mieux que l'infanterie, les cadres de l'Ancien Régime comme Bonaparte qui ont cultivé l'excellence et qui la mette à disposition des armées de la République. Tout au long de la période, elle ne cesse de s'étoffer et de s'améliorer.

Sur le plan technique, l'artillerie de la Révolution et de l'Empire n'a guère évolué car elle reste essentiellement fondée sur le système de Gribeauval, hérité de l'Ancien Régime. Il ne sera pas notablement amélioré pendant la période. La supériorité dont elle fait preuve tient à sa quantité et à son emploi stratégique et tactique.

L'emploi de l'artillerie française est caractérisé par trois points forts : sa mobilité, sa proximité de l'infanterie et sa capacité de concentration instantanée et la qualité professionnelle de ses personnels.

Mobilité

La mobilité tactique de l'artillerie tient à ses batteries d'artillerie à cheval, surnommée « artillerie volante ». Neuf compagnies d'artillerie à cheval sont créées en 1790. Elles deviennent une pièce maîtresse de la supériorité française dans les campagnes et sur les champs de bataille grâce à leur mobilité, leur souplesse, leur réactivité et leur esprit offensif. Elles acquièrent leur indépendance le sous le nom d'« artillerie légère ».

La mobilité stratégique tient en grande partie à son organisation. Un ensemble complet de soutiens adapté à ses qualités est progressivement créé. Le transport effectué par des entreprises civiles sous l'Ancien Régime est progressivement militarisé. Le train des équipages est officiellement créé le 26 mars 1807. Les pontonniers destinés à faciliter ses franchissements sont créés en une spécialité séparée attribuée au génie le .

Sont ajoutées progressivement à l'ensemble des compagnies d'ouvriers, des unités de vétérans chargés de mettre en œuvre l'artillerie de place, des unités d'artillerie côtières et des fonctionnaires chargés de l'entretien et de la surveillance des matériels au sein de parcs d'artillerie, centre de réparation et de stockage. Par ailleurs, dix sept compagnies coloniales sont créées le 3 avril 1804 pour protéger les colonies et une artillerie de la Garde est constituée.

Proximité de l'infanterie et capacité de concentration instantanée

Le principe consiste à faire en sorte que l'artillerie soit proche de l'infanterie pour la soutenir à tout moment. Dès le début de la Révolution, deux pièces sont attribuées à chacun des bataillons de la Garde nationale. Au cours des années 1810-1811, Napoléon fait distribuer deux pièces d'artillerie à chacun des régiments d'infanterie pour rapprocher l'artillerie du cœur du combat, renforcer les fantassins et compenser ainsi leur moindre qualité.

Cependant, à tout moment, l'artillerie est capable de se concentrer rapidement aux ordres de l'Empereur ou du général en chef dans une « grande batterie » pour appuyer l'effort majeur de la bataille, ouvrir la route à la cavalerie et forcer ainsi la décision.

Qualité professionnelle de ses personnels

L'artillerie bénéficie d'une gestion particulière de ses personnels. Elle cultive une excellence qui s'est perpétuée jusqu'à aujourd'hui. Elle reçoit les gens les plus brillants. L'artilleur est un soldat très aguerri. Son apprentissage est long et repose sur un entraînement minutieux répété incessamment et quelles que soient les conditions du combat. Les artilleurs inaptes au service en campagne sont regroupés dans des compagnies de vétérans qui ont un rôle de police sur les territoires de l'Empire.

Généralisation de ces règles d'emploi aux autres artilleries

Tout au long de la période, les adversaires de la Révolution et de l'Empire n'ont de cesse que d'imiter le modèle napoléonien qui est un des facteurs indéniables de la supériorité des armées françaises.

Des développements considérables dus à l'industrialisation

Dès le début du XIXe siècle, l'artillerie fait l'objet d'études nombreuses tant pour améliorer le matériel, tubes, poudres, etc., que pour optimiser la balistique. Ces évolutions changent son emploi et sa mise en œuvre du tout au tout.

Les poudres

Depuis le Moyen Âge, l'artillerie utilisait exclusivement de la poudre noire dont les défauts étaient clairement identifiés. Outre la fumée qu'elle générait au départ, qui la faisait immanquablement repérer et qui recouvrait le champ de bataille du « brouillard de la guerre », sa puissance laissait à désirer et son dosage précis était très difficile ce qui limitait automatiquement la maîtrise des effets et de la portée. Au XIXe siècle, des études permettent d'inventer de nouvelles poudres. Dès les années 1830, de nouveaux explosifs sont inventés. Plus puissants que la poudre noire, ils ont l'avantage de faire peu de fumée. Un mélange de coton, de sciure de bois et d'acide nitrique - le fulmicoton - est inventé par un chimiste français Henri Braconnot. De même, la nitroglycérine est découverte en Italie et la nitrocellulose aux États-Unis. Toutefois, ces explosifs sont instables et après des essais infructueux, ils ne peuvent être produits en masse. Il faut donc attendre le début des années 1880 pour trouver des formules de stabilisation. La nitrocellulose est plastifiée avec un mélange d'éther et d'alcool. Le fulmicoton et la nitroglycérine sont de même stabilisés pour donner un mélange du nom de cordite.

Ces poudres servent à la fois à l'amorçage, à la propulsion et à l'explosion des munitions.

Jusqu'au milieu du XIXe siècle, l'amorçage est assuré par de la poudre noire finement moulue, le pulvérin, que l'on met dans la « lumière », sorte de trou fait dans la partie arrière du canon, et qui doit être allumé à l'aide d'un boute-feu, sorte de tige en corde dont un bout se consume. Outre le fait que le boute-feu est source de risques car il peut enflammer la poudre ambiante, le pulvérin craint l'humidité et peut faire « long feu », c'est-à-dire ne pas transmettre la flamme ou ne le faire qu'après un certain délai. Les nouvelles poudres sont conditionnées sous formes d'étoupilles, sortes de capsules hermétiques dans lesquelles sont mises des poudres relativement instables et qui sont mises à feu par la percussion d'une amorce. Ces étoupilles sont mises dans une « lumière » ou directement incluses dans les douilles des projectiles et transmettent ainsi l'explosion aux gargousses.

De même, la propulsion est assurée par de la poudre noire qui est grossièrement dosée à l'aide de cuillères, introduite par la bouche de la pièce, tassée par un écouvillon et éventuellement complétée par une bourre. Naturellement, avec des facteurs aussi approximatifs, la portée des canons est très aléatoire, et la cadence de tir très lente est dépendante de longues périodes d'entraînement des servants. Avec les nouvelles poudres dont la composition est très précisément contrôlée et dont le conditionnement, en gargousses correspondant à des charges très rigoureusement dosées, les portées sont maîtrisées. Des tables de tir, résultat d'expérimentations normées, sont établies et comprennent la portée exacte générée par la combinaison charge / angle de tir ainsi que la « fourchette » qui correspond à l'écart probable circulaire obtenu lors des essais.

À partir de 1850, l'artillerie connaît des améliorations en cascade qui amènent au summum qu'elle atteint avec la Première Guerre mondiale.

Les projectiles

Jusqu'au milieu du XIXe siècle, l'effet de l'artillerie contre les troupes et contre les fortifications est essentiellement mécanique, (cf. Les effets de l'artillerie). Dès 1776, on s'aperçoit que la forme optimale d'un projectile d'artillerie est la forme cylindro-ogivale mais ce n'est qu'à partir de 1886, qu'il devient le projectile de base de l'artillerie en raison notamment de l'invention des nouvelles poudres. Très vite l'obus sonne la fin du boulet. Il est fabriqué en acier, et rempli de mélinite. Sa forme pointue permet d'obtenir une pénétration optimale dans l'air et rend les canons plus efficaces car elle augmente de manière significative leur portée. À calibre constant, elle permet une augmentation très importante de la charge explosive par rapport au boulet sphérique et permet une multiplication des types de projectiles. Enfin, elle assure une meilleure maniabilité des munitions pour le servant comme pour la logistique.

En 1784, le lieutenant anglais Shrapnel invente un projectile plein de poudre et de billes en acier qui explose en l'air à une distance donnée et qui a des effets dévastateurs sur l'infanterie. Il est utilisé en quantité à Waterloo en 1815.

À l'issue de cette évolution, la gamme des obus disponibles permet de varier de manière considérable les effets obtenus en fonction des caractéristiques de l'objectif. Cette variété est multipliée grâce à l'invention de la fusée, dispositif qui permet de commander leur explosion.

Jusqu'au milieu du XIXe siècle, les projectiles sont rarement explosifs. Lorsqu'ils le sont, les dispositifs de mise à feu du projectiles sont sommaires et peu fiables. Soit, la mise à feu est indépendante, au moment du tir, l'obus est amorcé à l'aide d'un pulvérin ou d'une mèche auquel un servant met le feu grâce à un boutefeu, soit on compte sur le feu de la poudre de propulsion pour allumer le dispositif. Outre le fait qu'ils sont dangereux, ces moyens sont très approximatifs notamment parce que le calcul du retard est très difficile. La fusée, inventée à partir des années 1880, permet de régler avec précision le moment d'explosion de l'obus. Elle est soit fusante, pour faire exploser l'obus en l'air à proximité du sol et neutraliser ainsi les fantassins et les objectifs « mous », soit percutante. La percussion peut se faire au contact ou elle peut être retardée afin de laisser l'obus s'enfoncer dans le sol par l'énergie cinétique et détruire ainsi les tranchées ou les fortifications enterrées. Leur mode de fonctionnement peut être très varié. Elles peuvent être pyrotechniques comme sur l'obus explosif fusant de 75 où un serpentin de poudre est percé au niveau de retard désiré et mis à feu avec la poudre de propulsion. Elles peuvent être percutantes, à l'aide d'un simple dispositif d'amorce qui explose au contact.

Les tubes

L'évolution de la technologie des tubes se fait selon cinq critères : la solidité, la légèreté, les rayures, le chargement par la culasse et la maîtrise du recul.

La solidité

L'amélioration de la solidité est nécessaire pour que le tube résiste aux pressions générées par les nouvelles poudres et les aménagements apportés aux projectiles.

L'acier remplace le bronze et la fonte dès le milieu du XIXe siècle et montre sa supériorité non seulement en matière de solidité mais aussi de légèreté.

La légèreté

L'amélioration de la légèreté permet de rendre l'artillerie de campagne plus mobile et plus apte à suivre au plus près les troupes de mêlée. Le remplacement du bronze et de la fonte par l'acier en est un facteur déterminant. L'enjeu consiste par ailleurs à établir un double équilibre entre la minceur des parois du tube et sa résistance à l'éclatement d'une part et entre la longueur du tube/ le calibre et les performances désirées d'autre part, tout en gardant aussi une vue sur sa longévité (coups compensés : nombre de coups à charge maximales autorisés dans la vie du canon) et sa solidité/rusticité.

Les rayures

Les rayures internes du tube, (rayures hélicoïdales dont le pas — nombre de tours sur elles-mêmes effectués sur une longueur d'un mètre — permet de déterminer la vitesse de rotation du projectile) apparues vers 1858 et systématisées très rapidement dans toute l'Europe à partir de cette date, permettent d'améliorer notablement la précision et la portée du canon. Elles sont associées à des ceintures de forcement en métal mou (initialement du plomb ou de l'étain et ultérieurement du cuivre) placées sur le corps de l'obus. D'une part, les rayures impriment au projectile un mouvement de rotation sur lui-même extrêmement rapide qui lui confèrent un effet gyroscopique assurant une stabilité et un équilibre quasi parfait sur la trajectoire. D'autre part, ces bandes de métal tendres qui ceinturent l'obus limitent les déperditions des gaz de propulsion et permettent de jouer précisément sur le dosage de la poudre pour maîtriser la portée.

Le chargement par la culasse

Le chargement par la culasse amène deux améliorations majeures. D'une part, il favorise la rapidité du tir en limitant les déplacements et les manœuvres des servants pour recharger la pièce. D'autre part, il permet d'installer sur les canons des boucliers qui protègent ces mêmes servants des tirs d'infanterie ou des éclats d'obus pour qu'ils puissent agir au plus proche des lignes de front. Il oblige, par ailleurs, un conditionnement standard de la munition, des charges pesées avec précision et conditionnées dans des gargousses numérotées et, pour certains calibres, des douilles en métal ductile (bronze, fer blanc).

La maîtrise du recul

Le maîtrise du recul favorise la rapidité du tir car elle permet de tirer plusieurs projectiles à la suite sans avoir à repointer la pièce, tâche très souvent critique dans la mise en œuvre de l'artillerie. Elle fait l'objet d'une concurrence technologique effrénée entre les nations et entre les fabricants de canon.

Depuis le Moyen Âge, de nombreuses techniques avait été recherchées pour limiter les effets du recul mais ce n'est qu'à la fin du XIXe siècle qu'il est convenablement maîtrisé.

Les premiers dispositifs anti-recul sont fondés sur des cordes qui lient la pièce à un point fixe puis des patins ou de sabots mis sur les roues de l’affût et la bêche qui permet d'ancrer la flèche dans le sol. Mais s'ils le limitent, ils ne le suppriment pas.

La deuxième génération est fondée sur le principe du frein hydraulique que Krupp développe dès les années 1880 mais que les Français maîtrisent brillamment avec le canon de 75 mm modèle 1897 qui leur donne des années d'avance en matière d'artillerie de campagne.

L'amélioration des techniques de pointage
 
Place de tir au début du XVIIIe siècle in : Mémoires… par Pierre Surirey de Saint-Remy.

Jusqu'à la veille de la Première Guerre mondiale, l'artillerie agit en soutien de l'infanterie en tir quasiment direct. À quelques rares exceptions, l'artilleur voit son objectif. À partir des années 1890 grâce à l'allongement des portées, les techniques de pointage s'améliorent pour lui permettre d'effectuer des tirs indirects plongeant ou verticaux. Ce développement a plusieurs avantages. L'artillerie n'est plus à vue directe de l'adversaire et peut se placer derrière des obstacles ou des défilements, à des distances qui la protègent des tirs d'infanterie et des tirs directs de l'artillerie adverse, ce qui réduit d'autant sa vulnérabilité. Les nouvelles poudres sans fumée la rendent d'autant plus difficile à repérer. C'est pourquoi ses feux sont devenus de plus en plus imprévisibles et l'effet psychologique de ses coups en est largement augmenté. Toutefois, pour ce faire, il lui faut de nouvelles techniques et de nouvelles procédures de tir que les différentes artillerie ont du mal à intégrer dans leurs modes d'action.

Le tir indirect devient donc le mode privilégié de tir dans l'artillerie allemande en 1890. L'artillerie britannique s'y exerce à partir de cette date et l'expérimente en réel lors de la Guerre des Boers. Quant à l'armée française, elle prend du retard en la matière. Les pièces d'artillerie lourde développées au début du XXe siècle en France comme l'obusier de 155 Rimailho voient même leur portée volontairement limitée pour éviter la tentation du tir indirect à longue distance. Il faut attendre les débuts de la Première Guerre mondiale pour qu'elle se rende vraiment compte de son utilité et qu'elle l'adopte définitivement.

La problématique des techniques de pointage consiste à relier géométriquement l'objectif avec les batteries dans un système commun de référence en trois dimensions (latitude=x, longitude=y, altitude=z).

Pour acquérir l'objectif, un observateur qui doit être au plus prêt des troupes appuyées devient nécessaire. Il doit déterminer les coordonnées de l'objectif dans le système de référence commun et régler les tirs au mieux. À cet effet, il lui faut des matériels topographiques légers et performants (jumelles, longues-vues, télémètres, théodolites, boussoles, etc.) qu'il utilise au plus proche des unités d'infanterie appuyées.

La séparation entre le fantassin et ses appuis obligent au développement des matériels de transmission des données qu'il acquiert (Estafettes, téléphone, radio, etc.), nonobstant des protections pour lui permettre d'effectuer ses opérations sous le feu (boucliers, observatoires cuirassés, etc.) à partir d'une situation dominante donc facilement repérable.

Les données ainsi acquises sont transmises à la batterie où elles sont transformées en termes d'artillerie pour la batterie entière (type d'objectif, effet physique à obtenir, dimension géographique de l'effet à obtenir, modification des termes pendant le tir, etc.) et pour chaque pièce (type d'obus, type de charge, type et réglage des fusées, azimut, angle et instructions de coordination). Elles peuvent aussi servir à la coordination des feux de tous les moyens d'appui disponibles sur un champ de bataille. La batterie elle-même doit être précisément repérée dans le système de référence commun. Son efficacité se fonde donc sur une topographie précise, en situation comme en angles, acquise grâce à des théodolites et des télémètres, pour la topographie, des goniomètres et des jalons pour l'orientation des pièces et des techniques de calcul performantes mais simples, pour réagir rapidement et limiter les erreurs.

D'autres éléments sont peu à peu pris en compte, l'homogénéité des lots de poudre et d'obus, la température de la poudre, l'usure du tube, les éléments aérologiques (vitesse et orientation des vents par couche, température et densité de l'air, etc.), et même rotation de la terre pour améliorer encore la précision.

Le grand inconvénient du tir indirect est le tir fratricide, relativement commun pendant la Première Guerre mondiale. En effet, outre le fait que l'artilleur ne voit pas son objectif, plus les données du tir sont complexes et plus les chances d'erreurs sont grandes. Des systèmes d'alerte sont mis en place pour éviter cet état de fait mais ils ont du mal à s'imposer dans la mêlée du combat.

L'organisation

Avec le système Valée, la batterie de quatre à huit pièces devient l'unité élémentaire de l'artillerie. Elle regroupe la partie artillerie proprement dite et sa logistique immédiate, les trains de combat qui la rend plus autonome et permet sa répartition au sein des divisions. La logistique générale est assurée par des unités spécifiques de l'artillerie, du train des équipages, arme devenue autonome et des parcs d'artillerie. Cette répartition reste la règle quasiment jusqu'à nos jours.

Le cas particulier de l'artillerie de marine

 
Insigne de béret des troupes de marine.

L'artillerie de marine connaît un développement spécifique mais fondé sur les avancées technologiques de l'artillerie de campagne.

En effet, l'artillerie de marine a une double mission, une mission prioritaire, la bataille navale entre navires et une mission secondaire, qui devient de facto une mission essentielle, l'appui des troupes au sol avec une triple perspective :

La première perspective donne aux artilleurs de marine le surnom de "bigors" par allusion aux bigorneaux qui s'accrochent aux rochers pour pouvoir tirer.

Les relations entre l'artillerie de marine et l'artillerie terrestre sont relativement complexes dans la mesure où les deux domaines s'influencent grandement, notamment au point de vue technologique. Mais, pour des raisons à la fois, techniques, la spécificité des missions respectives, mais aussi de susceptibilité, elles connaissent un développement différencié que la nécessité fait se rapprocher.

La montée en puissance tout au long des conflits du XIXe siècle

À partir de 1850, les conflits qui suivent font montre d'une contradiction qui va en s'atténuant entre les modes d'action de l'artillerie, empreints d'un conservatisme certain et la technologie dont les conséquences sur le combat ne sont pas totalement restituées.

La guerre de Crimée

La guerre de Crimée apporte surtout des enseignements en matière d'artillerie de siège, puisque l'opération majeure de ce conflit est le siège de Sébastopol (1854-1855). Elle met essentiellement en œuvre des pièces de l'ancien modèle, en bronze ou en fonte, à âme lisse et à chargement par la bouche, boulets pleins, obus explosifs sphériques et boulets chauffés au rouge. Les pièces à âmes rayées y sont utilisées de manière anecdotique.

Ce qui la caractérise est l'ampleur et l'intensité de l'usage de l'artillerie par les belligérants ainsi que les mesures prises par les Russes pour limiter ses effets sur la ville. Des préparations d'artillerie considérables sont effectuées. Le , les alliés bombardent pour la première fois Sébastopol et la réaction russe permet, par son intensité, de faire taire les canons français et anglais. Le camp retranché est bombardé quotidiennement de manière plus ou moins intensive. À Pâques 1855, du 8 au 19 avril, il est pilonné pendant 11 jours. Mais les effets de ce harcèlement sont annihilés par l'organisation russe qui reconstruit pendant la nuit ce qui est détruit le jour. Les fortifications de circonstance, tranchées, casemates en terre et tunnels jouent un rôle fondamental dans la résistance de la place qui dure près d'un an.

L'assaut qui entraîne la chute de la place est donné sur le Redan et la tour de Malakoff après un pilonnage de trois jours du 5 au . La guerre de Crimée démontre donc les effets relativement limités de l'artillerie sur les fortifications de circonstance et sur la volonté de résistance, caractéristiques qu'on retrouve pendant la Première Guerre mondiale7.

La guerre de Sécession

 
canon de 12 livres, M1857, « Napoléon ». Le plus utilisé par les armées nordistes comme sudistes.

La guerre de Sécession, en matière d'artillerie, marque tout particulièrement la contradiction signalée en introduction, au point où l'artillerie de l'Union, qui comprenait une majorité de pièces rayées au début de la guerre, n'en comprend plus qu'un tiers à la fin. Cette régression tient à trois facteurs. D'abord, les distances de combat traditionnelles ne dépassent pas les 1 000 m, ce qui ne met pas en valeur la précision que les rayures apportent au tir d'artillerie à longue distance. Ensuite, le terrain bocager, agricole et boisé dans lequel se déroulent les combats ne favorise pas les tirs à longue portée. Enfin, la fiabilité des projectiles explosifs est mise à mal à la fois par leur mauvaise qualité et par le terrain meuble qui favorise les obus non explosés.

Toutefois, certains combats mettent en évidence de manière cruciale, la supériorité de l'artillerie rayée comme la bataille de Malvern Hill, le , où l'artillerie de l'Union décime l'infanterie et l'artillerie adverses par la précision de ses coups. De même, lors de la bataille de Gettysburg, du au , les tirs de contre-batterie et antipersonnel de l'artillerie de l'Union jouent un rôle déterminant dans la victoire.

En matière d'artillerie de siège, l'emploi de gros canons fabriqués par Parott, Brooks, Blakely ou Armstrong montrent la fragilité des fortifications en brique de l'époque. La bataille la plus illustrative en la matière est le siège du fort Pulaski. Les leçons en sont tirées par le général von Moltke pendant la guerre franco-prussienne, notamment dans l'attaque des places fortes de Paris et de Strasbourg, dont les forts et les murailles ont été mis en pièces8.

La guerre austro-prussienne de 1866

La guerre austro-prussienne est aussi marquée par ces conceptions conservatrices du rôle de l'artillerie dans les combats.

L'artillerie de campagne prussienne est plutôt bien équipée de matériels anciens et modernes. Les matériels modernes sont des canons rayés en acier, à chargement par la culasse fabriqué par l'inévitable Krupp. Malheureusement, l'emploi de l'artillerie dans le commandement prussien est relégué au dernier rang. L'artillerie est placée à l'arrière des colonnes de progression et elle est rarement amenée vers l'avant lors des combats de rencontre ou les batailles plus importantes. De plus, elle ne bénéficie pas d'une logistique digne de ce nom. Les batteries disposent de leur dotation initiale et, lorsqu'elles sont employées au combat, elles sont obligées de se retirer dès que cette dotation a été consommée.

De l'autre côté, les Autrichiens sont dotés de tubes en bronze certes rayés mais chargés par la bouche beaucoup moins évolués technologiquement. Toutefois, leur maîtrise tactique est beaucoup plus brillante. Ils sont employés proches de l'infanterie et font preuve d'une mobilité honorable. Aussi, la bataille de Sadowa, le , est une victoire de l'infanterie mais le commandement prussien, qui a bien compris qu'il l'avait échappé belle, s'attache, dès la paix signée, à réformer ses conceptions quant à l'emploi de l'artillerie.

La guerre franco-prussienne de 1870

La guerre de 1870 est marquée par la grande supériorité de l'artillerie allemande surtout par sa qualité et son degré d'évolution technologique.

À la suite des leçons tirées de la guerre austro-prussienne, l'artillerie est désormais placé en tête des colonnes de progression, juste derrière les avant-gardes. Elle intervient dès que ces avant-gardes sont accrochées. Toutefois, cette conception la rend vulnérable aux feux d'infanterie et elle fait l'objet de lourdes pertes, en raison notamment des excellentes performances du fusil français Chassepot. C'est le cas lors de l'accrochage confus de Borny, à l'est de Metz, le . Par ailleurs, l'artillerie française qui dispose du système Lahitte de 1859, formé de canons en bronze lisses chargés par la bouche, fait montre d'une maîtrise tactique certaine qui compense sa faiblesse technologique, notamment lors de la bataille de Gravelotte le . La supériorité de l'artillerie allemande se manifeste totalement lors du siège de Metz ou de la bataille de Sedan où elle écrase les forces françaises depuis les hauteurs qui dominent les places ; quant au canon de 7 modèle 1867, arme rayée moderne à chargement par la culasse, il est trop lourd pour servir de canon de campagne, et n'est vraiment utilisé efficacement que dans la défense de Paris.

La guerre russo-turque de 1877-1878

La guerre russo-turque de 1877-1878 est réputée pour être la première guerre moderne avec des fantassins dotés de fusils à répétition et des canons en acier rayés qui se chargent par la culasse. C'est donc le triomphe de Krupp et des producteurs d'armement allemands chez lesquels les deux belligérants se fournissent. Toutefois la tendance à maintenir le combat rapproché et à ne pas profiter des avantages que proposent les canons rayés, entre autres leur grande portée et leur meilleure précision, se manifeste encore.

Le XXe siècle et les deux guerres mondiales 

La révolution industrielle, entamée à la fin du XVIIIe siècle, a pour conséquence la Première Guerre mondiale, première guerre industrielle. La France, qui n'avait que 300 canons au début de la guerre, en possède 5 200 en 1918 et a tiré 250 millions d'obus. La Grosse Bertha allemande, tirant des obus de 1 150 kg, est à elle seule un condensé de prouesses technologiques9.

Les leçons tirées des conflits de la fin du XIXe siècle

La production de canons fait la prospérité de l'entreprise Krupp, dès 1859. À Essen, les deux cinquièmes de l'acier fondu qui sortent des usines Krupp sont destinés à la fabrication de canons de tous calibres, depuis la petite pièce de campagne de quatre (boulets pesant 4 livres de fer soit un peu moins de 2 kg) jusqu'à des pièces monstrueuses tirant des projectiles de 100, 150 voire 500 kg. À terme, Krupp équipe en canons les Russes, les Britanniques, les Belges, les Italiens, les Turcs, les Autrichiens, les Néerlandais, et même les Japonaisnote 2.

Dès , les Français tirent les leçons de leur défaite. Ils se lancent dans une intense compétition entre les systèmes proposés par de Reffye, Lahitolle et de Bange. C'est le système de Bange qui en sort vainqueur en raison de sa culasse à vis interrompue — qui est encore utilisée de nos jours. Il se distingue par son système d'obturation performant fondé sur un joint de culasse élastique, la simplicité de son entretien et sa résistance à l'usure. Le canon de base du système est une pièce de 90 mm.

Les Anglais se perdent dans de multiples errements technologiques. Leur choix s'est porté en 1855 sur un canon rayé à chargement par la culasse conçu et développé par la firme Armstrong. Toutefois, ce canon qui participe notamment à la première guerre de l'opium de à s'avère si peu performant qu'il est remplacé, en 1863, par un canon Whitworth chargé par la bouche. Ce n'est qu'à partir de que les Britanniques reviennent au canon à chargement par la culasse.

Les Américains restent sur leur canon de 3 pouces (76,2 mm) qui a été le clou de la guerre de Sécession quasiment jusqu'à la fin du XIXe siècle. Ils développent toutefois un canon de 3,5 pouces (81,2 mm) qu'ils déploient lors de la guerre hispano-américaine de à Cuba.

Les avertissements du début du XXe siècle

La guerre russo-japonaise

 

Les guerres des Balkans

La Première Guerre mondiale, la guerre de l'artillerie

Une situation initiale déséquilibrée en faveur de l'Allemagne

L'artillerie joue un rôle crucial avec la Première Guerre mondiale. Initialement, l'armée allemande qui est la mieux équipée en la matière dispose d'à peu près tous les types d'artillerie existants. Les autres armées connaissent des carences plus ou moins importantes en raison des moyens limitées dont elles ont bénéficié avant la guerre et de leurs doctrines respectives qui leur ont fait mépriser le rôle de l'artillerie lourde et de l'artillerie de tranchée. Toutefois, au long de la guerre les alliés font des efforts considérables pour s'adapter aux nouvelles conditions de combat et développer le matériel nécessaire pour atteindre le niveau des Allemands puis pour le dépasser autant en capacité qu'en innovation. Elle va donc devenir une arme essentielle sur le terrain et, finalement, sous une forme ou sous une autre, d'être un facteur déterminant de la victoire des Alliés.

En matière de recherche, développement et production

En France, en Allemagne, en Autriche-Hongrie et en Grande-Bretagne, l'industrie d'armement s'appuie sur deux pôles, un pôle d'arsenaux publics et de constructeurs privés plus ou moins contrôlés par les militaires chargés des choix stratégiques et techniques. L'équilibre entre les deux est variable et dépend de leur positionnement politique respectif. Seule la production d'artillerie de la Russie repose essentiellement sur des arsenaux d'État et des pièces achetées à l'étranger. Tous les belligérants sont surpris par la durée de la guerre qu'ils estiment en 1914 à un semestre, et qui dure quatre ans. Ils doivent donc s'adapter au nouvelles évolutions du conflit tant en volume de production pour les tubes et les munitions qu'en développement de nouveaux matériels.

En Allemagne, Krupp et les « marchands de canons » ont une place essentielle qui se manifeste par un consensus entre les militaires et les industriels quant aux caractéristiques et à l'emploi de l'artillerie. Cette domination n'est pas que nationale et elle s'étend à une grande partie de l'Europe. D'autres belligérants mineurs se sont approvisionnés avant guerre chez les industriels allemands comme la Belgique, la Serbie ou la Roumanie et ils mettent en œuvre des canons conçus et fabriqués soit sous licence soit directement par le même Krupp.

En France, les militaires tiennent à garder l'initiative en matière d'armement et d'équipement mais ils sont bridés par les politiques qui font valoir notamment des questions budgétaires et politiques. L'artillerie est plutôt l'affaire des arsenaux d’État. Ainsi, pour le canon de 75 mm Mle 1897, les tubes sont fabriqués à Bourges et Tarbes, les affûts à Tarbes et à Tulle, les caissons à Saint-Étienne et à Châtellerault, et les glissières et freins à Puteaux et Saint-Étienne. La plupart des canons portent le nom de leurs concepteurs, La Hitte, Reffye, Lahitolle, de Bange, Rimailho ou Filloux qui sont des officiers d'artillerie issus de l’École polytechnique. Les entreprises privées comme Schneider et Cie au Creusot ou Saint-Chamond sont d'abord associées à la recherche et à la production, mais ils ne comptent qu'à titre d'appoint, pour des pièces à la production limitée et souvent destinées à l'exportation. Mais, face aux nécessité de la guerre, les militaires font de plus en plus appel à eux. Et ils sont tout à fait heureux d'avoir, à côté des arsenaux d’État, des industriels qui non seulement leur proposent des modèles de pièces développés pour d'autres pays mais qui mettent aussi à disposition une capacité de recherche et de production pour faire face à la nécessaire diversification de l'artillerie.

Chez les Britanniques, un équilibre a peu près équivalent à celui de la France s'établit. Les arsenaux d’État produisent tout ce qui est du ressort de l'artillerie de masse, les constructeurs comme Armstrong-Witworth ou Stoke fournissent le matériel plus spécifique.

Chez les Autrichiens, l'équilibre repose de la même manière sur des arsenaux d’État et des industriels privés dont le plus connu est Škoda en Bohême.

Une doctrine d'emploi de l'artillerie de campagne sensiblement convergente pour tous les belligérants.

À l'origine, les doctrines d'emploi de l'artillerie de campagne des belligérants se ressemblent beaucoup et convergent vers un procédé unique. Fondée sur une guerre courte, rapide et offensive, l'artillerie n'a qu'une mission, l'accompagnement de l'infanterie. Sa « bête de somme » est un canon léger, à tir rapide et d'un calibre compris aux alentours de 75 mm, dont le tir est souvent direct. Le commandement de l'artillerie de campagne est déconcentré au niveau des divisions alors que celui de l'artillerie lourde est conservé au niveau de l'armée.

Toutefois, dès les années 1910, cette vision des choses suscite des discussions et des hésitations. En France, l'artillerie de campagne est très proche de l'artillerie allemande. Elle est exclusivement équipée du canon de 75 mm Mle 1897 répartis dans 65 régiments d'artillerie divisionnaires, 20 régiments d'artillerie de corps d'armée, 3 régiments d'artillerie coloniale et 4 régiments d'artillerie des colonies. Le nombre total de canons déployés est de 3 792 pièces réparties en 948 batteries de quatre pièces. Le concept d'emploi de l'artillerie fait l'objet d'un conflit acharné entre les partisans de l'offensive à tout prix qui veulent limiter les obstacles à la capacité de manœuvre de l'infanterie et les partisans d'une vision moins « romantique » qui voient les efforts que les Allemands ont fait en matière d'artillerie lourde de campagne. Les armées s'aperçoivent de cette carence et commencent à développer ou à faire développer des canons lourds mais ceux-ci n'arrivent sur le front que progressivement.

En Allemagne, l'artillerie de campagne dispose du canon standard de 77 mm FK 96. Elle est organisée autour d'un régiment à deux groupes par division, chacun comportant trois batteries de six pièces. Toutefois, l'artillerie a été adaptée à la fois aux leçons tirées des conflits les plus récents et aux moyens planifiés pour un bon déroulement du plan Schlieffen. Ainsi, l'artillerie de campagne fondée sur le canon de 77 mm a été renforcée par des canons de 105 mm et des obusiers de 150 mm qui font beaucoup de mal en tir de contre-batterie à l'artillerie française lors des premiers mouvements de la guerre. De même, pour venir rapidement à bout des fortifications belges, les Allemands ont développé des obusiers lourds de 420 mm et ont emprunté à leurs alliés autrichiens un certain nombre de mortiers de 210 mm Škoda.

Une carence notable de l'Entente en matière d'artillerie lourde

Effectivement, chez les Alliés, l'artillerie lourde est le parent pauvre dans le corps de bataille car les planificateurs d'avant 1914 n'ont pas prévu son usage. Il est vrai que sa lenteur de mise en œuvre et la masse de logistique qu'elle nécessite va à l'encontre de l'idée d'une guerre de mouvement courte et rapide en vigueur à l'époque. Toutefois, dire que l'armée française n'en possède pas est inexact. D'une part, l'idée stratégique consiste à confier l'artillerie lourde aux équipages des fortifications et de ne laisser au corps de bataille qu'une artillerie capable de l'appuyer sans pour autant gêner sa souplesse et ses mouvements. D'autre part, l'état-major s'est aperçu de cette carence. En 1914, cinq régiments d'artillerie lourde sont créés à raison d'un par armée. Ils déploient au total 67 batteries. Ils sont équipés de canons d'ancienne génération disponibles comme le 240 mm modèle 1887, le 155 mm long modèle 1877 ou le 120 mm long modèle 1878, de mortiers de 220 modèle 1880 ou de 270 modèle 1885 tous du modèle de Bange ou d'obusiers plus récents comme l'obusier de 120 court modèle 1890 Baquet ou le 155 C modèle 1907 à tir rapide Rimailho.

De lourds investissements dans une artillerie de forteresse qui ne sert pas beaucoup

En Allemagne, le plan Schlieffen s'appuie sur deux attaques successives, une première contre la Belgique, une deuxième contre la France. Pour combler le temps entre le déclenchement des deux offensives sur le front français et pour faire face aux attaques françaises, les Allemands mettent en place trois lignes de défense fortifiées principales, l'une en Alsace, la ligne de défense Strasbourg-Mutzig, l'une en Lorraine, la ligne de défense Metz-Thionville et une troisième sur le Rhin autour de Cologne. Ces fortifications nécessitent des développements technologiques importants accélérés par la « crise de l'obus torpille » qui met à bas toutes les certitudes acquises en la matière. Mais le développement du concept de « Fest » qu'on trouve illustré au fort de Mutzig et dans les nouvelles fortifications autour de Metz remet la fortification à l'ordre du jour. Les canons sont désormais contenus dans des tourelles rotatives blindées dont Gruson et Schumann se font les promoteurs.

En France, un effort tout particulier a été fait sur la fortification sous la férule du général Séré de Rivières, mais, en fonction de l'évolution de la doctrine, cet effort n'est pas constant. L'artillerie à pied composé de sept régiments est attachée à la fois à l'artillerie de place, à l'artillerie « de siège » et à l'artillerie de côte. Comme artillerie de siège, elle met en œuvre des pièces d'artillerie lourde mobiles destinées à neutraliser les places fortes allemandes comme Metz. Elle compte au total 358 batteries10 réparties entre l'armée de terre et la marine. Enfin, face à la crise de l'obus torpille, le béton armé se généralise en tant que matériau de construction. La maçonnerie des forts-masse de la génération antérieure construits après la guerre de 1870 sont simplement renforcés avec du béton. À l'instar des Allemands, des pièces sous coupole blindée à éclipse sont développées, les tourelles Mougin/Saint-Chamond, Bussière/Fives-Lille, Chatillon-Commentry et Galopin Mle 1890 équipée d'obusiers lourds, pour compenser la vulnérabilité des pièces servies à ciel ouvert.

Bien que largement sollicitée lors de la bataille de Verdun notamment, où les forts jouent un rôle prépondérant, l'artillerie de forteresse ne connaît pas d'évolution majeure. En revanche, l'artillerie lourde à grande puissance destinée à détruire ces fortifications connaît une évolution importante.

Une artillerie de tranchée que seuls les Allemands possèdent

Les Allemands dont la pensée militaire est très bien organisée[non neutre] ont tiré les leçons des conflits de la guerre de Crimée jusqu'à la guerre russo-japonaise où les fortifications de circonstances ont pris une grande importance. C'est pourquoi, ils ont développé, dès avant la guerre, une véritable capacité de feu autonome pour l'infanterie, de la grenade au lance-grenades et au mortier.

Les développements de l'artillerie pendant la guerre

L'artillerie dans les deux camps connait quatre type d'évolutions :

Le développement d'une artillerie de tranchée propre à l'infanterie

Avec l'apparition des tranchées, les armes à tir direct montrent vite leurs insuffisance. L'artillerie de campagne faite pour la guerre de mouvement n'échappe pas à ce constat. D'une part, sa capacité en tir vertical et plongeant est très limitée contre les tranchées, elle ne sert que lors des offensives à appuyer les mouvements d'infanterie. D'autre part, le champ de bataille désormais limité à des lignes de tranchées et un no man's land lui laisse peu de place pour se mettre en batterie. Elle est donc obligée de s'enterrer loin à l'arrière de l'infanterie et à pratiquer des tirs indirects. Les liens entre les deux armes se distendent, les appuis sont soumis à un système de transmissions fragile et peu réactif . L'infanterie a donc besoin d'une artillerie proche d'elle, décentralisée, directement sous les ordres du chef sur place et qui soit adaptée aux caractéristiques du combat de tranchées, trajectoires courtes et verticales, munitions explosives massives avec un poids et encombrement des pièces minimal.

La grenade et les lance-grenades.

La première évolution est le développement de la grenade qui ne fait pas partie à proprement parler de l'artillerie mais qui revient à envoyer à la main une quantité d'explosifs limité à l'instar d'un obus.

Avec la grenade se pose le problème de la portée. Des lance-grenades sont alors inventés pour porter l'explosif dans les tranchées adverses. Les calculs nécessaires pour établir les trajectoires se rapprochent des procédés de l'artillerie. Au départ, il s'agit de simples catapultes élastiques ou de pompes à air comprimé mais peu à peu la propulsion devient pyrotechnique Ces lance-grenades peuvent être mis en œuvre à partir des fusils standards, c'est le cas du tromblon Vivien-Bessières avec des cartouches de propulsion et un appareillage de visée propre ou à l'aide de tubes de propulsion ad hoc comme les toffee pudding britanniques ou les granatwerfer allemands.

La renaissance du mortier de campagne

Des concepts anciens sont remis à l'ordre du jour comme le mortier. Faute d'en avoir construit avant-guerre, les mortiers en bronze datant du Second Empire, les crapouillots, qui donneront à l'artillerie de tranchées son surnom, sont destockés. Parallèlement, après des bricolages peu concluants, des modèles de mortiers comme le 58 mm sont développés. L'ultime système est développé par la firme britannique Stoke et restera comme le modèle indépassable des mortiers d'infanterie jusqu'à nos jours.

La construction de canons d'infanterie spécifiques

Enfin, les fantassins sont dotés de canons d'infanterie visant à leur apporter instantanément des appuis directs, par exemple un canon de 37 mm pour les Français, le canon d'infanterie de 37 mm, de 75 mm voire de 77 mm pour les Allemands.

Le développement d'une artillerie lourde voire très lourde
L'artillerie lourde
 
Obusier 155 mm Rimailho, Gernicourt (Aisne), janvier 191511.

Devant l’avènement de la guerre de positions, de grands efforts sont entrepris pour contrebalancer l'avantage allemand. Dans un premier temps, l'artillerie de campagne est renforcée de pièces au calibre et à la portée plus importants. Dans un deuxième temps une l'artillerie lourde à grande puissance (ALGP) spécifique est développée selon quatre axes principaux :

Cette artillerie est essentiellement dérivée de canons de marine ou de canons d'artillerie côtière placée sur des chassis ou des plateformes qui leur assure une souplesse d'emploi et une certaine mobilité en milieu terrestre.

L'artillerie lourde hippomobile est nécessairement de calibre et de poids limités. En outre, les chevaux dont toutes les armes ont besoin, se font rares malgré la mise en retrait de la cavalerie. Il faut donc commencer à introduire des tracteurs automobiles.

 
21 cm Mörser 10 (en) allemand, 1915.
La multiplication d'artilleries spécialisées et de spécialités annexes

La topographie

Le tir indirect implique que la topographie des positions d'artillerie et des objectifs soit particulièrement soignée.

La mission de cartographie est partagée entre le génie qui en est le détenteur d'origine et l'artillerie qui en est le principal utilisateur.

L'artillerie de repérage

La guerre de tranchée fige les positions des belligérants. La guerre donne trois grandes missions à l'artillerie :

Afin de pouvoir exécuter avec précisions le tir de contre-batterie, les belligérants et notamment les Allemands développent une artillerie de repérage qui permet de localiser les batteries ennemies afin de pouvoir les neutraliser. Ce repérage s'effectue à l'aide d'une triangulation effectuées sur deux artefacts, le son et la lumière émis par les batteries adverses. Des nouveaux matériels et des unités spécifiques sont donc créés pour assumer cette mission.

Ce repérage est complété par le travail de l'aérostation puis de l'aviation.

L'aérostation

L'aérostation a parmi ses missions majeures l'observation des tirs d'artillerie. Sa vulnérabilité, son manque de souplesse et l'avènement de l'aviation la font disparaître petit à petit du champ de bataille au profit de l'aviation. Son rôle n'est pas à négliger cependant.

L'aviation

Cette mission d'observation est dévolue à l'aviation dès que celle-ci montre suffisamment de capacités pour l'assumer. Naturellement, les militaires découvrent petit à petit toutes les vertus de la troisième dimension et son rôle dans d'autres fonctions comme le renseignement puis dans l'attaque ou l'appui au sol. En outre, elle se découvre une logique propre dans la guerre aérienne, la chasse. Aussi, elle s'autonomise petit à petit au cours du conflit et devient une arme puis, de manière différenciée par pays, une armée à part entière. La Grande-Bretagne dont l'aviation est partagée entre l'armée de Terre et la marine est la première à faire le pas dès 1919 avec la création de la Royal Air Force. Dès son réarmement, au début des années 1930, l'Allemagne créé une Luftwaffe distincte. La France attend 1936 pour créer une armée de l'Air digne de ce nom. Les Etats-Unis attendent 1947 pour créer l'US Air Force.

Cette prise d'autonomie implique alors le développement d'une branche spécifique, l'aviation d'observation ou d'appui aux troupes terrestres qui est soit partagée avec l'armée de l'air chargée de la troisième dimension, soit développée au sein même des armées de terre avec la création d'une aviation légère adaptée avec pour mission l'observation des tirs, le renseignement tactique, le transport, les liaisons et certaines missions d'appui au sol spécifiques comme la lutte antichar.

L'artillerie antiaérienne

Avec l'avènement de l'aviation, l'artillerie sol-air se développe. Dès le début, les armes d'infanterie et les mitrailleuses s'avèrent impuissantes contre des aéronefs qui volent haut et loin. Il faut donc passer à un niveau au-dessus, une artillerie spécifique pour lutter contre les avions. L'effet qu'elle doit obtenir s'apparente à l'effet fusant, il s'agit de faire éclater au plus près de l'aéronef un obus pour l'endommager au maximum. Si les pièces utilisées sont relativement proches de celles de l'artillerie de campagne, les châssis sur lesquels elles sont utilisées sont obligés de tenir compte de l'aspect vertical du tir, d'où des adaptations spécifiques : appareils de visées, système de réglage des fusées spécifique, liens élastiques renforcés, chargement rapide, doctrine propre en matière de mise en œuvre, de visée et de positionnement, utilisation systématique de télémètres, orientation rapide tous azimuts, etc.

L'artillerie d'assaut

Pendant la Première Guerre mondiale, le développement et la mise en œuvre des chars d'assaut sont confiés, chez les Britanniques à une arme spécifique, le Royal Armoured Corps, et chez les Français, à l'artillerie sous le nom d'artillerie d'assaut. En effet, le char est avant tout considéré comme un canon protégé et des mitrailleuses auxiliaires pour la défense rapprochée. Ce n'est qu'après l'armistice que les chars sont divisés en deux et confiés respectivement à l'infanterie et la cavalerie, L'infanterie les reçoit au nom de son soutien et de son accompagnement, la cavalerie, au nom de ses missions de renseignement et de reconnaissance. Cette dichotomie se poursuit jusqu'à la Seconde guerre mondiale et créée les conditions pour que les grandes unités mécanisées que réclame le colonel de Gaulle ne soit pas créés et que les capacités blindées soit dispersées dans les corps de troupe d'infanterie et de cavalerie.

La Deuxième Guerre mondiale, l'apothéose de l'artillerie

L'entre-deux-guerres dans la lancée de la Première Guerre mondiale

L'artillerie ne connaît pas d'évolution majeure pendant l'entre-deux-guerres mais continue à progresser selon des données recueillies pendant la Première Guerre Mondiale. Dans beaucoup de pays, les crédits destinés aux études et au développement d'armements sont insuffisants au goût des responsables militaires dont la charge est d'entrevoir ce que sera le prochain conflit. Les parcs et les magasins sont encore plein d'armements neufs ou très peu usagés d'ancienne génération qu'il faut prendre en compte avant d'envisager toute innovation et toute nouvelle fabrication. Des efforts marginaux sont faits par les Alliés pour développer de nouveaux matériels. Seule l'Allemagne a l'occasion de reprendre à zéro son concept de l'artillerie et plus généralement de l'appui des troupes au sol qui donne naissance à la Blitzkrieg.

L'artillerie de forteresse

Avec le développement des lignes Maginot, Siegfried et du mur de l'Atlantique, les fortifications de la dernière génération ont besoin d'une artillerie spécifique, non point par ses tubes, mais par la manière dont elle est disposée et protégée.

L'artillerie de l'infanterie

Tout de suite après la guerre, l'artillerie de tranchée est dissoute et les pièces d'appui rapprochées, essentiellement des canons légers et des mortiers de petits calibres sont directement attribuées à l'infanterie.

Les canons d'assaut

Bien que ne faisant pas partie de l'artillerie à proprement parler, les canons d'assaut sont des pièces d'artillerie montées en casemate sur des châssis blindés, de récupération ou spécifiques. Ils constituent à la fois un retour en arrière dans la conception des chars et un outil hybride, un retour en arrière car ils reviennent aux concepts initiaux type Saint-Chamond, Schneider ou blindés britanniques, avec l'artillerie principale incorporée dans le châssis, un outil hybride dans la mesure où certains d'entre eux ont une double capacité tir direct, tir indirect.

L'artillerie de saturation (lance-roquettes)

Un nouveau type d'artillerie développé par les Soviétiques (roquettes GRAD - surnommées Katioucha) fait son apparition à partir des années 1941-1942, l'artillerie de saturation, fondée sur des roquettes balistiques envoyées en masse par des lance-roquettes multiples. Son avantage est d'obtenir à moindre coût les effets recherchés le plus souvent avec l'artillerie. Son but n'est pas de détruire un objectif en particulier, la précision des roquettes ne le permet pas, mais de saturer par les feux une zone dans laquelle se trouve une concentration ennemie ou qui est le point de rupture d'une offensive.

Curieusement, après la mise en place par les Allemands d'une réplique, le Nebelwerfer, puis, après la guerre, le système MARS (Mittleres Artillerie-Raketen-System), livré à la Bundeswehr, les Occidentaux ne sont guère intéressés au procédé jusqu'à la fin de la guerre froide.

L'artillerie de la Guerre froide, un développement direct des concepts de la Deuxième Guerre mondiale.

Jusqu'à la fin de la guerre froide, l'artillerie résiste plutôt bien à l'évolution des conflits modernes.

Une doctrine d'emploi directement issue des combats de la Deuxième Guerre mondiale.

L'avènement du missile

Avec l'avènement des "dividendes de la paix" son rôle est de moins en moins évident dans les conflits asymétriques d'aujourd'hui

L'artillerie a beaucoup souffert du concept de « dividendes de la paix ». Même si chaque brigade de l'armée française comprend un régiment d'artillerie, son rôle est beaucoup moins évident dans des conflits asymétriques où son usage est plus rare. Les régiments sont souvent déployés en OPEX sous la forme d'unités Proterre, concept générique qui permet de mettre à disposition des troupes aux caractéristiques quasi identiques, quelle que soit leur spécialité d'origine.

Artillerie sol-sol

Les missiles nucléaires tactiques de type Pluton puis Hadès sont supprimés au milieu des années 1990 car leur utilité dans l'après guerre-froide n'est pas avérée et cause des dissensions politiques sérieuses avec nos alliés allemands.

L'AUF 1 qui était un obusier de la guerre froide fait pour suivre le corps de bataille avec son châssis chenillé est progressivement remplacé par le Caesar, un canon de 155 mm auto-mouvant monté sur un châssis à roues et dont l'équipage n'est pas protégé.

Dans le cadre d'un effort d’allègement et de diversification dans le cadre des conflits asymétriques, les régiments ont reçu les Mortiers 120 mm Rayé Tracté Modèle F1 en double dotation.

Le lance roquette multiple M270 MLRS est devenu lance-roquette unitaire LRU en raison de l'interdiction des armes à sous-munitions que la France a signé et ratifié.

Artillerie sol-air

L'artillerie sol-air a quasiment disparu avec les missiles Roland et les missiles Hawk. Il ne reste plus à disposition que des missiles à très courte portée de type Mistral et des canons antiaériens de petit calibre. Seule l'armée de l'air a conservé des missiles sol-air du type ASMP/T pour la défense des points sensibles.

Acquisition d'objectifs

L'artillerie est la première arme à avoir pris sérieusement le concept de drone. Bien qu'elle se soit limitée à la fonction de reconnaissance, elle a été dès 1958 au centre du projet R20, un avion cible sans pilote transformé en aéronef de reconnaissance programmé. Après une vingtaine d'années d'essais peu concluants, elle se tourne vers le système d'arme CL-89 et CL-289 et, à l'instar des Israéliens, elle commence à envisager des systèmes de drones téléguidés à courte portée, en deçà de la ligne d'horizon tel que le MART. Mais, comme pour l'artillerie sol-air, c'est l'aspect aéronautique qui l'emporte. La fonction a donc été, non sans réticence de sa part, captée par l'armée de l'air qui met en œuvre des drones de construction américaine destinés à l'attaque et au renseignement. Elle garde toutefois un système de drone de renseignement un peu résiduel, le Crécerelle.

Les grands artilleurs

L'artillerie aujourd'hui

En France

Artillerie
Image illustrative de l’article Artillerie
Insigne de béret de l'Arme de l'Artillerie dans l'armée française.

Pays Drapeau de la France France
Branche Armée de Terre
Type Arme
Rôle appui par le feu.
Couleurs Bleu et écarlate
Devise Ultima ratio regum (« Le dernier argument des rois »)
Anniversaire Sainte Barbe
(4 décembre)

Après Versailles, Strasbourg, Metz et Chalons-sur-Marne, Draguignan est la « capitale » française de l'artillerie : elle accueille depuis 1976 l'école de spécialisation de cette arme. Sainte Barbe, fêtée le 4 décembre, est la patronne des artilleurs.

