Imprimer
Catégorie : Conspiration Du Silence
Affichages : 3140

- documentaires arté

 

 

REGARDER DOCUMENTAIRE ART2 DU 19 JUIN 2007 TOTALE CONTROLE SUR DAILYMOTION

ADRESSE/ http://www.dailymotion.com/tag/brother/video/x2b4il_total-controle

 

L'identification biométrique

Avec l'identification biométrique, les méthodes de surveillance utilisées pour la prévention de la criminalité franchissent une nouvelle étape. Sécurité pour tous ou société sous haute surveillance ?

Les temps où on identifiait les malfaiteurs à l’aide de leur signalement sont révolus. La criminalistique du XXIe siècle emploie des méthodes radicalement différentes : le passeport biométrique, destiné à combattre la criminalité à l'échelle mondiale, a été introduit en novembre 2005. Il est doté d'une carte à puce intégrée qui rend sa falsification plus difficile, et permet d'identifier son titulaire en excluant tout risque d'erreur. Le principe du passeport biométrique a d'ores et déjà été adopté par les Etats-Unis, l'Union européenne, le Japon, l'Australie, la Russie et la Suisse.

La biométrie, c'est l'utilisation de méthodes mathématiques et statistiques appliquées aux êtres vivants. Elle permet d'identifier les personnes en s’appuyant sur des caractéristiques physiques uniques. L'empreinte digitale en est l'exemple le plus connu. Il y a déjà plus d'un siècle qu'elle sert à identifier les individus grâce à 40 points caractéristiques de la peau des doigts, les dermoglyphes. En pleine ère du numérique, elle fait son grand retour : à partir de 2007, elle viendra s'adjoindre, sur la puce du passeport biométrique, aux autres indications que sont le nom, le sexe, la date de naissance et la nouvelle photo d'identité numérisée.

D'ici 2008, l'Allemagne équipera progressivement tous ses postes frontières d'appareils de lecture permettant d'analyser les données relatives au visage et aux empreintes digitales. Les voyageurs devront alors fixer une caméra de la manière la plus neutre possible et poser le doigt sur un scanner. La puce sans contact intégrée au passeport biométrique transmettra les données cryptées à un lecteur qui comparera les indications relevées à celles figurant sur le passeport. Cependant, le contrôle de douane entièrement automatisé n'est pas encore à l'ordre du jour : dans un premier temps, les douaniers devront sans doute faire face à divers dysfonctionnements.

Les premiers avis de recherche lancés avec des signalements remontent au Moyen-âge : la police diffusait des descriptions les plus précises possible des criminels pour les traquer. Au XIXe siècle, l'invention de la photographie marque une nouvelle étape dans l'histoire de la criminologie. Le criminologue français Alphonse Bertillon élabore un fichier des délinquants incarcérés et y consigne leurs mensurations, ainsi que leurs photographies de face et de profil. Il crée ainsi le premier système global d'identification des personnes. Par déduction, on en conclura qu'il est possible d'identifier les criminels potentiels en fonction de leur physique. En France, après la Première Guerre mondiale, le système sera alors généralisé à l'ensemble de la population : c'est la naissance de la première carte d'identité avec photographie.

De la collecte et de la comparaison des données biologiques à leur systématisation, il n'y a qu'un pas. Depuis le XVIIIe siècle, l'anthropométrie a fait le lit de bien des préjugés idéologiques, notamment sous le nazisme. Si les moulages de crânes de criminels du XIXe siècle ont été relégués dans les musées, la peur de l'étranger subsiste encore aujourd'hui dans la plupart des esprits.
Après les attentats du 11 septembre 2001, les Etats-Unis menaçaient de renforcer les contrôles de visas pour les Européens si l'Union européenne ne se décidait pas à faire figurer des données biométriques sur les passeports de ses ressortissants. Otto Schily, à l'époque ministre allemand de l'Intérieur, a alors fait passer le projet de passeport biométrique, qu'il a qualifié de "grande avancée, de mise à profit des progrès considérables de la biométrie pour améliorer la sécurité intérieure".
En Allemagne, les premières cartes d'identité biométriques devraient être délivrées en 2008. La biométrie fera alors partie intégrante de notre quotidien. Elle ne sera plus l'apanage des douaniers, mais sera également utilisée à des fins d’identification numérique par la police, les entreprises et les banques. La carte d'identité, réduite au format d'une carte de crédit, ne sera plus uniquement destinée à un usage administratif. On pourra aussi l'utiliser pour s'authentifier lors d'achats en ligne.

