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Pluton (planète naine)

(134340) Pluton

 
 
 
Pluton
(134340) Pluto
Description de cette image, également commentée ci-après
Photographie en couleurs quasi-réelles de Pluton prise par la sonde New Horizons le 14 juillet 2015.
Caractéristiques orbitales
 
Époque : (JJ 2454000,5)[1]
 
Établi sur 4 379 observ. couvrant 33102 jours (U = 0)
Demi-grand axe (a) 5 900 898 440,583 108 67 km[1]
(39,445 069 7 ua)
Périhélie (q) 4 436 824 613 km[1]
(29,573 391 7 ua)
Aphélie (Q) 7 375 927 931 km[1]
(49,316 147 6 ua)
Excentricité (e) 0,250 248 71[1]
Période de révolution (Prév) 90 487,276 9 j[1]
(247.74 a)
Vitesse orbitale moyenne (vorb) 4,74 km/s
Moyen mouvement (n) 0,003 978 45°/j[1]
Inclinaison (i) 17,089 000 9°[1]
Longitude du nœud ascendant (Ω) 110,376 956°[1]
Argument du périhélie (ω) 112,597 141 7°[1]
Anomalie moyenne (M0) 25,247 189 7°[1]
Date de dernier périhélie (Tp) JJ 2 447 778,716 79[2]
()
Catégorie Plutoïde (planète naine transneptunienne), plutino
Satellites connus 5 : Charon, Hydre, Nix, Kerbéros, Styx
DMIO terrestre 28,603 1 ua[1]
Paramètre de Tisserand (TJ) 5,228[1]
Caractéristiques physiques
Rayon équatorial (Réq) 1 185 ± 10 km[3]
Volume (V) 6,97×109 km3
Masse (m) (1,314 ± 0,018) × 1022 kg
Masse volumique (ρ) (1 854 ± 11) kg/m3
Gravité équatoriale à la surface (g) 0,625 m/s2
Vitesse de libération (vlib) 1,22 km/s
Période de rotation (Prot) −6,387 j (rétrograde)
Inclinaison de l'axe 119,61°
Magnitude absolue (H) −0,8[2]
Albédo (A) 0,60
Température (T) ≈ 48 K
Découverte
Plus ancienne observation de pré-découverte [2]
Date [4] à partir de photographies de janvier 1930[2]
Découvert par Clyde W. Tombaugh[2]
Lieu Observatoire Lowell[2]

à Flagstaff (Arizona)[2]

Annonce [2],[5]
Nommé d'après Pluton (dieu romain)

Pluton, officiellement désignée par (134340) Pluton (désignation internationale : (134340) Pluto), est une planète naine, la plus volumineuse connue dans le Système solaire (2 372 km de diamètre, contre 2 326 km pour Éris), et la deuxième en ce qui concerne sa masse (après Éris). Pluton est ainsi le neuvième plus gros objet connu orbitant directement autour du Soleil et le dixième par la masse. Premier objet transneptunien identifié, Pluton orbite autour du Soleil à une distance variant entre 30 et 49 unités astronomiques et appartient à la ceinture de Kuiper, ceinture dont il est (tant par la taille que par la masse) le plus grand membre connu.

Après sa découverte par l'astronome américain Clyde Tombaugh en 1930, Pluton était considérée comme la neuvième planète du Système solaire. À la fin du XXe siècle et au début du XXIe siècle, de plus en plus d'objets similaires furent découverts dans le Système solaire externe, en particulier Éris, alors estimé légèrement plus grand et plus massif que Pluton. Cette évolution amena l'Union astronomique internationale (UAI) à redéfinir la notion de planète, Cérès, Pluton et Éris étant depuis le classées comme des planètes naines. L'UAI a également décidé de faire de Pluton le prototype d'une nouvelle catégorie d'objets transneptuniens. À la suite de cette modification de la nomenclature, Pluton a été ajoutée à la liste des objets mineurs du Système solaire et s'est vu attribuer le numéro 134340 dans le catalogue des objets mineurs.

Pluton est principalement composée de roche et de glace de méthane, mais aussi de glace d'eau et d'azote gelé. Son diamètre est d'environ les deux tiers de celui de la Lune.

Pluton est le corps principal du système plutonien. Le couple que forme Pluton avec son grand satellite, Charon (diamètre 1 200 kilomètres), est souvent considéré comme un système double, car la différence de masse entre les deux objets est l'une des plus faibles de tous les couples corps primaire/satellite du système solaire (rapport 8:1) et le barycentre de leurs orbites ne se situe pas à l'intérieur d'un des deux corps (il est légèrement à l'extérieur de Pluton).

Quatre autres satellites naturels, nettement plus petits et tous en orbite à peu près circulaire (excentricité < 0,006) à l'extérieur de l'orbite de Charon, complètent le système tel qu'actuellement connu (dans l'ordre en s'éloignant) : Styx, Nix, Kerbéros et Hydre. Tous quatre furent découverts avec l'aide du télescope spatial Hubble : les deux plus importants, Nix et Hydre (respectivement 54 × 41 × 36 km et 43 × 33 km), en 2005, Kerbéros (environ 12 × 4 km) en 2011 et Styx (environ 7 × 5 km) en 2012. Ces deux derniers ont reçu leur nom officiel en . Les dimensions mentionnées correspondent à des mesures effectuées ultérieurement à leur découverte, et non aux premières estimations qui purent être faites.

La sonde spatiale New Horizons, lancée en par la NASA, est la première sonde à explorer le système plutonien ; elle le traverse le à une distance minimale de 11 095 km de Pluton, après un voyage de 6,4 milliards de kilomètres. La sonde ne détecte aucun autre satellite de plus de 1,7 km de diamètre pour un albédo de 0,5.

Historique

Pré-découvertes

D'après Greg Buchwald, Michel DiMario et Walter Wild, Pluton a été photographiée le 21 août et le 11 novembre 1909 à l'observatoire Yerkes de l'université de Chicago[6]. Cependant, leurs coordonnées n'apparaissent pas dans la liste des quatorze autres pré-découvertes de Pluton qui sont recensées[6] dans les données du Minor Planet Center. La toute première officiellement identifiée est celle du à l'observatoire du Königstuhl de Heidelberg[6].

Découverte

Clyde Tombaugh, l'homme qui a découvert Pluton.
Astrographe de l'observatoire Lowell ayant servi à la découverte de Pluton.
En métal gris, le dispositif photographique.

Pluton fut découvert en 1930 lors de la recherche d'un corps céleste permettant d'expliquer les perturbations orbitales de Neptune, hypothèse proposée par Percival Lowell comme la planète X.

Ayant fait fortune dans les affaires, Lowell se fait construire en 1894 un observatoire à plus de 2 000 m d'altitude dans l'Arizona et entreprend la recherche d'une neuvième planète au-delà de Neptune. Il pense suivre la même méthode que celle qui avait conduit à la découverte de cette dernière en étudiant son orbite, mais la précision des instruments de l'époque ne permettant pas de mesurer de façon précise les anomalies orbitales, il doit se rabattre sur celles d'Uranus. Sa planète (baptisée « X ») serait située à 47,5 ua, aurait une période de 327 ans et une masse de deux cinquièmes de celle de Neptune. En 1905, il lance une première campagne photographique de trois ans, mais celle-ci ne donne rien de concluant, notamment, comme il fut démontré par la suite, parce que ce programme était focalisé sur l'écliptique et que l'orbite fortement inclinée de Pluton la plaçait à cette époque en dehors du champ des photographies[7]. Lowell ne baisse pas les bras pour autant et décide de redoubler d'efforts, notamment lorsqu'il voit apparaître un concurrent : William Pickering. Celui-ci annonce en 1908 la présence d'une planète qu'il nomme « O » de deux masses terrestres, à une distance de 52 ua et d'une période de 373 ans. En 1911, Lowell fait l'acquisition d'un comparateur à clignotement, machine destinée à l'analyse photographique lui permettant de comparer les clichés beaucoup plus vite (deux séries de photos sont prises à quelques jours d'intervalle pour repérer le mouvement éventuel d'un astre) et entame une nouvelle série de photographies[8]. Ce nouvel échec le mènera à se désintéresser de sa planète X.

Percival Lowell meurt en 1916 mais laisse dans son testament de quoi poursuivre les recherches sans se soucier des problèmes d'argent, bien que des problèmes d'héritage avec sa femme finissent par réduire le budget de l'observatoire. Or dix ans plus tard, l'observatoire doit se doter d'un nouvel instrument. Abbott Lawrence Lowell, le frère de Percival Lowell, accepte de donner dix mille dollars pour la construction d'un télescope de 13 pouces que Clyde W. Tombaugh sera chargé de piloter pour cette lourde tâche qu'est la cartographie minutieuse du ciel, à la recherche de la planète X. Tombaugh réorganise son plan de travail et procède à trois prises au lieu de deux afin d'augmenter les chances de percevoir le mouvement de la planète. La troisième série de clichés prend fin le et commence alors l'analyse des plaques photographiques. Le , il remarque un point qui bouge d'une plaque à l'autre sur deux photographies prises les 23 et 29 janvier[4]. L'équipe de l'observatoire Lowell, après avoir pris d'autres photographies permettant de confirmer la découverte, télégraphie la nouvelle au Harvard College Observatory le [9]. La découverte est annoncée le par une circulaire de l'Union astronomique internationale[10].

Une partie du bassin Burney, région de Pluton nommée d'après Venetia Burney[11].

De nombreux observatoires se mettent alors à observer cette nouvelle planète, afin de déterminer son orbite le plus précisément possible. En reprenant des clichés antérieurs, Pluton est rétroactivement observée sur des plaques photographiques remontant jusqu'à 1909[12].

La planète est nommée à la fois en référence au dieu romain des enfers et à Percival Lowell dont les initiales forment les deux premières lettres de Pluton. Ses initiales forment le premier symbole astronomique et astrologique de Pluton : ♇[13],[14] (Il y a aussi un deuxième symbole planétaire, ⯓[15]. Ces symboles sont rares en astronomie aujourd'hui, mais courants en astrologie). Le nom fut suggéré par Venetia Burney, une jeune fille de onze ans d'Oxford, en Angleterre. Passionnée de mythologie et d'astronomie, Venetia Burney trouva approprié d'associer le nom du dieu du monde souterrain à ce monde obscur et glacé. Son grand-père qui travaillait à la bibliothèque universitaire d'Oxford en parla à l'astronome Herbert Hall Turner, qui transmit l'idée à ses confrères américains[16]. Le nom de Pluton fut officialisé le [17].

Pluton et la planète X

Découverte de Charon satellisant Pluton, photographie de 1978.

À l'origine, la découverte de Pluton est liée à la recherche systématique d'une planète permettant d'expliquer les perturbations observées dans les orbites d'Uranus et Neptune, mais le doute est très vite jeté sur le fait que Pluton serait bien la planète X que Percival Lowell recherchait[18].

À cette époque, Pluton est si lointaine que son diamètre ne peut pas être déterminé avec précision, mais sa faible luminosité et son absence de disque apparent laissent présager un corps plutôt petit, comparable en taille aux planètes telluriques déjà connues, probablement plus grand que Mercure mais pas plus que Mars, pense-t-on à l'époque[19]. Il devient donc rapidement clair que Pluton ne peut pas être la source des perturbations dans les orbites de Neptune et Uranus. Clyde Tombaugh et d'autres astronomes persévèrent dans la recherche de la planète X pendant 12 ans, mais ne découvrent que des astéroïdes et des comètes[18]. Les astronomes sont amenés à imaginer que de nombreux autres corps similaires à Pluton pourraient orbiter autour du Soleil au-delà de Neptune. On pense alors que le système solaire pourrait être constitué de plusieurs zones regroupant les corps célestes par familles, planète tellurique, planète géante, « objets ultra-neptuniens »[19]. Cette hypothèse sera formalisée plus tard au cours des années 1940 et 1950 par Kenneth Edgeworth puis Gerard Kuiper, et est désormais connue sous le nom de ceinture de Kuiper[20].

Le premier satellite de Pluton fut découvert le lorsque James W. Christy réalisa que l'image de Pluton apparaissant sur des plaques photographiques prises dans les deux mois précédents semblait présenter une protubérance tantôt d'un côté, tantôt de l'autre[21],[22]. La protubérance fut confirmée sur d'autres plaques, dont la plus ancienne remontait au . Des observations ultérieures de la protubérance montrèrent qu'elle était causée par un petit corps. La périodicité de la protubérance correspondait à la période de rotation de Pluton, laquelle était connue à partir de sa courbe de luminosité, indiquant une orbite synchrone et suggérant qu'il s'agissait d'un effet réel et non d'un artefact d'observation. Le nom de Charon fut donné au satellite.

En 1993, les calculs de la trajectoire de survol de Neptune par la sonde Voyager 2 en août 1989[23] ont montré que Neptune avait une masse inférieure aux hypothèses précédentes, et en tenant compte de cette nouvelle mesure, le mathématicien Myles Standish montre que les divergences dans les mouvements des planètes Uranus et Neptune deviennent négligeables devant l'incertitude de la mesure liée à la précision des instruments. L'hypothèse d'une planète X perturbatrice ne tient donc plus, et c'est donc sur la base d'une prédiction de position fausse que Pluton fut découverte[24].

Statut de planète naine

Dans la dernière décennie du XXe siècle, la découverte de nombreux objets transneptuniens (plus d'un millier), dont certains ont une dimension estimée voisine de celle de Pluton (par exemple Éris), pousse à la remise en question de son statut de planète[25].

Parmi ceux-ci, de très nombreux corps sont découverts qui possèdent une période de révolution égale à celle de Pluton, et sont comme lui en résonance 2:3 avec Neptune[25].

Certains scientifiques proposent alors de reclasser Pluton en planète mineure ou en objet transneptunien. D'autres, comme Brian Marsden du Centre des planètes mineures, penchent pour lui attribuer les deux statuts, en raison de l'importance historique de sa découverte. Marsden annonce le 3 février 1999 que Pluton serait classée comme le 10 000e objet du catalogue recensant justement 10 000 planètes mineures. Le numéro rond de « 10000 » serait attribué à Pluton en son honneur pour la « célébration » de ce compte atteint. L'Union astronomique internationale (UAI), l'organisme coordinateur de l'astronomie au niveau international, chargé de la dénomination des corps célestes ainsi que de leur statut, fit alors une mise au point, rappelant qu'elle seule était habilitée à déterminer le statut de Pluton[26].