La chanson des artilleurs la plus célèbre est « L'artilleur de Metz », cette ville ayant accueilli dès 1720, une école d'application d'artillerie, fusionnée en 1794 avec l’École d'application du génie de Mézières puis avec l’École d'artillerie de Châlons en 1807 et fermée en 1871 lors de l'annexion allemande.

Durant la Première Guerre mondiale, 1 373 000 hommes furent mobilisés dans cette arme et eurent à déplorer 82 000 morts soit 5,96 % de pertes12.

Durant ce conflit, cette arme a pris une part de plus en plus importante au sein des forces françaises :

Matériels19141918
Canon de 75 de campagne 3 840 5 484
Canon de 65 mm de montagne 120 96
Canons lourds de campagne 308 5 000
Canon lourds grand puissance et marine - 740
Canons anti-aérien 1 404
Mitrailleuses 2 000 18 000

En France, on désigne sous le terme d'« artillerie sol-sol » les unités et systèmes d'armes qui prennent à partie des objectifs au sol et « artillerie sol-air » ceux qui prennent à partie des aéronefs. L'artillerie sol-sol est, de manière générale, l'arme des tirs indirects. Les unités d'artillerie utilisent des armements d'un calibre supérieur ou égal à 20 mm. Comme le génie, l'artillerie est une arme d'appui (par opposition à l'infanterie et à l'arme blindée cavalerie qui sont les armes de mêlée). L'artillerie française possède différents types d'unités.

Les unités d'appuis indirects servent le TRF1 (canon tracté de 155 mm), l'AUF1 (canon automoteur de 155 mm). Toutes les unités « AIN » (appuis indirects) ont le mortier de 120 mm en double dotation.

 
Canon F2 de 20 mm de la Marine française.

Les unités de défense sol-air servent le ROLAND, le MISTRAL ou le HAWK (qui sont trois missiles sol-air différents et complémentaires).

Il existe également un régiment spécialisé dans la mise en œuvre de télédynes légers télé-pilotés appelés drones pour obtenir des images numériques des zones survolées. L'information tirée de l'analyse de ces images sert à élaborer ce que l'on appelle le « renseignement d'origine image » (ROIM).

Autrefois, la distinction entre « canon » et « mortier » se faisait sur la hausse. Les canons tiraient en tir plongeant (angle de hausse inférieur à 45° - ou 800 millièmes en termes d'artillerie) et les mortiers tiraient en tir vertical (angle de hausse supérieur à 45°). Aujourd'hui, tous les canons d'artillerie sont capables d'effectuer des tirs tendus (pour lesquels la flèche de la trajectoire est inférieure à la demi-hauteur de l'objectif), comme les chars et du tir vertical. Le critère de la hausse est donc inadéquat et le critère pour différencier un canon d'un mortier est le nombre de calibres qui est un nombre sans dimension déterminé par le rapport entre la longueur de la partie rayée et le calibre. En France, une pièce d'artillerie dont le nombre de calibres est inférieur à 20 est un mortier, un canon si ce nombre est supérieur ou égal à 20. Aux États-Unis, par exemple, cette valeur est de 25 et variable selon les pays.

Matériel de l'Armée française

 
Tir d'un TRF1 du 3e régiment d'artillerie de marine lors de manœuvres en Allemagne en 2013.

Le matériel de l'Armée française des années 1990-2000 est composé de :

En 2014, on prévoit, après de grandes coupes dans le parc :

Unité de base de l'artillerie dans l'Armée française

L'unité de base de l'artillerie française est la batterie. Elle est composée d'une centaine d'hommes, commandée par un capitaine avec quatre lieutenants — ou ayant rang — pour le seconder. Une batterie comprend :

Notes et références

Notes

  1. « Il y en avait tant et de si gros que nous, qui ne sommes pas artilleurs, nous avons eu un moment d'inquiétude naïve pour notre pays et nous avons demandé humblement s'il n y en avait pas un peu aussi pour la France. » Dans Fabrique d'acier fondu de Friedrich Krupp, publié à Essen (Prusse), 1866. Consulter en ligne [archive].

Références

Bibliographie

Voir aussi

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Articles connexes

Liens externes

Artillerie française pendant la Première Guerre mondiale

 
 
 
Photo noir et blanc d'un canon et son caisson en position.
 
Présentation d'un canon de 75 mm modèle 1897 et de son caisson à munitions par des artilleurs français (en uniforme bleu nuit) à des officiers d'infanterie écossais (en kaki), en marge de la bataille d'Armentières le 21 octobre 1914. Ce canon, relativement léger et tirant rapidement, est de loin le plus utilisé par l'artillerie française (plusieurs milliers d'exemplaires) avant, pendant et après le conflit.
Photo noir et blanc d'un obusier qui vient de tirer, avec un peu de fumée qui se disperse.
 
L'artillerie de campagne étant insuffisante pour détruire les retranchements adverses, les Français se dotent progressivement d'une artillerie lourde moderne : à la fin de la guerre elle compte 2 000 exemplaires de ce canon court de 155 mm Schneider, ici tirant le 3 septembre 1918 près de Champien. Les artilleurs sont en blouse de bougeron avec le casque Adrian.
Photo noir et blanc d'un gros canon venant de tirer, dans un nuage de poussière.
 
Un canon français de 24 cm G modèle 1876, monté sur affût de côte à pivot (affût GPC), en 1915 sur la péninsule de Gallipoli. Quatre de ces canons furent utilisées pendant la bataille des Dardanelles pour tirer sur les forts ottomans de la rive asiatique ; ils furent sabotés et abandonnés en janvier 1916. Ils sont toujours à Seddülbahir.

L'artillerie française pendant la Première Guerre mondiale prend au cours de ce conflit un rôle essentiel au sein de l'Armée de terre française. Au début elle est composée essentiellement d'une artillerie légère de campagne, avec une fonction d'appui auprès de l'infanterie. Mais la stabilisation du front et la transformation du conflit en une guerre de tranchées et une guerre industrielle conduisent cette arme à muter, se développer, et prendre le premier rôle. Avant 1914 les militaires, sans négliger l'artillerie, attribuaient encore au fusil un rôle prépondérant, causant six fois plus de pertes que les canons ; au cours de la guerre, la proportion s'inverse complétement et passe à trois victimes de l'artillerie pour une par balle, de sorte qu'elle cause environ 75 % des pertes militaires 1.

Ses effectifs et sa puissance de feu augmentent considérablement, avec des canons de plus en plus gros, tandis que sa doctrine d'emploi s'adapte aux nouvelles conditions de combat : préparations massives pendant plusieurs jours, harcèlement permanent, tirs de barrage roulant, concentration des feux, etc. Ce développement donne naissance à l'« artillerie lourde à grande puissance » (composée d'énormes pièces provenant de l'artillerie de côte et de l'artillerie navale), à l'artillerie de tranchée, à l'artillerie anti-aérienne, à l'artillerie chimique (répandant des gaz toxiques), à l'artillerie spéciale (ou artillerie d'assaut : les chars de combat), à l'artillerie anti-char et, à la fin, à l'artillerie automotrice.

Sur le front occidental comme sur les autres théâtres d'opérations, pendant cinq ans, l'artillerie française a tiré environ trois cents millions d'obus, labourant les sols, pilonnant les retranchements et poursuivant son duel avec les artilleries adverses. Une telle puissance de feu a nécessité un effort industriel considérable.

Situation à l'entrée en guerre

L'artillerie est une arme (une subdivision) de l'Armée de terre française, dépendant du ministère de la Guerre. La gestion de son personnel et de son matériel relèvent de la direction de l'artillerie, complétée par la direction des poudres et salpêtres, ainsi que la direction des troupes coloniales (pour le personnel de l'artillerie coloniale, qui n'est pas du ressort du ministère des Colonies)2. Mais toute l'artillerie ne dépend pas du même ministère : si l'artillerie navale est attachée au ministère de la Marine, l'artillerie de côte est partagée entre la Guerre et la Marine, la seconde reprenant à partir de le contrôle des forts et batteries des rades de Cherbourg, de Brest, de Toulon et de Bizerte (avec application en catastrophe lors de la mobilisation)3.

Au sein de l'Armée, l'artillerie est considérée comme un auxiliaire de l'infanterie, lui fournissant l'appui de ses feux ; l'infanterie est considérée comme la « reine des batailles », hormis le cas du siège d'une place forte. L'armement, l'organisation et la doctrine d'emploi de l'artillerie française sont déterminés par ces principes : il s'agit donc essentiellement d'une artillerie légère et mobile. Malgré cette subordination, l'artillerie française a alors une réputation prestigieuse : c'est, avec le génie, l'arme savante, une affectation prioritaire (à 70 %) pour les polytechniciens (la promotion 1913 est intégralement versée dans l'artillerie de campagne)4, avec une spécialisation à l'École d'application de Fontainebleau.

L'uniforme est traditionnellement bleu nuit, couleur jugée moins salissante, avec des bandes écarlates sur les pantalons et les culottesn 1. L'habillement et l'équipement sont légèrement différents entre le personnel monté (les conducteurs et les hommes des batteries à cheval) et celui non monté (les servants des batteries montées et de l'artillerie à pied) : dans le premier cas les effets sont inspirés de ceux de la cavalerie (ceinturons de sabre en cuir fauve, culottes et éperons), dans le second de ceux de l'infanterie (ceinturons en cuir noirci, cartouchières, jambières et pantalons)5. Le képi est généralisé comme couvre-chefn 2.

Armement

Les pièces d'artillerie sont classées en fonction de leur calibre (le diamètre intérieur du tube, donc celui des projectiles tirés), exprimé en millimètres pour l'artillerie terrestre et en centimètres pour l'artillerie de côte (et l'artillerie allemande). Les mortiers correspondent aux pièces ayant un tube très court et tirant sous un angle élevé avec une très faible vitesse initiale, les canons courts (qu'on appelle maintenant « obusiers ») sont à faible vitesse initiale et donc à tir courbe et enfin les canons longs sont à forte vitesse initiale et donc à tir tendu.

L'armement individuel est composé d'une part du sabre modèle 1822/1899 et du revolver modèle 1892 pour les officiers, sous-officiers et hommes montés, d'autre part du mousqueton d'artillerie modèle 1892 avec sabre-baïonnette pour les hommes non montés5.

Modèles en dotation

Photo noir et blanc de l'empereur russe devant un canon.
 
Présentation du nouveau canon français, le 75 mm modèle 1897, au tsar Nicolas II lors des grandes manœuvres de 1901.

L'armement de l'artillerie de campagne française en 1914 est composé presque uniquement d'un modèle de canon, le 75 mm modèle 1897 : la dotation totale est de 4 986 pièces de 75 mm, dont 3 680 font partie du corps de bataille déployé en métropole6 et 364 sont dans les places fortes (les autres canons de 75 mm servent à l'instruction, sont aux colonies ou font partie des réserves). Cette homogénéité a l'avantage de faciliter la logistique et l'entretien. Cette dotation est complétée par 128 canons de 65 mm M modèle 1906 (M pour « de montagne ») destinés aux troupes alpines, ainsi que par quelques canons de 75 mm modèle 1912 pour l'artillerie à cheval.

L'artillerie lourde de campagne est assez limitée en 1914, surtout par rapport à son homologue allemande : la faute en revient aux désaccords entre les services, au manque de financement et à la domination du 75 mm7. Les armées emportent tout de même avec elles 84 obusiers de 120 mm C modèle 1890 (C pour « court », surnommés 120 mm Baquet ; 126 autres obusiers sont à l'arrière) et 104 obusiers de 155 mm C TR modèle 1904 (C TR pour « court à tir rapide », surnommés 155 mm Rimailho)8.

Dessin en couleur d'un canon monté sur voiture, ciblant un dirigeable.
 
Le prototype du premier canon antiaérien français, le 75 mm De Dion-Bouton mle 1913, chargé d'abattre les dirigeables adversesn 3.

L'artillerie de siège affectée à l'armée de campagne est réduite, composée de pièces d'artillerie plus anciennes du système de Bange sur affût SP (« de siège et de place ») : 60 canons de 120 mm L modèle 1878 (L pour « long ») et 24 mortiers de 220 mm modèle 188010.

L'artillerie de forteresse, appelée à l'époque « artillerie de place », arme les forts et batteries du système Séré de Rivières (principalement dans les quatre « camps retranchés » de l'Est : Verdun, Toul, Épinal et Belfort). Elle compte quelques pièces modernes à tir rapide : il y a 73 tourelles à deux canons de 75 mm R modèle 1905 (R pour « raccourci »), dont 57 tourelles sont en place sur un fort et 16 sont dans les dépôts (pas encore installées)11, ainsi que 44 casemates de Bourges armées chacune avec deux canons de 75 mm modèle 1897 sur affût de casemate12. Mais la majorité des fortifications françaises sont armées avec les canons plus anciens notamment du système de Bange, avec 778 de 80 mm modèle 1877, 3 994 de 90 mm modèle 1877, 1 524 de 95 mm modèle 1875, 2 296 de 120 mm L modèle 187813, 1 392 de 155 mm L modèle 187714, 331 mortiers de 220 mm modèle 1880 (et 1880 modifié 1891), ainsi que 32 de 270 mm modèle 1885 et modèle 188915. Cinq casemates de Bourges sont armées avec chacune deux canons de 95 mm modèle 1888 sur affût de côte12.

Enfin, se rajoutent les pièces d'artillerie de côte (celles défendant les littoraux dépendent du ministère de la Guerre, tandis que celles protégeant les ports militaires de celui de la Marine, du 37 mm jusqu'au 37 cm, dont une dizaine de canons de 75 mm)16, l'artillerie anti-aérienne (limitée à un prototype d'autocanon, avec huit autres en construction en août 1914), ainsi que les vieux canons stockés dans les dépôts, notamment les canons de 95 mm modèle 1875 (surnommé 95 mm Lahitolle), les canons de 90 mm modèle 1877 et 80 mm modèle 1877 (de Bange).

Pour le déplacement des pièces d'un endroit à un autre des villes ou ports fortifiés, on utilise le système Péchot de chemin de fer à voie étroite (voie 60). C'est après le Premier conflit mondial que la responsabilité des chemins de fer à voie étroite passe à l'arme du génie.

Caractéristiques

Le canon de 75 mm est, lors de son entrée en service en 1897 (la date de la première commande donne le numéro du modèle), une pièce d'artillerie assez révolutionnaire. Comme les autres pièces de sa génération, son tube est en acier, le canon est rayé et le chargement se fait par la culasse ; mais il a la particularité d'avoir un système de chargement rapide, et surtout un frein de recul lui permettant de ne presque pas bouger lors du tir, remettant tout seul le tube en position et d'atteindre ainsi des cadences records. En prime, la relative légèreté de son affût et la traction hippomobile (il faut 168 chevauxn 4 pour une batterie avec 22 véhicules ; chaque canon est tracté par six chevaux) lui donne une bonne mobilité pour l'époque.

Le tir du 75 mm est plutôt tendu (ce qui permet de faire des ricochetsn 5 pour frapper derrière une crête)18, mais l'empêche de battre les replis de terrain. L'instruction des canonniers prévoit donc l'emploi d'une charge réduite et d'une plaquette permettant un tir beaucoup plus courbe, mais court (la distance moyenne de combat est de 2 500 m)19. Les artilleurs disposent du choix entre plusieurs projectiles : l'obus à balles (le shrapnel, utilisé contre le personnel), l'obus explosif (contre le matériel, un bois, une localité ou un retranchement), la boîte à mitraille (pour le tir à très courte portée), l'obus fumigène, l'obus traceur (pour le tir antiaérien), l'obus incendiaire, l'obus éclairant (pour le tir de nuit, contenant un parachute) et l'obus lacrymogène. La dotation pour chaque pièce de 75 est composée majoritairement d'obus à balles, utilisés en tir fusant (explosant en l'air), complétés par des obus explosifs, ceux-ci utilisés en tir fusant ou percutant (explosant au sol) ; le choix entre fusant et percutant se fait par réglage de la fusée de l'obus.

Pièces d'artillerie de campagne en dotation en août 191420,21
MatérielsMasse en batterieCadence de tirportée max.n 6Munitions (masse)
Canon de 65 mm M modèle 1906 400 kg 10 à 15 coups/min 5,5 km obus à balles (4,4 kg) ou explosif (3,8 kg)
Canon de 75 mm modèle 1897 1 140 kg 12 à 18 coups/minn 7 6 à 10 kmn 8 obus à balles modèle 1897 (7,2 kg)
obus explosif modèle 1900 (5,5 kg)
Canon de 75 mm modèle 1912 960 kg 12 à 18 coups/min 7,5 km obus à balles (7,2 kg) ou explosif (5,5 kg)
Canon de 120 mm C modèle 1890 1 475 kg 2 coups/min 5,7 km obus à balles (19,2 kg) ou explosif (18,7 kg)
Canon de 155 mm C TR modèle 1904 3 200 kg 5 à 6 coups/min 6,3 km obus à balles (40,8 kg) ou explosif (41,3 kg)
Pièces d'artillerie de siège et place20,25
MatérielsMasse en batterieCadence de tirportée max.n 9Munitions (masse)
Canon de 90 mm modèle 1877 1 210 kg un à deux coups/min 6,8 km obus à balles (8,6 kg) ou explosif (8 à 8,4 kg)
Canon de 95 mm modèle 1875 1 450 kg (C) ou 1 850 kg (SP) un coup/min 6,4 km obus à balles (12,3 kg) ou explosif (11 kg)
Canon de 120 mm L modèle 1878 2 750 kg un coup/min 8,9 km obus explosif (18,7 kg) ou à balles (19,2 kg)
Canon de 155 mm L modèle 1877 5 800 kg un coup/min 9,6 km obus à balles (40,8 kg) ou explosif (41 kg)
Mortier de 220 mm modèle 1880 4 145 kg un coup/3 min 7,1 km obus explosif (98,4 à 102,7 kg)
Mortier de 220 mm mle 1901 (1880-1891) 8 500 kg un coup/2 min
Mortier de 270 mm modèle 1885 et 1889 16 500 kg un coup/3 min 7,9 km obus explosif (149,5 kg)

Organisation

L'unité tactique élémentaire dans l'artillerie est la batterie (commandée par un capitaine, secondé par deux lieutenants ou sous-lieutenants), composée de quatre canons (chacun servi par un peloton de pièce, avec un maréchal des logis comme chef de pièce, secondé par deux brigadiers) et 171 hommes.

« L'unité de tir est la batterie. L'unité tactique est le groupe. »

— Règlement provisoire de manœuvre de l'artillerie de campagne, 1910, article 1er.

Trois batteries forment un groupe (sous les ordres d'un chef d'escadron), trois à quatre groupes forment un régiment d'artillerie (RA, dirigé par un colonel, secondé par un lieutenant-colonel). Au début du conflit, il n'y a aucune unité tactique d'artillerie supérieure au niveau régimentaire.

Temps de paix

L'organisation de l'artillerie française juste avant la mobilisation (déclarée le , avec effet le ) est fixée par la loi sur les cadres de 1909, modifiée en avril 191426 :

En temps de paix, ces unités sont casernées sur l'ensemble du territoire métropolitain (avec une concentration le long de la frontière franco-allemande), mis à part les groupes autonomes d'Afrique déployés en Afrique du Nord, le 4e RA col. qui est au Tonkin, le 5e en Cochinchine, le 6e au Sénégal et le 7e à Madagascar. Les régiments en garnison dans chaque région militaire (en général trois RA) sont regroupés administrativement pour former une brigade (formant un total de 20 brigadesn 12), sous les ordres d'un général d'artillerie2.

Chaque division d'infanterie (DI) dispose d'un RAC, constitué de trois groupes soit neuf batteries, alignant un total de 36 canons de 75 mm. Ces divisions d'infanterie sont regroupées par deux (sauf dans la 3e région militaire qui a trois DI) pour former un corps d'armée, avec comme élément organique un RAC supplémentaire, à quatre groupes soit douze batteries, c'est-à-dire 48 canons de 75 mm29. Les dix divisions de cavalerie n'ont chacune qu'un groupe d'artillerie à cheval (le 4e groupe d'un RAC), composé de trois batteries à cheval. Les régiments d'artillerie de campagne ou de montagne comprennent une section d'ouvriers (rattachée au peloton hors-rang), tandis que les régiments d'artillerie à pied comprennent une compagnie d'ouvriers30. Les batteries de montagne utilisent des mulets à la place des chevaux, tandis qu'un groupe du 4e RAL utilise des véhicules automobiles pour tracter ses canons de 120 mm longs8.

Mobilisation

Pendant la période de mobilisation d'août 1914, les effectifs de l'artillerie française gonflent en application du plan XVII grâce à l'arrivée des réservistes et des territoriaux, avec passage du nombre d'unités de 855 à 1 527 batteries31. Il n'y a aucune création de nouveau régiment.

Ces nouvelles batteries entrent dans la composition des nouvelles divisions d'active créées lors de la mobilisation : la 44e DI reçoit douze batteries (formant quatre groupes) venant de six RAC différents ; la 37e DI, la division de marche du Maroc et la 45e DI, formées par l'Armée d'Afrique, reçoivent des batteries appartenant aux groupes d'artillerie d'Afrique ; la 38e DI, qui part d'Alger dès le et débarque à Cette le n 13, a la particularité d'avoir trois groupes du 32e RAC venant de Fontainebleau, qui rejoignent la division à Chimay le 32. Au total, 405 batteries de 75 (soit 1 620 canons) font partie des divisions d'active6.

Les divisions de réserve créées elles aussi pendant la mobilisation reçoivent chacune trois groupes d'artillerie nouvellement formés chacun par un RACn 14, soit un total de 201 batteries (804 canons)6. Les divisions d'infanterie territoriale mises sur pied à la fin de la mobilisation n'ont chacune qu'un (pour les divisions territoriales de place) ou deux groupes d'artillerie (pour les divisions territoriales de campagne), pour un total de 48 batteries (soit 192 canons)6. En plus, sont créés 75 groupes territoriaux d'artillerie (chacun créé par un des RAC, RAP et RAM).

Au-dessus des divisions, chaque corps d'armée a comme élément organique un RAC supplémentaire, à quatre groupes soit douze batteries (groupes souvent affectés aux divisions), c'est-à-dire 48 canons de 75 mm29, soit 264 batteries (1 056 canons)6 supplémentaires qui se rajoutent aux artilleries divisionnaires. Encore au-dessus, chaque armée est renforcée par quelques groupes (d'un à cinq) de 120 mm Baquet et de 155 mm Rimailho. Enfin, au niveau du théâtre d'opérations du Nord-Est, le Grand Quartier général dispose d'une « artillerie lourde mobile » composée de quinze batteries de canons de 120 mm long et de six batteries de mortiers de 220 mm.

Déploiement de l'artillerie au sein du corps de bataille, au (sans les parcs)33
SubdivisionsBatteries de campagnebatteries lourdes d'arméebatteries à pied
Première armée 159 12 (6 de 155 mm C et 6 de 120 mm C) 0
Deuxième armée 183 17 (7 de 155 mm C, 6 de 120 mm C et 4 de 120 mm L) 0
Troisième armée 129 18 (3 de 155 mm C, 3 de 120 mm C et 12 de 120 mm L) 0
Quatrième armée 93 3 (de 155 mm C) 0
Cinquième armée 178 17 (7 de 155 mm C, 6 de 120 mm C et 4 de 120 mm L) 0
Corps de cavalerie 9 0 0
En réserven 15 230 21 (15 de 120 mm L et 6 de 220 mm) 0
Fortifications du Nord-Estn 16 40 0 132

En plus des unités combattantes, chaque division, corps d'armée et armée reçoit un parc d'artillerie, comprenant des sections de munitions d'artillerie (284 sont mises sur pied pour l'artillerie de campagne, ainsi que 121 sections de parc, 13 sections mixtes alpines de munitions, 47 colonnes légères de munitions de 120 mm et 26 sections de munitions de 155 mm C TR)34, des sections de munitions d'infanterie (137), ainsi que des canons de réserve (les parcs des cinq armées reçoivent un total de 246 canons de 75 mm), destinés à remplacer les pertes. Les arsenaux de l'intérieur disposent en plus de 420 canons de 75 pour servir de rechange6, auxquels se rajoutent les pièces d'instruction dans les dépôts régimentaires.

Peinture représentant la mise en batterie d'un canon.
 
Étienne-Prosper Berne-Bellecour, Le canon de 90 de Bange aux écoles du feu, 1898. En 1914, le canon de 90 mm modèle 1877 est une pièce obsolète, mais toujours en service dans les places. Cette peinture nous montre l'uniforme de l'artilleur, bleu foncé (peu salissant) rehaussé de rouge.

L'artillerie de place, composée des régiments d'artillerie à pied renforcés par des groupes territoriaux, est sous les ordres des gouverneurs des différentes places fortes et ne fait pas partie de l'armée de campagne. Dans la 1re région militaire, Dunkerque reçoit trois batteries, tandis que la place de Maubeuge a 16 batteries à pied (du 1er RAP) et quatre montées (ces dernières destinées à la « défense mobile de la place »). Dans la 2e région, il y a deux batteries à Charlemont, une aux Ayvelles, une et demie à Longwy et une à Montmédy. Dans la 6e région, la place de Verdun est défendue par 27 batteries à pied (du 5e RAP) et neuf montées, tandis que les forts des Hauts de Meuse le sont par trois batteries à pied ; dans la 20e région, la place de Toul est protégée par 26 batteries à pied (du 6e RAP) et neuf montées, tandis que les forts de la trouée de Charmes le sont par quatre batteries à pied ; dans la 21e région, la place d'Épinal a 23 batteries à pied (du 8e RAP) et neuf montées, tandis que les forts du rideau de la Haute Moselle ont trois batteries à pied ; enfin dans la 7e région, la place de Belfort a 24 batteries à pied (du 9e RAP) et neuf montées, complétées par une batterie à pied au Montbard et au Lomont35. La frontière des Alpes est couverte par les 7e et 11e RAP ainsi que les 1er et 2e RAM. Chacune des quatre places de l'Est aligne de 500 à 600 pièces d'artillerie dans les forts avec une division de réserve pour les sorties, tandis que le camp retranché de Paris dispose d'environ 1 700 pièces d'artillerie, sans compter l'artillerie des sept divisions de réserve et territoriales qui renforcent la garnison. En cas de besoin, il est prévu la constitution de deux équipages de siège d'artillerie, en puisant dans l'artillerie des places fortes36.

Enfin l'artillerie de côte, qui était de la responsabilité du ministère de la Guerre en temps de paix, doit passer à celui de la Marine pour la défense des grands ports de guerre juste avant la mobilisation (ce n'est effectif qu'en septembre). En conséquence, si le 1er RAP conserve sous ses ordres les batteries de côte à Dunkerque, Boulogne et Calais, les autres récupèrent leur personnel d'active et de réserve (remplacés par des inscrits maritimes et des territoriaux) : le 3e RAP cinq batteries à Cherbourg et quatre à Brest ; le 7e RAP trois batteries à Nice, une à Ajaccio et une à Bonifacio ; le 10e RAP six batteries à Toulon et une à Porquerolles. Quant aux batteries au Havre, à Lorient, Quiberon, Belle-Isle, Saint-Nazaire, , Aix, Oléron, Rochefort, bordant la Gironde et à Marseille, elles sont armées par des groupes d'artillerie de côte de l'artillerie coloniale37.

Emploi tactique

Avant guerre, la mission dévolue à l'artillerie de campagne est de soutenir l'infanterie par sa puissance de destruction contre le personnel à découvert ou protégé par des boucliers, des levées de terre ou des retranchements. Lors d'une phase offensive, l'artillerie ouvre la voie et doit engager toutes les unités qui pourraient gêner la progression de l'infanterie. En phase défensive, l'artillerie recueille l'infanterie et doit arrêter la progression de l'infanterie adverse38. Les tirs doivent donc se faire à vue directe, à une distance d'environ trois à quatre kilomètres maximum (au-delà, la précision est moindre).

« Une coopération intime des différentes armes est indispensable pour la réussite d'une attaque. [...] L'artillerie a pour mission essentielle d'appuyer le mouvement en avant de l'infanterie. En particulier, dans la période de crise qui précède l'assaut, elle bat, coûte que coûte, les objectifs de l'attaque. »

— Service des armées en campagne, décret du 2 décembre 191339.

Le règlement préconise de placer des batteries en position de surveillance en limitant le nombre de tirs afin que les troupes et l'artillerie adverses se dévoilent pour les engager avec le minimum de batteries pour toujours conserver des batteries disponibles. Le règlement suppose que les unités adverses tenteront de se protéger de la puissance de feu de l'artillerie de campagne dans des retranchements ou de se masquer à la vue de l'artillerie et devront être fixées par des tirs de neutralisation et rarement de destruction. Ces préconisations sont liées à la faiblesse de l'approvisionnement en munitions comparée à la puissance et au débit du matériel employé. Chaque canon de 75 mm est doté d'une réserve de 1 000 à 1 300 coups au début du conflit. Cette quantité correspond en fait à quatre jours de feu continu d'un canon de 7538.

Concernant l'artillerie lourde, elle est en 1914 tellement nouvelle (fondée le ) et embryonnaire que son emploi et ses caractéristiques ne sont pas évoqués dans le Règlement sur la conduite des grandes unités (RCGU du ) et le Règlement de service en campagne (RSC du ). Pour le service des pièces, l'aménagement des batteries et l'observation, il existe le Règlement de manœuvre de l'artillerie à pied, artillerie de siège et place dont les différents textes datent de 1910 à 1913.

L'identification des objectifs et le réglage des tirs ont une importance capitale dans l'utilisation de l'artillerie de campagne, le règlement de 1913 (ainsi que le Règlement de manœuvre de l'artillerie de campagne du )40 préconise l'emploi d'observateurs sur des points hauts du champ de bataille lorsqu'ils existent ou à défaut l'usage d'une échelle d'observation pouvant se fixer sur les caissons de munitions et permettant de s'élever de 4,2 m41. En cas de tirs directs, le capitaine est debout sur un des caissons et assure le réglage des pièces avec ses jumelles. Des « lunettes de batterie » sur trépied, en dotation, permettent de mesurer les angles ainsi que les hauteurs d'éclatement des obus.

Afin de pouvoir établir une communication entre les batteries et les observateurs ou le chef de groupe, le règlement propose l'utilisation de signaux à bras ou avec des fanions pour des distances comprises entre 700 et 2 500 m42, l'utilisation d'agent de liaison ou l'utilisation d'un matériel microtéléphonique d'une portée de 500 m43. Le règlement recommande dans le cas d'un commandement à distance de s'assurer de deux moyens de transmission des informations.

L'usage de l'aviation est recommandé par le règlement de 1913, lorsque la localisation des objectifs n'est connue que par les effets de leurs tirs ou par des renseignements imprécis à des distances moyennes de combat pour l'artillerie. L'avion peut, en se plaçant dans l'axe de tir de la batterie, observer les zones d'impact des obus, il peut également identifier des troupes masquées par des replis de terrain. Ces observations doivent être retranscrites sur un bulletin qui est lancé sur la ou les batteries ayant demandé le concours de l'aviation44.

Autres belligérants

L'Armée française de la période 1871 à 1914 ne cesse de se comparer à sa puissante voisine l'Armée allemande, qui elle-même surveille la française. Dans le domaine de l'artillerie, cette comparaison se fait d'une part entre les deux principaux canons de campagne, le 75 mm français comparé au 7,7 cm allemand, à l'avantage du matériel français surtout en termes de cadence de tir. Elle se fait d'autre part sur l'artillerie lourde, avec un très net avantage côté allemand. À la suite de l'apparition du canon de 75 (le groupe du 20e RA envoyé contre les Boxers en 1900-1901 avait fait forte impression), l'artillerie allemande a doté ses canons de 77 d'un frein semblable, ses batteries comportent six pièces (quatre chez les Français) et surtout elle s'est dotée d'obusiers capable de faire du tir courbe à portée moyenne, pour neutraliser les batteries françaises. D'autre part, la ligne de fortifications que représente le système Séré de Rivières nécessite une artillerie de siège importante. C'est pourquoi en Allemagne les obusiers légers de 10,5 cm sont affectées directement aux divisions, ceux lourds de 15 cm aux corps d'armée et les mortiers de 21 cm au niveau des armées.

Si côté français chaque corps d'armée dispose en août 1914 de 120 canons de 75 mm45, un corps d'armée allemand d'active aligne 162 pièces d'artillerie, dont 108 canons de 7,7 cm, 36 obusiers de 10,5 cm et 18 obusiers de 15 cm46. L'ensemble de l'armée de campagne allemande (qui déploie un huitième de ses forces face à l'Armée russe) aligne un total de 4 350 à 4 690 canonsn 17 de 7,7 cm, 40 canons de 10 cm, 950 à 1 450 obusiers de 10,5 cm, 440 obusiers de 15 cm et 140 mortiers de 21 cm. Elle est complétée par l'artillerie de siège : 176 canons de 10 cm, 32 canons de 13 cm, 400 obusiers de 15 cm, 80 mortiers de 21 cm, dix mortiers de 30,5 cm et sept obusiers de 42 cm, sans compter l'artillerie à pied garnissant les fortifications (notamment celles autour de Metz-Thionville, de Strasbourg-Mutzig et de Thorn)47.

Pièces d'artillerie de l'armée de campagne allemande en août 191448,49
MatérielsMasse en batterieCadence de tirportée max.Munitions (poids)
7,7 cm FK 1896 n.A. 971 kg 10 à 12 coups/min 8,4 km obus à balles ou explosif (6,8 kg)
10,5 cm lFH 1898/1909 1 225 kg 4 coups/min 6,3 km obus à balles (12,8 kg) ou explosif (15,7 kg)
15 cm sFH 1902 ou 1913 2 100 kg 2 à 3 coups/min 7,4 km obus explosif (40,5 kg) ou à balles (39 kg)
Pièces d'artillerie de siège allemandes en août 1914
MatérielsMasse en batterieCadence de tirportée max.Munitions (poids)
10 cm K 1904 2 755 kg un coup/2 min 10,4 km obus explosif ou à balles (17,8 à 18,7 kg)
13 cm K 1909 5 800 kg   16,5 km obus explosif ou à balles (40 kg)
21 cm Mörser 6 630 kg 2 coups/min 9,4 km obus explosif (119 kg)
28 cm Mörser 6 200 kg ? 11 km obus explosif (338 kg)
30,5 cm s.Kst.Mrs 1896 ou 1909 30 000 kg   8,2 km obus perce-cuirasse (410 kg) ou allongé (335 kg)
42 cm Kurze-Marine-Kanone 1912 (Gamma)
42 cm Kurze Marine-Kanone 1914 (M)
150 kg (Gamma)
42,6 kg (M)
dix coups/h 14,2 km (Gamma)
9,2 km (M)
obus explosif (795, 930 ou 1 160 kg)

L'artillerie allemande dispose donc d'une artillerie lourde plus nombreuse et plus moderne que la française ; sa doctrine d'emploi est elle aussi différente. Le règlement de l'artillerie lourde de campagne du prévoit de l'employer dès la prise de contact, en la poussant en avant pour frapper les colonnes en marche (repérées par les avions) ; ensuite elle doit détruire les batteries repérables, permettant le déploiement de l'artillerie légère ; enfin, elle prépare l'assaut de l'infanterie en détruisant les obstacles et retranchements (pendant que l'artillerie légère se consacre à l'appui rapproché)50.

La guerre des Boers en 1899-1902, la guerre russo-japonaise de 1904-1905 et les deux guerres balkaniques en 1912-1913 permirent de confronter les méthodes allemandes (imitées par les Japonais et les Ottomans) et françaises (utilisées par les Russes, les Serbes et les Bulgares) ainsi que le matériel (canons Schneider contre canons Krupp ou Škoda) : les missions envoyées par les deux futurs belligérants firent quelques rapports alarmants mais dans l'ensemble confortèrent leurs états-majors respectifs dans leur anticipation du conflit à venir51.

Début du conflit

En août et septembre 1914, les matériels et méthodes développés avant-guerre sont mis à l'épreuve. Les désillusions face à une nouvelle forme de guerre sont nombreuses, concernant aussi bien la cavalerie, l'infanterie que l'artillerie de toutes les armées belligérantes.

Premiers engagements

Les difficultés d'action de l'artillerie française en août 1914 peuvent être illustrées par quelques exemples consignés dans les journaux de marches et d'opérations des régiments d'artillerie. En résumé, lors de la bataille des Frontières, les artilleurs français arrosent copieusement l'infanterie adverse, mais subissent aussi les tirs de contre-batterie de leurs homologues allemands. Pour les fortifications, l'artillerie française périmée qui y est positionnée est incapable d'affronter les pièces modernes que les Allemands déploient contre elle.

Le premier coup de canon a lieu le à Philippeville en Algérie, où deux canons de côte de 19 cm modèle 1878 de la batterie el Kantara, armées par quelques hommes du 6e groupe autonome à pied d'Afrique, tirent sur le croiseur allemand Goeben : le quatrième coup (le télémètre n'étant pas opérationnel) rase sa poupe, ce qui le décide alors à s'éloigner à grande vitesse52.

Trois exemples permettent d'illustrer les conditions d'engagement de l'artillerie française en août 1914.

4e RAC en Alsace

Le 31 juillet 1914 au matin, soit deux jours avant la publication du décret de mobilisation générale, les unités casernées le long des frontières du Nord-Est reçoivent l'ordre d'établir une « couverture », prévue au plan XVII, afin de protéger les mouvements de troupes. Cette mesure concerne neuf divisions d'infanterie et sept de cavalerie, comprenant un total de 138 batteries montées et 21 batteries à cheval53. L'extrémité droite de ce dispositif, couvrant les cols vosgiens méridionaux et la trouée de Belfort, est confiée au 7e corps (comprenant 120 canons des 4e, 5e et 47e RAC) renforcé par la 8e division de cavalerie (rajoutant douze pièces du 4e groupe à cheval du 4e RAC) et une batterie de 155 mm long du 9e RAP de Belfort.

Le , ces forces se portent en avant. Le jour même, le 4e RAC, qui sert d'artillerie divisionnaire à la 41e division (AD 41), ouvre le feu pour la première fois : après avoir passé les cols de Bussang et d'Oderen dès h 30, le régiment envoie un de ses canons de 75 mm en appui de la tête de colonne, bloquée par des mitrailleuses allemandes à la sortie de Wesserling. Le tir des obus est efficace, se faisant à courte distance, en tir direct, si proche que les servants se font tirer dessus par les fantassins allemands.

Le , nouvel engagement : à Cernay, deux batteries du 3e groupe du 4e RAC en batterie sur le versant sud-est du contrefort vosgien (donc à contre-pente, en tir indirect) bloque avec leurs obus explosifs l'attaque allemande débouchant le matin de Wattwiller. Après l'évacuation de Cernay en début d'après-midi, la troisième batterie du groupe, établie en lisière nord du bois de Nonnenbruch, contrebat l'artillerie allemande déployée à l'est d'Uffholtz : « tir réglé 3000-3200 efficace. » Le 2e groupe du régiment est à Lutterbach, tirant là aussi sur l'infanterie allemande, mais subissant de nombreux tirs de contre-batterie bien dissimulée dans le bois :

« Observ. - Artie ennemi - bien cachée ; tir réglé au Télémètre ou d'après la carte ; extrêmement violent ; peu efficace. Eclatement trop hauts. - Mélange de shrapnels et de l'ex. - Artie française - Efficacité certaine du shrapnell et de l'explosif. Eclatements bas. Résultats puissants - Ht Moral de la Troupe. »

Le combat de Cernay se solde par la retraite française. À partir du 11, la division est sur la défensive le long de la frontière à l'est de Belfort. Le 12 au matin, une des batteries essuie encore quelques tirs de 105 mm allemand54.

39e RAC en Moselle

Le , cinq corps d'armées des 1re et 2e armées françaises se lancent dans une offensive à travers le plateau lorrain. Parmi eux, le 20e corps commandé par le général Foch comprenant les 60e RAC (AC 20), 8e RAC (AD 11) et 39e RAC (AD 39), se trouve sur l'aile gauche. La contre-attaque allemande au matin du met en fuite toute l'armée : au 39e RAC, deux groupes sont d'abord pris d'enfilade par des tirs croisés de l'artillerie adverse dès h, plusieurs caissons sautent et les munitions s'épuisent.

« A h 30 l'infanterie ennemie approchant librement, le 1er groupe donne l'ordre d'amener les avant-trains. Le 3e groupe ne peut le faire à cause de la visibilité des pièces et de la violence du feu. Son personnel ne se retire qu'après le départ de l'infanterie et sous les balles allemandes. Le 1er groupe plus heureux peut faire prévenir les avant train (déjà entrainés dans la retraite générale) [...] 6 canons et 4 caissons sont enlevés à toute allure par les avant trains de la 2e Bie. Ceux de la 1re Bie se rapprochent, mais trop tard l'Infie ennemie approche des pièces. Les officiers se replient à pied jusqu'à 302 poursuivis par la canonnade et la fusillade. »

Quant au 2e groupe, isolé sur le flanc et étalé sur trois kilomètres, mais mis en batterie de façon défilée, avec des postes d'observation sur les crêtes, il tire sur l'infanterie et l'artillerie allemande qui débouche. Vers midi, la 6e batterie est :

« criblée de feux, la situation devient intenable. Ordre de se retirer. Mais sa position est repérée. Première tentative pour amener les av. tr. échoue, 3 conducteurs, et plusieurs chevaux hors de combat. Deuxième tentative. Voiture par voiture, de quart d'heure en quart d'heure, au galot, on sauve successivement 2 canons, 4 caissons, qu'on ramène au sud de 272. La pièce de droite visible est balayée par rafale dès qu'on l'approche. Un canon hors service. Un abandonné, inapprochable. Capitaine de S. blessé à la cuisse, quitte en dernier avec ses servants. [...] A 14 h, les 4e et 5e Bies, le 49e colonial et quelques fractions du 146e restent seuls, entourés de tous côtés, sur 272. La 4e tire obliquement sur les Allemands qui viennent d'enlever Faxe, et arrête leur attaque. La 5e maintient les assaillants sortant des bois de Viviers et d'Oron. Le 49e colonial, écrasé de shrapnells, évacue enfin la croupe 270, à la course. Les 2 bies se retirent par la forêt [...]55. »

Photo noir et blanc d'un canon au milieu d'un groupe de civils.
 
Canon de 75 mm français capturé, exposé en trophée devant des civils allemands. Parmi les centaines de canons de prise, plusieurs furent réalésés au calibre 7,7 cm pour faire des pièces antiaériennes sur affût permettant le tir à 50°, sous le nom de « 7,7 cm L/35 Flak (franz) ».

Bilan : ce régiment a perdu 23 de ses pièces (sur les 36) ainsi que 26 caissons56 ; le colonel a été tué.

Chute des places

Les défaites françaises de la bataille des Frontières ont pour conséquence la retraite des armées françaises, laissant isolées en avant les fortifications frontalières du Nord-Est. Les troupes allemandes purent investir, assiéger et finalement prendre la citadelle de Longwy (du 8 au 26 août), le fort de Manonviller (du 23 au 27 août), le fort de Charlemont (du 24 au 31 août), le fort des Ayvelles (du 25 au 27 août), Montmédy (du 25 au 28 août) et les forts de la place de Maubeuge (du 24 août au 7 septembre). La place de Lille fut désarmée et évacuée à partir du 24 août, tandis que les places de Calais et Dunkerque restèrent isolées, protégées par les inondations préventives de la plaine maritime.

Dans tous les cas, l'artillerie de siège allemande, plus moderne et nombreuse, domina rapidement l'artillerie de place française ; la prise du fort de Manonviller en fut exemplaire. Il s'agissait d'un vaste fort d'arrêt modernisé, plutôt bien armé avec six tourelles d'artillerie, dont quatre équipées chacune de deux canons de 155 mm (deux tourelles Mougin modèle 1876 et deux tourelles Galopin modèle 1890) et deux tourelles Bussière 1893 pour deux canons de 57 mm57, complétées accessoirement avec deux canons de 80 mm sur affût de campagne, six mortiers de 220 mm et quatre de 150 mm, le tout servi par une batterie du 6e RAP58. Le pilonnage allemand commença le par des obus explosifs de 210 mm, lancés par des batteries parfaitement défilées ce qui empêcha la contre-batterie française : dès le premier jour, une des tourelles de 155 fut mise hors service et un stock de 2 200 obus de 57 et 80 sauta. Le 26, deux autres tourelles de 155 furent éliminées et un stock de 800 obus de 155 sauta. Le 27 dès h 20, deux obusiers allemands de 420 mm entrèrent en action ; la quatrième tourelle de 155 fut bloquée, la garnison fut asphyxiée ; le drapeau blanc fut hissé vers 15 h 3059. Au total, les assiégeants tirèrent sur et autour du fort 979 coups de 150 mm, 4 596 de 210 mm, 134 de 305 mm et 59 de 420 mm60.

Devant l'avancée allemande, ordre fut donné de remettre en état les places déclassées de la seconde ligne de défense. Du 15 au 25 août, le fort d'Hirson reçut de nouveaux canons et une garnison pour épauler le 4e GDR, puis évacué et détruit par explosif le 27 août. Le , les places de la Fère et de Laon (déclassées par le décret du ) passèrent sous les ordres du général de la 5e armée : les vieux canons de 90 mm modèle 1877 furent retirés des arsenaux de place (26 à la Fère et 22 à Laon) pour être mis en batterie61. L'ensemble fut finalement abandonné avant l'arrivée des troupes allemandes.

Enseignements

« [...] offensive ennemie se développe de plus en plus vers le sud, renforcée par un tir incessant d'obusiers qu'il est impossible de voir et par suite de contrebattre. Le tir, très précis, éteint peu à peu une partie de l'artillerie établie sur la crête à l'ouest de Walscheid. La brigade coloniale renonce à l'offensive et limite ses efforts à l'occupation des hauteurs de la rive gauche de la Bièvre. [...] la brigade, après avoir éprouvé de lourdes pertes, cède du terrain, et ses éléments dissociés se replient sur les hauteurs à l'ouest de la Valette. »

— Rapport du général Legrand (ancien sapeur, chef du 21e corps) sur l'attaque de Harreberg le 20 août (bataille de Sarrebourg)62.

« Les attaques dans la journée d'hier ont échoué uniquement parce qu'elles n'ont pas été préparées par l'artillerie, ni même par le feu de l'infanterie. Il est essentiel que l'infanterie ne se porte jamais à l'attaque sans que l'artillerie ait préparé cette attaque et soit prête à l'appuyer. On ne peut admettre les charges à la baïonnette dans les conditions où elles se sont produites jusqu'ici la plupart du temps. »

— Instruction du général Ruffey (ancien artilleur, chef de la 3e armée) à ses unités, à la suite des combats du 22 août autour de Longwy (bataille des Ardennes)63.

Pendant la période de guerre de mouvement, les obusiers allemands purent plusieurs fois contrebattre les artilleurs français, qui ne survivent que grâce à la mobilité des batteries montées de 75 mm (il faut du temps pour régler le tir indirect)64. Si certains combats de la bataille des Ardennes (du 20 au ) se sont limités à des rencontres d'infanterie, la bataille des Frontières correspond à un tournant, l'artillerie dominant désormais le champ de bataille et les obus devenant la principale cause des pertes65. Comme prévu avant-guerre, les batteries françaises à quatre canons de 75 mm font au moins jeu égal avec les batteries allemandes à six canons de 77 mm dans le soutien à l'infanterie ou le tir d'interdiction : les canons français tirent plus vite et leurs obus sont plus efficaces (plus de charge explosive). La coordination avec l'infanterie est insuffisante : les artilleurs, laissé à eux-mêmes, tirent alors sur les objectifs visibles66. Les rares cas de contre-batterie concernent des tirs à courte portée, par exemple le tir explosif de deux groupes du 5e RAC (AC 7) le , fauchant à 4 875 m le personnel et les chevaux de tout un groupe allemand déployé sur les hauteurs au sud de Brunstatt (18 canons capturés) :

« Enseignements : une artillerie visible est vouée à la destruction. Quand on veut frapper à mort un objectif, lisière de Dornach, artillerie ennemie, il faut tout de suite y mettre le prix, ne pas lésiner sur le nombre des batteries à engager, taper le plus fort possible. Le tir d'efficacité à obus explosifs est seul efficace contre l'artillerie, il l'est aussi en raison de son efficacité réelle et de ses effets moraux contre le personnel. Il est nécessaire d'augmenter encore la proportion d'obus explosifs, de la porter au moins au ⅔. »

— JMO du 5e RAC (alors commandé par le colonel Nivelle)67.

La stabilisation du front, dès la fin août 1914 en Haute-Alsace puis à la mi-septembre au centre et en octobre plus au nord, modifie encore le type de combat : si de son côté l'infanterie s'enterre pour survivre, l'artillerie lourde prend une place dominante ; on recherche les hauteurs, on engage le feu à des distances de plus en plus longues, en tir indirect à partir de positions fixes, en concentrant les tirs, tandis que la consommation d'obus dépasse largement les prévisions. L'artillerie de campagne s'adapte lentement, grâce à quelques initiatives individuelles : par exemple le colonel Estienne arrive au 22e régiment d'artillerie lors de sa nomination avec deux avions Blériot pour l'observation d'artillerie, qu'il utilise lors de la bataille de Charleroi. Les observations seront importantes lors de la bataille des Deux Morins. Mais comme les Français n'ont pas assez d'artillerie lourde pour tirer sur les retranchements et contrebattre l'artillerie allemande, le ministre de la Guerre met à disposition de Joffre le 108 canons de 155 mm court modèle 1881-1912 de Bange (la modification de 1912 porte sur une plateforme de tir en bois plus transportable que l'affût de siège et place) et 120 mortiers de 220 mm modèle 1881-1891 (la modification de 1891 consiste en l'ajout d'un frein hydropneumatique à l'affût)68.

« Ce n'est un secret pour personne que nous nous trouvions en état d'infériorité marquée vis-à-vis de nos adversaires, surtout en ce qui concerne l'Artillerie lourde qui n'existait chez nous qu'à l'état embryonnaire. Nombre d'entre nous ont dans la mémoire le souvenir des heures graves où le sentiment de notre impuissance se fit jour en face de canons qui, à l'abri de nos atteintes, ne prenaient même pas la peine de se masquer et pouvaient nous écraser en toute sécurité. »

— Capitaine Leroy, Historique et organisation de l'artillerie, 1922, p. 5.

Crise des obus

Au moment de l'entrée en guerre, le stock de munitions du calibre 75 mm est de 4 866 167 cartouches (obus + douille), soit un peu plus de 1 000 coups par canon6. L'artillerie lourde, qui était censée consommer moins, est approvisionnée avec : 1 280 000 coups de 120 mm, commun à l'obusier Baquet et au canon de Bange, dont 400 à 450 coups pour ceux de l'armée de campagne ; 78 000 coups de 155 mm pour le canon Rimailho, soit 540 coups par pièce ; et 1 400 000 coups de 155 mm pour les 155 mm de Bange des places fortes8. Ces quantités correspondent aux besoins d'une guerre de mouvement.

L'État-Major a prévu en plus un « plan de fabrication du temps de guerre » pour compléter ces stocks, en assemblant les obus, douilles et explosifs encore dans les arsenaux de Bourges, Lyon, Tarbes et Rennes (de quoi faire 800 000 cartouches, à raison de 25 000 par jour)69, puis, à partir du 65e jour après le début de la mobilisation, lancer la fabrication à raison de 13 600 coups par jour8, dont 3 500 par l'industrie privée.

Manque de munitions

En fait, les dotations en munitions de 75 mm sont à moitié consommées lors de la bataille des Frontières et celle de la Marne. Dès le , le général directeur de l'arrière informe le ministre de la Guerre que les six entrepôts de réserve générale (à Bourges, Angers, Rennes, Clermont, Lyon et Nîmes) sont presque vides. Le , la consommation moyenne depuis le début de la guerre est estimée à 700 coups de 75 par pièce (pour un seul mois de combat) ; il reste environ 650 autres coups au front dans les fourgons et parcs, plus 45 coups à l'arrière dans les entrepôts, gares et arsenaux70. Le 20, Joffre écrit au ministre : « ou la fabrication de munitions d'artillerie devra être considérablement augmentée, ou nous n'aurons plus les moyens de continuer activement la guerre à partir du 1er novembre ». Il estime les besoins minimum à 50 000 coups par jour, soit une moyenne de douze coups par pièce et par jour71 (alors qu'un tir d'un quart d'heure en consomme une centaine). Le même jour, le ministre de la Guerre réunit autour de lui à Bordeaux les principaux industriels de la métallurgie, qui se lancent dans la production, promettant 20 000 coups par jour à la fin octobre et 40 000 en début décembre ; elle fut en réalité de 23 400 par jour en octobre, puis de 11 300 en novembre à cause du manque d'ouvriers, de machines-outils et de matériaux72.