Les protecteurs de la vie privée regardent d'un œil inquiet l'avènement d'une société que l'on pourrait administrer par internet. En effet, le passeport biométrique n'est qu'un élément parmi d'autres dans un réseau de surveillance aux mailles toujours plus serrées. A l'avenir, la question de la confidentialité des données – l'endroit où elles sont stockées, et le degré de sécurité de leur stockage, de leur chiffrage et de leur gestion - sera un enjeu majeur. Il faut savoir que la mesure biométrique la plus fiable jusqu'à présent n'est ni l'empreinte digitale ni la photo d'identité numérisée, mais le scan de l'iris. Celui-ci n'a pas encore fait officiellement son entrée en Allemagne, mais y a déjà fait l'objet de tests concluants. La biométrie par l’œil consiste à stocker 250 caractéristiques qui distinguent un iris de tous les autres. Dans les aéroports, la formule a ses avantages pour les grands voyageurs : lorsqu'ils se présentent au contrôle de douane, ils n'ont pratiquement plus à faire la queue, et il leur suffit de fixer brièvement le scanner. A l'aéroport d'Amsterdam-Schipol, le système est opérationnel depuis octobre 2006.

En Allemagne, du moins jusqu'à présent, les données biométriques ne sont stockées que sur la puce du passeport électronique, et sont donc exclusivement en la possession de son titulaire. Mais aux Etats-Unis, les données biométriques sont systématiquement enregistrées à chaque passage à la frontière, et transmises aux services centraux. Tant que la question de la propriété de ces informations personnelles ne fera pas l'objet d'une législation unifiée pour toutes les parties prenantes au système de passeport électronique, on peut se demander si les gouvernements ne sont pas les seuls et uniques bénéficiaires de cette amélioration de la sécurité.

Curieusement, les citoyens ne semblent guère inquiets de la toujours plus grande traçabilité des données personnelles. "Le danger d'une surveillance totale par un organisme comparable à la Stasi à l'époque de la RDA n'est pas d'actualité en Allemagne," déclare Hartmut Lubomierski, chargé de la protection des données auprès de la ville de Hambourg. Il ajoute que "la vision cauchemardesque d'un Etat auquel la technique permettrait de contrôler tout et tout le monde a maintenant fait place à l'idée que la technique et l'enregistrement des données personnelles est un facteur de sécurité, à l'échelle des individus comme de l'Etat, et est à même de mieux satisfaire nos besoins de communication et d'information". Cette "sensation de sécurité" se voit confirmée par de premiers résultats positifs. Qu'on en juge plutôt : l'été dernier, lors de l’attentat à la gare de Cologne, deux poseurs de bombes ont été démasqués grâce à des caméras de surveillance, et les empreintes ADN relevées sur l'une de leurs valises ont permis de les identifier formellement.

La technique permettra-t-elle de venir à bout de la criminalité et du terrorisme ? Paradoxalement, le gain de sécurité que fournit le passeport électronique en incite d’aucuns à commettre des actions illicites, à savoir la captation de données et leur manipulation. Pour protéger ses données personnelles de toute intrusion et passer la douane sans crainte, on peut trouver un conseil averti sur internet : il suffit de passer le passeport biométrique quelques instants à la plus basse puissance du four micro-ondes pour neutraliser la puce. Ce qui, paraît-il, n'empêche pas le passeport d'être valide. Car après tout, un simple citoyen n'a aucun moyen de vérifier le bon état de la puce.

Bettina Reichmuth pour ARTE Magazine