Historiquement, les quatre premiers astéroïdes découverts de 1801 à 1807 — (1) Cérès, (2) Pallas, (3) Junon et (4) Vesta — furent eux aussi considérés comme des planètes pendant plusieurs décennies (à l'époque, leurs dimensions n'étaient pas connues avec précision). Certains textes astronomiques du début du XIXe siècle font référence à onze planètes (incluant Uranus et les quatre premiers astéroïdes). Le cinquième astéroïde ((5) Astrée) fut découvert en 1845 peu de temps avant la découverte de Neptune, suivi de plusieurs autres dans les années suivantes. Dans les années 1850, on cessa de considérer ces objets de plus en plus nombreux comme des « planètes », pour les nommer « astéroïdes » ou « planètes mineures »[27].

La découverte en 2005 de (136199) Éris[a], d'un diamètre comparable et d'une masse légèrement supérieure à ceux de Pluton, contribue à relancer le débat ; puisqu'il s'agit en effet de ne pas reproduire le même scénario que ce qui s'était passé pour Cérès, Pallas, Junon et enfin Vesta. Le diamètre d'Éris, qui avait initialement été estimé à 3 600 km (il semblait alors notablement plus grand que Pluton) était encore en 2006 du même ordre de grandeur que celui de Pluton, même après avoir été revu à la baisse (2 400 ± 100 km). Selon une étude publiée dans Science du , sa masse serait supérieure à celle de Pluton d'environ 27 %[28]. De nombreux autres corps ont également été découverts à cette époque, tels que (136472) Makémaké, (90482) Orcus ou (90377) Sedna, régulièrement annoncés comme la dixième planète du Système solaire.

La classification en neuf planètes devient difficilement tenable. Le dernier mot revient à l'UAI, qui, lors de son 26e congrès tenu le 24 août 2006 en République tchèque, a décidé au terme d'une semaine de débats de compléter la définition de planète, disant qu'une planète élimine de son voisinage tous les objets ayant une taille qui lui soit comparable[29]. Ce qui n'est pas le cas de Pluton, qui partage son espace avec d'autres objets transneptuniens et qui est reclassé en planète naine[26],[30],[31]. Le Centre des planètes mineures lui attribua le 7 septembre 2006 le numéro d'objet mineur « 134340 »[32]. (134340) Pluto devient la désignation officielle de l'Union astronomique internationale le 13 septembre 2006[33],[34].

Néanmoins, à la suite du vote, une pétition[35] ayant réuni en cinq jours les signatures de plus de 300 planétologues et astronomes majoritairement américains (Pluton ayant été la première planète découverte par un Américain) a été lancée pour contester la validité scientifique de la nouvelle définition de planète qui déclassait Pluton ainsi que son mode d'adoption et inviter à la réflexion sur une autre définition plus appropriée[36]. Il faut dire que lors du 26e congrès de Prague qui s'est tenu du 14 au , le vote sur la rétrogradation ou non de Pluton a eu lieu seulement le 24 août[37] et en présence de 400 membres environ sur 6 000[38], ce qui peut remettre en cause le bien-fondé de la décision. Néanmoins, Catherine Cesarsky, présidente de l'UAI, clôt le débat en décidant que l'assemblée de l'UAI d'août 2009 ne reviendrait pas sur la définition de planète[39]. Des planétologues continuent cependant à parler de Pluton comme d'une planète en 2018, tel Alan Stern[b].

Le 18 septembre 2014, le Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics organise un débat réunissant trois experts présentant trois points de vue de la définition d'une planète : historique, la définition retenue par l'UAI et enfin le point de vue des chercheurs des exoplanètes ; ce dernier, présenté par Dimitar Sasselov, président de Harvard Origins of Life Initiative, recueille l'adhésion des experts, pour lesquels Pluton serait donc bien une planète[40],[41].

Pluton conserve son importance

Lancement de la sonde New Horizons par une fusée Atlas V.

Environ cent-cinquante objets orbitant comme Pluton avec une résonance 2:3 avec Neptune étaient recensés en février 2006, ce qui tend à montrer que Pluton est le plus grand représentant d'une vaste famille de corps plus ou moins massifs. Les astronomes David Jewitt et Jane Luu proposent de les nommer « plutinos »[25].

Une nouvelle sous-catégorie, les plutoïdes, est créée par l'UAI pour les planètes naines qui passent la majeure partie de leur révolution orbitale à l'extérieur de l'orbite de Neptune, dont Pluton fait partie[42].

Observations du télescope spatial Hubble

Le télescope spatial Hubble a fourni les images les plus détaillées de la surface de Pluton avant l'arrivée de New Horizons[43].

Exploration de Pluton

Image en haute définition utilisant des couleurs améliorées (combinaison des images bleues, rouges et infrarouges), 14 juillet 2015.

Pluton est un objectif difficile pour l'exploration spatiale, à cause de la grande distance la séparant de la Terre (environ 4,8 milliards de kilomètres[45]), de la forte inclinaison de son orbite (17°) sur l'écliptique et de sa très faible masse.

À titre de comparaison, si la Terre était un ballon de football (70 cm de circonférence), Pluton aurait environ la taille d'une balle de golf. À cette échelle, une distance de 86 kilomètres séparerait les deux planètes, soit 20 tours du circuit Gilles-Villeneuve ou la distance de Paris à Évreux.

La sonde Voyager 1 aurait éventuellement pu l'atteindre, mais l'exploration de Titan (le plus grand satellite parmi les innombrables que comporte Saturne) et des anneaux de Saturne fut jugée plus importante, ce qui eut pour effet de rendre sa trajectoire incompatible avec un rendez-vous avec Pluton. Voyager 2 n'était pas en mesure de l'atteindre car la trajectoire théorique de la sonde pour réaliser ce rendez-vous aurait supposé de traverser la planète Neptune[46].

Image de l'hémisphère de Pluton opposé à Charon, 11 juillet 2015.

La NASA étudia en 1991 un projet de sonde vers Pluton, qui fut révisé à la baisse en 1992 puis abandonné en 1994. Un nouveau projet américano-russe, la mission Pluto Kuiper Express, démarra en 1995. Il aurait eu pour but le survol vers 2012 du couple Pluton/Charon, et d'au moins un objet de la ceinture de Kuiper. La Nasa l'annula en 2000, pour des raisons budgétaires[47].

Elle a finalement été remplacée par une mission similaire, New Horizons. La sonde New Horizons, lancée le , est donc la première sonde spatiale à visiter Pluton, bénéficiant en février 2007 de l'assistance gravitationnelle de Jupiter[48] pour arriver au plus près de la planète naine le , après un voyage de 6,4 milliards de kilomètres. Les observations débutent environ cinq mois avant le plus proche passage et devraient continuer environ un mois après. Le survol est toutefois si rapide que seul un hémisphère peut être photographié avec la résolution la plus élevée[49]. L'engin spatial emporte à son bord des instruments d'imagerie, de spectroscopie et d'autres appareils de mesure, afin de déterminer les caractéristiques géologiques et morphologiques de Pluton et de sa lune Charon, mais aussi cartographier les éléments composant leur surface et étudier l'atmosphère de Pluton (composition et taux d'évasion). La mission prévoit également un survol des objets de la ceinture de Kuiper jusqu'en 2025[50].

 

Orbite

L'orbite de Pluton autour du Soleil a été observée pendant plus d'un siècle (le cliché le plus ancien sur lequel on repère Pluton remonte à janvier 1914), durée de parcours d'un peu plus du tiers de sa trajectoire annuelle, mais suffisante pour mesurer avec précision ses caractéristiques orbitales[24].

Vue de l'orbite de Pluton par rapport à l'écliptique. L'orbite de Pluton (en rouge) montre la grande différence d'inclinaison avec l'écliptique de la Terre.

Paramètres orbitaux

Vue polaire sur l'orbite de Pluton en rouge, de Neptune en bleu. La position présentée est celle du 16 avril 2006, le mouvement des deux corps se fait selon le sens antihoraire (prograde).
Le périhélie et l'aphélie sont marqués respectivement par q et Q.

Orbite

Le demi-grand axe de l'orbite de Pluton est de 39,88 ua[51], mais du fait de l'excentricité prononcée de cette orbite, la distance entre Pluton et le Soleil varie entre 29,7 ua au périhélie et 49,5 ua à l'aphélie, et l'année plutonienne dure 248,1 années terrestres[52].

Inclinaison

En comparaison des planètes classiques du système solaire, l'orbite de Pluton est fortement inclinée par rapport au plan de l'écliptique (17,14175°) et excentrique (0,24880766). Les orbites des planètes classiques sont quasi circulaires et coplanaires de l'écliptique (seule Mercure possède une orbite inclinée (7°) et excentrique (0,2) de manière significative).

Comparaison avec Neptune

Le périhélie de Pluton est situé à plus de 8,0 ua au-dessus du plan de l'écliptique, soit 1,2 milliard de km, et c'est près de cette position de son orbite que la planète naine se trouve plus proche du Soleil que Neptune. Ce fut le cas pendant vingt ans entre le et le . À l'opposé, Pluton s'éloigne de 13 ua au-dessous du plan de l'écliptique[53].

Croisements avec d'autres astéroïdes

L'orbite de Pluton.

L'orbite de Pluton étant très excentrique, elle croise celle de nombreux autres objets ; parmi les astéroïdes numérotés, ces hadéocroiseurs comptaient (en ) 10 frôleurs intérieurs (dont (5145) Pholos), 24 frôleurs extérieurs (dont (19521) Chaos), 17 croiseurs (dont (38628) Huya) et 37 coorbitaux (dont (20000) Varuna, (28978) Ixion et (50000) Quaoar)[54].

Résonance orbitale

Ce diagramme indique les positions relatives de Pluton (en rouge) et Neptune (en bleu) à certaines dates. Les tailles de Neptune et Pluton sont représentées comme inversement proportionnelles à leur distance. L'approche minimale a eu lieu en juin 1896 à 18,9 ua, soit plus de 2,8 milliards de kilomètres.

Bien que Pluton soit parfois plus proche du Soleil que Neptune, les orbites des deux objets ne se croisent jamais, en raison de la forte inclinaison (environ 17°) de l'orbite de Pluton par rapport au plan de l'écliptique. Les nœuds de l'orbite de Pluton (les points où l'orbite traverse le plan de l'écliptique) sont situés à l'extérieur de l'orbite de Neptune[53].

Pluton est en résonance avec Neptune de rapport 3:2, c'est-à-dire que sur une durée de 496 ans, Pluton effectue deux révolutions autour du Soleil pendant que Neptune en réalise trois. Cette résonance est stable : une perturbation de l'orbite de Pluton serait corrigée par l'attraction de Neptune. À cause de ce phénomène, Pluton et Neptune ne sont jamais plus proches que 18,9 ua, tandis que Pluton peut s'approcher à 12 ua d'Uranus. Quand Neptune dépasse le point où les deux orbites sont les plus proches, la résonance maintient une séparation angulaire Neptune-Soleil-Pluton supérieure à 50° et Pluton reste près de 30 ua derrière Neptune, soit près de 4,5 milliards de kilomètres. Le vrai point de rapprochement se situe de l'autre côté de l'orbite. Neptune « dépasse » toujours Pluton quelque 30 ans après l'aphélie de ce dernier[55].

D'autres objets transneptuniens qui gravitent sur une orbite dont le demi-grand axe est de 39,4 ua possèdent une telle résonance orbitale 3:2 avec Neptune et sont appelés des plutinos, par référence à Pluton[56],[57]. En 2009, on en compte plus de 200[58].

 

Caractéristiques physiques

Si la trajectoire de Pluton a pu être déterminée sans grande difficulté, ses caractéristiques physiques (diamètre, masse, et partant densité, pouvoir réflecteur, état de la surface) sont restées longtemps mal connues et controversées : son diamètre apparent est inférieur à ¼ de seconde d'arc, tandis que les turbulences de l'atmosphère terrestre rendent difficile l'observation de détails inférieurs à une seconde d'arc[59]. La finesse des observations s'est accrue à partir des années 1980, par l'usage de l'optique adaptative, de la spectrométrie, et du télescope spatial Hubble[60]. La découverte en 1978 d'un satellite de Pluton, Charon, offrit des moyens d'investigation supplémentaires[61]. Néanmoins en 2010, les valeurs publiées diffèrent encore quelque peu selon que l'on se réfère à la NASA[62] ou à des publications récentes[63],[64]. Le survol en 2015 par la mission New Horizons et les effets gravitationnels du couple Pluton-Charon sur la sonde permettront d'ajuster les valeurs de son champ de gravité, selon l'observation de l'effet Doppler sur les signaux de la sonde et la déduction qui en résulte des variations de sa vitesse et de son accélération induite par Pluton et Charon[65].

Rotation

En 1955, on observe que les variations de la luminosité de Pluton sont de l'ordre de 30 % et sont périodiques. On en déduit que Pluton tourne sur elle-même en 6,387 jours, soit 6 jours, 9 heures et 17 minutes[66]. Son axe de rotation est incliné de 57,5° par rapport à son plan orbital, ce qui est plutôt élevé et inhabituel dans le Système solaire (seule Uranus a une inclinaison comparable)[67]. Aux points de solstice de son orbite, Pluton expose donc un pôle au Soleil pendant de nombreuses décennies, et aux points d'équinoxe, soit tous les 124 ans, il tourne comme sur une broche face au Soleil, tandis que la Terre voit verticalement sa ligne d'équateur ainsi que l'orbite de Charon, qui passe alternativement devant et derrière Pluton[68].

L'action des forces de marée a contraint la période de rotation de Pluton jusqu'à la synchroniser avec la période de révolution de son principal satellite, Charon : les deux périodes étant égales, Charon se trouve donc toujours à la verticale du même point de la surface de Pluton[d], et Charon paraît donc immobile dans le ciel plutonien[69].

Masse et dimensions

Pluton, avec sa masse d'un cinq-centième de celle de la Terre et un diamètre de 2 370 ± 20 km, est plus petite et moins massive que sept satellites naturels dans le Système solaire : la Lune (3 476 km de diamètre), les quatre satellites galiléens de Jupiter (Ganymède, 5 262 km ; Callisto, 4 880 km ; Io, 3 640 km ; Europe, 3 122 km), le plus gros satellite de Saturne (Titan, 5 150 km) et celui de Neptune (Triton, 2 706 km)[70].