Le , le GQG essaye de limiter la consommation d'obus sur les fronts stabilisés (ce qui ne concerne pas alors les troupes au nord de l'Oise) par une note aux armées : « L'artillerie ne doit jamais tirer sans objectifs bien définis, ni sur des zones larges, à des moments où ces tirs ne sont pas nécessaires soit pour faciliter la progression de notre infanterie, soit pour arrêter des attaques ennemies. En un mot, il faut proscrire les canonnades sans but défini ». Il recommande en plus d'utiliser de préférence des obus à balles, délaissés par les batteries qui utilisent désormais surtout des obus explosifs73. Le , Joffre recommande aux commandants d'armée de « renoncer aux attaques générales, qui usent la troupe sans procurer des avantages suffisants, et à procéder par attaques localisées, exécutées en accumulant successivement les moyens d'action sur les points choisis ». Il les invite à faire plutôt des attaques de nuit, qui économisent les munitions d'artillerie74. Puis toujours le 24 : « Actuellement arrière épuisé. Si consommation continue même taux, impossible continuer guerre faute de munitions dans quinze jours... conserver toutes munitions disponibles pour reprise offensive violente quand sera possible. Ne puis trop appeler toute votre attention sur importance capitale cette prescription d'où dépend le salut du pays75. »

Le , on passe au rationnement : l'approvisionnement aux armées est désormais limité à 300 coups par pièce (y compris les munitions stockées dans les parcs), le restant devant être rendu au service de l'arrière pour constituer une réserve76. En plus, aucune livraison n'est prévue avant le , pour concentrer les approvisionnements sur les unités engagées dans la course à la mer. En conséquence, les attaques de la 9e armée en Champagne sont suspendues faute d'obus dès le 27 au soir77 :

« En vue de restreindre la consommation des munitions d'artillerie, pendant la période défensive destinée à permettre le développement de la manœuvre de notre gauche, les CA maintiendront en principe une attitude défensive. [...] Les batteries d'artillerie, au lieu de régler leur tir ou de repérer par salves, exécuteront ces opérations avec une pièce ; elles n'effectueront par salves que des tirs réglés sur des buts bien déterminés et bien vus : elles éviteront tout tir sur zone. [...] Les consommations devront être réglées avec la plus stricte économie il y aura lieu de les limiter, jusqu'à nouvel ordre, de manière à ne pas dépasser pour l'ensemble du CA le chiffre moyen de 13 coups par pièce et par jour. »

— Général Ferdinand Foch, Instruction personnelle secrète, 78.

Le , le GQG ordonne « que tous les soirs ou toutes les nuits avant six heures, chaque armée fera connaître par télégramme chiffré au directeur de l'arrière le nombre de coups de 75 consommés dans la journée ». La consommation journalière est alors de l'ordre de 38 000 cartouches par jour en octobre (soit un million de coups par mois), dont la moitié par la 2e armée. Par exemple le , sur un total 38 759 obus tirés pendant la journée, la 2e armée en utilise à elle seule 31 300 en Picardie, tandis que son voisin le GDT se limite à 950, les 6e et 5e en tirent respectivement 1 088 et 191 sur l'Aisne, la 9e 483 autour de Reims, la 4e 1 259 en Argonne, la 3e se limite à 658 sur les Hauts de Meuse et la 1re armée 2 830 sur le plateau lorrain et dans les Vosges79.

Ordre est donné d'envoyer les stocks d'obus des camps retranchés et des colonies vers le front80. Une partie des canons de 75 mm sont remplacés pendant l'automne 1914 par 500 vieux canons de 90 mm, qui tirent lentement et disposent encore de munitions en stock ; ces munitions de 90 commencent rapidement à manquer, malgré une production d'environ 2 000 coups de ce calibre par jour, d'où le retrait progressif de ces canons à partir d'avril 191581. Il faut attendre les premiers mois de 1915 pour que la production française couvre les besoins de l'artillerie, fournissant en plus des cartouches d'artillerie aux armées belges, serbes et russes82.

Munitions défectueuses

Au manque chronique de cartouches de 75 se rajoute rapidement un problème supplémentaire : des obus de ce calibre se révélèrent défectueux. Des obus ne détonnent pas, explosent trop vite, ou pire au départ du coup, faisant alors éclater le tube du canon, hachant menu les servants. Ces éclatements de tube se firent nombreux à partir de décembre 1914, alarmant les services : un rapport établit qu'il y en eut six entre août et décembre, soit un éclatement pour 500 000 coups tirés, puis 236 entre le et le , dont 176 rien qu'à la 4e armée, soit un éclatement pour 3 000 coups83. L'usage du cordon se développe, permettant de mettre le personnel à distance lors du déclenchement du tir.

La fabrication des cartouches fut mise en cause à partir de janvier 1915, que ce soit la mauvaise qualité des matériaux, les nouvelles façons de fabriquer les obus (en les usinant pour s'adapter aux machines disponibles dans les ateliers privés, au lieu de les emboutir) ou les malfaçons entraînées par les rendements excessifs. Les contrôles de qualité et les tolérances lors des recettes furent donc revus, pour se rapprocher des façons de faire du temps de paix : les éclatements se firent plus rares, à raison d'un pour 11 000 coups au printemps, puis d'un pour 50 000 à la fin de l'été 191584.

Des problèmes se poursuivirent pendant tout le conflit malgré les mesures prises. On enquêta sur des détonations incomplètes (dues à un tassement ou une cristallisation de l'explosif lors du chargement), des ratés de percussion (étoupilles détériorées ou malfaçons), des douilles brisées (on réutilise les douilles usagées jusqu'à huit fois avant réforme, d'où des fissures), des obus qui tombent à un tiers de l'objectif (à cause d'une charge propulsive incomplète, ou à cause de l'humidité), avec des trajectoires erratiques (usure, encrassement et encuivrage du tube), on retrouve des corps étrangers dans les charges propulsives (clous, vis, morceaux de bois, ficelles, chiffons, gants...)85, etc.

Les tolérances dans le chargement des charges d'explosif et l'usinage des obus sont si importantes qu'à partir du printemps 1915 les cartouches d'artillerie d'un même calibre sont triées selon leur masse pour retrouver un peu de précision lors des tirs. Par exemple pour les obus explosifs de 75 mm, ceux de 4,85 à 5 kg sont désormais marquées à la peinture avec la lettre « L », ceux de 5 à 5,15 kg d'une croix, ceux de 5,151 à 5,3 kg de deux croix et ceux de 5,301 à 5,45 kg de trois croix86. Pour les obus de l'artillerie lourde, leur masse est peinte directement en kilogrammes.

Propagande

Malgré ces difficultés, la propagande va mettre en avant l'artillerie français, notamment son canon de 75 mm :

« Le canon allemand a pour lui de ne pas exiger d'abatage et, une fois en batterie, d'être plus léger et d'avoir un caisson plus léger aussi, enfin de présenter une surface de boucliers plus grande. En revanche, il est notablement inférieur sur des points essentiels : stabilité, pointage, fauchage, réglage des fusées, tir en profondeur, rapidité du tir et qualités balistiques. Au résumé, on pouvait prévoir que les 120 pièces de 75 par corps d'armée que nous possédons vaudraient mieux que les 144 pièces du corps allemand. »

— Théophile Schloesing (le fils du chimiste (sv)), Le "75" : le canon, le tir, les projectiles, 191587.

Photo d'une médaille dorée représentant un canon, le soleil se levant en arrière-plan.
 
Médaille commémorative de la « Journée du 75 » de 1915.

REFRAIN
Le canon léger que la France
Acclame et fête, tour à tour,
Nous donnera par sa puissance,
La grande Victoire, un beau jour.
Nous aimons sa forte éloquence ;
Sa voix nous promet le retour,
Après l'heure de la vengeance,
À la douce loi de l'amour.

I
Le sol de l'Alsace et Lorraine,
Grâce à lui, sera déblayé :
Plus d'Allemands au cœur de hyène,
Sans foi, sans pudeur, ni pitié !

II
C'est le maître de la bataille,
Le protecteur de nos soldats,
Bien qu'il soit tout petit de taille,
Les grands ne lui résistent pas.

III
Quand le "75" gronde,
Affolés, redoutant leur sort,
Les boches, fils de race immonde,
Poings crispés, attendent la mort.

IV
Avec vous, Anglais, Russe, Belge,
Il prend le chemin de Berlin.
Guillaume II, le sacrilège,
Ne règnera plus sur le Rhin.

Le « 75 » : chant patriotique, créé par M. Jean Aubert de l'opéra de Nice, paroles de François Armagnin et musique de F. Giraud.

En 1915, le slogan « Des canons ! Des munitions ! » du sénateur Charles Humbert, publié plusieurs fois dans son quotidien Le Journal, devient le refrain d'une chanson88. L'obus de 280 mm est même surnommé à l'occasion le « Charles Humbert » parce qu'il a une grosse voix et qu'il fait des dégâts89.

Montée en puissance

Face à la transformation du conflit en une guerre de tranchées à partir de l'automne 1914, comparée à l'époque à un gigantesque siège, l'artillerie adapte son matériel, son organisation et sa doctrine d'emploi.

Plus de canons

En attendant la fabrication de nouveaux modèles plus modernes, l'artillerie française vit d'expédients : dans un premier temps elle envoie au front les vieux canons, puis réemploie des canons de marine ou de l'artillerie de côte, improvise des mortiers de tranchée et saisit chez les industriels des canons destinés à être exportés (par exemple le canon de 75 mm modèle 1914, qui était destiné à l'Armée russe sous le nom de Schneider PD07). Des programmes successifs, toujours plus ambitieux, fournissent toujours plus de pièces d'artillerie, avec application progressiven 18 : décisions ministérielles du (« barrière de Bange »), du (réorganisation de l'artillerie lourde) et du (triplement du nombre des 155 mm courts)90.

Premiers expédients

Photo noir et blanc d'un canon en train d'être chargé.
 
Un 155 mm L modèle 1877 culasse ouverte pour le chargement de l'obus (la gargousse de poudre va suivre). L'affût SP (qui fait 3,2 t) est complété par des cingolisn 19 et des coins de retour en batterie ; l'installation d'un tel canon prend une heure, sans parler de la fosse, de la plate-forme en bois et du camouflage.

Le , le GQG demande au ministère de la Guerre qu'il mette à sa disposition les pièces d'artillerie des places fortesn 20, puis les ayant obtenues le 24, les propose aux commandants des différentes armées92. Il s'agit de vieux modèles, plusieurs sur affûts « de siège et place » (SP) donc peu mobiles, aux cadences de tir lentes, utilisant des gargousses et non des douilles (ce qui permet de faire des économies de laiton), mais disponibles en grands nombres : les canons de 90 mm modèle 1877 doivent remplacer les canons de 75 mm dans une centaine de batteries de campagne pour économiser les munitions de 75, les canons de 95 mm modèle 1875 et les canons de 120 mm modèle 1878 doivent armer de nouvelles batteries de campagne confiées aux corps d'armée (les 120 pour faire notamment de la contre-batterie), tandis que les canons de 155 mm modèle 1877 et les mortiers de 220 mm modèle 1880 restent aux mains de l'artillerie à pied, en batteries lourdes affectées à l'échelon de l'armée et destinées à frapper les retranchements93,94. Cette « barrière de Bange » permet à l'Armée de tenir le front en attendant l'arrivée de matériels lourds plus modernes.

Au cours de l'automne 1914, l'arrivée en nombre des canons lourds de siège et des disparités dans leur affectation entre les différentes grandes unités décide le GQG, le , à affecter organiquement un groupe (à deux batteries de quatre canons) d'artillerie lourde (du 105, 120 ou 155 mm long) à chaque corps d'armée et groupe de divisions de réserve95. D'autres batteries lourdes restent attachées à l'armée, qui les garde en réserve ou les confie temporairement à ses corps d'armée. Par exemple, le , juste avant sa participation à l'offensive de Champagne, la 4e armée (composée de cinq corps) aligne un total de 488 canons de 75 mm (au lieu de 600), 144 canons de 90 mm, 16 de 65 mm, 14 de 80 mm, 30 de 120 mm long, 16 de 155 mm court à tir rapide, 34 de 155 mm court modèle 1912, 26 mortiers lisses de 15 cm et six auto-canons ; le général de Langle a en plus demandé le 11 décembre d'être renforcé avec quatre canons de 155 mm long et deux mortiers de 220 mm96.

À partir de février 1916, 120 canons de 155 mm long modèle 1877 sont montés sur un nouvel affût construit par Schneider (semblable à celui du 105 mm) avec un frein permettant le recul du tube, un bouclier et un pointage en hauteur jusqu'à 42° : cette pièce modernisée, appelée canon de 155 mm L modèle 1877-1914 (le marché datait de 1913, mais avait été suspendu en août 1914) permettait de tirer jusqu'à trois coups à la minute97. Les autres pièces de 120 et 155 mm sont équipées de cingolisn 19. Toutes ces pièces doivent être complétées avec des moyens hippomobiles (chevaux, avant-trains et caissons) et le personnel nécessaire (venant des places, des batteries de côte ou des dépôts). Ces prélèvements concernent les fortifications de l'arrière (places de Langres, de Besançon, de Dijon, de Lyon, de Grenoble, de Toulon et de Brest), mais aussi celles proches du front (places de Paris, de Verdun, de Toul, d'Épinal et de Belfort)94.

Pièces d'artillerie récupérées98
MatérielsMasse en batterieCadence de tirportée max.Munitions (masse)
80 mm C modèle 1877 de Bange 955 kg un à deux coups/min 8,7 km obus à balles (6,3 kg) ou explosifs (5,9 à 6,1 kg)
80 mm M modèle 1878 de Bange 305 kg un à deux coups/min 4,1 km
155 C modèle 1881 de Bange 2 080 kg un coup/min 6,2 km obus à balles (40,5 à 40,8 kg) ou explosifs (41,3 à 43,7 kg)
155 C modèle 1881-1912 Filloux 4 660 kg un à deux coups/min 7,8 km
155 C modèle 1890 Baquet 3 115 un à deux coups/min
Vieilles pièces aux armées99,100
Calibres30/11/19141/05/19151/10/19151/02/19161/08/19161/12/19161/08/19175/11/1918
80 mm mle 1877 ou 78 de Bange 88 168 455 467 408 407 494 32
90 mm modèle 1877 de Bange 587 612 1 570 1 783 1 452 1 349 1 193 144
95 mm modèle 1875 Lahitolle 243 435 900 857 894 896 1 094 241
120 mm L mle 1878 de Bange 286 540 1 480 1 335 1 338 1 110 1 407 526
155 mm L mle 1877 de Bange 112 328 630 629 738 669 943 ?
220 mm modèle 1880 de Bange 14 63 190 169 306 200 193 ?
270 mm modèle 1884 de Bange 0 4 51 46 53 66 24 14

Nouvelles pièces de campagne

Le canon de 75 mm est maintenu comme pièce majeure de l'artillerie française. La production en série est donc relancée dès l'automne 1914, pour remplacer les pertes (447 canons sont abandonnés ou pris par l'adversaire entre août 1914 et février 1915) et satisfaire les besoins de création de nouvelles batteries. 160 canons de 75 mm modèle 1897 et 80 canons modèle 1912 sont commandés à la société Schneider, avec livraison à partir du printemps 1915. En attendant, ordre fut donné dès le de prélever 240 canons de 75 en Algérie101, puis en février 1915 de faire passer temporairement les batteries à trois pièces au lieu de quatre102. En mai 1915, 200 canons de 75 mm modèle 1912 sont commandés à Schneider et 200 autres modèles 1915 à Saint-Chamond ; quant à la production du modèle 1897, elle atteint 200 canons par mois pendant l'été 1915, puis 500 environ en 1916-1917 et près de 700 en 1918 : 27 000 canons de 75 sont sortis des usines pendant le conflit103. Mais ces canons manquent de puissance et de portée pour détruire les retranchements et contrebattre l'artillerie adverse ; l'artillerie française a donc besoin d'artillerie lourde.

Heureusement, la société Schneider dispose de modèles modernes, développés à l'origine pour l'exportation (notamment pour l'Armée russe)104, dont certains sont en commande pour l'Armée française depuis 1913. En août 1914, le nouveau canon de 105 mm long modèle 1913 (à l'origine le 42 lignes russe, soit 106,7 mm) est entré en production ; le premier groupe de douze canons (sur une commande initiale de 220 pièces) vient juste d'être livré au moment de la mobilisation : il arrive à la 6e armée le 105 (IV/2e RAL). Le même fabricant a reçu commande en novembre 1913 de 18 mortiers de 280 mm TR modèle 1914 (en fait un gros obusier à chargement par la culasse de 279,4 mm, soit le 11 pouces russe) : les livraisons devaient commencer en 1915106. En plus, l'Armée saisit au Creusot onze batteries d'obusiers de 120 mm destinées à la Bulgarie ; ces pièces rejoignent finalement l'Armée française d'Orient.

Photo noir et blanc d'un obusier.
 
Le canon de 155 mm C modèle 1917 S a été développé pour bouleverser les retranchements avec son tir courbe (vitesse initiale de 450 m/s) et son puissant projectile (obus FA modèle 1915 de 43,55 kg dont 4,8 d'explosif).

En juin 1915, Joffre réclame des canons courts (c'est-à-dire des obusiers) de 155 mm à tir rapide pour détruire les retranchements adverses : 512 de ces pièces sont commandées en octobre 1915 auprès de Schneider (les 155 mm C 1915 et 1917 S, dérivés de son obusier de six pouces pour la Russie) et de Saint-Chamond (155 mm C 1915 CH, développé pour le Mexique), mais ne commencent à être livrées qu'à partir de l'été 1916 à raison de 60 canons par mois, ce qui est très loin des besoins. Toujours en octobre 1915, 40 exemplaires du mortier de 220 mm TR modèle 1915 sont commandés à Schneider (c'est l'adaptation de son mortier de neuf pouces russe), qui commence à les livrer pendant l'hiver 1916-1917.

L'Armée a aussi demandé des canons à longue portée ; en attendant le développement de ces nouveaux matériels, 48 canons de marine de 100 mm TR (« à tir rapide ») modèle 1897 utilisés antérieurement par l'artillerie de côte sont retirés de leurs plateformes bétonnées pour être placés sur des affûts SP, ce qui fait passer leur cadence de tir de six à seulement un coup par minute. Mais la puissance de leurs cartouches et la longueur de leur tube offrent une vitesse initiale de 760 m/s, soit au pointage maximal de 28° une portée de 9,5 km avec l'obus modèle 1898-1908, puis de 13,5 km pour l'obus modèle 1915 type D. Six groupes de 100 mm (à deux batteries de quatre pièces) sont progressivement constitués du printemps 1915 à celui de 1916, puis cinq des groupes sont retirés fin 1916 à cause de l'usure des tubes ; trois groupes sont reformés au printemps 1917 avec 24 canons réalésés au calibre 105 mm, pour être finalement renvoyés aux batteries de côte fin 1917107.

Pour tirer encore plus loin, on réutilise 39 canons de 14 cm (en fait 138,6 mm) de marine, dont 15 tubes sont neufs, 12 proviennent des vieux cuirassés Carnot et Charles Martel et 12 autres, trop usés, sont réalésés au calibre 145 mm, pour les placer sur des affûts de campagne construits spécialement. Ces pièces sont commandées en janvier 1916 et sont livrées de septembre 1916 à juillet 1917108. Après ces expériences, la production de 200 canons neufs de ce type est commandée en 1916, sous le nom de canon de 145 mm modèle 1916 (le tube est produit à la fonderie de Ruelle, tandis que l'affût est monté par Saint-Chamond) : les livraisons s'étalent jusqu'au début de 1918. La vitesse initiale est telle (794 m/s) que le réalésage est prévu au calibre 155 mm, avec application à partir de l'automne 1918109. En 1916, sont adoptés deux modèles de canons longs au calibre 155, le 155 mm L modèle 1917 S (sur l'affût du 155 modèle 1877-1914) et le 155 mm modèle 1917 GPF (sur un affût biflèche permettant de pointer en direction sur 60°), qui n'arrivent au front qu'à partir de l'été 1917110.

Nouvelles pièces d'artillerie111
MatérielsMasse en batterieCadence de tirportée max.Munitions (masse)
75 mm modèle 1914 S 1 096 kg 12 à 18 coups/min 6,3 km obus à balles (7,2 à 7,4 kg) ou explosifs (5,5 à 7,2 kg)
75 mm modèle 1915 CH 1 090 kg 12 à 18 coups/min 6,5 km
100 mm TR modèle 1897 6 000 kg un coup/min 13,5 km obus explosifs (13,3 à 14,3 kg)
105 mm modèle 1913 S 2 350 kg 6 à 8 coups/min 12,5 km obus à balles (16,9 kg) ou explosifs (15,4 à 16 kg)
120 mm modèle Schneider 2 150 kg dix coups/min 8,1 km obus explosifs (19,7 à 21 kg)
14 cm modèle 1891 10 940 kg un coup/min 15,8 km obus explosifs (30,5 à 36,5 kg)
14 cm modèle 1910 11 935 kg un coup/min 17,4 km
145 mm modèle 1910 12 000 kg deux coups/min 17,6 km obus explosifs (33,7 à 36 kg)
145 mm modèle 1916 12 500 kg trois coups/2 min 18,5 km obus à balles (36,4 kg) ou explosifs (33,7 à 36 kg)
155 mm C modèles 1915 et 1917 S 3 220 et 3 300 kg quatre coups/min 11,9 km obus explosifs (41 à 44,8 kg)
155 mm C modèle 1915 CH 2 860 kg trois coups/min 9,3 km
155 mm L modèle 1917 S 8 710 kg trois coups/min 15,9 km
155 mm modèle 1917 GPF 11 200 kg 3 à 4 coups/min 16,3 km
220 mm TR modèles 1915 et 1916 S 7 455 et 7 792 kg deux coups/min 10,8 km obus explosifs (100,5 kg)
280 mm modèle 1914 S 16 000 kg un coup/min 10,9 km obus explosifs (202 à 275 kg)
Pièces modernes aux armées99,100
Calibres30/11/19141/05/19151/10/19151/02/19161/08/19161/12/19161/08/19175/11/1918
37 mm TR modèle 1916 34 138 140 149 195 483 ? ?
65 mm M modèle 1906 80 84 85 79 72 36 183 136
75 mm mle 1897, 1912, 14 et 15 3 539 3 071 3 524 3 819 4 029 4 446 5 890 5 145
100 mm TR modèle 1897 0 4 24 48 45 27 48 0
105 mm modèle 1913 S 24 51 79 83 79 105 327 576
120 mm C modèle 1890 Baquet 59 43 150 143 131 125 141 10
155 mm C modèle 1915 CH 0 0 0 0 0 72 ? ?
155 mm C modèle 1917 S 0 0 0 0 46 136 433 ?
155 mm C TR mle 1904 Rimailho 101 97 93 90 81 50 33 0
155 mm C modèle 1881-1912 102 161 330 329 372 314 387 ?
155 mm L modèle 1877-1914 S 0 0 0 0 23 60 105 ?
220 mm TR modèle 1915 et 1916 0 0 0 0 0 0 39 ?
280 mm TR modèle 1914 0 0 2 6 16 18 32 65

Artillerie lourde à grande puissance

Photo noir et blanc d'un canon long sur affût pivotant.
 
Canon de 16 cm de marine sous un filet de camouflage à Thury-en-Valois, en 1918. On voit bien l'emplacement bétonné et l'affût fixe qui permet un tir à 360°.

Dès septembre 1914, la forte probabilité du siège du camp retranché de Paris justifie le recours à la marine pour fournir des batteries à longue portée (comme pour le siège de 1870-1871). Les premières pièces servies par leurs canonniers-marins arrivent finalement à l'arsenal de Verdun (pour la partie nord de la région fortifiée) et à celui de Toul (pour le Grand Couronné de Nancy) à partir d'octobre : il s'agit de canons de 14 cm (en fait 138,6 mm) modèle 1910 (destinés à l'origine à la classe Bretagne) et de 16 cm (164,7 mm) modèles 1887, 1891 et 1893 (pour les classes République, Suffren et Iéna). Ces pièces étant livrées sur leur affût de bord, elles sont installées à poste fixe, parfois dans des casemates semi-enterrées (plusieurs seront capturés en février 1916, par exemple aux bois le Fays et de la Vauche)112. Toujours en septembre, une batterie sur affût-truck (c'est-à-dire sur wagon) est saisie au Creusot, armée avec deux canons courts de 200 mm Schneider Pérou (car commandée par le gouvernement péruvien en 1908, mais pas encore livrée). Ces deux premières pièces d'artillerie lourde sur voie ferrée (ALVF) ouvrent le feu le pour couvrir la retraite de l'Armée belge à la fin du siège d'Anvers113.

Le , le GQG fait une demande au ministre de la Guerre pour utiliser des pièces d'artillerie très puissantes provenant de l'artillerie navale, de l'artillerie de côte ou de pièces stockées ou en cours de production dans l'industrie privée (chez Schneider et Saint-Chamond), à placer sur des plateformes bétonnées, ou sur des châssis de locomotive94. Un premier groupe de canons de 19 cm de côte est formé, il est enrichi par l'arrivée de pièces de 240 mm ou de 270 mm114 pris à l'artillerie de côte, dont les batteries sont progressivement envoyées au front. En novembre 1914, un gros (sa masse est de 53 tonnes) canon G de 240 mm modèle 1884 sur son affût circulaire est transféré de Calais à Pérouse (au bois des Fourches, à l'est du fort de la Justice) pour défendre le camp retranché de Belfort en cas de siège ; puis en décembre 1914, quatre canons de 24 cm modèle 1870-1887 de la batterie des Couplets près de Cherbourg sont envoyés au front, malgré la colère de l'amiral préfet maritime115.

Le , le GQG établi une liste des canons à grande puissance qu'il souhaite ; ce programme est approuvé par le ministre de la Guerre le , qui passe commande auprès des arsenaux et des industriels : un canon de 305 mm de marine, deux 274 mm de marine, huit 240 mm de côte et douze 19 cm de côte116. Si les canons de marine doivent être d'abord tourillonnés, tous doivent être montés sur un affût, qu'il soit ferroviaire (sur affût-truck) ou à échantignolles (une structure fixe en bois). Ces canons n'arrivent sur le front qu'au début de l'année 1915, constituant des batteries au sein des régiments d'artillerie à pied ou de groupes autonomes, affectés temporairement par le GQG aux différentes armées, complétés par quatre péniches-canonnières dès novembre 1914 et seize autres canons de 240 mm en février 1915. Un nouveau programme de construction est lancé le pour atteindre un total de 201 pièces (dont huit de 400 mm), augmenté les , , et (ce dernier pour 318 nouvelles pièces) : les industriels ont du mal à satisfaire ces commandes, étalant les livraisons sur un voire deux ans. Le est créé un commandement de l'artillerie lourde à grande puissance (ALGP, regroupant l'ALVF, les péniches et plusieurs autres gros tubes) confié au général Vincent-Duportal, avec mission d'assurer la formation et de fixer les conditions d'emploi. L'ensemble est confié à la réserve générale d'artillerie lourde lors de la création de cette dernière le , avec réorganisation en six puis huit régiments d'artillerie lourde à grande puissance (RALGP, nos 70 à 78)117.

Pour les matériels d'ALVF, le type d'affût-truck (souvent écrit « truc » à l'époque) dépend de leur masse. Les pièces jusqu'au 240 mm sont montées sur des affûts tous azimuts (TAZ) pivotants, ancrés au sol par des vérins. Les pièces les plus lourdes sont fixées sur des affût-poutres qui ne peuvent tirer que dans l'axe de la voie : un tronçon courbe, appelé épi, sert de circulaire de pointage en direction. Pour les modèles à glissement, le recul est freiné par des traverses en chêne frottant sur des poutrelles parallèles aux rails118. Pour les modèles à berceau, le tube glisse dans celui-ci, pour revenir ensuite en position119.

Les trois calibres les plus utilisés pour l'ALGP furent les 190, 240 et 320 mm, essentiellement des canons de côte modifiés (les dénominations 19, 24 et 32 cm indiquent que les frettes sont en fonte, enserrant le tube en acier). S'y rajoutent huit obusiers de 370 mm modèle 1915 et douze de 400 mm modèles 1915 et 1916, qui sont des canons de marine (de 305 mm et de 340 mm) réalésés : ils défoncèrent le fort de Douaumont en octobre 1916, les tunnels du mont Cornillet en mai 1917 et du Mort-Homme en août 1917.

Au moment de l'armistice, un obusier de 520 mm modèle 1916 est disponible (son jumeau a explosé le lors d'un tir d'essai à Saint-Pierre-Quiberon), le développement d'une pièce très longue portée (TLP) est en cours (chemisage d'un 340 mm avec un tube plus étroit et très long), tandis que le nouveau 220 mm long modèle 1917 Schneider commence à être livré.

ALGP sur le front120,121
Calibres30/11/19141/05/19151/10/19151/02/19161/08/19161/12/19161/07/19171/01/191811/11/1918
14 cm modèles 1887, 1891, 1893 et 1910 0 22 18 24 16 28 12 3 4
16 cm modèles 1887, 1891, 1893 et 1893/96 0 5 17 22 20 28 30 30 37
19 cm modèles 1870/93 (en), 1916 (en) et 1917 (en) 0 0 16 24 23 24 46 78 100
200 mm Pérou (en) 0 2 0 0 2 2 2 2 2
240 mm modèles 1870/87, 1884, 1893/96, 1903 (en), 1916 et 1917 0 2 8 23 33 40 112 148 213
270 mm modèle 1889 0 0 12 24 24 48 68 80 84
274 mm modèles 1887, 1893 et 1893/96 0 0 2 4 9 6 10 10 7
293 mm danois 0 0 0 6 4 6 6 6 6
305 mm modèles 1893/96 et 1917 (en) 0 0 2 6 10 13 11 11 10
320 mm modèles 1870/81 (en), 1870/84 (en) et 1870/93 (en) 0 0 0 0 24 40 44 44 44
340 mm modèles 1893 (en) et 1912 0 0 0 0 2 4 4 4 6
370 mm modèle 1915 (en) 0 0 4 10 10 10 6 8 4
400 mm modèle 1915 et 1916 0 0 0 0 8 8 8 8 12
520 mm modèle 1916 (en) 0 0 0 0 0 0 0 0 1

Mortiers de tranchée

Fin septembre 1914, les fantassins français déployés dans l'Argonne subissent des tirs à courte portée, plutôt précis et surtout puissants, tirés des tranchées allemandes : il s'agit des minenwerfen (« lance-mines ») que les pionniers du 16e corps allemand du général von Mudra (lui-même un sapeur) ont apporté des arsenaux de la place de Metz122. Ils sont un atout important dans ce massif boisé, au terrain raviné limitant l'observation et le tir tendu des canons : le 2e corps français voit ses pertes s'accumuler, d'où des demandes d'un matériel correspondant qui remontent la chaîne hiérarchique.

Photo couleur de deux mortiers dans un musée.
 
Mortiers de 58 mm au premier plan (chargé avec sa torpille) et de 240 mm LT au second (avec sa bombe).

La première réponse est de faire sortir des stocks une centaine de mortiers de 15 cm modèle 1838 (en bronze, surnommés « crapouillots » à cause de leur silhouette trapue rappelant le crapaud) qui tirent des bombes sphériques chargées à la poudre noire. Rapidement, de nombreux autres mortiers improvisés apparaissent sur le front, montés à partir de matériaux de récupérations (corps d'obus, tube de vieux canons, etc.) ou même produits en usines pour répondre aux besoins urgents du front : le lance-bombe Cellerier, le lance-mines Gatard ou la sauterelle type A d'Imphy. La mise au point de matériels spécifiques commence pendant l'hiver 1914-1915 : en les 70 premiers mortiers de 58 mm T sont envoyés sur le front d'Artois, tirant une torpille équipée d'ailettes. Les 58 mm T no 1 bis (amélioré) et no 2 (plus gros) sont fabriqués à plusieurs milliers d'exemplaires à Saint-Étienne (usines Leflaive à La Chaléassière). À partir de , les mortiers de tranchée à grande puissance sont confiés exclusivement à l'artillerie (organisés en batterie de douze pièces), tandis que ceux de faible puissance sont laissés à l'infanterie (canons de 37 mm, mortiers Stokes de 81 mm, etc. des pelotons de bombardiers)123. Le Centre d'instruction de l'artillerie de tranchée (CIAT) est créé la même année à Bourges. Étant donné le mépris des autres artilleurs pour ces unités, le personnel affecté à l'artillerie de tranchée (AT) comprend dans un premier temps des condamnés avec sursis des conseils de guerre venant de toutes les armes, encadrés par des officiers de réserve volontaires qui échappent ainsi à la domination des officiers d'active124.

La très courte portée de ces pièces de l'AT est compensée par la faible vitesse initiale (70 m/s pour le 57 mm T no 1 bis), qui permet d'utiliser des projectiles aux parois peu épaisses, contenant beaucoup d'explosifs : un obus explosif de 75 mm fait théoriquement 5,4 kg dont 0,775 kg d'explosif, tandis qu'une bombe type LS pour mortier de 58 mm T no 2 en fait 18 dont 5 kg d'explosif. De plus, environ 1 500 000 obus explosifs de 75 mm défectueux (produits lors de l'hiver 1914-1915) furent recyclés comme projectiles du mortier Schneider de 75 mm tirant à basse pression, à partir d'octobre 1915.

Pièces d'artillerie de tranchée125
MatérielsMasse en batterieCadence de tirportée max.Munitions (masse)
15 cm modèle 1838 150 kg un coup/2 min 600 m bombe sphérique (7,5 kg, dont 0,3 d'explosif)
450 m bombe Nicole (10 kg dont 6 d'explosif)
225 m bombe Cernesson (16 kg dont 7 d'explosif)
Lance-mines Gatard 105 kg un coup/3 min 174 à 480 m mines Gatard (40 à 102 kg)
58 mm T no 1 114 kg un coup/min 300 m bombe (16 kg dont 6 d'explosif)
58 mm T no 1 bis 181 kg un coup/min 450 à 530 m bombe (16 kg dont 6 d'explosif)
58 mm T no 2 417 kg un coup/min 650 m bombes type A et B (16 kg dont 6 d'explosif)
1 250 m bombe LS (18 kg dont 5 d'explosif)
450 m bombe D (40 kg dont 10 d'explosif)
70 mm VD modèle 1915 350 kg 3 à 4 coups/min 600 m bombe VD (19 kg dont 6 d'explosif)
75 mm mle 1915 type A Schneider 300 kg quatre coups/min 1 700 m obus explosif mle 1900 (5 kg dont 0,8 d'explosif)
150 mm T modèle 1916 510 kg trois coups/min 1 900 m bombe mle 1915 (21 kg dont 8 d'explosif)
1 930 m bombe mle 1916 (18 kg dont 5 d'explosif)
2 120 m bombe mle 1917 (17 kg dont 5 d'explosif)
150 mm T modèle 1917 Fabry 615 kg quatre coups/min 1 980 m
240 mm CT modèle 1915 1 003 kg un coup/6 min 1 025 m bombe M (87 kg dont 47 d'explosif)
1 440 m bombe T (83 kg dont 42 d'explosif)
240 mm LT modèle 1916 3 600 kg un coup/6 min
2 140 m bombe S (85 kg dont 42 d'explosif)
2 150 m bombe AB mle 1918 (83 kg dont 40 d'explosif)
2 850 m bombe DH mle 1918 (50 kg dont 22 d'explosif)
340 mm T 2 260 kg un coup/6 min 2 375 m bombe mle 1915 (195 kg dont 93 d'explosif)

Plus de munitions

Si la guerre de mouvement limitait les tirs d'artillerie à des frappes rapides mais peu nombreuses, délivrées par une artillerie légère et très mobile, le passage à la guerre de positions allonge considérablement la durée des tirs (pendant plusieurs heures voire pendant plusieurs jours d'affilée) qui sont désormais réalisés par des batteries peu mobiles et de plus en plus lourdes. La consommation des cartouches d'artillerie connaît alors une très forte croissance : les témoignages parlent de déluge d'obus, de matraquage ou de pilonnage.

« À la rumeur nombreuses, ténue et souple des 75 qui passaient bas dans un bruissement de soie déchirée, se mêlait le souffle grave et sans pause des 155, celui, plus lent, des 120. Au-dessus, gros cuivres de cet orchestre sans chef, les lourds obus de 220 coupaient sans hâte les hautes couches de l'air en ronflant dur comme un homme enrhumé. Et, plus haut encore, l'œil guidé par l'oreille suivait, en s'étonnant de ne pas pouvoir les surprendre au passage, les trajectoires des pesants 270, qui avançaient par saccades et dont la chute accélérée en gamme chromatique semblait se suspendre un instant avant de s'achever en un monstrueux éventail de blocs arrachés à la craie sèche. »

— Description de la préparation d'artillerie pour l'offensive de Champagne de l'automne 1915126.

Consommations quotidiennes moyennes de l'artillerie française par calibre127
CalibresDéc. 1914juin 1915septembre 1915décembre 1915juin 1916septembre 1916
65 mm 780 1 002 1 000 780 1 150 569
75 mm 24 077 62 160 148 404 20 330 171 610 226 290
80 mm 340 710 1 058 335 1 804 975
90 mm 6 350 2 636 7 600 1 630 6 119 8 920
95 mm 2 080 3 020 3 890 1 760 8 352 11 210
105 mm 150 1 291 1 895 125 5 754 4 206
120 mm 2 760 3 740 9 130 1 564 13 635 12 818
155 mm 3 080 5 697 11 210 1 787 19 456 28 230
220 mm 70 541 1 586 157 1 420 2 475

Nouvelles munitions

Photo couleur d'un gros obus.
 
Un obus de 155 mm type D (Desaleux), aux formes élancées (ici les marquages sont finlandais).

Les performances balistiques des projectiles français sont améliorées grâce à des charges propulsives plus puissantes, ainsi qu'à des profils plus allongés et des culots chanfreinés (de forme tronconique) : par exemple l'obus explosif de 75 mm modèle 1917 type D atteint les 11 km de portée au lieu des 8 km des modèles précédents (1900 et 1915). L'efficacité des obus est étudiée de près : dès la fin de 1914, on fabrique désormais des obus en fonte (obus FA) plutôt qu'en acier, par souci d'économie mais aussi parce qu'ils se fragmentent en un plus grand nombre d'éclats.

De nouvelles fusées entrent en production, notamment celles à double effet qui permettent de faire au choix du tir fusant (des barillets gradués servent au réglage du temps avant détonation) ou percutant avec le même obus (fusée DE 24/31 mm modèle 1915, remplaçant la DE 22/31 1897, avec réglage de 0 à 24 secondes), qu'il a fallu adapter aux obus type D (fusées DE 24/31 A 1916 et 1918, avec réglage jusqu'à 32 s) et aux longues portées de l'artillerie lourde (DE LD 24/31 1917 et 1918, jusqu'à 51 s). Les percutantes se diversifient entre celles instantanées (explosant au ras du sol : fusées I 24/31 modèle 1914 et IA 24/31 1915, remplaçant la 24/31 1899) et celles retardées (avec des retards de 0,05 ou 0,15 s, creusant un entonnoir)128.

Si lors de la guerre de mouvements d'août et septembre 1914 les obus à balles ont été principalement utilisés, les obus explosifs sont plus utiles dans la guerre de tranchées qui s'éternise ensuite : les lots (composés chacun de 5 976 cartouches de 75 mm, théoriquement conditionnées dans 664 caisses de neuf coups) livrés aux parcs sont donc modifiés, composés initialement de 2 952 obus explosifs et 3 384 obus à balles129, en novembre 1914 ils passent à 5 688 explosifs et 288 à balles, puis à 5 391 explosifs et 585 à balles en juin 1915130.

L'artillerie tire des obus explosifs par millions, complétés par des obus à balles, mais aussi des fumigènes (chargés au phosphore), des incendiaires (contenant des mèches goudronnées et du magnésium), des lacrymogènes et des toxiques (avec une petite charge qui éventre l'obus, libérant le gaz), des perforants (type AL, aux parois épaisses, avec fusée de culot), des éclairants (éjectant par l'arrière un cylindre contenant un parachute retenant une cartouche éclairante), les traçants et même quelques obus à tracts.

Obus chimiques

Le développement des armes chimiques en 1914-1918 a donné lieu à une course entre les belligérants, se répondant l'un l'autre. Dès octobre 1914, l'infanterie française utilise des grenades lacrymogènes-irritantes (au bromacétate d'éthyle) pour le nettoyage des tranchées et abris. Le , l'artillerie allemande tire 3 000 obus de 7,7 cm lacrymogènes (au bromoacétone) à Neuve-Chapelle. La première attaque massive au gaz toxique sur le front occidental a eu lieu le lors de la deuxième bataille d'Ypres : les troupes allemandes lâchèrent devant eux une nappe de gaz chloré jaune-vert à partir de cylindres posés au sol, ce qui permit de faire une percée de trois kilomètres de large entre Steenstrate et Langemark à travers les deux lignes de tranchées, l'artillerie française perdant dans l'affaire 29 canons de 90 mm (l'AD 87), 16 canons de 75 mm (AD 45), six canons de 95 mm et quatre de 120 mm L (ces derniers repris le 25 avril)131. Une semaine après cette attaque, le GQG demande du matériel et des projectiles libérant des gaz. La première attaque chimique française par nappe de chlore a lieu en juillet 1915.

Tous les belligérants développent ensuite une artillerie chimique, solution plus pratique et précise que les nappes dérivantes (qui dépendent trop du vent). Le premier « obus spécial » français, baptisé obus no 1, est produit en juin 1915 : la partie interne de l'obus explosif de 75 est isolée et remplie avec du tétrachlorosulfure de carbone, une molécule suffocante. Les premiers obus spéciaux no 1 sont tirés le sur le bois Allemand à Fricourt au cours d'un coup de main de la 151e division d'infanterie et en plus grand nombre lors de la bataille de Champagne en septembre 1915. L'interrogatoire des prisonniers révéla que ces obus n'avaient provoqué que des picotements au niveau des yeux et très peu de gêne au niveau respiratoire, l'obus explosif de 75 n'ayant pas alors la contenance suffisante pour atteindre une concentration toxique du produit. Dans le même temps des nouveaux obus spéciaux baptisés no 2 et no 3 sont mis au point sur la base de l'obus de 75 explosif. L'obus spécial no 2 est un obus incendiaire-suffocant composé de phosphore et de sulfure de carbone, l'obus spécial no 3 est un obus incendiaire-fumigène chargé uniquement de phosphore.

Face à l'emploi français de gaz suffocants, les Allemands passent au diphosgène (surnommé « croix verte » à cause des marques sur les obus) qu'ils utilisent lors d'attaques chimiques en mai 1916 autour de Verdun. Les Français répondent avec les obus spéciaux no 4 et no 5, mis au point au cours de l'année 1915 mais gardés en réserve, employés à partir de février 1916 pour l'obus no 5 lors de la bataille de Verdun et de juillet 1916 pour l'obus no 4 lors de la bataille de la Somme. L'obus no 4 est chargé de « vincennite », un mélange d'acide cyanhydrique, la molécule toxique, de chlorure d'arsenic, de chloroforme et de chlorure d'étain chargés d'alourdir le nuage créé par l'explosion de l'obus. L'obus no 5 est chargé de « collongite », du phosgène associé au chlorure d'arsenic.

En 1917-1918, les tirs toxiques se multiplient, tandis que l'escalade se poursuit. En juillet 1917, les Allemands commencent à utiliser du cyanodiphénylarsine (« croix bleue », qui provoque des vomissements, obligeant à retirer le masque à gaz), puis à partir de juillet le sulfure d'éthyle dichloré (« croix jaune », vésicant surnommé gaz moutarde par les Britanniques et ypérite par les Français après la bataille de Passchendaele près d'Ypres en 1917). Le , l'artillerie française déclenche un tir de sept jours et sept nuits à base d'obus au phosgène pour préparer une attaque sur le Chemin des Dames. En 1918, d'autres obus spéciaux français sont remplis de substances toxiques, notamment les obus no 7 chargés à la chloropicrine (un lacrymogène suffocant, mais mortel à haute dose), les obus no 16 chargés à la « rationite » (vésicant à effet mortel immédiat) et les obus no 20 chargés au sulfure d'éthyle dichloré (ypérite), ces derniers seulement à partir de juin 1918.

Au cours de la guerre, de juillet 1915 à novembre 1918, le Service du matériel chimique a chargé 18,2 millions d'obus spéciaux (calibres 75, 90, 105, 120 et 155 mm, ainsi que des bombes de crapouillot), dont 9,2 millions sont des obus nos 4 et 5, 4,4 millions sont des fumigènes, 2,3 millions contiennent de l'ypérite et 870 000 sont des lacrymogènes ; s'y rajoutent 1 140 000 grenades suffocantes132,133. 200 000 soldats allemands ont été mis hors de combat par les gaz, dont 9 000 en moururent ; 190 000 Français furent intoxiqués, dont 8 000 décédèrent134.

« C'est sans doute le tour de force le plus extraordinaire auquel il ait jamais été donné d'assister : improviser de toutes pièces une industrie sans personnel, sans matières premières, sans même pratique de fabrication. En quelques mois, en effet, il a fallu transformer en procédés industriels des procédés de laboratoire. »

— Alexandre Millerand, ministre de la Guerre d'août 1914 à octobre 1915, à propos de l'industrie chimique française135.

Problèmes de production

Photo noir et blanc d'un entrepôt remploi de piles de douilles.
 
Stockage des douilles de 75 mm : fabriquées avec du laiton, il fallut importer pour satisfaire les besoins, d'où leur récupération après usage et l'emploi des gargousses en toile pour la charge propulsive des gros calibres.

Quand le ministère de la Guerre ordonne de lancer la production massive de cartouches d'artillerie, rapidement tout manque, que ce soient les matières premières (acier, cuivre, explosifs et poudres), les machines-outils, les usines ou le personnel. Facteurs aggravants, d'une part la majorité des régions industrielles du Nord-Est est sous occupation (la France perd ainsi 63 % de sa production d’acier et 81 % de sa production de fonte)136, d'autre part les principaux fournisseurs d'avant-guerre étaient allemands (mais quelques usines localisées en France sont saisies).

Une fois les stocks presque vidés, on remplace l'acier par la fonte aciérée (obus FA en « fonte grise », plus pauvre en carbone que la fonte brute), moins chère et qui se coule ; pour l'explosif, on remplace la crésylite (trinitrocrésol) à partir d'octobre 1914 par de la schneidérite (à base de nitrate d'ammoniac et de dinitronaphtaline), de la tolinite ou tolite (trinitrotoluène), de la mélinite (trinitrophénol), de la xylite (trinitrométaxylène) et de la cheddite137 ; la poudre B utilisée comme charge propulsive est en partie importée des États-Unis ; on produit du phénol à partir du gaz de ville, on lance la production industrielle d'éther, de nitrocellulose et d'acide sulfurique, même si l'industrie chimique française, en partie relocalisée dans le Sud-Ouest (Angoulême, Bassens, Toulouse, Saint-Médard, Bergerac, etc.), dépend entre autres du nitrate de soude chilien et du nitrate d'ammonium norvégien138.

L'industrie de l'armement a utilisé comme main d'œuvre essentiellement des militaires réaffectés (les « affectés spéciaux », un demi-million en 1918), des femmes (430 000 « munitionnettes » à la fin de la guerre, le plus souvent d'anciennes ouvrières du textile) et des ouvriers civils, complétés par des adolescents, des étrangers (notamment des engagés chinois), des coloniaux (surtout Algériens, Indochinois, Marocains et Tunisiens), des prisonniers de guerre volontaires et des mutilés139.

Production de projectiles en France par année (sans compter les importations)140
19141915191619171918
3 396 000 24 152 000 80 319 000 101 341 000 70 588 000

Problèmes logistiques

Photo noir et blanc d'un petit train rempli d'obus.
 
Convoi d'obus de 220 mm (chacun fait 100 kg) sur voie étroite près de la gare du Quesnel en août 1916.

Les énormes consommations de munitions nécessitent une infrastructure logistique adaptée ; avoir assez de munitions pour alimenter une offensive devient tellement important que la responsabilité passe de la direction de l'arrière à celle du 1er bureau du GQG. Les usines livrent les cartouches ou leurs éléments aux entrepôts de réserve générale, situés à l'arrière (Besançon, Lyon, Clermont, Bourges, Angers, Rennes et Nevers). Ces entrepôts sont agrandis en août et septembre 1915 (en rajoutant des hangars et des voies ferrées) et complétés par ceux de Héricy (pour des munitions de 75 et 105 mm), Cosne (pour l'artillerie de tranchée) et Vincennes (pour les obus « spéciaux »). Chacun de ces entrepôts est relié à une armée par au moins une ligne ferroviaire, avec au minimum quatre trains par jour141.

Chaque train de munitions est composé de 30 à 35 wagons, soit une capacité de 300 à 350 tonnes. Les armées stockent leurs réserves sous forme d'« en-cas mobiles », c'est-à-dire des trains chargés et stationnés sur des voies de garage. Ces parcs sur rails sont en août 1915 à Vaivre (dépendant de la GR de Gray), Brienne (GR de Troyes), Noisy-le-Sec, Le Bourget, Creil et Dunkerque, soit un total de 3 440 wagons, auxquels se rajoutent les stocks des places fortes, entamés par les armées voisines142.

Par exemple, pour l'offensive de Champagne de septembre-octobre 1915, la préparation concerne notamment les services de l'arrière, avec pendant tout le mois d'août le développement des réseaux ferroviaires et routiers, ainsi que le stockage d'énormes piles d'approvisionnements. En cas de percée, des convois automobiles de ravitaillement en munitions sont prévus entre les terminus ferroviaires et les échelons hippomobiles de ravitaillement des corps ou des armées143. Le parc au nord-est de Brienne, sur la ligne de Jessains à Éclaron, est aménagé avec un faisceau de vingt voies de garage pour les en-cas (capacité de 800 puis 1 000 wagons), ainsi que six vastes hangars à munitions (chacun de 200 sur 16 mètres, desservis par des voies ferrées, avec capacité moyenne de 700 000 coups de 75 et 200 000 d'AL). La sécurité est confiée à de simples murets de sac à terre, des pompes à bras et des moto-pompes, avec pour la manutention deux détachements de grand parc et pour la garde une compagnie de territoriaux et un peloton de cavalerie (des canons de DCA et des projecteurs arrivent à partir du milieu 1916)144. En avant de ce parc, les gares de Saint-Dizier, Résigny et Châlons servent elles aussi au garage d'autres en-cas (chacune de cent à deux cents wagons). Juste derrière le front, la ligne de Suippes à Sainte-Menehould, mise à deux voies, est en plus doublée à six kilomètres plus au sud par une ligne nouvelle de 33,8 km de long de Cuperly à Dampierre.

Livraisons françaises de projectiles lors des offensives de 1915-1916145
CalibresArtois et Champagne
(août-octobre 1915)
pour défendre Verdun
(février-juillet 1916)
pour la Somme
(mai-octobre 1916)
58 mm de tranchée 0 13 598 653 968
75 mm de tranchée 239 350 0 196 000
150 mm de tranchée 0 0 98 780
240 mm de tranchée 1 950 1 220 36 430
65 mm 9 648 55 476 0
75 mm 5 497 920 12 513 744 17 378 208
75 mm à gaz 460 000 180 000 1 329 000
80 mm 39 700 103 500 13 400
90 mm 285 800 368 800 290 500
95 mm 104 700 556 000 740 800
100 mm 8 400 33 100 33 600
105 mm 112 200 508 000 415 500
120 mm 430 500 1 361 200 902 900
120 mm à gaz 0 5 200 88 200
155 mm 535 000 1 425 200 2 310 000
155 mm à gaz 0 0 269 000
220 mm 75 460 55 120 360 390
270 mm 9 900 700 24 150
nombre de wagons nécessaires
(moyenne par jour)
13 297
(200 par jour)
27 671
(211 par jour)
46 483n 21
(263 par jour)

Nouvelles organisations

L'artillerie française se développe largement pendant le conflit, passant d'un effectif de 434 000 hommes en août 1914 (soit 16 % de l'ensemble de l'armée) à 771 000 en 1918 (soit 26 % du total), sans compter le train qui assure la logistique des munitions146. Le recrutement du personnel pose moins de problèmes que dans l'infanterie, l'attrition étant beaucoup moins forte. Les régiments d'artillerie à pied, les dépôts ainsi que les classes 1914 à 1919 (cette dernière de façon anticipée dès avril 1918) couvrent les besoins. Toutes les catégories sociales sont concernées, avec des préférences pour les urbains ayant un métier technique (ouvriers, mécaniciens, chauffeurs, etc.) jusqu'au ruraux pour s'occuper des milliers de chevaux (conducteurs, charretiers, maréchaux-ferrants, etc.)147.

À partir de janvier 1915, le commandement de l'Armée prend conscience des pertes parmi les cadres des unités d'artillerie existantes et de la nécessité de former de nouveaux officiers pour les nouveaux régiments d'artillerie lourde et de campagne. Entre janvier 1915 et décembre 1917, 6 000 officiers sont directement nommés par le général commandant en chef. Les sous-officiers ayant dix mois de grade et au moins douze mois de service actif aux armées désignés par leurs supérieurs hiérarchiques sont envoyés en cours de perfectionnement à l'école de Fontainebleau ; cette voie de recrutement a permis, entre janvier 1915 et décembre 1917, la formation de 4 000 sous-lieutenants et de 800 sous-lieutenants spécialisés dans l'artillerie de tranchée au cours de 14 promotions. Les sous-officiers de moins de huit mois d'ancienneté désigné par le Grand Quartier général aux cours d'élève-aspirants en étant exempté du concours d'entrée, ils sont rejoints dans ces cours par les soldats des nouvelles classes ayant réussi à obtenir au moins 12 au concours de connaissances générales. Cette dernière voie de recrutement a permis de recruter respectivement 3 500 sous-officiers et 5 000 appelés qui obtiennent le grade d'élève-aspirant148.

Création d'unités

Pour fournir l'artillerie nécessaire à la création de nouvelles divisions (jusqu'à la 170e DI formée en décembre 1916) et de nouveaux corps d'armée (jusqu'au 40e CA lui aussi créé pendant la même période), leur dotation se fait en regroupant les quatrièmes groupes des régiments de CA existant, les quelques batteries de 75 mm tirées des colonies, ou en créant quelques batteries à partir des stocks de vieilles pièces de 80 mm modèle 1877 et de 90 mm modèle 1877 (du système de Bange). Le , l'ensemble de ces groupes forment des nouveaux RAC numérotés de 201 à 276.

L'artillerie lourde de campagne, qui s'est beaucoup développée pendant l'hiver 1914-1915, est réorganisée le en 20 régiments d'artillerie lourde hippomobile (RALH nos 101 à 121) et en cinq puis dix (le ) régiments d'artillerie lourde tractée (RALT nos 81 à 90). Ces régiments ont une vocation administrative et non tactique ; les RALH doivent être à 20 batteries pour fournir les groupes (à deux batteries) d'artillerie lourde des corps d'armée et des armées, tandis que les RALT sont théoriquement (l'industrie peine à fournir les canons nécessaires) à 24 batteries et servent de réserve mobile pour les offensives, affectés aux armées puis à la réserve générale d'artillerie. Le , les RALH passent sur le papier à 36 batteries pour fournir les groupes lourds divisionnaires (armés des nouveaux 155 mm C, la dotation se faisant progressivement jusqu'à l'été 1918)149. Le , ordre est donné de dédoubler les RALT qui passent de 10 à 20 régiments (nos 281 à 290, les 289e et 290e en début 1918) sans augmenter le nombre de groupes. Le c'est au tour des RALH qui doivent passer de 20 à 32 régiments (nos 130 à 145 avec quelques vacants) pour former le régiment organique de chaque corps d'armée. en février 1918, quatre groupes sont retirés de chaque RALH pour être affectés à la réserve générale et former 30 nouveaux RALH (nos 301 à 456, en rajoutant 200 au numéro du régiment d'origine)150.

En 1917, les divisions d'infanterie subissent une refonte : l'échelon de la brigade est supprimé, l'infanterie est réduite à trois régiments d'infanterie (au lieu de quatre auparavant), tandis que l'artillerie divisionnaire est augmentée d'un groupe d'artillerie lourde hippomobile (armé de 155 mm C, organique par décision du , avec application jusqu'à l'été 1918) et d'une batterie de tranchée en plus du régiment d'artillerie de campagne (et ses 75 mm). Au niveau du corps d'armée se rajoutent le régiment d'artillerie de campagne monté, progressivement transformé en RAC porté (des 75 mm sur camion), ainsi que deux groupements (chacun à deux groupes) d'un régiment d'artillerie lourde (avec des 105 mm et 155 mm L, souvent remplacés par des vieux 120 mm L).

Réserve générale d'artillerie

Le est créée l'« artillerie à grande puissance » (ALGP), regroupant les unités équipées de pièces de marine ou de côte de très gros calibre, notamment l'artillerie lourde sur voie ferrée (ALVF)117. S'appuyant sur les leçons des combats de 1915 et de 1916, le général Buat (artilleur de formation) recommande la création d'une réserve d'unités permettant une « manœuvre d'artillerie » (la concentration des feux) ; écouté par le nouveau commandant en chef le général Nivelle (lui aussi artilleur), la « Réserve générale d'artillerie lourde » est créée en janvier 1917, progressivement organisée et définie par la note du . Cette réserve dépend directement du GQG, comprend un état-major (avec Buat à la tête puis en 1918 le général Herr), tous les groupes armés des plus gros calibres, un centre à Mailly (pour la maintenance et l'instruction), des escadrilles d'aviation (pour l'observation et le réglage) ainsi que ses propres services de transport (y compris des groupes de « constructeurs de voie normale », des dépôts de matériels, une école de chauffeurs et de mécaniciens à Langres, un service automobile, etc.)151. La réserve est organisée en trois divisions : la première regroupe l'ALGP (comprenant l'ALVF), la deuxième l'artillerie lourde à tracteurs et la troisième les pièces servies par les canonniers-marins.

Renommée « réserve générale d'artillerie » (RGA) le , elle est alors composée de toutes les unités d'artillerie n'entrant pas dans la composition organique des grandes unités. Elle comprend 3 200 pièces d'artillerie de campagne tractée, 4 480 pièces d'artillerie lourde tractée ou attelée, ainsi que 200 pièces d'artillerie lourde à grande puissance (ALGP). Avec l'intégration de l'artillerie à pied et des groupes d'artillerie de tranchée, une 4e division est rajoutée152 :

Une 5e division de la RGA est formée en juin 1918 avec les régiments portés d'artillerie de campagne, confisqués aux corps d'armée154. Le remplacement du matériel est assurée par les armées pour les 2e et 4e divisions et par la RGA en ce qui concerne les 1re et 3e divisions. L'inspection générale de l'artillerie est formée en janvier 1918, elle est dirigée par un général de division et a pour objet de diriger et surveiller l'instruction de l'artillerie au sein des armées. Le général inspecteur de l'artillerie dirige également la réserve générale d'artillerie (RGA).

Nouvel uniforme

Photo couleur d'un casque métallique.
 
Le casque modèle 1915 de l'artillerie : deux canons croisés sous une grenade enflammée aux initiales RF.

L'uniforme de l'artilleur (l'« artiflot » en argot) s'adapte lui aussi au conflit, en suivant la même évolution que celui des autres armes : le passage progressif en 1915 au drap de laine bleu horizon (teint à l'indigo) et le port du casque Adrian (de 0,7 mm d'épaisseur, recouvert d'un vernis « gris artillerie », puis gris mat à partir de 1916). Quelques signes distinctifs de l'artillerie sont tout de même conservés : l'insigne de col reste rouge écarlate ainsi que le passepoil du pantalon-culotte, tandis que le casque porte à l'avant deux canons croisés.

Dans la pratique, les artilleurs ayant à assurer des tirs de harcèlement ou de préparation pendant plusieurs heures et ayant à manier des munitions et pièces de plus en plus lourdes remplacent leur tenue de combat par la tenue de corvée, c'est-à-dire un pantalon de treillis et une blouse de bougeron en forte toile de lin écrue. S'y rajoutèrent dans un premier temps des pièces d'uniforme non réglementaires, en velours côtelé brun, beige ou bleu-gris (par manque de drap bleu horizon) ainsi que des effets civils en hiver (écharpes, chandails, gants et bonnets).

Nouveaux emplois

Devant l'incapacité de l'infanterie française à percer les lignes allemandes, l'État-Major réplique en accumulant toujours plus d'artillerie et de munitions pour préparer la seconde offensive de Champagne à l'automne 1915, l'offensive de la Somme de l'été 1916 et la seconde offensive de l'Aisne au printemps 1917. Pour cela, l'Armée française renforce considérablement son artillerie et surtout change sa façon de l'utiliser. Cette adaptation est progressive, car chaque offensive apporte une nouvelle leçon à appliquer lors de la bataille suivante, mais aussi parce que l'application de ces innovations se heurte au conservatisme d'une partie des officiers d'état-major, y compris de la part d'artilleurs155.

En 1915

La nouvelle doctrine d'emploi de l'artillerie est élaborée à partir des pratiques expérimentées dans plusieurs grandes unités dès l'automne 1914. Leur description remonte la hiérarchie, puis les états-majors des différentes armées et le GQG les diffusent, ce dernier sous le titre Instruction relative à l'emploi de l'artillerie le , puis par la Note sur le rôle de l'artillerie des attaques du . Selon cette dernière, l'artillerie a désormais quatre missions :

À partir de 1915, chaque corps et armée dispose d'un service de renseignement de l'artillerie (SRA), qui regroupe les informations provenant des sections de recherche de renseignements par observation terrestre (SROT), des sections de repérage par le son (SRS), des ballons captifs, ainsi que de l'aviation d'observation et de réglage (avec une escadrille par CA). Des officiers de liaison sont détachés auprès des unités d'infanterie pour assurer la coordination, tandis que le colonel de chaque régiment d'artillerie devient le conseiller de son général157. L'artillerie de chaque division et de chaque corps est désormais dirigée par un petit état-major, soutenu au niveau de l'armée par le groupe de canevas de tir (composé de membres du Service géographique de l'Armée, le SGA) chargé des travaux cartographiques158. Des réseaux téléphoniques doivent relier les groupements, batteries, états-majors, terrains d'aviation, postes d'observation, etc.159 Pour le réglage, la liaison se fait par TSF ou par signaux160.

Désormais, des plans d'emploi de l'artillerie sont établis avant chaque attaque ; deux exemples de ces plans montrent l'application des directives. Le , le 5e corps attaque Vauquois, Boureuilles et la cote 263 : les ordres sont de précéder l'assaut de l'infanterie par une préparation d'artillerie de deux heures, avec deux interruptions de dix minutes pour surprendre les fantassins allemands dans leurs tranchées. « Dès que le mouvement de l'infanterie sera entamé, l'artillerie allongera son tir pour effectuer des barrages, atteindre la 2e ligne et les réserves de l'ennemi et paralyser ses contre-attaques »161.

Fin février 1915, le 21e corps prépare une nouvelle attaque vers Souchez, entre la colline de Lorette et la crête de Vimy (devancée par les Allemands en début mars, l'attaque française est finalement menée en mai) : là aussi deux heures de préparation sont prévues à l'aube, par 120 pièces de campagne (AC 21, AD 43, 58 et 92 et un groupe du 2e CC) et 106 d'artillerie lourde (le groupement nord de la 10e armée). Les batteries de campagne sont en moyenne positionnées à seulement 2 600 mètres de leurs objectifs, à des distances extrêmes variant entre 1 600 et 4 000 m (ce positionnement permet d'améliorer la précision et ensuite d'allonger le tir), tandis que les batteries lourdes sont jusqu'à 6 km (la moitié est réservée à la contrebatterie). Le réglage est assuré par des observateurs placés en première ligne et par deux avions162.

L'offensive de l'automne 1915 en Champagne est marquée par une préparation encore plus puissante, du 22 au  : pour un front d'attaque de 35 km furent déployés 872 pièces d'artillerie lourde, soit une pièce lourde pour 40 m en moyenne et un canon de 75 mm pour 33 m, d'où la consommation de 300 000 obus lourds et 1,3 million de 75 mm163. L'offensive permit de prendre la première ligne allemande (matraquée par les obus), mais piétina devant la deuxième (intacte), avant d'être interrompue faute de munitions.

En 1916

Les offensives françaises du printemps et de l'automne 1915 font à leur tour l'objet d'une analyse (rapports de Foch sur l'Artois et de Pétain sur la Champagne)164, avec diffusion pendant la période hivernale (plus calme) des conclusions sous la forme des instructions du sur l'emploi de l'artillerie lourde et du sur le but et les conditions d'une offensive d'ensemble165.

Le premier jour de la bataille de Verdun, le , voit l'application d'une nouvelle tactique : si la préparation d'artillerie allemande est encore plus puissante que celle française de 1915 en Champagne, elle est surtout plus courte, durant neuf heures au lieu de trois jours, ce qui surprend les états-majors français (l'artillerie lourde française, composée alors surtout de vieilles pièces, tire plus lentement). Les enseignements de la première phase des combats autour de Verdun sont publiés dans l'instruction du sur l'emploi de l'artillerie dans la défensive166, avec notamment la « contre-préparation offensive » (CPO) qui doit être exécutée pendant la préparation adverse, juste avant son attaque, au moment où les tranchées de départ ennemies sont remplies167. La préparation d'artillerie déclenchant une contre-préparation, tout accroissement du tir dégénère donc en un duel (une guerre d'usure), chaque artillerie frappant les lignes adverses.

L'attaque de la 6e armée (commandée par le général Fayolle, un artilleur) dans le cadre de la bataille de la Somme se fait sur un front de 15 km, après une semaine de préparation d'artillerie. Pour la réaliser puis accompagner l'assaut, chaque division et corps d'armée dispose d'une artillerie lourdement renforcée : la concentration représente 444 canons de campagne, 360 mortiers de tranchée, 228 canons courts et 300 longs d'artillerie lourde, ainsi qu'un déploiement de 56 mortiers et 61 canons longs d'ALGP168. Les tirs des nouveaux obusiers français de 400 mm ont écrasé les villages fortifiés d'Herbécourt, Estrées et Belloy-en-Santerre169. Grâce à cela, l'assaut d'infanterie lancé le conquiert la première ligne allemande : « grâce à la préparation d'artillerie, destruction complète des défenses accessoires, bouleversement des tranchées, écrasement des abris » (le 21e RIC devant Dompierre)170. Par contre la deuxième ligne allemande, peu touchée par la préparation et hors de portée de l'artillerie de tranchée, arrête la vague d'assaut. Pour atteindre ce maigre résultat, la consommation de munitions a été de deux millions d'obus de 75 mm et d'un demi-million d'obus lourds (du au )163. L'offensive se poursuit donc, comme prévu par la « conduite scientifique de la bataille », par une série de nouvelles poussées (les , et ), la période entre deux attaques étant nécessaire pour faire avancer l'artillerie sur un terrain bouleversé, mais comme les Allemands réorganisent leurs défenses en profondeur, la percée est impossible171.

En 1917

L'évolution de la doctrine d'emploi interarmes (et son instruction aux états-majors) est confiée au Centre d'études de l'artillerie (CEA), fondé le à Châlons-sur-Marne, tandis que l'École d'artillerie de Fontainebleau adapte rapidement son enseignement pour fournir les nouveaux officiers172. L'expérience acquise sur la Somme engendre l'instruction du , appliquée lors de la seconde offensive de l'Aisne (au Chemin des Dames) avec un pilonnage sur 40 km de large par quatre millions d'obus de 75 mm et 1,2 million d'obus lourds (du 7 au ). Il y avait un canon de 75 mm et un canon lourd par 20 m de front à attaquer. L'échec fut en partie attribué au mauvais temps (rendant difficile le réglage) et le terrain difficile (les 1 650 pièces d'artillerie de tranchée déployées furent incapables de suivre l'infanterie)173.

Photo noir et blanc du chargement d'un canon lourd.
 
Mortier de 220 mm TR Schneider sur la côte du Talou en août 1917 : quatre artilleurs portent un obus (100 kg) jusqu'à la culasse ouverte, tandis qu'un autre amorce une fusée.

Pendant l'été 1917, les offensives limitées sont basées sur d'énormes concentrations d'artillerie. Celle de la 2e armée au nord de Verdun sur les deux rives de la Meuse, est préparée puis soutenue par environ 600 batteries, soit 2 256 pièces, servies par 60 000 artilleurs, le tout pour appuyer 50 000 fantassins (huit divisions) sur un front de seulement 18 km (soit une pièce pour huit mètres de front). Sont déployés 1 195 canons de 75 mm pour l'appui tactique (soit un groupe pour chaque bataillon) ; 1 016 mortiers de tranchée, 435 canons de 155 mm courts (160 de Bange, 140 S et 135 CH), 122 mortiers de 220 mm et huit de 270 mm pour la destruction des retranchements ; 16 canons de 100105 mm, 50 de 105 mm, 140 de 120 mm longs de Bange, 24 de 145 mm, 250 de 155 mm longs de Bange, 55 de 155 mm longs S et huit de 155 mm GPF pour la contrebatterie174 ; enfin, une centaine de canons de l'ALGP (17 de 240 mm, 28 de 270 mm, 16 de 32 cm, quatre de 370 mm et quatre de 400 mm) pour frapper les gares, dépôts de munitions, ainsi que les tunnels du Mort-Homme et du bois des Corbeaux175. La mise en place de l'artillerie, qui concerne environ un tiers de toute l'artillerie lourde française, s'étale sur cinq semaines176. La préparation commence le (à J-4 avant le 17, finalement reportée au 20), culmine les 19-20, puis les tirs se poursuivent jusqu'au 23. Pendant ces onze jours, 3,5 millions de coups sont tirés (dont 311 000 chimiques), soit 82 400 tonnes de munitions177.

Emploi des gaz

La doctrine française sur l'emploi des obus à gaz évolue avec le temps et avec l'arrivée de nouveaux produits toxiques. Les obus à gaz ont pour fonctions de tuer les occupants des zones visées par des tirs de destruction ou de neutraliser des zones par des tirs sporadiques. L'efficacité des obus à gaz est tributaire des conditions météorologiques dont le paramètre le plus important est le vent, devant la température, l'humidité et le rayonnement solaire. Lorsque la vitesse du vent dépasse les 3 m/s, les gaz sont rapidement dispersés et ne peuvent atteindre des concentrations létales, seuls des tirs de neutralisation sont possibles178.

Les premiers tirs de destruction visant à éliminer les occupants des tranchées ciblées sont réalisés en juillet 1915 en Champagne mais la faible toxicité des produits employés ne permet pas d'obtenir ce résultat. L'utilisation du phosgène permet à partir de mai 1916 des tirs de destruction. Ces derniers visent les troupes occupant un objectif de faible dimension : des batteries, des portions de tranchées, des abris ou des points de ravitaillement. Le tir de destruction avec des obus à gaz consiste à tirer dans un laps de temps réduit, entre deux et cinq minutes (temps qui correspond à un homme entrainé pour positionner correctement son masque à gaz179), de 200 à 500 coups de canons de 75 mm ou 50 à 100 coups de 155 mm ou 20 à 50 coups de mortiers de 58 mm pour atteindre par surprise les occupants des objectifs visés180.

Au cours de l'année 1916, les obus toxiques sont employés pour des tirs de neutralisation. Ces tirs ne sont pas suffisamment nombreux pour que la concentration en toxique tue les personnes occupant les zones ciblées, mais ils obligent les occupants à porter leur protection. Ces tirs à cadence lente et monotone sur des temps variant entre quatre et douze heures181 ont pour but de gêner les déplacements de l'adversaire et le démoraliser. Pour neutraliser une largeur de front de 100 m, il faut tirer 500 obus de 75 mm, 250 obus de 120 mm ou 200 obus de 155 mm. Cette technique est perfectionnée en entrecoupant les phases de neutralisation par des tirs de destruction à obus explosifs182.

Les obus lacrymogènes sont utilisés en 1916 pour des tirs de zone, l'action des molécules étant persistante. Il est admis qu'un obus de 75 mm couvre une surface de 5 m2, alors qu'un obus de 155 mm couvre une surface de 50 m2182. L'arrivée de l'ypérite à partir de juin 1918 permet de modifier l'emploi des tirs de zones. L'ypérite s'attaque aux voies respiratoires, à la peau et contamine la zone où elle est utilisée pendant plusieurs semaines. Les obus à l'ypérite sont utilisés comme moyen de défense, empêchant les troupes adverses de passer. En phase offensive, les tirs d'obus à l'ypérite sur les batteries allemandes ou dans les zones proches les rendent inutilisables en absence de décontamination, les tirs de flanquement ou sur des carrefours vont permettre de bloquer ou de limiter l'arrivée des renforts.

Protection

Photo noir et blanc d'une batterie de faux canons.
 
Quatre canons factices de 155 mm en bois, en batterie près de la ferme des Wacques pendant l'été 1916.

L'invention de la poudre B à la fin du XIXe siècle avait apporté un avantage à l'artillerie : il s'agit d'une poudre sans fumée, rendant les pièces beaucoup plus discrètes qu'avec la poudre noire. À l'entrée en guerre, le matériel ancien est de couleur vert olive mat (pour ne pas faire de reflet), tandis que celui plus moderne est en gris perle, surnommé « gris artillerie », depuis une décision du , à l'origine pour limiter l'échauffement des caissons à munitions quand ils sont exposés au soleil183.

La transformation du conflit en guerre de position entraine le développement du camouflage militaire. À partir du mois d'octobre 1914, plusieurs artilleurs du 6e régiment d'artillerie lourde entreprennent de façon individuelle de camoufler leurs pièces d'artillerie. Le 12 février 1915, le ministère de la Guerre crée une équipe de camouflage, composée de peintres et de décorateurs non mobilisés, dirigée par Guirand de Scevola (un artiste peintre mobilisé dans l'artillerie à pied)184. Face à l'observation aérienne, l'invisibilité est recherchée par la peinture des pièces par tâches irrégulières imitant l'environnement (de l'ocre jaune, du brun rouille, du rouge terre de Sienne, du vert foncé, du noir, etc.) et surtout brisant la régularité des formes. Les matériels neufs sortent d'usine de nouveau en vert olive, auquel les peintres aux armées rajoutent le camouflage en plusieurs tons185. Les autres solutions utilisées sont de recouvrir la pièce d'une toile bariolée, d'un filet de camouflage ou de branchages.

Pour survivre aux tirs arrivant malgré tout sur les positions, celles-ci sont aménagées : des abris ou des tranchées sont creusés à côté de la plateforme de tir, la pièce peut être semi-enterrée dans une fosse, parfois épaulée par des traverses-abris, ou elle est installée dans une casemate à toiture en rondins ou en rails de chemin de fer, voire dans quelques cas bétonnée (régions fortifiées de Dunkerque et de Verdun). Enfin, des faux canons en bois sont utilisés pour attirer les tirs de contrebatterie adverses ou faire croire au déploiement d'artillerie lourde sur une portion du front.

L'apogée

La fin du conflit correspond à l'apogée de l'artillerie française en termes d'effectifs et de nombre de pièces, mais elle montre aussi quelques signes de déclin, notamment pour les canons longs. L'usure des tubes est importante, due aux fortes vitesses initiales et à leur emploi intensif (ils participent à toutes les batailles), tandis que l'industrie ne peut pas fournir les pièces de remplacement au même rythme. Fin 1918, la perte par usure est de 30 pièces de 155 mm GPF par mois, tandis que les 100 mm repartent en usine pour réalésage au calibre 105 et que les 145 mm subissent le même procédé en 155. Ces pièces modernes retirées des batteries sont, en attendant mieux, remplacées par des vieux canons de 155 mm L modèle 1877186. Dans l'ALGP l'usure oblige à réaléser des 305 mm modèle 1893/96 en 320 mm (appelés modèle 1917), des 274 mm modèle 1893/96 en 285 mm (dans un cas il y a un second réalésage à 288)187. Le retubage au calibre inférieur, qui permet d'obtenir un canon capable de résister à une plus forte pression, est envisagé à la fin et fut réalisé pour huit canons de 2419 cm G188.

Dernières adaptations

Artillerie spéciale

L'apparition des premiers véhicules blindés avant même le début du conflit (la Charron-Girardot & Voigt en 1902)189 avait entraîné la naissance de l'artillerie antichar sous forme d'autocanons (AC) chargés de détruire les automitrailleuses (AM) adverses. Cette idée est proposée par le capitaine Lesieure Desbrières, puis acceptée par le gouverneur de Paris Joseph Galliéni le 6 septembre 1914 ; la première section est créée le 19 septembre 1914 à Vincennes (où se trouvait le parc automobile du camp retranché de Paris), avec des canons de 37 mm modèle 1885 ou 1902 TR (à « tir rapide ») de marine montés sur différents véhicules, notamment des Peugeot 146 (avec un moteur de 18 chevaux)190. Début 1915, un groupe de quatre autocanons armées de canons de 47 mm TR modèle 1902 de marine sur châssis de camion Renault est mis sur pied191. Tous ces autocanons sont affectés à la cavalerie, mais servis par des marins (formant des groupes mixtes d'automitrailleuses et d'autocanons de la Marine) jusqu'en , d'où le surnom pour ces véhicules de « torpilleurs à roulettes »192.

L'idée d'un véhicule d'accompagnement de l'infanterie, capable d'ouvrir une brèche dans les barbelés et de faire taire les mitrailleuses adverses, fait son chemin dès le début du conflit : en , le colonel Estienne (un artilleur) affirme que « la victoire appartiendra dans cette guerre à celui des deux belligérants qui parviendra le premier à placer un canon de 75 sur une voiture capable de se mouvoir en tout-terrain »193. Les recherches commencent en 1915, menées par Eugène Brillié (ingénieur chez Schneider) et Jules-Louis Breton (député et bientôt sous-secrétaire d'État aux Inventions), qui s'intéressent notamment aux tracteurs à chenilles (caterpillar) de la société californienne Holt (en). Le , le général Joffre, après la venu au GQG d'Estienne, demande au sous-secretariat d'État à l'Artillerie et aux Munitions de passer commande de « cuirassés terrestres » : ces engins doivent être composés d'un canon de 75 mm monté sur un tracteur à chenilles, le tout recouvert de blindage.

Photo noir et blanc de deux officiers posant devant leur char de combat.
 
Le chef d'escadron Louis Bossut (un ancien dragon) devant son char Schneider, le Trompe la mort. Le 16 avril 1917, à la tête de son groupement blindé, il meurt brûlé après avoir dépassé la deuxième ligne allemande.

Après des tests par le Service technique automobile pendant l'année 1916194, deux modèles de chars sont développés et commandés à 400 exemplaires chacun, le Schneider CA1 et le Saint-Chamond. En parallèle, les Britanniques mènent leur propres recherches au sein du Landships Committee, débouchant sur la conception du tank Mark I ; 49 de ces véhicules, affectés au Machine Gun Corps sont engagés au combat le 15 septembre 1916 à Flers : à cause des pannes et du terrain seuls 25 partent à l'attaque, dont neuf atteignent les tranchées allemandes, finalement repoussés par l'artillerie allemande.

Cet échec est pourtant jugé encourageant. Le , l'« artillerie spéciale » (AS) est officiellement créée, elle est sous la direction d'Estienne, nommé général de brigade. Très rapidement, le 9 octobre, le général Estienne établit les bases de la tactique de l'artillerie d'assaut195. Les engins sont confiés aux 80e, 81e et 82e batteries du 81e régiment d'artillerie lourde, composées de volontaires, qui s'entrainent au camp de Champlieu, en forêt de Compiègne. Ils montent pour la première fois au front pour la seconde bataille de l'Aisne : les Schneider attaquent le 16 avril 1917 sur Juvincourt (au nord de Berry-au-Bac), puis les Saint-Chamond (livrés plus tardivement) le 5 mai au moulin de Laffaux. Eux aussi manquent de mobilité et ont une mécanique peu fiable : sur les 128 chars Schneider déployés, 52 sont frappés par l'artillerie allemande (15 par tir direct), dont 35 flambent (le réservoir n'est pas protégé), auxquels se rajoutent 21 autres chars tombés en panne ou embourbés196.

Fin 1916, pour contrer la probable apparition de blindés allemands sur le front occidental, l'Armée française prévoit le développement de la défense antichar, confiée au canon de 37 mm modèle 1916 TR de l'infanterie et au canon de 75 mm modèle 1897 de l'artillerie, ce dernier canon pouvant être installé sur une plate-forme de tir permettant un battement en azimut de 60° et en utilisant à tir tendu l'obus de rupture modèle 1910 de marine. En , 35 batteries antichars sont déployées sur le front, toutes dépendant du 176e régiment d'artillerie de tranchées197.

Photo noir et blanc d'une colonne de petits chars sur route.
 
Chars Renault FT confiés aux troupes américaines, montant au front le 26 septembre 1918.

Le général Estienne étant écouté par le GQG ainsi que par les industriels, il obtient de Louis Renault qu'il lance à partir de l'étude d'un char léger, plus rapide mais moins armé. 150 de ces engins sont commandés le 22 février 1917, portés à 1 000 le 9 avril suivant après les premiers essais198 : la production de masse du Renault FT modèle 1917 de 6,7 tonnes est lancée à la fin de l'année, avec une unique arme montée en tourelle, une mitrailleuse Hotchkiss modèle 1914 ou un canon de 37 mm SA 1918 (SA pour « semi-automatique »). Le premier engagement des chars Renault FT a lieu devant Saint-Pierre-Aigle le 31 mai 1918, pendant la troisième bataille de l'Aisne.

D'autres modèles furent envisagés : les FCM proposèrent un char de 40 tonnes avec un canon de 105 ou de 75 en tourelle ; Peugeot fit un prototype de huit tonnes ; des Mark V* de 26 tonnes furent achetés aux Britanniques. Un « char de rupture » fut étudié, commandé pour 1919 à 300 exemplaires, dont seulement dix seront livrés après-guerre sous le nom de FCM 2C, pesant 69 tonnes, avec quatre mitrailleuses et un canon de 75 mm199.

Artillerie antiaérienne

Photo noir et blanc d'un canon pointé vers le ciel.
 
Canon de 75 mm antiaérien monté sur plateforme modèle 1915, protégeant l'Armée française d'Orient autour de Salonique.

L'artillerie de défense contre les aéronefs (DCA, bientôt renommée en « défense contre avions ») s'est progressivement étoffée, composée d'autocanons de 75 mm De Dion-Bouton modèle 1913 (pointage en site jusqu'à 85°), de canons de 75 mm sur plate-forme modèles 1915 et 1917 (tirant jusqu'à 75° en site un obus modèle 1917 spécifique à la DCA), ainsi que des 75 mm sur remorque et des 105 mm fixes. En 1918, l'artillerie française aligne 760 canons antiaériens de 75 mm et 70 de 105 mm, affichant un total de 218 victoires pour cette année là200, malgré le fait que les vitesses initiales commencent à devenir insuffisantes (les avions volant de plus en plus vite et haut) et qu'y sont affectés de nombreux anciens blessés et des territoriaux.

Cette DCA est dispersée en une multitude de postes (composés d'une seule pièce) et de sections (deux pièces). En , ils sont tous rattachés administrativement au 62e RAC, sauf ceux des forts du camp retranché de Paris qui restent au 12e RAC. En , trois régiments d'artillerie de défense contre les aéronefs (RADCA) sont créés pour les regrouper (sans fonction tactique) : le 63e pour la DCA aux armées, le 64e pour la DCA parisienne et le 65e pour celle de l'arrière (hors Paris). En , devant l'augmentation des effectifs, le 63e sert à former trois régiments, le nouveau 63e RADCA (pour les 75 mm fixes), le 66e RADCA (pour les 75 mm mobiles) et le 166e RADCA (pour les 105 mm)201. Se rajoutent des détachements de mitrailleuses, de projecteurs et de ballons de protection. Tous ces régiments furent réorganisés en 1919, se détachant de l'artillerie.

Percer par surprise

Les offensives allemandes de la seconde moitié de 1917 (Riga en août et Caporetto en octobre) et du début de 1918 (offensive du Printemps sur la Somme en mars, la Lys en avril, l'Aisne en mai, le Matz en juin et en Champagne en juillet) sont marquées par des préparations d'artillerie beaucoup plus courtes (quelques heures) mais violentes (en utilisant beaucoup plus de pièces à tir rapide) avec un emploi très large des obus à gaz, puis par l'encagement des secteurs d'attaque (empêchant tout soutien des secteurs voisins) et par des infiltrations d'infanterie d'assaut qui collent au tir de barrage roulant (tactique développée par le colonel Georg Bruchmüller commandant l'artillerie de l'armée du général von Hutier). Les Britanniques attaquent eux-aussi par surprise en à Cambrai en submergeant la ligne Hindenburg à l'aide de chars d'assaut.

Côté français, ces pratiques sont imitées puis théorisées dans l'instruction du sur le tir d'artillerie202. Désormais, pour une attaque, la mise en place des batteries se fait de nuit, le réglage d'artillerie est fait sur carte, sans aucun tir de réglage (qui prennent du temps) ni usage du téléphone, pour maintenir l'effet de surprise. La préparation est courte, jusqu'à seulement une heure de tir ; le barrage roulant précède la vague d'assaut théoriquement de seulement 200 m ; les tirs de destruction (grosses consommatrices de munitions) sont remplacés par des tirs de neutralisation, notamment au gaz, y compris pour la contre-batterie. Après la percée de la première ligne, une partie de l'artillerie (y compris les mortiers de tranchée) est portée en avant pour soutenir l'assaut (favorisé par la préparation courte, qui ne laboure pas complètement le terrain)203.

L'amélioration de la mobilité de l'artillerie française, grâce aux camions et aux tracteurs, permet de concentrer des moyens rapidement et de faire jouer l'effet de surprise. Elle a été développée dès la fin 1916 pour faire face à la pénurie de chevaux, concerne le quart des batteries204 et est à l'origine du ralentissement puis du blocage des différentes percées allemandes du printemps et de l'été 1918. Cette mobilité stratégique est un facteur déterminant dans la succession rapide des trois séries d'offensives « coups de poing » des armées alliées (avec participation britannique et américaine : l'« offensive des Cent-Jours ») pendant l'été et l'automne 1918. L'artillerie allemande est, à partir de 1917, en pénurie de chevaux ce qui limite ses déplacements. Elle est essentiellement tributaire du chemin de fer pour des déplacements stratégiques et donc beaucoup moins mobile que l'artillerie française utilisant un parc automobile considérable (environ 80 000 véhicules en 1918). Le général Ludendorff considère donc dans ses mémoires que « la victoire française de 1918 c’est la victoire du camion français sur le rail allemand »205.

Vitesses de marche206,207
RoulementTractionVitesse moyenne en convoiÉtape moyenne par jour
Roue en bois cerclées de fer Batterie lourde montée 5 km/h 20 à 40 km
Batterie légère montée 5 (au pas) à 7 km/h 20 à 40 km
Batterie à cheval 5 à 8 km/h (alternance trot/pas) 25 à 50 km
Bandage plein en caoutchouc Batterie lourde tirée par tracteurs 6 à 10 km/h 50 à 70 km
Batterie légère portée par camions 10 à 15 km/h 70 à 100 km
Train-rouleur Batteries lourde ou légère 15 à 20 km/h 150 à 200 km
Pneumatique 20 à 25 km/h 200 à 250 km

Artillerie automotrice

Les retours sur expérience des offensives de 1915, 1916 et 1917 ont montré que si l'assaut d'infanterie réussissait à prendre la première ligne de tranchées adverses, il échouait devant les deuxième et troisième lignes, faute de soutien d'artillerie, les pièces ne pouvant se déplacer sur un terrain labouré par les obus. D'où dans un premier temps le déploiement de plusieurs batteries de montagne (bâtées sur mulet) et l'emploi de tracteurs d'artillerie, puis le développement des premiers canons automoteurs sur roues et à la fin sur affûts chenillés. Ces derniers matériels, appelés « artillerie d'exploitation » et devant constituer la 7e division de la RGA, étaient prévus pour les offensives de 1919.

Furent étudiés des canons de 75 mm et de 105 mm L sur châssis Renault FT, mais c'est l'artillerie lourde qui fut privilégiée. Il était prévu de commander des affûts chenillés pour 130 tubes de 155 mm GPF, 50 de 194 mm GPF (en plus de 150 autres sur affût biflèche à tracteurs, le même que le 155 GPF), 20 de 220 mm L 1917 S, 75 de 220 mm TR CH et 25 de 280 mm TR S. Seuls les automoteurs à chenilles pour un canon de 194 mm GPF et pour un mortier de 280 mm TR auront le temps d'être expérimentés et de commencer à entrer en production. Toutes les commandes sont réduites le puis annulées sauf quelques exemplaires208.

 
MatérielsMasse en batterieCadence de tirportée max.Munitions (masse)
Canon de 194 mm GPF sur affût chenillé Saint-Chamond 28 000 kg 2 coups/min 18 km obus explosifs (de 80,8 ou 83 kg)
Mortier de 280 mm sur affût chenillé Saint-Chamond 28 000 kg 2,5 coups/min 10,9 km obus explosifs (202 à 275 kg)

État des lieux à l'armistice

Au , l'artillerie française est organisée en 105 régiments d'artillerie de campagne (RAC) et 84 régiments d'artillerie lourde (RAL), déployant sur le front un total de 4 968 canons de 75 mm, 5 128 pièces lourdes et 112 canons de montagne.

Les 105 artilleries divisionnaires (AD) composées de 105 RAC (numérotés de 1 à 62 et de 200 à 280) chacun à trois groupes de trois batteries de 75 mm et de 105 groupes divisionnaires de 155 mm court (rattachés aux RALH numérotés de 101 à 145). Les 32 artilleries lourdes de corps d'armée (ALCA) sont formées chacune d'un groupe de 105 mm long (ou de 120 mm L de Bange) et d'un groupe de 155 mm long (RALH nos 101 à 145, dont les 141e, 142e et 143e coloniaux)209.

La réserve générale d'artillerie (RGA) regroupe la masse de manœuvre de l'artillerie : dix RALT à canons longs (nos 81 à 90), dix RALT à canons courts (nos 281 à 290), cinq RALH armés de 105 mm (nos 451 à 456), dix RALH armés de 155 mm L (nos 407 à 421), dix-sept RALH armés de 155 mm C (nos 301 à 345, dont le 343e colonial)186, huit RALGP pour l'ALGP (nos 71 à 78, le 72e en formation et le 70e pour la construction des voies ferroviaires à écartement normal) et cinq RAT (nos 175 à 179).

S'y rajoutent les trois RAM (nos 1 et 2 et le 13e colonial), les dix régiments coloniaux d'artillerie de campagne (nos 1, 2, 3, 21, 22, 23, 41, 42 et 43 et le régiment d'artillerie coloniale du Maroc), les treize RAP (nos 151 à 161, ainsi que les 182e et 183e coloniaux), les deux régiments chargés des voies de 60 cm (le 68e pour la construction, le 69e pour son exploitation), le régiment de repérage (163e, composé des SROT et SRS), les dix groupes autonomes d'Afrique (nos 1 à 10), les huit régiments d'artillerie d'assaut (nos 501 à 508), les six RADCA (nos 63 à 66 et 166, 67e servant les projecteurs), les 20 escadrilles d'artillerie et les 21 escadrons du train des équipages militaires et du service automobile210. La vingtaine de péniches-canonnières ont été rendues au ministère de la Marine en novembre 1917 (mais quatre d'entre-elles sont réarmées en novembre 1918 pour former la flottille du Rhin)121, ainsi que toutes les batteries de côte depuis les décrets du et 211.

De son côté, l'artillerie allemande est organisée en 243 artilleries divisionnaires formées d'un régiment de campagne à neuf batteries de quatre pièces (au lieu de douze de six pièces au début de la guerre) représentant au total 8 748 pièces, complété d'un bataillon mixte de deux batteries d'obusiers de 155 mm et d'une batterie de canons de 105 mm, représentant 2 700 pièces212. Les 30 artilleries de corps d'armée allemands sont composées de deux bataillons mixtes de deux batteries de mortiers de 210 mm et d'un bataillon de canons de 155 mm représentant 480 pièces. Des régiments indépendants servent de réserve, avec 3 200 pièces de campagne, 4 480 lourdes et 200 sur voie ferrée212, le renforcement des divisions se faisant aussi par emprunt temporaire aux unités des secteurs calmes213.

L'Armée allemande a capturé de nombreuses pièces d'artillerie françaises pendant le conflit. Pour les canons de 75 mm, il s'agit de 447 exemplaires en 1914 (notamment les 36 du 2e régiment d'artillerie colonial lors de la bataille de Rossignol le ), 26 en 1915, 14 en 1916, 0 en 1917 et 383 en 1918 (lors des percées sur le Chemin-des-Dames et le Matz)214. S'y rajoutent principalement les 460 pièces d'artillerie du camp retranché de Maubeuge, dont des canons lourds de Bange, le , ainsi que les gros canons de l'ALGP capturés le car impossibles à évacuer : deux canons de 16 cm, six de 19 cm, 14 de 240 mm, trois de 274 mm, un de 305 mm et quatre de 340 mm121. De leur côté, les captures françaises lors des offensives alliées de 1918 furent tout aussi importantes, très largement complétées par les exigences de la convention d'armistice du  : l'Armée allemande doit abandonner aux alliés 5 000 de ses canons, dont 2 500 lourds et 2 500 de campagne, en bon état215.

Après les armistices

Photo noir et blanc d'un tas de canons.
 
Trophées entassés sur le rond-point des Champs-Élysées à Paris pour le « défilé de la Victoire » le . Selon les conditions d'armistice, l'Armée allemande doit livrer une partie de son artillerie.

La guerre se terminant officiellement après la signature des différents traités de paix en 1919-1920, l'artillerie s'adapte à la nouvelle situation par la dissolution de presque toutes les unités de l'artillerie de tranchée. La démobilisation entraîne la réduction des effectifs d'artilleurs, avec comme conséquences la dissolution progressive de plusieurs régiments d'artillerie de campagne et d'artillerie lourde, ainsi que le regroupement de l'ALVF dans un seul régiment216. Le matériel surnuméraire est stocké en entrepôts, voire temporairement à l'air libre. Les chars sont rattachés à l'infanterie le .

Côté doctrine, on tire les derniers enseignements pour rédiger les nouveaux règlements. L'Instruction provisoire sur le service de l'artillerie en campagne du annonce en introduction : « la puissance des feux est le facteur prédominant du succès, dans la bataille moderne. L'attaque d'une position tenue par un ennemi disposant jusqu'au dernier moment, de feux bien ajustés sur le terrain de l'assaut, est vouée à l'échec. » Sur le plan tactique on insiste sur la préparation d'artillerie, qui peut être courte, le « rideau mouvant » ainsi que la concentration des tirs sur un noyau de résistance (il faut « manœuvrer par les feux ». À l'échelle opérative, on insiste sur le maintien d'une réserve générale d'artillerie, ainsi que sur la mobilité du matériel permettant la « manœuvre stratégique de masses d'artillerie » par la voie ferrée et surtout par la route. La puissance est mise en valeur, il faut être doté de matériels de tous calibres à tir rapide, à grand champs de tir et à grande portée (l'artillerie de tranchée doit être capable de tirer jusqu'à 2,5 km, la légère jusqu'à 10 km, la lourde courte de 10 à 15 km, la lourde longue de 15 à 20 km et l'ALGP au-delà de 20)217.

Pour le matériel, l'Armée française dispose de stocks considérables de canons et de munitions (notamment dix millions de coups de 75 mm)218 tandis que le nouveau mot d'ordre est de réduire les dépenses de façon drastique : mis à part quelques expérimentations dans les années 1920 (par exemple le 145 mm GPF, finalement abandonné), il faut attendre le réarmement lancé à partir de 1936 pour que de nouveaux modèles entrent en dotation (105 mm modèle 1936, 25 mm AA 1938, 75 mm TAZ 1939, 90 mm AA 1939, 25 mm AC 1937 et 47 mm AC 1937)219 et que la motorisation reprenne (75 mm 1897-1938 sur pneus TTT). Les programmes d'automoteur d'artillerie sont eux aussi relancés et des commandes sont passées en urgence, avec livraison des Sau 40 et ARL V 39 prévues à partir d'octobre 1940220. Après juin 1940, les stocks de matériels français sont largement utilisés par l'Armée allemande (sur le front de l'Est comme sur le mur de l'Atlantique) ; quant à l'armée de la Libération, elle fut équipée de matériels américains221.

Enfin, le déminage de l'ancien champ de bataille doit être réalisé. Dès les premières reconquêtes des territoires occupés du Nord-Est, la « récupération » et le « désobusage » commence, le terrain étant farci d'obus non explosés, d'éclats métalliques, de produits chimiques, de pièces d'équipement et d'ossements. Si l'Armée française a tiré environ 300 millions de cartouches d'artillerie, en rajoutant les tirs allemands et britanniques on atteint le milliard, dont 200 millions d'obus non explosés222, surtout concentrées sur l'étroite bande de terrain où s'est déroulée la guerre de position sur le front ouest. En France, elle prend le nom de « zone rouge ». Après un déminage superficiel et la reconstruction des infrastructures, cette zone est majoritairement remise en culture dès le début de l'entre-deux-guerres. De vastes surfaces sont tout de même rachetées par l'État qui les boise (notamment autour de Verdun) ou en fait des terrains militaires (le camp de Suippes), mais les sols ne sont pas dépollués en profondeur. Un siècle après les combats, les métaux lourds y sont toujours présents (notamment le plomb des balles de shrapnel et le mercure des amorces), tandis que l'eau du robinet de plusieurs communes contient encore trop de perchlorate223.

Notes et références

Notes

  1. Non compris les 1 829 wagons de l'ALGP, chargés avec 88 651 obus des calibre 240 à 400 mm.

Références

Voir aussi

Bibliographie

Sources contemporaines du conflit

Les Armées françaises dans la Grande Guerre

Ouvrages actuels

Articles connexes

Artillerie à cheval de la Garde impériale

 
 
 
Régiment d'artillerie à cheval de la Garde impériale
Image illustrative de l’article Artillerie à cheval de la Garde impériale
Artilleur à cheval de la Garde impériale. Peinture à l'huile d'Édouard Detaille, 1870.

Création 1806
Dissolution 1815
Pays Drapeau de la France France
Allégeance Drapeau de l'Empire français Empire français
Branche Grande Armée
Type Régiment
Rôle Artillerie
Effectif 360
Fait partie de Garde impériale
Guerres Guerres napoléoniennes
Batailles Bataille d'Austerlitz
Bataille de Friedland
Bataille de Wagram
Bataille de la Moskova
Bataille de Waterloo
Commandant Doguereau (1806-1808)
d'Aboville (1808-1809)
Desvaux de Saint-Maurice (1809-1813)
Griois (1813-1814)
Duchand de Sancey (1815)

Le régiment d'artillerie à cheval de la Garde impériale est une unité d'artillerie montée intégrée à la Garde impériale du Premier Empire. Bien que la formation en tant que régiment ne voie le jour qu'en , son origine remonte en avec une première formation à l'armée d'Italie.

Organisé initialement en trois escadrons, les artilleurs à cheval de la Garde prennent part à la campagne de Prusse et de Pologne, et notamment aux batailles d'Iéna, d'Eylau et de Friedland. Ils participent à la guerre d'Espagne en 1808, à la campagne d'Autriche en 1809 et à la campagne de Russie en 1812.

L'unité prend encore une part active à la campagne d'Allemagne en 1813 et à celle de France en 1814, avant d'être dissoute par ordonnance royale du et reversée dans les régiments de ligne.

Le régiment d'artillerie à cheval de la Garde est reformé en 1815 pendant les Cent-Jours et participe à la campagne de Belgique. Il est définitivement dissous après la seconde abdication de Napoléon et le retour des Bourbons.

Origines du régiment

Scène de bataille, avec des officiers à cheval et des artilleurs au premier plan, et un duel de mousqueterie entre fantassins au second.
 

L'histoire des artilleurs à cheval de la Garde commence le lorsque Napoléon Bonaparte, alors à la tête de l'armée d'Italie, crée une section d'artillerie à cheval composée de 30 canonniers à partir de ses compagnies de guides d'escorte1. Satisfait de cette organisation qui allie puissance de feu et mobilité, il réitère l'opération à l’Armée d’Orient, formant cette fois une demi-compagnie de 60 hommes1.

Après le coup d'État du 18 brumaire, Bonaparte crée la Garde des Consuls, qui comprend notamment une compagnie d’artillerie à cheval, qui se distinguera tout particulièrement aux batailles de Montebello et de Marengo1. Les artilleurs à cheval sont portés à la taille d'un escadron, après qu'une seconde compagnie a vu le jour le , incorporant les derniers guides-canonniers de l'Armée d’Orient1.

Le , la Garde impériale est constituée par décret impérial, intégrant l'escadron d'artillerie à cheval2. Ce dernier prend part à la bataille d'Austerlitz le , où il appuie l'attaque de la cavalerie de la Garde avec 16 pièces réparties en deux batteries.

Organisation

Portrait en pied d'un officier de l'armée napoléonienne.
 
Jean-Jacques Desvaux de Saint-Maurice, en uniforme d'officier de l'artillerie à cheval de la Garde.

Le régiment d'artillerie à cheval de la Garde impériale est créé par décret impérial du , organisé en trois escadrons, deux de vétérans et un de vélites, divisés chacun en deux compagnies de 60 hommes, formant un total théorique de 360 artilleurs2. L'artillerie à cheval de la Garde subira de nombreux changements, dont le passage à 80 hommes de chaque compagnie, et sera remaniée plusieurs fois, notamment en 1808, où le 3e escadron de vélites est incorporé dans le régiment de Jeune Garde d'artillerie à pied de la Garde impériale à sa création, réduisant l'effectif à 320 artilleurs2.

Le , deux nouvelles compagnies sont créées, ce qui sera entériné par décret impérial du . À cette date, le régiment compte 190 pièces d'artillerie, dont l'essentiel se compose de canons de 6 livres pris à l'ennemi au cours des batailles. En 1814, il s'ajoute au régiment une 7e compagnie, constituée à partir de la Garde de Joseph Bonaparte, rentrée en France après la bataille de Vitoria3.

À la suite de l'abdication de l’Empereur, l'artillerie de la Garde est dissoute par ordonnance royale du , et les artilleurs à cheval sont reversés dans les régiments de ligne3.

L'artillerie à cheval de la Garde est reformée en 1815 pendant les Cent-Jours, à quatre compagnies. Elle est définitivement dissoute le , mais l'essentiel des hommes servent à constituer les régiments d’artillerie de la Garde royale nouvellement créés4.

L'unité dispose de son propre chirurgien en la personne du chirurgien-major Therrin, promu officier de la Légion d'honneur le 5.

Campagnes militaires

Campagne de Prusse et de Pologne

Napoléon penché sur un canon, entouré de ses artilleurs au garde-à-vous.
 
Napoléon vérifiant le pointage d'un canon sur le champ de bataille. Autour de lui, les artilleurs à cheval de la Garde impériale se préparent à mettre le feu à l'étoupille. Illustration de Job.

En 1806 et 1807, les artilleurs à cheval de la Garde participent à la campagne de Prusse et de Pologne.

Lors de la bataille d'Iéna, ils soutiennent l'attaque du maréchal Ney contre les positions prussiennes. Ce dernier, très enthousiaste, se retrouve vite au milieu des lignes ennemies, et le soutien de l'artillerie est décisif lorsque le général prussien Hohenlohe décide de contre-attaquer avec toute sa cavalerie6.

L'artillerie à cheval s'illustre une nouvelle fois à la bataille d'Eylau en pilonnant les Russes, sous le commandement du général Baston de Lariboisière qui est à la tête de l'artillerie de la Garde impériale. Elle soutient toute la journée du le centre de l'armée avec une batterie de 40 pièces de canon7.

Les artilleurs à cheval participent aussi à la bataille de Friedland sous le commandement des généraux Baston de Lariboisière et Sénarmont, le second étant à la tête de toute l'artillerie de la Grande Armée. Alors que la cavalerie du général Latour-Maubourg se met au galop et repousse une charge russe, une batterie de 30 pièces de canon est rapidement et habilement mise en place, faisant de lourdes pertes chez l'ennemi8.

Guerre d'Espagne

Un officier à cheval, au galop, fait signe au conducteur de l'attelage d'artillerie qui le suit de s'arrêter.
 
L'artillerie à cheval de la Garde impériale prenant position, par Alphonse Lalauze.

En 1808, Napoléon intervient personnellement en Espagne à la tête de la Grande Armée. Les artilleurs à cheval de la Garde sont du voyage, et concourent à la prise de Madrid le 3 décembre où quatre de leurs officiers sont blessés9. L'unité bivouaque à Chamartin, en périphérie de la capitale. Le lieutenant Bosc peut écrire à sa famille : « les officiers sont logés avec les soldats dans leur quartier. Il n’y a pas le moindre meuble, ni lit, ni chaise, ni banc. Nous couchons sur le carreau. J’aime à peu près autant le bivouac où je suis aujourd'hui qu’un tel logement. Il est inutile de vous dire qu’on n’a pas tous nos aises en Espagne. »9.

Le , un convoi de deux pièces de l'artillerie à cheval de la Garde commandé par Bosc est pris à partie par les Espagnols et doit se replier, non sans avoir laissé sur le terrain trois tués et deux blessés10.