Dimensions

Estimations de la taille de Pluton
AnnéeRayon et (diamètre)Notes
1993 1 195 (2 390) km Millis, et al.[71](si pas de brume)[72]
1993 1 180 (2 360) km Millis, et al. (surface et brume)[72]
1994 1 164 (2 328) km Young & Binzel[73]
1997 1 173 ± 23 (2 346 ± 46) km Tholen et Buie[74]
2006 1 153 ± 10 (2 306 ± 20) km Buie, et al.[75]
2007 1 161 (2 322) km Young, Young, & Buie[76]
2009 > 1 169-1 172 (> 2 338-2 344) km Lellouch, et al.[77]
2011 1 180 +20/-10 (2 360 +40/-20) km Zalucha, et al.[78]
2011 1 173 +20/-10 (2 346 +40/-20) km Zalucha, et al.[79]
2014 1 184 ± 4 (2 368 ± 8) km Lellouch, et al.[80]
2015 1 185 ± 10 (2 370 ± 20) km Mesure de New Horizons[81],[3]
2017 1 188,3 ± 1,6 (2 376,6 ± 3,2) km Mesure de New Horizons[82]
La taille de Pluton (en bas à droite) comparée avec celles de Ganymède, Titan, Callisto, Io, la Lune, Europe et Triton.

Avant son survol par la sonde New Horizons, le diamètre de Pluton était l'un des paramètres physiques les moins bien connus et les plus difficiles à mesurer, et la source principale d'incertitude sur les autres paramètres dérivés comme la masse volumique. Sa très grande distance combinée à sa petite taille font qu'il est impossible de résoudre avec précision le disque de Pluton, et empêche donc les mesures « directes » de ses dimensions, que ce soit avec le télescope spatial Hubble ou avec les instruments terrestres dotés d'une optique adaptative. Les mesures se fondant sur les occultations d'étoile par Pluton et les occultations de Pluton par Charon ne concordent pas exactement, et les explications permettant d'expliquer ces différences dépendent des modèles utilisés pour analyser les données, notamment concernant l'atmosphère de la planète naine. La valeur et la marge d'erreur généralement retenue de 2 306 ± 20 km de diamètre incluent en fait les différences de résultat des différentes méthodes de mesure[83]. Le , la sonde New Horizons permet de réévaluer légèrement à la hausse le diamètre de Pluton à 2 370 ± 20 km (soit un rayon de 1 185 ± 10 km[3]), l'incertitude de cette valeur étant due à la présence d'une atmosphère planétaire[3]. En 2017, la ré-analyse des données de New Horizons permet d'affiner ce résultat : 2 376,6 ± 3,2 km (rayon : 1 188,3 ± 1,6 km)[82].

Masse

Masse estimée de Pluton
AnnéeMasseNotes
1931 1 Terre Nicholson & Mayall[84]
1948 0,1 (1/10) Terre Kuiper[85]
1976 0,01 (1/100) Terre Cruikshank, Pilcher, & Morrison[86]
1978 0,002 (1/500) Terre Christy & Harrington[87]
2006 0,00218 (1/459) Terre Buie et al.[75]
2015 0,00220 (1/455) Terre New Horizons[88]

La masse de Pluton, tout comme son diamètre, ont été largement surestimés durant les décennies suivant sa découverte. Percival Lowell espérait trouver une planète comparable à Neptune, de l'ordre de dix fois la masse terrestre. La magnitude observée étant plus faible que prévu, on abaissa l'évaluation à une masse terrestre[89]. Les estimations qui tablaient sur une taille comprise entre celles de Mercure et de Mars[19] ont continuellement été revues à la baisse avec l'amélioration des instruments d'observation. En 1976, l'analyse de la lumière de Pluton fit supputer une surface glacée, donc un éclat fourni par une surface plus petite, et une masse réduite à un centième de celle de la Terre[89]. La découverte de Charon en 1978 a permis, par application de la troisième loi de Kepler, de déterminer beaucoup plus précisément la masse totale du couple planétaire. La masse de Pluton est estimée en 2006 à 1,314 × 1022 kg[83], soit 5,6 fois moins que celle de la Lune ou le cinq centième de la masse terrestre[90]. En extrapolant cette baisse continuelle, deux astronomes facétieux sont allés jusqu'à annoncer la disparition complète de Pluton[91].

Géographie physique et caractéristiques géologiques

Atmosphère

Sur cet assemblage de photographies prises par la sonde New Horizons on voit la lumière du soleil diffusée par différentes couches de brume de l'atmosphère de Pluton. Les couleurs, rajoutées à l'aide d'une autre photographie, sont proches de la réalité. Les montagnes et d'autres caractéristiques topographiques se détachent en ombres chinoises sur le bord de la planète naine.

Pluton ne possède pas d'atmosphère significative. Mais d'après les lois de la physique, les glaces de sa surface doivent être en équilibre thermodynamique avec des phases gazeuses, elle serait donc entourée d'une mince enveloppe de gaz qui serait composée d'azote (N2) à 90%, car c'est l'élément le plus volatil parmi ceux détectés à la surface, et de monoxyde de carbone (CO) à 10 %, ainsi que des traces de méthane (CH4)[92]. En outre, les scientifiques de la mission New Horizons ont noté que cette atmosphère s'échappe à un rythme d'environ 500 tonnes par heure à cause de la faible attraction gravitationnelle de la planète naine[93].

L'atmosphère de Pluton a été découverte lors d'une occultation stellaire en 1985[94], et confirmée par une autre occultation en 1988. Lorsqu'un objet dépourvu d'atmosphère passe devant une étoile, cette étoile d'arrière-plan disparaît de manière brutale ; dans le cas de Pluton, la luminosité de l'étoile masquée a graduellement diminué. De l'évolution de cette courbe de luminosité, une mince atmosphère de 0,15 Pa a été déterminée, soit environ un 700 000e de celle de la Terre. Cette atmosphère pourrait n'exister que lorsque la planète est proche de son périhélie, et geler lorsqu'elle s'éloigne du Soleil. En effet, l'énergie du Soleil reçue par Pluton varie assez fortement entre le périhélie et l'aphélie[95], du fait de son excentricité orbitale marquée. La température change d'environ 10 K entre ces deux points. Lorsque Pluton s'écarte de son périhélie, une partie de son atmosphère gèle et retombe à la surface. Quand elle s'en rapproche, la température de la surface augmente et l'azote se sublime. À la manière de la sueur qui s'évapore sur la peau, cette sublimation tend à refroidir la surface, et des recherches ont montré que la température de Pluton est 10 K inférieure à ce qui était attendu[96] (température moyenne en surface : −228 °C) ; contrairement à Charon qui, sans atmosphère, a une température de surface conforme à son albédo.

En 2002, une autre occultation stellaire par Pluton a été observée par plusieurs équipes dirigées par Bruno Sicardy[97], Jim Elliot[98] et Jay Pasachoff[99]. De manière surprenante, la pression atmosphérique a été estimée à 0,30 Pa, bien que Pluton soit plus éloignée du Soleil qu'en 1988, et donc plus froide. L'hypothèse privilégiée à l'heure actuelle est que le pôle Sud de Pluton serait sorti de l'ombre en 1987 pour la première fois depuis 120 ans, et qu'un surplus d'azote aurait alors sublimé une partie de la calotte polaire sud. Cet excès d'azote devrait mettre vraisemblablement des décennies avant de se condenser à l'autre pôle, selon un phénomène cyclique[100].

Le survol de Pluton par New Horizons permet une mesure directe de la pression au sol : 11 µbar[101] (1,1 Pa), 100 000 fois moins que sur Terre mais trois fois plus que l'estimation précédente la plus élevée. Cette atmosphère s'échappe 500 à 1 000 fois moins vite qu'il n'était prévu, et elle a une présence significative jusqu'à plusieurs centaines de kilomètres d'altitude, avec des dizaines de couches de brume mais pas de nuages. Le 8 octobre 2015, la NASA annonce que, vu depuis Pluton, le ciel paraît bleu du fait de la diffusion de la lumière par des particules (qui seraient pour leur part plutôt grises ou rouges), ressemblant à de la suie, appelées tholines[102].

Albédo et surface

Distribution de la glace de méthane à la surface de Pluton, le 12 juillet 2015 (reçue le 15 juillet 2015). En rouge, en bleu et en vert des zones de compositions différentes : la glace de méthane est diluée avec de la glace d'azote au pôle nord.
Un petit morceau de la surface de Pluton vue par New Horizons le 14 juillet 2015. La barre jaune qui sert d'échelle représente 80,5 kilomètres (ou 50 miles). Des montagnes d'environ 3 500 m sont visibles et la surface semble récente à la vue de l'absence de cratères[103].

Les variations de luminosité de Pluton témoignent d'une inégale brillance entre les différentes régions à sa surface. Pluton réfléchit la lumière solaire avec un albédo de 58 % en moyenne, ce qui est une valeur élevée (elle est de 31 % pour la Terre, et monte à 72 % pour Vénus grâce à sa couche nuageuse). Le pôle Nord est particulièrement brillant, avec un albédo estimé à 80 %, le pôle Sud est un peu moins lumineux, tandis que l'équateur présente une bande sombre 5 fois moins réfléchissante, et les zones intermédiaires des contrastes marqués. Les zones d'albédo élevé sont interprétées comme des parties couvertes de neige ou de glace de formation récente, non encore obscurcie par des dépôts d'impuretés, tandis que les parties sombres pourraient être des composés carbonés. La cartographie de ces zones a été affinée par l'analyse des variations lumineuses lors des passages de Charon devant Pluton, et confirmée en 1994 par les observations directes de Hubble[104]. L'image d'ensemble, prise grâce à la caméra pour objets à luminosité réduite (Faint Object Camera), demeure toutefois très floue, car elle n'est constituée que d'une centaine de pixels, mesurant chacun 200 km de côté[105]. Un nouvel équipement de Hubble, l'Advanced Camera for Surveys, fournit en 2002-2003 des vues complètes de Pluton, encore floues mais montrant des modifications de coloration par rapport aux précédentes images[49].

Image de la plaine Spoutnik, vaste étendue de glace située dans le centre gauche de la région Tombaugh (le contexte)[106],[107].

Les analyses par spectroscopie infrarouge ont identifié plusieurs types de glace à la surface de Pluton : glace de méthane en 1976, puis à partir de 1992, glace d'azote, la plus abondante avec une proportion de l'ordre de 98 %, glace de monoxyde de carbone, glace d'eau et glace d'éthane. La température moyenne au sol est évaluée à −223 °C, avec des variations selon les zones, −213 °C pour les zones sombres et entre −238 °C et −233 °C pour les parties les plus réfléchissantes[108].

Sur sa surface, de la glace de méthane (CH4) et d'azote (N2) a été détectée aux pôles par une observation dans l'infrarouge[109], en calottes dont la taille varie selon l'éloignement de la planète par rapport au Soleil. À la date du 5 février 2010, certains spécialistes ont remarqué que la glace au pôle Nord est devenue plus brillante, alors que celle du pôle Sud s'est assombrie. Sous la croûte plutonienne se trouve vraisemblablement un manteau glacé[110].

Au cours des dernières années, la couleur de Pluton a pris une teinte rouge de 20 à 30 % plus élevée qu'en 2000, alors qu'elle n'avait pas changé de toute la période allant de 1954 à 2000. Ce changement de teinte serait dû au méthane, composé présent sur la planète naine. L'hydrogène contenu dans le méthane, frappé par des vents solaires, libérerait le carbone constituant l'autre partie du méthane, produisant des teintes de rouge et de noir à la surface de Pluton[111].

Les photographies du 26 et 27 juin 2015 prises par New Horizons montrent « une série de taches intrigantes au niveau de l'équateur, régulièrement espacées. Chacune de ces taches fait environ 480 km de diamètre »[112]. Le 8 octobre 2015, la NASA annonce la détection de glace d'eau à la surface de Pluton par New Horizons[102].

Cthulhu, alias la « baleine » (zone sombre en bas à gauche de l'image) et la région Tombaugh, alias le « cœur », à sa droite.
Image montrant des affleurements de glace d'eau (en bleu), en bordure du lobe gauche de la région Tombaugh.
Concentration en eau à la surface de Pluton.
Concentration en eau à la surface de Pluton : la région Lowell et la plaine Spoutnik contiennent peu ou pas d'eau en surface et ne sont donc pas colorés.

Géographie

Le survol de Pluton par la sonde New Horizons a révélé une géographie et une géologie bien plus diversifiées qu'on ne s'y attendait[101] : vastes glaciers d'azote (800 000 km2 pour Sputnik Planitia, le plus grand d'entre eux), terrains chaotiques et montagneux provenant du démantèlement d'anciens glaciers, blocs de méthane gelé et calottes de neige de méthane, un ensemble de tours de glace de méthane (de plus de 300 m de hauteur) long de centaines de kilomètres, et des systèmes de failles s'étendant également sur des centaines de kilomètres.

Plusieurs grandes régions ou caractéristiques géologiques sont connues à ce jour :

Carte en couleur de Pluton.
Carte de la planète naine, centrée sur le « cœur ».

Cryovolcanisme

Le mont Wright (au centre).

L'existence de cryovolcanisme sur Pluton est envisagée. Ainsi, deux structures géologiques à sa surface, le mont Piccard et le mont Wright, sont approximativement circulaires avec une dépression en leur centre[115] et pourraient être deux cryovolcans[116],[117]. Le 29 mars 2022, les scientifiques confirment que des volcans de glace ont bien été reconnus grâce à des images captées par la sonde New Horizons de la NASA. D’après les scientifiques, il est très probable que ces volcans de glace soient encore actifs (Kelsi Singer - Southwest Research Institute - Boulder, Colorado)[1] [archive][2] [archive]

Composition interne

Structure interne hypothétique de Pluton :
1 - Azote gelé.
2 - Glace d'eau.
3 - Noyau rocheux.

La composition interne de Pluton est pour l'instant inconnue. S'il y a eu différenciation planétaire, il pourrait y avoir un noyau rocheux. Si l'on accorde à Pluton une densité de 2, valeur approximative, la densité voisine de 1 des glaces détectées en surface doit être compensée par une masse rocheuse, de densité de l'ordre de 4 ou 5, en proportion égale aux glaces d'eau et d'éléments volatils (azote, méthane, oxyde de carbone). Ces roches pourraient affleurer à la surface sans être visibles car dépourvues de signatures spectrales caractéristiques, ou bien être recouvertes d'un manteau de glaces[118].