Campagne d'Autriche

Au premier plan, trois cavaliers de profil au galop, avec au fond des conducteurs d'artillerie se déployant dans un nuage de poussière. Sur les hauteurs, la silhouette de Napoléon se dessine.
 
L'artillerie à cheval de la Garde à Wagram, par Job.

Les deux régiments d'artillerie de la Garde (artilleurs à cheval et artilleurs à pied) sont réunis sous les ordres du général Lauriston pour participer à la campagne d'Autriche de 1809, et notamment à la bataille de Wagram où l'artillerie joue un rôle décisif dans la victoire française11.

Alors que les troupes du maréchal Masséna ont essuyé de lourdes pertes dans la matinée du et ont été contraintes de se replier, les Autrichiens décident de renforcer leurs ailes, et de facto affaiblissent leur centre12. Napoléon décide alors de faire intervenir son artillerie au centre afin de préparer sa contre-offensive, et ordonne au général Lauriston d'y concentrer toutes ses batteries. L'artillerie de la Garde déploie quarante-huit pièces dont vingt-quatre à cheval, et est rejointe peu après par l'artillerie de ligne pour un total de cent pièces sur un front de 1 400 mètres12. Ces efforts conjugués permettent d'ouvrir une brèche dans le centre autrichien et les troupes de Macdonald s'y engouffrent, coupant l'armée autrichienne en deux et forçant l'archiduc Charles-Louis à se replier en Moravie, avec une armée diminuée d'environ 50 000 hommes. L’artillerie française aura tiré au cours de la bataille près de 96 000 coups de canon et utilisé environ 250 000 livres de poudre12.

Campagne de Russie

Un soldat à cheval à gauche trinquant avec un fantassin.
 
Artilleur à cheval et vétéran, dessin de Lacoste.

L'artillerie à cheval de la Garde participe également à la campagne de Russie avec le 3e corps de cavalerie du général Grouchy, et s'illustre notamment aux batailles de la Moskowa et de la Bérézina.

Le , le régiment assiste à l'attaque de Chevardino par le général Compans, à la tête de la 5e division du 1er corps de Davout, qui résonne comme un air de fête pour le major Griois : « Un ciel superbe et le soleil couchant qui se reflétait dans les fusils et les sabres ajoutaient à la beauté du spectacle. De ses positions, le reste de l'armée suivait des yeux ces troupes qui marchaient fières d'être appelées les premières à l'honneur de combattre, et les accompagnait de ses acclamations. »13.

Dans la nuit du 6 au , Griois avance ses pièces d'artillerie pour rejoindre le 4e corps d'Eugène de Beauharnais sur le flanc gauche, en vue de la bataille de la Moskowa14. Il a beaucoup de mal à franchir « les ravins escarpés et fangeux qu'il fallait traverser sans guide, tantôt dans l'obscurité la plus profonde, tantôt au milieu de feux de bivouac qui [les] éblouissaient et [leur] faisaient perdre toute direction. »15. L'artillerie a un rôle déterminant pendant la bataille de la Moskowa, où pas moins de 60 000 coups de canons sont tirés par les artilleurs français et alliés selon un bilan officiel dressé par le général Baston de Lariboisière, inspecteur général de l'artillerie de la Grande Armée. En se basant sur 50 000 coups de canons russes, on obtient un chiffre de 3 coups de canon par seconde pour les dix heures de bataille16.

Campagnes d'Allemagne et de France

Napoléon donnant ses ordres aux servants d'un canon.
 
Napoléon donnant ses directives aux artilleurs à cheval de la Garde à la bataille de Montmirail.

Les artilleurs à cheval de la Garde prennent encore une part active à la campagne d'Allemagne en 1813 et à celle de France en 1814.

Le , ils participent à la bataille de Montmirail. Le colonel-major Griois décrit l'engagement de son régiment en ces mots : « À quelque distance en avant du bourg, nous rencontrâmes l'avant-garde ennemie. Elle fut soutenue par de nombreuses troupes russes et prussiennes, et bientôt l'affaire devint générale, particulièrement vers la gauche où j'étais avec une partie de l'artillerie »17.

Ils prennent également part à la bataille de Montereau le Notes 1. Vers 7 heures du matin, l'artillerie à cheval se met en route pour Villeneuve-les-Bordes avec le reste de la Garde impériale, où Napoléon doit la rejoindre18. Aux alentours de 16 heures, après une charge de cavalerie des généraux Delort et Pajol, une pièce de gros calibre est installée et a le temps de tirer six coups sur l'ennemi dans la plaine de Saint-Maurice avant qu'il soit hors de portée18. Napoléon pointe lui-même l'une des pièces de deux batteries d'artillerie à cheval en direction de la route de Fossard : les boulets de canon ricochent sur le pavé et font de gros dégâts chez l'ennemi18.

Campagne de Belgique

Des fantassins vêtus de rouge, à gauche, attaquent à la baïonnette un cavalier français démonté, que tentent de protéger ses camarades.
 
L'artillerie à cheval de la Garde impériale aux prises avec l'infanterie britannique à Waterloo. Aquarelle de Denis Dighton, 1819. Un officier est visible en avant-plan. Par erreur, l'auteur donne les cavaliers coiffés d'un colback à visière.

Dissoute sous la Restauration, l'artillerie à cheval de la Garde est reconstituée en 1815 lors des Cent-Jours. Durant cette période, elle combat lors de la campagne de Belgique, à Ligny et Waterloo, sous le commandement des généraux Duchand de Sancey et Desvaux de Saint-Maurice, le second étant à la tête de l'intégralité de l'artillerie de la Garde.

Le , Napoléon observe que la position des Quatre-Bras tant disputée la veille n'est plus tenue que par Lord Uxbridge et l'arrière-garde du duc de Wellington, dont l'armée s'est repliée en direction de Bruxelles. L'Empereur s'y porte au galop avec l'artillerie à cheval de la Garde qu'il fait mettre en batterie pour canonner l'arrière-garde alliée19. Six pièces d'artillerie marchent en première ligne à la poursuite de l'ennemi en retraite, aux côtés de Napoléon, à la tête de cette colonne sur un petit et très léger cheval arabe20. L'Empereur est constamment auprès des pièces, exaltant les artilleurs à cheval de la Garde par sa présence et ses paroles, et plus d'une fois au milieu des boulets de canon et des obus, il leur crie avec un accent de haine : « Tirez ! Tirez ! Ce sont des Anglais ! »21.

Le lendemain, les artilleurs à cheval participent à la bataille de Waterloo. Vers 17h30, Napoléon détache deux batteries qui viennent se placer sur la gauche de la ferme de la Haie Sainte et infligent des pertes sévères à l'ennemi22. Néanmoins, sans appui de cavalerie ni d'infanterie, aucun résultat décisif n'est obtenu de deux heures d'échanges très meurtriers d'obus et de boulets de canon23. Aux alentours de 19h30, l'artillerie à cheval de la Garde participe avec quatre batteries à l'attaque de la Garde impériale sur le plateau du Mont-Saint-Jean. Avant la fin de la bataille, le général Desvaux de Saint-Maurice sera atteint par un boulet et périra sur le coup24,Notes 2.

Après cet ultime fait d'armes, l'unité est dissoute définitivement après l'abdication de Napoléon et le retour des Bourbons4.

 

Des artilleurs tirant au canon.
 
L'artillerie à cheval de la Garde canonnant les positions ennemies.

Uniformes et équipement

Note : les descriptions d'uniformes renvoient aux illustrations des galeries.

Troupe et sous-officiers

Grande tenue (Figure 1)

Un artilleur de l'armée napoléonienne à cheval, de profil.
 
Artilleur à cheval de la Garde en grande tenue, dessin d'Adolphe de Chesnel.

Les artilleurs à cheval de la Garde portent l'habit à la hussarde, avec le dolman et la pelisse, bordée de fourrure noire, « bleu impérial » à brandebourgs écarlates. Le collet du dolman est bleu, liseré de rouge, les parements « en pointe » sont rouges. La ceinture de laine est écarlate avec cordons jaunes. Les boutons sont tous de couleur jaune. La culotte est bleue à nœuds hongrois rouges. Les bottes « à la hongroise » de cavalerie légère sont noires avec ornements rouges25.

La coiffure consiste en un colback noir à cordons et jugulaires surmonté d'un plumet vermillon et d'une cocarde tricolore. Le tout est décoré de raquettes et d'une flamme rouges25.

Les buffleteries sont blanches et la giberne est de couleur noire. Les cavaliers portent également la sabretache bleue avec ornements rouges et aurores, avec en son centre un aigle impérial brodé (en 1811, il sera en cuivre).

Petite tenue et tenue de route

Le petit uniforme des artilleurs à cheval est semblable à celui des chasseurs à cheval de la Garde mais de couleur bleue. L'habit-veste (frac) est à basques longues à retroussis rouges et timbrées de l'aigle impérial. Le revers en pointe et le collet droit sont passepoilés de rouge. Il est porté par-dessus un gilet bleu. Une fourragère rouge est portée sur l'épaule gauche. Pantalons et bottes sont ceux de la grande tenue mais le charivari, renforcé de basanes en cuir noir sur sa face interne depuis l'entre-jambes et avec sous-pieds, est également porté. Un pantalon de nankin peut également être porté en été26. Le bicorne peut être porté avec cette tenue.

La tenue de route est une version sobre de la grande tenue, sans la pelisse - qui peut toutefois être « chaussée » (enfilée par-dessus le dolman) par mauvais temps - et sans le plumet du colback, ou de la petite tenue, portée avec le charivari. Les artilleurs sont dotés de l'ample « manteau à rotonde » de la cavalerie pour le mauvais temps (voir figure 3).

La tenue des sous-officiers ne diffère que très peu de celle de la troupe. On note toutefois des galons de grade dorés au-dessus du parement25. Une fourragère rouge et jaune est portée avec la petite tenue.

Armement

L'armement consiste en un sabre en acier recourbé à la façon de la cavalerie légère avec une garde en cuivre (voir figure 5) et un pistolet de cavalerie An XIII (voir figure 6), les artilleurs étant dépourvus de mousqueton.

Officiers (Figures 2, 3 et 4)

Un artilleur, à cheval, discutant avec son homologue à pied.
 
Canonnier à pied et officier d'artillerie à cheval, dessin de Lacoste.

Petite et grande tenue des officiers sont du même style que celles de la troupe mais d'une coupe plus seyante, les officiers de la Garde se faisant régulièrement confectionner leurs uniformes par des tailleurs privés, et d'une allure plus chatoyante. Tous les ornements (cordon et raquettes du colback, brandebourgs, nœuds hongrois et autres passementeries, fourragère de petite tenue) sont de couleur or, de même que les garnitures des bottes. La pelisse est bordée de fourrure blanche. Les sabretaches sont d'un modèle plus brillant que celles de la troupe, rouges à garnitures et galons dorés (voir figures 2 et 8). La banderole de giberne est rouge rehaussée de galons et de garnitures or27.

Les officiers sont généralement armés de sabres de cavalerie légère « de fantaisie », aux gardes ouvragées (voir figure 7) et aux fourreaux richement décorés.

Trompettes (Figure 4)

Comme il est d'usage dans les troupes montées des armées napoléoniennes, les trompettes portent une tenue distincte plus chamarrée que celle des hommes du rang. À l'instar de celles des officiers, grande et petite tenue des trompettes sont de même coupe que celles de la troupe mais de couleur bleu ciel, flamme et plumet de colback, couverture de selle et portemanteau de même. Le colback est blanc et, comme pour les officiers, toutes les garnitures et passementeries du grand uniforme sont dorées. La pelisse est rouge, bordée de fourrure blanche, la sabretache à fond bleu ciel et garnitures dorées28.

 

Uniformes
Armement et équipement

Chevaux et harnachement

La selle est composée d'une chabraque blanche et rouge, avec portemanteau bleu à galons rouges25 mais d'autres peintres ou illustrateurs militaires du XIXe siècle, comme Édouard Detaille ou Hippolyte Bellangé, représentent les chevaux recouverts d'une housse ou manteau de selle à la manière des lanciers, bleue, galonnée de rouge et ornée de l'aigle impérial, dans les pointes couvrant l'arrière-train (voir figure 1)Notes 3. Les officiers s'équipaient de chabraques « de fantaisie » en peau de panthère agrémentée d'un galon jaune bordé de rouge et festonnée de rouge, de bleu ou d'or (voir figures 2 et 4). Harnachement, étrivières et rênes sont de cuir noir pour la troupe, cloutés ou rehaussés de pièces de cuivre doré pour les officiers.

Chefs de corps

Portrait en buste d'un général de Napoléon.
 
Jean-Jacques Desvaux de Saint-Maurice (1775-1815), dernier commandant de l'artillerie de la Garde impériale, tué à la bataille de Waterloo. Huile sur toile du XIXe siècle.

Louis Doguereau est nommé major à la création du régiment en 1806. Le , Augustin Marie d'Aboville devient major de l'artillerie à cheval de la Garde29. Il se fait remarquer à la bataille de Wagram où son bras droit est emporté par un boulet. En récompense, il est promu général de brigade le , fait baron de l'Empire et on lui confie le commandement de l'école d'artillerie de La Fère29. Six jours plus tard, Jean-Jacques Desvaux de Saint-Maurice est nommé major du régiment24. Le , Charles Pierre Lubin Griois devient major du régiment, fonction qu'il occupe jusqu'à la dissolution de l'artillerie de la Garde le 30.

Pendant les Cent-Jours, Jean-Baptiste Duchand de Sancey est nommé colonel-général du régiment et Jean-Jacques Desvaux de Saint-Maurice à la tête de toute l'artillerie de la Garde. Lors de la bataille de Waterloo, le premier se précipite à portée de fusil avec 6 canons sur un carré écossais, si bien que Napoléon déclare : « Ne dirait-on pas que Duchand déserte ? »31. Le second est atteint par un boulet pendant la bataille et meurt sur le coup24.

 

 

Notes et références

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Notes

  1. Ce détail est repris par de nombreux uniformologues contemporains : voir liens externes.

Références

  1. Mullié 1852, t1, p. 455.

Annexes

Bibliographie

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

Articles connexes

Liens externes

Général

Uniformes

Artillerie navale

 
 
 
 
Artillerie navale en action : l'USS Iowa dans un exercice de tir près de Porto Rico.

L'artillerie navale désigne l'artillerie qui est utilisée sur les navires de combat.

L'artillerie désigne les armes collectives ou « lourdes » servant à envoyer, à grande distance, sur l'ennemi ou sur ses positions et ses équipements, divers projectiles de gros calibre : obus, boulet, roquette, missile, pour appuyer ses propres troupes engagées dans une bataille ou un siège.

Origines

L'idée d'utiliser le canon comme une arme navale apparut très tôt en Europe, sûrement dans la deuxième moitié du XIIIe siècle. On trouve par la suite des références à des canons à main, à vocation anti-personnels, vers 1350. Le combat naval au Moyen Âge, se livre comme un siège sur la terre ferme. Les deux navires s'amarrent l'un à l'autre, puis on combat pour s'emparer du navire ennemi. Les bâtiments de l'époque sont les nefs, ou caraques, pourvues de deux grands châteaux, l'un à la proue, l'autre à la poupe, d'où les archers surplombant les ponts criblent de flèches les assaillants sur les ponts. Comme sur terre, le canon va s'intégrer à ce type de combat, des pièces légères, sortes de grosses arquebuses, vont seconder les archers, permettant de mieux combattre les fantassins cuirassés. Au XVe siècle, ces canons portatifs sont dotés d'un croc qu'on fiche sur la muraille pour tirer, ce qui absorbe une bonne partie du recul redoutable de ces armes. Progressivement, apparaissent aussi des pièces fixes de plus gros calibre, réparties sur les différents ponts et étages des châteaux. Le Christopher anglais possède par exemple vers 1410, trois canons en fer, le Grâce Dieu de 1485 en a vingt et un, et le Mary of the Tower, cinquante-huit.

Les canons de cette époque sont en fer forgé, construits selon une méthode d'assemblage rappelant les tonneaux, des plaques de fer légèrement arrondies sont maintenues ensemble par des anneaux successifs extérieurs. Le chargement s'effectue par la culasse, la chambre étant amovible. Les affûts sont à deux roues, ou sans roues, le canon reposant dans un berceau de bois qui l'enserre. Les qualités balistiques sont très faibles, du fait du manque d'étanchéité des tubes et de la présence de jeux important entre le boulet et la paroi (vent du boulet). Les projectiles sont en fer, voire en pierre, pour les pierriers. De façon extrêmement rapide, les tubes ont tendance à éclater, se révélant ainsi très dangereux pour leurs servants. Les premiers canons construits en bronze par moulage commencent aussi à apparaître. Ils sont plus fiables, car moins soumis à l'éclatement, mais six à sept fois plus chers, du fait du coût du bronze, que leur équivalent en fer1. Les barces, généralement en fonte, étaient autrefois très utilisés sur mer2.

L'époque des galions

Une innovation du brestois Descharge, vers 1500, va permettre une révolution dans le placement de l'artillerie. Le sabord, ce volet de bois qui peut obturer la position de la pièce en dehors du combat, va permettre de placer les canons sur les ponts inférieurs des navires car, jusque-là, le risque d'embarquer de l'eau par grosse mer était trop important.
L'artillerie, étant plus basse sur l'eau, gêne moins la stabilité du navire, ce qui permet d'embarquer des canons plus lourds. Le nombre de canons, qui avait grandement augmenté vers la fin du XVe siècle, va diminuer, mais leur calibre va croître. Le Sovereign anglais, par exemple, qui, à son lancement en 1488, embarquait 141 pièces, va être reconstruit en 1509, avec 69 canons. Mais les calibres et les longueurs de tube augmentent.

Parallèlement, les navires changent aussi, notamment avec l'apparition du galion qui, plus stable et plus manœuvrable, supplante la caraque pour la guerre. Leur artillerie se dispose en outre sur deux ponts, bien que celui inférieur ne soit armé que sur la moitié arrière, car la courbure de la coque le rapproche trop de l'eau vers la proue. Avec l'expérience, les ponts seront construits de façon plus rectiligne, ce qui permettra le placement de canons sur toute la longueur de ce pont. À la fin du XVIe siècle, on voit donc apparaître des navires de guerre avec deux ponts-batteries complets. Les nouvelles tactiques, inaugurées par les Anglais contre l'Invincible Armada, privilégient le tir à distance par des canons de travers. Le but de l'artillerie est moins de tuer l'équipage de l'ennemi, à courte portée, que de désemparer leur navire pour lui faire perdre toute valeur militaire. De nouveaux canons, aux tubes plus longs, chargés par la bouche, commencent à apparaître pour armer les flancs des navires. Le Repulse de 1596 illustre cette tendance ; il porte seulement vingt couleuvrines de 18 livres, vingt demi-couleuvrines de 9 livres et huit fauconneaux de 5 livres 1/4, tous disposés sur un pont de batterie et le pont principal. Ces galions, dérivés améliorés de ceux des Espagnols, donnent naissance aux premiers vaisseaux de ligne.

L'époque des vaisseaux de ligne

 
 
Parc d'artillerie navale à Toulon en 1755.

XVIIe siècle

Comme pour l'artillerie terrestre, on va progressivement standardiser les types et les calibres des canons. Les Anglais, au milieu du siècle, n'ont plus que dix modèles de canons : 42, 32, 24, 18, 12, 9, 6, 4, 3 et 1/2 livres.

Les canons d'un même pont sont dotés d'un calibre unique, ce qui tend à simplifier l'approvisionnement des pièces. Les plus gros calibres, donc les plus lourds, sont placés sur le pont inférieur pour nuire le moins possible à la stabilité du navire, puis les ponts supérieurs embarquent des calibres de plus en plus petits. Les pièces disposées pour le tir en chasse et en retraite disparaissent, mais on conserve des sabords où une pièce peut être rapidement mise en batterie. Les navires français, en particulier, ayant à combattre des galères en Méditerranée, gardèrent longtemps cette caractéristique, leur permettant de se défendre, même si l'absence de vent empêchait de manœuvrer.

Le chargement par la culasse disparaît progressivement, malgré l'allongement des pièces. La méthode de construction par assemblage de pièces forgées aussi, les canons sont dorénavant - qu'ils soient en bronze ou en fer - coulés dans un moule, puis la chambre est forée (l'autre solution est de mettre un noyau dans le moule, mais cela fragilise le canon). Les affûts évoluent vers un modèle à quatre petites roues qui va devenir classique pendant plus de deux siècles, sur lequel le canon repose maintenant par l'intermédiaire de ses tourillons. Lors du tir, la pièce recule, ce qui permet de la recharger par la gueule facilement, puis les servants la replacent au sabord grâce à un système de palans pour procéder à un nouveau tir. Le recul est amorti par le poids de la pièce, par la pente transversale du pont et en ultime recours par un gros cordage, appelé « brague », relié de part et d'autre du canon à la muraille du navire.

En 1686, les Français, lors d'une expédition contre Alger, conçoivent un nouveau type de bateau spécifiquement destiné au bombardement des côtes et des fortifications, la galiote à bombe ou bombarde, armée d'un ou de plusieurs mortiers, installés sur une structure directement liée à la charpente de la coque, généralement en avant du grand mât. Ces navires, à l'ossature solidement construite pour supporter les chocs des tirs, sont gréés en ketch. La Royal Navy les imite très rapidement. Dès 1687, elle lance le HMS Salamander, copié sur le modèle français. Par la suite, elle fait évoluer le concept en montant les mortiers en ligne mais sur pivot, ce qui permet de les pointer en azimut et en gréant les navires en phares carrés. Les mortiers fixés en site à environ 45°, réglaient leur portée en dosant la masse de la charge propulsive. Les Britanniques employèrent trois calibres de mortiers 13, 10 et 6 pouces, les Français des 32, 27 et 15 cm. Un mortier de 13 pouces pouvait envoyer une bombe de 200 livres à une distance de 4 200 yards, le temps de vol était d'environ 30 secondes, la fusée préalablement coupée à la bonne longueur mettait le feu à une charge de plus de six livres de poudre, contenue dans le projectile.

XVIIIe siècle

L'armement des navires se standardise. Côté britannique autour des canons de 32, 24, 18, 12, 9 et 4 livres ; côté français les canons de 36, 24, 18, 12, 8, 6 et 4 livres.

Les innovations notables du XVIIIe siècle sont :

Artillerie d'un vaisseau de ligne

 
Canons du système anglais. Le calibre 42, essayé sur les plus puissantes unités du XVIIe siècle, est abandonné en usage naval et utilisé pour la défense des côtes, le 32 devenant le plus gros calibre, employé sur les batteries basses des vaisseaux de 1er, 2e et 3e rangs. Le canon de 9 livres sert de pièce de chasse. En France, les batteries basses des grands vaisseaux sont armées de pièces de 36 livres, et les calibres 8 et 12 servent pour les pièces de chasse.

Avec le nombre de pièces en augmentation, un navire de guerre représente désormais un lourd investissement pour les États voulant s'équiper de navires puissants.

Voici l'exemple du HMS Victory, le navire amiral de Nelson durant la bataille de Trafalgar (en 1805), qui fut armé en 1778. C'est un vaisseau de ligne qui transporte 104 canons sur trois ponts. Les canons les plus lourds sont placés plus bas pour stabiliser davantage le navire.

Son artillerie navale est composée pour la première batterie de 30 canons de 32 livres. Chacune de ces pièces pèse 3,5 tonnes (2,75 pour le canon lui-même et 0,75 pour son affût en bois). Ils tirent des boulets de 32 livres soit 14,5 kilogrammes. Propulsés par 5 kilogrammes de poudre, ils sortent du canon deux mètres au-dessus de l'eau à une vitesse de 487 mètres par seconde pour atteindre une distance de 1 600 mètres et pénétrer le chêne sur 60 centimètres à bout-portant3.

Deux canons à l'arrière sont prévus pour tirer sur les navires « qui ont pris chasse » c'est-à-dire poursuivant le navire (on les appelle aussi « pièces de retraite » dans ce cas ; les canons tirant sur l'avant étant appelés « pièces de chasse »).

La deuxième batterie est constituée de 30 canons de 24 livres. La troisième batterie, sur le pont principal, comporte 22 canons longs de 12 livres et 8 canons courts de 12 livres. Devant la dunette, sur le pont des gaillards, une batterie plus légère est formée par 12 canons courts de 12 livres et 2 caronades de 68 livres situé sur le pont supérieur à bâbord et à tribord tirant des boulets de 31 kilogrammes.

 
Canon de 36 livres en batterie.
 
Canon français de 30 livres long, non gréé.

Pour les navires français, les calibres étaient à la fin du XVIIIe siècle :

En France, en 1838, on uniformisa tous les calibres en un calibre unique : 30 livres avec des canons longs et courts et des caronades. Le canon de 30 long mesure 2,706 m de long pour un poids de 3 100 kg. Le canon de 30 court mesure 2,525 m de long pour un poids de 2 540 kg.

L'armement d'un vaisseau de 120 canons devint alors le suivant :

Le tir à boulets rouges

Ce système particulier consiste à chauffer dans un four (appelé four à boulets) des boulets en fonte de fer pour les porter au rouge. Le but recherché étant d'incendier le navire frappé par de tels boulets (les navires en question étaient construits en bois). Pour ce faire, le résultat recherché est l'encastrement dans la coque du navire adversaire du dit boulet afin que ce dernier propage efficacement un incendie. Le boulet est d'un calibre spécial, plus petit que le boulet normal pour tenir compte de la dilatation que le chauffage lui apportera.

Le plus grand inconvénient du tir à boulet rouge n'était pas le danger de l'incendie pour le vaisseau même qui usait de ce moyen de destruction : c'était surtout la perte d'un temps précieux, l'intervalle qui séparait deux coups de canon étant généralement avec ce nouveau projectile de six ou huit minutes. On en peut juger par le tableau récapitulatif ci-dessous, extrait d'un mémoire de l'ingénieur Forfait, qui dirigea toutes ces expériences4.

CalibresIntervalle entre deux coups de canonTemps nécessaire pour faire rougir les boulets
pour du 8 4 minutes 20 minutes
pour du 12 4 1/2 24
pour du 18 5 30
pour du 24 6 46
pour du 30 8 50

Si ce système de tir est concevable pour des canons installés sur les côtes, il est beaucoup plus risqué de l'utiliser sur un navire. Il faut déjà disposer d'un four et de pouvoir l'alimenter en combustible. Il faut aussi le temps de porter le four à une température suffisante pour chauffer les boulets. Le feu est tellement redouté sur les navires de l'époque que l'extinction des feux de la cuisine fait partie de la procédure normale de branle-bas de combat. Ensuite, le transport du boulet chauffé vers le canon, avec un bateau que la mer ou les évolutions font bouger augmente le risque d'un accident malheureux. Pour ces raisons, rares sont les exemples de navires tirant à boulets rouges.

XIXe siècle

 
Le canon français « à la Paixhans ». Il est utilisé pour la première fois en 1838 à San Juan de Ulúa.

La première innovation du XIXe siècle dans le domaine de l'armement naval est l'installation de fusées à la Congreve à bord de bricks et de cotres de la Royal Navy. Pendant la nuit du 8 au , une flottille commandée par le commodore Edward Owen lance plusieurs centaines de fusées de 32 livres contre le port de Boulogne, qui, bien qu'imprécises, déclenchent nombre d'incendies. L'opération est renouvelée contre Copenhague en 1807 (la ville est incendiée), contre la flotte française lors de la bataille de l'île d'Aix en 1809 et contre Danzig en 1813.

L'artillerie navale va profondément évoluer à compter de 1823. À cette époque, un Français, Henri-Joseph Paixhans invente le concept des « canons-obusiers ». Il s'agit de canons, destinés à remplacer les carronades, tirant des obus explosifs. Jusqu'alors, les seuls projectiles explosifs sont tirés par des mortiers, en tirs courbes. Les canons, à trajectoire tendue, tirent des projectiles pleins. L'idée de Paixhans est de faire tirer des projectiles explosifs en trajectoire tendue.

Son projet est présenté au ministre de la Marine et deux prototypes sont aussitôt commandés aux fonderies d'Indret. Deux séries d'essais ont lieu en janvier et septembre-octobre 1824, en utilisant comme cible le vieux vaisseau le Pacificateur. Ces essais montrent les effets dévastateurs des projectiles explosifs contre les navires à coque en bois.

À partir de 1827, on commence à commander des canons « à la Paixhans » et, à compter de 1835, ces canons sont embarqués à raison de quatre pour les vaisseaux et deux pour les frégates. Toutes les marines vont rapidement adopter ce type de canon qui vont avoir pour conséquence d'imposer la construction de navires cuirassés.

La première application au combat de cette nouvelle artillerie sera le fait des Français lors de la bataille de San Juan de Ulúa en 1838, contre le fort qui défend l'entrée de Vera-Cruz, sur la côte mexicaine et qui devra se rendre. La première utilisation lors d'une bataille navale interviendra quelques années plus tard et sera le fait des Russes à la bataille de Sinope, en 1853 contre une flotte turque qui sera anéantie.

Pour percer ces cuirasses, il va falloir obtenir une puissance plus importante. Pour cela on peut en théorie agir soit sur la vitesse à la bouche du projectile, soit sur sa masse. La première solution n'est pas possible tant que la poudre noire utilisée n'a pas été remplacée par autre chose. On va donc assister à une course au calibre.

La guerre de Sécession

À la veille de ce conflit, l'artillerie navale a encore évolué et atteint des calibres de plusieurs dizaines de livres. Les principales innovations sont dues à Dahlgren et à Robert Parker Parrott.

 
Dahlgren et un de ses canons

L'augmentation des calibres liées à l'augmentation des charges de poudre conduit à épaissir les tubes en leur donnant un aspect caractéristique de « bouteille de soda ». Une autre méthode prisée consiste à renforcer le tube avec des bandes en acier forgé.

 
Canon type Dahlgren

Le système de Parrott sera repris et adapté par les Sudistes (en particulier par John M. Brooke).

Il y a encore très peu de pièces se chargeant par la culasse, principalement pour des raisons de sécurité.

Après la guerre de Sécession

 

XXe siècle

 
Intérieur d'une tourelle pendant une séquence de tir de pièces de 300 mm sur un cuirassé français en 1910.
 
Fonctionnement d'une tourelle d'artillerie britannique BL 15 inch Mark I d'un calibre de 381 mm sur un navire de ligne. Elle fut en service de 1913 à 1959.

La situation de l'artillerie navale à la veille de la guerre — le cuirassé, capital ship et le retour de la ligne — la révolution du dreadnought.

La Première Guerre mondiale

Les armes

La conduite de tir

L'efficacité de l'artillerie embarquée ne réside pas simplement dans la taille des canons. Il s'agit de viser vite et bien. Pour cela se développe la « conduite de tir », que d'aucuns iront jusqu'à présenter comme une science. (Les exemples seront pris dans la bataille du Jutland).

La conduite de tir est confiée à un officier5. Pour lui assurer la meilleure visibilité, il sera installé en hauteur, parfois dans la mâture6. Une hune blindée doit lui permettre d'observer, à plusieurs dizaines de kilomètres de distance, en dépit de la fumée des canons, des rideaux de fumée, des gerbes des tirs, des cibles se déplaçant à des vitesses de 40 à 50 km/h. Et ces cibles ne sont en général visibles que par leur propre mâture. Au niveau des tourelles, l'adversaire est alors totalement hors de vue.

L'officier de conduite de tir utilise un ou des télémètres pour déterminer les distances. Les Britanniques utilisent des télémètres à coïncidence, les Allemands des télémètres stéréoscopiques. Il semble que ces derniers aient été plus précis. En plus de l'officier, il y a dans la hune de tir plusieurs marins accomplissant chacun une tâche précise. Par exemple, régler continuellement un télémètre, ou recevoir les ordres du commandant.

L'officier de tir est obligé à une telle concentration qu'il ignore même ce qui se passe autour de lui. Ainsi, un Britannique mettra plusieurs heures à se rendre compte que deux des six navires de sa division ont coulé.

Les indications de l'officier de tir sont transmises au poste de calcul, local abrité au fond du navire. Là seront calculés les deux éléments indispensables aux tourelles, l'élévation (pointage en hauteur des canons) et le gisement (pointage en direction des canons). Pour déterminer ces paramètres, sont pris en compte la distance du but, sa route, sa vitesse relative, mais aussi le vent, l'hygrométrie, la durée du trajet des projectiles, la latitude (pour le calcul de la force de Coriolis), voire la qualité des poudres. Rappelons qu'il n'existe pas d'ordinateurs et les calculs sont faits à la main.

Le résultat des calculs est transmis aux tourelles et renvoyé à l'officier de tir pour observation des résultats. Il n'y a pas de télécommande. Dans les tourelles, l'élévation et le gisement calculés par le poste central de calcul sont affichés et leurs indications sont répétées par les marins en manœuvrant les volants de réglage. Rappelons que, dans leur tourelle fermée, les marins ne savent pas sur quoi ils tirent.

Les erreurs de transmission sont inévitables avec une telle procédure. L'officier de tir du Derfflinger racontera ainsi que ses corrections de tir transmises au poste de calcul semblaient sans effet. Il multiplia par deux les données transmises et eut alors la satisfaction de voir les gerbes encadrer son but7.

Le tir est déclenché par l'officier de tir. Il est fréquent que les canons tirent successivement et non ensemble, d'une part pour ménager la structure du navire, d'autre part pour apprécier plus facilement le résultat du tir.

Il y a deux sortes de tir : le « tir de réglage » et le « tir d'efficacité ». Le premier permet de déterminer les bons paramètres de tir. Pour cela, l'officier de tir surveille l'arrivée des obus qu'il vient de lancer. Pour l'aider, des horloges sont réglées sur le temps de vol prévu. Elles sonnent alors, autant pour réveiller l'attention des marins que pour permettre de faire la distinction avec les gerbes des tirs des autres navires8.

En fonction des résultats observés, l'officier de tir va effectuer des « bonds » en gisement et en distance. Quand les gerbes encadreront la cible, il déclenchera le « tir d'efficacité », où tous les canons tireront le plus rapidement possible. Il peut aussi choisir le type d'obus. Les navires de ligne de l'époque emportent des « obus explosifs », qui éclatent au contact, et des « obus de rupture » qui doivent pénétrer le blindage avant d'exploser. L'efficacité de ces derniers décroît avec la portée. Ce sont trois obus de ce type, envoyés par SMS Von der Tann, qui couleront le HMS Indefatigable.

Le nombre de coups au but est faible : 3 %9.

La Seconde Guerre mondiale

 
Schéma d'une tourelle tritube de 16 pouces (406 mm), l'armement principal de la classe Iowa.

Les armes

La conduite de tir

La Guerre froide

La situation au XXIe siècle

 
Canon de 113 mm du HMS Cardiff (D108) après un appui-feu durant la guerre des Malouines avec les douilles des obus tiré sur le pont.

Exemples : France, États-Unis, Russie, Italie.

L'une des pièces d'artillerie navale parmi les plus répandues depuis les années 1970 est l'Otobreda 76 mm.

 

Lors de l'opération Harmattan en 2011, la Marine nationale française a eu recours au « tir contre terre » (appui-feu naval) pour la première fois depuis la crise de Suez en 1956. Sur l'ensemble de l'opération, environ 3 300 obus ont été tirés par les frégates françaises à partir de canons de 76 et 100 mm10.

Le futur

 
Le système d'arme AA Phalanx de 20 mm

L'artillerie navale devrait toujours disposer d'une place dans l'armement des futurs navires de combat. En premier lieu, certaines missions, comme l'autodéfense à très courte portée ou le traitement de petites cibles, seront toujours remplies de manière plus efficace par le canon. Le prix d'un missile, associé à la quantité transportée, rend aussi attractif le projectile d'artillerie.

Cependant, d'autres missions pourraient requérir une artillerie différente des canons actuels de moyen calibre. C'est le cas de l'appui-feu de troupes débarquées. Cet appui, pour être efficace, suppose une capacité de destruction importante. Il convient aussi d'assurer la protection des navires d'appui contre le feu adverse ; par exemple, en effectuant des tirs hors de portée des armes de l'ennemi.

Ceci ouvre plusieurs voies à la recherche. On donnera deux exemples.

Les canons sans poudre et à projectiles auto-propulsés

Les projectiles auto-guidés, comme le ERGM (Extended Range Guided Munition) existent déjà, comme pour les destroyers de classe Arleigh Burke. Équipés de GPS et d'une centrale inertielle, ces obus ont une précision de 10-20 mètres. Le calibre est du 127 mm.

L'étape suivante consiste à allonger la distance de tir, en passant à un calibre de 155 mm (au lieu du 127 mm) et une vitesse initiale de 4 000 m/s (au lieu de 900 m/s actuelle). Ces nouveaux canons, entièrement automatiques, avec un tube de 14 calibres (9,6 mètres), auraient une cadence de tir de 12 coups par minute et seraient refroidis par eau. C'est le type de canons qui serait prévu pour équiper les destroyers US de classe Zumwalt, dont l'entrée en service est prévue en 2016.

Ce type de canon comprend l'AGS (Advanced Gun System), développé pour l'US Navy et la Royal Navy. Il s'agit de tourelles automatiques monotube, d'un calibre de 155 mm, pouvant tirer des projectiles auto-propulsés comme le LRLAP (Long Range Land Attack Projectile). D'un poids de 102 kg, ces obus devraient atteindre une portée de 180 km11, utilisant un système de correction de trajectoire (CCF, Course Correcting Fuses). Le début de la production industrielle des LRLAP est donné pour 2011.

Les munitions intelligentes coûtent environ dix fois plus cher qu'un obus classique (on annonce 50 000 $ pour un ERGM et 35 000 $ pour un LRLAP). Mais leur prix reste bien en deçà de celui d'un missile.

Le programme ERGM a été abandonné par l'US Navy en 2008, le prix unitaire d'un obus ERGM étant passé de 45 000 à 191 000 dollars entre 1997 et 2006 d'une part et l'ERGM étant moins fiable et plus coûteux que le copperhead d'autre part.

Il existe un programme en cours de développement par L'US Navy avec Alliant Techsystems, le BTERM : Ballistic Trajectory Extended Range Munition.

Les canons électriques et électro-magnétiques

 
Test d'un canon électrique de l'US Navy en janvier 2008. la vitesse à la sortie de canon de ce projectile de 3,5 kg a atteint 2 520 mètres par seconde soit quasiment Mach 7.

Ces armes n'ont plus grand-chose à voir avec les canons classiques. Leur concept vient des recherches pour l'Initiative de défense stratégique lancé par le président des États-Unis Ronald Reagan dans les années 1980.

Une telle arme offre moyen d'obtenir une vitesse à la bouche supérieure à celle qu'atteint tout obus tiré par une pièce à charge propulsive classique, ce qui augmente l'énergie cinétique du projectile donc sa portée et son pouvoir de pénétration. De surcroît elle rend inutile de transporter des charges propulsives.

Le principe est simple : un courant électrique de très forte intensité passe le long de deux rails parallèles entre lesquels est placé le projectile. Le courant génère un puissant champ magnétique qui propulse le projectile.

Si le principe est simple, la réalisation est compliquée. Il faut d'abord être capable de fournir une intensité de l'ordre du million d'ampères. Les navires actuels sont bien entendu incapables de générer de tels courants. Il faut ensuite être en mesure de dissiper la chaleur produite sous peine d'endommager les rails et le tube. Ceux-ci étant de plus soumis à des forces énormes qui chercheront à les écarter.

Le projectile, d'une vingtaine de kilogrammes, aura, selon les attentes du programme de recherches de l'US Navy, une portée attendue de 320 à 400 km qu'il franchira en moins de 6 minutes avec une précision terminale de 5 mètres12. La parabole qu'il décrit le fait monter à une altitude de l'ordre de 150 km, c'est-à-dire qu'il sort de l'atmosphère terrestre. Dans sa descente, il pourra corriger sa trajectoire pour percuter sa cible et la détruire par sa seule énergie cinétique, sans recours à une charge explosive.

Notes et références

Voir aussi

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Bibliographie

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Article connexe

Lien externe

Artillerie de campagne durant la guerre de Sécession

 
 
 
 
Un canon Modèle 1857 « Napoléon » au cimetière militaire du champ de bataille de Stones River.

L'artillerie de campagne durant la guerre de Sécession couvre le domaine des pièces d'artillerie, de leurs équipements, de leur mise en œuvre et des tactiques utilisées durant la Guerre de Sécession. L'artillerie de campagne est entendue comme celle ayant pour objet de soutenir l'infanterie et la cavalerie sur le champ de bataille. Cet article ne couvre pas le domaine de l'artillerie de siège, l'artillerie statique placée dans des fortifications, ni l'artillerie côtière. Elle ne comprend pas non plus les armes de petit calibre, artillerie spécialisée, que l'on retrouvera dans les articles sur les armes de l'infanterie.

Les armes

Les principales pièces d'artillerie utilisées sur le terrain sont listées dans le tableau ci-après.

 
Démonstrations de l'utilisation de canons rayés type ordnance au Springfield Armory, en juin 2010
Pièces d'artillerie de campagne et caractéristiques1
NomTubeProjectile
(lb)
Charge
(lb)
Vitesse du projectile
(ft/s)
Portée
(yd at 5°)
MatériauxCalibre (in)Longueur du tube (in)Poids (lb)
6-livres bronze 3.67 60 884 6.1 1.25 1,439 1,523
M1857 12-livres "Napoleon" bronze 4.62 66 1,227 12.3 2.50 1,440 1,619
12-livres Obusier bronze 4.62 53 788 8.9 1.00 1,054 1,072
12-livres Mountain Obusier2 bronze 4.62 333 220 8.9 0.5 --- 1,005
24-livres Obusier bronze 5.82 64 1,318 18.4 2.00 1,060 1,322
10-livres Parrott rifle fer 2.9
or 3.0
74 890 9.5 1.00 1,230 1,850
3-inch Ordnance Rifle fer
forgé
3.0 69 820 9.5 1.00 1,215 1,830
14-livres James Riflenote 1,4. bronze 3.80 60 875 14.0 1.25 ---- 1,530
20-livres Parrott rayé fer 3.67 84 1,750 20.0 2.00 1,250 1,900
12-livres Whitworth rayé à chargement par la culasse fer 2.75 104 1,092 12.0 1.75 1,500 2,800
Les caractères en italiques se rapportent aux obus, non aux boulets.

Les pièces d'artillerie utilisées durant la guerre de Sécession peuvent être réparties entre deux catégories : les canons à âme lisse et les canons rayésnote 2. La première catégorie intègre aussi les obusiers.

Canons à âme lisse

Les canons à âme lisse sont ceux dont l'intérieur du tube ne porte pas de rayures. Historiquement, c'est le type de canon le plus ancien. À l'époque de la guerre de Sécession, la métallurgie et autres techniques apparentées avaient suffisamment évolué pour être en mesure de produire de grandes quantités de canons de campagne rayés. Cependant, les canons lisses étaient toujours en usage et en production ; et ce, jusqu'à la fin du conflit. Les canons lisses de l'artillerie de campagne comprenant les canons au sens strict et les obusiers. On peut aussi classer les pièces d'artillerie selon le type de métal utilisé ; on aura alors, d'un côté, les canons en bronze et, de l'autre, les canons en fer, ce dernier étant soit coulé, soit forgé. Il existe aussi des exemples de canons en acier. Enfin, les pièces d'artillerie sont généralement identifiées par leur type (modèle et année de prise en compte par le « Ordnance department »)5.

Les canons à âme lisse sont aussi différenciés par leur calibre, celui-ci étant donné par le poids, en livres, du projectile (boulet plein, en fer) qu'ils tirent. Pour donner un exemple, un canon de campagne de 12 livres tire un boulet de 12 livres dont le diamètre (4,62 pouces (117,348 mm) correspond à celui de l'âme du canon. Selon une tradition remontant au XVIIIe, il était courant de mélanger, au sein d'une même batterie, des canons avec des obusiers. L'organisation prévalant au début du conflit voyait des obusiers de 12 livres entrer dans les batteries alignant des canons de 6 livres ; des obusiers de 24 livres pour celles alignant des 9 ou des 12 livres. L'augmentation rapide du nombre de canons au sein des armées combattantes, l'arrivée en masse des canons rayés ainsi que la polyvalence du canon de 12 livres « Napoleon » ont largement contribué à un renouvellement des modes de mélanges de pièces au sein des batteries.

Canons

 
Canon modèle 1841 tirant des boulets de 6 livres. C'était le modèle de base lors de la Guerre contre le Mexique ; obsolète à l'époque de la Guerre de Sécession.

Les canons à âme lisse sont prévus pour tirer des projectiles pleins (boulets) avec une grande vitesse initiale, à tir tendu, en visant des cibles à découvert. D'autres types de projectiles, comme les obus ou les boîtes à mitraille peuvent aussi être tirées par ce type de pièces d'artillerie. Ils ont un tube plus long que celui des obusiers, et utilisent des charges de poudre plus importantes pour obtenir le résultat désiré. Les pièces d'artillerie de campagne existent en différentes tailles, nommées par le poids du boulet, en livres, qu'elles utilisent : 6-livres (diamètre interne du tube de 3.67 inch), 9-livres (4.2 inch), et 12-livres (4.62 inch). En dehors de la remise en service de pièces d'artillerie en fer anciennes, et du fait que les confédérés réalisèrent un certain nombre de canons neufs en fer, la plupart des canons présents sur les champs de bataille étaient en bronze6.

Au début du conflit, les canons de 6 livres utilisés étaient des modèles 1835, 1838, 1839, et 1841. Quelques canons en fer, modèle 1819, furent même remis en service. En 1861, chaque camp alignait plusieurs centaines de ces canons de 6 livres. Mais ses projectiles, considérés comme trop légers, amenèrent à se tourner vers d'autres modèles. En 1863, les 6 livres avaient quasiment disparu des armées nordistes. En revanche, les sudistes continuèrent à les utiliser jusqu'à la fin du conflit7.

Les canons de calibre supérieur, 9 et 12 livres, ont été moins bien représentés. Le canon de 9 livres figurait encore sur les manuels de l'Artillerie et de l'Ordnance en 1861, mais très peu avaient été mis en service après la guerre de 1812. Ils avaient quasiment tous été réformés avant la Guerre contre le Mexique et rares sont les traces les concernant pendant la Guerre de Sécession. Les pièces de campagne de 12 livres sont représentés par une série de modèles similaires aux 6 livres, mais en nombre plus restreint. Au moins une batterie nordiste, le 13e Indiana, mit en service des pièces de 12 dans les premiers temps de la guerre. Le principal reproche fait à ces pièces était leur poids, entravant leur mobilité, imposant des attelages de 8 chevaux là où 6 suffisaient pour des pièces plus légères. Un petit nombre de 12 livres furent rayés au début du conflit, mais plus à titre expérimental, les sources n'indiquent pas que ces pièces soient apparues sur le champ de bataille8.

Le canon à âme lisse le plus populaire était, et de loin, le 12 livres, modèle 1857 dit « Napoléon ». Ce canon était moins lourd que les précédents types de canons de 12 livres. Il pouvait être déplacé avec l'attelage habituel de 6 chevaux, tout en offrant les avantages d'un calibre plus gros que les autres canons. Il est aussi parfois qualifié de canon-obusier, en ce qu'il possédait les caractéristiques des deux types (ce qui est détaillé plus bas dans ce article).

Obusiers

 
Obusier de 24-livres d'origine autrichienne importé par la Confédération. Son tube est plus court et plus léger que les obusiers de 24-livres fédéraux.

Les obusiers étaient des canons dont le tube était court et destinés au tir oblique d'obus, mais aussi d'obus et de mitraille à une portée inférieure des canons classiques.Si l'artillerie de campagne est plutôt prévue pour tirer sur des cibles à découvert, les obusiers sont plus prévus pour pratique le tir indirect, c'est-à-dire sur des cibles abritées, par le terrain ou des fortifications. Les obusiers avaient cet avantage d'utiliser des charges poudre inférieures à celles utilisées par les canons de même calibre. Les obusiers de campagne, mis en œuvre durant la guerre de Sécession, étaient de 12 livres (4.62 inch bore), 24-livres (5.82 inch bore), et 32-livres (6.41 inch bore). Les obusiers étaient généralement en brouze, sauf pour certaines productions sudistes9.

Associés aux canons de 6 livres dans la période précédant la guerre, les obusiers de 12 livres étaient représentés par des modèles 1841, 1835 et 1838. Grâce à un poids relativement léger et un projectile assez lourd, cet obusier faisait partie des inventaires pour être remplacé par les 12 livres Napoléon. Il subsistera dans les armées confédérées jusqu'à la fin du conflit.

Comme les canons de gros calibre, les obusiers lourds étaient disponibles en quantité limitée au début de la guerre. Les archives sudistes comme nordistes donnent des exemples d'obusiers de 24-livres livrés durant le conflit, et l'on conserve des exemplaires d'obusiers de ce type, autrichiens, importés par les confédérés. Ces obusiers ont trouvé place dans les réserves d'artillerie des différentes armées. Ils céderont place, au fil du temps, aux canons rayés de gros calibre. Le seul obusier de 24-livres répertorié dans l'armée de Virginie du nord faisait partie de la batterie Woolfolk (ultérieurement devenu bataillon alignant 2 batteries de 4 pièces). Si l'on excepte les combats les plus à l'ouest du territoire (c'est-à-dire la batterie Halls à la bataille de Valverde, au Nouveau-Mexique), l'armée fédérale n'a pas utilisé d'obusiers de 24-livres sur le terrain10. Ces obusiers de 24 et 32 livres ont plutôt été utilisés dans des places fortifiées ; une exception est celle de la compagnie « L » du 1er régiment d'artillerie du Connecticut, en 1864 ; elle alignait 2 obusiers de 32 et un de 24 et repousse le 2 juin l'assaut du 22e régiment de Caroline du sud en utilisant des boites à mitraille11.

Moins connu, l'obusier de montagne de 12-livres fut utilisé dans les opérations de l'ouest et, plus tard, dans les guerres indiennes. Cette pièce polyvalente pouvait utiliser soit un affût, pouvant être déplacé par un seul cheval, voire être démontée pour être transportée par des animaux de bât, soit placée sur un affût plus large, déplaçable par deux chevaux12,13. Vestige de la Guerre américano-mexicaine14, plusieurs centaines de ces pièces furent mises en service par les fonderies nordistes durant la guerre, tandis que la fonderie sudiste de Tredegar en produisait 21 de plus15. A la bataille de Glorieta, une batterie nordiste de 4 de ces obusiers se révéla particulièrement efficace16. Pour sa part, Nathan Bedford Forrest eu recours fréquemment à ces obusiers de montagne dans les combats à courte distance qu'il cherchait à provoquer17.

12-livres Napoleon

Le canon lisse de 12 livres, dit "Napoleon", a été le plus populaire des canons utilisés durant la Guerre de Sécession. Il tient son nom de Napoléon III et recevait des louanges pour sa sécurité qu'il offrait aux artilleurs, sa fiabilité et son efficacité, en particulier à courte distance. Dans les manuels d'artillerie de l'époque, il est dénommé canon léger de 12 livres, pour le différencier des autres 12 livres, plus lourds, au tube plus long et rarement déployés sur le champ de bataille18. Arrivé aux USA en 1857note 3, il est le dernier représentant des canons coulés en bronze mis en œuvre par l'armée américaine. Les types utilisés par les nordistes sont reconnaissables à la forme de leur bouche évasée (voir illustrations ci-après). Ceci étant, il était comparativement plus lourd que les autres canons de campagne et plus difficile à déplacer en terrain varié.

Les « Napoléons » fabriqués par les sudistes sont de six types différents et reconnaissables, généralement, à leur bouche droite, non évaséenote 4. Les fonderies de Tredegar, à Richmond), auraient produit 125 « Napoléons » dont 4 subsisteraient actuellement19. Au début de 1863, Robert Lee renvoie aux fonderies de Tredegar la quasi-totalité des canons de 6 livres de l'Armée de Virginie du Nord pour être refondus et transformés en « Napoléons »20. Le cuivre, requis pour obtenir le bronze, devenait difficile à obtenir pour les sudistes, surtout après que les mines de Ducktown (dans la région de Chattanooga) soient tombées aux mains des nordistes, en novembre 1863. La fonte de « Napoléons » de bronze cesse pour les sudistes et, en janvier 1864, Tredegar commence à produire des « Napoléon » de fonte21.

Un artilleur confédéré a écrit : « Nos canons étaient des 12 livres Napoléon en bronze, à âme lisse, mais reconnus comme les meilleurs canons pour tout ce que l'on pouvait avoir à faire sur le terrain. Ils tiraient des boulets, des obus, des boites à balles (grapeshots) ou de la mitraille, et étaient précis jusqu'à 1 milles (1,61 km). On ne les aurait pas échangés contre des Parrott ou un autre type de canon. Ils étaient beaux, parfaits dans leur forme, gracieusement effilée de la bouche à la culasse, sans anses ou ornement de quelque sorte que ce soit. Nous étions fiers d'eux au point de presque les considérer humainsnote 5,22... ».