Avec une teneur en glace d'eau de l'ordre de 50 % ou plus pour la masse de Pluton, la présence en profondeur d'eau liquide sous l'effet de la haute pression est envisageable dans les couches profondes, coexistant avec de la glace sous haute pression[119]. Des simulations basées sur les données de la sonde New Horizons concernant la plaine Spoutnik ont renforcé la présomption de l'existence d'un océan interne d'une profondeur d'une centaine de kilomètres[120]. Pour expliquer que Pluton puisse maintenir un océan sous-marin tout en possédant une couche externe de glace très froide, il a été avancé qu'il y a probablement une couche isolante de clathrates au-dessus de l'océan interne, qui est supposé être constitué d'eau et de méthane[121].

Système plutonien

Pluton
Description de cette image, également commentée ci-après
Le système plutonien, le 9 juillet 2012.
Caractéristiques orbitales
 
Époque 24?????.5
 
Établi sur observ. couvrant ? (U = ?)
Type Objet principal du système plutonien
Demi-grand axe (a) 2 390 km
par rapport au barycentre du système
Excentricité (e) 0,000 00 ± 0,000 07[122]
Période de révolution (Prév) (6,387 230 4 ± 0,000 001 1) j[122]
(6 j 9 h 17 min 36,7 s ± 0,1 s)
Inclinaison (i) 0°(par rapport à l'équateur de Pluton)
Caractéristiques physiques
Dimensions (2,370 ± 20) km (diamètre)
Période de rotation (Prot) 6,387 230 4 j
Synchrone
Découverte
Date
Découvert par Clyde W. Tombaugh

Description

Les recherches d'un satellite de Pluton partaient du postulat qu'un éventuel satellite devait être beaucoup plus petit que sa planète, comme c'est le cas dans le reste du Système solaire, et donc moins lumineux que Pluton. Des clichés réalisés dans les années 1950 et 1960 très surexposés par des temps de pose longs ne donnèrent aucun résultat. La théorie de Gerard Kuiper qui proposait de voir en Pluton un ancien satellite de Neptune éjecté de son orbite, impliquait que Pluton ne pouvait probablement pas avoir de lune, ce qui n'incitait pas à sa recherche. La découverte d'un satellite près de 50 ans après celle de Pluton fut donc fortuite[123].

Pluton possède cinq satellites naturels connus, le plus grand étant Charon qui fut identifié dès 1978. Deux satellites plus petits ont été découverts en 2005 et nommés Hydre et Nix (connus jusqu'en par leurs désignations provisoires S/2005 P 1 et S/2005 P 2)[124]. Le cinquième membre du système, nommé provisoirement S/2011 (134340) 1 et informellement P4, fut découvert en 2011. La découverte d'un dernier satellite, provisoirement connu comme S/2012 (134340) 1 et informellement surnommé P5, est annoncée le [125]. La sonde New Horizons ne détecte aucun autre satellite de plus d'1,7 kilomètre de diamètre pour un albédo de 0,5 lors de son passage dans le système plutonien[126].

Le , l'Institut SETI lance la campagne Pluto Rocks! qui permet aux internautes de voter pour les noms qu'ils préféreraient voir attribués à P4 et P5. Le site permettait aussi de proposer des noms tant qu'ils respectent les règles de l'Union astronomique internationale[127]. La campagne se termine après avoir recueilli près de 450 000 votes. Le nom le plus populaire est Vulcain, proposé par l'ancien acteur de Star Trek, William Shatner, suivi de Cerberus. Cependant, d'autres objets portant déjà ces noms et pour éviter toute confusion, l'orthographe grecque Kerberos est préférée à sa version latine Cerberus, et Styx, troisième du classement, est préféré à Vulcain. Le , l'Union astronomique internationale confirme les noms de Kerbéros pour P4 et Styx pour P5[128].

Une particularité du système plutonien est que le barycentre du couple Pluton/Charon n'est pas situé à l'intérieur du premier mais dans le vide entre les deux corps[129].

La distribution des satellites de Pluton est concentrée au centre du système. Potentiellement, un satellite pourrait orbiter autour de Pluton jusqu'à 53 % du rayon de sa sphère de Hill (soit environ 6 × 106 km) dans le sens direct et 69 % dans le sens rétrograde, mais le système plutonien est resserré dans les 3 % internes de cette zone. À titre de comparaison, Psamathée orbite Neptune à 40 % du rayon de sa sphère de Hill. Selon les termes des découvreurs de Nix et Hydre, le système plutonien est « hautement compact et largement vide »[130].

 

Charon

Modélisation de la révolution de Pluton et de Charon autour d'un barycentre commun, à l'extérieur des deux corps. On y peut observer la synchronicité des rotations.

Charon fut découvert en 1978[131], lors d'une campagne d'astrométrie destinée à affiner la mesure de position de Pluton. James Christy remarqua sur la tache lumineuse des clichés de Pluton une excroissance placée différemment selon les clichés, dont l'examen révéla une périodicité d'une semaine. Christy annonça sa découverte le 7 juillet 1978 et proposa de la nommer Charon[123].

Comparativement à Pluton, Charon est un très gros satellite (son rayon de 600 km environ est la moitié de celui de Pluton, estimé à 1 170 km), et le barycentre des deux corps se trouve au-delà de la surface de Pluton (à un peu plus de deux rayons plutoniens). Il s'agit du plus grand système de ce genre dans le Système solaire (certains astéroïdes binaires possèdent également ce trait, comme (617) Patrocle ; le barycentre du Soleil et de Jupiter est également situé à l'extérieur du premier) et il y est parfois fait référence comme un système binaire d'astéroïdes[123].

Sous l'effet de marée gravitationnelle, Pluton et Charon sont tous les deux en rotation synchrone, avec une période de 6,387 jours : Charon présente toujours la même face à Pluton et Pluton la même face à Charon, un fait inhabituel dans le Système solaire pour deux objets de cette taille (mais non exceptionnel, certains astéroïdes binaires possèdent cette propriété)[123].

La découverte de Charon a permis en exploitant de 1985 à 1990 les occultations de Charon par Pluton et les transits de Charon devant Pluton de préciser la masse totale du système double et de déterminer que celle-ci était inférieure aux estimations précédentes. En fait, elle a amené les astronomes à revoir totalement leur estimation de la taille de Pluton. À l'origine, on pensait que Pluton était plus grande que Mercure (on lui donnait environ 6 800 km de diamètre) et plus petite que Mars, mais les calculs étaient fondés sur le fait qu'un seul objet était observé (on ne distinguait pas Charon de Pluton). Une fois le système double découvert, l'estimation de la taille de Pluton a été revue à la baisse. Il est possible aujourd'hui, avec des instruments modernes, de distinguer le disque de Pluton séparément de celui de Charon (voir l'image établie par Hubble en 2006)[123].

En conséquence, l'albédo de Pluton a dû aussi être recalculé et revu à la hausse : la planète étant bien plus petite que les premières estimations, sa capacité à réfléchir la lumière devait être plus importante que ce que l'on pensait. Les estimations actuelles lui donnent une valeur moyenne de 58 %, tandis que Charon avec 36 % apparaît beaucoup plus sombre. Charon n'a pas retenu le méthane, seule de la glace d'eau et d'ammoniac y a été détectée[110].

Les observations faites par la sonde New Horizons en juillet 2015 ont permis de découvrir une zone sombre au nord de ce satellite, surnommée « Mordor » par l'équipe de la NASA[132].

Hydre et Nix

Pluton et trois de ses cinq satellites connus, vus par Hubble le 15 février 2006.

Pluton possède deux autres satellites, qui furent photographiés le lors d'une campagne d'observation du télescope spatial Hubble, temporairement nommés S/2005 P 1 et S/2005 P 2 puis dénommés Hydre (du nom du monstre l'Hydre) et Nix (de Nyx, mère de Charon)[133]. Ils ont été repérés par une équipe du Southwest Research Institute sur des clichés pris pour préparer la nouvelle mission d'exploration lointaine du Système solaire, New Horizons. Leur existence fut confirmée par l'examen de photographies prises par Hubble et datant du [124].

Photographie du satellite Hydre.

D'après les premières observations, le demi-grand axe de l'orbite de Nix mesure 49 000 km avec une période de 24,9 jours et celui de l'orbite d'Hydre 65 000 km avec une période de 38,2 jours. Les deux satellites semblent orbiter dans le sens rétrograde dans le même plan que Charon et sont deux et trois fois plus éloignés que celui-ci, avec une résonance orbitale proche de (mais pas égale à) 4:1 et 6:1[124].

Les observations se poursuivent pour déterminer les caractéristiques des deux astres. Hydre est parfois plus brillant que Nix, soit parce qu'il est plus grand, soit parce que la luminosité de sa surface varie suivant les zones. Le spectre des satellites est similaire à celui de Charon, ce qui suggère un albédo similaire d'environ 0,35 ; dans ce cas, le diamètre de Nix est estimé à 46 km et celui de Hydre à 61 km. Une limite supérieure peut être déterminée en supposant un albédo de 0,04 similaire aux objets les plus sombres de la ceinture de Kuiper : 137 ± 11 km pour Nix et 167 ± 10 km pour Hydre. Dans ce cas, la masse des satellites serait 0,3 % de celle de Charon (0,03 % de la masse de Pluton)[134].

Autres objets orbitant autour de Pluton

Diagramme des orbites des satellites de Pluton.
Schéma des orbites du système plutonien. S/2011 (134340) 1 (indiqué par P4) orbite entre les lunes Nix et Hydre.

Pluton possède un quasi-satellite nommée (15810) Arawn.

Les observations effectuées par le télescope spatial Hubble ont placé des limites quant à l'existence de satellites additionnels dans le système plutonien. Avec une probabilité de 90 %, aucune lune de plus de 12 km et d'un albédo similaire à celui de Charon (soit 0,38) n'existe dans une zone de 5" autour de Pluton. Pour un albédo plus sombre de 0,041, cette limite est portée à 37 km. Avec une probabilité de 50 %, cette limite descend à 8 km[135].

Dans un article publié dans la revue Nature[130], une équipe de scientifiques américains conduite par S. A. Stern (du Southwest Research Institute) a annoncé que Nix et Hydre se sont très probablement formées lors du même impact géant qui a donné naissance à Charon. L'équipe a émis l'hypothèse que d'autres grands objets binaires de la ceinture de Kuiper pourraient également abriter de petites lunes et que celles qui gravitent autour de Pluton pourraient générer des anneaux de débris autour de la planète naine. À l'heure actuelle, les données provenant de la caméra de prospection avancée d'Hubble suggèrent qu'aucun anneau n'existe. Dans le cas contraire, il s'agit d'un anneau ténu comme ceux de Jupiter ou de moins de 1 000 km de large[136].

Lors d'une nouvelle campagne d'observation réalisée à l'aide du télescope spatial Hubble, une nouvelle lune fut observée, le . Cette observation a été confirmée par d'autres le 3 et le 18 juillet. La petite lune nommée Kerberos (quelquefois francisé en Cerbère ; provisoirement S/2011 (134340) 1 ou P4) et dont la taille doit être comprise entre 13 et 34 km, a une orbite inscrite entre celles de Nix et d'Hydre[137].

Une nouvelle lune appelée Styx (provisoirement S/2012 (134340) 1 ou P5), a été découverte entre le 26 juin et le [138], elle fut baptisée par l'Union astronomique internationale, le [139].

Après une première inspection des environs de Pluton les 11 et , lors de laquelle l'instrument LORRI de la sonde New Horizons a pris 144 photos de 10 minutes chacune afin de repérer tout objet qui pourrait être dangereux pour la sonde lors de sa traversée du système plutonien, aucun nouveau satellite n'a été repéré. S'ils existent, les satellites supplémentaires de Pluton ont donc une taille maximale de 5-15 kilomètres (intervalle correspondant à différents albédos). De même, aucun anneau de matière n'a été repéré, ce qui signifie que, s'ils existent au-delà de l'orbite de Charon, ils sont soit extrêmement fins — moins de 1 000 km de large — soit extrêmement peu réflectifs (ils réfléchiraient moins d'un cinq-millionième de la lumière solaire incidente).

Théories sur l'origine du système plutonien

Scénario possible de la formation de Charon par collision.

Différentes théories ont été formulées pour expliquer l'origine du système plutonien, et notamment la petite taille de Pluton, comparable à celle de satellites de la géante voisine Neptune.

Superstitions

Le nom-même attribué à Pluton en tant que maître des Enfers a excité outre mesure l'imagination des astrologues[146] à une époque de temps troublés où l'astrologie a - comme d'habitude pour les périodes de crises[147]- connu une effervescence (à cette époque, elle est sortie de sa clandestinité, faisant irruption dans les médias de masse[148],[149]). Le spécialiste de l'histoire de l'astrologie Jacques Halbronn[f] trouve curieux que le nom choisi par les astronomes ait déterminé le symbolisme adopté par les astrologues[146]. En effet, il y avait dans le nom « Pluton » l'idée du juge des âmes, et dès lors d'une sorte de Jugement Dernier[150]. Quatre ans seulement après la découverte de l'astre, l'astrologue allemand Fritz Brunhübner, voyant en Pluton un astre super-maléfique, a affirmé que « Pluton peut être appelé l'aspect cosmique à l'origine du Troisième Reich »[151],[152]. Avec une absence de recul remarquable pour un astre dont la période de révolution est de 249 ans, Brunhübner est alors allé jusqu'à attribuer à Pluton la maîtrise astrologique sur le signe du Scorpion[153]. Il n'a cependant pas fait consensus : Alexandre Volguine estimait que Pluton gouvernait le signe du Sagittaire[154] alors que Dane Rudhyar voyait l'astre en analogie avec le signe du Bélier[155]. D'autres ont fait l'hypothèse d'une maîtrise astrologique sur le signe des Poissons[156]!

Pluton dans les œuvres de fiction

Pluton dans la musique

Notes et références

Notes

  1. Il a rédigé l'article Astrologie de l'Encyclopædia Universalis.

Références

  1. [vidéo] « WHAT THE CUT #35 - ENFANCE, MASQUE ET CUISINE [archive] » (consulté le )

Voir aussi

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Bibliographie

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Plutonium

 
 
 
Plutonium
Image illustrative de l’article Plutonium
Pastilles de plutonium.
 