Canons rayés

Le canon de 3 pouces d'ordonnance

Le canon rayé de 3 pouces (76,2 mm) est la pièce d'artillerie la plus largement utilisée pendant le conflit. Imaginé par John Griffen, il était extrêmement robuste, avec un tube fait en fer forgé produit à l'origine par la Phoenix Iron Works (sise à Phoenixville, Pennsylvanie). Rares sont les incidents rapportés concernant le bris ou l'explosion de ce type de tube, à l'inverse des tubes de canons en fonte, largement concernés, eux, par ces problèmes. Les canons rayés offraient une remarquable précision. Lors de la bataille d'Atlanta, un artilleur sudiste écrit : « Le canon rayé de 3 pouces des Yankees était très précis pour toute distance inférieure à un mille. Ils étaient capables de toucher le haut d'un tonnelet de farine plus souvent que le rater, du moins tant que le pointeur gardait son sang-froid. ». La batterie d'artillerie légère du 1er Minnesota reçoit des canons rayés de 3 pouces d'ordonnance le  ; ils sont décrits par le 1er lieutenant Henry S. Hurter, dans un courrier qu'il adresse le 11 novembre 1864 à l’Adjudant Général du Minnesota, comme des « 3-pouces « Rodman »note 6 ».

Les confédérés n'étaient en mesure de produire des tubes de canon en fer forgé comme ceux des 3 pouces. Aussi la capture de ce type de pièces nordistes était particulièrement appréciée. Sans atteindre l'efficience de ces canons, différents types de canons de 3 pouces rayés furent fabriqués par les sudistes en bronze ou en fonte. Néanmoins, aucune de ces copies n'offrait la fiabilité de l'original, les copies en fonte ayant tendance à se fendre au niveau de la culasse.

Les canons rayés type Parrott

Le canon rayé Parrott, inventé par Robert Parker Parrott, est le nom d'une série de canons, du 10-livres au rare 300-livres. Les modèles de 10 et 20 livres furent mis en œuvre dans les deux camps. Le plus petit étant le plus fréquent ; il existait en deux calibres, 2,9 pouces (73,66 mm) et 3,0 pouces (76,2 mm). Les confédérés utilisèrent les deux calibres tout au long du conflit, compliquant l'approvisionnement des batteries avec le bon type de munitions. Jusqu'en 1864, les batteries nordistes n'utilisèrent que le 2,9 pouces (73,66 mm) Parrott, mais ils utilisaient aussi les 3 pouces d'ordonnance. Au premier jour de la bataille de Gettysburg, 3 canons Parrott durent rester silencieux après avoir reçu par erreur des munitions pour 3 pouces. Après cet incident, des plans furent établis pour rectifier tous les 2.9" Parrotts pour les passer au standard 3" ; cette standardisation simplifia l'approvisionnement en munitions et aucun 2.9" Parrotts ne fut plus produit23. Le modèle M1863, au calibre de 3 pouces (76,2 mm), avait des caractéristiques similaires aux modèles antérieurs ; Il est reconnaissable à son tube droit, sans renflement au niveau de la bouche.

Les canons rayés Parrott participèrent à toutes les grandes batailles de la guerre ; l'armée fédérale, à la Première Bataille de Bull Run, en alignait un certain nombre de 10-livres et un unique 30-livres. La production des 20-livres Parrott commence au milieu de l'été 1861 et les premières livraisons n'intervinrent qu'à la fin de l'année.

Les Parrotts étaient fabriqués en mélangeant deux techniques, fer coulé et fer forgé. Le fer coulé donnait la précision au canon, mais était susceptible de se briser. Une large bande de fer était forgée, enroulée autour de la culasse et lui donnant sa silhouette caractéristique. Les Parrott, bien que précis, n'étaient pas regardés comme étant sûrs et évités par de nombreux artilleurs. Le 20-livres était la plus grosse pièce d'artillerie de campagne utilisée pendant la guerre, avec un poids du tube seul de plus de 1 800 livres (816,47 kg). Après la Bataille de Fredericksburg, Henry J. Hunt, chef de l'artillerie de l'armée du Potomac essaya de faire retirer des inventaires de l'armée les pièces de 20-livres Parrott, faisant valoir que son poids excessif obligeait à utiliser des attelages de huit chevaux au lieu des 6 utilisés pour tous les autres types de canon et que la fiabilité de ses obus à longue portée était douteuse.

Les canons rayés type James

Avant même le déclenchement du conflit, le Bureau de l'Artillerie (« ordnance board ») avait recommandé de garnir de rayures les tubes des pièces de campagne de 6 livres, dans le but d'améliorer leur précision. En décembre 1860, le Secrétaire à la Guerre, John B. Floyd, écrivait : « Les résultats des tests effectués avec des canons rayés et leurs projectiles mettent en évidence la supériorité des munitions à expansion type James. Le canon réglementaire de 6 livres, avec un tube rayé (d'un poids de 884 livres) peut tirer un projectile James de 13 livres »24. Les canons de type James furent une solution ponctuelle pour répondre au besoin de canons rayés au début du conflit. Les pièces de 6 livres en bronze pouvaient être adaptées pour que leur tube rayé puisse accepterles projectiles inventés par Charles Tillinghast James. Certains d'entre eux reçurent des rayures à partir de leur calibre initial de 3.67" ; d'autres furent alésés à 3.80" avant de graver les rayures. Cet alésage avait pour but d'éliminer les déformations présentes dues aux tirs déjà effectués25. Les documents de l'époque oublient souvent de faire la différence entre les deux calibres. Cependant les descriptions des pièces avec un calibre de 3.67" sont 6-livres rayé ou 12-livres James rayé ; pour celle de 3.80", le nom est 14-livres James rifle26. Pour ajouter à la confusion, les pièces avec calibre de 3.80" se trouvent sous deux profils (« 6-livres » et « Ordnance »), deux types de fabrication (bronze et fer), trois types de rayures (15, 10, et 7 rayures), et des poids différents24.

En dépit de leur précision reconnue, les canons rayés de type James, en bronze, souffraient de l'usure rapide de leurs rayures. Aussi connurent-ils une perte de faveur. Il n'y a pas trace de canons James produits après 186227. Le nombre de pièces de type James produits n'est pas précisément connu. Pour sa part, le rapport annuel du « Quartermaster General » de l'Ohio, pour 1862, compte 82 pièces de bronze rayées type James(dont 44 notés comme des canons rayés James de 3.80) sur un total de 162 pièces d'artillerie, tous modèles confondus. Les canons hors-normes ou tombés en défaveur furent migrèrent vers le théâtre occidental d'opérations28.

Les canons rayés type Whitworth

Les Whitworth, dont les plans ont été établis par Joseph Whitworth et fabriqués au Royaume-Uninote 7, sont des canons peu fréquents durant la guerrenote 8. Il annonce l'artillerie moderne en ce qu'il autorise le chargement par la culasse et par sa précision, même à grande distance. En 1864, une revue technique écrit : « A 1600 yards [1500 m], le canon Whitworth a tiré 10 projectiles avec un écart latéral de seulement 5 pouces (12,7 cm). » Cette précision rendait ce canon précieux pour les tirs de contre-batterie, à l'image des armes des tireurs d'élite, comme pour les tirs au dessus de pièces d'eau. Son rôle comme arme anti-personnel était plus discuté. Son calibre était de 2,75 pouces (69,85 mm). L'âme du tube ne présentait pas les rayures habituelles, mais avait une forme hexagonale hélicoïdale ; le projectile était ogivo-cylindrique, et présentait sur sa longueur des aplatissements pour l'adapter à la forme de l'intérieur du tube. On rapporte que les projectiles Whitworth en vol produisaient un sifflement particulier les faisant reconnaître à coup sûr29.

Les types de canons à Antietam

Le tableau ci-dessous liste les pièces d'artillerie présentes sur le champ de bataille d'Antietam en Septembre 186230. Si les deux adversaires ont employé des canons de 6-livres et des obusiers de 12-livres au début du conflit, ces pièces ont été reconnues comme inférieures au 12-livres Napoleon et sont retirées des armées de l'union sur le théâtre oriental. Cependant, nordistes comme sudistes continuèrent à les utiliser sur le théâtre d'opérations occidental. Certains canons de 6-livres furent reconvertis en canons de type James, de 12 ou 14 livres31. Le poids de l'obusier de 32 livres empêchait de l'employer sur le champ de bataille et l'unique batterie le mettant en œuvre fut rapidement rééquipée en canons rayés de 3 pouces d'ordonnance32. Le canon de 12 livres de type Blakely est aussi rapidement tombé en disgrâce à cause du recul violent qu'il montrait à chaque tir33.

Pièces d'artillerie déployées à la Bataille d'Antietam30
piècenordistessudistes
Modèle 1841 6-livres canon de campagne 0 41
Modèle 1841 12-livres obusier 3 44
Modèle 1841 24-livres obusier 0 4
Modèle 1841 32-livres obusier 6 0
Modèle 1857 12-livres Napoleon canon-obusier 117 14
12-livres James rayé 10 0
12-livres Dahlgren obusier de marine 5 0
12-livres Naval obusier 0 2
3-inch Ordonnance rayé 81 42
10-livres Parrott rayé 57 43
20-livres Parrott rayé 22 0
canon Whitworth rayé 0 2
12-livres canon Blakely rayé 0 7
non identifié 0 42

Les munitions

Les munitions d'artillerie sont aussi diverses que variées, en ce qu'elles sont chacune destinée à traiter un type de cible particulier. Une batterie typique, équipée chez les nordistes de 6 canons de 12 livres Napoléon, avait à sa disposition immédiate sur le terrain 288 boulets, 96 obus, 288 obus à balles et 96 boîtes à mitraille34.

Les projectiles pleins

Un projectile plein, comme un boulet, est un projectile qui ne comprend pas de charge explosive. Le boulet est le projectile plein du canon à âme lisse. Pour un canon rayé, le projectile plein est de forme « ogivo-cylindrique ». Il est nommé : « bolt ». Ces deux variétés de projectiles comptent sur leur énergie cinétique pour détruire leur cible. Ils sont particulièrement utiles pour démonter les canons ennemis, détruire les avant-trains et les caissons ainsi que les chariots de transport. Ils étaient aussi efficaces contre les colonnes d'infanterie, la cavalerie en ordre serré, et avec un effet psychologique avéré. En dépit de ses avantages, de nombreux artilleurs préféraient avoir recours aux projectiles explosifs. La précision de ces projectiles était le critère prépondérant. Ils avaient aussi l'inconvénient d'user plus rapidement les tubes des canons que les projectiles explosifs.

En moyenne, les tirs des canons rayés étaient plus précis que ceux des canons lisses. Un boulet rond, de son côté, présentait l'avantage de pouvoir effectuer des tirs par ricochet, allongeant la zone dans laquelle il pouvait faire des dégâts, sur terre ou à la surface de l'eau, alors que les projectiles « ogivo-cylindriques » avaient tendance à s'enfouir dans le sol35.

Les obus

Un obus est un projectile contenant une charge explosive, destiné à éclater en petits morceaux au milieu de troupes ennemies. Pour les canons lisses, le projectile était appelé « obus sphérique » (« spherical shell »). Les obus avaient une efficacité plus importante que les projectiles pleins contre les troupes abritées ou derrière des retranchements ; ils étaient aussi efficaces contre les constructions en bois, qu'ils pouvaient incendier. En revanche, ils n'étaient que de peu d'effet contre les constructions maçonnées de bonne qualité36. L'une des principales limitations de l'obus résidait dans le petit nombre de fragments qu'il envoyait en explosant, ce nombre étant fonction de sa taille. Une amélioration apparut vers le milieu du conflit, dans le camp sudiste, peut-être sous l'influence de munitions britanniques importées. Elle consistait à créer à l'intérieur des lignes de faiblesse qui augmentaient le nombre de fragments, une douzaine généralement, et de taille similaire, à l'explosion de l'obus. Ce modèle segmenté était assez commun pour les obus sphériques, mais on le retrouve aussi sur certains des obus pour canons rayés37,38.

L'explosion des obus était commandée par une fusée. Pour les obus sphériques, il s'agissait de fusées à retardement. Pour les obus des canons rayés, les fusées étaient des fusées à retardement ou des fusées à percussion. La fiabilité des fusées était un problème ; un obus s'enfonçant dans le sol avant d'exploser n'avait que très peu d'effet sur sa cible. Les obus de gros calibres, comme celui de 32-livres, pouvaient tout de même avoir une efficacité contre les retranchements39.

Les obus à balles (shrapnels)

Les obus à balles (dénommés « spherical case » par les anglo-saxons pour désigner ceux de ces projectiles destinés aux canons à âme lisse, et connus aussi sous le nom de l'inventeur d'un projectile similaire, Henry Shrapnel) étaient des armes anti-personnels. Porteurs d'une charge de poudre inférieure à celle des obus, mais plus effectifs contre des cibles humaines à découvert. Alors que l'obus ne produit qu'un nombre limité de fragments, l'obus à balles est rempli de balles de fer ou de plomb ; il est prévu pour éclater au dessus et en avant de la ligne ennemie, l'arrosant d'une quantité plus importante d'éléments vulnérants, ce qui le rapproche de la boite à mitraille. Avec l'obus à balles, l'efficacité est liée à la vélocité des fragments issus de l'éclatement du projectile40. L'obus à balles, de forme sphérique, du canon de 12-livres Napoléon contenait 78 balles.

La principale limite dans l'usage de ce projectile résidait dans la fusée requise pour son activation. Il fallait correctement estimer la distance pour calibrer la fusée, mais aussi disposer de fusées suffisamment fiables pour que la détonation se produise bien au moment désiré.

Les boîtes à mitraille

La boîte à mitraille était le plus meurtrier des projectiles d'artillerie, constitué d'un conteneur en métal de faible épaisseur, garni de balles de fusil maintenues dans de la sciure de bois. À la sortie du tube du canon, l'enveloppe se désintégrait, et les balles se dispersaient comme une énorme charge de chevrotines. La portée utile d'une boite à mitraille n'était que de 400 yards (365,76 m), mais pouvait tuer ou blesser des douzaines de fantassins d'une colonne d'attaque. IL était aussi possible aux artilleurs tirer ensemble deux boites à mitraille, à très courte portée, avec la même charge de poudre pour avoir un effet encore plus dévastateur sur l'attaquant.

Les « grapeshots »

Le « Grapeshot », littéralement « projectile en grappe de raisin » est, à l'origine, un projectile de l'artillerie navale destiné à hacher les cordages des navires à voiles ou éliminer les marins se tenant sur le pont du navire visé. C'est un ancêtre, et une variante, de la boite à mitraille. Ce type de projectile n'a pas vraiment de correspondance avec les projectiles utilisés dans l'armée ou la marine française. Il consistait en un nombre plus réduit de projectiles, plus gros que des balles de fusil, réunis ensemble. Il était utilisé surtout quand les canons ne supportaient qu'une quantité limitée de poudre sous peine d'éclater. Quand la résistance des canons fut améliorée, la boîte à mitraille devint le projectile de référence.

Un « grapeshot » utilisé par un canon de 12-livres Napoléon contenait 9 balles, par rapport aux 27 contenues dans une boite à mitraille. A l'époque de la Guerre de Sécession, les « grapeshot » étaient obsolètes et remplacées par les boites à mitraille (canister). Les règlements de l'époque interdisent ce genre de munition pour les usages sur le champ de bataille et en montagne41. Seuls les confédérés utilisèrent parfois de telles munitions.

Les équipements

La pièce d'équipement la plus généralement nécessaire à l'artillerie était le cheval.

Une arme hippomobile

Les chevaux étaient indispensables pour déplacer la masse importante du canon et de ses munitions ; en moyenne, un cheval devait tirer une charge de 700 pounds (317.5 kg)42. Chaque canon d'une batterie utilisait deux attelages de 6 chevaux (attelage standard pour l'artillerie de campagne les pièces plus lourdes requéraient des attelages comportant plus de chevaux). L'un des deux attelages était chargé de tirer le canon et son avant-train ; l'autre tirait le caisson attaché lui aussi à un avant-train43. Le grand nombre de chevaux a gérer était un défi pour l'artillerie parce qu'il fallait les nourrir, les entretenir et les remplacer quand ils étaient blessés ou hors d'état de servir. Les chevaux de l'artillerie étaient ceux qui avaient été jugés impropres au service dans la cavalerie44. La durée de service d'un cheval d'artillerie était inférieure à 8 mois44, à cause des maladies, de l'épuisement causé par les marches (typiquement 16 milles (25,75 km) en 10 heures) et, enfin, des blessures sur le champ de bataille.

Les chevaux étaient plus sujets à paniquer que les hommes quand soumis à des tirs de contre-batterie ; leur liberté de mouvements étant limitée par le harnachement qui les maintenaient dans l'attelage. Robert Stiles écrit au sujet d'une batterie sudiste, soumise à un tir de contre-batterie nordiste, à Benner's Hill pendant la Bataille de Gettysburg :

« Quelle scène que celle présentant les canons démontés et hors service, les affûts déchiquetés et écrasés, les coffres à munitions explosés, les avant-trains renversés, les chevaux blessés secouant la tête et jetant des coups de sabot, répandant la cervelle des hommes prisonniers du harnachement ; tandis que les canonniers, le pistolet à la main, circulaient entre les débris, abattant les chevaux agités pour sauver les hommes blessés. »

L'appellation d'Artillerie à cheval désigne des batteries capables de déplacements rapides, telles celles rattachées aux unités de cavalerie. Artillerie volante est un terme synonyme parfois rencontrés. Dans ces types de batteries, tous les artilleurs sont à cheval, par opposition aux batteries classiques qui voient les artilleurs se déplacer à pied (quoique les artilleurs de l'armée régulière pouvaient monter les chevaux des attelages, quand un mouvement rapide était requis, et montaient habituellement sur les avant-trains, les caissons et les chariots pendant les marches, en dépit des règlements)45. Dans l'armée nordiste, l'unité la plus représentative était la U.S. Horse Artillery Brigade.

 
avant-train (droite) et Caisson

Les avant-trains

Les avant-trains sont des attelages à deux roues, portant un coffre à munitions. A l'aide de six chevaux, ils peuvent tirer une pièce d'artillerie ou un caisson. Dans les deux cas, cela donnait l'équivalent d'un véhicule à quatre roues, répartissant la charge sur deux essieux plus facile à déplacer en terrain varié. Un canon de type Napoléon et son avant-train avaient un poids de 3 865 livres (1 753,13 kg)46.

Les caissons

Le caisson est aussi un véhicule à deux roues. Il transporte deux coffres à munitions. Construits en chêne, les caissons, à pleine charge, pesaient 3 811 livres (1 728,64 kg)46.

Les avant-trains, caissons et affûts des pièces d'artillerie étaient réalisés en chêne. Chaque coffre à munitions renfermait 500 livres (226,8 kg) de munitions ou approvisionnements. En plus de ces attelages, la batterie disposait de chariots de ravitaillement et d'une forge de campagne.

Histoire et organisation

Artillerie nordiste

 
Le B.G. Henry J. Hunt

L'armée nordiste entre dans le conflit avec un grand avantage en termes d'artillerie. Ses capacités de production étaient soutenues par les capacités des lieux de production dans les états nordistes ; elle disposait aussi pour mettre en action son artillerie d'un corps d'officiers professionnels et bien entraînés. Le Brigadier général Henry J. Hunt, commandant l'artillerie de l'Armée du Potomac pendant une partie du conflit, était reconnu comme un officier d'artillerie tout à fait compétent et il avait quelques collègues aussi compétents dans les domaines du tir et de sa pratique comme pour la logistique. Un autre exemple est celui de John Gibbon, auteur de l'influent « Manuel de l'artilleur », publié en 1863 (étant fait remarquer que la réputation de Gibbon tiendra plus à son action en tant que général d'infanterie pendant la guerrenote 9). Peu après le déclenchement des hostilités, le Brigadier General Ripley, Chef dans l'Artillerie, ordonne la conversion des vieux canons lisses en canons rayés et la production de canons Parrott.

L'unité tactique de base pour l'artillerie, dans l'armée fédérale, était la batterie, en théorie équipée de 6 pièces47. Dans la mesure du possible, l'uniformisation était recherchée pour qu'une batterie ne soit équipée que d'un seul type de pièce d'artillerie48, simplifiant entraînement et logistique. Chaque pièce était servie par une équipe de 8 artilleurs avec 4 autres servants chargés plus spécifiquement de s'occuper des chevaux et des matériels. Une batterie est divisée en 3 sections de 2 pièces ; chaque section est commandée par un lieutenant. L'ensemble de la batterie est sous les ordres d'un capitaine. 5 batteries donnent une brigade47, sous les ordres d'un colonel. La brigade est affectée au support d'un corps d'infanterie. Dans l'armée du Potomac, cinq brigades d'artillerie supplémentaires formaient la réserve d'artillerie de l'armée. Dans le but d'assurer la qualité de son artillerie, George McClellan regroupait les batteries par cinq en plaçant une batterie de l'armée régulière à côté de 4 batteries des volontaires afin que celle-là donne l'exemple à celles-ci.

Cette organisation en brigades, soutenue par Hunt, permit l'emploi de masses d'artillerie au service des objectifs de l'ensemble de l'armée, au lieu de la voir dispersée aux quatre coins du champ de bataille. Fantassins et artilleurs pouvaient avoir des vues divergentes sur l'emploi des canons. Un exemple peut être donné en considérant le troisième jour de la bataille de Gettysburg. Lors du bombardement confédéré de « Cemetery Ridge », Hunt eut des difficultés à faire comprendre aux commandants de l’infanterie, comme le général Hancock, qu'il valait mieux économiser les munitions en attente de l'assaut sudiste plutôt que les épuiser dans un duel avec l'artillerie ennemie. Ce choix se révéla judicieux lors de la Charge de Pickett49.

À l'entrée en guerre, l'armée fédérale avait à sa disposition 2 283 pièces d'artillerie. Sur ce nombre, 10% seulement étaient des pièces d'artillerie de campagne. Vers la fin du conflit, l'armée disposait de 3 325 pièces dont 53% étaient des pièces de campagne. Pendant la durée du conflit, l'armée nordiste, selon ses statistiques, a reçu 7 892 pièces d'artillerie, 6 335 295 projectiles d'artillerie, 2 862 177 munitions encartouchéesnote 10, 45 258 tonnes de plomb, ainsi que 13 320 tonnes de poudre50.

Artillerie sudiste

Les sudistes étaient relativement désavantagés face aux nordistes en ce qui concerne la mise en œuvre de l'artillerie. Le nord, industriel, avait, et de loin, des capacités plus importantes pour fabriquer des armes. Le blocus instauré devant les ports sudistes limitait la possibilité de faire venir des armes achetées à l'étranger pour les armées confédérées. Ces dernières devaient se contenter de ce qu'elle avait pu récupérer dans les arsenaux dont elles avaient pu prendre le contrôle, comme celui de Harpers Ferry, ou de ce qu'elle pouvait capturer sur le champ de bataille. Le manque de ressources en métaux, associé au manque de savoir-faire de sa main-d’œuvre dans ces domaines, ont eu pour conséquence une qualité parfois insuffisante des productions. La qualité des munitions était aussi en cause ; par exemple, celle des fusées indispensables pour les obus est souvent soulignée comme étant non satisfaisante, causant des explosions prématurées ou trop tardives. Ceci, couplé avec la compétence initiale des artilleurs nordistes et de leur expérience grandissante au fil du temps, a conduit les forces sudistes à redouter les assauts d'infanterie contre des positions nordistes soutenues par de l'artillerie. Pour un officier sudiste, « La réunion de l'artillerie nordiste et de l'infanterie sudiste aurait donné une armée invincible ». Cette artillerie nordiste eut maints fois l'occasion de malmener l'Armée de Virginie du Nord, en particulier durant les Batailles des sept jours, à Malvern Hill et à Gettysburg.

Avec les déficiences connues de son artillerie, Robert Lee a eu tendance à privilégier les combats dans des environnements comme la Wilderness limitant l'avantage des tirs à longue portée qui favorisaient les nordistes, et privilégiant les combats à courte portée où le grand nombre de pièces d'artillerie à âme lisse de l'Armée de Virginie du nord était plus efficace.

Chez les sudistes, les batteries d'artillerie n'alignaient que 4 pièces, alors que leurs adversaires nordistes avaient des batteries de 6 pièces. Si la théorie confédérée visait à mettre aussi en ligne des batteries de 6 pièces, le nombre de canons disponibles les a obligé à rester à 4 piècesnote 11. Pour les mêmes raisons, si les batteries nordistes étaient relativement homogènes, celles alignées par les sudistes offraient des mélanges de canons de types différents. Les batteries d'artillerie sudistes ont été rattachées aux brigades d'infanterie, au moins pendant la première moitié de la guerre. Une réorganisation de l'artillerie confédérée a amené la création de bataillons d'artillerie, de 3 batteries sur le Théâtre occidental et 4, autant que possible, sur le théâtre oriental. Ces bataillons d'artillerie étaient attachés aux divisions d'infanterie pour leur fournir le support requis. Chaque corps d'armée disposait aussi de sa réserve d'artillerie sous la forme de 2 bataillons d'artillerie. En revanche, il n'y avait pas de réserve d'artillerie au niveau de l'armée. Du fait de cette organisation, le responsable de l'artillerie pour l'Armée de Virginie du Nord de Robert Lee, le brigadier général William N. Pendleton rencontra de grandes difficultés pour masser de l'artillerie et en obtenir le meilleur effet.

Après les batailles des Sept Jours, l'armée de la Virginie du Nord est réorganisée en 2 corps, dirigés respectivement par James Longstreet et « Stonewall » Jackson, Lee rattache à chaque corps deux bataillons d'artillerie à titre de réserve, en plus de la batterie rattachée à chaque brigade d'infanterie. Les officiers désignés pour commander ces bataillons sont tous issus des échelons de commandement de Longstreet ; au grand déplaisir de Jackson qui n'a pu choisir les commandants des bataillons parmi ses propres hommes. Il acceptera cependant le fait sans récriminations officielles.

Artilleries et batailles

Bien que toutes les batailles de la guerre de Sécession aient vu participer l'artillerie, certaines d'entre elles sont plus connues pour l'action importante de ladite artillerie.

Artilleurs réputés de la guerre de Sécession

Moins connus que d'autres officiers, fantassins ou cavaliers, un petit groupe d'hommes montra de réelles compétences dans l'organisation, l'utilisation de l'artillerie et la pratique du tir.

Nordistes

Sudistes

Unités d'artillerie notables de la guerre de Sécession

Danville Artillery
Batterie sudiste ayant participé à un grand nombre des batailles, sous Lee, Jackson. En 2003, une troupe de reconstitution historique l'a remis en service.
Fluvanna Artillery
Unité d'artillerie sudiste, de 2 batteries, levée en Virginie.
Washington Artillery
Levée en 1838, cette batterie rallie la Sécession en 1861. Actuellement[Quand ?], le « 141st Fied Artillery Regiment » maintient sa tradition et est basé en Louisiane.
Pointe Coupee Artillery
Unité d'artillerie sudiste, de 3 batteries, levée dans la région de La Nouvelle-Orléans. Elle opère sur le théâtre d'opérations occidental.

Notes et références

Notes

  1. L'Armée sudiste du Tennessee alignera des batteries à 6 pièces.

Références

  1. Eicher 2001, p. 250.

Bibliographie

Ouvrages généraux

Ouvrages spécialisés

Pour approfondir

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Artillerie de la Garde impériale (Premier Empire)

 
 
 
Artillerie de la Garde impériale
Image illustrative de l’article Artillerie de la Garde impériale (Premier Empire)
L'artillerie à cheval de la Garde impériale prenant position, par Alphonse Lalauze. À droite, un officier en grande tenue « à la hussarde », à gauche des postillons du train.

Création 1806
Dissolution 1815
Pays Drapeau de la France France
Allégeance Drapeau de l'Empire français Empire français
Branche Armée napoléonienne
Type Régiment à cheval, Régiments à pied, Train d'artillerie
Rôle Artillerie
Fait partie de Garde impériale
Guerres Guerres napoléoniennes
Commandant Joseph Christophe Couin, Jean Ambroise Baston de Lariboisière, Jean Barthélemot de Sorbier, Charles François Dulauloy, Jean-Jacques Desvaux de Saint-Maurice

L'artillerie de la Garde impériale est constituée par les unités organiques d'artillerie de la Garde impériale de Napoléon Ier. Elle alignait un régiment d'artillerie à cheval, des régiments d'artillerie à pied et un service du train chargé notamment de l'approvisionnement des pièces en poudre et munitions.

Garde consulaire

 
Canonnier à pied et officier d'artillerie à cheval, dessin de Lacoste.

La Garde consulaire est constituée par Bonaparte par un arrêté du par amalgame de différentes unités chargées de protéger les institutions et corps constitués républicains. C'est un corps « inter-armes » composé d'infanterie, de cavalerie et d'artillerie — en l'occurrence une compagnie d'artillerie à cheval d'une centaine d'hommes levée parmi les guides auxquels elle est rattachée.

En l'an XII, l'artillerie de la Garde consulaire, placée sous les ordres du général de brigade Nicolas Marie Songis des Courbons, compte un escadron placé sous les ordres du colonel Joseph Christophe Couin, un train sous les ordres du capitaine Edmé Devarenne1 et un parc2,3.

Garde impériale

Par décret daté du 28 floréal an XII (), l'ancienne compagnie d'artillerie à cheval de la Garde consulaire devient le régiment d'artillerie à cheval de la Garde impériale, conservant son caractère inter-armes mais avec des effectifs considérablement augmentés. Couin en reste le commandant de l'artillerie jusqu'à son remplacement en 1807 par Jean Ambroise Baston de Lariboisière.

Artillerie à cheval

 
Napoléon donnant ses directives aux artilleurs à cheval de la Garde lors de la bataille de Montmirail.

Héritière de la compagnie d'artillerie à cheval de la Garde consulaire, le régiment d'artillerie à cheval de la Garde impériale est considéré comme l'élite de l'artillerie napoléonienne et est de toutes les campagnes et batailles des guerres de l'Empire : ainsi, à la bataille de Wagram, l'artillerie à cheval de la Garde subit beaucoup plus de pertes que l’artillerie à pied4. Décimée pendant la désastreuse retraite de Russie, elle est rapidement reconstituée. Enfin, lors de la phase finale de la bataille de Waterloo, ultime grande bataille des guerres napoléoniennes, l'artillerie à cheval participe avec quatre batteries à l'attaque de la Garde impériale sur le plateau du Mont-Saint-Jean.

Artilleur de formation, Napoléon se place lui-même à la tête de ses pièces à plusieurs reprises. Lors de la campagne de France de 1814, il dirige personnellement le tir des batteries lors de la bataille de Montmirail5 puis celle de Montereau6. Le , après la bataille des Quatre Bras, il mène lui-même les batteries à cheval à la poursuite des troupes britanniques se repliant sur Bruxelles7.

Artillerie à pied

Par décret impérial du , quatre compagnies d'artillerie à pied sont incorporés dans l'artillerie de la Garde. Elles sont portées à huit en 1810, à neuf en 1812 et le tout organisé en un régiment. Le , le régiment est défini par Napoléon comme faisant partie de la Vieille Garde.

L'année suivante, on créa un deuxième régiment que l'on attacha à la Jeune Garde.

Le , après la première abdication de Napoléon Ier, l'artillerie à pied de la Garde impériale est licenciée mais le , après le retour de Napoléon Ier, le régiment d'artillerie à pied de la Garde impériale est reconstituée, mais en ne comptant plus que six compagnies.
Il participe à la campagne de Belgique et se trouve aux batailles de Ligny et de Waterloo et le , après la seconde abdication de Napoléon Ier, le régiment est définitivement licencié. Il est remplacé par ordonnances royales des 1er et par le régiment d'artillerie à pied de la Garde royale durant la seconde Restauration.

Pour être admis dans ce corps d'élite, il fallait sortir de l'artillerie de ligne, avoir six ans de service et mesurer 5 pieds 5 pouces (1,76 m)8.

 
Artilleur à pied et train d'artillerie de la Garde d'après Hippolyte Bellangé.

Train

Le train d'artillerie comprenait six compagnies formant un bataillon en 1806. L'effectif passe à huit compagnies en 1812. Pendant les Cent-Jours, le train est réorganisé en un escadron de huit compagnies9.

Équipement

Depuis la fin des années 1770, l'artillerie française est organisée selon le système mis en place par Jean-Baptiste Vaquette de Gribeauval. En 1803, à la suite des travaux d'études réalisés par le « Comité de l'artillerie », qu'il a institué le et présidé par le général François Marie d'Aboville, Napoléon décide de simplifier le système Gribeauval en limitant le nombre de calibres utilisés10.

Artillerie à cheval

En 1815, l'artillerie à cheval aligne quatre compagnies équipées chacune de quatre canons de six livres et de deux obusiers.

Artillerie à pied

 
Artilleurs à pied servant une pièce de 12 livres.

Commandement

Le , Joseph Christophe Couin est promu général de brigade commandant l'artillerie de la Garde. Le , il passe colonel en second, Jean Ambroise Baston de Lariboisière, fait général de division le même jour par l'Empereur, le remplaçant au commandement du corps. Couin passe le dans la ligne par suite de la suppression de l'emploi de colonel en 2e. Le , Antoine Drouot est désigné par l'Empereur pour prendre le commandement du régiment d'artillerie à pied qu'il réorganise l'année suivante.

En 1811, Jean Barthélemot de Sorbier succède à Lariboisière. En 1813, il est remplacé par Charles François Dulauloy.

Pendant la campagne de Belgique de 1815, l'artillerie de la Garde est placée sous les ordres de Jean-Jacques Desvaux de Saint-Maurice qui est tué pendant la bataille de Waterloo ; l'artillerie à pied sert sous le commandement de Henri Dominique Lallemand et l'artillerie à cheval sous Jean-Baptiste Duchand de Sancey11.

Batailles et pertes en officiers

Notes et références

Notes

 

Références

  1. (en) Digby Smith, Napoleon's Regiments, Greenhill Books,

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

Liens externes

Artillerie portée

 
 
 
 
Un canon de 75 porté sur Panhard K13, photographié en 1919.

L'artillerie portée est un type particulier d'artillerie française, apparue pendant la Première Guerre mondiale et également utilisée pendant la Seconde Guerre mondiale. Elle consiste en le transport de pièces d'artillerie sur des camions.

Historique

Première Guerre mondiale

En 1915, l'idée est proposée de monter des canons de 75 mm modèle 1897 sur des camions. En effet, les canons de 75, prévus pour la traction hippomobile, ne peuvent rouler à plus de 8 km/h1. Les camions testés sont des Saurer type B à deux roues motrices puis des Jeffery Quad à quatre roues motrices2.

Le , deux batteries (31e et 32e) sont créées au 13e régiment d'artillerie de campagne. Le , elles sont rejointes par 33e batterie, ces trois batteries formant le Ve groupe du 13e RAC le . Un VIe groupe est créé le . Ces deux groupes forment le 213e régiment d'artillerie de campagne portée, premier de ce type d'unités2.

À partir du , les régiments d'artillerie affectés à l'artillerie de corps d'armée deviennent des régiments d'artillerie portée à trois groupes2. En juin 1918, une 5e division est créée dans la réserve générale d'artillerie avec les 18 régiments d'artillerie portée, qui quittent leur rattachement aux corps d'armée. À la fin de la guerre, 34 régiments sont opérationnels et trois en formation2.

Lors de la guerre, le principal modèle est le Jeffery Quad (et son successeur Nash Quad), ainsi que le Panhard K13 et le Latil TP, renforcés en 1918 par quelques Saurer type B3.

Entre-deux-guerres

 
Essai d'un tracteur Cletrac H pour la traction d'un canon de 75 au centre d'instruction automobile de Fontainebleau, 1924.

En 1920, l'Armée française expérimente l'emploi de tracteurs agricoles pour améliorer la mobilité des canons de l'artillerie portée. Ces tracteurs doivent être transportés comme les canons sur le plateau de camions. Pour la traction des canons de 75, une dizaine de tracteurs Cletrac sont livrés en 1921, renforcés par plus d'une centaine d'Ara Alpha Prime à partir de 1923. Le Renault HI est adopté pour la traction des canons de 105 long modèle 1913 et 155 court Schneider. L'Armée recoure également au principe de véhicule primé : elle récompense un modèle de tracteur agricole destiné au marché civil afin de disposer d'une quantité suffisante de tracteurs en cas de réquisition3.

 
Canon de 75 porté sur un Nash Quad (version amélioré du Jeffery) en 1922.

À partir de 1922, la dotation de camions de l'artillerie portée de 75 est renforcée par des Berliet CBA, plus puissant, recarrossés pour l'emport de canons de 753. À la même date, le camion Pierce-Arrow de 5 t modèle 1918 est adopté pour l'emport du 155 C et le Saurer B pour celui du 105 L4.

Lors de la réorganisation de 1923-1924, les régiments d'artillerie portée sont renumérotés dans la série 300 à 360. Elle est équipée de canons de 75 (série 300 à 340), de 105 L modèle 1913 (série 350) et de 155 C Schneider (série 360)5,4.

Entre 1930 et 1933, les régiments d'artillerie portée de 75 en métropole sont tous transformés en régiments d'artillerie à tracteurs tous-terrains, type Citroën Kégresse, beaucoup plus faciles d'emploi. L'Armée ne compte plus que des régiments d'artillerie lourde portée, à l'exception de quelques canons de 75 portés dans les régiments d'artillerie de région fortifiée et dans les colonies3.

Seconde Guerre mondiale

 
Dessin d'un Citroën 32 (de) de réquisition utilisé comme porteur de canon de 75, d'après une photographie de mai 1940.

Au début de la Seconde Guerre mondiale, l'artillerie portée est considérée comme dépassée mais reste en service jusqu'à usure complète de ses matériels4. Une vingtaine de régiments d'artillerie portée sont recréés à la mobilisation3. Équipés de matériels anciens datant souvent de la guerre précédente, les RAP sont complétés par la réquisition de tracteurs agricoles d'origines diverses. Des camions civils sont également modifiés pour emporter des canons ou des tracteurs agricoles sur leur plateau6.

Elle reste également en service dans les colonies, à l'image du canon utilisé lors de la bataille de Koufra par la colonne Leclerc. L'Armée commande 80 Renault AGR 2 porte-canons et porte-tracteurs pour renforcer l'artillerie portée en outre-mer et peut-être également en métropole6.

Conscient que l'artillerie portée est dépassée, à cause du temps de mise en batterie des pièces, le commandement militaire lance la transformation des régiments d'artillerie portée en régiments d'artillerie tractée. Les nouveaux tracteurs sont pour partie des tracteurs tous-terrains semi-chenillés (type Unic P107) mais également des camions routiers importés, type Fiat SPA 38 et Studebaker K 256.

La transformation n'étant pas complète en mai 1940, les régiments d'artillerie portée participent néanmoins à la bataille de France. Un régiment comme le 304e RAP parvient à rester apte au combat jusqu'à la mi-juin alors qu'il s'oppose à l'avance allemande depuis le avec son matériel ancien6.

Liste des unités d'artillerie portée

 
Canon de 75 porté sur un Jeffery du 45e RACP le à Orléans.
 
Défilé d'un Jeffery et d'un Nash du 309e RAP portant des canons de 75 à Strasbourg le .

Références

  1. « Regiments d'Artillerie » [archive], sur www.atf40.fr (consulté le ).

Voir aussi

Articles connexes

Artillerie de campagne

 
 
 
 
Canon français du système Gribeauval (XVIIIe siècle).
 
Canon de campagne utilisé durant la Guerre de Sécession (XIXe siècle).

L'artillerie de campagne est une des branches majeures de l'artillerie, qui a pour vocation de soutenir et appuyer les troupes sur le champ de bataille. Pour remplir cette fonction, son matériel doit être mobile et apte à suivre des opérations mobiles. Cet impératif a tendance à lui faire adopter des pièces plus légères et moins puissantes que par exemple l'artillerie de siège ou l'artillerie de place.

Historique

Premiers exemples

 

Si l'artillerie est surtout dans ses débuts cantonnée aux opérations de siège, il arrive parfois qu'on essaye de la déployer lors d'une bataille — un exemple célèbre étant la bataille d'Azincourt en 1415 — mais les résultats sont peu probants. Il est impossible de déplacer les canons une fois la bataille engagée, et, au vu de la portée de l'époque, cela limite leur rôle au mieux à la défense. Les pièces sont en outre incapables de fournir un tir soutenu et explosent généralement après dix à douze coups. Leurs projectiles manquent à la fois de précision et d'efficacité. Au bout du compte, le seul bénéfice est l'effet moral, la fumée et le bruit.

 
Voiture-pièce de canon de campagne - Musée de l' Armée - Paris

Jean Bureau et son frère Gaspard Bureau, Grands maîtres de l'artillerie du roi Charles VII, utilisent massivement l'artillerie mobile (300 canons) lors d'une bataille rangée pour la première fois en Occident, remportant la victoire contre les Anglais à la bataille de Castillon, mettant ainsi un terme à la guerre de Cent Ans1.

 
Canon du XVIe siècle, gravure d'un ouvrage de Walther Hermann Ryff, 1547.

Cependant, au tournant du XVIe siècle, la métallurgie et de nouvelles techniques de construction des canons permettent des progrès majeurs, qui vont commencer à rendre l'usage de l'artillerie sur le champ de bataille beaucoup moins folklorique. La première de ces innovations est la généralisation de l'affût à roue, auquel s'associent bientôt les tourillons directement coulés avec le tube, qui permettent à la pièce de reposer directement sur l'affût, tout en restant orientable en site. Le canon prend une allure qu'il va garder pendant plusieurs siècles, et gagne au passage une certaine mobilité. Deux autres améliorations sont aussi introduites à cette époque, l'usage de plus en plus fréquent du bronze pour la fabrication des pièces et de la fonte de fer pour le projectile. Le bronze, alliage de cuivre et d'étain, malgré son prix, se révèle rapidement un meilleur choix que le fer car il permet une fabrication par moulage et non plus par forgeage. L'épaisseur est plus régulière et le matériau moins cassant : les canons sont alors moins sujet à l'éclatement des tubes. Le projectile métallique, lui, n'éclate pas comme celui en pierre et permet des rebonds très meurtriers contre les formations serrées de fantassins ou de cavaliers. Un des grands précurseurs de cette nouvelle artillerie est l'empereur Maximilien Ier de Habsbourg, qui est aussi un des premiers à classifier ses canons en deux grandes catégories, de siège et de campagne. Il est aussi le premier à rendre indépendants ses artilleurs en les rassemblant dans un corps spécifique.

La progression dans l'efficacité sur le terrain est très rapide. Si en 1477, à Nancy, les piquiers suisses s'emparent des trente canons bourguignons avant que ceux-ci aient eu le temps de tirer, moins de quarante ans plus tard, à la bataille de Marignan, ces mêmes piquiers doivent reculer en perdant sept mille des leurs face à soixante canons français. Comme pour celle de siège, l'artillerie de campagne est devenue un atout majeur des armées en campagne, et de nombreux théoriciens essayent de rationaliser son emploi alors que le nombre de pièces augmente rapidement. De nombreux problèmes pratiques limitent néanmoins encore son efficacité. Des progrès techniques, mais surtout d'organisation et de doctrine sont encore nécessaires.

En 1540, Georges Hastmann met au point l'échelle des calibres, une règle en métal qui fait correspondre le calibre intérieur d'un canon avec la masse de son boulet, ce qui supprime la nécessité de peser le projectile et la poudre nécessaire. Mais le progrès le plus important, et aussi le plus long, est la diminution et la rationalisation des types et des calibres des pièces d'artillerie. L'évolution est lente mais sûre, car si l'armée de Charles Quint a plus de cinquante modèles de canon en service aux alentours de 1550, l'armée française n'a plus que sept en [Quand ?] : le canon, la grande couleuvrine, la couleuvrine moyenne, la couleuvrine petite, le faucon, le fauconneau et l'arquebuse à croc. Les autres grandes armées européennes ont dans le même temps adopté des calibres similaires.

À l'époque d'Henri II, il existait, pour la France, 6 calibres pour l'artillerie de campagne :

  1. Le canon, dont le projectile pesait de 33 livres 4 onces à 34 livres.
  2. La grande couleuvrine, dont le projectile ordinaire de 15 livres 2 onces ne dépassait pas 15 livres 4 onces.
  3. La coulevrine bâtarde, avec un projectile, en moyenne, de 7 livres 2 onces ou 7 livres 3 onces.
  4. La coulevrine moyenne, avec un projectile de 2 livres.
  5. Le faucon, avec un projectile de 1 livre 1 once.
  6. Le fauconneau, avec un projectile de 14 onces.

À titre d'exemple, l'artillerie installée par les troupes françaises au siège de Thionville en 1558 est composée de

Cependant seuls les calibres sont fixés, les autres caractéristiques des canons variant d'une pièce à l'autre, ce qui complique énormément l'entretien des pièces en campagne — une roue, par exemple, n'étant pas interchangeable entre deux canons de même calibre. Les progrès sont néanmoins sensibles au niveau des performances des pièces durant le XVIe siècle. La portée du projectile a triplé, passant d'environ 100 mètres à 300, et la durée de vie des tubes a été multipliée par dix : Il devient possible de tirer une centaine de coups sans éclatement.

L'artillerie reste néanmoins une arme auxiliaire coûteuse et difficile à mettre en œuvre sur le champ de bataille.

Gustave Adolphe

Durant la guerre de Trente Ans, malgré l'engagement des grandes nations européennes, l'évolution de l'artillerie va être le fait de deux puissances considérées comme plutôt secondaires. La première est la Hollande, dont les innovations portant sur la standardisation de l'artillerie vont mettre longtemps à faire des émules dans les armées étrangères. Les Provinces Unies ont réduit le nombre de calibres à quatre, 48, 24, 12 et 6 livres, qui leur permettent de couvrir leurs besoin aussi bien sur terre que sur mer. Vraisemblablement du fait de la petite taille du pays, ils ont aussi réussi à standardiser l'ensemble de la fabrication, y compris celle des affûts : une flasque devient ainsi interchangeable entre deux canons de même calibre. Leurs canons sont moulés selon des plans précis, où des calculs précis du centre de gravité ont permis de placer les tourillons, mais aussi une nouveauté, les anses qui permettent de lever facilement le canon, par exemple pour le désolidariser de son affût. Pour favoriser ce genre de manœuvre, le bouton de culasse, jusqu'alors de petite taille, est aussi agrandi et rendu capable de supporter des efforts importants.

 
Canons allemands du XVIIe siècle

L'autre nation qui innove beaucoup dans le domaine de l'artillerie de campagne est la Suède de Gustave Adolphe. L'apport est là plus dans la doctrine d'emploi. L'armée suédoise de l'époque répartit son artillerie en trois branches : la lourde, destinée à agir lors des sièges et des phases statiques de la guerre, celle de campagne qui accompagne les troupes, et l'artillerie légère régimentaire qui les appuie au plus près. Cette dernière est la grande innovation du roi suédois, qui lui permet d'aligner une artillerie plus nombreuse et plus efficace que ses adversaires : elle emploie des petits canons très légers, surnommés les « canons de cuir bouilli » du fait de leur mode de fabrication, une âme en cuivre encerclée par du fer et recouverte de cuir. Ces pièces, d'un calibre de quatre ou trois livres, peuvent être déplacées par un ou deux chevaux, voire à bras d'homme, et utilisent des boulets encartouchés, qui leur confèrent une cadence de tir phénoménale pour l'époque, huit coups par minute, alors qu'un bon mousquetaire ne tire que six fois. Par la suite, des canons de quatre livres en fonte de fer leur succèderont, tout en gardant leur légèreté : 625 livres affût compris. Sur le champ de bataille, Gustave Adolphe appuie son action avec son artillerie de campagne dotée de pièces de six et douze livres, qu'il place non plus en ligne devant le front des troupes, mais en fortes batteries au centre ou sur les ailes. Cette organisation lui permet de disposer d'environ un canon pour trois ou quatre cents hommes, contre un pour deux mille par exemple pour les impériaux. À la bataille de Breitenfeld (1631), il inflige ainsi aux impériaux des pertes quatre fois supérieures aux siennes.

Le système Vallière

 
Parc d'artillerie de campagne pour une armée de cinquante mil hommes, Pierre Surirey de Saint-Remy, 1745.

Si la plupart des évolutions de l'artillerie sont présentes lors de la guerre de Trente Ans, elles vont néanmoins mettre longtemps à se diffuser dans toutes les armées européennes. En France, il faut attendre le 7 octobre 1732 pour qu'une ordonnance royale tente d'uniformiser les canons en service dans l'armée du roi, sous l'influence du lieutenant-général de Vallière. Pour la première fois en France, le dessin des tubes est fixé par des plans précis, mais celui des affûts, des voitures et avant-train reste libre, et les calibres sont encore nombreux : 24, 16, 12, 8 et 4 livres. Néanmoins l'artillerie française délaisse enfin les couleuvrines et adopte définitivement le canon plus court et donc léger, de même les mortiers et pierriers sont uniformisés sur deux calibres chacun.

Plus rapide, par contre, est la formation d'un corps autonome d'artilleurs : en 1668 sont créés quatre compagnies de canonniers et deux de bombardiers (utilisant des mortiers de siège), en 1671 apparaît le régiment de fusiliers du roi, qui comme son nom ne l'indique pas, a pour mission la garde et le service de l'artillerie royale. En 1676 naît à son tour le régiment des bombardiers, et en 1679, la première compagnie de mineurs rattachée à l'artillerie. Toutes ces unités sont regroupées au sein du régiment Royal artillerie, en 1693, qui en 1710 compte 697 officiers et 5 630 soldats.

Le système Gribeauval

 
Caisson d'artillerie Gribeauval

Le tir rapide

Le « tir rapide » fut, avec la « poudre sans fumée », un concept-clef des penseurs militaires de la Belle Époque. Il consistait dans le fait qu'une pièce d'artillerie soit capable de tirer plusieurs coups par minute. L'avènement du tir rapide résulte des progrès accomplis dans l'usinage des obus : les usines Krupp développèrent ainsi un verrou de culasse amélioré2, le C/87, qui équipa un obusier de 130 mm (1888), puis un obusier de 150 mm (1890). Ce mécanisme fut supplanté en 1895 par le verrou Leitwell, qui équipa tous les canons Krupp jusqu'en 19143. En France, il fut décliné notamment avec le verrou du canon Court à Tir Rapide (C.T.R.) 155 mm CTR Rimailho.

Motorisation et mécanisation

L'un des canons de campagne les plus célèbres de la Première Guerre mondiale est le canon de 75 Modèle 1897.

Organisation

Spécialités

Canon d'infanterie

Exemple : Canon de 5,5 pouces

 
Pansage des chevaux dans un régiment d'artillerie à Dresde en 1913 : jusqu'à la Première Guerre mondiale, l'artillerie est avant tout hippomobile.

Artillerie à cheval (attelage)

L'artillerie à cheval fut inventée par les Prussiens au début du XVIIIe siècle, car Frédéric II le Grand s'était rendu compte que le calibre de l'artillerie était secondaire. Il a donc créé des pièces tirées par des chevaux, sur lesquels les servants montaient : le canon était alors opérationnel en 5 minutes.

Artillerie de montagne

 
Canon de montagne Ordnance QF 25 pounder Short Mark I australien (surnommé baby), produit à partir de 1943

Elle est généralement plus courte, montée sur des affûts plus légers et démontable pour être transportée sur les terrains accidentés.

Notes et références

  1. Krupp 1812 bis 1912 op. cit., p. 349.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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Canon

 
 
 

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Le mot canon, de la famille du grec κανών (kanôn) dont le premier sens est « tige de roseau », peut désigner plusieurs choses.

Tube

De l'italien cannone, de canna « tube ».

Armes à feu

 
Le Tsar Pouchka, canon de 890 fondu en Russie en 1586.

Projections dirigées d'«objets» de natures diverses

Serrurerie

Dans une serrure, le canon est le petit cylindre creux attaché sur le foncet et dans lequel entre la clef. C'est aussi la partie de la tige de la clef forée dans laquelle entre la broche. On distingue deux sortes de canons : le canon à patte et le canon tournant.

Zoologie

Unité de mesure

Ensemble des règles régissant une discipline particulière

 
Le Doryphore de Polyclète, copie romaine (Naples)

Dans les arts

Du latin, à partir du grec « règle ».

Domaine religieux

Règle au sens large

Dérivant de l'usage religieux du terme canon pour désigner les textes qui s'imposent à tous,

Immobilier

Dans le bail emphytéotique, le canon est la redevance périodique due par l’emphytéote au bailleur.