NeptuniumPlutoniumAméricium
Sm
  Structure cristalline monoclinique  
 
94
Pu
 
                             
 
   
Pu
?
Tableau completTableau étendu
Position dans le tableau périodique
Symbole Pu
Nom Plutonium
Numéro atomique 94
Groupe
Période 7e période
Bloc Bloc f
Famille d'éléments Actinide
Configuration électronique [Rn] 5f6 7s2
Électrons par niveau d’énergie 2, 8, 18, 32, 24, 8, 2
Propriétés atomiques de l'élément
Masse atomique [244]
Rayon atomique (calc) 159 pm
Rayon de covalence 187 ± 1 pm[1]
État d’oxydation +3, +4, +5, +6, +7
Électronégativité (Pauling) 1,28
Oxyde Amphotère
Énergies d’ionisation[2]
 
1re : 6,026 0 eV 2e : 11,2 eV
Isotopes les plus stables
 
IsoANPériodeMDEdPD
MeV
238Pu {syn.} 87,75 a α
FS
cluster
5,593

 ?
234U
PF
210Pb
239Pu {syn.} 24 110 a α
FS
5,245
235U
PF
240Pu {syn.} 6 560 a α
FS
clusters
5,17

 ?
236U
PF
(Pb ; Pt)
241Pu {syn.} 14,4 a β 0,021 241Am
242Pu {syn.} 373 000 a α
FS
4,9
238U
PF
244Pu {syn.}
traces
80,8 × 106 a α
FS
4,666
240U
PF
Propriétés physiques du corps simple
État ordinaire solide paramagnétique
Masse volumique 19,85 g/cm3[3] (239Pu)
Système cristallin Monoclinique
(no 11 : P21/m)
Couleur Blanc argenté ternissant à l'air libre
Point de fusion 640 °C[4]
Point d’ébullition 3 228 °C[4]
Enthalpie de fusion 2,84 kJ/mol
Enthalpie de vaporisation 344 kJ/mol
Volume molaire 12,29 × 10−6 m3/mol
Pression de vapeur 1 Pa
1 483 °C)
Vitesse du son 2 260 m/s à 20 °C
Chaleur massique 35,5 J/kg/K
Conductivité électrique 0,685 × 106 S/m
Conductivité thermique 6,74 W/m/K
Divers
No CAS 7440-07-5
No ECHA 100.028.288
No CE 231-117-7
Précautions
Élément radioactif
Radioélément à activité notable

Unités du SI & CNTP, sauf indication contraire.

Le plutonium est l'élément chimique de symbole Pu et de numéro atomique 94. C'est un métal radioactif transuranien de la famille des actinides. Il se présente sous la forme d'un solide cristallisé dont les surfaces fraîches sont gris argenté mais se couvrent en quelques minutes, en présence d'humidité, d'une couche terne de couleur grise, tirant parfois sur le vert olive, constituée d'oxydes et d'hydrures ; l'accroissement de volume qui en résulte peut atteindre 70 % d'un bloc de plutonium pur, et la substance ainsi formée tend à se désagréger en une poudre pyrophorique.

Le plutonium a été produit et isolé pour la première fois le à l'université de Californie à Berkeley en bombardant de l'uranium 238 par du deutérium. Venant à la suite de l'uranium et du neptunium dans le tableau périodique, ce nouvel élément chimique a été nommé en référence à Pluton, qui vient à la suite des planètes Uranus et Neptune dans le Système solaire. C'est un élément synthétique, produit artificiellement par l'homme, mais on rapporte également l'observation de traces de plutonium naturel dans des minerais d'uranium. Il s'agit d'un métal lourd radiotoxique qui tend à s'accumuler dans les os et, dans une moindre mesure, dans le foie. On observe couramment quatre états d'oxydation du plutonium, de +3 à +6 (l'état +7 est rare), avec des colorations distinctes. La structure électronique du métal pur est déterminée par la bande 5f, qui présente la plus grande densité d'états au niveau de Fermi ; particulièrement étroite, la bande 5f tend à localiser les électrons qui s'y trouvent, de sorte que le plutonium pur à température ambiante est semblable aux matériaux à fermions lourds, avec une capacité thermique et une résistivité électrique élevées.

On connaît pas moins de six allotropes du plutonium à pression atmosphérique, et un septième au-delà de 60 MPa. Ils ont des propriétés bien tranchées et souvent inhabituelles pour un métal. Ainsi, le plutonium α, stable à température ambiante, est l'un des très rares métaux à cristalliser dans le système monoclinique ; ses propriétés physiques et structurelles relèvent davantage des minéraux que des métaux usuels, tandis que ses propriétés mécaniques rappellent celles de la fonte. Le plutonium δ, stable à température plus élevée ou avec une faible fraction molaire de gallium, cristallise en revanche dans une maille cubique à faces centrées, avec une masse volumique inférieure de près de 20 % à celle du plutonium α ; il est davantage métallique, avec des propriétés mécaniques semblables à l'aluminium, mais un coefficient de dilatation thermique négatif (il se contracte en chauffant). Le plutonium est également l'un des rares éléments chimiques dont le liquide est plus dense que le solide au point de fusion. L'existence de multiples allotropes aux énergies internes voisines rend la mise en forme du plutonium particulièrement délicate, au point qu'on utilise plutôt un alliage plutonium-gallium, qui stabilise la phase δ à température ambiante, ce qui facilite l'usinage des pièces en plutonium.

Le plutonium 239 et le plutonium 241 sont des isotopes fissiles par neutrons thermiques, ce qui signifie qu'ils peuvent contribuer à une réaction nucléaire en chaîne et qu'ils peuvent être utilisés dans la conception d'armes nucléaires et de réacteurs nucléaires. Le plutonium 240 présente un taux de fission spontanée très élevé qui impose d'en maintenir un taux inférieur à 7 % dans le plutonium de qualité militaire. Le plutonium 238 a une demi-vie de 88 ans et émet des particules α ; c'est une source de chaleur souvent utilisée par les générateurs thermoélectriques à radioisotopes pour alimenter certaines sondes spatiales en électricité. La séparation des isotopes du plutonium est difficile et ils sont généralement produits spécifiquement par des réacteurs spécialisés. La production de plutonium en quantité suffisante a été l'un des objectifs du projet Manhattan au cours de la Seconde Guerre mondiale afin de développer les premières bombes nucléaires. La première explosion atomique, l'essai Trinity, a utilisé une charge en plutonium, de même que Fat Man, la bombe atomique larguée sur Nagasaki ; la bombe Little Boy larguée trois jours plus tôt sur Hiroshima avait quant à elle un cœur en uranium enrichi.

Propriétés

Physique

Le plutonium est un métal de la famille des actinides présentant, comme la plupart des autres métaux, un aspect argenté brillant comme le nickel. Cependant, au contact de l'air, il se recouvre rapidement d'une couche terne grisâtre, avec des couleurs pouvant tirer sur le jaune ou le vert olive, cette dernière teinte provenant du dioxyde de plutonium[6] PuO2.

Comme le neptunium et l'uranium — et, dans une moindre mesure, le protactinium — la structure électronique du plutonium aux conditions normales de température et de pression est déterminée par les orbitales 5f, qui contribuent de manière prépondérante aux liaisons interatomiques. Les distances entre atomes s'en trouvent réduites dans ces matériaux, qui présentent de ce fait une masse volumique particulièrement élevée : celle du plutonium vaut 19,816 g/cm3, plus du double de celle de l'einsteinium (8,84 g/cm3), qui a pourtant une masse atomique supérieure. Or les distances interatomiques dans un cristal influencent la largeur des bandes électroniques : plus ces distances sont petites, plus les bandes sont étroites. La bande 5f étant mathématiquement moins large que les bandes 6d et 7s, elle devient ici suffisamment étroite pour tendre à localiser les électrons dans le cristal, dont les propriétés métalliques sont par conséquent fortement dégradées[7]. De là provient toute la complexité du plutonium : compte tenu de la structure de bandes très particulière du matériau, où les bandes 5f et 6d ont des niveaux d'énergie très voisins, les électrons 5f du plutonium sont à la limite entre état localisé et état délocalisé dans le cristal, de sorte qu'une légère variation d'énergie interne suffit pour passer de l'un à l'autre, ce qui se traduit par des modifications brutales des propriétés macroscopiques du matériau.

Conséquence de l'influence des électrons 5f, les cristaux des actinides légers sont moins symétriques que ceux des métaux usuels, car les orbitales 5f sont très directionnelles[8], et contraignent la géométrie des cristaux. Le protactinium cristallise dans le système quadratique, moins symétrique que ceux des métaux usuels, tandis que l'uranium et le neptunium cristallisent dans le système orthorhombique, encore moins symétrique, et que le plutonium cristallise dans le système monoclinique, le moins symétrique de tous. Il s'ensuit que le plutonium à l'état standard est peu ductile, peu malléable, peu plastique, et est au contraire plutôt dur et fragile ; on compare souvent ses propriétés mécaniques à celles de la fonte grise[9].

Autre conséquence de l'influence des électrons 5f, le plutonium à l'état standard présente une faible conductivité électrique et une faible conductivité thermique, mais une capacité thermique élevée, ce qui l'apparente aux matériaux à fermions lourds[7]. De plus, sa conductivité électrique tend à décroître lorsqu'on refroidit le matériau[10], ce qui est à l'opposé du comportement habituel des métaux. La tendance s'observe jusqu'à 100 K, puis s'inverse pour le plutonium frais ; la résistivité croît cependant avec le temps en raison des dommages au réseau cristallin dus à la radioactivité.

Propriétés comparées du plutonium et d'autres métaux usuels[11]
MétalConductivité
thermique
Résistivité
électrique
CompressibilitéModule
de Young
Plutonium α 4,2 W/m/K 1,45 µΩ m 0,020 GPa−1 100 GPa
Plutonium δ (Pu-Ga) 9,2 W/m/K 1,00 µΩ m 0,033 GPa−1 42 GPa
Acier inoxydable 15 W/m/K 0,7 µΩ m 0,000 7 GPa−1 180 GPa
Aluminium 222 W/m/K 0,029 µΩ m 0,015 GPa-1 70 GPa

D'une manière générale, la radioactivité désorganise la structure cristalline du plutonium par accumulation de défauts cristallins[8]. Cependant, l'auto-irradiation peut également chauffer suffisamment le matériau pour conduire à un recuit, ce qui contrebalance l'effet précédent pour des températures supérieures à 1 000 K[12].

Isotopes

Pièce de 5,3 kg de plutonium électro-raffiné à plus de 99,96 % d'environ 11 cm de diamètre destiné à la fabrication d'une tête nucléaire[13]. La géométrie annulaire vise à prévenir les risques d'accident de criticité.

On connaît une vingtaine d'isotopes du plutonium. Le plutonium 244 présente la demi-vie la plus longue, avec 80,8 millions d'années, suivi par le plutonium 242, avec 373 300 ans, et le plutonium 239, avec 24 110 ans. Tous les autres isotopes du plutonium ont une demi-vie inférieure à 7 000 ans. Le plutonium présente également huit isomères nucléaires, dont la demi-vie est toujours inférieure à une seconde[14].

Les isotopes connus du plutonium ont une masse atomique allant de 228 à 247. Le mode de désintégration privilégié des isotopes plus légers que le plutonium 244 est la fission spontanée et la désintégration α, qui produit essentiellement du neptunium et de l'uranium, ainsi qu'une grande variété de produits de fission. Le mode de désintégration privilégié des isotopes plus lourds que le plutonium 244 est la désintégration β, qui produit essentiellement de l'américium. Le plutonium 241 est l'isotope parent de la série de désintégration du neptunium, qui donne de l'américium 241 par désintégration β[14],[15].

Le plutonium 239 est, avec l'uranium 233 et l'uranium 235, l'un des trois principaux isotopes fissiles utilisés par l'industrie nucléaire ou à des fins militaires. Le plutonium 241 est également fortement fissile, c'est-à-dire qu'il peut fissionner sous l'impact d'un neutron thermique en libérant suffisamment d'autres neutrons pour permettre la fission d'autres atomes et entretenir ainsi une réaction en chaîne ; il est cependant bien plus radioactif que le plutonium 239, et produit, par désintégration β, de l'américium 241, un fort émetteur de particules α indésirables dans les applications habituelles du plutonium. Soumis à des neutrons thermiques, les isotopes 239Pu et 241Pu ont une probabilité d'environ 34 de fissionner et d'environ 14 de donner du 240Pu et du 242Pu respectivement, de sorte que le taux de 240Pu dans le plutonium résiduel après une réaction nucléaire est supérieur à celui du plutonium initial.

Sensiblement moins radioactif que la plupart des autres isotopes, le plutonium 239 pur présente cependant un facteur de multiplication keff supérieur à 1, ce qui signifie que ce matériau peut atteindre la masse critique pour peu qu'une quantité suffisante de matière soit rassemblée dans le volume approprié[16]. Au cours de la fission d'un atome, une fraction de l'énergie de liaison nucléaire, qui assure la cohésion du noyau atomique, est libérée sous forme d'énergie électromagnétique et d'énergie cinétique, cette dernière étant rapidement convertie en énergie thermique. La fission d'un kilogramme de plutonium 239 peut produire une explosion équivalente à 21 kt de TNT (88 000 GJ). C'est cette énergie qui est utilisée par les réacteurs nucléaires et les armes nucléaires[15].

La présence de plutonium 240 dans une masse de plutonium 239 limite l'intérêt militaire de celui-ci car cet isotope présente un taux de fission spontanée supérieur de plus de quatre ordres de grandeur à celui du plutonium 239 — environ 440 fissions/s/g, soit plus de 1 000 neutrons/s/g[17] — ce qui dégrade les performances explosives du matériau et accroît les risques d'explosion incontrôlée[18]. Le plutonium est dit de qualité militaire (weapon-grade) lorsqu'il contient moins de 7 % de plutonium 240, et de qualité combustible (fuel-grade) lorsqu'il en contient moins de 19 %. Le plutonium haute qualité (supergrade), contenant moins de 4 % de plutonium 240, est utilisé, en raison de sa plus faible radioactivité, pour les armes nucléaires devant être conservées à proximité immédiate des équipages, dans les sous-marins nucléaires lanceurs d'engins et les divers types de navires de guerre par exemple[19]. Le plutonium 238 n'est pas fissile mais peut facilement être fissionné sous l'effet de neutrons rapides ainsi que d'une radioactivité α[15].

Chaînes Th-U et U-Pu.