Culture

Sport

Canon Sportif de Yaoundé : club de football camerounais fondé le 11 novembre 1930 et basé dans la ville de Yaoundé, vainqueur de 3 Ligue des champions de la CAF (1971, 1978 et 1980)

Musique

Patronyme

Canon est un nom de famille notamment porté par :

Toponyme

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Titres d'œuvres

Canon est un titre d'œuvre notamment porté par :

Sciences

Bande dessinée

Cinéma

Entreprises

Grenadiers à cheval de la Garde impériale

 
 
 
Grenadiers à cheval de la Garde impériale
Image illustrative de l’article Grenadiers à cheval de la Garde impériale
Les Grenadiers à cheval de la Garde à Eylau. Huile sur toile d'Édouard Detaille, 1893, collection du musée Condé de Chantilly.

Création 1804
Dissolution 1815
Pays Drapeau de la France France
Allégeance Drapeau de l'Empire français Empire français
Branche Garde impériale
Type Régiment
Rôle Cavalerie lourde
Effectif 1 016
Fait partie de Garde impériale
Garnison École militaire
Surnom « Les Dieux »
« Les Géants »
Guerres Guerres napoléoniennes
Batailles Austerlitz
Eylau
Gorodnia
Leipzig
Hanau
Montmirail
Vauchamps
Waterloo
Commandant Ordener (1804-1806)
Walther (1806-1813)
Guyot (1813-1815)

Les grenadiers à cheval de la Garde impériale sont un régiment de cavalerie lourde de la Garde impériale française, en service sous le Premier Empire. Ayant déjà fait partie de la Garde du Directoire et de la Garde consulaire, les grenadiers à cheval deviennent le plus ancien régiment de cavalerie de la Garde impériale lorsque celle-ci est créée en 1804. Leur effectif théorique maximal est alors d'environ 1 000 officiers et hommes de troupe, commandés par un général de division ou par un général de brigade expérimenté.

De 1804 à 1815, les grenadiers à cheval n'interviennent qu'occasionnellement dans les batailles, étant généralement tenus en réserve aux côtés de Napoléon. À chacune de leurs interventions, cependant, les résultats sont spectaculaires : ils contribuent à la déroute de la cavalerie de la Garde russe à Austerlitz, échappent à l'encerclement à Eylau, refoulent les Bavarois à Hanau et se distinguent encore lors de la campagne de France. Les grenadiers à cheval n'ont jamais été vaincus au combat par de la cavalerie adverse et sont considérés comme « le régiment le plus fameux de la cavalerie lourde française ».

En 1815, sous la Première Restauration, les grenadiers à cheval deviennent le Corps royal des cuirassiers de France. Ils reprennent cependant leur nom et leur rang au sein de la Garde impériale lors du retour de Napoléon la même année et sont engagés dans la campagne de Belgique. À Waterloo, le colonel Jamin de Bermuy est tué devant les carrés britanniques en menant les charges de son régiment. Celui-ci est dissous quelques mois plus tard, après la chute de Napoléon et la Seconde Restauration des Bourbons.

Organisation

Genèse

 
Un grenadier à cheval de la Garde impériale en grande tenue, par Hippolyte Bellangé.

Les origines des grenadiers à cheval remontent à la Constitution de l'An III qui institue la formation d'une garde du Directoire. Un régiment de cavalerie est appelé à en faire partie et recrute ses membres au sein du 9e régiment de dragons1. Un corps de deux compagnies comprenant 112 cavaliers est créé2. Toutefois, la garde à cheval n'entre en service qu'en 1796 et l'année suivante, une circulaire instruit que les éléments montés de la garde du Directoire prendront désormais le nom de « grenadiers »note 1. Quelques jours après le coup d'État du 18 Brumaire et la mise en place du Consulat, la garde est réorganisée et le chef de brigade Michel Ordener prend le commandement du régiment qui compte à ce moment-là trois escadrons1. Un décret du donne naissance à la nouvelle Garde consulaire à laquelle les grenadiers à cheval sont intégrés avec une unité de chasseurs. Le régiment est ramené à deux escadrons de 172 cavaliers, composé de deux compagnies de 86 hommes chacun2. D'autres remaniements ont lieu en 1801 et en 1802 sous la supervision du général Jean-Baptiste Bessières, portant l'unité à quatre escadrons de deux compagnies chacun. L'état-major régimentaire est également élargi1. Au , les grenadiers à cheval alignent 31 hommes d'état-major et 960 cavaliers ; le , cet effectif passe à 55 officiers et 912 cavaliers3.

Pour être acceptées dans le régiment, les recrues doivent mesurer 1,76 m, avoir effectué dix ans de service, participé à au moins quatre campagnes et avoir été cité pour bravoure. Les récipiendaires de la Légion d'honneur sont cependant exemptés des critères d'admission4. Sous la période consulaire, le régiment se compose pour une très grande partie de vétérans de la ligne, faisant preuve de neuf années de service en moyenne. L'âge moyen des cavaliers est de 28 ans, chiffre qui tend à s'abaisser un peu pendant l'Empire, les soldats servant généralement plus longtemps dans la ligne. La taille des grenadiers varie entre 1,60 m et 1,86 m, pour une moyenne globale d'1,75 m5. Montés sur de grands chevaux noirs originaires de la région de Caen, les grenadiers à cheval sont surnommés les « chevaux noirs de Bessières », mais aussi « les Géants », « les Dieux » ou encore « les Gros Talons »6,7. L'historien de la Garde impériale Henry Lachouque écrit à leur sujet :

« Énormes sur leurs grands et magnifiques chevaux, haut bottés, fiers de leur prestance, les Grenadiers à cheval, dits « gros talons », paraissent sévères, avantageux, et un peu hautains ; la fantaisie paraît bannie de leur existence8. »

Sous l'Empire

Le , les grenadiers à cheval prennent rang dans la Garde impériale. En juillet de la même année, un décret porte l'effectif de l'état-major à 32 hommes et organise le régiment en quatre escadrons de deux compagnies chacun, avec 123 hommes par compagnie, pour un total de 1 016 officiers, sous-officiers et soldats. L'année suivante, deux escadrons de vélites (800 hommes) rejoignent le régiment qui se voit également doté d'un major en second. Les deux escadrons de vélites sont finalement supprimés en au profit d'un 5e escadron, portant l'effectif total à 1 250 cavaliers. Une énième réorganisation ramène le nombre d'escadrons à quatre juste avant la campagne de Russie. En , après le désastre subi en Russie, les grenadiers sont remaniés une nouvelle fois avec la création d'un cinquième puis d'un sixième escadron articulés en deux compagnies chacun — ces deux formations sont considérées comme appartenant à la Jeune Garde et sont aussi connues sous le nom de « 2e régiment de grenadiers à cheval ». C'est ainsi constitués que les grenadiers à cheval se battent pendant la guerre de la Sixième Coalition, avec chacun de leurs quatre escadrons de Vieille Garde formé en deux compagnies de 124 hommes chacune9. Sous l'Empire, le régiment fait brigade avec les dragons de la Garde impériale1. En 1813, le 1er régiment des éclaireurs de la Garde impériale, commandé par le colonel Claude Testot-Ferry, est rattaché aux grenadiers à cheval et prend le nom d'« éclaireurs-grenadiers »10.

Après l'abdication de Napoléon en 1814 et le retour des Bourbons sur le trône de France, le roi demande au maréchal Ney de procéder à la dissolution du régiment et de réorganiser les hommes dans le nouveau corps des « cuirassiers de France », fort de quatre escadrons. Il semble que le 6e escadron de Jeune Garde ait été transféré dans son intégralité aux carabiniers à cheval. Avec le retour de Napoléon en 1815, le régiment retrouve son ancienne identité avant d'être définitivement dissous le après la chute définitive du régime impérial9.

Chefs de corps

 
Frédéric Henri Walther, colonel des grenadiers à cheval de la Garde. Peinture anonyme.

Le régiment des grenadiers à cheval de la Garde est commandé par un général de division qui porte le titre de colonel commandant. Il est assisté par un général de brigade qui remplit quant à lui les fonctions de colonel-major (aussi appelé major en premier), lui-même aidé dans sa tâche par un général ou un colonel qui fait office de major en second. L'historien Alain Pigeard donne la liste complète des commandants successifs du régiment11 :

FonctionColonel commandantColonel-majorMajor en second
Grade Général de division Général de brigade Général de brigade ou colonel
Officiers généraux Bessières ()
Ordener ()
Walther ()
Guyot ()
Oulié
Lepic
Levesque de Laferrière
Jamin de Bermuy
Chastel
Exelmans
Castex

À partir du , Bessières prenant le commandement de toute la cavalerie de la Garde consulaire, c'est le très expérimenté colonel Michel Ordener qui dirige le régiment des grenadiers à cheval11. Né en 1755, il a commandé un régiment de cavalerie sous la Révolution et est promu au grade de général de division en 180512. Il quitte ses fonctions le pour se retirer du service actif. La même année, avec la création d'un deuxième régiment de grosse cavalerie au sein de la Garde — les dragons de l'Impératrice —, une brigade de cavalerie lourde est mise sur pied et placée sous les ordres d'un général de division. Le commandement en est d'abord confié à un cavalier accompli, le général Frédéric Henri Walther, vétéran des guerres de la Révolution française, qui reste à la tête de cette formation jusqu'à sa mort, le . Remplacé par le général Claude Étienne Guyot, âgé de 45 ans, ce dernier commande la brigade jusqu'à la chute de l'Empire en . Durant cette période, l'un des officiers les plus remarquables du régiment est Louis Lepic, un soldat aguerri qui sert en tant que colonel-major11.

Le premier commandant en second du corps est Antoine Oulié, un ancien du 12e chasseurs : nommé au régiment le , il le quitte le pour prendre la tête de la 18e légion de gendarmerie. Louis Pierre Aimé Chastel, son remplaçant, a notamment servi en Égypte avant de devenir major dans les dragons13. Major des grenadiers à cheval le , puis général de brigade en , il remplace Lepic dans son commandement en Espagne. Il est ensuite promu au grade de divisionnaire peu avant la campagne de Russie14. Il est successivement remplacé par le général Rémy Joseph Isidore Exelmans puis par le général Bertrand Pierre Castex11. Celui-ci a été auparavant colonel du 20e chasseurs et s'est illustré à Iéna et à Wagram15. En 1813, les grenadiers à cheval ont pour colonel-major Louis Marie Levesque de Laferrière, un cavalier réputé qui sert dans l'armée depuis 1792. Blessé grièvement à Craonne en 181416, son commandement est relevé le de la même année par le général Jamin de Bermuy, ex-colonel dans la cavalerie de la Garde napolitaine17.

Campagnes militaires

Bataille de Marengo

Charge de cavalerie, vu de profil.
 
Charge des grenadiers à cheval de la Garde consulaire à Marengo, le . Illustration de Job.

Le premier engagement véritable de l'unité a lieu dans des circonstances dramatiques pendant la guerre de la Deuxième Coalition, lors de la bataille de Marengo, le . Le soir arrive, et les grenadiers à cheval en réserve n'ont toujours pas donné. Deux escadrons de dragons autrichiens avançant sur la route de Novi sont chargés par les 360 sabres de la cavalerie de la Garde consulaire. Surpris, les dragons sont écrasés et perdent 210 hommes sur 28518. Alors que Napoléon est en train de perdre la bataille contre les Autrichiens, la division Boudet, avec à sa tête Louis Desaix, apparaît sur le champ de bataille et se lance dans le combat. Pour soutenir son mouvement, la brigade Kellermann se déploie sur le flanc droit autrichien, le charge et le renverse19. De son côté, le colonel Bessières organise une charge massive avec l'ensemble de la cavalerie de la Garde consulaire et sème la panique chez les Autrichiens. Les grenadiers à cheval culbutent les troupes qui s'opposent à eux ; tandis que le trompette Schmitt encerclé s'ouvre la route à coups de sabre, trois étendards ennemis tombent au main des grenadiers20. Les chiffres attestent néanmoins d'une résistance autrichienne sérieuse : 24 tués, 24 blessés et 48 chevaux sont hors de combat chez les grenadiers21. Après la bataille, Bessières reçoit pour son action les éloges du Premier consul, qui lui dit : « la Garde que vous commandez s'est couverte de gloire ; elle ne pouvait donner mieux à propos ». Un peu plus d'un mois après la bataille, le colonel Michel Ordener reçoit le commandement du régiment19.

Bataille d'Austerlitz

 
Grenadiers à cheval de la Garde. Gravure d'Hippolyte Bellangé, XIXe siècle.

Cinq années s'écoulent avant que l'engagement suivant des grenadiers à cheval, qui se déroule pendant la guerre de la Troisième Coalition, ne se produise. La guerre ayant éclaté avec la Russie et l'Autriche, les grenadiers à cheval, faisant maintenant partie de la Garde impériale, traversent le Rhin en Allemagne le . Dix jours plus tard, ils sont à Augsbourg et le , ils sont présents à la reddition d'Ulm. Ils voient leur seule action majeure au cours de cette campagne le , sur le plateau de Pratzen, à la bataille d'Austerlitz. Au cours de cet affrontement, Napoléon prévoit de briser le centre austro-russe afin de diviser leurs forces. En milieu de matinée, la situation est à l'avantage de l'Empereur, mais une situation potentiellement dangereuse pour les Français se produit lorsque la Garde impériale russe, sous le commandement du grand-duc Constantin, attaque les soldats de la division Vandamme autour de Stary Vinohrady (« les vieilles vignes »). Dans un premier temps, un bataillon du 4e régiment de ligne français est malmené par la cavalerie de la Garde russe appuyée par l'artillerie, et les Français perdent leur aigle et plus de 400 hommes. Le 24e régiment d'infanterie légère, qui monte à l'appui du 4e de ligne, est également rejeté en arrière en désordre22.

C'est à ce moment que Napoléon envoie la cavalerie de la Garde qui se compose de quatre escadrons des chasseurs à cheval et des mamelouks, et quatre escadrons des grenadiers à cheval, avec deux batteries d'artillerie à cheval de la Garde en appui23. Un premier assaut mené par deux escadrons de chasseurs à cheval, appuyé par trois escadrons des grenadiers, disperse la cavalerie du Tsar et permet d'engager l'infanterie de la Garde russe, mais l'arrivée en renfort de sept escadrons des cosaques et des chevaliers-gardes fait tourner le combat au désavantage des Français24. Pour soutenir ses cavaliers, Napoléon envoie d'abord le reste des chasseurs à cheval et les mamelouks, puis le dernier escadron des grenadiers à cheval24. Ces derniers chargent et se mesurent avec le régiment des chevaliers-gardes russes. Après une courte mêlée, les grenadiers à cheval dispersent leurs adversaires, leur infligeant de lourdes pertes et capturant plus de 200 hommes, dont le prince Repnine avec son état-major, ainsi que 27 pièces d'artillerie. De leur côté, les grenadiers déplorent seulement 2 morts et 22 blessés (dont 6 officiers)19. Les charges de la cavalerie de la Garde permettent de repousser la dernière attaque russe sur le Pratzen, laissant les Français maîtres du plateau jusqu'à la fin de la bataille25.

Campagne de Prusse et de Pologne

En , le général Frédéric Henri Walther remplace Ordener. En raison de son ancienneté, Walther est également commandant en second de toute la cavalerie de la Garde et exerce le commandement chaque fois que le maréchal Bessières est absent. Le régiment des grenadiers à cheval ne participe pas à la campagne de Prusse. Néanmoins, la guerre continue l'année suivante en Pologne, les Français poursuivant l'armée russe26. Les rigueurs de l'hiver polonais, les routes en mauvais état et l'extrême pauvreté de certaines régions entraînent des souffrances considérables pour les deux camps et rendent pratiquement impossibles les reconnaissances et les services d'avant-poste.

 
Charge des grenadiers à cheval de la Garde à Eylau, le . Peinture de François Schommer, présentée au salon de 1857.

Après quelques manœuvres initiales et engagements mineurs, la première grande bataille a lieu à Eylau. La Grande Armée y est sérieusement en infériorité numérique27. Au début de la bataille, les grenadiers à cheval, positionnés derrière l'infanterie de la Garde au centre-gauche du dispositif français, subissent sans bouger la canonnade russe28. Voyant des cavaliers courber l'échine sous les boulets, le commandant en second du régiment, le colonel Louis Lepic, hurle : « haut les têtes, Jarnidiou ! La mitraille n'est pas de la merde ! »29. Le corps de Ney est encore loin, et la position de Napoléon est de plus en plus périlleuse. L'Empereur ordonne au maréchal Murat de lancer toute la cavalerie de réserve dans une charge massive. Dans un premier temps, Murat fait avancer les deux divisions de dragons Klein et Grouchy, et une division de cuirassiers, celle d'Hautpoul. Les cavaliers français percent la première ligne russe, puis la deuxième, avant de se retrouver derrière les rangs ennemis, menacés d'encerclement. En conséquence, l'Empereur ordonne au maréchal Bessières d'aider la cavalerie de réserve avec celle de la Garde30.

Une seconde charge de cavalerie a donc lieu, menée par les chasseurs à cheval de la Garde et suivie par la cavalerie lourde composée des cuirassiers du 5e régiment et des grenadiers à cheval. Le colonel Lepic mène l'attaque à la tête de deux escadrons, attaquant les première et deuxième lignes russes et ne s'arrêtant que devant les réserves ennemies. C'est alors qu'une bourrasque de neige a lieu et les grenadiers se perdent. Lorsque la neige retombe, le régiment est entouré par les Russes qui leur demandent de se rendre. Lepic rétorque : « Regardez-moi ces figures et dites-moi si elles ont l'air de vouloir se rendre ! », et il ordonne la charge, bouscule les Russes et parvient à regagner les lignes françaises, où Napoléon récompense Lepic en le faisant général. Le régiment compte de nombreuses pertes : 4 officiers tués et 14 officiers blessés, ainsi qu'un grand nombre de soldats, mais la charge de la cavalerie de la Garde permet à la cavalerie de réserve d'échapper à l'encerclement et de revenir à ses positions initiales. Les Français ne gagnent la bataille que tard dans la soirée30.

Le régiment assiste en à l'entrevue de Tilsit entre Napoléon et le tsar Alexandre Ier, et prend peu après ses quartiers en Allemagne. L'unité reçoit finalement l'ordre de rentrer en France au mois d'octobre31.

Guerre d'Espagne

En 1808, les troupes françaises entrent en Espagne. Les grenadiers à cheval, qui font partie du IIe corps d'armée de Bessières, sont présents à Madrid lors du soulèvement du Dos de Mayo. Leur premier chirurgien, Gauthier, y est blessé32. Ils font ensuite campagne dans le nord-ouest du pays. Le , Bessières, avec près de 14 000 hommes, fait face à deux corps d'environ 22 000 hommes à Medina de Rioseco, non loin de Valladolid. Selon Pigeard, les quelques détachements du régiment présents participent à la bataille en appuyant l'attaque de l'infanterie du général Merle33. Leur engagement lors de ce combat est cependant contesté par Hourtoulle qui note qu'aucun grenadier à cheval ne figure au corps de Bessières, mais relève par contre la présence de carabiniers à cheval dont la coiffure, semblable à celle des grenadiers, a pu prêter à confusion34. Napoléon intervient par la suite personnellement en Espagne, à la tête d'une armée qui comprend notamment trois escadrons de grenadiers à cheval. Ces derniers prennent part à la bataille de Burgos en , mais leur premier séjour en Espagne est de courte durée et ils sont de retour à Paris à la fin du mois d'35.

Campagne d'Allemagne et d'Autriche

Napoléon à gauche de l'image, avec derrière lui et en train de lui parler un officier à cheval de dos, coiffé d'un bonnet à poils noirs et vêtu d'une veste bleue, avec au centre et à droite des cavaliers habillés de même.
 
Napoléon et le général Walther, colonel des grenadiers à cheval, pendant la bataille d'Essling. Illustration de Victor Huen, 1910.

Au début de l'année 1809, l'Empereur rappelle sa Garde au centre de l'Allemagne pour la guerre de la Cinquième coalition. Elle est présente à la bataille d'Aspern-Essling, sous le feu intense de l'artillerie autrichienne, et regarde la lutte de son armée pour contenir un adversaire largement supérieur. Lorsque Napoléon lui-même a sa botte déchirée par une balle, le général Frédéric Henri Walther, commandant de la cavalerie de la Garde, indique à l'Empereur que ses grenadiers l'emmèneront de force derrière les lignes s'il refuse de se retirer. Ce dernier obéit mais doit ordonner la retraite générale de l'armée sur l'île de Lobau, au milieu du Danube. Six semaines plus tard, Napoléon traverse le Danube à la tête d'une force considérable, pour attaquer les Autrichiens sur la plaine de Marchfeld. La bataille de Wagram qui s'ensuit voit les grenadiers à cheval en réserve lors de la première journée du combat19.

Toutefois, le deuxième jour (le ), les grenadiers à cheval, avec le reste de la cavalerie de la Garde, sont chargés de couvrir la colonne du général Macdonald qui se lance à l'attaque du centre autrichien. Après un succès initial, Macdonald voit une occasion de mettre en déroute les troupes qui se replient devant lui et, à cet effet, il demande une charge de la cavalerie de réserve de Nansouty, en invitant tous les autres commandants de cavalerie présents dans le secteur à faire de même. Les grenadiers à cheval, cependant, ne bougent pas et laissent ainsi passer l'occasion malgré la charge des chevau-légers polonais et des chasseurs à cheval de la Garde. Après la bataille, Macdonald s'emporte contre Walther et lui reproche son inaction. Ce dernier explique que ni le maréchal Bessières, ni l'Empereur, n'ont donné d'ordre pour une charge et que la Garde ne pouvait agir sans ordre direct de l'un des deux. Les tentatives de Macdonald pour expliquer qu'une telle attaque de la Garde aurait été décisive exaspèrent Walther qui salue et sort36.

Retour en Espagne

 
Louis Lepic (1765-1827). En 1811, il refuse de charger à la bataille de Fuentes de Oñoro, en l'absence d'ordre du maréchal Bessières. Huile sur toile de Louis-Charles Arsenne, 1842, musée de l'Armée.

Le , deux régiments provisoires de la cavalerie de la Garde sont renvoyés en Espagne, chacun d'eux comptant dans ses rangs un escadron de grenadiers à cheval. Par la suite ne subsiste qu'un seul escadron, rattaché au 2e régiment provisoire et commandé par Antoine Rémy. En 1811, il comprend 192 cavaliers et sert près de Valladolid37. Les grenadiers à cheval servent notamment sous Bessières dans le nord-ouest du pays, où celui-ci est censé soutenir l'armée du maréchal Masséna au Portugal. Ce dernier y combat le général Wellington mais il n'est pas en mesure de percer les lignes fortifiées de Torres Vedras et se retire à Almeida36.

Wellington fait l'erreur critique de le suivre et, le , il se retrouve dans une position délicate à la bataille de Fuentes de Oñoro. Masséna a besoin de Bessières et de l'ensemble de son corps d'armée pour pouvoir battre les troupes anglo-portugaises, mais Bessières n'apporte que des renforts symboliques : quelques escadrons de dragons et les grenadiers à cheval, 800 hommes en tout, sous le commandement du général Louis Lepic. Malgré cela, Masséna réussit à exploiter une faiblesse dans la ligne de Wellington, et ce dernier est sur le point d'être battu. Masséna charge son aide de camp, Nicolas Oudinot, de trouver Lepic et la cavalerie de la Garde, avec ordre de charger immédiatement. Mais Oudinot est bientôt de retour auprès du maréchal, en disant que Lepic reconnaissait seulement Bessières en tant que chef et qu'il ne chargerait pas sans son ordre. Bessières ne pouvant être trouvé, cette erreur permet à l'armée de Wellington d'échapper à la destruction36.

Campagne de Russie

En 1812, l'entrée imminente de la Grande Armée en Russie voit les grenadiers à cheval rappelés d'Espagne. Ils sont intégrés dans la 3e brigade de la cavalerie de la Garde, avec un effectif de 1 166 hommes, répartis en cinq escadrons commandés respectivement par Perrot, Mesmer, Rémy, Hardy et Morin. La première partie de la campagne de Russie, de juin à septembre, n'est rien de plus qu'une longue période de calme pour la Garde, qui n'est jamais engagée dans la bataille38 et est en mesure d'arriver sur le champ de bataille de Borodino afin d'écraser l'armée russe. Malgré les demandes insistantes des divers commandants français, Napoléon refuse d'engager la Garde si loin de la France39. À cette date, le régiment a déjà vu ses effectifs fondre de près d'un quart40.

Pendant le grand incendie de Moscou, les grenadiers à cheval sont utilisés en tant que policiers, en raison de leur réputation de discipline et de leurs normes morales élevées. À la mi-octobre, l'ensemble de la Grande Armée commence à sortir de la ville en ruine et la longue retraite vers la Pologne n'offre que des actions secondaires pour les grenadiers à cheval, qui ont pour mission d'assurer la protection du quartier général impérial38. Le lendemain de la bataille de Maloyaroslavets, l'escadron de service du régiment contribue à sauver l'Empereur d'une attaque des cosaques41. Les escarmouches, le froid et les privations pendant la retraite ont un grand impact sur le régiment et au moment de la bataille de la Bérézina, les grenadiers et les chasseurs à cheval réunis n'alignent plus que 500 combattants à cheval. Malgré cela, le moral reste bon partout38. Selon l'auteur Stephen Chappedelaine, le général Walther réussit à ramener ses grenadiers à cheval de Russie avec peu de pertes42.

Campagne d'Allemagne

 
Charge des grenadiers à cheval de la Garde contre les chevau-légers bavarois à la bataille de Hanau en 1813. Peinture de Richard Knötel.

Le régiment est réorganisé au début de l'année 1813 et n'est à nouveau disponible qu'en avril. Napoléon le passe en revue à Erfurt le . Trois jours plus tard, les grenadiers à cheval apprennent la mort de leur chef, le maréchal Bessières, tué au combat par un boulet à côté du village de Rippach43. À la fin mai, six escadrons de grenadiers à cheval sont présents à l'armée44. Le régiment combat brièvement à la bataille de Dresde et est impliqué dans le soutien de la Garde à pied afin de prendre le village de Reudnitz, lors de la bataille de Leipzig, en octobre43. Au cours du combat, le général Nansouty, qui commande la cavalerie de la Garde, se porte au secours de la division Durutte dont la situation se trouve compromise par la défection des unités saxonnes. Une charge menée par les grenadiers à cheval, les dragons et les lanciers de la Garde rétablit temporairement la situation dans ce secteur45.

Le seul engagement majeur de la campagne vient à la fin du mois d'octobre, lors de la bataille de Hanau. Comme les Austro-Bavarois commandés par Carl Philipp von Wrede tentent de bloquer la retraite de la Grande Armée vers la France, Napoléon est contraint d'engager ses troupes d'élite, haranguant personnellement les grenadiers à cheval au moment où ils s'apprêtent à entrer en action43. La cavalerie de la Garde charge et enfonce la nombreuse cavalerie ennemie. Une contre-charge de la cavalerie bavaroise met momentanément les grenadiers à cheval dans une situation périlleuse, mais ces derniers sont promptement dégagés par un régiment des gardes d'honneur46. Au cours de cette bataille, le colonel-major du régiment, le général Levesque de Laferrière, reçoit six coups de sabre à l'épaule et au bras, tandis que le lieutenant Guindey, célèbre pour avoir tué le prince Louis-Ferdinand de Prusse à la bataille de Saalfeld sept ans plus tôt, est tué. Un autre coup dur pour le régiment survient le , lorsque le commandant en chef du régiment, le général de division Frédéric Henri Walther, meurt d'épuisement à Kusel. Il est remplacé en décembre par le général de division Claude Étienne Guyot43.

Campagne de France

Des cavaliers avant la charge, sabre dressés.
 
Les grenadiers à cheval de la Garde avant la charge. Peinture de Victor Huen.

En 1814, la guerre se poursuit sur le sol français et commence dans de mauvaises conditions pour l'armée française, en sous-nombre et mal équipée. La cavalerie de la Garde, sous Nansouty, est donc mise à contribution plus souvent que jamais, jouant souvent un rôle clé dans les tentatives de Napoléon pour contrecarrer les plans de la coalition. Les grenadiers à cheval sont répartis en deux corps : l'un fort de 909 cavaliers affecté à la division de cavalerie du général Laferrière-Levesque ; l'autre comptant 401 hommes faisant partie de la cavalerie de réserve de la Garde commandée par Ney47. Ils constituent à ce moment, en terme d'effectifs, le plus gros régiment de cavalerie de la Garde impériale48. À La Rothière, en compagnie d'autres régiments de la Garde, les grenadiers se battent contre un ennemi à la supériorité numérique écrasante43. Lors de la bataille de Montmirail, ils chargent les carrés russes aux côtés des dragons de la Garde, sans grand résultat17, mais Pigeard les crédite de l'anéantissement de deux brigades russes43. À la fin de la bataille, le régiment compte 200 tués ou blessés dans ses rangs17.

Le lendemain, à Château-Thierry, ils chargent avec succès des batteries d'artillerie de l'armée de la coalition43. Deux jours plus tard, à Vauchamps, ils enfoncent les carrés de la division Kaptzevich et contribuent à la déroute de Blücher49. Ils participent ensuite à plusieurs affrontements importants, notamment à Craonne où, en s’élançant sur les troupes adverses, le colonel-major des grenadiers, le général Laferrière-Levesque, est blessé par une balle et a une jambe arrachée. Le régiment perd également l'un de ses officiers, le capitaine Kister43. Au total, 10 officiers des grenadiers à cheval sont tués ou blessés lors de cette bataille50. Leur dernière action de guerre de la campagne de 1814 a lieu à Méry-sur-Seine, où ils capturent un équipage de pont de l'armée de Bohême43.

Restauration et Cent-Jours

 
Les grenadiers à cheval de la Garde à Waterloo, par Alphonse Lalauze.

Après l'abdication de Napoléon et la Restauration des Bourbons, les grenadiers sont casernés à Blois, par ordonnance royale. Selon cette ordonnance, en date du , ils devaient être réorganisées en un « corps royal de cuirassiers de France »51. Sa composition est fixée par l'ordonnance du , soit un total théorique de 42 officiers et 602 hommes divisés en deux escadrons43. L'effectif est ainsi réduit de moitié tandis que la solde des cavaliers est amputée d'un quart52.

Le retour de Napoléon en France, à la fin du mois de , surprend le régiment à Arras. Celui-ci se met en route pour Paris et défile le devant l'Empereur53. Les grenadiers retrouvent peu après leur ancienne organisation et un effectif théorique de 1 042 officiers et soldats51. Cependant, au matin de la bataille de Ligny, le régiment ne compte que 44 officiers et 752 cavaliers54. Lors de la campagne de Belgique, le régiment forme, avec les dragons, la 2e division de cavalerie de la Garde commandée par le général Guyot53.

Leur seul engagement a lieu lors de la bataille de Waterloo. Le régiment y est tenu en réserve avec la cavalerie de Kellermann lorsque l'Empereur, afin de soutenir les cuirassiers de Milhaud et la cavalerie légère de la Garde aux prises avec les Anglais sur le Mont-Saint-Jean, décide d'engager la cavalerie lourde de réserve55,56. Les grenadiers à cheval, emmenés par Guyot, chargent à trois reprises les carrés britanniques mais essuient de lourdes pertes parmi lesquels le colonel-major Jean-Baptiste Jamin, tué à la tête de ses hommes par une décharge de mitraille, ainsi que deux lieutenants, Tuefferd et Moreau, et seize autres officiers blessés43.

Malgré la débâcle, les grenadiers à cheval se replient en bon ordre ainsi qu'en témoigne le capitaine Barton du 12e dragons légers britannique : « nous étions trop faibles pour faire une quelconque impression sur eux et ils se retirèrent du champ de bataille d'une manière fort majestueuse »57. Waterloo constitue le dernier fait d'armes du régiment, qui est dissous par les Bourbons à la Seconde Restauration, le 51.

Étendards

L'étendard du régiment est du modèle 1804 et a été fabriqué par la maison Picot. Le tissu est en soie et les inscriptions brodées en lettres d'or. L'emblème du 1er escadron, conservé au musée de l'Armée à Paris, porte à l'avers la mention « L'Empereur des Français au Régiment de Grenadiers à cheval de la Garde impériale » et au revers l'inscription « Valeur et discipline ― 1er escadron ». L'aigle du 2e escadron a également survécu et se trouve aujourd'hui au musée de l'Empéri de Salon-de-Provence58. En 1813, les grenadiers reçoivent un nouvel étendard qui comporte la liste des batailles et des capitales prises : Marengo, Ulm, Austerlitz, Iéna, Eylau, Friedland, Eckmühl, Essling, Wagram, Smolensk, Moskowa, Vienne, Berlin, Madrid et Moscou59.

Uniformes

 
Grenadier à cheval de la Garde en 1812, par Carle Vernet.

Les uniformes des grenadiers à cheval de la Garde sont confectionnés par le maître-tailleur Bosquet ; les bonnets à poil et les bottes sont quant à eux fabriqués respectivement par Maillard et Fabritzius. Si, par comparaison avec d'autres régiments de cavalerie de la Garde, les grenadiers à cheval arborent des tenues plutôt simples, les dépenses consacrées aux uniformes sont très élevées, de 210 000 francs supérieures (par an et en moyenne) à celles des dragons de la Garde. Les sommes allouées pour les chevaux sont également plus importantes compte tenu de la sévérité des critères présidant à la sélection des montures60.

Troupe

L'uniforme des grenadiers à cheval est relativement semblable à celui des grenadiers à pied61. Ils portent l'habit en drap bleu impérial, à collet en drap de fond, avec revers blanc. On peut observer des parements écarlates avec des pattes blanches. Les basques sont également écarlates et les retroussis ornés de quatre grenades brodées en laine aurore sur drap blanc. Le tour des poches en long est figuré par un passepoil écarlate. Les boutons en cuivre sont estampés de l'aigle impériale. La culotte et les gants sont en peau blanche et les bottes à l'écuyère62.

Les grenadiers à cheval portent un bonnet à poil63, confectionné en peau d'ours, avec jugulaires en cuivre62. Contrairement aux grenadiers à pied, leur bonnet à poil ne comporte pas de plaque de cuivre à l'avant, mais seulement un « cul de singe » en drap écarlate sur lequel est cousu un galon aurore en forme de croix. La coiffure est dotée d'un cordon raquette en laine aurore, d'un plumet écarlate ainsi que d'une cocarde en brin de laine tricolore. Cette dernière, conçue comme un pompon, comporte l'aigle impériale brodée en fil aurore63.

En tenue de ville, les grenadiers à cheval abandonnent leurs encombrants bonnets à poil au profit de bicornes en feutre taupé, qui ne sont pas sans rappeler la coiffure de l'Empereur lui-même. Tout comme le cordon du bonnet, les aiguillettes sont en laine aurore. Les ferrets sont boutonnés sur l'épaule droite à des contre-épaulettes, également en laine aurore, et passent à travers les boutonnières des revers de l'uniforme64.

La tenue des grenadiers à cheval pendant les Cent-Jours a fait l'objet de débats. Ronald Pawly écrit que l'unité, devenue Corps royal des cuirassiers de France sous la Première Restauration, a reçu durant cette période l'uniforme des cuirassiers tout en obtenant de conserver le bonnet à poil, l'aigle présente sur les boutons étant remplacée par une fleur de lys52. Selon cet auteur, « le régiment, bien que renommé grenadiers à cheval de la Garde impériale, fit campagne dans ses uniformes royalistes »65. Cette affirmation est cependant contestée par Pierre Juhel qui montre que seuls trois habits de cuirassiers ont été confectionnés et que, en conséquence, « les 752 grenadiers à cheval en bataille au matin de Ligny devaient être très réglementairement et traditionnellement habillés, équipés et harnachés »66. Il est en revanche probable que certains effets en usage dans les derniers mois de la campagne de 1814 ont dû être retouchés sous la Première Restauration avant d'être remis à l'ancienne norme lors du bref retour de Napoléon en 181567.

Armement et équipement

Les grenadiers à cheval disposent d'un sabre, d'un mousqueton, d'une giberne et de deux pistolets62. Le sabre est pourvu d'une garde de cuivre ornée d'une grenade, ainsi que d'un fourreau de cuivre, rendu plus léger grâce à deux crevés, réalisés de chaque côté du fourreau, recouverts de cuir noir68. La dragonne de sabre est en buffle blanc62.

Chevaux et harnachement

Les grenadiers à cheval montent des chevaux noirs, bais bruns ou encore alezans foncé62. Le tapis de selle en drap bleu, bordé d'un double galon aurore et d'un passepoil écarlate, est orné aux angles postérieurs de grenades qui sont remplacées par des couronnes à partir de 180861. La bride est celle de la cavalerie lourde, le filet est en laine jaune, le mors porte une grenade sur chaque bossette, le frontal ainsi que les rosettes de tête et de queue sont en laine rouge62.

Notes et références

Notes

  1. Tulard 1987, p. 860 relève qu'à cette époque, les « grenadiers » ne lancent plus de grenades mais que le nom est resté, distinguant des unités d'élite.

Références

Annexes

Bibliographie

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Articles connexes

 

Grenadiers à cheval de la Maison du Roi

 
 
 

 

Compagnie des Grenadiers à cheval
Image illustrative de l’article Grenadiers à cheval de la Maison du Roi
Halte de grenadiers à cheval de la Maison du Roi, (Charles Parrocel, 1737).
Les grenadiers a entourent leur Capitaine-Lieutenant, le marquis de Creil au siège de Philippsbourg.

Création 1676
Dissolution 1776
Pays Drapeau du royaume de France Royaume de France
Type Unité militaire
Effectif 130-150
Garnison Troyes
Devise «Undique terror, undique lethum»

La compagnie des Grenadiers à cheval est une unité de la Maison militaire du Roi créée par Louis XIV en 1676, principalement pour servir pour les guerres de sièges. C'est donc la seule compagnie de la Maison du Roi qui ne soit pas astreinte à servir à la cour.

Histoire

Règne de Louis XIV

Création

Au cours du XVIIe siècle, les avancées en matière de poliorcétique, notamment dues à Vauban, et la systématisation des méthodes d'approche de forteresses par les troupes assiégeantes rendent les sièges moins meurtriers. Toutefois, malgré une approche de la ville fortifiée économe en vie humaine, les assauts restent très violents. Pour être efficaces, ils doivent être effectués par quelques centaines de soldats, pour percer les lignes de défense ennemies. Les deux compagnies des mousquetaires du roi sont fréquemment utilisées pour attaquer bastions et demi-lunes. Cependant, plus de quatre-vingt mousquetaires sont tués (dont le célèbre capitaine-lieutenant de la première compagnie, D'Artagnan) au cours du siège de Maastricht. C'est trop pour un corps composé de jeunes seigneurs issus de la fine fleur de la noblesse et qui sert de pépinière d'officiers. De plus, les Gardes du corps, formant le corps le plus prestigieux de la Maison du roi, et cavaliers d'élite, se doivent de participer également aux assauts (mais à pied, comme pour les mousquetaires). Au cours d'un seul assaut à Maastricht, trente Gardes sont tués ou blessés sur la centaine engagés.

Louis XIV crée donc en décembre 1676 une nouvelle compagnie d'élite, les Grenadiers à cheval, pour servir durant les assauts aux côtés des Mousquetaires et des Garde du corps, et réduire ainsi la mortalité dans ces deux unités. La compagnie est ensuite montée dès les premiers mois de 1677, en intégrant des grenadiers d'infanterie.

Baptême du feu

Sitôt sur pied, elle effectue son baptême du feu au siège de Valenciennes, et joue un rôle décisif le 17 mars lors de la prise de la ville. Les Grenadiers à cheval attaquent avec tant d'impétuosité qu'ils devancent les autres troupes menant l'assaut avec eux, emportent l'ouvrage défensif qu'ils devaient prendre, et réussissent à gagner le rempart, et de là à abaisser le pont-levis, permettant aux Mousquetaires et au reste de l'armée d'investir la place. La compagnie participe ensuite au siège d'Ypres.

 
Ordonnance du roi Louis XVI du 15 décembre 1775 réformant la Compagnie des Grenadiers à cheval.

En 1691, les Grenadiers à cheval se distinguent à la bataille de Leuze. En effet, alors qu'ils sont principalement recrutés dans l'infanterie, ils chargent avec succès aux côtés des autres compagnies de la Maison militaire. Ils capturent cinq étendards aux ennemis. En récompense, le roi accorde une augmentation de l'effectif et du nombre d'officiers à la compagnie, mais également un étendard, et par conséquent une charge de porte-étendard. Dépendant administrativement des Garde du corps, ils n'en possédaient pas à leur création.

Cette bataille de Leuze voit toutefois mourir le capitaine-lieutenant de la compagnie, M. de Riotor.

Règne de Louis XV

Règne de Louis XVI

Dès le début de son règne, Louis XVI réduit les troupes de sa Maison militaire, dans un souci d'économie. La compagnie des Grenadiers à cheval est ainsi supprimée le 1er janvier 1776. Les Grenadiers sont mis à demi-solde en attendant d'être replacés dans d'autres troupes.

Composition

Le roi étant capitaine de la compagnie (comme des deux compagnies de Mousquetaires, et d'autres compagnies de sa Maison militaire), son commandant avait pour titre Capitaine-Lieutenant.

Encadrement

 
 167616911725
Capitaine-Lieutenant 1 1 1
Lieutenants 2 3 3
Sous-Lieutenants 2 3 3
Maréchaux des Logis 2 3 3
Sergents 4 6 -
Brigadiers 2 3 -
Sous-Brigadiers 4 6 -

Effectifs

À sa création, la compagnie est composée de 74 simples Grenadiers, pour un effectif total de 91 maîtres. Cet effectif est ensuite augmenté en temps de guerre et réduit en temps de paix. Il atteint son maximum avec 150 maîtres avec les augmentations d'effectifs accordés par le roi à la bataille de Leuze, la compagnie s'y étant distinguée en capturant cinq étendards. Les effectifs de la compagnie varient ensuite tout au long du XVIIIe siècle, entre 130 et 150 maîtres, au gré des ordonnances royales.

Recrutement

Insignes et équipement

Uniforme

A leur création, les Grenadiers à cheval portaient un uniforme très similaire à celui des grenadiers d'infanterie. Seule la couleur rouge de leur habit permettait de les en distinguer. Toutefois, leur habillement s'est spécifié pour devenir un uniforme leur étant propre : un habit bleu avec une doublure et des parements rouges, sur une veste rouge, avec des boutons et une boutonnière argentée. Les grenadiers à cheval portaient par-dessus une bandoulière de buffle galonnée d'argent, et un ceinturon également bordé d'argent. Leur culotte et leur bas étaient rouges. Enfin, ils portaient un bonnet de drap rouge garni de poils d'ourson noir, surmonté d'une plaque.

 
L'étendard des Grenadiers à cheval dans l'Abrégé chronologique et historique de Le Pippre de Nœuville.

Étendard

Un étendard fut accordé à la compagnie en 1691, à la suite de la bataille de Leuze. Il s'agissait une pièce carrée de taffetas blanc, brodée d'or, et représentait une carcasse (projectile de plusieurs dizaines de kilos chargé de grenades et de poix) qui crève en l'air et jette des grenades de feu. Il portait l'inscription « Undique terror, undique lethum », « Partout la terreur, partout la mort », la devise de la compagnie.

Liste des Capitaines-Lieutenants

Notes et références

Notes

  1. Selon le père Daniel, dans l'ouvrage cité dans les références (1721), il n'y aurait que deux frères Riotor, le premier mourant en 1691. Toutefois, Le Pippre de Noeuville, dans l'ouvrage cité dans les références (1734), mentionne ce frère intermédiaire dans la liste des capitaines-lieutenants de la compagnie, en faisant mourir le premier frère en 1678. Le Mercure galant et le Mercure hollandais de 1678 mentionnent que le capitaine Riotor est blessé à Ypres à la tête, mais ne parlent pas de sa mort ni de son remplacement. Prière donc de bien donner sa référence avant de valider ou invalider l'existence de ce frère intermédiaire.

Références

  1. Etat militaire de la France pour l'année 1775, disponible en ligne sur le site Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k737095?rk=64378;0# [archive]

Bibliographie

 

Grenadiers de chars

 
 
 
 
À gauche, un mannequin portant la tenue d'assaut complète d'un grenadier sous "Armée XXI". Le SIG-552 Commando équipe seulement les unités du DRA10.

Les grenadiers de chars sont des unités militaires d'infanterie blindée mécanisée incorporées dans les troupes blindées. Il s'agit d'un corps d'infanterie d'élite des troupes blindées de l'Armée suisse. Le terme est une traduction littérale de la dénomination allemande Panzergrenadier. Selon les pays, la désignation de ces troupes peut se nommer infanterie blindée1 ou infanterie mécanisée. Leur formation comprend une instruction adaptée à leur fonction au sein des troupes blindées en plus de leur formation d'infanterie d'élite. L'école de recrue se déroule dans les écoles de chars 21 de Thoune 2.

Mission

Les missions qui leur sont attribuées comprennent l'exploration armée, la défense des blindés, le nettoyage de poches de résistance, la fixation ou cassure d'un front, l'infiltration/exfiltration et les combats urbains3. Un accent particulier lors de l'entraînement est mis sur la lutte antichar, le combat urbain et le combat à mains nues (par exemple le close combat) et avec armes tranchantes.

Recrutement

Les critères d'incorporation dans cette troupe sont rigoureux et essentiellement fondés sur le volontariat. L'armée suisse exige un résultat d'au moins 90 points (sur 125)4 aux tests sportifs pour débuter l'école de recrue. Les abandons durant les sept premières semaines de formation sont particulièrement courants, même si le phénomène tend à s'estomper depuis la réforme "Armée XXI". En effet, en moyenne une recrue sur deux abandonne l'école de recrues de Grenadiers de char.

Description

 
Des chars de grenadier 2000 du Panzerbataillon 29 (de) en 2016, devenu Mechanisiertes Bataillon 29 en 2018.

Avec les chars de combat Leopards 2, les grenadiers de chars sont les troupes offensives des troupes blindée de l'armée suisse. Il s'agit de formations de choc et d'attaque ayant pour but de percer le front ennemi.

Ils opèrent en tête des formations mécanisées aussi bien sur un terrain découvert qu'en milieu urbain afin de faciliter le passage des troupes blindées. Équipés de lance-roquettes Panzerfaust 3, les grenadiers de chars peuvent détruire les unités blindées ennemies. Les autres armes sont le Fass 90, la grenade à main HG 85 (en), le lance-grenades additionnel (LGA), les TIFLU (tireur au fusil d'assaut à lunette), et les LMG 05 (FN Minimi). Comme l'indique leur nom, les grenadiers de chars se déplacent à l'intérieur de véhicule de combat d'infanterie. Il s'agit, depuis les années 2000, du Combat Vehicle 90 (CV9030), appelé localement char gren 2000 ou Spz 2000, qui donne une bonne mobilité tactique en zone confinée et permet un déploiement rapide des grenadiers directement à l'emplacement de la mission. L'armement embarqué de ce char comprend un canon Mk44 Bushmaster II de 30 mm, une mitrailleuse MG 51/00 (de) de 7,5 mm coaxiale et huit lance-tube nébulogènes (quatre sur les deux côtés de la tourelle). Tout cela est couplé aux divers systèmes optiques : vision nocturne, caméra thermique, caméras coaxiales. Le système d'arme embarqué est géré grâce à plusieurs joysticks et écrans plasma.

La version grenadier de ce véhicule transporte 11 hommes (1 conducteur, 1 pointeur-tireur, 1 commandant de char et 8 grenadiers embarqués). Les trois premières fonctions sont accomplies par des militaires formés au maniement du Char gren 2000, les "équipages" ou "besatze" , tandis que les 8 militaires débarqués appartiennent à des unités d'infanterie d'élite mécanisée, les "combats" ou encore "débarqués". Cette séparation dans les fonctions s'effectuent déjà lors du recrutement et les deux unités ne travaillent ensemble qu'à partir de la fin de leur école de recrue et essentiellement durant les cours de répétition.

 
Le char de grenadier 63/89 M113, monture des grenadiers de char de 1990 à 2005. On distingue l'emblème des grenadiers sur la tourelle.

Les grenadiers de chars subissent, depuis quelques années, de profondes modifications dans leurs méthodes d'engagement. Cela est dû à l'acquisition de nouveaux matériels. Premièrement, le vénérable char de grenadier 63/89 M113, (Spz 63/89) a été remplacé par le CV-9030, char de grenadier 2000, modifié par les suisses. L'armée suisse modifie toujours ses nouvelles acquisitions. Le CV-9030CH est maintenant plus grand (haut de plafond), a un meilleur rayon d'action et des optiques plus performantes d'origine américaine. De plus, l'État-major suit de très près les engagements de troupes similaires à l'étranger. Ainsi, de nombreuses modifications faites par l'armée américaine sur ses M2 Bradley ont été aussitôt adoptées sur le CV-9030. Deuxièmement, l'engagement de combats de nuit est devenu une constante dans l'entraînement de cette troupe. L'acquisition de lunettes ILR (Intensificateur de Lumière Résiduelle) pour chaque soldat ainsi que la dotation de caméra IR couplé au système d'arme du char a rendu possible cette évolution.

 
  1. Unités
 
Brigade blindée 11 sur l'aérodrome de Dübendorf en 2007

En 2018, les grenadiers de chars sont incorporés dans deux des trois brigades mécanisées. L'école de recrue se déroule à Thoune au sein de l'École de char 21 de la Formation d’application des blindés et de l’artillerie (FOAP) comme on l'a vu plus haut. chaque recrue est incorporée dans un bataillon (chaque bataillon a son écusson distinctif5).

Notes et références

  1. « Panzer Grenadier Badges » [archive], sur https://www.pinex.ch/fr [archive] (consulté le )

Article connexe

Garde royale (France)

 
 
 
Garde royale de France
Image illustrative de l’article Garde royale (France)
Garde royale, planche 47 du tome I des « Uniformes de l'armée française », par Constant Lienhart et René Humbert.

Création 1814
Dissolution 1830
Pays France
Allégeance France
Branche Infanterie
Cavalerie
Artillerie
Type Unité militaire
Rôle Protection du roi
Réserve d'élite
Effectif 25 000
Composée de Gardes suisses
Guerres Expédition d'Espagne (1823)
Trois Glorieuses (1830)
Batailles Trocadéro (1823)
Commandant historique Louis XVIII
Charles X

Sous la Restauration, une garde royale est créée pour assurer, en complément de la maison militaire, la protection du roi de France. Elle a servi Louis XVIII puis Charles X, avant d'être supprimée par Louis-Philippe.

La garde royale est considérée comme un corps d'armée d'élite, constitué de soldats vétérans et destiné à servir de réserve à l'armée royale lors des batailles.

Historique

Première Restauration

 
Portrait d'un mousquetaire du roi.

Lorsque Louis XVIII rentre en France en 1814, il entend redonner de l'éclat à sa maison. C'est avec cet objectif en tête qu'il crée un ministère de la maison du roi, confié à Pierre de Blacas. Ce dernier, secondé par Pierre Denniée, cherche alors à reconstituer la maison militaire telle qu'elle avait pu l'être sous l'Ancien Régime. L'ordonnance du entérine la création de plusieurs unités, dont certaines avaient déjà disparu avant la Révolution.

En 1814, la maison militaire du roi se compose ainsi :

La maison militaire proprement dite est ainsi formée d'environ 5 000 hommes, dont 4 629 cavaliers. Il faut également ajouter, pour la garde du roi, six régiments de corps royaux, composés de 2 758 fantassins et 2 574 cavaliers.

Louis XVIII utilise sa maison militaire pour rehausser son prestige. Par exemple, lors de la cérémonie de translation des dépouilles de Louis XVI et Marie-Antoinette, le , les mousquetaires sont employés et sont très remarqués pour leur prestance et la beauté de leur uniforme1.

Seconde Restauration

Après les Cent-Jours, la maison militaire est réorganisée et son effectif diminué. L'ordonnance du , supprime plusieurs unités, dont les gardes de la porte, les mousquetaires, les gendarmes et les chevau-légers. Les gardes de la prévôté sont licenciés le 2.

Parallèlement, Louis XVIII décide de la création d'une garde royale à partir des six régiments de corps royaux. La mission théorique de cette garde est de veiller, avec la maison militaire, à la protection du roi. Dans les faits, elle devient rapidement une unité combattante, à l'instar de la garde impériale. Réserve d'élite de l'armée, les hommes de la garde se doivent d'être irréprochables.

 
Les Suisses défendant le Louvre pendant les Trois Glorieuses.

Les effectifs de la garde sont fixés à 25 000 hommes, organisés en huit régiments d'infanterie – dont deux suisses – avec trois bataillons chacun et huit régiments de cavalerie avec six escadrons chacun. S'y ajoute un régiment d'artillerie de huit batteries (48 bouches à feu).