Les deux principaux isotopes synthétisés sont le plutonium 238 et le plutonium 239[15]. Le plutonium 239 est produit par capture neutronique puis désintégration β à partir d'uranium 238[20] :

1
0n
+ 238
92U
239
92U
→ 23.5   m i n β − 239
93Np
→ 2.3565   d β − 239
94Pu
.

Les neutrons issus de la fission de l'uranium 235 sont absorbés par les noyaux d'uranium 238 pour former de l'uranium 239 ; une désintégration β convertit alors un neutron en proton pour former du neptunium 239, converti par une seconde désintégration β en plutonium 239.

Le plutonium 238 est produit par bombardement d'uranium 238 avec des ions de deutérium[21] :

2
1D
+ 238
92U
238
93Np
+ 2 1
0n
  238
93Np
→ 2,117 j β − 238
94Pu

Radioactivité

Hormis le plutonium 240, qui présente un fort taux de fission spontanée, et le plutonium 241, qui se désintègre par radioactivité β, la désintégration spontanée des principaux isotopes du plutonium se fait essentiellement par radioactivité α, c'est-à-dire par émission de particules α (He2+) qui se recombinent avec des électrons du métal pour former de l'hélium, tandis que le plutonium est transmuté en uranium. Ainsi, un cœur typique d'arme nucléaire de 5 kg contient 12,5 × 1024 atomes donnant une activité de 11,5 × 1012 Bq (désintégrations par seconde) émettant des particules α, ce qui correspond globalement à une puissance de 9,68 W [22],[23].

Modes de désintégration principaux d'isotopes du plutonium[24]
IsotopePériode

radioactive

Activité
massique
Mode de
désintégration
Nucléide
fils
Rapport de
branchement
Énergie de
désintégration
238Pu 87,76 ans 6,34 × 1011 Bq/g Radioactivité α 234U 71,04 % 5,499 MeV
28,84 % 5,457 MeV
239Pu 24 130 ans 2,295 × 109 Bq/g Radioactivité α 235U 73,30 % 5,156 MeV
15,10 % 5,144 MeV
11,45 % 5,106 MeV
240Pu 6 567,5 ans 8,40 × 109 Bq/g Radioactivité α 236U 72,90 % 5,168 MeV
27,00 % 5,124 MeV
241Pu 14,29 ans 3,81 × 1012 Bq/g Radioactivité β 241Am 99,99 % 20,81 keV

Les radioisotopes du plutonium libèrent une chaleur de désintégration variable selon les isotopes considérés. Cette grandeur est généralement donnée en watts par kilogramme ou en milliwatts par gramme. Elle peut atteindre des valeurs significatives dans les pièces en plutonium de grande taille (par exemple, dans les têtes nucléaires). Tous les isotopes du plutonium libèrent également de faibles rayons γ.

 
Chaleur de désintégration d'isotopes du plutonium[25]
IsotopeChaleur de désintégrationFission spontanée (neutrons)Remarques
238Pu 560 W/kg 2 600 g−1 s−1 Chaleur de désintégration très élevée mise à profit dans les générateurs thermoélectriques à radioisotope
239Pu 1,9 W/kg 0,022 g−1 s−1 Principal isotope fissile du plutonium.
240Pu 6,8 W/kg 910 g−1 s−1 Principale impureté du plutonium 239. La qualité d'un plutonium est généralement exprimée en pourcentage de 240Pu. Son taux de fission spontanée est défavorable aux applications militaires.
241Pu 4,2 W/kg 0,049 g−1 s−1 Se désintègre en américium 241. Son accumulation présente un risque d'irradiation par les pièces de plutonium anciennes.
242Pu 0,1 W/kg 1 700 g−1 s−1  

Allotropes

Le plutonium présente six allotropes à pression ambiante : alpha (α), beta (β), gamma (γ), delta (δ), delta prime (δ’) et epsilon (ε)[8].

Il existe six allotropes du plutonium à pression atmosphérique, et un septième au-delà de 60 MPa[8]. Ces allotropes ont une énergie interne qui varie peu tandis que leurs propriétés physiques varient de façon spectaculaire. La masse volumique du plutonium pur à pression atmosphérique vaut ainsi 19,86 g/cm3 pour le plutonium α à température ambiante, mais seulement 15,92 g/cm3 pour le plutonium δ à 125 °C[26], soit une densité 20 % plus faible, correspondant à un allongement linéaire de plus de 7,6 %. Le plutonium peut ainsi réagir violemment à des changements de pression, de température ou d'environnement chimique, et les transitions de phase peuvent s'accompagner de changements de volume significatifs et brutaux[8].

Phases du plutonium à pression atmosphérique[26]
PhaseSystème cristallinTempérature de
transition de phase
Masse volumique[a]
α Monoclinique simple [b] 19,86 g/cm3
β Monoclinique à bases centrées 124,5 °C 17,70 g/cm3
γ Orthorhombique à faces centrées 214,8 °C 17,14 g/cm3
δ Cubique à faces centrées 320,0 °C 15,92 g/cm3
δ’ Quadratique centré 462,9 °C 16,00 g/cm3
ε Cubique centré 482,6 °C 16,51 g/cm3
Liquide ~640 °C 16,65 g/cm3

L'existence d'allotropes aussi différents pour des énergies internes aussi voisines rend la mise en forme du plutonium pur particulièrement délicate. Son état standard, la phase α, est monoclinique, faisant du plutonium pur à température ambiante un matériau dur et cassant comme la fonte grise, qui se prête fort peu à l'usinage et est susceptible de connaître de brusques variations de géométrie sous l'effet d'échauffements modérés. En revanche, la phase δ est cubique à faces centrées, comme de nombreux métaux usuels tels que l'aluminium et le nickel, et présente des propriétés mécaniques semblables à celles de l'aluminium. Stable de 320,0 à 462,9 °C pour le plutonium pur, la phase δ peut être stabilisée jusqu'à température ambiante moyennant l'adjonction d'une petite quantité de gallium, d'aluminium, d'américium, de scandium ou de cérium, qui permet d'usiner et de souder des pièces en plutonium[10]. L'alliage plutonium-gallium est fréquemment utilisé à cet effet, car il permet de s'affranchir des transitions de phases non désirées entraînant des distorsions dues à des gonflements ou des contractions localisés dans la pièce. Le silicium, l'indium, le zinc et le zirconium permettent la formation d'une phase δ métastable par refroidissement rapide. L'adjonction de grandes quantités d'hafnium, d'holmium et de thallium permet également de préserver la phase δ jusqu'à la température ambiante. Le neptunium est le seul élément qui stabilise la phase α monoclinique à température plus élevée[8].

L'élasticité de la phase δ est anisotrope, pouvant varier d'un facteur six à sept selon les directions[27].

Dans les armes à fission, l'onde de choc qui comprime le noyau (au-delà de quelques dizaines de kilobars) provoque également une transition de la phase δ vers la forme α, nettement plus dense, ce qui permet d'atteindre plus facilement la criticité[27].

Alliages

Les alliages de plutonium peuvent être obtenus en ajoutant un métal à du plutonium fondu. Si le métal ajouté est suffisamment réducteur, le plutonium peut être apporté sous forme d'oxydes ou d'halogénures. L'alliage plutonium-gallium et l'alliage plutonium-aluminium, qui stabilisent la phase δ du plutonium à température ambiante, sont obtenus en ajoutant du trifluorure de plutonium PuF3 à du gallium ou de l'aluminium fondus, ce qui présente l'avantage d'éviter de manipuler du plutonium métallique, très réactif[28].

Chimie

Couleurs des cations Pu(III), Pu(IV) et Pu(V) dans une solution molaire d'acide perchlorique HClO4, de Pu(VI) dans une solution de perchlorate de sodium NaClO4 à pH = 7, et de Pu(VII) dans 2,5 M de NaOH[34].

Le plutonium pur à température ambiante présente des surfaces argentées qui ternissent en quelques minutes au contact de l'air[15]. Il présente quatre états d'oxydation courants en solution aqueuse, plus un cinquième plus rare[35] :

Un complexe avec du plutonium à l'état d'oxydation formel +2, le [K(2.2.2-cryptand)][PuIICp″3], où Cp″ = C5H3(SiMe3)2, a également été publié[37].

La couleur des solutions d'ions de plutonium dépend à la fois de l'état d'oxydation et de la nature de l'anion acide[38]. C'est ce dernier qui influence le degré de complexation du plutonium.

Le plutonium métallique est obtenu en faisant réagir du tétrafluorure de plutonium PuF4 avec du baryum, du calcium ou du lithium à 1 200 °C[39]. Il est attaqué par les acides, l'oxygène et la vapeur d'eau, mais pas par les bases. Il se dissout facilement dans l'acide chlorhydrique HCl, l'acide iodhydrique HI et l'acide perchlorique HClO4 concentrés[10]. Le plutonium fondu doit être maintenu sous vide ou sous atmosphère inerte afin d'éviter la réaction avec l'air[10]. À 135 °C, le plutonium métallique s'enflamme à l'air libre, et explose en présence de tétrachlorométhane[40] CCl4.

Le plutonium réagit avec le carbone pour former des carbures de plutonium Pu3C2, PuC1-δ, Pu2C3 et PuC2 ; il réagit avec l'azote N2 pour former un nitrure PuN, et avec le silicium pour former un siliciure PuSi2[35],[40] ; il réagit avec les halogènes X2, où X peut représenter de fluor, le chlore, le brome et l'iode, en donnant des trihalogénures PuX3. Avec le fluor, outre le trifluorure de plutonium PuF3, on observe également du tétrafluorure de plutonium PuF4 ainsi que de l'hexafluorure de plutonium PuF6. Il se forme par ailleurs des oxyhalogénures PuOCl, PuOBr et PuOI.

Les creusets utilisés avec du plutonium doivent être en mesure de supporter les propriétés très réductrices de ce métal. Les métaux réfractaires, tels que le tantale et le tungstène, ainsi que les oxydes, borures, carbures, nitrures et siliciures les plus stables, peuvent convenir. La fusion dans un four à arc électrique peut permettre de produire de petits lingots de plutonium métallique sans avoir besoin d'un creuset[10].

Corrosion

Pyrophoricité en conditions statiques de morceaux de plutonium[41] (visibles ici rougeoyant au fond d'une boîte métallique).

Le plutonium pur exposé à l'humidité, que ce soit dans l'air ou dans l'argon, se recouvre en quelques minutes d'une couche terne constituée d'un mélange d'oxydes et d'hydrures[26], qui se désagrège en formant une fine poussière volatile dont l'inhalation peut constituer un risque sanitaire sérieux. C'est la raison pour laquelle le plutonium est manipulé dans des boîtes à gants qui préviennent la dispersion atmosphérique de ces poussières.

Plus précisément, le plutonium exposé à l'air sec se recouvre d'une couche de dioxyde de plutonium PuO2 qui assure une passivation remarquable du métal, réduisant la progression de l'oxydation dans le matériau à une valeur aussi faible que 20 pm/h[41]. En revanche, la présence d'humidité introduit des hydrures PuHx, avec 1,9 < x < 3, qui catalysent la corrosion par l'oxygène O2, tandis que l'humidité en l'absence d'oxygène introduit des oxydes intermédiaires comme le sesquioxyde Pu2O3 qui favorisent la corrosion par l'hydrogène. Enfin, l'humidité en présence d'oxygène conduit à l'oxydation du dioxyde PuO2 pour former un oxyde supérieur PuO2+x sur la couche de dioxyde qui semble favoriser la corrosion du métal dans l'air humide[41].

Les poudres de plutonium, de ses hydrures et de certains oxydes tels que Pu2O3 sont pyrophoriques, c'est-à-dire qu'elles peuvent prendre feu spontanément au contact de l'air à température ambiante, et sont par conséquent manipulées sous atmosphère sèche inerte d'azote N2 ou d'argon Ar. Le plutonium massif ne s'enflamme qu'au-dessus de 400 °C. Le Pu2O3 s'échauffe spontanément et se transforme en dioxyde de plutonium PuO2, qui est stable dans l'air sec, mais réagit à chaud avec la vapeur d'eau[42]. Les réactions en jeu seraient ainsi :

3 PuO2 + Pu ⟶ 2 Pu2O3
2 Pu2O3 + O2 ⟶ 4 PuO2.

Le plutonium réagit également avec l'hydrogène H2 pour former des hydrures PuHx, avec 1,9 < x < 3 :

2 Pu + x H2 ⟶ 2 PuHx.

La valeur de x dépend de la pression partielle d'hydrogène et de la température de réaction. Ces hydrures, qui sont solides cristallisés dans le système cubique à faces centrées, sont rapidement oxydés par l'air, et se dissocient en leurs éléments constituants lorsqu'ils sont chauffés sous vide dynamique, c'est-à-dire avec pompage continu de l'hydrogène libéré.

Sûreté

Différents types de risques sont à considérer s'agissant de la manipulation du plutonium, qui dépendent étroitement des isotopes en jeu. Les accidents de criticité surviennent lors d'erreurs de manipulation conduisant à la formation d'une masse critique de plutonium et sont susceptibles de provoquer un syndrome d'irradiation aiguë. La radiotoxicité et la reprotoxicité se manifestent à la suite de l'absorption de plutonium dans l'organisme conduisant à l'irradiation des tissus avec des rayonnements ionisants pouvant provoquer des mutations génétiques et induire des cancers.

Les isotopes du plutonium les plus courants sont avant tout des émetteurs α, irradiant des particules α de 4,9 à 5,5 MeV qui sont facilement arrêtées par toute substance solide, notamment l'épiderme. Le plutonium 241 émet des rayons β, plus pénétrants que les rayons α, mais d'à peine 5,2 keV.

D'un point de vue chimique, le plutonium est combustible et pyrophorique, de sorte qu'il présente un risque d'incendie. Sa toxicité chimique, en revanche, n'est pas particulièrement significative.

Criticité

L'accumulation de plutonium dans un volume approchant de la masse critique est susceptible de conduire au déclenchement d'une réaction nucléaire émettant une quantité létale de neutrons et de rayons γ[10]. Le risque est d'autant plus grand avec le plutonium que la masse critique du plutonium 239 n'est généralement que le tiers de celle de l'uranium 235[15]. Ce risque est accru en solution en raison de l'effet modérateur de l'hydrogène de l'eau, qui thermalise les neutrons[35].