Le roi conserve le commandement théorique de la garde et se réserve le titre de colonel général. Il place à la tête de la garde royale quatre maréchaux avec le titre de majors généraux : le duc de Reggio, le duc de Bellune, le duc de Tarente et le duc de Raguse.

La garde royale s'érige en modèle de l'armée. Elle participe en 1823 à l'expédition d'Espagne et se montre digne du rang qui lui est assigné. La prise du Trocadéro est un de ses faits d'armes glorieux. En 1830 la portion de la garde royale qui se trouve à Paris lutte héroïquement pour défendre la monarchie.

La garde royale est licenciée, en même temps que la maison militaire le , à la suite des Trois Glorieuses et de l'expulsion de la branche aînée des Bourbon.

Formation et recrutement

 
Le jeune duc de Bordeaux inspectant les grenadiers de la garde.

Le fait d'être admis dans la garde royale est considéré comme une des plus importantes récompenses militaires de l'armée française. Louis XVIII, qui n'a pas confiance dans ce qui lui reste d'armée, met à son commandement surtout des émigrés, comme pour la maison militaire. Les officiers sont au choix du roi.

L'uniforme de ces corps est plus brillant que celui des troupes de ligne, leur solde plus forte, leur rang plus élevé, leurs droits plus étendus : le soldat y est assimilé au caporal, le caporal au sergent et ainsi de suite jusqu'aux grades les plus élevés. Cet avantage est retiré à la garde en 1826 mais les officiers sont, après quatre ans de grade, dotés du rang supérieur et lorsqu'ils obtiennent plus tard un emploi dans cet autre grade, ils prennent rang du jour où ils avaient dépassé ces quatre années exigées.

La garde royale se compose d'hommes d'élite choisis dans les corps de l'armée.

Composition

Maison du roi (6 compagnies)

 
Capitaine des gardes du corps du roi.

Infanterie (8 régiments)

 
Grenadier de la garde (Eugène Lami).

Cavalerie (8 régiments)

 
Cavalerie de la garde royale.

Artillerie (1 régiment)

 
Artillerie de la garde royale.

Articles connexes

Notes et références

  1. Jean-Baptiste Duvergier, Collection complète des lois, décrets et ordonnance, t. XXI, Paris, Guyot et Scribe, (lire en ligne [archive]), p. 149.

Cavalerie

 
 
 
 
Charge du 4e régiment de hussards français à la bataille de Friedland, le .

La cavalerie est l'arme des militaires ou des guerriers qui combattent à cheval. Historiquement, elle est la troisième plus ancienne des armes de combat (après l'infanterie et les chariots de guerre) et la plus mobile.

L'appellation de cavalerie n'est généralement pas utilisée pour les forces militaires qui utilisent d'autres montures (chameaux ou mules par exemple). Quant au concept d'infanterie montée (qui se déplace à cheval mais combat à pied), il apparaît au XVIIe siècle avec les dragons, une arme initialement à part mais qui s'intégrera par la suite dans la cavalerie dite de « ligne ».

Dès les premiers temps de son utilisation, la cavalerie offre l'avantage de la mobilité, qui en fait un instrument de guerre redoutable car elle permet de déborder et d'éviter l'adversaire, de surprendre et de vaincre, de battre en retraite et d'échapper à l'ennemi en fonction des besoins du moment. C'est aussi l'arme de la reconnaissance et des raids dans la profondeur. La monture confère au cavalier plusieurs avantages sur son adversaire à pied : vitesse, hauteur, masse et inertie lors du choc. Un autre facteur de supériorité résulte de l'impact psychologique de l'apparition du soldat à cheval sur le fantassin.

La mobilité et la capacité de choc de la cavalerie sont grandement appréciées et exploitées dans les différentes forces armées sous l'Antiquité et au Moyen Âge ; certaines forces étant principalement composées de cavalerie, en particulier dans les tribus nomades de l'Asie, comme les Mongols. Chez ces peuples de cavaliers se développe le concept de la cavalerie légère qui prône la vitesse et la surprise, avec des combattants montés, équipés et armés légèrement . En Europe, la cavalerie se dote au contraire d'armures lourdes et pesantes et les chevaliers agissent comme une cavalerie lourde, en privilégiant la recherche d'une action décisive au moyen d'un choc frontal. Au cours du XVIIe siècle, la cavalerie européenne abandonne l'armure, inefficace contre les fusils et les canons qui font leur apparition. Néanmoins, certains corps de cavalerie tels que les cuirassiers conservent une cuirasse petite et épaisse qui bénéficie d'une protection contre les lances et les sabres et une certaine protection contre les projectiles tirés à longue distance.

Durant la période entre les deux guerres mondiales, de nombreuses unités de cavalerie sont converties en infanterie motorisée ou en unités mécanisées et blindées. Cependant, la cavalerie sert encore pendant la Seconde Guerre mondiale, notamment dans les armées allemande, italienne, polonaise et soviétique, généralement sur les arrières du front. Actuellement, la plupart des unités de cavalerie montées servent dans des rôles de prestige, ou - beaucoup plus rarement - comme infanterie montée sur des terrains difficiles comme les montagnes ou les zones densément boisées. L'utilisation moderne du terme se réfère à des unités spécialisées dotées de chars (« cavalerie blindée ») ou d'aéronefs (« cavalerie de l'air »).

Historique

Origine et développement

 
Peigne en or gréco-scythe représentant un cavalier scythe dans une bataille. IVe siècle av. J.-C., Musée de l'Ermitage.

Les Scythes, peuples indo-européens d'éleveurs nomades en Eurasie centrale dans l'Antiquité, développent la cavalerie montée légère et utilisent des arcs à la fois courts et puissants en raison de leur forme. Auparavant, les chevaux servaient surtout à tirer des chars de combat mais n'étaient pas encore montés de façon régulière. Les traditions scythiques de cavalerie montée seront reprises des siècles plus tard au Moyen Âge par les peuples turcs puis mongols, originaires d'Asie orientale, et permettront à Genghis Khan et ses troupes de conquérir l'Asie centrale à leur tour, ainsi que la Chine et une partie de l'Europe au XIIIe siècle en formant ainsi l'Empire mongol1,2.

Dans l'Antiquité, Alexandre le Grand fait usage de sa cavalerie pour manœuvrer rapidement par les flancs et attaquer le général ennemi ou l'arrière des phalanges selon la tactique du marteau et de l'enclume. Le cavalier est armé d'une lance tenue au-dessus de l'épaule avec laquelle il harponne l'adversaire, mais qui peut aussi servir d'arme de jet, la vitesse du cheval s'ajoutant à celle du lancé.

 
Cavaliers Normands jetant leurs lances. Tapisserie de Bayeux, XIe siècle.

La cavalerie a longtemps été un moyen de reconnaissance ou de communication entre les différents corps d'armée plutôt qu'une réelle force de combat. Le coût de l'entretien d'un cheval était tel que bien peu de personnes étaient capables de l'assumer. La cavalerie pose aussi d'importants problèmes logistiques. La présence des animaux implique la construction d'enclos, le transport de fourrage, l'emploi de palefreniers… Mais la force d'un corps de cavalerie face à des fantassins est telle que très rapidement les armées s’organisent pour avoir un certain nombre de ces soldats en soutien des troupes plus classiques.

Les Romains recrutent ainsi l'essentiel de leur cavalerie chez les auxiliaires barbares qui sont souvent d'anciens ou futurs adversaires. Les peuples scythes, et notamment les Sarmates, ont également développé des races de chevaux plus puissantes qui permettront de développer les premières cavaleries lourdes et les premiers cataphractaires, qui seront rapidement adoptés par les Perses et les Parthes puis les Romains. Un élément de cavalerie lourde, protégé d'une épaisse cotte de maille est chargé de briser les formations d'infanterie adverse3. La cavalerie lourde, coûteuse, sera surtout le signe d'une cavalerie de guerre aristocratique et deviendra un des fondements des chevaliers du Moyen Âge européen et de la féodalité.

Avec l'apparition progressive des rênes, du mors, et surtout des étriers qui permettent de se dresser sur les jambes et donc d'avoir plus de force lors de l'impact d'une charge, la cavalerie devient un enjeu stratégique pour les armées (voir toutefois la Grande controverse de l'étrier). L'infanterie montée, bien qu'elle se batte à pied, permet aussi de déployer des troupes rapidement sur de longues distances.

Dans les armées féodales, la cavalerie était presque exclusivement composée de nobles, seuls capables d'acheter et de financer l'entretien de leurs chevaux. Cette tradition perdura assez longtemps mais finira par se restreindre au corps des officiers (toujours obligés de financer leur équipement, à l'opposé de la troupe). La cavalerie avait donc acquis un statut de prestige.

Face aux murs de boucliers et piques à une main de l'infanterie, la lance du cavalier s'allonge et se cale sous le bras. L'armure se renforce et la cotte de maille se recouvrera progressivement de plate. La charge coordonnée de chevaliers devient un outil de percussion visant à briser la ligne de l'adversaire. La cavalerie lourde sera considérée pendant tout le Moyen Âge comme une arme décisive et les batailles tournaient souvent à l'avantage du camp qui en possédait le plus grand nombre. C'était particulièrement vrai pour les batailles en plaine.

Pour contrer la cavalerie, la tactique s'oriente vers la défensive, avec des forts en pierres ou des palissades de bois temporaires. À Crécy et Azincourt, les chevaux de la cavalerie française se font massacrer par les archers anglais équipés de leur arc long (long bow) en bois d'if, et les pieux et fossés qu'ils ont placés devant eux.

Les armures lourdes se démocratisent et les boucliers deviennent moins utiles, libérant la deuxième main. La cavalerie lourde des chevaliers devient fréquemment tenue en échec par une version modernisée de la phalange grec : des masses solidaires d'infanterie lourde couvertes d'armures de plates et équipées de longues piques ou de hallebardes. Les troupes mercenaires suisses, des professionnels de la guerre, en font leur spécialité. À ces formations défensives viennent s'adjoindre les arbalètes, puis les armes à feu qui leur donnent des capacités offensives à distance.

Les armes à feu apparaissent en Europe au Moyen Âge central (XIe au XIIIe siècle) : couleuvrine, arquebuse et pistolet. La cavalerie doit évoluer, et les chevaux lourds sont écartés au profit de chevaux puissants et légers, les armures sont abandonnées au profit de cottes légères et de minces cuirasses

XVIIe siècle

Au XVIIe siècle, avec la venue des armes à feu, apparaît l'escadron, qui se forme en profondeur (avec des tactiques comme la caracole, chaque rang se servant successivement de ses pistolets avant d'aller se reformer à l'arrière de la formation). Les évolutions se font alors surtout au pas ou au trot[réf. souhaitée]4.

Mais si l’apparition des armes à feu a semblé mettre un terme à la prééminence du choc (c'est-à-dire de la charge), à partir du XVIIe siècle5, l’arme blanche redevient progressivement l’arme de choix. et le format des escadrons évolue en conséquence. Ainsi, aux lourds escadrons « carrés » de plusieurs centaines d’hommes sur une dizaine de rangs et plus de l’époque des reîtres et de la caracole, vont succéder des escadrons sur quatre, puis trois, puis à partir de la guerre de Sept Ans, sur deux rangs.

XVIIIe siècle

 
Échantillon de la cavalerie de l'armée napoléonienne lors d'une reconstitution de la bataille de Waterloo : hussards, chasseurs à cheval, chevau-légers lanciers polonais, grenadiers à cheval, dragons.

Par la suite, le sabre remplace l’épée et devient l’arme principale pour la charge qui, au XVIIIe siècle, est conduite – ou achevée – au galop.

À cette époque la lance ne joue plus depuis longtemps qu’un rôle marginal (même si Napoléon, impressionné par les lanciers polonais, intégra un de leurs régiments à la Garde impériale et recréa des unités de lanciers). Enfin, tous les cavaliers sont équipés d’un ou deux pistolets et d’une carabine ou d’un mousqueton (ou d’un fusil – plus long et plus lourd - dans le cas des dragons qui étaient censés combattre aussi bien à pied qu’à cheval).

Au fil de l'histoire, différentes composantes de cavalerie sont apparues :

XIXe siècle et XXe siècle

 
Richard Caton Woodville, Poniatowski's Last Charge at Leipzig (1813).

L’avènement des armes à tir rapide au XIXe siècle transforme profondément le caractère de la guerre à cheval en Europe (le cheval conservera néanmoins un rôle non négligeable jusqu’au XXe siècle dans certains conflits, notamment coloniaux)6.

La toute dernière charge de cavalerie effectuée en Europe occidentale fut celle de Burkel (Belgique).

La question du rôle - et même de l'utilité - de la cavalerie sur le champ de bataille se pose et la doctrine d'emploi fluctue entre le maintien et la disparition de la charge (en France, au début du XXe siècle, il est courant d'entendre que « la cavalerie manœuvre à cheval mais combat à pied »).

L'infanterie est plus lente mais elle dispose désormais des moyens de contrer n'importe quelle charge de cavalerie. Les dernières charges de cavalerie à cheval se soldent par des hécatombes qui forcent les armées à se concentrer sur l'infanterie et l'artillerie.

Le cheval prend alors un rôle nouveau dans l'armée et sert presque exclusivement au transport, avant d'être également remplacé dans ce rôle par le véhicule automobile. Quelques armées conserveront cependant des troupes à cheval jusqu'à la Seconde Guerre mondiale.

 

En France

 
Le régiment de cavalerie de la Garde républicaine attendant d'ouvrir le défilé des troupes montées, défilé du 14 Juillet 2008 sur les Champs-Élysées, Paris.

En France, les formations héritières de la cavalerie seront regroupées dans l'arme blindée et cavalerie en 1943 (le saint protecteur de la cavalerie française reste saint Georges, de là vient le proverbe : « Par saint Georges, vive la cavalerie ! »).

De nos jours, la cavalerie est utilisée comme symbole de prestige et de nombreuses armées conservent un corps monté pour les défilés et les représentations officielles. Les régiments de l'Arme blindée et cavalerie en sont les héritiers dans les armées modernes.

À Paris

La défense de Paris a toujours reposé sur un système de complexes fortifiés. Paris n'a jamais eu de grande garnison de cavalerie. Sa garnison fut principalement armée par des troupes à pied, par les servants des pièces d'artillerie et par les sapeurs et unités du génie spécialistes des fortifications7.

Cependant, la cavalerie demeura bien présente dans la capitale, le cheval étant la monture des hommes de pouvoir et de leur entourage jusqu'au maréchal de Mac-Mahon. Omis lors des émeutes populaires où elle fut combattante, la cavalerie à Paris fut d'abord un service de Cour qui assurait la sécurité, la garde et l'escorte des souverains dont elle rehaussait le prestige. L'armée montée participait aux manifestations de prestige, aux couronnements et investitures, aux réceptions de chefs d'État, ainsi qu'aux grands évènements sportifs comme les courses. Elle figurait dans les manifestations publiques tels les défilés et les revues7.

Sous l'Ancien Régime, la cavalerie à Paris se confondait avec l'organisation et le service de la Maison du roi. Lorsque Louis XIII créa en 1622 le corps des Mousquetaires, seule une partie servait à cheval. Affectés à la garde du roi, ils participaient aux campagnes militaires et quittaient alors Paris. Les chevaux étaient logés et soignés dans les deux hôtels affectés aux mousquetaires, l'hôtel des Mousquetaires gris construit en 1671 dont la façade se situait rue du Bac, et l'hôtel des Mousquetaires noirs rue de Charenton. Le licenciement des mousquetaires en 1776 par Louis XVI mit fin provisoirement à la présence d'une charge à cheval affectée au souverain. L'École de Mars créée en 1794 compta des cavaliers dans ses rangs7.

Les unités de cavaleries revinrent réellement à Paris avec la création de la Garde consulaire, remplacée par la Garde impériale. La cavalerie de la Garde préposée au service est logée dans l'abbaye de Penthémont, à l'angle des rues de Grenelle et de Bellechasse qui pouvait contenir au maximum 169 chevaux. Ces locaux furent occupés jusqu'en 1848. Les autres nombreux régiments de la Garde, dont les détachements se succédaient à Paris, y tinrent peu garnison. Ils venaient pour les revues et les réceptions aux troupes après les campagnes. Napoléon avait envisagé en 1812 de faire construire de part et d'autre du Champ de Mars une cité administrative comprenant des quartiers de cavalerie, mais n'eut pas le temps de mener ce projet à son terme7.

La cavalerie des coalisés envahit Paris en 1814. Les cosaques bivouaquèrent alors sur les Champs-Élysées.

Pendant la Restauration et la Monarchie de Juillet, la cavalerie se fixa à Versailles. Lors des émeutes parisiennes de la première moitié du XIXe siècle, les cavaliers furent guère efficaces dans une guerre de rue impossible à mener à cheval. Ils répugnaient à mener des combats contre des civils, le maintien de l'ordre étant dévolu normalement à la Garde nationale7. Jusqu'à l'avènement de la IIIe République, le souverain organisa des parades à cheval. Ainsi, Charles X et Louis-Philippe aimaient se montrer à cheval en public entourés de leur garde à cheval.

Au Second Empire, la garnison parisienne comprenait la Garde impériale et une division de cavalerie logée à Paris ou à proximité. Plusieurs unités tenaient garnison aux environs et étaient susceptibles de se déplacer pour les services et manifestations programmées. Les dragons de l'impératrice étaient ainsi à Fontainebleau ; les guides, les chasseurs et les cuirassiers se déplaçaient entre Meaux, Compiègne, Melun et Fontainebleau. Seuls l'escadron des Cent gardes et les gendarmes d'élite demeuraient en permanence dans Paris, à Penthémont, dans la nouvelle caserne de la Cité à partir de 1867 et pour un seul escadron, à Orsay et aux Célestins. La cavalerie de ligne était cantonnée dans les forts de l'enceinte et à Vincennes. Les deux régiments de dragons étaient dans Paris intra muros. L'importance des troupes montées ne cessa de grandir sous Napoléon III. Le décret du 1er mai 1854 limitait la cavalerie de la Garde à deux régiments, les cuirassiers et les guides. Dès 1855, son effectif est accru à une division de cavalerie comportant trois brigades. Elle comprit au total deux régiments de cavalerie lourde composée de cuirassiers, et quatre régiments de cavalerie légère, un de dragon, un de lanciers, un de chasseurs et un de guides. Les guides escortaient l'empereur et son entourage lors des solennités. Lors de l'attentat d'Orsini en 1858, une quinzaine de cavaliers furent blessés7.

Avec la IIIe République, les services protocolaires de la cavalerie sont plus restreints et plus distants. Les unités de cavalerie interviennent lors de l'accueil des chefs d'État étrangers ainsi que lors des déplacements des plus hautes autorités militaires. Progressivement ces services sont confiés à la seule Garde républicaine qui possède un régiment à cheval n'ayant pour autant jamais appartenu à la cavalerie. Des unités de cavalerie combattantes subsistèrent à Paris et dans sa périphérie, notamment à Vincennes, jusqu'à la fin de la IIIe République. Elles participaient aux défilés et manifestations purement militaires qui se déroulaient dans la capitale, tels la présentation à l'étendard, les revues des troupes et les défilés lors de la fête nationale7.

Le cheval de cavalerie

Le cheval de cavalerie doit être un cheval de guerre possédant une grande vitesse, une puissance de choc, une aptitude à la poursuite, à la reconnaissance et aux patrouilles. Contre une batterie ou un carré de fantassins, la cavalerie ne peut l'emporter que par une extrême rapidité dans l'approche, le contact permettant de disloquer les rangs ennemis. Pour ce faire, la cavalerie doit donc exécuter de grandes actions coordonnées8.

En France

La cavalerie légère, chasseurs et hussards, était montée en chevaux légers et la cavalerie lourde, cuirassiers et dragons, en chevaux puissants. Le travail des cavaliers se focalisait principalement sur les manœuvres et les mouvements d'ensemble9.

Jusqu'à la Renaissance, le destrier était caparaçonné, robuste et fort. Le dressage du cheval est une nécessité du commandement individuel et est basé sur la croyance que le cheval est un être pensant10.

À partir du règne de Louis XIII, les grands seigneurs abandonnent l'élevage pour fréquenter la Cour. Les races françaises de chevaux dégénèrent et se perdent, l'armée recourt aux races étrangères et notamment aux andalous. Pour remédier à cet état et normer les chevaux utilisés par les troupes à cheval, Colbert crée les étalons royaux le 17 octobre 1665. Ces étalons sont marqués d'un « L » couronné à la cuisse. Les troupes à cheval se hiérarchisent et s'uniformisent sous l'autorité du roi pour devenir un corps homogène, la Cavalerie10.

Notes et références

  1. Général Pierre Durand, L'équitation française, mon choix de cœur et de raison, Arles, Actes Sud, , 207 p. (ISBN 978-2-7427-7630-6)

Voir aussi

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Bibliographie

Ouvrages généraux

Ouvrages par période

Antiquité
Moyen Âge
Philippe Contamine, La guerre au Moyen âge, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Nouvelle Clio / l'histoire et ses problèmes », , 516 p. (ISBN 978-2-13-050484-9).
Époque moderne
Cdt Louis-Auguste Picard, La cavalerie dans les guerres de la Révolution et de l'Empire, Paris, Teissèdre, coll. « bicentenaire de l'épopée impériale / Études », , 2 volumes, 419 et 406 pages (ISBN 978-2-912259-48-6).
Époque contemporaine

Articles connexes

Liens externes

Cavalerie de la Garde impériale (Premier Empire)

 
 
 
Cavalerie de la Garde impériale
Image illustrative de l’article Cavalerie de la Garde impériale (Premier Empire)
Un capitaine des chasseurs à cheval de la Garde impériale lors d'une parade, par Georges Scott. Redoutables cavaliers, les chasseurs à cheval de la Garde comptent parmi les unités favorites de Napoléon.

Création 1804
Dissolution 1815
Pays Drapeau de la France France
Allégeance Drapeau de l'Empire français Empire français
Type Unité militaire
Rôle Cavalerie
Fait partie de Grande Armée
Guerres Guerres napoléoniennes
Commandant historique Jean-Baptiste Bessières
Étienne Marie Antoine Champion de Nansouty
Augustin-Daniel Belliard
Horace Sébastiani

La cavalerie de la Garde impériale correspond à l'ensemble des unités militaires de cavalerie appartenant à la Garde impériale de Napoléon Ier. Unité combattante d'élite, elle devient la réserve ultime de l'armée. Elle est utilisée, en dernier ressort, pour donner le coup de grâce ou débloquer une situation périlleuse.

En 1804, la cavalerie de la Garde impériale est initialement composée de trois unités : les grenadiers à cheval, les chasseurs à cheval et les mamelouks. Par la suite, d'autres corps de cavalerie intègrent la Garde impériale, comme les dragons en 1806, les lanciers polonais en 1807, les lanciers rouges en 1810, les lanciers lituaniens et les tartares lituaniens en 1812, ainsi que les éclaireurs en 1813. D'autres unités de cavalerie sont rattachées à la Garde impériale ou servent statutairement à ses côtés, comme les gendarmes d'élite, les gendarmes d'ordonnance, les chevau-légers de Berg ou encore les gardes d'honneur.

À l'apogée du Premier Empire en 1812, la Garde impériale compte environ 7 000 cavaliers, quand la Grande Armée dans son intégralité en compte approximativement 77 000. De sa création jusqu'en 1813, la cavalerie de la Garde est commandée par le maréchal Jean-Baptiste Bessières, duc d'Istrie. Tué par un boulet au début de la campagne d'Allemagne, son commandement est relevé par le général Nansouty.

Unités organiques

La Garde impériale est constituée au début du Premier Empire par décret impérial du , remplaçant la garde consulaire. Trois unités de cavalerie en font initialement partie : le régiment des chasseurs à cheval, le régiment des grenadiers à cheval et la compagnie des mamelouks (rattachée aux chasseurs à cheval). Les gendarmes d’élite font également partie de la Garde impériale, mais leur rôle et leurs missions diffèrent de ceux des autres unités. En 1806, le régiment des dragons est créé. Le régiment des lanciers polonais est formé en 1807, le recrutement étant effectué dans la noblesse polonaise. Ils ne disposent de la lance qu’en 1809, après la bataille de Wagram.

En 1810, un nouveau régiment de lanciers, les lanciers rouges, est formé à partir du régiment de hussards de la Garde hollandaise. En 1812, un troisième régiment de lanciers, les lanciers lituaniens, est recruté, ainsi qu'un escadron de tartares lituaniens. En 1813, trois régiments d’éclaireurs, armés de la lance, sont formés. Le premier est rattaché aux grenadiers à cheval, le deuxième aux dragons et le troisième aux lanciers polonais.

Les grenadiers à cheval, les chasseurs à cheval, les mamelouks, les dragons, les lanciers polonais et le 1er escadron du 1er régiment d'éclaireurs font partie de la prestigieuse Vieille Garde.

Grenadiers à cheval

 
Grenadiers à cheval de la Garde impériale. Gravure d'Hippolyte Bellangé.

L'origine des grenadiers à cheval remonte en octobre 1796, lorsque le gouvernement français décide d'incorporer à la Garde du Directoire une unité à cheval : un corps de deux compagnies, totalisant 112 cavaliers, est créé1. L'année suivante, cette unité reçoit le nom de grenadiers à cheval et après le coup d'État du 18 brumaire, elle devient la première formation de cavalerie de la Garde consulaire1.

En 1804, avec l'instauration du Premier Empire, le corps des grenadiers à cheval de la Garde des consuls devient le régiment des grenadiers à cheval de la Garde impériale, qui comprend quatre escadrons pour un effectif total de 1 018 cavaliers2. Ils participent à la campagne d'Autriche de 1805 et se distinguent particulièrement à Austerlitz, où leurs charges contre la cavalerie de la Garde russe, en compagnie des chasseurs et des mamelouks, se révèlent efficaces et permettent de repousser la contre-attaque du grand-duc Constantin3. Absents lors de la campagne de Prusse, ils se rattrapent à la bataille d'Eylau, lorsque le colonel Lepic et ses grenadiers parviennent à s'extraire de l'encerclement en se frayant un passage jusqu'aux lignes françaises4. Le régiment part ensuite pour l'Espagne mais n'y est pas beaucoup employé. En 1809, les grenadiers à cheval sont présents à Essling et Wagram. Leur effectif est porté à cinq escadrons en 1812, à la veille de la campagne de Russie5,2. Au cours de cette dernière, ils déplorent de fortes pertes et le régiment est réduit à quatre escadrons en février 18132. Il combat par la suite lors de la campagne d'Allemagne et pendant la campagne de France, notamment à Vauchamps et Craonne.

Sous la Première Restauration, les grenadiers à cheval reçoivent la dénomination de Corps royal des cuirassiers de France. Pendant les Cent-Jours, le régiment reprend son ancien nom et participe à la campagne de Belgique de 1815, où il charge les carrés britanniques à la bataille de Waterloo. Le corps des grenadiers à cheval est finalement dissous le durant la Seconde Restauration2.

Chasseurs à cheval

 
Chasseurs à cheval de la Garde impériale escortant l'Empereur, par Job.

Le , pendant la première campagne d'Italie, le général Napoléon Bonaparte ordonne la création d'une compagnie de guides à cheval, chargée de sa protection et de celle de l'état-major. Le capitaine Bessières, du 22e régiment de chasseurs à cheval, prend le commandement du corps, avec la possibilité de nommer ou renvoyer des soldats pour son unité6. La compagnie des guides s'illustre notamment à Arcole, avant de prendre part à la campagne d'Égypte où elle charge au Mont-Thabor et à Saint-Jean-d'Acre. Après le retour de Napoléon en France et l'instauration du Consulat, la compagnie des guides devient la compagnie des chasseurs à cheval de la Garde consulaire ; le capitaine Eugène de Beauharnais en devient le commandant7.

En 1804, Napoléon devient empereur et instaure la Garde impériale. La compagnie des chasseurs devient le régiment des chasseurs à cheval de la Garde impériale, organisé en quatre escadrons totalisant 1 018 hommes, auxquels est adjoint la compagnie des mamelouks8. L'unité est engagée dans la campagne d'Autriche en 1805, sous le commandement du colonel Morland : à Austerlitz, ils repoussent la cavalerie de la Garde russe conjointement avec les grenadiers à cheval et les mamelouks, au prix de 22 tués dont Morland9. Le régiment ne participe pas activement à la campagne de Prusse en 1806, mais l'année suivante, il charge l'infanterie russe à Eylau sous les ordres du général Dahlmann qui est mortellement blessé. En 1808, le général Lefebvre-Desnouettes prend le commandement des chasseurs à cheval de la Garde. La même année, ces derniers prennent part à la guerre d'Espagne et contribuent à la répression du soulèvement du Dos de Mayo10. Vaincus à Benavente, les chasseurs s'acheminent vers l'Europe centrale et se distinguent à la bataille de Wagram, où ils mettent en déroute la cavalerie autrichienne en compagnie des chevau-légers polonais11.

En 1812, pendant la campagne de Russie, les chasseurs à cheval de la Garde protègent Napoléon lors du combat de Gorodnia, repoussant les cosaques avec l'aide des autres régiments de la cavalerie de la Garde12. À la fin de la campagne, l'unité ne compte plus que 209 cavaliers mais les effectifs sont augmentés et les chasseurs participent aux campagnes d'Allemagne et de France, notamment à Leipzig, Hanau, Montmirail et Craonne. À la Première Restauration, les chasseurs à cheval de la Garde deviennent le Corps royal des chasseurs de France avant de reprendre leur ancien nom durant les Cent-Jours, où ils chargent à Waterloo13. L'unité des chasseurs à cheval de la Garde impériale est finalement dissoute entre le 26 octobre et le 6 novembre 1815, lors de la Seconde Restauration.

Mamelouks

 
Le chef d'escadron Kirmann à la tête des mamelouks. Illustration de Tanconville.

En 1798, pendant la campagne d'Égypte, le général Napoléon Bonaparte affronte les mamelouks, des cavaliers assujettis depuis plusieurs siècles à l'Empire ottoman. Impressionné par leurs qualités de soldats, il décide d'incorporer une unité similaire dans l'armée française14. Ces mamelouks suivent le corps expéditionnaire lors de son retour en France et, le , un décret ordonne la création d'un escadron de mamelouks de 240 soldats intégré à la Garde consulaire, chiffre qui est ensuite ramené à 150 le 15. Le commandement en revient au colonel Jean Rapp, aide de camp de Napoléon. Le , l'escadron aligne 13 officiers et 155 hommes16. En 1804, les mamelouks ne forment plus qu'une compagnie, adjointe aux chasseurs à cheval de la Garde impériale17.

Prenant part à la campagne d'Autriche de 1805, les mamelouks se distinguent particulièrement à Austerlitz : alors que l'infanterie française est malmené sur le plateau de Pratzen par la cavalerie de la Garde russe, l'Empereur ordonne au maréchal Bessières de charger avec la cavalerie de la Garde impériale, tenue en réserve. Une première attaque des chasseurs et des grenadiers ayant échoué, les mamelouks s'élancent à leur tour, enfoncent un carré russe et s'emparent d'une batterie18. Après cet engagement, Napoléon accorde une aigle à la compagnie. Les mamelouks participent ensuite à la campagne de Prusse et de Pologne où ils sont présents à la bataille d'Eylau. Lors de la guerre d'Espagne, ils jouent un rôle actif à la répression du soulèvement du Dos de Mayo, où ils s'attirent la haine des Espagnols qui voient en eux les descendants des Maures19. En 1812, la compagnie est engagée dans la campagne de Russie, toujours à la suite des chasseurs, et y subit de lourdes pertes. Réorganisés sous la forme d'un escadron en 1813, les mamelouks combattent durant la campagne d'Allemagne, à Dresde et Hanau, et celle de France, à Montmirail, Saint-Dizier et Paris.

Sous la Première Restauration, l'escadron est incorporé au Corps royal des chasseurs de France, puis est reformé par décret pendant les Cent-Jours. Après la seconde abdication de Napoléon, les derniers mamelouks regagnent le dépôt des réfugiés à Marseille où ils sont presque tous massacrés par la population royaliste20.

Dragons

 
Dragons de la Garde impériale. Illustration de Job.

La création du régiment des dragons de la Garde impériale remonte au mois d'avril 1806 : satisfait de la participation des dragons de la ligne à la campagne d'Autriche de 1805, Napoléon décrète la formation d'un régiment de dragons intégré à la Garde impériale21. L'unité est organisée en quatre escadrons à deux compagnies chacun, et l'Empereur nomme personnellement les officiers du corps, issus de la Garde ou de la ligne22. Le régiment est placé sous les ordres du colonel Arrighi de Casanova23.

Quelques mois plus tard, ils sont présents à la bataille de Friedland, où ils constituent le flanc gauche de la formation de la cavalerie de la Garde24. Lors de la campagne de Russie, notamment à Maloyaroslavets et à la Bérézina, le régiment est presque entièrement décimé en couvrant les troupes françaises lors de la retraite de Russie25. En 1813, les dragons participent à la bataille de Leipzig ainsi qu'à celle de Hanau. Lors de la deuxième bataille de Saint-Dizier en 1814, accompagné d'un peloton de mamelouks, ils délogent les soldats ennemis de leurs positions et s'emparent de 18 pièces d'artillerie26.

Lors de la Première Restauration, le régiment est transformé en Corps royal des dragons de France. Au retour de Napoléon pendant les Cent-Jours, le régiment retrouve son organisation antérieure. Le , ils s'élancent sous les ordres du maréchal Ney contre les carrés britanniques positionnés sur le Mont-Saint-Jean, où ils subissent de lourdes pertes face au tir précis de l'infanterie britannique. À la fin de la campagne de Belgique, le régiment déplore la mort de 25 officiers et près de 300 soldats. Le régiment est finalement dispersé après la seconde abdication de Napoléon25.

Lanciers polonais

 
Officier supérieur et lancier polonais en grande tenue. Illustration de Richard Knötel.

En 1807, après avoir battu la Prusse, Napoléon fait son entrée dans Varsovie ; il y est escorté par une garde d'honneur polonaise à l'allure fringante et composée de nobles. Séduit, l'Empereur décrète le la création d'un régiment de chevau-légers polonais intégré à la Garde impériale et placé sous les ordres du colonel Krasiński27,28. Composée de 968 hommes sans expérience militaire, l'unité est encadrée par des officiers de la cavalerie de la Garde, tels que les deux colonels-majors29.

Au fur et à mesure de leur formation, les détachements polonais se dirigent vers le dépôt de Chantilly puis en direction de l'Espagne où ils doivent combattre29. Ils sont présents à Medina de Rioseco, puis à Burgos sous les ordres du général Lasalle30. Alors que Napoléon marche sur Madrid, il est bloqué le au col de Somosierra par les troupes du général Benito de San Juan. L'infanterie se révélant incapable d'emporter la position, l'Empereur ordonne au 3e escadron des chevau-légers polonais de charger31. Commandés par Kozietulski, les Polonais subissent de lourdes pertes dues au feu de l'infanterie et de l'artillerie espagnoles, mais parviennent à capturer les batteries adverses32. Leur intervention décisive est saluée par Napoléon qui donne au régiment le rang de Vieille Garde. Rentrés en France, les chevau-légers participent à la campagne d'Autriche de 1809, en particulier à Wagram où ils culbutent les uhlans de Schwarzenberg33. Après cet affrontement, l'Empereur accède à la requête du colonel Krasiński qui souhaite doter ses hommes de lances, et l'unité prend le nom de « lanciers polonais ». En 1810, le régiment des lanciers prend le numéro 1 après la création des lanciers rouges34. Il est ensuite engagé dans la campagne de Russie, où il se distingue à Gorodnia et à Krasnoï. Après les lourdes pertes subies, les lanciers polonais sont réorganisés et prennent part aux batailles de la campagne d'Allemagne en 1813, comme à Lützen, Peterswalde et Hanau, où ils perdent le major Radziwill35. En 1814, lors de la campagne de France, ils chargent à Brienne, La Rothière, Montmirail, Berry-au-Bac, Craonne, Reims et Paris.

À la Première Restauration, le régiment des lanciers polonais est dissous et ses éléments renvoyés en Pologne, à l'exception d'un escadron sous le commandement de Jerzmanowski qui accompagne Napoléon sur l'île d'Elbe36. Pendant les Cent-Jours, cet escadron devient le 1er du régiment des lanciers rouges, avec lequel il charge à Waterloo. À la Seconde Restauration, l'escadron polonais est définitivement licencié et ses membres sont enrôlés dans l'armée russe37.

Lanciers rouges

 
Charge des lanciers rouges de la Garde impériale à Waterloo. Illustration de Job.

En 1810, Napoléon annexe le royaume de Hollande et oblige son frère Louis à abdiquer. Le , un décret annonce officiellement le rattachement de la Hollande à l'Empire, et prescrit dans un même temps l'incorporation de la Garde royale hollandaise à la Garde impériale38. Le , le régiment de hussards de la Garde royale, sous le commandement du colonel Dubois, quitte le royaume et gagne Versailles, où il arrive le 30 du même mois. Organisés en quatre escadrons, les Hollandais fraternisent avec leurs camarades français. Un décret du transforme les hussards en un deuxième régiment de lanciers de la Garde impériale39. Le général Colbert-Chabanais en prend le commandement, et des sous-officiers du corps, instruits par les lanciers polonais du 1er régiment à Chantilly, apprennent le maniement de la lance à leurs hommes40.

Le régiment est engagé en 1812 dans la campagne de Russie. Placés en avant-garde, les lanciers rouges s'emparent de nombreux convois de marchandises et de provisions puis forment une brigade avec les lanciers polonais, sous les ordres du général Colbert-Chabanais41. Arrivés à Moscou en septembre, leur effectif de bataille s'élèvent à 556 cavaliers en octobre42. Après l'incendie de Moscou et la bataille de Winkowo, les lanciers de Colbert sont placés en arrière afin de couvrir la retraite. Le , ils repoussent en infériorité numérique un important parti de cosaques qui tente de s'en prendre à l'arrière-garde43. À cause des conditions climatiques, les pertes en hommes et en chevaux sont lourdes et à la fin de la campagne, seuls 60 lanciers disposent encore d'une monture44. Réorganisé, le 2e lanciers participe ensuite à la campagne d'Allemagne, où il se distingue particulièrement à la bataille de Reichenbach, le . En 1814, les lanciers rouges de la Jeune Garde se battent en Belgique, tandis que les escadrons de la Moyenne Garde affrontent les armées coalisées dans maints affrontements au cours de la campagne de France.

La Première Restauration transforme le 2e lanciers en Corps royal des chevau-légers lanciers de France. Pendant les Cent-Jours, le régiment reprend son ancien nom et accueille en son sein l'escadron des lanciers polonais de l'île d'Elbe45. Il intègre la division de cavalerie légère de la Garde en compagnie des chasseurs à cheval et prend part à la campagne de Belgique de 1815. Les lanciers rouges sont présents aux Quatre Bras et chargent les carrés britanniques à la bataille de Waterloo46. Après la seconde abdication de Napoléon et le retour des Bourbons, le régiment est dissous le .

Lanciers lituaniens

Un cavalier jouant de la trompette.
 
Trompette des lanciers lituaniens de la Garde impériale. Peinture de Bronisław Gembarzewski, 1896.

Au début du mois de juillet 1812, Napoléon décide de constituer un 3e régiment de lanciers intégré à la Garde impériale47, à effectif théorique de 1 218 hommes répartis en cinq escadrons48. Deux escadrons sont alors formés à Varsovie avec des nobles lituaniens49,50. Le commandement du régiment est confié au général Konopka, major des lanciers polonais de la Garde impériale51. Un escadron de Tartares lituaniens est attaché au corps afin d'effectuer des missions de reconnaissance52.

Ayant reçu l'ordre de se rendre à Minsk, le 3e lanciers se met en route dans le cadre de la campagne de Russie. En chemin, Konopka décide de s'arrêter dans le village de Slonim, où il installe un cantonnement53. Le colonel-major Tanski qui conseille à son chef de repartir au plus vite est renvoyé au dépôt de Grodno, mais dans la nuit suivant son départ, le général russe Czaplicz attaque le campement des lanciers avec ses soldats ; le général Konopka et 246 hommes sont faits prisonniers54. Le régiment perd également un important matériel ainsi que les registres, les papiers et la comptabilité du corps49.

Après cette défaite, les deux autres escadrons du major Tanski à Grodno constituent le 3e lanciers, mais l'unité est finalement dissoute le et ses éléments incorporés au 1er régiment de lanciers polonais de la Garde49.

Tartares lituaniens

 
Tartare lituanien de la Garde impériale. Par Bronisław Gembarzewski, 1897.

C'est en juin 1812 que naît l'idée de créer une unité de Tartares lituaniens. Ces derniers, membres de communautés originaires de Crimée, ont la réputation d'être d'excellents cavaliers, ce que confirme le général Michel Sokolnicki, qui assure que « leur probité, ainsi que leur courage sont éprouvés55 ». Napoléon fait alors appel au major Mustapha Achmatowicz et lui ordonne alors le recrutement d'un millier de soldats, mais en pratique, seul un escadron est mis sur pied52. L'unité est officiellement créée en octobre 1812 et est attachée au 3e régiment de lanciers de la Garde impériale56,57.

Commandés par Achmatowicz, les Tartares prennent part à la campagne de Russie à la suite des lanciers52. Ils subissent de lourdes pertes en défendant Vilna contre les Russes, dont Achmatowicz qui est tué58. À la fin de la campagne, les survivants sont incorporés dans les rangs du 3e lanciers de la Garde, puis forment la 15e compagnie du régiment de lanciers polonais de la Garde impériale 59. Malgré leur petit effectif, les Tartares lituaniens du capitaine Ulan, qui a remplacé Achmatowicz, chargent à maintes reprises lors de la campagne d'Allemagne, et se distinguent encore en France au sein du 3e régiment d'éclaireurs-lanciers60,61.

Après l'abdication de Napoléon le , les derniers Tartares lituaniens regagnent leur pays60.

Chasseurs à cheval de la Jeune Garde

Le , le régiment des chasseurs à cheval de la Garde impériale passe de cinq à neuf escadrons. Les 6e, 7e, 8e et 9e escadrons prennent le titre de « seconds chasseurs » puis de chasseurs à cheval de Jeune Garde62. À cette époque, le corps reçoit pour commandant le colonel-major Charles-Claude Meuziau avec lequel il participe à la campagne d'Allemagne de 1813. En 1814, les chasseurs sont détachés à l'Armée du Nord du général Maison où ils sont surtout chargés de missions de reconnaissance, ce qui ne les empêche pas de charger à diverses reprises comme à Courtrai le 63. Les escadrons sont dissous lors de la Première Restauration, les hommes étant pour la plupart replacés dans la ligne ou mis en demi-solde.

Pendant les Cent-Jours, les escadrons de Jeune Garde sont reformés et prennent la dénomination de 2e régiment de chasseurs à cheval de la Garde impériale. Cependant, en raison de la pénurie d'hommes et de chevaux, l'unité ne quitte pas sa garnison de Chantilly et ne prennent pas part à la campagne de Belgique de 1815. Le régiment des chasseurs de la Jeune est finalement dissous entre le et le 64.

Éclaireurs

Cavalier sur sa monture, de profil. À l'arrière-plan, d'autres cavaliers.
 
Éclaireur-dragon du 2e régiment, 1813. Illustration d'Ernest Fort.

Avec la perspective dramatique d'avoir à se battre sur le sol français pour la première fois depuis les guerres de la Révolution, Napoléon réorganise sa Garde impériale le . Trois régiments sont alors créés : le premier, composé des éclaireurs-grenadiers, rattaché aux grenadiers à cheval ; le second, composé des éclaireurs-dragons, rattaché aux dragons ; le troisième, composé des éclaireurs-lanciers, rattaché au lanciers polonais.

Ces nouvelles unités ont le temps de participer à la campagne de France de 1814, où ils se heurtent maintes fois aux cosaques. Bien que chargés de missions de reconnaissance aux avant-postes, ils mènent aussi à plusieurs reprises des charges, comme à Brienne, Montmirail ainsi qu'à Craonne, lorsque le colonel Testot-Ferry conduit le 1er régiment à l'assaut de l'artillerie russe. Ils participent également à la défense de Paris, avant d'être dissous lors de la Première Restauration.

Unités rattachées à la Garde ou servant statutairement à ses côtés

Gendarmes d'élite

 
Gendarme d'élite en patrouille. Illustration de Victor Huen.

La gendarmerie d'élite est créée au mois de et est intégrée à la Garde consulaire en , sous la forme d'un escadron65. Intégrée à la Garde impériale en 1804, la gendarmerie d'élite compte deux escadrons chacun divisés en deux compagnies, auxquels s'ajoutent deux éphémères compagnies de gendarmes à pied66. Une taille minimale de 1,76 m est exigée pour être recruté67. L'unité comprend à sa création, gendarmes à pied compris, 632 officiers, sous-officiers et soldats. Les gendarmes d'élite font partie de la prestigieuse Vieille Garde. En 1806, les compagnies de gendarmes à pieds sont dissoutes, réduisant l'effectif à 456 cavaliers66.

La gendarmerie d'élite est chargée de la sécurité des palais et des quartiers militaires impériaux, et elle protège le quartier général de Napoléon en campagne68. Elle sert aussi, mais plus rarement, à escorter l'Empereur lors de ses déplacements et à la protection de personnages importants66.

Bien qu'ayant un rôle assez minime lors des guerres du Premier Empire, les gendarmes d'élite chargent à Medina de Rioseco et à Montmirail, et participent à la campagne de Belgique de 1815. L'unité des gendarmes d'élite est finalement dissoute en septembre de la même année.

Gendarmes d'ordonnance

Par décret du , Napoléon ordonne la création d'un régiment de gendarmes d'ordonnance, rattaché à la Garde impériale69. L'Empereur espère ainsi renouer avec les membres de l'aristocratie de l'Ancien Régime, bannis au cours de la Révolution française. En théorie, chacun peut s'engager dans cette nouvelle unité mais la recrue doit dépenser la somme de 1 900 francs pour s'acheter la tenue et l'équipement70. Il doit également prouver le versement d'une pension de 600 francs par sa famille69. Au , la gendarmerie d'ordonnance aligne 216 cavaliers71.

Chevau-légers de Berg

« Le 17 décembre 1809, Napoléon adjoignit à sa garde un régiment fondé en 1807 par Murat, duc de Berg, sous le nom de chevau-légers de Berg »

— Liliane et Fred Funcken, L'uniforme et les armes des soldats du Premier Empire72

Gardes d'honneur

« L'histoire nous plonge en 1812, après les désastres de la campagne de Russie. Napoléon doit enrôler de nouvelles troupes pour affronter une nouvelle coalition. Parmi ces soldats levés en hâte, 10 000 cavaliers forment corps. Il s'agit de la Garde d'honneur. Ses effectifs devaient être constitués par les fils des familles les plus considérées des 130 départements de l'Empire. Les gardes d'honneur voient le feu pour la première fois en Saxe, en 1813. Ils chargent encore avec héroïsme durant la campagne de France, l'année suivante »

— Lt-Col. G. Houssetnote 1, La garde d'honneur 1813-1814 73

Les gardes d'honneur constituent quatre régiments de cavalerie légère levés en 1813 par Napoléon pour renforcer la cavalerie de la Garde impériale décimée pendant la campagne de Russie de 1812. Habillés à la hussarde, issus de la bourgeoisie et de la petite noblesse et s'équipant à leur frais, ils sont rattachés à la Garde le  : « le 1er régiment fut attaché aux Chasseurs à cheval, le 2e aux Dragons, le 3e aux Grenadiers et le 4e aux Lanciers »74.

Commandement

 
Le maréchal Bessières (1768-1813), duc d'Istrie et colonel-général de la cavalerie de la Garde impériale. Illustration de Victor Huen.

De 1804 à 1813, le commandement en chef de la cavalerie de la Garde impériale est assuré par le maréchal Jean-Baptiste Bessières, duc d'Istrie. Ancien capitaine du 22e régiment de chasseurs à cheval, il prend en 1796 la tête de la compagnie des guides avec laquelle il participe aux campagnes d'Italie et d'Égypte75,76. Il charge à la bataille de Marengo avec la cavalerie de la Garde consulaire et est promu général de brigade en . Lors de l'instauration du Premier Empire en 1804, il est élevé à la dignité de maréchal d'Empire et est nommé colonel-général de la cavalerie de la Garde impériale77.

Bessières s'attelle alors à réformer ce corps et y impose une discipline stricte. Il commande la cavalerie de la Garde lors des parades, ainsi qu'au cours des campagnes militaires78. Pendant les batailles, Bessières, « officier de réserve plein de vigueur, mais prudent et circonspect » selon Napoléon, conduit personnellement les charges de ses cavaliers face à l'ennemi79. De fait, le maréchal est très apprécié par ses hommes et lorsqu'il est blessé par un boulet à Wagram, l'Empereur lui dit : « Bessières, voilà un beau boulet, il a fait pleurer ma Garde »79. Il conserve ses fonctions de commandant en chef de la cavalerie de la Garde lors de la campagne de Russie en 1812, avant de prendre part à la campagne d'Allemagne l'année suivante80. Le , près de Weißenfels, il est emporté par un boulet autrichien qui lui coupe la main et transperce sa poitrine. Sa mort est vivement ressentie par l'armée et par Napoléon81.

Le , le général Étienne Marie Antoine Champion de Nansouty succède à Bessières au poste de commandant en chef de la cavalerie de la Garde82. Considéré comme l'un des meilleurs généraux de cavalerie de l'armée, Nansouty dirige la cavalerie de la Garde pendant la campagne d'Allemagne, tout particulièrement à la bataille de Hanau où il culbute par une série de charges vigoureuses l'infanterie et la cavalerie bavaroises. Il participe encore de manière décisive aux victoires de Montmirail et de Château-Thierry en 1814 mais ses relations avec l'Empereur se dégradent et il quitte son commandement, officiellement pour raisons de santé, le , peu après la bataille de Craonne. Le général Augustin-Daniel Belliard commande alors par intérim la cavalerie de la Garde lors de la bataille de Laon avant que le général Horace Sébastiani n'en obtienne le commandement permanent jusqu'à la fin de la campagne83.

Galerie

Notes et références

Notes

  1. Voir la section Bibliographie.

Références

  1. Thoumas 2004, p. 13 et 42 à 56.

Annexes

Bibliographie

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Articles connexes

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Cavalerie blindée américaine

 
 
 
 
Un Stetson, ce couvre-chef fait partie de la tradition militaire de la cavalerie des États-Unis depuis 1865.
 
Un M2 Bradley du 3rd Armored Cavalry Regiment durant la guerre d'Irak en 2006.

Dans la United States Army, la cavalerie blindée (Armored Cavalry en anglais) est utilisée pour des missions de reconnaissance blindée (ou mécanisée), de surveillance et de sécurité. Elle est toujours organisée en régiments, de la même taille qu'une brigade. Elle est le descendant de la Cavalerie des États-Unis.

De ce fait, la cavalerie blindée est entre la cavalerie normale (motorisée) et les bataillons d'Armor, qui sont constitués de chars type M60 ou M1 Abrams.

Les véhicules utilisés entre autres pendant la guerre du Viêt-Nam dans ces régiments sont le M551 Sheridan puis, depuis les années 1980, principalement les engins chenillés M3 Bradley (version « reconnaissance » du M2 d'infanterie) et, depuis les années 2000, les véhicules à roues Stryker, servant également à l'infanterie. La cavalerie blindée est aussi équipée d'un petit nombre de chars M1 Abrams et de nombreux véhicules plus légers tels les HMMWV.

Liste de régiments

Contremaître

 
 
 
Contremaître
Présentation
Secteur
BTP
Codes
ROME (France)
F1201

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Un contremaître, chef de chantier, chef d'équipe ou superviseur est un salarié qui dirige et supervise le travail d'un groupe d'ouvriers ; comme eux, il peut travailler en rotation  ; on emploie ce mot en particulier sur les chantiers de construction, dans les ateliers, souvent dans d'autres domaines industriels : manufactures, entrepôts, mines, etc.

De nos jours, l'appellation manager de proximité en est un équivalent pour le travail intellectuel ou commercial.

Historique

Le mot désignait à l’origine, dans la hiérarchie militaire, le troisième officier marinier de manœuvre sur un navire — appellation remplacée par celle de « second maître » (voir les Grades de l'armée française).

Formation

Il faudra un bac +2 ( BTS ou DUT) ou un bac +3 (Licence pro) ou plusieurs années d'expérience avec un bac pour pouvoir être chef de chantier.

Emploi

Bibliographie

Articles connexes

Équivalents militaires

Liens externes

Inspecteur

 
 
 

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Le terme d'« inspecteur » peut recouvrir diverses professions publiques ou privées, par exemple :

Il peut également désigner un agents salarié représentant une société d'assurances (l'« inspecteur d'assurances ») : inspecteur sinistre, inspecteur régleur, etc.

Voir aussi

Films et séries