Plusieurs accidents de criticité impliquant du plutonium ont été rapportés au XXe siècle, certains ayant entraîné la mort de personnes touchées. Ce fut par exemple le cas au laboratoire national de Los Alamos le 21 août 1945 lors d'une erreur de manipulation de briques en carbure de tungstène utilisées comme réflecteurs de neutrons autour d'une sphère en plutonium de qualité militaire, ce qui causa 25 jours plus tard la mort d'Harry Daghlian Jr., alors chercheur du projet Manhattan, à la suite d'un syndrome d'irradiation aiguë consécutif à la dose qu'il a reçue, estimée à 5,1 Sv[43],[44]. Neuf mois plus tard, Louis Slotin mourut également à Los Alamos d'un accident semblable en manipulant des réflecteurs en béryllium autour de la même sphère en plutonium, appelée demon core[45]. Toujours à Los Alamos, un accident différent est survenu en , coûtant la vie à un laborantin, nommé Cecil Kelley, lors d'une opération de purification du plutonium, à la suite de la formation d'une masse critique dans un récipient de mélange. D'autres accidents de ce type se sont produits à travers le monde, que ce soit aux États-Unis, en Union soviétique, au Japon ou dans d'autres pays[46].

Radiotoxicité

Élément synthétique produit spécifiquement pour sa radioactivité, le plutonium est surtout connu pour sa radiotoxicité. Celle-ci résulte de trois types de rayonnements ionisants : les rayons α (particules α), les rayons β (électrons) et les rayons γ (photons énergétiques). L'exposition aiguë ou prolongée à ces rayonnements présente des risques pour la santé, susceptibles de se manifester dans le cadre d'un syndrome d'irradiation aiguë, avec mutations génétiques et cancers. Les risques croissent avec la dose absorbée, mesurée en grays (Gy), et plus précisément en fonction de la dose équivalente, mesurée en sieverts (Sv), qui pondère l'impact physiologique des différents types de rayonnements reçus en fonction de leur capacité à causer des dommages dans les tissus irradiés. Cette pondération est introduite par le facteur de dose, mesuré typiquement en microsieverts par becquerel (µSv/Bq) :

IsotopePlutonium 238Plutonium 239Plutonium 240Plutonium 241Plutonium 242
Activité massique[47] ~630 GBq/g ~2,3 GBq/g ~8,5 GBq/g ~3 700 GBq/g ~0,15 GBq/g
Facteur de dose[48] 0,23 µSv/Bq 0,25 µSv/Bq 0,25 µSv/Bq 0,004 8 µSv/Bq 0,24 µSv/Bq

Ainsi, les rayons γ traversent tous les tissus et touchent l'ensemble de l'organisme, tandis que les rayons β sont moins pénétrants et que les rayons α ne franchissent pas l'épiderme mais sont bien plus énergétiques (quelques mégaélectron-volts, contre quelques kiloélectron-volts pour les rayons β et γ). Ainsi, les particules α sont dangereuses lorsqu'elles sont émises au sein même des tissus par le plutonium absorbé[40]. Le principal risque est l'inhalation de particules contenant du plutonium, notamment sous forme de dioxyde de plutonium PuO2, qui se forme rapidement au contact de l'air et qui tend à se désagréger en fines poussières en présence d'humidité. On a ainsi montré une incidence accrue de fibrose pulmonaire[49],[50] et de cancer du poumon chez des salariés du secteur nucléaire[51]. Le risque de cancer du poumon croît lorsque la dose équivalente de plutonium inhalé atteint 400 mSv[52]. En revanche, l'ingestion ne permet d'absorber que 0,04 % du PuO2 ingéré[40]. Les risques concernent également les os, où le plutonium s'accumule, ainsi que le foie, où il est concentré[10].

Tous les isotopes du plutonium ne présentent pas le même niveau de radiotoxicité. Le plutonium de qualité militaire, constitué à plus de 92 % de plutonium 239, présente ainsi une radiotoxicité plutôt modérée[53], en raison de son activité massique plus faible que celle du plutonium 240 et surtout du plutonium 238. Le plutonium 241 a une activité un millier de fois plus élevée, émettant des rayons β qui sont plus pénétrants que le rayonnement α, bien qu'un millier de fois moins énergétiques.

Énergie par mode de désintégration[47]
IsotopePlutonium 238Plutonium 239Plutonium 240Plutonium 241Plutonium 242
Rayonnement α 5,5 MeV 5,1 MeV 5,2 MeV < 1 keV 4,9 MeV
Rayonnement β 11 keV 6,7 keV 11 keV 5,2 keV 8,7 keV
Rayonnement γ 1,8 keV < 1 keV 1,7 keV < 1 keV 1,4 keV

Le plutonium 238 présente la plus forte radiotoxicité, tandis que le plutonium 241, dont la concentration dans le plutonium croît avec le temps, produit rapidement de l'américium 241, qui émet des rayons γ énergétiques susceptibles d'exposer l'environnement à une irradiation significative[54].

La dose mortelle par syndrome d'irradiation aiguë constatée sur les expérimentations in vivo est de l'ordre de 400 à 4 000 µg/kg en une seule prise, une contamination chronique ayant des effets plus diffus[55]. On estime de ce fait qu'une quantité de l'ordre d'une dizaine de milligrammes provoque le décès d'une personne ayant inhalé en une seule fois des oxydes de plutonium. En effet, les tests effectués sur des babouins et des chiens conduisent à estimer pour l'homme une mortalité de 50 % au bout de 30 jours avec 9 mg, au bout d'un an avec 0,9 mg et 1 000 jours avec 0,4 mg[56].

L'apparition de fibroses et de tumeurs pulmonaires a été mise en évidence chez le chien et le rat après inhalation de composés peu solubles tels que les oxydes de plutonium : la relation dose-effet mise en évidence comporte un seuil d'apparition des tumeurs pour une dose au poumon autour de 1 Gy[56],[57]. Ce seuil d'apparition des tumeurs correspondrait chez l'homme à un dépôt pulmonaire d'environ 200 kBq, soit 87 µg) de 239PuO2[56].

Inflammabilité

Le plutonium présente un risque d'incendie, particulièrement lorsqu'il est sous forme de poudre finement divisée. En présence d'humidité, il forme à sa surface des hydrures qui sont pyrophoriques et sont susceptibles de prendre feu à température ambiante. Le risque est réel, et s'est matérialisé en 1969 par un important feu de plutonium au laboratoire national de Rocky Flats[58]. L'accroissement de volume résultant de l'oxydation du plutonium peut atteindre 70 % et briser les récipients de confinement[42]. La radioactivité de ce métal combustible constitue un risque supplémentaire.

L'oxyde de magnésium MgO est sans doute la substance la plus efficace pour éteindre un feu de plutonium : il refroidit le métal en agissant comme dissipateur thermique tout en coupant l'alimentation en oxygène de la combustion. Afin de prévenir les risques d'incendie, il est recommandé de manipuler le plutonium sous atmosphère sèche inerte[42].

Toxicologie

Le plutonium présente la toxicité d'un métal lourd au même titre que l'uranium, par exemple, mais elle est moins documentée que celle de ce dernier, et les études ne placent pas la toxicité chimique comme risque majeur associé au plutonium[59],[60]. Plusieurs populations exposées à des poussières de plutonium ont été suivies de près afin d'évaluer l'impact sur leur santé de leur contamination au plutonium[61], comme les personnes résidant à proximité de sites d'expérimentation nucléaires atmosphériques lorsqu'ils étaient autorisés, les personnes travaillant dans des installations nucléaires, les rescapés du bombardement atomique de Nagasaki, voire des patients « en phase terminale » de maladies mortelles à qui a été injecté du plutonium dans les années 1945-1946 pour en observer la métabolisation dans le corps humain. Ces études ne montrent généralement pas de toxicité particulièrement élevée pour le plutonium, avec des exemples de cas célèbres comme celui d'Albert Stevens, cité par Bernard Cohen (en)[60], qui vécut jusqu'à un âge avancé après avoir subi des injections de plutonium. Plusieurs dizaines de chercheurs du laboratoire national de Los Alamos ont également inhalé des quantités significatives de poussières de plutonium dans les années 1940 sans développer de cancer du poumon[62].

Certains discours antinucléaires[63],[64],[65],[66],[67],[68] affirment que « l'ingestion d'un seul millionième de gramme est fatale », ce qui n'est pas étayé par la documentation existante[69]. Les données épidémiologiques des membres du « club des UPPU[d] », c'est-à-dire des 26 personnes ayant travaillé au laboratoire national de Los Alamos sur du plutonium et en ayant ingéré au point qu'il était suivi dans les urines, montrent par exemple une mortalité et un taux de cancers inférieurs à la moyenne[70].

L'affirmation selon laquelle « Il suffirait de quelques centaines de grammes de plutonium répandue uniformément sur terre, pour y effacer toute forme de vie humaine »[68] n'est pas non plus conforme aux données disponibles. On estime en effet que la dispersion d'une masse de l'ordre du kilogramme sur une surface de quelques centaines de kilomètres carrés (soit dans un rayon d'environ 10 km) conduit à une contamination inférieure au centième de microgramme par mètre carré[67],[71], de sorte quelques centaines de grammes répartis uniformément à la surface de la Terre seraient bien en deçà de toute quantité détectable.

Il convient également de distinguer la radiotoxicité du plutonium 238, qui est particulièrement élevée, de celle du plutonium 239 employé par l'armée et l'industrie nucléaire, dont la radioactivité spontanée est sensiblement moindre. Ces deux isotopes sont produits en quantités très différentes, par des circuits distincts et pour des usages qui n'ont aucun rapport : le plutonium 238 est produit à raison de quelques kilogrammes essentiellement comme source d'énergie embarquée pour générateur thermoélectrique à radioisotope, tandis que le plutonium 239 est produit à raison de plusieurs tonnes pour tirer profit de sa nature d'isotope fissile dans des réacteurs nucléaires ou des armes nucléaires[72].

Toxicodynamique

Chez l'homme, le plutonium absorbé est transporté par des transferrines[73],[74],[75],[76] et est stocké dans le sang par la ferritine[77],[78],[79],[80] pour finir par s'accumuler essentiellement dans les os, également dans le foie, et, dans une moindre mesure, dans les poumons[81]. Il demeure dans le corps humain avec une demi-vie biologique d'environ 50 ans[82]. Un moyen courant d'en limiter les effets est d'injecter un complexe d'acide diéthylène-triamine penta-acétique[83],[84],[85] (DTPA, parfois appelé « acide pentétique ») avec du calcium[86] ou du zinc[87] dans les 24 h suivant la contamination, ce qui limite la fixation du plutonium, ainsi que de l'américium et du curium. D'autres chélateurs peuvent également être utilisés, comme l'entérobactine[88] et la déféroxamine, certains avec une meilleure efficacité que le DTPA, comme le 3,4,3-LIHOPO ou la DFO-HOPO[89] (déféroxamine-hydroxypyridinone).

On estime que chez l'Homme, 10 % du plutonium qui a franchi la barrière intestinale ou pulmonaire quitte le corps (via l'urine, et les excréments). Le reste après passage dans le sang se fixe pour moitié dans le foie et pour moitié dans le squelette, où il demeure très longtemps et pour partie à vie (Le DOE américain estime que la demi-vie dans l'organe est respectivement de 20 et 50 ans pour le foie et l'os, selon des modèles simplifiés ne tenant pas compte de redistributions intermédiaires (en cas de fracture et/ou de ménopause (cf. décalcification) et lors du recyclage normal de l'os, etc). Le DOE précise que le taux accumulé dans le foie et le squelette dépend aussi de l'âge de l'individu (l'absorption dans le foie augmente avec l'âge), et qu'en fait, le plutonium se fixe d'abord sur la surface corticale et trabéculaire des os avant d'être lentement redistribué dans tout le volume minéral osseux.

Applications

Militaires

Le plutonium 239 est un isotope fissile clé pour la réalisation d'armes nucléaires en raison de sa relative facilité de mise en œuvre et de sa disponibilité assez élevée. Il est possible de réduire la masse critique nécessaire à l'explosion en entourant le cœur de plutonium par des réflecteurs de neutrons qui ont le double rôle d'augmenter le flux de neutrons thermiques dans le cœur et de retarder l'expansion thermique de ce dernier afin d'y prolonger la réaction en chaîne et d'accroître la puissance de l'explosion nucléaire.

Une masse de 10 kg de plutonium 239 sans réflecteur suffit généralement pour atteindre la criticité[90] ; cette masse peut être divisée par deux par une conception optimisée. C'est environ le tiers de la masse critique de l'uranium 235.

La bombe Fat Man larguée sur Nagasaki par les États-Unis le 9 août 1945 utilisait une charge de 6,4 kg d'alliage plutonium-gallium 239Pu-240Pu-Ga 96:1:3 autour d'une source de neutrons d'amorçage Be-210Po le tout cerné de lentilles explosives comprimant le plutonium pour en accroître significativement la masse volumique et donc la puissance de l'explosion, qui atteignit l'équivalent de 20 000 t de TNT[91]. Il est en théorie possible de réduire la masse de plutonium nécessaire dans une arme nucléaire pour atteindre la criticité à moins de 4 kg moyennant une conception suffisamment élaborée.

Civiles

Le combustible nucléaire usagé provenant de réacteurs à eau légère conventionnels contient un mélange d'isotopes 238Pu, 239Pu, 240Pu et 242Pu. Ce mélange n'est pas suffisamment enrichi en plutonium 239 pour permettre la réalisation d'armes nucléaires mais peut être recyclé en combustible MOX. Les captures neutroniques accidentelles au cours de la réaction nucléaire accroissent la quantité de plutonium 240 et de plutonium 242 chaque fois que le plutonium est irradié dans un réacteur à neutrons thermiques de sorte que, à l'issue d'un premier cycle, le plutonium ne peut plus être utilisé que par des réacteurs à neutrons rapides. Si de tels réacteurs ne sont pas disponibles, ce qui est généralement le cas, le plutonium en excès est généralement éliminé en formant des déchets radioactifs à vie longue. La volonté de réduire la quantité de tels déchets et de les valoriser a poussé à réaliser davantage de réacteurs à neutrons rapides[92].

Le procédé chimique le plus courant, dit PUREX, permet le retraitement du combustible nucléaire usé en extrayant le plutonium et l'uranium qu'il contient afin de former un mélange d'oxydes dit MOX, essentiellement du dioxyde d'uranium UO2 et du dioxyde de plutonium PuO2, pouvant être utilisé à nouveau dans des réacteurs nucléaires. Du plutonium de qualité militaire peut être ajouté à ce mélange pour en accroître les performances énergétiques. Le MOX peut être utilisé dans les réacteurs à eau légère et contient environ 60 kg par tonne de combustible ; après quatre années d'utilisation, les trois quarts du plutonium sont consommés. Les surgénérateurs sont conçus afin d'optimiser l'utilisation des neutrons produits au cours de la réaction nucléaire en les utilisant pour produire, à partir d'atomes fertiles, davantage de matériau fissile qu'ils en consomment[92].

Le MOX est utilisé depuis les années 1980, notamment en Europe. Les États-Unis et la Russie ont signé, en , l'Accord de gestion et de traitement du plutonium (PMDA) par lequel ils entendent éliminer 34 tonnes de plutonium de qualité militaire ; le DOE américain prévoit d'avoir recyclé cette masse de plutonium en MOX avant la fin de l'année 2019[93].

Le MOX accroît le rendement énergétique total. Une barre de combustible nucléaire est retraitée après une utilisation de trois ans afin d'en extraire les déchets, qui représentent alors environ 3 % de la masse totale de ces barres[40]. Les isotopes d'uranium et de plutonium produits au cours de ces trois années d'exploitation[e] sont laissés dans la barre de combustible, qui retourne dans un réacteur pour y être utilisé. La présence de gallium jusqu'à hauteur de 1 % pondéral dans le plutonium de qualité militaire peut interférer avec l'utilisation à long terme de ce matériau dans un réacteur à eau légère[94].

Les plus grandes installations déclarées de recyclage du plutonium sont les unités B205 (en) et THORP (en)[f] de Sellafield, au Royaume-Uni ; l'usine de retraitement de la Hague, en France ; l'usine nucléaire de Rokkasho, au Japon ; et le complexe nucléaire Maïak en Russie ; il existe d'autres sites déclarés plus modestes, par exemple en Inde et au Pakistan.

Spatiales

Le plutonium 238 a une demi-vie de 87,74 ans. Il émet une grande quantité d'énergie thermique accompagnée de faibles flux de neutrons et de photons d'énergie gamma. Un kilogramme de cet isotope peut dégager une puissance thermique d'environ 570 W. Il émet principalement des particules α d'énergie élevée mais qui sont faiblement pénétrantes, de sorte qu'il ne nécessite qu'un blindage léger. Une feuille de papier suffit pour arrêter des rayons α[96].

Ces caractéristiques font de cet isotope du plutonium une source thermique particulièrement intéressante pour les applications embarquées devant fonctionner sans possibilité de maintenance directe pendant la durée d'une vie humaine. Il a par conséquent été utilisé comme source de chaleur dans les générateurs thermiques à radioisotope (RTG) et éléments chauffants à radioisotope (RHU) comme ceux des sondes Cassini-Huygens[97], Voyager, Galileo et New Horizons, ainsi que le rover Curiosity de Mars Science Laboratory.

Les sondes jumelles Voyager ont été lancées en 1977, chacune avec une source en plutonium libérant une puissance de 500 W. Plus de 30 ans plus tard, ces sources d'énergie libéraient encore une puissance de 300 W permettant un fonctionnement limité des sondes[98]. Une version plus ancienne de cette technologie alimentait les cinq Apollo Lunar Surface Experiments Packages à partir d'Apollo 12 en 1969[40].

Le plutonium 238 a également été utilisé avec succès pour alimenter des stimulateurs cardiaques afin d'éviter les interventions chirurgicales répétées pour remplacer la source d'énergie[99]. Le plutonium 238 a depuis été largement remplacé dans cet usage par les piles au lithium, mais il restait encore en 2003 entre 50 et 100 patients aux États-Unis équipés de stimulateurs cardiaques alimentés au plutonium 238[100].

Sécurité

Le plutonium étant susceptible d'être utilisé à des fins militaires ou terroristes, il fait l'objet de nombreux textes et conventions internationaux visant à en prévenir la prolifération. Le plutonium recyclé à partir de combustible nucléaire usé présente un risque de prolifération limité en raison de sa contamination élevée en isotopes non fissiles tels que le plutonium 240 et le plutonium 242, dont l'élimination n'est pas réalisable.

Un réacteur opérant avec un taux de combustion très faible produit peu de ces isotopes indésirables et laisse donc un matériau nucléaire potentiellement utilisable à des fins militaires. Le plutonium de qualité militaire est censé être constitué au moins de 92 % de plutonium 239, mais il est techniquement possible de faire exploser une bombe nucléaire de faible puissance à partir de plutonium ne contenant que 85 % de plutonium 239[g]. Le plutonium produit par un réacteur à eau légère avec un taux de combustion normal contient généralement moins de 60 % de plutonium 239, 10 % de plutonium 241 fissile et jusqu'à 30 % d'isotopes indésirables plutonium 240 et 242. On ignore s'il est possible de faire exploser un engin nucléaire constitué d'un tel matériau, cependant un tel engin pourrait probablement répandre de la matière radioactive sur une surface étendue.

L'Agence internationale de l'énergie atomique classifie ainsi tous les isotopes du plutonium, qu'ils soient fissiles ou non, comme matériau directement utilisable à des fins nucléaires, c'est-à-dire comme matériau nucléaire qui peut être utilisé pour la fabrication d'explosifs nucléaires sans transmutation ni enrichissement supplémentaire. En France, le plutonium est une matière nucléaire dont la détention est réglementée par le chapitre III du code de la Défense[102].

Origine

Le plutonium est un élément chimique qui est des plus rares dans la nature et presque exclusivement produit par l'homme de 1940 à nos jours. Cependant, de 4 à 30 kg de plutonium 239 seraient produits chaque année sur Terre par radioactivité α de l'uranium sur des éléments plus légers ainsi que sous l'effet des rayons cosmiques[103]. C'est le deuxième des transuraniens à avoir été découvert.

L'isotope 238Pu a été produit en 1940 en bombardant une cible d'uranium par du deutérium au cyclotron de Berkeley[104]. Durant le projet Manhattan, le plutonium 239 avait le nom de code 49, le '4' étant le dernier chiffre de 94 (le numéro atomique) et le '9', le dernier chiffre de 239, la masse atomique de l'isotope utilisé pour la bombe, le 239Pu[105].

Il n'y a plus de plutonium en quantités détectables remontant à une nucléosynthèse primordiale. Des publications anciennes font toutefois état d'observations de plutonium 244 naturel[106]. On trouve par ailleurs des traces de plutonium 239 dans les minerais d'uranium naturel (de même que du neptunium), où il résulte de l'irradiation de l'uranium par le très faible taux de neutrons créés par la désintégration spontanée de l'uranium.

Il a été produit plus massivement (et existe encore en quantités infimes) sous forme de 239Pu dans des structures géologiques particulières, où de l'uranium a été naturellement concentré par des processus géologiques il y a environ 2 milliards d'années, pour atteindre une criticité suffisante pour engendrer une réaction nucléaire naturelle. Son taux de formation dans le minerai d'uranium a ainsi été accéléré par des réactions nucléaires rendues possibles par un accident de criticité naturel. C'est le cas sur le site du réacteur nucléaire naturel d'Oklo.

Production

Plutonium 238

Chargement d'un générateur thermoélectrique à radioisotope au plutonium 238 sur le module lunaire Apollo.

Dans les centrales nucléaires, du plutonium 238 est formé parallèlement au plutonium 239, par la chaîne de transformation commençant par l'uranium 235 fissible.

Le plutonium 238, d'une demi-vie de 86,41 ans, est un émetteur très puissant de rayonnement α. En raison de son activité massique α et γ élevée, il est utilisé comme source de neutrons (par « réaction α » avec des éléments légers), comme source de chaleur et comme source d'énergie électrique (générateurs thermoélectriques à radiositopes). Les utilisations du 238Pu pour produire de l'électricité sont cantonnées aux utilisations spatiales, et, par le passé, à certains stimulateurs cardiaques.

On prépare le plutonium 238 à partir de l'irradiation neutronique du neptunium 237, un actinide mineur récupéré pendant le retraitement, ou à partir de l'irradiation de l'américium, en réacteur. Dans les deux cas, pour extraire le plutonium 238 des cibles, on les soumet à un traitement chimique, comportant une dissolution nitrique.

Il n'y a qu'environ 700 g/t de neptunium 237 dans le combustible des réacteurs à eau ordinaire irradié pendant 3 ans, et il faut l'extraire sélectivement.

Plutonium 239

L'irradiation de l'uranium 238 dans les réacteurs nucléaires génère du plutonium 239 par capture de neutrons. Dans un premier temps, un atome d'uranium 238 capture un neutron et se transforme transitoirement en uranium 239. Cette réaction de capture est plus facile avec des neutrons rapides qu'avec des neutrons thermiques, mais est présente dans les deux cas.

1
0n
+ 238
92U
239
92U
.

L'uranium 239 formé est fortement instable. Il se transforme rapidement (avec une demi-vie de 23,5 minutes) en neptunium par radioactivité β :

239
92U
239
93Np
+ e + νe.

Le neptunium 239 est également instable, et subit à son tour une décroissance β (avec une demi-vie de 2,36 jours) qui le transforme en plutonium 239 relativement stable (demi-vie de 24 000 ans).

239
93Np
239
94Pu
+ e + νe.

Le plutonium 239 est fissile, et il peut donc contribuer à la réaction en chaine du réacteur. De ce fait, pour le bilan énergétique d'un réacteur nucléaire, le potentiel énergétique de l'uranium présent dans le réacteur comprend non seulement celui de l'uranium 235 initialement présent, mais également celui de l'uranium 238 fertile qui aura été transmuté en plutonium.

Soumis à un flux neutronique en réacteur, le plutonium 239 peut également capturer un neutron sans subir de fission. Quand le combustible subit des périodes d'irradiation de plus en plus longues, les isotopes supérieurs s'accumulent de cette manière, en raison de l'absorption de neutrons par le plutonium 239 et ses produits. Il se forme ainsi des isotopes 240Pu, 241Pu, 242Pu, jusqu'au 243Pu instable qui se désintègre en américium 243.

L'isotope intéressant par son caractère fissile est le 239Pu, relativement stable à échelle humaine (24 000 ans).

Le rythme de production d'un isotope dépend de la disponibilité de son précurseur, qui doit avoir eu le temps de s'accumuler. Dans un combustible neuf, le 239Pu se forme donc linéairement en fonction du temps, la proportion de 240Pu augmente suivant une loi au carré du temps (en t2), celle de 241Pu suivant une loi au cube du temps (en t3), et ainsi de suite.

Ainsi, quand on utilise un réacteur spécifique pour la fabrication du « plutonium militaire », le combustible utilisé pour la production du plutonium aussi bien que les cibles et la couverture s'il y en a, sont extraits après un bref séjour (quelques semaines) dans le réacteur afin d'avoir l'assurance que le plutonium 239 est aussi pur que possible. En revanche, pour des usages civils, une brève irradiation n'extrait pas toute l'énergie que le combustible peut produire. On n'enlève donc le combustible des réacteurs électrogènes qu'après un séjour beaucoup plus long (3 ou 4 ans).

En première approximation, un réacteur produit typiquement 0,8 atome de 239Pu pour chaque fission de 235U, soit un gramme de plutonium par jour et par MW de puissance thermique (les réacteurs à eau légère produisant moins que les graphite-gaz). Ainsi, en France, les réacteurs nucléaires produisent chaque année environ 11 tonnes de plutonium[107].

Plutonium 240

Le 240Pu est simplement fertile et présente une radioactivité « seulement » quatre fois plus élevée que le 239Pu (avec une demi-vie de 6 500 ans).

Plutonium 241

Le 241Pu est également fissile, mais extrêmement radioactif (demi-vie de 14,29 ans).
En outre il se désintègre en produisant de l'américium 241 neutrophage, qui réduit par son accumulation éventuelle l'efficacité des dispositifs nucléaires militaires ou civils.

Plutonium 242

Le 242Pu a une durée de vie beaucoup plus longue que les précédents (373 000 ans). Il n'est pas fissile en neutrons thermiques. Sa section efficace est beaucoup plus faible que celle des autres isotopes ; le recyclage successif du plutonium en réacteur tend donc à accumuler le plutonium sous cette forme très peu fertile.

Plutonium 243

Le 243Pu est instable (demi-vie de moins de 5 heures) et se désintègre en américium 243.

Plutonium 244

Le plutonium 244, l'isotope le plus stable d'une demi-vie de 80 millions d'années, ne se forme pas dans les réacteurs nucléaires. En effet, les captures neutroniques successives partant de l'uranium 239 conduisent au 243Pu, de très faible demi-vie (de l'ordre de cinq heures). Même dans des réacteurs « à haut flux », le 243Pu se transforme rapidement en 243Am, sans avoir le temps de capturer un neutron supplémentaire pour former le 244Pu.

En revanche, des flux neutroniques plus importants permettent cette formation. Il est synthétisé lors des explosions nucléaires ou par nucléosynthèse stellaire lors de l'explosion d'une supernova. Ainsi, en 1952, l'explosion de la première bombe thermonucléaire américaine (test Ivy Mike) a ainsi produit deux radioisotopes alors encore inconnus : le plutonium 244 (244Pu) et le plutonium 246 (246Pu). Les traces de 244Pu dans l'environnement sont généralement attribuées aux essais nucléaires atmosphériques ainsi qu'à des reliquats de 244Pu primordial.

Stocks mondiaux

Après près de 70 ans d'une production mondiale toujours croissante, les stocks déclarés de plutonium atteignent un total de 500 tonnes à la fin de l'année 2013, dont 52 % d'origine civile et 48 % militaire[108]. Les stocks déclarés sont essentiellement répartis entre 5 pays :

Notes

  1. Les États-Unis ont ainsi fait exploser un engin nucléaire en 1962 à partir de combustible usé provenant d'un réacteur britannique Magnox, très probablement celui de la centrale nucléaire de Chapelcross, de type Calder Hall ; la composition isotopique de ce plutonium n'a pas été rendue publique mais n'excède certainement pas 85 % de plutonium 239[101].

Notes et références

  1. (en) « Alternatives to MOX - Direct-disposal options for stockpiles of separated plutonium [archive] », sur fissilematerials.org, (consulté le ).

Voir aussi

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Bibliographie

Articles connexes

Liens externes